Article 1er
(Texte non modifié par la commission)
Le premier alinéa de l'article L. 3132-27 du code du travail est ainsi rédigé :
« Chaque salarié privé de repos dominical perçoit une rémunération au moins égale au double de la rémunération normalement due pour une durée équivalente, ainsi qu'un repos compensateur équivalent en temps. »
Mme la présidente. La parole est à Mme Annie David, sur l'article.
Mme Annie David. Cet article 1er résulte de l’adoption par la commission des affaires sociales de l’Assemblée nationale d’un amendement issu d’une longue série déposée par le groupe GDR, plus particulièrement par nos amis M. Roland Muzeau et Mme Martine Billard, tendant à accorder aux salariés privés de repos dominical des contreparties, tant financières, à savoir le doublement du salaire, que matérielles, en offrant un temps de récupération, un repos compensateur.
La majorité a fait le choix de n’adopter qu’un seul des amendements de toute cette série, celui qui visait à prévoir le doublement du salaire et l’obtention d’un repos compensateur pour les seuls salariés travaillant cinq dimanches par an en raison des dérogations accordées par le maire.
Je conteste vigoureusement les fondements de cette position : selon vous, il est nécessaire de distinguer deux catégories de salariés : d’une part, celles et ceux qui sont contraints de travailler le dimanche dans les zones ou communes touristiques ou thermales, pour qui le dimanche deviendrait un jour de travail comme les autres…
Mme Annie David. … et qui, donc, ne bénéficieraient pas de contreparties, et, d’autre part, celles et ceux qui seraient « volontaires » – le volontariat étant tout relatif – et qui, pour le coup, mériteraient des compensations.
Votre position nécessite pour le moins quelques explications de fond sur les raisons qui vous conduisent à écarter les contreparties pour les salariés contraints de travailler le dimanche.
Pour notre part, nous sommes profondément opposés à cette distinction arbitraire et artificielle, considérant que les contreparties doivent reposer non pas sur un éventuel volontariat du salarié, mais sur l’effectivité du travail réalisé le dimanche.
Que les salariés soient contraints directement ou indirectement, il faut, selon nous, assurer une juste rémunération à tous ceux d’entre eux qui travaillent le dimanche pour le plus grand plaisir de quelques riches touristes qui viendraient, d’après le Gouvernement, acheter leur canapé, leur téléviseur ou – pourquoi pas ? – leur tondeuse à gazon sur nos côtes françaises avant de retourner en Chine, en Norvège ou aux États-Unis ! (Exclamations sur les travées du groupe socialiste.)
C’est la raison pour laquelle nous avons déposé sur cet article un amendement.
L’article 1er constitue bien sûr une avancée souhaitable pour les salariés concernés par l’ouverture dominicale des magasins les cinq dimanches accordés par le maire, puisqu’il clarifie la rédaction actuelle du code du travail et précise le temps de repos compensateur – ce n’était pas le cas auparavant – ainsi que la somme versée aux salariés, qui sera équivalente au salaire d’une journée. Cependant, il est très largement insuffisant, il opère une discrimination injuste entre salariés. Aussi, sauf adoption de notre amendement, nous nous abstiendrons lors du vote sur cet article.
Mme la présidente. La parole est à M. Daniel Raoul, sur l'article.
M. Daniel Raoul. Madame la présidente, je vous remercie de me donner la parole sur l’article 1er. Si j’avais pu m’exprimer sur la motion tendant au renvoi en commission, j’aurais mis un « s » à commission.
En effet, tout texte de loi devrait avoir en corollaire une étude d’impact. Je suis très surpris que la commission des affaires économiques n’ait pas été saisie, même pour avis, de cette proposition de loi.
Alors que sont évoqués à tout propos l’intérêt économique et l’économie touristique, la commission des affaires économiques n’est pas saisie de ce texte ! De quoi se préoccupe-t-elle donc, si ce n’est de l’intérêt économique et de l’emploi dans notre pays ?
Monsieur le ministre, je peux supposer que vous doutez du bien-fondé de cette étude d’impact…
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. C’est cela, le problème !
M. Daniel Raoul. … et que vous avez voulu court-circuiter les résultats de celle-ci. D’ailleurs, n’avez-vous pas agi de même s’agissant de la concertation avec les organisations syndicales ?
Première remarque, monsieur le ministre, pourquoi n’avez-vous pas eu le courage de déposer une « loi Darcos » sur le travail le dimanche, au lieu de faire porter ce texte par un parlementaire (Mme Gisèle Printz applaudit)…
Mme Raymonde Le Texier. Très bien !
M. Daniel Raoul. … ce qui permet de court-circuiter toute la concertation et d’éviter d’avoir un vote effectif des centrales syndicales, quelle que soit leur appartenance ?
M. Dominique Braye. M. Darcos n’était pas encore ministre du travail !
M. Daniel Raoul. Monsieur Braye, vous pouvez retourner dans votre département, je ne vous ai pas interpellé !
Deuxième remarque, je déplore le côté immoral de l’amnistie de pratiques illégales menées depuis une dizaine d’années par des gens qui continue à bafouer la loi et à qui vous allez donner l’absolution.
Un sénateur socialiste. Sans pénitence !
M. Daniel Raoul. Troisième remarque, – cela a été évoqué plusieurs fois, notamment lors de la discussion du projet de loi de développement et de modernisation des services touristiques, à propos de l’examen d’un amendement déposé par M. Maurey ou par M. Pozzo di Borgo, je ne me rappelle plus quel en était l’auteur – c’est à un véritable choix de société que nous sommes confrontés.
Il ne faut pas nous dire que 200 000 ou 300 000 emplois sont concernés. En fait, le Gouvernement est en train d’entrouvrir une porte, dont je ne sais quand elle sera refermée et dont j’ignore jusqu’à quel point elle sera ouverte.
Que le Président de la République, à Versailles, choisisse de faire référence au Conseil national de la Résistance ou au pacte social qui a été passé par notre pays depuis la Seconde Guerre mondiale dénote, selon moi, un manque certain de pudeur.
Depuis que vous êtes au pouvoir, mesdames, messieurs les membres de la majorité, vous n’avez de cesse de détricoter le pacte social qui avait été construit petit à petit. (Mme Raymonde Le Texier opine.) Le présent texte conforte ce travail de « détricotage » du code du travail.
Comment pouvez-vous prétendre que ce texte se situe dans la droite ligne du discours de Versailles, du Conseil national de la Résistance et du pacte social ? Si tel était le cas, nous signerions des deux mains, mais c’est en fait tout le contraire : ce texte relève d’une indéniable hypocrisie – je vous le dis sincèrement, monsieur le ministre –, à moins que vous n’ayez le courage de le porter en tant que projet de loi. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste. – Mme Annie David applaudit également.)
Mme la présidente. Je suis saisie de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 72, présenté par Mmes David, Hoarau et Pasquet, MM. Autain, Fischer et les membres du groupe communiste, républicain, citoyen et des sénateurs du parti de gauche, est ainsi libellé :
Rédiger comme suit cet article :
Tout salarié privé de repos dominical perçoit une rémunération au moins égale au double de la rémunération normalement due pour une durée équivalente, ainsi qu'un repos compensateur équivalent en temps.
La parole est à Mme Isabelle Pasquet.
Mme Isabelle Pasquet. Avec cet amendement, nous entendons modifier l’article 1er de cette proposition de loi, pour permettre à l’ensemble des salariés qui travaillent le dimanche de bénéficier d’une rémunération au moins égale au double de la rémunération due pour toute autre journée et d’un repos compensateur.
Nous avons eu l’occasion de le dire, notamment au cours de notre intervention sur cet article : nous considérons que tout salarié travaillant le dimanche, indistinctement du cadre dans lequel il effectue ce travail, doit bénéficier de compensations.
Cette question est pour nous fondamentale, puisque nous estimons que travailler le dimanche, jour commun de repos accordé en 1906 à tous les travailleurs de notre pays, constitue, qu’il soit volontaire ou subi, un effort particulier de nos concitoyens, d’autant plus que ce travail sera, pour quelques rares employeurs, créateur de richesses. Ces richesses, dès lors qu’elles sont la conséquence du travail des salariés, nous entendons en toute logique qu’elles soient partagées.
Voilà quelques mois, alors que notre pays plongeait dans la crise et que l’État multipliait les chèques en direction des banques et des groupes industriels, le Président de la République proposait ni plus ni moins de moderniser le capitalisme et de partager les richesses selon une répartition en trois tiers : un tiers pour les salariés, un tiers pour les actionnaires et un tiers pour la structure et son développement.
M. Louis Pinton. Le disque est rayé !
Mme Isabelle Pasquet. Aujourd'hui, au regard de cette proposition de loi, de ces belles formules, il ne reste rien !
En limitant les contreparties à une minorité de salariés, vous refusez que les richesses produites en raison du travail le dimanche soient partagées.
Quant à la modernisation du capitalisme, il s’agit là d’une belle chimère, et, en organisant le travail le dimanche sans contrepartie, vous renvoyez la France dans un passé ancien.
L’amendement que nous proposons est légitime. Il est attendu par nos concitoyens, y compris et d’abord par ceux qui se sont déclarés favorables au travail le dimanche. Ces derniers espéraient pouvoir y trouver un complément de salaire bien utile lorsque le salaire de base ne suffit plus pour vivre. Même ceux-là exigent qu’on leur assure une rémunération supplémentaire. Ils veulent qu’elle soit prévue par la loi.
Mme la présidente. L'amendement n° 140 rectifié, présenté par MM. Fortassin, Mézard, Collin, Alfonsi, Baylet, Barbier et Chevènement, Mme Laborde et MM. Milhau, de Montesquiou, Plancade, Tropeano, Vall et Vendasi, est ainsi libellé :
Au début de cet article, ajouter un paragraphe ainsi rédigé :
... . - L'article L. 3132-26 du code du travail est complété par deux alinéas ainsi rédigés :
« L'employeur fait appel aux seuls salariés volontaires qui ont exprimé leur demande par écrit.
« Le refus du salarié de travailler le dimanche ne constitue pas une faute ou un motif de licenciement. »
La parole est à M. Jacques Mézard.
M. Jacques Mézard. Cet amendement vise à offrir les mêmes garanties à l'ensemble des salariés qui travaillent le dimanche.
De la même façon que le texte prévoit une rémunération double et un repos compensateur pour les salariés des établissements de commerce de détail exceptionnellement ouverts par décisions du maire, il est utile de préciser que ces salariés doivent également bénéficier du principe du volontariat.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Isabelle Debré, rapporteur. L’amendement n° 72, qui prévoit de payer double tous les salariés qui travaillent le dimanche et de leur accorder un repos compensateur équivalent,…
M. Jean Desessard. C’est bien, ça !
Mme Isabelle Debré, rapporteur. … s’appliquerait dans tous les secteurs d’activité (M. Daniel Raoul s’exclame), et pas seulement dans le secteur du commerce de détail visé par la proposition de loi.
M. Jean Desessard. Ce n’est pas idiot !
Mme Isabelle Debré, rapporteur. Or cela risquerait de déstabiliser les secteurs d’activité qui fonctionnent de droit le dimanche depuis longtemps et qui ont développé leur propre contrepartie par la voie de la négociation collective.
Je souligne que, dans ce texte, sur l’initiative, d’ailleurs, de nos collègues du Nouveau Centre de l’Assemblée nationale, les négociations sont aujourd'hui obligatoires dans les zones touristiques, alors qu’elles ne l’étaient absolument pas jusqu’à maintenant. Cela constitue un net progrès.
S’agissant des PUCE, je rappelle que la négociation est obligatoire et que, en l’absence des compensations prévues, il y aura un référendum. De toute façon, le paiement double et le repos compensateur seront obligatoires. Je ne pense pas qu’il soit possible d’aller plus loin aujourd'hui.
J’en viens à l’amendement n° 140 rectifié. Dans le code du travail sont déjà prévues les contreparties auxquelles ont droit les salariés qui travaillent les cinq dimanches autorisés par le maire.
Le principe du volontariat n’a pas été retenu dans ce cadre, compte tenu du caractère très ponctuel de ces dérogations au repos dominical, sans que cela pose de réelles difficultés : en général, il y a en effet appel à candidatures et, selon une étude, les candidats sont trop nombreux à vouloir profiter de l’occasion de bénéficier des compensations financières – ce travail dominical est ponctuel –, au point que, souvent, l’employeur se voit obligé de procéder à un tirage au sort.
Aujourd'hui, le volontariat est de fait. Il ne me semble donc pas indispensable d’introduire cette règle dans le code du travail.
Néanmoins, je demande l’avis du Gouvernement.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Xavier Darcos, ministre. Avant de donner l’avis du Gouvernement, je souhaite formuler deux observations.
D’abord, je tiens à m’étonner de ce que M. Raoul me demande pourquoi je n’ai pas porté moi-même ce texte. Je trouve extrêmement surprenant qu’un parlementaire – je l’ai moi-même été – reproche à un autre parlementaire de déposer une proposition de loi. (Mme Marie-Thérèse Hermange applaudit.)
M. Alain Gournac. Incroyable !
M. Dominique Braye. Absolument ! C’est incroyable !
M. Xavier Darcos, ministre. Qu’un parlementaire trouve dommage qu’un autre parlementaire dépose une proposition de loi dépasse l’entendement !
Plus étrange encore, il demande à un ministre qui assume ses fonctions depuis cinq semaines seulement de se saisir d’une proposition de loi déposée voilà plusieurs mois !
M. Dominique Braye. Exactement !
M. Xavier Darcos, ministre. Je peux faire beaucoup de choses, mais je ne peux pas organiser l’illusion rétrospective du vrai.
Ensuite, sur l’amnistie supposée de ce texte, je répète que cette proposition de loi n’interrompt aucune des poursuites pénales et contentieuses en cours. (M. Dominique Braye s’exclame.)
Il peut être utile de répéter – bis repetita placent –, toutefois, j’apprécierais que l’on m’en dispense !
J’en viens à la question complexe et qui sera récurrente des deux catégories de salariés concernés par le travail dominical. Je ferai une réponse de principe circonstanciée à laquelle je me référerai systématiquement, pour éviter d’avoir à me répéter.
Il existe deux situations objectivement distinctes.
Dans le premier cas, les salariés savent, au moment de leur embauche, qu’ils seront amenés à travailler le dimanche : je pense aux personnels des restaurants, des hôpitaux, des stations-service, des cinémas ou à ceux qui exercent leur activité dans des zones touristiques ou dans des stations de sport d’hiver. Pour cette catégorie de personnels, le travail dominical constitue une caractéristique intrinsèque de l’emploi qu’ils occupent et nous ne saurions imaginer qu’ils soient dispensés de travailler le dimanche. Il s’agit d’une composition normale de l’activité, parfaitement connue et anticipée au moment de l’embauche. Il convient alors de laisser les partenaires sociaux négocier les contreparties, s’ils le souhaitent. C’est d’ailleurs ce qui se passe dans l’immense majorité des cas, vous le savez.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Heureusement !
M. Xavier Darcos, ministre. Dans le second cas, et c’est à cette catégorie que s’adresse plus particulièrement la proposition de loi, une autorisation administrative temporaire et individuelle est nécessaire pour travailler le dimanche. En effet, le salarié occupe un emploi ou exerce son activité dans une zone qui n’implique pas le travail dominical. Dans ce cas, le texte prévoit que le salarié bénéficie de contreparties spécifiques. S’il s’agit d’une situation particulière, des négociations entre les partenaires sociaux seront possibles, dans les conditions qui ont été rappelées par Mme le rapporteur.
C'est la raison pour laquelle nous avons cherché un équilibre juridique et économique entre ces situations différentes, que le texte entend pérenniser. En conséquence, le Gouvernement émet un avis défavorable sur l'amendement n° 72.
L'amendement n° 140 rectifié est plus complexe. Actuellement, les dérogations accordées par le maire, telles qu’elles sont prévues par l'article L. 3132-26 du code du travail, répondent à une demande ponctuelle et limitée des entreprises. Nous avons tous été maires – certains le sont encore – et nous savons qu’elles sont généralement accordées avant les fêtes de fin d’année ou à l’occasion d’autres grandes fêtes.
Il n’est pas envisagé, dans le cadre du présent texte, de modifier l’équilibre de ce dispositif. Toutefois, dans un souci de cohérence, la proposition de loi prévoit que les salariés qui travailleront le dimanche bénéficieront d’une double rémunération et d’un repos compensateur, dans la mesure où le travail dominical ne constitue pas une caractéristique intrinsèque de l’emploi qu’ils occupent, mais vise à satisfaire une exigence ponctuelle.
Si le salarié qui refuse de travailler le dimanche se voit sanctionner pour ce motif, le régime de droit commun s’appliquera. Il permet déjà à un salarié s’estimant victime d’une inégalité de traitement de saisir le juge et d’obtenir réparation du préjudice subi.
Je reconnais que l'amendement n° 140 rectifié est porté par une intention extrêmement louable. Cependant, puisque toutes les garanties sont déjà prévues, que ce soit dans le texte qui vous est soumis, dans le code du travail ou dans le régime du droit commun relatif au droit du travail, le Gouvernement en demande le retrait ; à défaut, il émettra un avis défavorable.
Mme la présidente. La parole est à Mme Annie David, pour explication de vote sur l'amendement n° 72.
Mme Annie David. Nous avons tous bien compris qu’il existait deux catégories de salariés. Ainsi, ceux qui travaillent déjà dans une zone touristique ou dans un commerce lié au tourisme, par exemple un hôtel, un restaurant – dans ce cas, la dérogation s’applique, même s’ils ne travaillent pas dans une zone touristique –, et qui savent, au moment même de leur embauche, qu’ils seront amenés à travailler le dimanche. En ayant postulé pour cet emploi, ils devaient s’y attendre !
Or ce texte élargit le champ des commerces qui pourront ouvrir le dimanche. Comme je l’ai souligné tout à l’heure, les touristes viendront sur nos côtes françaises pour acheter des canapés, des téléviseurs ou des tondeuses à gazon, car c’est de cela qu’il est question !
Dans les zones touristiques, les commerces ayant un lien avec l’activité touristique continueront d’ouvrir le dimanche. Nous ne contestons nullement les 180 dérogations qui sont déjà accordées à ce titre. En revanche, nous ne pouvons accepter que ce dispositif soit étendu à l’ensemble des commerces, c'est-à-dire à ceux qui n’ont absolument aucun lien avec le tourisme et qui ne sont pas concernés par l’activité de ski, de montagne ou de plage.
De plus, ces commerces auront désormais le droit d’ouvrir le dimanche toute l’année, quelle que soit leur activité, alors que cette autorisation ne concernait jusqu’à présent que les commerces situés dans les zones touristiques et ne valait que pendant certaines périodes définies par le préfet et clairement identifiées dans le code du travail. C’est cela que nous refusons.
Ainsi, le salarié d’un magasin de chaussures – je ne citerai aucune grande marque pour ne pas leur faire de publicité ! – n’imaginait pas, au moment de son embauche, travailler le dimanche : il supposait que le magasin serait fermé ce jour-là. Or si, par malchance, ce magasin se situe dans une zone touristique, car c’est comme cela qu’il faut dire les choses,...
M. Gérard Longuet. C’est une chance d’emploi !
Mme Annie David. ... ce salarié sera obligé de travailler le dimanche, même si ce n’était pas prévu initialement.
Mme Annie David. J’en viens aux PUCE. Le texte permet à tout commerce situé dans ce périmètre d’ouvrir le dimanche et prévoit des compensations pour les salariés concernés : le doublement de la journée de salaire et le repos compensateur, en l’absence d’accord entre les parties.
Mme Annie David. Je vous signale qu’un accord peut être moins favorable que la loi ! Quand vous affirmez que les salariés bénéficieront de ces contreparties, c’est faux !
M. Xavier Darcos, ministre. Il leur suffit de ne pas signer l’accord. C’est un raisonnement absurde !
Mme Annie David. Elles ne s’appliqueront qu’en l’absence d’accord et après référendum.
Vous savez très bien qu’il existera des accords propres à chaque commerce, qui s’appliqueront indépendamment de la convention collective. En l’absence de syndicat dans l’entreprise, les salariés n’auront d’autre choix que d’accepter !
De plus, ce texte ne prévoit aucune rétroactivité des contreparties fixées. Est-ce à dire que seuls les salariés embauchés après la promulgation de la loi bénéficieront du doublement de la journée de salaire et du repos compensateur, les autres n’étant pas concernés ? Il serait opportun que vous apportiez des éclaircissements à ce sujet, monsieur le ministre.
Je terminerai cette explication de vote par une précision.
M. Dominique Braye. Cela fait cinq minutes !
M. Jean Desessard. Mais c’est intéressant !
Mme Annie David. Monsieur le ministre, vous prétendez qu’aucun syndicat ne s’est opposé au rapport du Conseil économique et social. Or quatre syndicats ont voté contre : la CGT, la CFTC, l’UNSA et FO ; en outre, la CFDT ainsi que le groupe de l’artisanat et le groupe des associations se sont abstenus. Je parle du rapport de 2007 sur les mutations de la société et les activités dominicales. Peut-être faites-vous référence à un autre document ? (Exclamations et applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste.)
Mme la présidente. La parole est à M. André Lardeux, pour explication de vote.
M. André Lardeux. Si on voulait faire de la provocation, on pourrait être tenté de voter l’amendement n° 72. Cependant, j’ai bien entendu Mme le rapporteur souligner qu’il ne tenait pas économiquement.
Dans ce cas, qu’en est-il de l'article 1er, tel qu’il a été voté par l'Assemblée nationale ? Les contreparties prévues pour les salariés qui travailleront les cinq dimanches accordés par le maire constituent-elles un modèle qui tient économiquement partout ? Cela ne va-t-il pas introduire des différences assez considérables d’un commerce à l’autre et d’une région à l’autre ?
Par ailleurs, ce dispositif tient-il économiquement dans les PUCE ? Si, dans la pratique, ce n’est pas faisable, pourquoi nous demander de voter de telles dispositions ?
Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.
M. Xavier Darcos, ministre. Madame David, je souhaite vous rassurer sur trois points.
Tout d’abord, vous faites remarquer avec raison que les salariés ne seront payés double qu’en l’absence d’accord salarial. En conséquence, selon vous, ils ne sont pas protégés. Bien sûr que si ! S’ils ne jugent pas l’accord convenable, ils refuseront de le signer et ils percevront une double rémunération. Et s’il n’y a pas de syndicat dans l’entreprise, aucun accord ne pourra être conclu et les contreparties prévues par le texte s’appliqueront alors. Vous le voyez, les précautions qui ont été prises sont très favorables aux salariés.
Ensuite, ceux qui sont employés aujourd’hui dans des zones de commerces généraux et qui travaillent le dimanche verront leur situation changer lorsque ces zones feront parties d’une PUCE. En effet, il n’existe pas de PUCE aujourd’hui. Aussi, par définition, la loi crée un système nouveau et tous ceux qui travailleront dans ces PUCE, sans exception, quelle que soit leur situation ex ante, seront bien sûr concernés par l’accord salarial.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. On verra !
M. Xavier Darcos, ministre. Enfin, il n’y a qu’un seul texte du Conseil économique et social qui fait autorité sur les questions que nous nous posons aujourd'hui, il n’y en a pas d’autre ! C’est le rapport de M. Léon Salto du mois de février 2007, et non l’étude présentée par M. Jean-Paul Bailly, à laquelle vous faites allusion. Je le répète : la CFDT, la CFTC, la CGC ont voté pour, la CGT et FO se sont abstenus.
Quant à la question des cinq dimanches, j’ai déjà répondu indirectement à M. André Lardeux et je n’y reviens donc pas.
Mme la présidente. La parole est à Mme le rapporteur.
Mme Isabelle Debré, rapporteur. Monsieur Lardeux, la disposition prévue par l'amendement n° 72 ne tient pas économiquement car elle prévoit le doublement de la rémunération dans tous les secteurs d’activité, y compris les cafés et les restaurants. Ce n’est pas possible.
Quant aux établissements situés dans les PUCE, si leurs responsables considèrent qu’il n’est pas rentable de les ouvrir le dimanche, ils resteront fermés ! (MM. Michel Houel et Jackie Pierre applaudissent.)
Mme la présidente. La parole est à M. Jean Desessard, pour explication de vote.
M. Jean Desessard. Madame le rapporteur, on entend souvent dire dans cet hémicycle que certaines professions, notamment les métiers de bouche et la restauration, manquent de main-d’œuvre : « Les gens ne veulent pas travailler, on a du mal à trouver du personnel ; du travail, il y en a... » Ne serait-ce pas dû au fait que, dans ces secteurs, les conditions de travail sont difficiles et que les salariés sont amenés à travailler le dimanche sans compensation financière ? Avez-vous étudié cette question ?
N’y aurait-il pas un rapport entre la difficulté de certains secteurs à trouver du personnel qui devra travailler le dimanche et l’absence de compensation financière pour ce travail ? Avez-vous fait ce rapprochement, madame le rapporteur ?
M. Gérard Longuet. Nous en sommes aux explications de vote !
M. Jean Desessard. J’entends souvent dire sur les travées de la majorité : les gens ne veulent pas travailler, il y a du travail, mais on ne trouve pas de personnel. Lorsqu’on vous demande quels métiers sont concernés, vous évoquez les métiers de bouche, la restauration et d’autres métiers où l’on travaille le dimanche et où les conditions de travail sont difficiles.
Mme la présidente. La parole est à M. Michel Houel pour explication de vote.
M. Michel Houel. J’ai l’impression que peu de membres de cette assemblée ont été en rapport avec le commerce dans leur vie professionnelle.
M. Michel Houel. En effet, madame Borvo Cohen-Seat, vous avez évoqué tout à l'heure la fermeture de la Samaritaine et le départ de deux mille salariés. Mais la question est de savoir si ce type de commerce est aujourd'hui approprié. La Samaritaine ne l’était plus et c’est pourquoi il a fallu la supprimer. Un commerce vit et meurt. Le personnel n’était pas du tout adapté à la vente de prêt-à-porter haut de gamme, alors qu’il était habitué à vendre de la quincaillerie auparavant.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Qu’est-ce qu’il faut entendre !
M. Michel Houel. Par ailleurs, monsieur Desessard, il faut savoir que 80 % des jeunes qui sortent d’apprentissage dans les métiers de l’hôtellerie et de la restauration ne poursuivent pas dans cette filière, c’est-à-dire qu’ils n’y travailleront pas, et ce non pas simplement pour une question de salaire, mais également en raison des contraintes du week-end.