Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. La parole est à Mme Annie David, pour explication de vote.
Mme Annie David. Lors de l’examen d’un précédent amendement, M. le ministre m’avait affirmé que nous aurions une discussion sur les conventions et les accords, afin que nous sachions si un accord collectif peut être moins favorable que la loi. Or il vient de se contenter de dire : « Même avis que la commission ».
M. Xavier Darcos, ministre. Mais c’est parce que je partage effectivement cet avis ! N’est-ce pas une bonne raison ? (Sourires.)
Mme Annie David. Tout à l’heure, vous promettiez un avis et un débat, et là vous me renvoyez à un argument qui ne tient pas la route ! (M. Jean Desessard s’esclaffe.)
Mme Isabelle Debré, rapporteur. Ce que je dis ne tient pas la route ? (Sourires.)
Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.
M. Xavier Darcos, ministre. Puisque vous le souhaitez, je vais développer ma réponse. J’ai tout mon temps et je peux me coucher tard… (Sourires.)
La proposition de loi prévoit une rémunération double et un repos compensateur en cas d’absence d’accord collectif applicable pour les salariés des entreprises bénéficiant des dispositions de l’article L. 3132-20.
En revanche, si un accord collectif a été négocié dans le secteur considéré, les choses sont très claires : celui-ci s’applique. Le Gouvernement n’entend pas limiter la capacité de négociation des partenaires sociaux.
Mme Annie David. Voilà !
M. Xavier Darcos, ministre. Dans ces conditions, je ne peux qu’être défavorable à votre amendement : la proposition de loi répond déjà à votre souhait s’agissant des contreparties pour les salariés travaillant le dimanche, en raison d’une dérogation issue de l’article L. 3132-20, tout en préservant la liberté de négociation des partenaires sociaux.
Vous le constatez, c’est exactement ce que vous a dit Mme Debré. C’est pourquoi je vous disais que nous avions même avis. Mais je suis tout à fait disposé, pour chacune de mes réponses, à répéter ce qui vous aura déjà été dit.
Mme Annie David. Vous acceptez donc qu’un accord d’entreprise soit moins favorable que la loi, même dans le commerce !
Mme la présidente. Je suis saisie de deux amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° 44, présenté par M. Desessard, Mmes Blandin et Boumediene-Thiery, M. Muller et Mme Voynet, est ainsi libellé :
Après l’article 1er, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Après le premier alinéa de l’article L. 3132-31 du code du travail, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Lorsque l’établissement, sur injonction de l’inspecteur du travail, n’est pas en mesure de produire une autorisation prévue par les articles L. 3132-20 et L. 3132-25-1, ce dernier peut demander en référé la fermeture administrative de l’établissement. »
La parole est à M. Jean Desessard.
M. Jean Desessard. Si l’on ne veut pas qu’une exploitation abusive de l’extension des dérogations au repos dominical se développe, il est indispensable de renforcer l’effectivité des sanctions.
Nous avons tous en tête des exemples de contentieux durant depuis plusieurs années, notamment à Plan-de-Campagne, dont la situation a conduit à la présente proposition de loi.
Nos avis divergent : alors que certains prônent l’amnistie, pour notre part, nous nous y refusons, d’où notre opposition à ce texte. Malgré tout, nous pourrions au moins nous mettre d’accord sur cet amendement, dont l’adoption permettrait au Parlement d’affirmer sa volonté d’éviter de nouveaux contentieux d’ouverture illégale, en offrant une garantie contre les dérives supplémentaires. Dans ce cas, nous entendons permettre à l’inspecteur du travail de demander en référé la fermeture administrative de l’établissement visé.
Mme la présidente. L’amendement n° 74, présenté par Mmes David, Hoarau et Pasquet, MM. Autain, Fischer et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :
Après l’article 1er, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L’article L. 3132-31 du code du travail est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Lorsque l’établissement, sur injonction de l’inspecteur du travail, n’est pas en mesure de produire une autorisation prévue par les articles L. 3132-20 et L. 3132-25-1, ce dernier peut demander en référé la fermeture administrative de l’établissement. »
La parole est à Mme Annie David.
Mme Annie David. Nous souhaitons nous aussi renforcer les sanctions à l’encontre des établissements qui ne respecteraient pas la législation en vigueur concernant les dérogations au repos dominical que cette proposition de loi multiplie.
Monsieur le ministre, un amendement similaire déposé à l’Assemblée nationale a reçu un avis défavorable de la commission et de vous-même, au motif, avez-vous dit, que « cette faculté, au demeurant fort légitime, est déjà prévue par le code du travail ».
Vous aviez alors fait référence à l’article L. 3132-31 de ce code, aux termes duquel « L’inspecteur du travail peut, nonobstant toutes poursuites pénales, saisir en référé le juge judiciaire pour voir ordonner toutes mesures propres à faire cesser dans les établissements de vente au détail et de prestations de services au consommateur l’emploi illicite de salariés en infraction aux dispositions des articles L. 3132-3 et L. 3132-13. »
Permettez-moi donc de revenir plus précisément sur ces deux derniers articles.
D’une part, l’article L. 3132-3 du code du travail voit sa rédaction modifiée ainsi par l’article 2 de la proposition de loi : « Dans l’intérêt des salariés, le repos hebdomadaire est donné le dimanche ». Cette formulation n’est pas satisfaisante, car, trop floue, elle ne permet pas aux inspecteurs du travail de s’y référer en toute sécurité.
Du reste, le repos dominical ne doit pas, selon nous, relever du seul intérêt des salariés ; mais nous y reviendrons ultérieurement.
D’autre part, l’article L. 3132-13 concerne uniquement les commerces de détail alimentaire ayant obtenu des dérogations permanentes.
En visant dans cet amendement l’article L. 3132-20, relatif aux dérogations accordées par le préfet, et l’article L. 3132-25-1, relatif aux dérogations accordées aux PUCE, nous entendons donc aller plus loin que le dispositif existant.
Monsieur le ministre, contrairement à ce que vous voudriez nous faire accroire, votre opposition ne repose pas sur des fondements juridiques. Il s’agit là d’une argutie pour éviter un renforcement des sanctions à l’encontre des contrevenants. Le moins que l’on puisse dire, c’est que ces derniers ont su trouver le chemin de vos oreilles !
Pourtant, l’adoption de l’amendement n° 74 permettrait au Parlement d’affirmer sa volonté d’éviter, grâce au renforcement des sanctions, des contentieux supplémentaires liés à de nouvelles ouvertures illégales. Cela répondrait d’ailleurs, me semble-t-il, à nombre des préoccupations soulevées tout à l’heure par plusieurs de mes collègues, lesquels se sont inquiétés à juste titre de ces situations illégales, qui pourraient être par la suite légalisées par un projet de loi ou – mieux encore… – par une proposition de loi.
De telles dérives ne manqueront pas de se répéter au cours des prochaines années et seront, à n’en point douter, encore une fois légalisées à l’occasion d’une révision de cette proposition de loi.
Afin que la nouvelle loi qui sera issue de cette session extraordinaire soit respectée, il faut, de notre point de vue, durcir les sanctions à l’égard des contrevenants. C’est là tout le sens de cet amendement.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Isabelle Debré, rapporteur. Le fait de priver un salarié de repos dominical en dehors des dérogations prévues par la loi est sanctionné – c’est bien normal – par une contravention qui nous paraît suffisamment dissuasive.
L’employeur encourt ainsi une amende de 1 500 euros par salarié employé illégalement le dimanche, et de 3 000 euros en cas de récidive. De plus, le juge des référés peut également ordonner la fermeture d’un établissement sous astreinte.
C’est la raison pour laquelle la commission émet un avis défavorable sur les amendements nos 44 et 74.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Xavier Darcos, ministre. Je partage l’avis exprimé par Mme le rapporteur. Monsieur Desessard, je le répète, il ne s’agit pas d’une proposition de loi d’amnistie, puisque aucune des poursuites actuellement engagées ne sera interrompue. Je le répéterai d’ailleurs autant de fois qu’il sera nécessaire. Bis, ter, quatuor, repetita placent…
M. Jean-Pierre Fourcade. Ad finitum !
M. Charles Revet. M. Desessard aime la répétition !
M. Xavier Darcos, ministre. Madame David, je ne peux que vous répéter ce que j’ai dit à l’Assemblée nationale, et la nouvelle rédaction de l’article L. 3132-3 du code du travail, qui commence désormais par les mots « dans l’intérêt des salariés », n’y change rien. Sans être un spécialiste, je ne vois pas en quoi une telle précision modifie le raisonnement que j’ai tenu devant vos collègues députés : actuellement, l’inspecteur du travail peut déjà saisir en référé un juge judiciaire pour voir ordonner toutes mesures propres à faire cesser un emploi illicite des salariés en infraction aux dispositions de l’article L. 3132-3.
Par conséquent, je confirme que je suis tout à fait défavorable à ces amendements nos 44 et 74.
Mme la présidente. La parole est à Mme Annie David, pour explication de vote.
Mme Annie David. Notre amendement vise à ajouter au sein de l’article L. 3132-31 du code du travail la référence à l’article L. 3132-25-1, qui n’existait pas jusqu’à présent puisqu’il est créé par la proposition de loi !
Cette dernière prévoit ainsi de nouvelles dérogations, à l’article L. 3132-25, entièrement réécrit, et aux six articles supplémentaires qui lui sont adjoints, notamment l’article L. 3132-25-1.
Les sanctions applicables actuellement, vous l’avez rappelé avec raison à l’Assemblée nationale, visent les infractions aux dispositions des articles L. 3132-3 et L. 3132-13. Nous demandons que celles-ci s’appliquent également aux nouvelles dérogations créées dans ce texte de loi et qui, pour le moment, ne figurent pas dans le code du travail.
Votre réponse est donc incomplète. Au demeurant, si des sanctions existent aujourd’hui, malheureusement, elles ne sont pas vraiment appliquées. Je veux bien vous entendre quand vous dites que les procès en cours ne seront pas interrompus et que les grandes enseignes, notamment, qui doivent beaucoup d’argent, paieront. Peut-être viendrez-vous vous-même nous annoncer bientôt la bonne nouvelle !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Aïe, aïe, aïe !
Mme Annie David. En attendant, puisque l’article L. 3132-25-1 n’existait pas dans le code du travail, il serait bon de l’assortir de quelques sanctions si toutefois il n’était pas respecté. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste.)
M. Jean Desessard. La répétition a du bon !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. C’est pédagogique !
Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.
M. Xavier Darcos, ministre. L’article L. 3132-31 constitue une loi générale, qui vise en particulier les employeurs ne respectant pas le code du travail. Vous souhaitez le compléter pour sanctionner éventuellement les manquements aux nouvelles dérogations prévues dans la proposition de loi. Mais on ne peut pas sanctionner des personnes qui appliquent le droit à déroger !
Je le répète, je ne comprends pas l’objet de cet amendement.
M. Charles Revet. Très bien !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. L’incompréhension entre nous est totale, monsieur le ministre !
Mme la présidente. L’amendement n° 66, présenté par M. Desessard, Mmes Blandin et Boumediene-Thiery, M. Muller et Mme Voynet, est ainsi libellé :
Après l’article 1er, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
La présente loi n’entrera en vigueur qu’après la signature d’un accord interprofessionnel tel que prévu par le code du travail.
La parole est à M. Jean Desessard.
M. Jean Desessard. Dans le chapitre préliminaire du code du travail actuellement en vigueur, les articles L. 1, L. 2 et L. 3 définissent les modalités du dialogue social entre le Gouvernement, les entreprises et les représentants des salariés.
Aux termes de l’article L. 1, « tout projet de réforme envisagé par le Gouvernement qui porte sur les relations individuelles et collectives du travail, l’emploi et la formation professionnelle et qui relève du champ de la négociation nationale et interprofessionnelle fait l’objet d’une concertation préalable avec les organisations syndicales de salariés et d’employeurs représentatives au niveau national et interprofessionnel en vue de l’ouverture éventuelle d’une telle négociation ».
Pour appliquer la législation en vigueur dans le code du travail, il est indispensable que les partenaires sociaux soient saisis avant que la loi n’entre en vigueur.
Monsieur le ministre, peut-on prôner la rénovation du dialogue social et se passer de l’avis et des propositions des partenaires sociaux lorsqu’on réforme une disposition aussi importante du code du travail ? Je vous rappelle en effet que la grande majorité des partenaires sociaux souhaitent que des discussions sur un accord interprofessionnel soient ouvertes préalablement à la mise en application du texte.
Aussi, nous vous proposons d’insérer, après l’article 1er, un article additionnel précisant que la présente loi n’entrera en vigueur qu’après la signature d’un accord interprofessionnel tel que prévu par le code du travail.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Isabelle Debré, rapporteur. Monsieur Desessard, comme je l’ai dit en commission, j’ai eu un petit peu de mal à comprendre cet amendement. Vous souhaitez subordonner l’entrée en vigueur de la loi à la conclusion d’un accord national interprofessionnel, mais vous ne précisez pas sur quoi ce dernier devrait porter : sur le texte lui-même, sur les dispositions ?
M. Jean Desessard. Sur les dispositions !
Mme Isabelle Debré, rapporteur. Faute d’une rédaction suffisamment précise, la commission a donc émis un avis défavorable sur cet amendement.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Xavier Darcos, ministre. Monsieur Desessard, lors de l’examen du premier amendement, l’amendement n° 7, j’ai déjà répondu sur ce sujet. Le législateur prend toutes ses responsabilités, en particulier dans le cadre d’une proposition de loi. Cela n’interdit pas les négociations, qui ont d’ailleurs eu lieu. Mais il est hors de question de modifier aujourd’hui l’organisation à la fois législative et réglementaire au détour de ce texte.
Je suis donc défavorable à cet amendement.
Mme la présidente. L’amendement n° 73 rectifié, présenté par Mmes David, Hoarau et Pasquet, MM. Autain, Fischer et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :
Après l’article 1er, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le refus du salarié de travailler le dimanche ne peut être pris en compte pour l’attribution ou non d’une augmentation de salaire et ne peut déterminer l’attribution de primes et leur montant.
Un décret précise les conditions dans lesquelles la Haute autorité de lutte contre les discriminations peut être saisie et rend un avis sur la situation individuelle portée devant elle.
La parole est à Mme Isabelle Pasquet.
Mme Isabelle Pasquet. À l’occasion des débats à l’Assemblée nationale, le député Richard Mallié, auteur de la proposition de loi que nous examinons aujourd’hui, a tenté de la présenter comme un texte censé défendre les intérêts des salariés. Il a notamment indiqué : « Il n’y a pour moi aucune honte à faire en sorte que, en période de crise, d’augmentation phénoménale du chômage, ces salariés conservent leur emploi. »
Cette déclaration met en lumière ce que nous ne cessons de dénoncer : il nous est demandé de voter une loi d’exception, destinée à un nombre restreint de grands patrons qui pratiquent le chantage permanent.
À écouter M. Mallié, si ce texte n’était pas adopté, ce seraient 15 000 salariés qui risqueraient le licenciement. Il faudrait donc, pour satisfaire les employeurs qui brandissent la menace du licenciement, revenir sur une règle datant de 1906.
Le groupe CRC-SPG entend protéger tous ces salariés qui subissent presque quotidiennement cette situation de pression permanente sur l’emploi, source de grand stress.
Nous souhaitons, par cet amendement, préciser que le « refus du salarié de travailler le dimanche ne peut être pris en compte pour l’attribution ou non d’une augmentation de salaire et ne peut déterminer l’attribution de primes et leur montant ».
Il s’agit d’une disposition d’autant plus importante que, déjà, des patrons de différentes enseignes, notamment de bricolage, ont fait savoir qu’ils jugeaient légitime de favoriser le développement de carrière des salariés travaillant le dimanche.
Notre proposition présente l’avantage de rappeler aux employeurs le cadre légal dans lequel doit s’inscrire le refus du salarié de travailler le dimanche, tout en offrant à ces derniers la force de la précision législative.
En commission, Mme le rapporteur ne s’y est pas déclarée défavorable ; elle a simplement regretté que rien n’ait été prévu quant au contrôle. Nous avons donc rectifié notre amendement en y intégrant la possibilité de saisine de la Haute Autorité de lutte contre les discriminations et pour l’égalité.
En effet, à n’en pas douter, l’application d’un traitement différencié sur des fondements non légitimes, en l’occurrence le refus de travailler le dimanche, constitue une discrimination illégale et rend la HALDE totalement compétente.
Afin de conserver la compétence des inspecteurs du travail, qui n’ont théoriquement à connaître que des conflits collectifs, la compétence de la HALDE nous a semblé s’imposer : son avis n’empiétera pas sur le champ judiciaire, mais pourra, le cas échéant, éclairer les juridictions.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Isabelle Debré, rapporteur Je vais m’exprimer, au nom de la commission, sur l’amendement n° 73 et non sur l’amendement n° 73 rectifié, qui n’a pas été transmis à la commission.
Il s’agit d’interdire à l’employeur de prendre en compte le refus du salarié de travailler le dimanche lorsque vient le moment de décider du versement des primes et des augmentations de salaire.
Dans la pratique, il risque d’être difficile de contrôler le respect d’un tel principe. C’est la raison pour laquelle la commission a souhaité connaître l’avis du Gouvernement.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Xavier Darcos, ministre. Madame Pasquet, le refus de travailler le dimanche peut être, selon vous, préjudiciable à la carrière du salarié et à sa rémunération. Nous en convenons.
Encore faut-il préciser que cela est d’ores et déjà prévu par l’ensemble des textes. En ce qui concerne les dérogations administratives individuelles, le texte garantit le salarié contre toute mesure discriminatoire dans le cadre de l’exécution de son contrat de travail. De ce point de vue, votre souhait, au demeurant légitime, est satisfait.
Dans tous les autres cas où le travail du dimanche constitue une caractéristique intrinsèque de l’emploi, nous souhaitons préserver les équilibres actuels : le fait qu’un travail le dimanche devienne durable pourra constituer une modification du contrat de travail qui suppose l’accord des salariés.
Quelle que soit la légitimité de cet amendement, il est déjà satisfait par les textes actuels, y compris d’ailleurs dans sa version rectifiée : le renvoi à la HALDE si un refus était opposé à une femme qui, confrontée à une maternité, voudrait cesser de travailler le dimanche. Elle serait évidemment soutenue d’emblée par le juge administratif, par l’inspection du travail, voire par la HALDE, si cette dernière était saisie.
C’est dire que l’état actuel de la législation rend cet amendement superflu.
Je demande, au nom du Gouvernement, son retrait, car il ne fait que confirmer l’état actuel de la loi et de la réglementation. S’il était maintenu, l’avis serait défavorable.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Tout cela, parce qu’il faut un vote conforme !
Mme la présidente. Quel est maintenant l’avis de la commission ?
Mme Isabelle Debré, rapporteur. Je m’exprime à titre personnel : après avoir entendu les explications de M. le ministre, je demande le retrait de cet amendement. Sinon, l’avis serait défavorable.
Mme la présidente. Madame Pasquet, l'amendement n° 73 rectifié est-il maintenu ?
Mme Isabelle Pasquet. Je le maintiens, madame la présidente.
Mme la présidente. L'amendement n° 106, présenté par Mmes David, Hoarau et Pasquet, MM. Autain, Fischer et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :
Après l'article 1er, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Chaque salarié qui travaille le dimanche bénéficie du paiement intégral des frais de transport supplémentaires, du paiement intégral des frais supplémentaires liés à la garde des enfants et du paiement intégral des frais de repas supplémentaires, consécutifs au travail le dimanche.
La parole est à M. Michel Billout.
M. Michel Billout. Cet amendement vise à prévoir, parmi les contreparties destinées aux salariés, la prise en charge d’un certain nombre de frais qu’ils pourraient avoir à assumer en raison du travail dominical.
Tel pourrait être le cas des frais de transport supplémentaires, tenant notamment à l’éloignement entre leur lieu de travail et leur lieu d’habitation, ou encore des frais de garde de leurs enfants.
Cette question des frais de garde est d’autant plus importante que, nous le savons tous, la majorité des salariés de la grande distribution sont des femmes souvent en situation de grande précarité compte tenu des faibles niveaux de salaire, des femmes qui élèvent parfois seules leurs enfants. Et pourtant, bien que nous soyons tous conscients de cette situation, la proposition de loi que nous étudions aujourd’hui est curieusement muette sur ces questions.
Interrogé à l’Assemblée nationale sur une série d’amendements similaires, vous avez, monsieur le ministre, un temps tenté de louvoyer, avant de répondre étonnamment : « Le texte porte sur le travail du dimanche, pas sur tous les problèmes sociologiques », un peu comme si le législateur n’avait pas à se soucier des conséquences qui résulteraient de ses travaux !
Surprenante réponse puisqu’elle nous renvoie à votre propre obstination à priver la représentation nationale d’une étude d’impact qui aurait pu être utile pour aborder sereinement ces questions.
Concernant la garde des enfants, le petit bricolage qui pourrait consister à confier ses enfants aux grands-parents ou à des proches n’est pas satisfaisant, puisque tout le monde ne pourra pas bénéficier d’une aide familiale, ne serait-ce que pour des problèmes de proximité de domicile. Ce bricolage est d’autant moins satisfaisant qu’on ne peut accepter que les salariés qui travaillent le dimanche soient contraints de faire appel à la solidarité familiale sous prétexte que les représentants de la nation, les législateurs, n’auraient pas pris la peine d’accompagner les évolutions sociales, sociétales et sociologiques qui résultent de la généralisation du travail le dimanche.
Poussé dans vos retranchements, vous avez même osé dire : « Nous n’obligeons personne à travailler le dimanche ! ».
M. Michel Billout. Il s’agit soit d’un déni de réalité, soit d’une méconnaissance de la proposition de loi elle-même, puisque dans les zones touristiques, les salariés n’auront pas le choix, le travail le dimanche sera de droit.
Et c’est précisément parce que ces dérogations sont de droit, qu’elles ont, en quelque sorte, une force obligatoire sur les salariés, que nous devons prévoir les solutions pour permettre aux salariés d’accomplir le travail qu’on leur imposera demain dans des conditions un peu moins difficiles et injustes.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Isabelle Debré, rapporteur. Je vais vous répondre de façon extrêmement sincère et honnête.
En tant que mère de famille, je m’étais posée la même question. Interrogés, les syndicats m’ont répondu que, s’agissant de la garde des enfants, ils n’avaient du tout la remontée de terrain que vous évoquez.
En effet, comme vous l’avez souligné à juste titre, beaucoup de femmes seules souhaitent travailler le dimanche. Je le tiens des syndicats, une solidarité familiale, amicale ou de proximité joue, leur évitant des frais de garde le dimanche, et elles ont droit à deux jours de repos compensateur.
Nous en avions parlé avec Mme Le Texier voilà quelque temps. Je ne trahirai pas sa pensée en disant qu’elle a, elle aussi, souvent rencontré des femmes élevant seules leurs enfants qui lui ont dit souhaiter travailler le dimanche, pas forcément parce que c’était payé double, mais parce qu’il y avait deux jours de repos compensateur. Et ces journées, elles pouvaient les passer avec leurs enfants sans recourir à un mode de garde.
Je me suis posée cette question qui est totalement légitime. Compte tenu de la réponse des syndicats et des femmes que j’ai interrogées, j’émets, au nom de la commission, un avis défavorable sur l’amendement n° 106. Je vous le dis, la solidarité familiale joue ou le conjoint – quand elle est séparée – prend l’enfant le dimanche où elle travaille.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Il faudra veiller à ce que les juges confient les enfants au père le dimanche où les femmes travaillent !
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Xavier Darcos, ministre. Sur l’amendement n° 106, je ferai approximativement la même réponse qu’à l’Assemblée nationale, ce qui me permettra de continuer à la gloser régulièrement.
L’article 2 de la proposition de loi précise très clairement qu’il appartient aux partenaires sociaux, aux entreprises, aux institutions représentatives de régler les conditions de mise en place des dérogations et, en conséquence, d’examiner ensemble les contreparties accordées aux salariés concernant les frais occasionnés par le travail du dimanche.
Je confirme que la proposition de loi contient l’ouverture du principe selon lequel toutes ces discussions doivent se dérouler au sein de l’entreprise concernée.
Il ne revient pas au législateur de fixer ici d’emblée les conditions de transport, de garde, de repas... Nous sommes devant des situations extrêmement diverses. Comme l’a dit Mme le rapporteur, on a un exemple très précis : celui de la garde des enfants, qui doit être réglé au sein de l’accord partenarial applicable à l’entreprise.
Je le confirme, je suis, au nom du Gouvernement, défavorable à cet amendement, tout simplement parce qu’il limite, à l’intérieur de l’entreprise, la discussion entre les partenaires sociaux sur les contreparties qui seront accordées aux salariés.