Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Vous allez nous faire pleurer !
M. Christian Estrosi, ministre. Lorsque le Président de la République et le Premier ministre m’ont confié, voilà quelques mois, ma mission actuelle,…
M. Yannick Bodin. Au fait !
M. Roland Courteau. Qui c’est, déjà, le Premier ministre ?
M. Christian Estrosi, ministre. … figurait dans mon décret d’attributions la charge de l’une des plus belles entreprises publiques de notre pays, La Poste.
Après tous les combats que j’ai menés dans les villages, dans les cantons, pour essayer de sauver ici le greffe d’un tribunal d’instance,…
M. Daniel Raoul. Parlons-en !
M. Christian Estrosi, ministre. … là une brigade de gendarmerie, une trésorerie, un bureau de poste, je connais tout cela par cœur. (Protestations sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste.) Aussi, jamais je n’aurais accepté, dans le cadre de mes responsabilités actuelles, de venir présenter au Parlement cette réforme de La Poste si, au fond de moi-même, j’avais craint que, d’une manière ou d’une autre, elle ne remette un tant soit peu en cause le caractère et les missions de service public de La Poste ou le maintien intégral de son statut public : je peux l’affirmer avec toute la force de mes convictions et de ma détermination. (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)
M. Guy Fischer. Nous ne vous croyons pas !
M. Didier Guillaume. C’est pour cela que l’on change de statut : cela marchait trop bien !
M. Christian Estrosi, ministre. Nous entrons maintenant dans le débat et, bien évidemment, le besoin d’explications s’impose.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Comment voulez-vous qu’on vous croie ?
M. Christian Estrosi, ministre. Vous essayez d’utiliser le spectre de la privatisation. (Protestations sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste.)
M. Roland Courteau. Et GDF ?
M. Christian Estrosi, ministre. Je regrette vivement – car j’ai pu constater à quel point nombre d’entre vous, quand il s’agit de l’intérêt général, adoptent une démarche constructive –…
M. Bertrand Auban. Qu’est-ce que cela signifie ?
M. Christian Estrosi, ministre. … que nous ne saisissions pas l’opportunité – il n’est pas trop tard ! – que nous offre cette semaine de débat pour que, de toutes les travées, fusent de vraies propositions pour donner sa chance à La Poste. Car c’est bien de cela qu’il s’agit !
Vous pourrez dire tout ce que vous voudrez sur les postiers : si nous nous soucions vraiment d’eux, si nous nous préoccupons véritablement des dix millions de Françaises et de Français qui, toutes les semaines, franchissent la porte d’un bureau de poste, nous devons prendre en compte le fait qu’à partir du 1er janvier 2011 nous risquons de voir, semaine après semaine, mois après mois, année après année, des concurrents venir s’emparer de parts de marché.
Un sénateur socialiste. C’est chose faite !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Nous avons déjà l’expérience des centres de tri : vous les avez privatisés !
M. Christian Estrosi, ministre. Nous voulons maintenir la spécificité de cette grande entreprise publique à la française, nous voulons conserver ce modèle, parce que c’est le nôtre, et parce que nous y restons profondément attachés. C’est là la seule préoccupation qui devrait nous guider, qui devrait vous guider !
M. Roland Courteau. Comment voudriez-vous qu’on vous croie ?
M. Christian Estrosi, ministre. Vous pouvez m’interrompre autant que vous le voudrez, cela ne changera rien ! Quand j’entends le dernier orateur reconnaître : « oui, nous avons décidé de vous pourrir la semaine », je m’étonne. De la part d’un grand démocrate, d’un représentant des élus du peuple, monter à cette tribune pour exprimer comme seule volonté celle de « nous pourrir la semaine », eh bien ! permettez-moi d’avoir le sentiment que ce n’est pas si digne que cela ! (Bravo ! et applaudissements sur les travées de l’UMP et de l’Union centriste. – Mme Nicole Borvo Cohen-Seat s’exclame.)
L’honneur et la dignité d’un élu de la République, c’est de venir dans cette Haute Assemblée afin de formuler des propositions pour l’avenir de La Poste. Or, des propositions, je n’en ai entendu aucune, ou si peu, depuis hier ! (Vives protestations sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste.)
M. Roland Courteau. Vous n’aviez qu’à être là !
Mme Annie David. Vous n’étiez pas là pour les entendre !
M. Christian Estrosi, ministre. La seule chose que j’entends de la part de l’ensemble des orateurs de ce côté gauche de l’hémicycle, c’est : « non à la privatisation » !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Non à votre réforme !
M. Christian Estrosi, ministre. Pourtant, nous avons apporté toutes les réponses nécessaires. D’ailleurs, pour reprendre les mots du sénateur Hervé Maurey, j’ai l’impression que « l’opposition joue à se faire peur en agitant le spectre d’une privatisation qui n’existe pas ». (Mêmes mouvements.)
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Ah oui, c’est une référence, le sénateur Hervé Maurey !
M. Christian Estrosi, ministre. Je crois même que l’opposition va plus loin que se faire peur avec la privatisation.
M. Didier Guillaume. C’est vous qui nous faites peur !
M. Christian Estrosi, ministre. Elle utilise à dessein le spectre de la privatisation pour faire oublier qu’elle n’a pas de projet pour La Poste ! Telle est la réalité ! (Bravo ! et applaudissements sur les travées de l’UMP et de l’Union centriste.)
Je réaffirme solennellement (Exclamations ironiques sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste.) que nous allons rendre La Poste – et c’est volontairement que j’utilise ce mot, même si c’est un néologisme – « imprivatisable »…
M. Roland Courteau. C’est faux, et vous le savez ! Sarkozy avait dit la même chose pour GDF !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Elle ne figure pas dans le projet de loi, l’« imprivatisation » !
M. Christian Estrosi, ministre. … grâce à un amendement du sénateur Bruno Retailleau sur lequel le Gouvernement émettra un avis favorable. Bruno Retailleau a parfaitement expliqué hier de quoi il s’agissait.
M. François Rebsamen. Vous essayez de nous enfumer !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Il faut modifier la Constitution !
M. Christian Estrosi, ministre. Pas du tout, puisque, en application du préambule de la Constitution de 1946,…
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Vous vous trompez ! Vous ne connaissez pas la hiérarchie des normes !
M. Christian Estrosi, ministre. … il s’agit bien d’un service public à caractère national, ce qui, dès lors que cet amendement sera adopté par la Haute Assemblée, rendra La Poste imprivatisable. (Vives protestations sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste.)
M. Roland Courteau. Voyez la décision du Conseil constitutionnel !
M. Christian Estrosi, ministre. Effectivement, mesdames, messieurs les sénateurs, il restera une possibilité de rendre La Poste privatisable après l’adoption de cet amendement. Mais, auparavant, il faudra supprimer plusieurs dispositions qu’un certain nombre d’entre vous ont décidé d’inscrire noir sur blanc dans le projet de loi : le livret A, la distribution du courrier six jours sur sept, l’aménagement du territoire, le transport de la presse. En d’autres termes, conformément au préambule de la Constitution de 1946, il faudra supprimer non pas un seul service public, mais ces quatre missions de service public.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Il suffira de modifier les missions !
M. Christian Estrosi, ministre. Qui pourrait souhaiter une telle suppression ? Certainement pas celles et ceux qui auront décidé de les inscrire dans la loi ! (Applaudissements sur les travées de l’UMP et de l’Union centriste.)
Un doute peut donc naître, mesdames, messieurs les sénateurs de l’opposition : n’auriez-vous pas le dessein de réellement privatiser La Poste un jour, comme vous l’avez fait avec Air France, avec France Télécom, avec EADS, avec Thomson, avec les Autoroutes du sud de la France ? Telle est la réalité ! (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)
D’ailleurs, je constate que, parmi les six cents amendements d’obstruction que vous avez déposés, certains visent à supprimer le prix unique du timbre, la distribution du courrier six jours sur sept, la possibilité pour les salariés et les fonctionnaires de La Poste de devenir eux-mêmes actionnaires de leur entreprise !
M. Didier Guillaume. Vous l’avez déjà dit hier !
M. Guy Fischer. Et c’est un pur mensonge !
M. Christian Estrosi, ministre. Oui, nous pouvons nous demander qui souhaite privatiser La Poste si ce n’est de ce côté gauche de l’hémicycle ! (Bravo ! et applaudissements sur les travées de l’UMP et de l’Union centriste. – Vives protestations sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste.)
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Vous méprisez le peuple et les parlementaires !
M. Christian Estrosi, ministre. Il a été question de statu quo, il a été question de revenir sur l’ouverture à la concurrence, il a été question de ne rien changer.
M. Didier Guillaume. Absolument ! Cela marchait mieux !
M. Christian Estrosi, ministre. Pour un peu, il faudrait revenir au temps où La Poste était une administration des PTT, voire au temps des diligences ! (Exclamations d’indignation sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste.)
Est-ce là l’avenir de La Poste ? Est-ce lui refuser toute perspective de développement ? Est-ce surtout, mesdames, messieurs les sénateurs, lui refuser les 2,7 milliards d’euros que veulent apporter l’État et la Caisse des dépôts et consignations en entrant à son capital ? Qui connaît un seul gouvernement au monde qui, ayant la volonté de privatiser une entreprise publique, commencerait par y injecter 2,7 milliards d’euros d’argent public ? (Protestations sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste.)
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Vous avez l’habitude de gaspiller l’argent public, ça, c’est sûr !
M. Christian Estrosi, ministre. Sincèrement, il n’y a qu’à Socialo-Fantasmaland que ce serait imaginable !
M. Jean-Pierre Bel. Il répète le même discours qu’hier ! C’est scandaleux !
M. Christian Estrosi, ministre. En réalité, de tous les intervenants que j’ai entendus hier soir, un seul proposait un projet : le sénateur Jean-Claude Danglot suggérait la création d’un grand pôle public réunissant la Banque de France, la Caisse des dépôts et consignations, Oséo, La Poste… Eh bien ! monsieur Danglot, je veux vous remercier, car sincèrement, de toute la soirée, vous avez été le seul sur ces travées à formuler une proposition intéressante, le seul à avoir ouvert une perspective d’avenir. (Exclamations amusées sur les travées de l’UMP. – Protestations sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste.)
Je note dans le même temps que, malheureusement, le groupe CRC-SPG n’a pas déposé d’amendement pour reprendre cette proposition.
Mme Annie David. On nous aurait opposé l’article 40 !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. C’est vous qui nous refusez cet amendement ! Reprenez-le, ne vous en privez pas !
M. Christian Estrosi, ministre. Sans doute s’est-il rendu compte qu’elle serait difficile à mettre en œuvre et n’apporterait pas forcément grand-chose aux Français pour des missions et services que remplissent très bien, en fonction de leurs spécificités propres et au mieux de leurs compétences, Oséo en matière de crédits aux entreprises, la Caisse des dépôts et consignations en matière de logement social, La Banque Postale en matière de livret A… Au total, hormis le statu quo, aucun projet alternatif n’est proposé. (Mme Nicole Borvo Cohen-Seat s’indigne.)
Monsieur Teston, vous avez parlé de sérénité.
M. Michel Teston. Oui !
M. Christian Estrosi, ministre. Ce n’est pourtant pas le Gouvernement qui a tout fait pour ralentir le débat ou déposer des amendements d’obstruction !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Il est bien connu que tout amendement est forcément d’obstruction !
M. Christian Estrosi, ministre. Votre intervention m’a surtout marqué par son manque d’ambition et de projet pour La Poste : votre seul projet, comme je le rappelais, c’est le statu quo ! Quel dommage que vous n’ayez rien à proposer pour l’avenir de La Poste.
M. Didier Guillaume. C’est facile !
M. Jean-Pierre Bel. Vous ne savez pas écouter, vous en êtes incapable !
M. Christian Estrosi, ministre. Monsieur Plancade, vous avez rappelé que la libéralisation des services postaux avait commencé avec l’Acte unique de 1986. C’est exact ! Et elle s’est poursuivie avec la première directive postale adoptée en décembre 1997.
J’irai même jusqu’à dire que la première réforme de la poste est intervenue en 1981, lorsque François Mitterrand a décidé de la transformer d’administration en établissement public : c’est à ce moment-là, en réalité, que le processus a débuté.
M. Didier Guillaume. Et qui était Président de la République en 1997 ?
M. Christian Estrosi, ministre. J’ai noté, monsieur Plancade, que vous vouliez des garanties sur la pérennité du service public. Le Gouvernement les apporte en acceptant d’inscrire les 17 000 points de contact dans la loi, ou encore en préservant les grandes exigences de qualité du service universel postal. Et si, pour compléter l’ensemble de ces missions, vous aviez d’autres amendements à proposer en cours de débat, Michel Mercier et moi-même pourrions bien évidemment les examiner avec intérêt.
Monsieur Danglot, vous avez eu des mots très durs en évoquant un « processus mortifère » à propos du projet du Gouvernement. Mais ce qui serait mortel pour La Poste, monsieur Danglot, ce serait que nous ne lui donnions pas les moyens nécessaires pour résister à l’ouverture à la concurrence et à la montée d’internet, ce serait qu’elle ne bénéficie pas de l’effort de l’État !
Monsieur Jackie Pierre, vous avez dit : « Il faut arrêter de voir le diable là où il n’est pas ». Vous avez tellement raison ! Que ce soit vis-à-vis des Français ou des postiers, nous avons tous le devoir de débattre sereinement de l’avenir de La Poste et de lui donner les moyens de son développement.
M. Dominique Braye. Très bien !
M. Christian Estrosi, ministre. Monsieur Dubois, vous avez formulé une remarque très importante : il ne faut pas « réduire le débat au seul changement de statut ». Vous avez raison ! Le groupe Union centriste a d’ailleurs enrichi de manière significative le texte initial, en inscrivant les 17 000 points de contact dans la loi. C’est une véritable avancée, que je salue.
Monsieur Mirassou, je note que vous voulez « sortir par le haut ». Vous avez toute la semaine pour le faire. Il s’agit d’une opportunité qu’il ne faut surtout pas laisser passer.
Monsieur Tropeano, vous considérez que les droits et statuts des personnels doivent être au cœur du projet de modernisation. Mais c’est ce que fait le Gouvernement avec l’IRCANTEC, pour garantir aux salariés de La Poste qu’ils continueront de bénéficier de leur régime de retraite complémentaire actuel, et avec un dispositif de prévoyance santé, qui sera un droit nouveau pour les fonctionnaires de La Poste.
Monsieur Jacques Blanc, selon vous, il faut faire preuve de hauteur. Je suis d’accord avec vous : La Poste mérite mieux que des débats stériles sur une privatisation qui n’aura pas lieu !
Une sénatrice UMP. Voilà !
M. Christian Estrosi, ministre. Vous avez parlé de votre expérience de médecin en Lozère qui connaît la force du lien social créé par La Poste, le fameux « oiseau bleu ». En tant qu’élu local, je partage votre sentiment. Nous avons milité ensemble, en Lozère comme en Languedoc-Roussillon, pour défendre des valeurs communes au service de nos territoires.
M. Jean-Pierre Bel. Avec qui ?
M. Christian Estrosi, ministre. Vous avez raison : nous n’avons pas le droit de tromper les postiers. Ensemble, nous allons assurer l’avenir de leur entreprise.
Madame Didier, vous avez axé votre intervention sur la présence postale territoriale. Il s’agit d’un sujet auquel le Gouvernement est particulièrement attentif, puisqu’il a accepté d’inscrire les 17 000 points de contact dans la loi. C’est une garantie majeure pour tous ceux qui craignaient une réduction de la présence postale territoriale.
Par ailleurs, la commission de l’économie a adopté un amendement de M. le rapporteur prévoyant que le contrat pluriannuel de la présence postale territoriale fixera les conditions minimales que devront remplir les points de contact en termes d’horaires d’ouverture et d’offre de base de services postaux et financiers. La mission d’aménagement du territoire est donc confirmée et garantie.
Madame Khiari, vous avez rappelé le rôle social de La Poste et l’attachement que les Français portent à cette entreprise. Le Gouvernement y est également attaché ! C’est pour cette raison qu’il déploiera les moyens nécessaires pour améliorer les services proposés.
Vous avez fait allusion à la mobilisation du 3 octobre dernier. Mais le message que nous ont adressé les Français, c’est qu’ils ne voulaient pas de privatisation. Nous non plus, puisque nous écrivons noir sur blanc que le capital de La Poste restera à 100 % public.
M. Guy Fischer. C’est faux !
M. Roland Courteau. C’est faux ! Il est têtu ! (Sourires.)
M. Guy Fischer. Henri Guaino!
M. Christian Estrosi, ministre. Je viens de l’indiquer en début d’après-midi aux députés : en effet, aucune garantie n’est éternelle ! (Exclamations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)
M. Paul Raoult. Il l’a dit ! Quel aveu !
M. Christian Estrosi, ministre. Mon pire cauchemar serait qu’une nouvelle majorité défasse le texte que vous allez adopter. (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)
Monsieur Frassa, vous avez souligné, à juste titre, que le Gouvernement aborde ce débat parlementaire avec le plus grand esprit d’ouverture possible.
Vous avez également mentionné la détention du capital de La Poste : le Gouvernement a accepté la proposition de M. le rapporteur de rendre plus claire encore la rédaction du projet de loi en inscrivant dans le texte que le capital de cette société sera détenu uniquement « par l’État et par d’autres personnes morales de droit public ». En tout état de cause, il va de soi que seuls l’État et la Caisse des dépôts et consignations pourront être actionnaires.
Vous avez mentionné les pouvoirs de l’ARCEP. Le Gouvernement a déjà accepté des amendements de M. le rapporteur et je vous confirme qu’il est prêt à en accepter d’autres si ceux-ci contribuent à une régulation équilibrée du secteur postal.
Madame David, vous avez fait état de la situation des fonctionnaires, notamment ceux que l’on nomme de manière impropre les « reclassés ». Plusieurs amendements ont été déposés à cet égard. Nous aurons le temps d’en débattre lorsque ces amendements seront examinés, à l’article 7 du projet de loi.
Vous avez évoqué l’IRCANTEC. Là encore, je me suis déjà exprimé et j’ai souligné que les droits des salariés actuels seront totalement maintenus.
M. Pierre Hérisson, rapporteur. Absolument !
M. Christian Estrosi, ministre. Monsieur Courteau, vous êtes revenu sur la privatisation et sur le changement de statut. Vous restez sur une position, hélas ! par trop dogmatique.
M. Daniel Raoul. C’est le comble !
M. Roland Courteau. Parlez-en à M. Guaino !
M. Christian Estrosi, ministre. Monsieur Fouché, je suis d’accord avec vous : La Poste a connu de grands succès, notamment la création de La Banque Postale. Il faut continuer à aller de l’avant. C’est pourquoi le Gouvernement a déposé ce projet de loi.
Enfin, monsieur Desessard, vous avez, vous aussi, parlé de privatisation. J’ai déjà eu l’occasion de déclarer que le Gouvernement avait inscrit dans la loi le caractère 100 % public de La Poste. Par ailleurs, comme je l’ai indiqué, La Poste sera « imprivatisable ».
Mesdames, messieurs les sénateurs, ne vous y trompez pas : le débat que nous avons en ce moment se tient devant les Françaises et les Français.
M. Daniel Raoul. Eh oui !
M. Christian Estrosi, ministre. Nous allons engager 2,7 milliards d'euros pour permettre à La Poste de faire face à la concurrence, qui ne sera pas seulement celle de la Deutsche Post ou de la TNT néerlandaise, mais qui viendra également des petits groupements d’opérateurs qui se développeront et s’organiseront sur chacun de vos territoires.
M. Daniel Raoul. Ils y sont déjà !
M. Christian Estrosi, ministre. Qui peut prétendre aujourd'hui que La Poste n’a pas perdu 10 % de l’activité liée au courrier ?
M. Bertrand Auban. Ce n’est pas dû à cela !
M. Christian Estrosi, ministre. Qui peut nier que, lorsque nous nous rendons dans les bureaux de poste, les facteurs nous révèlent que, chaque matin, leur sac est un peu plus léger ? Voilà la réalité !
Dans trois ou quatre ans, La Poste subira une baisse de ladite activité de 40 % à 50 %. Comment ne pas profiter de cette semaine pour, ensemble, transformer La Poste en une grande entreprise européenne en matière de logistique, de transport de colis et de Chronopost grâce au TGV, aux avions (Bravo ! et applaudissements sur les travées de l’UMP.),…
M. Alain Gournac. Très bien !
M. Christian Estrosi, ministre. ...dotée de plateformes logistiques exemplaires et tournée vers le courrier électronique, qui est le cœur de son activité ? Faisons en sorte que La Banque postale conserve sa spécificité et continue à offrir ses services aux plus vulnérables, tout en lui donnant les moyens de se hisser à un niveau de performance égal à celui des grandes banques européennes.
Laisser passer cette occasion serait, pour certains d’entre vous, une opportunité manquée. Je remercie les sénatrices et les sénateurs de la majorité, qui, je n’en doute pas, seront au rendez-vous, parce qu’ils sont attachés au caractère public de La Poste et à l’amélioration de ses services, laquelle est attendue par l’ensemble des Françaises et des Français. (Bravo ! et vifs applaudissements sur les travées de l’UMP et de l’Union centriste. – M. le président de la commission et M. le rapporteur applaudissent également.)
(M. Roland du Luart remplace M. Gérard Larcher au fauteuil de la présidence.)
PRÉSIDENCE DE M. Roland du Luart
vice-président
M. le président. La parole est à M. Michel Teston, pour un rappel au règlement.
M. Michel Teston. Je ne peux m’empêcher de constater qu’un proche conseiller du Président de la République a désavoué, en quelque sorte, M. le ministre en indiquant qu’aucune garantie n’était éternelle.
M. Roland Courteau. Ah ça !
M. Michel Teston. C’est vrai pour toutes les entreprises publiques. En vertu du principe de parallélisme des formes, en effet, quel que soit le texte qui a été adopté, le Parlement peut toujours défaire ce qu’il a fait.
M. Roland Courteau. C’est évident !
M. Michel Teston. Par ailleurs, je ne suis pas convaincu que, dès lors que le monopole de La Poste sera supprimé et que la concurrence s’exercera, ce que rend possible la troisième directive postale, le Conseil constitutionnel pourra toujours considérer La Poste comme un service public national. J’espère qu’il en sera ainsi, mais nous nourrissons des doutes sérieux à cet égard.
Alors, ne laissons pas croire à nos concitoyens qu’une simple inscription dans la loi suffira à apporter une garantie éternelle. (Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)
M. le président. La parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat, pour un rappel au règlement.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Je fais miennes les craintes exprimées à l’instant par Michel Teston.
Monsieur le ministre, depuis qu’a commencé ce débat, nous ne cessons de vous objecter que l’inscription dans la loi de l’« imprivatisation » de La Poste n’a pas de valeur juridique. Vous ne pouvez pas faire aux parlementaires l’injure de considérer qu’ils ne connaissent pas la hiérarchie des normes : si vous voulez empêcher qu’une nouvelle loi ne puisse revenir sur les missions de service public de La Poste, inscrivez dans la Constitution que La Poste est un service public national.
Nous avons très bien saisi les enjeux du projet de loi. Nous avons parfaitement compris la position du Conseil constitutionnel qui, naguère, a validé la privatisation de GDF.
M. Roland Courteau. Très bien !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Nous ne nous laisserons pas tromper par de simples déclarations ! (Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste.)
M. le président. Personne ne demande plus la parole dans la discussion générale ?…
La discussion générale est close.
Exception d'irrecevabilité
M. le président. Je suis saisi, par M. Danglot, Mmes Beaufils et Didier, M. Le Cam, Mmes Schurch, Terrade et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, d'une motion n° 1.
Cette motion est ainsi rédigée :
En application de l'article 44, alinéa 2, du Règlement, le Sénat déclare irrecevable le projet de loi relatif à l'entreprise publique La Poste et aux activités postales (procédure accélérée) (n° 51, 2009-2010).
Je rappelle que, en application de l’article 44, alinéa 8 du règlement du Sénat, ont seuls droit à la parole sur cette motion l’auteur de l’initiative ou son représentant, pour quinze minutes, un orateur d’opinion contraire, pour quinze minutes également, le président ou le rapporteur de la commission saisie au fond et le Gouvernement.
En outre, la parole peut être accordée pour explication de vote, pour une durée n’excédant pas cinq minutes, à un représentant de chaque groupe.
La parole est à Mme Marie-France Beaufils, auteur de la motion.
Mme Marie-France Beaufils. Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, au nom du groupe communiste républicain et citoyen et des sénateurs du parti de gauche, je défendrai la motion d’irrecevabilité contre le projet de loi relatif à l’entreprise publique La Poste et aux activités postales.
Les motifs d’inconstitutionnalité ne manquent pas. Pourtant, depuis que ce texte est envisagé, les dirigeants de notre pays essaient de créer l’illusion que La Poste restera une entreprise publique. Or rien dans le projet de loi ne garantit expressément une participation majoritaire, pérenne, de l’État au capital de la nouvelle société anonyme créée. Mes chers collègues, j’espère que vous ne vous laisserez pas abuser par ce mensonge martelé. L’expérience et le contexte devraient nous y aider.
Le changement de statut de l’exploitant public et sa soumission au droit commun des sociétés s’inscrivent dans un contexte de désengagement de l’État et d’ouverture à la concurrence du secteur postal déjà largement engagée en vertu de politiques communautaires, politiques que vous avez expressément soutenues en votant, au sein du conseil des ministres européens, la dernière directive postale. Forte de cela, la direction de l’entreprise n’a eu de cesse de réduire les coûts pour réaliser des bénéfices au détriment des usagers et des personnels. Cette lecture mercantile du service public n’est pas acceptable.
Si nous ne pouvons soulever l’inconstitutionnalité de toutes les décisions qui ont mis à mal le service public postal, nous allons faire la démonstration aujourd’hui que ce projet de loi, qui tend à donner le coup de grâce à l’opérateur historique postal, est inconstitutionnel et doit, à ce titre, être rejeté.
Tout d’abord, le projet de loi contrevient au neuvième alinéa du préambule de la Constitution de 1946 : « Tout bien, toute entreprise, dont l’exploitation a ou acquiert les caractères d’un service public national ou d’un monopole de fait, doit devenir la propriété de la collectivité. » (M. Patrice Gélard s’exclame.)