M. le président. La parole est à M. Antoine Lefèvre.
M. Antoine Lefèvre. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, je souhaite réagir aux propos de notre excellente collègue Nathalie Goulet, dont la question trouve d’autant plus d’écho chez moi que le département dont je suis l’élu, l’Aisne, est directement concerné par l’action du Fonds stratégique d’investissement.
En effet, la ville de Chauny accueille deux des sites du fabricant français de câbles électriques Nexans, leader mondial dans ce domaine, qui emploie 24 000 salariés dans le monde, dont 3 000 en France.
Nexans exerce son activité dans un secteur sensible et de haute technologie. Ce groupe est entièrement maître de la chaîne de production, depuis le minerai de cuivre jusqu’aux produits finis, comme les câbles pour le transport de l’énergie ou les télécommunications. Le cours de bourse de son action n’a cessé de progresser ces derniers mois, les marchés évoquant « une situation financière parmi les plus saines de son secteur, lui permettant de se développer sur des segments à forte valeur ajoutée ». Nexans occupe la première place sur le marché mondial des câbles d’énergie sous-marins, ainsi que sur le marché européen des câbles de cuivre, des câbles spéciaux et d’équipement. Le groupe vient d’ailleurs de signer des contrats d’un montant de 3,3 millions d’euros en Turquie et de 2 millions d’euros en Arabie Saoudite. Il doit également fournir 500 kilomètres de câbles pour l’aéroport international du Caire, et cette liste n’est pas exhaustive.
Toutefois, la fermeture prochaine de l’unité de Chauny, qui compte 220 salariés, soit 14 % des effectifs du groupe sur le territoire français, et qui coule et tréfile du cuivre depuis 1922, vient d’être annoncée. Dans les Ardennes, le site de Fumay se voit quant à lui amputé de 53 emplois, après en avoir déjà perdu 123 en 2003.
Or, voilà quelques mois, Nexans a bénéficié de 58 millions d’euros d’aides du Fonds d’intervention stratégique, dont la vocation est de sauver les entreprises en difficulté et de sauvegarder l’emploi sur le territoire national. Le Président de la République avait annoncé que l’objectif assigné au fonds serait de contribuer à maintenir sur le territoire national une industrie et des services, pour que la France ne devienne pas « une simple réserve pour touristes ». Il appartient donc au fonds de sélectionner les bons dossiers, de façon à aider les entreprises qui ont des projets d’avenir.
Au vu des chiffres que je viens de rappeler, la société Nexans semble avoir un bien bel avenir, et son carnet de commandes ne paraît absolument pas justifier les importantes suppressions d’emplois annoncées et la fermeture du site de Chauny !
Les acteurs locaux ne comprennent donc pas que Nexans, après avoir reçu près de 60 millions d’euros de fonds publics et distribué près de 56 millions d’euros à ses actionnaires, se permette ce type d’annonce, au moment même où l’observatoire économique des URSSAF de Picardie note que l’emploi salarié a régressé de 7 % dans le département de l’Aisne durant le deuxième trimestre de cette année.
Comme l’a souligné M. Thierry Foucaud, le FSI connaît d’autant mieux la stratégie de Nexans qu’il semble que l’un des membres de son comité exécutif siègerait au conseil d’administration de cette société depuis 2007… Est-ce bien normal ?
Mme Nathalie Goulet. Non !
M. Antoine Lefèvre. Tout comme Mme Goulet, je m’interroge sur les choix et la gouvernance du FSI, qui aboutissent à détourner de son objectif premier ce dispositif de soutien financier aux entreprises en temps de crise. Il convient aujourd'hui de remettre l’emploi au cœur de l’action du Fonds stratégique d’investissement.
Monsieur le secrétaire d'État, je vous remercie par avance de nous apporter des éclaircissements sur ces différents points et de vous montrer particulièrement attentif à la situation des salariés du groupe Nexans dans l’Aisne, qui rencontreront demain matin le préfet du département et les élus locaux pour évoquer cette crise. (Applaudissements sur les travées de l’UMP. – Mme Nathalie Goulet applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. Jean-Paul Virapoullé.
M. Jean-Paul Virapoullé. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, je remercie Mme Goulet d’avoir posé cette question très intéressante sur la gouvernance du Fonds stratégique d’investissement et la stratégie d’emploi des crédits de celui-ci.
M. Bourquin a évoqué avec beaucoup d’émotion les conséquences de la stratégie de démantèlement appliquée par certaines entreprises. Je voudrais lui indiquer, en toute sincérité, que je partage à la fois son analyse et ses interrogations. En d’autres temps, dans d’autres secteurs économiques, j’ai eu à connaître et à vivre des crises qui condamnent au chômage des salariés qualifiés, parce que des délocalisations ou des fermetures de sites les privent de leur travail, c'est-à-dire de leur dignité.
Le Président de la République, avec courage, a pris l’initiative de créer le FSI. Je n’interviendrai pas sur la gouvernance de ce dernier, n’étant pas compétent pour le faire. Il vous reviendra, monsieur le secrétaire d'État, de répondre aux interrogations formulées par des collègues plus qualifiés que moi.
Toutefois, je représente ici une autre facette de la France, des territoires que l’Union européenne considérait jusqu’à présent comme une charge, c'est-à-dire les régions ultrapériphériques. J’ai d'ailleurs une bonne nouvelle à vous annoncer, mes chers collègues : voilà quelques mois, alors que je me trouvais à Bruxelles, j’ai vu qu’un rapport rédigé par la Commission s’intitulait : Les Régions ultrapériphériques, une chance pour l’Europe ! Je me suis alors dit que les temps changeaient ! (Sourires.)
Mme Nathalie Goulet. Enfin !
M. Jean-Paul Virapoullé. Puisque nous sommes une chance pour l’Europe et puisque le Président de la République et le Gouvernement ont pris l’initiative – heureuse, nul ne le conteste ici – de créer un fonds doté de 20 milliards d'euros, j’en réclame notre part afin de développer les régions ultrapériphériques, dans un esprit de responsabilité, et de les transformer en de véritables atouts !
Je le rappelle, nous sommes les vecteurs de la puissance maritime de la France, nous participons à la conquête spatiale européenne avec la base de Kourou, nous détenons la plus grande biodiversité marine du pays, depuis les îles Kerguelen jusqu’à Saint-Pierre-et-Miquelon, nous sommes au cœur de la problématique du changement climatique, qui s’opère à partir des masses océaniques, enfin nos richesses naturelles constituent un atout pour l’industrie pharmaceutique française, dont on connaît la puissance : l’intervention du FSI pourrait permettre de valoriser la forêt guyanaise non pas en coupant ses arbres, mais en développant la pharmacopée.
Enfin, monsieur le secrétaire d'État, vous qui êtes un homme ouvert au développement, vous conviendrez qu’il n’y a aucune raison que nous soyons les oubliés des nouvelles technologies.
À cet égard, je formulerai trois propositions.
Premièrement, grâce au FSI, nous pourrions créer un fonds d’intervention de proximité pour les départements d'outre-mer, un « FIP DOM », dans le domaine des nouvelles technologies de l’information et de la communication, les NTIC, où le rapport qualité-prix actuel des prestations offertes relève d’un temps révolu, ce qui prive notre jeunesse de l’accès à la connaissance. Le comité interministériel de l'outre-mer du 6 novembre prochain pourrait être l’occasion, pour la secrétaire d’État chargée de l’outre-mer et vous-même, d’indiquer avec force que le Fonds stratégique d’investissement interviendra, davantage qu’il ne le fait déjà, dans ce secteur stratégique, pour que l’outre-mer puisse connaître un décollage économique.
Deuxièmement, nous souhaitons également l’intervention du Fonds stratégique d’investissement dans le domaine des énergies renouvelables, pour lequel la Réunion sera une région de pointe. Monsieur le secrétaire d'État, vous accompagnerez certainement le Président de la République lors de son prochain déplacement sur notre île. Notre objectif est l’autonomie énergétique. Dans cette perspective, nous souhaitons expérimenter de nouvelles technologies qui nous permettront de porter haut les couleurs de la France.
Mme Nathalie Goulet. Très bien !
M. Jean-Paul Virapoullé. Troisièmement, il conviendrait de réduire la fracture numérique. Rien ne justifie que les câbles déjà en place ne nous permettent pas de bénéficier du haut débit, voire du très haut débit.
Je partage l’inquiétude de mes collègues de métropole et fais miennes les interrogations légitimes qu’ils ont formulées à cette tribune.
Si vous voulez vous aussi, monsieur le secrétaire d’État, faire de l’outre-mer une chance pour la France, donnez-nous un coup de main dans les domaines que je viens d’évoquer, afin que nous puissions être l’un des fleurons de la France ! (Applaudissements sur les travées de l’UMP. – M. Martial Bourquin applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État.
M. Hervé Novelli, secrétaire d'État chargé du commerce, de l'artisanat, des petites et moyennes entreprises, du tourisme, des services et de la consommation. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, nous voici au terme de ce débat sur le Fonds stratégique d’investissement et, plus généralement, sur l’action de l’État face à ce que vous avez été nombreux à qualifier de crise majeure, sans précédent, dont les conséquences affectent l’emploi et les entreprises sur l’ensemble du territoire national, tant en métropole qu’outre-mer.
Le Président de la République, le Gouvernement et le Parlement ont décidé d’affronter cette crise, et non de la subir.
Pour toute la communauté internationale, notamment pour les pays membres du G20, l’urgence a été de garantir la stabilité du système financier. Toutefois, la France s’est démarquée dans la mesure où, dès le 2 octobre dernier, elle a adopté des mesures spécifiques pour soutenir les PME. Cette attention portée aux petites et moyennes entreprises a caractérisé l’action de notre pays durant toute cette période.
Le Gouvernement a bâti un véritable arsenal pour tenter de juguler la crise. Ainsi, un soutien financier de 27 milliards d'euros a été apporté aux PME et aux entreprises de taille intermédiaire, les ETI, reconnues par loi de modernisation de l’économie du 4 août 2008. Un certain nombre d’orateurs ont rappelé que l’Allemagne comptait près de deux fois plus de ces entreprises moyennes que notre pays.
Par ailleurs, la médiation du crédit a été instaurée. Cette instance innovante, qui a été pérennisée au moins jusqu’à la fin de l’année 2010, a joué un rôle majeur à l’échelon local, monsieur Bourquin, un maillage ayant été mis en place pour accompagner les petites et moyennes entreprises. En outre, les compléments d’assurance-crédit publics ont été mis au point. Enfin, le Fonds stratégique d’investissement a été institué. Doté de 20 milliards d'euros, sa mission est de renforcer les fonds propres d’entreprises françaises.
Avec le plan de relance, jamais autant de moyens n’avaient été mobilisés en faveur des PME et des ETI. Cela suffit-il ? Assurément non. Vous avez été nombreux, mesdames, messieurs les sénateurs, à souligner les difficultés que connaissent vos territoires.
J’attire votre attention sur le fait que, selon une enquête de la Banque centrale européenne, les conditions de financement des entreprises par les banques sont globalement meilleures en France que dans les autres pays européens.
M. René-Pierre Signé. Cela reste insuffisant !
M. Hervé Novelli, secrétaire d'État. Devons-nous pour autant relâcher notre action ? Absolument pas !
Durant toute cette période, la nouveauté a consisté à agir à l’échelon local. Les médiateurs départementaux du crédit et les comités de suivi du financement de l’économie ont été mis en place dans l’ensemble des départements. Nous avons actionné tous les leviers disponibles : le FSI, bien entendu, mais aussi OSEO, qui, au cours de cette période, a acquis une place centrale dans le financement des petites et moyennes entreprises, qu’il s’agisse de la trésorerie, du crédit, par des cofinancements ou des garanties, ou des quasi-fonds propres après l’annonce récente du Président de la République.
M. René-Pierre Signé. Ce n’est pas ce qu’elles disent !
M. Thierry Foucaud. Nous avons des exemples !
M. Hervé Novelli, secrétaire d'État. Je n’en doute pas, on peut toujours en trouver ; je peux, pour ma part, vous donner des exemples de réussite, mais ce n’est pas ainsi que se juge une politique.
Je voudrais souligner un point qui n’a jamais été évoqué : le soutien en fonds propres apporté grâce au dispositif « ISF-PME », dont le succès a permis d’alimenter à hauteur de plus de 1 milliard d'euros le développement des fonds propres de nos PME.
Le 5 octobre dernier, le Président de la République a décidé de renforcer le haut de bilan des petites et moyennes entreprises et des ETI, à hauteur de 2 milliards d’euros : 1 milliard d'euros proviendra du fonds souverain à la française, le FSI, 1 milliard d'euros sera apporté en quasi-fonds propres par OSEO.
M. Fourcade a déploré avec raison la complexité du dispositif français. Le système de financement a du moins été simplifié, OSEO, né de la fusion de l’Agence nationale de valorisation de la recherche, l’ANVAR, de la Banque de développement des petites et moyennes entreprises, la BDPME, de la Société française pour l’assurance du capital-risque des PME, la SOFARIS, et de l’Agence de l’innovation industrielle, l’AII, étant désormais l’agence publique de financement des PME. Cette évolution me semble tout à fait pertinente.
Je précise que le milliard d’euros mobilisable auprès du Fonds stratégique d’investissement sera accessible au travers notamment de deux structures.
D’une part, le Fonds de consolidation et de développement des entreprises pourra mettre à la disposition des entreprises en médiation du crédit 200 millions d'euros –95 millions d'euros sont apportés par le FSI et 105 millions d'euros par les banques et les assureurs.
D’autre part, la souscription d’obligations convertibles est prévue, grâce à un montage juridique et financier « standardisé », avec engagement de réponse sous quatre semaines. Cela représentera 300 millions d'euros de quasi-fonds propres efficaces. Cette mesure répond à un besoin fort, car, en période de crise, les entreprises sont sous-évaluées.
Mme Goulet et M. Fourcade se sont plus particulièrement interrogés sur l’articulation entre les différents véhicules d’intervention publics, OSEO, le FSI et l’Agence des participations de l’État. En effet, il faut toujours veiller à canaliser notre esprit français, qui tend à créer naturellement, si j’ose dire, de la complexité !
Ces trois outils répondent à des objectifs différents.
Le FSI intervient exclusivement pour renforcer les fonds propres des entreprises, qu’elles soient petites, moyennes ou grandes, tandis qu’OSEO est la banque publique généraliste des PME et des ETI, dont l’action porte sur tous les segments du financement.
Quant à l’articulation entre l’APE et le FSI, elle est très claire : la mission confiée au FSI est différente de celle qui a été assignée à l’APE, laquelle gère un portefeuille de participations historiques de l’État comprenant une part importante de participations majoritaires. Le FSI a été créé, madame Bricq, pour prendre des participations au capital d’entreprises stratégiques pour l’économie française et présentant des besoins en fonds propres.
Mme Nicole Bricq. Justement !
M. Hervé Novelli, secrétaire d'État. Le Fonds stratégique d’investissement a pour vocation essentielle de réaliser des investissements minoritaires pour une durée limitée, même s’il est un investisseur de long terme. À ce titre, il investit aussi bien dans des PME de croissance ou dans des entreprises de taille moyenne présentant un potentiel de création de valeur, par le biais de la maîtrise de technologies innovantes ou de la construction de positions concurrentielles favorables, que dans de grandes entreprises ayant besoin de stabiliser leur capital.
L’APE, pour sa part, exerce son rôle d’actionnaire du FSI via sa participation aux réunions des organes de gouvernance de ce dernier aux côtés de la direction générale de la compétitivité, de l’industrie et des services, la DGCIS, qui y apporte la vision industrielle de l’État. Madame Bricq, vous avez eu raison de souligner que la vision industrielle de la France ne se limitait pas à l’action du FSI.
Mme Nicole Bricq. Ce n’est pas évident !
M. Hervé Novelli, secrétaire d'État. Le directeur général de l’APE et le directeur général de la DGCIS ont ainsi été nommés administrateurs du FSI.
Mme Goulet a fait allusion à la gouvernance du FSI et au rôle de la Caisse des dépôts et consignations. Sur cette question, il y a un avant et un après la loi de modernisation de l’économie.
En effet, la LME a renforcé les prérogatives de la commission de surveillance pour les décisions stratégiques et créé un comité des investissements. Elle a en outre élargi la composition de la commission de surveillance à des personnalités qualifiées indépendantes et renforcé les capacités de contrôle de celle-ci, qui peut notamment s’appuyer sur la commission bancaire pour améliorer la surveillance prudentielle du FSI.
Les deux actionnaires du FSI – la CDC détient 51 % des parts, l’État 49 % – ont porté une attention toute particulière à son mode de gouvernance, qui se situe au niveau des meilleurs standards de place actuels.
Ainsi, le FSI est administré par un conseil d’administration restreint de sept membres, équilibré entre les représentants de ses actionnaires, la CDC et l’État, et trois personnalités qualifiées aux compétences reconnues : Patricia Barbizet, Xavier Fontanet et Denis Kessler.
Les travaux du conseil d’administration sont préparés par des comités spécialisés auxquels participent les administrateurs du FSI, dans leur ensemble ou non. Il existe ainsi, au sein du FSI, trois comités permanents : un comité d’investissement, chargé de donner au conseil d’administration un avis sur les projets de prise de participation qui lui sont présentés, un comité d’audit et des risques et un comité des rémunérations et des nominations. À ces trois comités permanents s’ajoute un comité d’orientation stratégique, présidé par Jean-François Dehecq, rassemblant les représentants des entreprises et des entrepreneurs, les grandes confédérations syndicales et des personnalités qualifiées. Sa mission est d’être le gardien de la cohérence et des équilibres de la doctrine d’investissement, ainsi que des grandes orientations stratégiques du FSI.
En tant que filiale de la Caisse des dépôts et consignations, le FSI exerce ses activités sous le contrôle de la commission de surveillance de cette dernière, présidée par Michel Bouvard et où siègent également deux sénateurs et deux députés. En particulier, le FSI est auditionné tous les quinze jours par la commission de surveillance de la CDC. En outre, M. Bouvard, président de la commission de surveillance, est l’invité permanent des réunions du comité d’investissement du FSI.
S’agissant des débats sur le contrôle du FSI par le Parlement, La Tribune, quotidien généralement bien informé, indique ce matin que, selon M. Bouvard, ils seraient « infondés » : « Pendant ses sept premiers mois d’existence, explique-t-il, le FSI a fait des rapports tous les quinze jours à la commission de surveillance, laquelle n’a jamais rassemblé autant de parlementaires ». Informé a priori des décisions d’investissement du FSI, il affirme en outre n’avoir eu « à ce jour aucun point de désaccord sur les investissements qui ont été réalisés par l’équipe du FSI ». Ce témoignage montre que les parlementaires sont attentifs et jouent pleinement leur rôle de contrôle et de surveillance.
À ce propos, M. Fourcade a posé à juste titre le problème de la répartition des rôles. Je partage sans réserve son jugement sur ce point : il appartient aux parlementaires de contrôler, et non pas de gérer. La distinction doit être claire, car être à la fois juge et partie, contrôleur et acteur, mène immanquablement à des dérives.
Comme l’indique le rapport de la commission des finances du Sénat sur le projet de loi de finances rectificative pour 2009, « c’est dans ce cadre que les parlementaires représentant les deux assemblées au sein de la commission de surveillance devront exercer leur contrôle sur la stratégie et les investissements du FSI ».
Au cours du premier semestre, la commission des finances du Sénat a examiné l’organisation et la stratégie du FSI à l’occasion de la discussion du projet de loi de finances rectificative pour 2009, qui a ouvert des crédits à hauteur de 3 milliards d’euros sur le budget général et sur le compte d’affectation spéciale « Participations financières de l’État », afin de permettre à l’État de remplir ses engagements envers le FSI.
En outre, le Parlement a naturellement la faculté d’interroger le Gouvernement sur la gestion du FSI, sur ses investissements et ses résultats, par le biais de questions écrites ou orales. Mme Goulet a parfaitement utilisé cette possibilité aujourd’hui. Le Parlement peut aussi auditionner directement le FSI, comme l’a déjà fait la commission des finances du Sénat, ainsi que l’Assemblée nationale, dans le cadre de l’évaluation du plan de relance.
Enfin, le député Bernard Carayon siège au sein du comité d’orientation stratégique du FSI, qui a pour mission d’assurer la cohérence et les équilibres de la doctrine d’investissement et des grandes orientations stratégiques du fonds. M. Carayon a été désigné pour cette fonction non pas en qualité de parlementaire, mais en raison de ses compétences éminentes en matière d’intelligence économique et de stratégie.
Le Parlement dispose donc des moyens lui permettant d’être associé à la définition de la stratégie du FSI et au contrôle de son action.
Certains ont fait allusion à l’exemple norvégien pour justifier que les décisions d’investissement du FSI soient soumises au Parlement. Or, à notre connaissance, aucun investissement du fonds souverain norvégien n’a été approuvé par le parlement national, et aucune discussion sur des dossiers précis n’y a eu lieu.
La gouvernance resserrée du FSI doit, en effet, lui permettre une grande réactivité – indispensable, surtout en période de crise –, ainsi que la confidentialité absolument nécessaire à l’exercice de sa mission, notamment pour ne pas fragiliser les sociétés cotées dans lesquelles le fonds est susceptible d’investir.
Par ailleurs, le FSI doit exercer la pleine et entière responsabilité de la gestion de ses actifs. Il ne saurait donc être question d’affaiblir cette responsabilité en substituant, même partiellement, un système de pilotage spécifique aux organes de direction du fonds.
J’en viens aux investissements du FSI.
Monsieur Biwer, le FSI peut décider d’investir dans des activités agricoles et des entreprises agroalimentaires, et il ne s’en privera pas si de tels investissements sont en cohérence avec sa stratégie.
Madame Bricq, la doctrine d’investissement du FSI, dont j’ai déjà donné les grandes lignes, a été affinée au fil des mois à la suite des multiples échanges avec le comité d’orientation stratégique du fonds. Ce processus a permis au FSI de trouver un bon équilibre, respectant à la fois sa mission d’investisseur avisé, soucieux de l’argent public, et la nécessité de prendre en compte les difficultés économiques actuelles. Le FSI n’est pas, cela est vrai, un fonds d’investissement comme les autres. Ses principes d’investissement sont publics et s’inscrivent dans la politique industrielle nationale définie globalement que j’évoquais tout à l’heure.
Le FSI a contribué à la création de fonds dédiés, notamment celui du secteur automobile, sur lequel M. Bourquin a insisté à juste titre. Le FMEA ne résulte pas de la seule initiative du FSI, puisque les constructeurs automobiles ont bien entendu apporté leur concours. La stratégie de ce fonds doit être précisée, notamment en matière d’investissement dans les sociétés sous-traitantes de deuxième rang. Le FSI est intervenu dans la mise en place d’autres fonds spécifiques, concernant en particulier les secteurs du bois ou des biotechnologies, ainsi que dans celle du fonds de consolidation.
En ce qui concerne l’action du FSI en direction des territoires ultramarins, monsieur Virapoullé, je me rendrai à la mi-novembre dans ces derniers avec Mme Marie-Luce Penchard, mon champ de responsabilité comprenant notamment le tourisme, secteur qui représente un fort enjeu pour l’outre-mer. Les états généraux de l’outre-mer ont mis en évidence un besoin en fonds propres des entreprises ultramarines. Je vous indique, monsieur le sénateur, que, en complément des dispositifs existants, le FSI et l’Agence française de développement, l’AFD, créeront un fonds commun de placement à risque pour les Antilles.
S’agissant du cas spécifique de Nexans, évoqué par MM. Foucaud et Lefèvre, il est vrai que l’investissement du FSI dans cette entreprise est intervenu alors même qu’un important plan de restructuration était annoncé. Cet investissement, d’un montant de 58 millions d’euros, a été réalisé sous la forme d’un rachat de titres sur les marchés financiers ; il ne s’est pas agi d’une injection d’argent frais dans l’entreprise, et l’on ne saurait donc prétendre que le FSI aurait en quelque sorte financé des plans sociaux. Le FSI a pour rôle d’accompagner Nexans dans son développement, les restructurations faisant partie, il faut bien le reconnaître, de la vie d’une entreprise. En tout état de cause, le FSI s’assurera que les ajustements que vous avez évoqués, messieurs les sénateurs – cela va d’ailleurs au-delà de simples ajustements dans certains bassins d’emploi –, ne seront opérés qu’en dernier recours et seront assortis de mesures d’accompagnement exemplaires, notamment sur les sites de Chauny et de Fumay.
Faut-il donner au FSI un rôle plus important en matière de sauvegarde de l’emploi, comme certains d’entre vous l’ont souhaité ?
La réalité économique fait qu’aucune entreprise ne saurait s’engager à ne jamais restructurer ses activités. Empêcher une entreprise d’adapter ses structures de production à des situations mouvantes aboutirait certainement à la condamner, et avec elle les emplois que l’on entendait protéger.
En revanche, les entreprises qui acceptent l’aide du FSI et par conséquent son intervention dans leur gouvernance savent que ses représentants seront particulièrement attentifs, plus que des investisseurs privés, à la motivation réelle et à la qualité d’éventuels plans sociaux.
Ce sujet est systématiquement abordé avant l’entrée du FSI dans le capital d’une entreprise, mais interdire au FSI d’entrer au capital d’entreprises fragilisées au motif qu’elles doivent lancer un plan social risquerait d’exposer ces dernières aux appétits d’autres actionnaires socialement moins responsables, ce qui aurait des conséquences sans nul doute plus négatives encore pour l’emploi.
Mme Goulet a interrogé le Gouvernement sur le processus décisionnel qui a conduit l’État à apporter des participations au FSI. Comme vous l’avez indiqué, madame la sénatrice, le rapport annuel sur l’État actionnaire dresse une présentation détaillée de cette opération.
L’apport de participations de l’État au FSI du 15 juillet 2009 sur lequel vous appelez notre attention porte sur 13,5 % du capital de France Télécom, 8 % du capital d’Aéroports de Paris et 33,34 % du capital de STX France. Le choix de telles participations minoritaires cotées s’est fait en accord avec la Caisse des dépôts et consignations. Cette opération constitue, de fait, un reclassement de titres au sein de la sphère publique. L’État a reçu une juste rémunération en contrepartie de son apport, sous la forme d’actions nouvellement émises par le FSI. Concernant les apports de la CDC, j’en tiens, monsieur Fourcade, la liste à votre disposition.
Pour conclure, mesdames, messieurs les sénateurs, je tiens à vous remercier de vos interventions. Il est très important que le Parlement joue son rôle de contrôle sur l’outil innovant qu’est le FSI. En moins d’un an, la gouvernance de ce dernier a été mise en place, le fonds a été doté, a réalisé 450 millions d’euros d’investissements directs et s’est engagé à hauteur de 650 millions d’euros dans des fonds spécifiques. Le FSI a également mis l’accent sur le financement des PME.
Dans un contexte de reprise que nous appelons tous de nos vœux, l’action du FSI se justifiera demain plus que jamais pour soutenir la croissance et stabiliser le capital d’entreprises stratégiques riches de compétences, de technologies et d’emplois précieux pour l’économie nationale. Nous pourrons ainsi, chose très importante en une telle période, accroître la compétitivité de notre pays. C’est cette préoccupation qui nous a guidés face à la crise que nous continuons d’affronter. (Applaudissements sur les travées de l’UMP et de l’Union centriste.)