M. Roland Courteau. Ce n’est pas terminé !
M. Marc Laménie. Je tiens également à remercier les sénateurs de leurs témoignages et explications exprimés lors de l’examen de cet article 2, lesquels ont surtout insisté sur la notion d’aménagement du territoire.
Nous sommes tous, ici présents, très sensibilisés par cet aspect, aussi bien pour les secteurs urbains que pour le monde rural. À cet égard, les différents amendements ont été présentés avec beaucoup de conviction, et je tiens à saluer leurs auteurs.
Il faut rester très attentif en ce qui concerne le chiffre de 17 100 points de contact. Nous comprenons l’attachement de nos collègues, qui est aussi le nôtre, au service public de La Poste et à ses différentes missions.
Les interventions relatives aux jours d’ouverture et à une amplitude horaire optimale ont été nombreuses. Malheureusement, les réalités sont telles que nous sommes obligés de nous adapter aux moyens modernes, aux nouvelles technologies.
Concernant les missions principales de La Poste, nous restons tous attachés à la notion de porte-à-porte, au travail de proximité, qui est l’une des missions premières des facteurs pour assurer le lien social.
À la suite des différentes interventions de M. le ministre et de M. le rapporteur, si nous demeurons vigilants, nous sommes très confiants. Aussi, le groupe UMP votera cet article 2. (Applaudissements sur les travées de l’UMP. – M. le rapporteur applaudit également.)
Mme la présidente. La parole est à Mme Bariza Khiari, pour explication de vote.
Mme Bariza Khiari. Après la désolation et la déception sur l’article 1er, qui, rappelons-le, est l’antichambre d’une privatisation, la loi consacre, par l’article 2, les quatre missions de service public de La Poste. C’est bien le moins, après le sondage grandeur nature de la votation citoyenne.
Encore aurait-il fallu que la loi garantisse le financement du surcoût de ses missions. C’est loin d’être le cas… Le dernier plan de modernisation de La Poste a déjà conduit à une détérioration du service public rendu aux usagers.
Aujourd’hui, la distribution du courrier à Paris a lieu à partir de neuf heures trente, alors qu’auparavant 80 % du courrier était distribué avant cet horaire. Les parisiens recevaient alors leur courrier avant de partir au travail. Là, il y a bien l’amorce d’une dégradation marquée du service public.
Pour ce qui concerne la mission d’aide à la distribution de la presse – j’ai présenté un amendement à ce sujet –, le protocole d’accord tripartite entre l’État, la presse et La Poste entérine un désengagement progressif de l’État : sa contribution, qui est de 242 millions d’euros cette année, ne sera plus que de 180 millions d’euros en 2015.
Malgré quelques précisions apportées pour conforter les missions de La Poste, que Michel Teston a rappelées, nous nous abstiendrons sur cet article, qui ne nous satisfait pas complètement.
Mme la présidente. La parole est à M. Roland Courteau, pour explication de vote.
M. Roland Courteau. Je ne dirai qu’un mot : ne vous étonnez pas, monsieur le ministre, monsieur le rapporteur, si votre projet de loi ne passe pas comme une lettre à la poste… (Murmures admiratifs.)
M. Alain Gournac. Pas mal !
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Claude Danglot, pour explication de vote.
M. Jean-Claude Danglot. Mon propos sera bref également.
On peut toujours trouver des améliorations dans le texte qui nous est proposé. Cependant, la confrontation que nous avons depuis lundi révèle que nous ne sommes pas seulement devant un projet de loi ordinaire, nous sommes aussi devant un choix de société que vous voulez nous imposer. Ce choix de société détruit l’exception française avec ses services publics en général, et ses points d’orgue : la sécurité sociale et l’éducation nationale.
Vous vous attaquez à l’ensemble de ces acquis avec la même logique. D’ailleurs, c’est le projet de société que M. Sarkozy a caché aux Français durant la campagne pour l’élection présidentielle. La Poste est l’un des derniers remparts contre cette société ultralibérale. C’est la raison de notre combat.
Mme Éliane Assassi. Très bien !
Mme la présidente. La parole est à Mme Anne-Marie Escoffier, pour explication de vote.
Mme Anne-Marie Escoffier. Cet article 2, qui a fait l’objet de longs débats et donné lieu à un certain nombre d’expressions redondantes, a tout de même montré l’inquiétude générale qui existe au sein de nos communes, qu’elles soient petites ou grandes, rurales ou urbaines.
Néanmoins, je relève que des efforts ont été consentis, que des engagements ont été pris. En témoignent un certain nombre de dispositions et de formulations, qui nous ont apporté des apaisements.
Dans ces conditions, compte tenu de la diversité qui caractérise notre groupe, certains d’entre nous, les plus nombreux, s’abstiendront, mais d’autres n’hésiteront pas à voter cet article. (Applaudissements sur de nombreuses travées de l’UMP.)
Mme la présidente. Je mets aux voix l'article 2, modifié.
(L'article 2 est adopté.)
Articles additionnels après l'article 2
Mme la présidente. L'amendement n° 51, présenté par M. Danglot, Mme Didier, M. Le Cam, Mmes Schurch, Terrade et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :
Après l'article 2, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Deux ans après la promulgation de la présente loi, le Gouvernement adresse au Parlement un rapport sur la présence postale dans les zones rurales. Ce rapport étudie notamment l'impact de la déréglementation du secteur postal sur l'équilibre et la désertification des territoires.
La parole est à M. Jean-Claude Danglot.
M. Jean-Claude Danglot. Il s’agit d’un amendement pragmatique, qui devrait recueillir votre assentiment.
En effet, nous demandons que, deux ans après la promulgation de la présente loi, si par malheur celle-ci devait être adoptée, le Gouvernement adresse au Parlement, c’est-à-dire aux élus que nous sommes, un rapport sur la présence postale dans les zones rurales. Ce rapport devra notamment étudier l’impact de la déréglementation du secteur postal sur l’équilibre et la désertification des territoires.
Vous ne cessez de dire que la présence postale sera assurée, voire qu’elle sortira renforcée par l’adoption de ce texte. Sans vouloir faire un procès de mauvaises intentions, nous en doutons fort au regard des objectifs actuels de la direction de La Poste et de la transformation du statut de l’exploitant public.
Les objectifs de rentabilité qui vont peser sur La Poste aboutiront mécaniquement à une baisse de prestations offertes dans les points de contact. La Poste, pour atteindre l’équilibre à laquelle vous l’assignez sur cette mission d’aménagement du territoire, va être tentée de transformer ces bureaux de plein exercice en formules moins coûteuses.
Cette volonté d’atteindre l’équilibre est juste impossible, puisqu’elle demande à La Poste de diviser par deux les investissements qu’elle consacre à la présence territoriale. On lui demande simplement de démanteler le réseau existant, pourtant facteur de cohésion nationale.
Nous vous demandons d’adopter cet amendement de bon sens pour que, dans deux ans, nous soyons en mesure d’appréhender les conséquences concrètes du changement de statut de La Poste en termes d’aménagement du territoire, en espérant que vous n’arriverez pas jusqu’à ce changement.
Tel est le sens de cet amendement, que nous soumettons à votre vote.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Pierre Hérisson, rapporteur. Cet amendement prévoit la remise d’un rapport au Parlement sur la présence postale dans les zones rurales. Pourquoi limiter ce rapport aux zones rurales ?
J’ai l’honneur de présider l’Observatoire national de la présence postale, qui a publié son rapport annuel. J’étais persuadé, mon cher collègue, que vous en aviez pris connaissance,…
M. Alain Gournac. Je l’ai reçu !
M. Pierre Hérisson, rapporteur. … mais je me ferai un plaisir de vous en faire parvenir un exemplaire dès demain.
Je vous indique en toute amitié, monsieur Danglot, que, dans votre département, le Pas-de-Calais, 96,8 % de la population est à moins de cinq kilomètres d’un point de contact.
En tout cas, je ne peux pas émettre un avis favorable sur cet amendement, puisqu’il existe déjà un rapport.
M. Alain Gournac. Ce n’est pas le même ! Ce serait un rapport dans l’autre sens !
M. David Assouline. Si vous dites que tout va bien dans le Nord-Pas-de-Calais, nous allons le faire savoir !
M. Jean-Claude Danglot. Et les 38 000 heures de fermetures prévues en trois ans ?
M. Pierre Hérisson, rapporteur. Nous allons examiner cela. En attendant, la commission émet un avis défavorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Michel Mercier, ministre. Monsieur Danglot, vous avez raison de demander un rapport, mais il existe déjà. Nous l’avons reçu.
M. Alain Gournac. Je l’ai reçu ce matin !
M. Jean-Claude Danglot. Il ne prend pas en compte le présent projet de loi !
M. Michel Mercier, ministre. Désormais, le projet de loi sera pris en compte !
Je veillerai à ce que M. Hérisson vous fasse tenir le rapport actuel dans les plus brefs délais.
On ne peut pas multiplier les rapports à l’infini. Le rapport qui existe est très intéressant, très bien fait, et nous pouvons tous en prendre connaissance.
Votre amendement étant satisfait par les obligations réglementaires, je vous demande de bien vouloir le retirer.
Mme la présidente. Monsieur Danglot, l’amendement n° 51 est-il maintenu ?
M. Jean-Claude Danglot. J’ai indiqué d’emblée qu’il s’agissait d’un amendement pragmatique. Il a atteint son objet, vous en avez compris le sens, aussi, je le retire.
Mme la présidente. L’amendement n° 51 est retiré.
L’amendement n° 224, présenté par M. Danglot, Mme Didier, M. Le Cam, Mmes Schurch, Terrade et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :
Après l’article 2, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L’article 4 de la loi n° 90-568 du 2 juillet 1990 précitée est ainsi rédigé :
« Art. 4. - La Poste et France Télécom concourent à promouvoir et à développer l’innovation et la recherche dans leur secteur d’activité. Ils participent à l’effort national d’enseignement supérieur dans les domaines de la communication et de l’électronique. Ils peuvent passer des conventions avec des établissements et organismes de recherche publique. »
La parole est à Mme Odette Terrade.
Mme Odette Terrade. Cet amendement concerne la promotion et le développement de l’innovation et de la recherche dans le secteur d’activité de La Poste et de France Télécom. Il tend à modifier l’article 4 de la loi du 2 juillet 1990 relative à l’organisation du service public de la poste et des télécommunications, qui dispose que La Poste concourt à promouvoir et à développer l’innovation et la recherche dans son secteur d’activité et qu’elle participe à l’effort national d’enseignement supérieur dans les domaines de la communication et de l’électronique.
Nous souhaitons pour notre part réintroduire la participation de France Télécom au développement de l’innovation et de la recherche ainsi qu’à l’effort national d’enseignement supérieur dans les domaines de la communication et de l’électronique.
La nouvelle rédaction que nous proposons pour cet article 4 précise également que France Télécom et La Poste pourraient passer des conventions avec des établissements et des organismes de recherche publique.
Il est en effet indispensable, si l’on veut voir se développer des innovations adaptées au secteur postal et à celui des télécommunications, de former des cadres compétents et spécialisés dans ces domaines, donc d’assurer la survie et la bonne marche des écoles dont l’enseignement est lié à ce secteur d’activité en maintenant une participation financière des deux groupes à ces écoles. Cela permettra in fine d’œuvrer pour le bon fonctionnement du secteur des postes et télécommunications dans son ensemble et, puisque celui-ci relève des missions de service public, d’œuvrer pour le bien public.
La privatisation de France Télécom a entraîné la disparition de l’École nationale supérieure des postes et télécommunications, l’ENSPT, qui formait des cadres supérieurs administratifs réservés à La Poste et à France Télécom. Cette privatisation a en effet supprimé l’obligation faite à France Télécom de participer à l’effort d’enseignement supérieur dans les domaines en relation avec son activité, ce qui a pour conséquence le déclin inéluctable de l’école.
Cela est fortement dommageable pour le service des télécommunications, pour le service postal, et pour la France dans son ensemble, qui voit de cette façon s’éteindre une école de qualité, de renommée, qui dispensait des formations parfaitement adaptées aux entreprises publiques évoquées et, du fait de cette parfaite adaptation, non seulement offrait des débouchés professionnels directs aux étudiants, mais encore permettait des avancées technologiques et formait des personnels qualifiés. Aucune formation ni aucun autre organisme de recherche privé ne saurait la remplacer ni accomplir aussi bien la mission dont elle s’acquittait.
Dans cette logique, non seulement nous sommes formellement opposés à la suppression de la participation de La Poste à l’enseignement supérieur, mais, vous l’avez compris, nous souhaitons au contraire que cette participation soit redéployée, ce qui passe par le rétablissement de celle de France Télécom.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Pierre Hérisson, rapporteur. Cet amendement tend à préciser le rôle de La Poste et de France Télécom dans l’effort d’innovation et de recherche.
Il nous est proposé de revenir pour l’essentiel à une rédaction ancienne de l’article 4 de la loi du 2 juillet 1990, sans prendre en compte l’évolution qui, depuis, a touché France Télécom et La Poste et que nous avons déjà eu l’occasion d’évoquer à plusieurs reprises.
Nous sommes tous favorables à l’innovation et à la recherche, mais je ne pense pas qu’une telle initiative trouve sa place dans le projet de loi qui nous occupe aujourd’hui. Selon moi, il appartient maintenant à ces deux entreprises, qui ont une organisation de recherche et développement – de « R&D », comme on dit pour faire court ! –, de faire comme bon leur semble. Et peut-être l’augmentation de capital pourra-t-elle même servir à alimenter la ligne budgétaire de recherche et développement !
L’avis de la commission est défavorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Michel Mercier, ministre. Madame Terrade, la position du Gouvernement est claire, me semble-t-il : La Poste concourt à promouvoir et à développer l’innovation et la recherche dans son secteur d’activité. Comme tout service public, elle a l’obligation de s’adapter sans cesse aux progrès techniques et à l’innovation.
En revanche, il n’y a aucune raison de faire peser sur elle des obligations en matière d’enseignement supérieur dans les domaines de l’électronique ou de la communication, même si, bien évidemment, rien ne l’empêche de passer des conventions avec des universités et des écoles.
M. Pierre Hérisson, rapporteur. Par exemple !
M. Michel Mercier, ministre. Une telle démarche serait même tout à fait normale et logique.
Je ne pense pas que l’on puisse imposer à La Poste une obligation spécifique en matière d’enseignement supérieur, celui-ci relevant essentiellement de l’État.
L’avis du Gouvernement est donc défavorable.
Mme la présidente. L’amendement n° 463 rectifié, présenté par MM. Teston, Botrel, Bourquin, Chastan, Courteau, Daunis et Guillaume, Mmes Herviaux et Khiari, MM. Mirassou et Navarro, Mme Nicoux, MM. Patient, Patriat, Raoul, Raoult, Repentin, Collombat, Bérit-Débat, Berthou et Daudigny, Mme Bourzai, M. Rebsamen et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Après l’article 2, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le moratoire suspendant l’application de la hausse des tarifs postaux prévue dans le protocole d’accord tripartite Presse-État-La Poste signé le 23 juillet 2008 est prolongé.
La parole est à M. Michel Teston.
M. Michel Teston. Cet amendement vise à prolonger le moratoire portant sur un volet de l’accord entre l’État, la presse et La Poste du 23 juillet 2008.
Depuis les années 1980, le service public du transport et de la distribution de la presse fait l’objet d’accords pluriannuels entre l’État, La Poste et les syndicats d’éditeurs de presse. Le dernier accord, qui date du 23 juillet 2008, programme une contribution annuelle de l’État au transport et à la distribution de la presse.
Or, cette contribution est dégressive. En effet, est notamment prévue une subvention de l’État de 242 millions d’euros jusqu’en 2011, de 232 millions pour 2012, de 217 millions pour 2013, de 200 millions pour 2014 et de 180 millions en 2015, dernière année d’intervention de l’État.
L’accord prévoit également une augmentation progressive, d’ici à 2015, des tarifs pesant sur les éditeurs de presse, de 20 % pour la presse d’information politique et de 30 % pour les autres titres.
Alors que la situation des éditeurs de presse est fragile, la crise économique d’une gravité exceptionnelle que nous connaissons a conduit à la mise en place d’un moratoire permettant de reporter temporairement la hausse des tarifs postaux prévue dans l’accord du 23 juillet 2008. La crise n’étant pas terminée, il nous paraît opportun de prolonger les effets de ce moratoire afin de soustraire les entreprises de presse à cette épée de Damoclès.
Comme déjà lors de la défense d’un autre de nos amendements, je rappellerai que tout ce qui facilite la distribution de la presse par voie postale joue un rôle important dans le maintien de la présence de La Poste dans les territoires ruraux enclavés.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Pierre Hérisson, rapporteur. Cet amendement vise donc à prolonger le moratoire. Il se trouve néanmoins que l’application du protocole dont il est question fait l’objet d’un contrat signé par trois partenaires : l’État, la presse et La Poste.
La mise en œuvre de l’accord de juillet 2008 a été reportée d’un an en raison de la crise économique : c’est ce qu’a décidé le Président de la République en janvier dernier. Cette situation est toutefois transitoire et ne doit pas remettre en cause les accords conclus à l’issue d’une concertation entre les acteurs concernés.
Il me paraît donc difficile de prendre ici la décision de prolonger un moratoire qui concerne trois partenaires : si prolongement il doit y avoir, il me semble à tout le moins qu’il doit résulter d’une négociation entre toutes les parties.
Le Gouvernement va pouvoir nous donner son avis sur la question. Cependant, il ne nous est pas possible aujourd’hui de recueillir celui de la presse, le troisième partenaire. Or votre idée, monsieur Teston, parce qu’elle est intéressante, mérite d’être soumise aux trois partenaires simultanément, car c’est l’égalité d’accès à l’information pour l’ensemble des citoyens sur le territoire qui est en jeu. Nous ne pouvons pas la traiter ici au nom des trois partenaires lorsqu’un seul est présent.
Néanmoins, monsieur le ministre, nous souhaitons entendre votre avis.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Michel Mercier, ministre. Il est évident que, en assurant la distribution de la presse, La Poste joue un rôle essentiel dans le maintien du pluralisme de l’information dans notre pays.
La Poste a une mission, qui lui est assignée par la loi : transporter et distribuer la presse sur tout le territoire six jours sur sept à des tarifs préférentiels et réglementés. L’État participe au financement de ces obligations en accordant une aide aux publications d’information politique et générale et aux exemplaires distribués par La Poste en zones peu denses.
Un accord tripartite entre l’État, la presse et La Poste, qui porte le nom d’accord Schwartz, a été signé en 2008. Il est valable de 2008 à 2015. En 2009, en raison de la crise, le Président de la République a décidé un moratoire pour en suspendre l’application.
Je crois qu’il faut respecter l’esprit de l’accord et que, si le moratoire doit être maintenu, ce n’est pas à la loi d’en décider. Une négociation doit intervenir entre les trois parties pour déterminer s’il faut continuer et dans quelles conditions.
La question que vous soulevez, monsieur le sénateur, est une question essentielle, nous en sommes tous d’accord. Mais il faut faire place à la négociation, car une telle décision ne saurait être prise dans le cadre de ce projet de loi. Aussi, je vous demande de retirer votre amendement.
Mme la présidente. La parole est à M. David Assouline, pour explication de vote.
M. David Assouline. Monsieur le ministre, toutes vos observations sur l’amendement et la pertinence de sa présence dans la loi est juste. C’était un amendement d’appel et de sensibilisation.
M. Pierre Hérisson, rapporteur. C’est bien ainsi que nous l’avions compris !
M. David Assouline. Pour autant, votre réponse ne nous satisfait pas et, surtout, ne nous rassure pas.
Cette question est fondamentale. Le moratoire a été instauré sur décision du Président de la République. Pourtant, vous nous objectez que l’État ne peut rien faire seul parce que deux autres partenaires sont également concernés. Mais quand il a décidé le moratoire, il a pu agir seul ! Pourquoi ? Parce que La Poste est un service public et que l’État, même dans le cadre d’un partenariat avec La Poste, a son mot à dire.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Eh oui !
M. David Assouline. En affirmant que nous ne pouvons rien faire, vous nous encouragez à penser que, dans votre d’esprit, La Poste n’est plus complètement un service public et peut être amenée à prendre une décision contraire à l’intérêt de la collectivité, à l’intérêt général, bref, à l’intérêt du service public.
Cette question est loin d’être close. La presse écrite continue d’être mise à mal par la crise. Ce n’est pas seulement la crise financière et économique, qui touche tout le monde,…
M. Jean Desessard. Sauf les banquiers !
M. David Assouline. … et on prend des mesures à tout va, et on renfloue les banques… Non, c’est la révolution du numérique, c’est-à-dire la révolution de tout un système de production et de diffusion, et même de rédaction.
Aujourd’hui, c’est la presse quotidienne distribuée localement qui résiste le mieux. Comparez les tirages de la presse quotidienne régionale, la PQR, et ceux des quotidiens nationaux : il est clair que la seule presse de masse, la seule presse populaire qui parvienne à survivre, c’est la presse locale, et qu’elle ne vit que parce que c’est une presse de proximité distribuée rapidement sur l’ensemble du territoire, en particulier dans les zones rurales. Sans moratoire, elle sera en danger de mort. C’est bien pour cette raison, d’ailleurs, que l’État consent de gros efforts pour aider la presse. Il ne peut pas d’un côté consentir des efforts et de l’autre accepter cette augmentation du tarif postal !
Le moratoire sur l’augmentation, le Président de la République l’a décidé, La Poste l’a accepté.
M. David Assouline. La logique commerciale de La Poste était de refuser, ces représentants ont accepté parce qu’il y avait une compensation. Nous demandons la prolongation de ce moratoire.
J’ai interrogé sur ce point – là je vous demande d’être plus prudent – M. Frédéric Mitterrand lors de la réunion de la commission de la culture sur le projet de budget, voilà quelques jours. Je lui ai dit : « Monsieur le ministre, eu égard à la situation – il partage à peu près mon diagnostic – ne serait-il pas bon que le moratoire soit prolongé d’un an au moins, notamment cette année où l’on vit encore dans la crise ? » Il ne m’a pas répondu non, il m’a dit : « On va voir, mais je ne suis pas décideur parce qu’il s’agit d’un accord tripartite ».
Par conséquent, nous voterons l’amendement, monsieur le ministre, mais je demande au Gouvernement de prendre un peu plus en considération cette demande. Il y va de la crédibilité de La Poste en tant que service public ainsi que de l’avenir immédiat de la presse écrite papier dans notre pays.
M. Jean-Jacques Mirassou. Très bien !
M. Charles Pasqua. Il n’y a pas photo !
M. David Assouline. Vous expliquerez dans vos cantons qu’il n’y a plus de presse quotidienne régionale à cause de vous !
Mme la présidente. L'amendement n° 546 rectifié, présenté par MM. Teston, Collombat, Botrel, Bourquin, Chastan, Courteau, Daunis et Guillaume, Mmes Herviaux et Khiari, MM. Mirassou et Navarro, Mme Nicoux, MM. Patient, Patriat, Raoul, Raoult, Repentin, Bérit-Débat, Berthou et Daudigny, Mme Bourzai, M. Rebsamen et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Après l'article 2, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le II de l'article 6 de la loi n° 90-568 du 2 juillet 1990 relative à l'organisation du service public de La Poste et à France Télécom est ainsi rédigé :
« II. - Pour financer le maillage territorial complémentaire ainsi défini, il est constitué un fonds postal national de péréquation territoriale, dans les conditions prévues par l'article 2 de la présente loi.
« Les ressources du fonds proviennent :
« - d'une contribution de l'ensemble des prestataires de services postaux : La Poste et les prestataires de services postaux titulaires de l'autorisation prévue à l'article L. 3 du code des postes et des communications électroniques.
« La contribution de chaque prestataire au fonds est calculée au prorata de son chiffre d'affaires.
« Les montants des contributions dont les prestataires de services postaux sont redevables au fonds de péréquation pour assurer la présence postale sur l'ensemble du territoire sont fixés par décret sur proposition de l'Autorité de régulation des communications électroniques et des postes.
« - d'une majoration de la contribution financière mentionnée à l'article L. 541-10-1 du code de l'environnement
« - d'une contribution de l'ensemble des établissements réalisant en France des opérations prévues aux articles L. 311-1, L. 311-2, L. 321-1 et L. 321-2 du code monétaire et financier. « La contribution de chaque établissement est calculée au prorata du chiffre d'affaires réalisé au titre des services bancaires et de crédit.
« Les montants des contributions dont ces prestataires sont redevables sont fixés par un décret pris après avis du Comité consultatif de la législation et de la réglementation financière et de la Commission bancaire.
« Les Commissions départementales de présence postale territoriale procèdent à l'affectation de la fraction du fonds allouée annuellement à chaque département. Celle-ci est effectuée dans le but exclusif d'assurer le meilleur service public de proximité possible, indépendamment du statut juridique des établissements ou de la nature des opérations que ces établissements effectuent.
« Les bureaux de Poste, agences postales communales et points Poste situés en zones de revitalisation rurale, en zones urbaines sensibles ou sur le territoire d'une commune ayant conclu, avec une ou plusieurs autres, dans le cadre ou non d'un établissement public de coopération intercommunale, une convention de présence territoriale avec La Poste bénéficient d'une majoration significative du montant qu'ils reçoivent au titre de la péréquation postale.
« L'État présente chaque année à l'occasion de la loi de finances un bilan du coût et du financement de la présence postale sur l'ensemble du territoire.
« Un décret, pris après avis des principales associations représentatives des collectivités territoriales, précise les modalités d'application du présent II. »
La parole est à M. Pierre-Yves Collombat.