M. Michel Teston. Le changement de statut de la Poste n’a pas que des conséquences sur l’entreprise et sur le service public. Il pose de sérieuses questions relatives au régime de retraite, questions que le rapporteur a soulevées sans pour autant proposer de solution.
Il est tout de même préoccupant de constater que le Gouvernement veut faire passer une loi à la va-vite, sans se soucier des conséquences pour le régime complémentaire de retraite de l’IRCANTEC.
Nous ne pouvons que nous interroger sur le niveau de préparation d’un projet de loi qui laisse aux deux assemblées le soin de régler une question qui, pour être technique, n’en est pas moins essentielle.
Nous sommes inquiets devant la multiplication de projets de loi insuffisamment préparés. L’affichage permanent de la réforme conduit de plus en plus le Gouvernement à l’imprécision.
Les agents contractuels de La Poste, soit 155 000 personnes, qui cotisent pour l’heure à l’IRCANTEC seront affiliés au régime AGIRC-ARRCO après le changement de statut, ce qui représente pour l’IRCANTEC une perte de recettes considérable. Il importe donc de trouver une solution viable qui ne fragilise pas cet établissement à court, à moyen et à long terme. La sortie des cotisations des contractuels de La Poste se traduirait par une perte nette pour l’IRCANTEC annulant les effets de la réforme de cette institution qui est intervenue en 2008.
Cependant le maintien des salariés sans mesure compensatoire à l’avenir est tout aussi préoccupant : les nouveaux salariés de La Poste iront dans le régime AGIRC-ARRCO et ne cotiseront pas à l’IRCANTEC, qui verra ainsi ses recettes diminuer faute de cotisants nouveaux tandis que les dépenses augmenteront avec l’arrivée progressive à la retraite des anciens cotisants.
Il nous importe donc de trouver une réelle solution pour ce problème financier de poids.
Le versement d’une soulte par l’AGIRC-ARRCO est-il envisageable ? Quel pourrait en être le montant ? Outre les immanquables contestations qui se produiront sur les montants, cette opération ne contribuera-t-elle pas à affaiblir les deux organismes de retraite ?
En tout état de cause, il faut tenter de préserver les droits acquis des salariés. Nous proposons donc de maintenir aux retraités et aux salariés actuels contractuels de droit privé de La Poste le bénéfice de leur retraite complémentaire lié à leur affiliation au régime de l’IRCANTEC.
Cet amendement vise également à préserver l’équilibre financier du régime de l’IRCANTEC, ce qui nous paraît être la moindre des choses.
M. le président. L'amendement n° 562 rectifié, présenté par M. Danglot, Mme Didier, M. Le Cam, Mmes Schurch, Terrade et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :
Compléter cet article par trois alinéas ainsi rédigés :
...° Sont ajoutés deux alinéas ainsi rédigés:
« Les agents contractuels et salariés de droit privé de la Poste demeurent soumis aux dispositions du décret n° 70-1277 du 23 décembre 1970 portant création d'un régime de retraite complémentaire des ressources sociales en faveur des agents non titulaires de l'État et des collectivités publiques.
« Les conditions d'application de l'alinéa ci-dessus sont précisées par décret en Conseil d'État. »
La parole est à Mme Brigitte Gonthier-Maurin.
Mme Brigitte Gonthier-Maurin. Je l’ai dit précédemment, nous craignons que les ressources de l’IRCANTEC ne soient complètement déstabilisées par le non-assujettissement de salariés.
M. le président. L'amendement n° 261, présenté par M. Danglot, Mme Didier, M. Le Cam, Mmes Schurch, Terrade et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :
Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
... - L'article 31-2 de la même loi est ainsi rédigé :
« Art. 31-2. - Les organisations syndicales représentatives peuvent être saisies et porter avis sur les projets d'organisation de portée nationale ou sur des questions d'actualité.
« Elles peuvent proposer toute démarche alternative aux dites orientations stratégiques.
« La négociation d'accords collectifs dans tous les domaines sociaux afférents à l'activité postale est soumise à des instances de concertation et de négociation établies au niveau national et au niveau territorial, après avis des organisations syndicales représentatives. »
La parole est à M. Jean-François Voguet.
M. Jean-François Voguet. En l’absence de comité d’entreprise, les organisations syndicales représentatives sont cantonnées à des commissions d’échange stratégique. Lorsque celles-ci se réunissent, les projets d’établissement public sont présentés, mais ne donnent lieu à aucun vote. Ces instances sont un lieu d’information souvent partielle et de concertation de façade. Il n’y a pas de négociation puisque le rapport de force possible dans une instance équitablement constituée entre représentants des travailleurs et de l’entreprise est exclu de ces commissions.
La stratégie du groupe La Poste est établie au niveau de son comité exécutif, avec l’aval de l’Agence des participations de l’État, devenue omniprésente depuis 2003. Avec ce contrôle de l’État actionnaire, et non pas propriétaire, rien d’étonnant à ce que les relations contractuelles entre l’employeur et les représentants du personnel de La Poste soient des plus réduites.
La Poste est le plus gros employeur de France après l’État. Ses employés salariés souffrent bien d’une situation préjudicielle chronique. L’entretien d’un secteur « hors droit du travail » représente une véritable discrimination pour près de 120 000 personnes. Plus que d’information et de concertation, ces salariés ont besoin de véritables instances de négociation. C’est en ce sens que nous proposons de réécrire l’article 31-2 de la loi du 2 juillet 1990.
M. le président. L’amendement n° 561, présenté par M. Danglot, Mme Didier, M. Le Cam, Mmes Schurch, Terrade et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :
Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
... - Les modifications introduites par le présent article ne prennent effet qu’après la mise en application effective des dispositions relatives aux institutions représentatives du personnel.
La parole est à Mme Évelyne Didier.
Mme Évelyne Didier. Avec l’article 8, nous nous trouvons au cœur de la spécificité de La Poste, à savoir la règle du « ni-ni » : les agents contractuels de La Poste ne sont ni protégés par les dispositions propres aux fonctionnaires, ni protégés par le code du travail.
M. Jean Desessard. Absolument !
Mme Évelyne Didier. Leur statut est, pour une grande part, conventionnel et la multiplication des conventions applicables à La Poste n’est pas pour nous rassurer. Les conventions sont, par nature, moins protectrices que la loi, particulièrement depuis que ce gouvernement a mis en place un mécanisme d’inversion de la hiérarchie des normes, plaçant les conventions au-dessus de la loi, quand bien même ces conventions seraient moins favorables que la loi !
Par ailleurs, ces conventions, lorsqu’elles existent, sont imparfaites. Et ce qui vaut pour les conventions vaut également pour les décrets. Vous ne pouvez pas l’ignorer, et les salariés de la Poste le savent bien, le décret prévu par l’article 31 de la loi du 2 juillet 1990 relative à l’organisation du service public de la poste et à France Télécom n’a pas encore été publié, notamment en ce qui concerne les dispositions propres à la représentation des agents dans les instances concernant l’hygiène et la sécurité du travail.
C’est pourquoi cet amendement n° 561 tend à subordonner l’entrée en vigueur de cet article 8 à la mise en application effective des dispositions relatives aux institutions représentatives du personnel.
Cette disposition est attendue par les salariés, qui ne supportent plus, et c’est légitime, d’être placés dans une sorte de no man’s land juridique. La Poste, parce qu’elle est chargée de missions de service public et parce que, pour quelque temps encore, son capital est détenu majoritairement par l’État ou des personnes publiques, doit être un employeur exemplaire !
M. le président. L’amendement n° 595, présenté par MM. Fortassin, Tropeano, Charasse et Collin, Mmes Escoffier et Laborde et MM. Mézard et Milhau, est ainsi libellé :
Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
... - Le maintien des droits acquis sera assuré aux contractuels de droit public transférés, notamment au titre de leur affiliation au régime de l’Institut de retraite complémentaire des agents non titulaires de l’État et des collectivités locales.
La parole est à M. Yvon Collin.
M. Yvon Collin. En défendant cet amendement, je rejoins les préoccupations exprimées par certains des intervenants qui m’ont précédé.
Certes, le statut des agents de La Poste fonctionnaires d’État est conservé et les garanties associées à ce statut en termes d’emploi et de retraite seront maintenues. Mais quel sera le sort réservé aux agents contractuels, de plus en plus nombreux à La Poste ? Ils risquent de devoir subir le changement de statut puisque le projet de loi, en l’état, ne prévoit pas le maintien de leur régime d’affiliation à l’IRCANTEC.
Actuellement, plus de 100 000 salariés contractuels de droit privé bénéficient du régime d’affiliation à l’IRCANTEC, du fait du statut actuel d’EPIC de La Poste. Or, demain, les contractuels nouvellement embauchés relèveront des conventions collectives et de l’affiliation à l’AGIRC-ARRCO, alors que cette situation est moins avantageuse que celle dont jouissent les salariés actuellement employés.
Il convient d’ajouter que l’arrêt du flux de nouveaux entrants fragiliserait le régime de l’IRCANTEC, qui perdrait plus d’un tiers de ses cotisants, comme l’a expliqué notre collègue Michel Teston.
Notre amendement vise donc à maintenir les droits des contractuels, malgré la transformation et le changement de statut de La Poste prévus par ce projet de loi. Cet amendement, déjà présenté en commission par des collègues de mon groupe, avait donné lieu à un débat, compte tenu de l’enjeu pour les salariés contractuels de La Poste. M. le ministre s’était alors dit favorable à cette disposition, mais avait préféré attendre les réunions des deux caisses de retraite avant de se prononcer sur le dispositif qu’il souhaitait approuver. En commission, la solution du basculement de l’ARGIRC-ARRCO vers l’IRCANTEC avait été envisagée.
Avec plusieurs de mes collègues, nous maintenons notre proposition et attendons de connaître les positions et, plus encore, les propositions de M. le rapporteur et de M. le ministre en faveur des personnels contractuels de La Poste. Ces derniers ne doivent pas être victimes du changement de statut de leur entreprise.
M. le président. Quel est l’avis de la commission, dans un premier temps, sur les amendements nos 246, 325 rectifié bis et les trois autres amendements qui traitent du régime de retraite complémentaire ?
M. Pierre Hérisson, rapporteur. Les auteurs de l’amendement n° 246 proposent de réintroduire une version de l’article 31 de la loi du 2 juillet 1990 antérieure à 1996. Autant dire que cette version, qui fait référence aux « exploitants publics », serait aujourd’hui parfaitement anachronique. Avis défavorable.
L’amendement n° 325 rectifié bis recueille un avis favorable.
Les auteurs de l’amendement n° 501 rectifié défendent une solution proche de celle de l’amendement nº 325 rectifié bis, mais qui me paraît toutefois moins adaptée et moins consensuelle. En effet, ils proposent que les cotisations soient réparties « au prorata des charges de retraite ». Je leur suggérerai donc de retirer leur amendement. À défaut, la commission émettrait un avis défavorable.
Comme je l’ai indiqué tout à l’heure en m’exprimant sur l’amendement n° 562, avant qu’il ne soit transféré à l’article 8, la commission partage la volonté de régler le problème de la retraite complémentaire des agents de La Poste. Cependant, ainsi que je viens de m’en expliquer, il nous semble que l’amendement n° 325 rectifié bis est plus complet. Aussi demandons-nous également le retrait de l’amendement n° 562 rectifié.
En ce qui concerne l’amendement n° 561…
M. le président. Monsieur le rapporteur, pourriez-vous d’abord nous exposer l’avis de la commission sur l’amendement n° 595, qui traite du même sujet que les précédents ?
Nous ne voulons pas donner à ceux de nos collègues à qui il a été demandé de déplacer un amendement le sentiment – sentiment au demeurant tout à fait infondé – d’avoir été abusés. C’est pourquoi j’ai indiqué que les quatre amendements qui ont trait au régime de retraite et qui émanent de quatre groupes politiques feraient en quelque sorte l’objet d’un « mini-débat » à l’intérieur d’une discussion commune qui concerne également douze autres amendements. Il ne faudrait pas, en effet, que le vote du premier de ces amendements prive, de fait, les uns ou les autres de la possibilité de s’expliquer pleinement sur leur position quant au problème en cause. Il s’agit de ne pas brimer les groupes qui, à juste titre, ont déposé des amendements quasi semblables.
Je demande à la commission de coopérer à la mise en œuvre de cette modalité un peu particulière de discussion.
La parole est à M. le président de la commission.
M. Jean-Paul Emorine, président de la commission de l’économie. Monsieur le président, je me permets de faire observer que M. le rapporteur et moi-même sommes présents au banc de la commission, sans discontinuer, depuis le lundi 2 novembre, à seize heures : je vous demanderai donc de faire preuve d’indulgence à notre égard !
M. le rapporteur a fourni un énorme travail et, si des temps morts sont parfois à déplorer dans notre débat, ils ne sont pas imputables à la commission !
M. le président. Monsieur le président, je vous donne acte de votre déclaration. Je suis le premier à apprécier le travail du président de la commission et du rapporteur, mais j’ai pris soin d’informer tout le monde de ce très léger bouleversement par rapport aux modalités habituelles d’une discussion commune.
Si les changements de dernière minute qui sont intervenus à la suite du déplacement d’un amendement ont pu créer une impression de désorganisation du débat, croyez bien que je le regrette !
Monsieur le rapporteur, veuillez donc poursuivre la présentation des avis de la commission sur les amendements qui font l’objet de cette discussion commune, mais en la reprenant à l’amendement n° 595.
M. Pierre Hérisson, rapporteur. Monsieur le président, cet amendement, qui a été présenté par M. Collin, appelle la même appréciation que les amendements nos 501 rectifié et 562 rectifié : l’amendement n° 325 rectifié bis, présenté par Mme Procaccia, est consensuel et complet, il répond à toutes les inquiétudes exprimées ce matin et synthétise toutes les propositions émises sur ce sujet très important. C’est pour cette raison que je propose à M. Teston, à Mme Gonthier-Maurin et à M. Collin de se rallier à l’amendement n° 325 rectifié bis, étant bien entendu qu’il ne s’agit pas d’une demande de rejet !
M. le président. Nous arrivons ainsi à une conclusion bénéfique pour tout le monde !
M. Pierre Hérisson, rapporteur. Je reprends maintenant les amendements dans l’ordre initial.
L’amendement n° 235 tend à la suppression de l’alinéa 2 de l’article 8 et reçoit un avis défavorable.
En ce qui concerne l’amendement n° 255, compte tenu de la grande diversité des métiers exercés par les agents contractuels au sein de La Poste, il ne semble pas possible, ni même souhaitable, de réunir les conventions collectives actuelles en une seule convention. Avis défavorable.
L’amendement n° 500 recueille également un avis défavorable, pour les raisons que j’ai invoquées au sujet de l’amendement n° 246.
Même avis sur l’amendement n° 413.
En ce qui concerne l’amendement n° 301, je ne vois pas concrètement ce que l’ajout de l’expression « dispositions du code du travail » procurera comme avantage supplémentaire aux agents contractuels de La Poste. Avis défavorable.
Les amendements identiques nos 300, 502 rectifié et 560 tendent à la suppression de l’alinéa 4 de l’article 8. Les questions relatives aux conditions de travail ayant vocation à être discutées dans le cadre des comités d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail, nous n’avions pas émis d’objection à la suppression de cet alinéa. Néanmoins, la commission souhaiterait entendre l’avis du Gouvernement sur ce point.
L’amendement n° 260 recueille un avis défavorable car, de même que l’amendement n° 255, il tend à soumettre l’ensemble des contractuels de La Poste à une convention collective unique.
L’amendement n° 261 est déjà largement satisfait par le droit en vigueur. Avis défavorable.
Enfin, la commission est défavorable à l’amendement n° 561. Le dialogue social au sein de La Poste est satisfaisant et je ne vois pas pourquoi il faudrait retarder l’entrée en vigueur des dispositions de l’article 8.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Christian Estrosi, ministre. Je veux d’abord rappeler que nous débattons depuis maintenant cinquante-deux heures. Je tiens d’ailleurs à saluer les nombreux sénateurs qui, sur toutes les travées, ont consacré presque tout leur temps à ce débat. Il n’est guère étonnant que, au bout de cinquante-deux heures, ils commencent à en ressentir quelques effets…
Je veux, bien sûr, saluer aussi les présidents qui se sont succédé, ainsi que l’ensemble des membres de la Haute Assemblée qui se sont relayés dans l’hémicycle tout au long de la semaine.
Enfin, je rends hommage au travail réalisé par la commission, son président, son rapporteur et tous les collaborateurs qui les accompagnent et les conseillent, ainsi que par mes propres collaborateurs. Depuis cinquante-deux heures, nous n’avons pas non plus fait défaut !
Nous avons abordé l’examen d’un article très sensible parce qu’il touche aux droits des salariés. Je considère que c’est un sujet trop important pour que nous nous dispensions de l’aborder vraiment à fond : nous sommes tous convaincus que nous n’avons pas droit à l’erreur vis-à-vis des droits sociaux de chacun de ces salariés et de leur avenir professionnel.
Je souhaite, pour commencer, répondre à l’intervention de M. Teston sur l’article 8. Selon lui, il n’y a pas de CHSCT à La Poste.
M. Michel Teston. Je n’ai pas dit cela !
M. Christian Estrosi, ministre. Il en existe bien ! On dénombre actuellement plus de mille CHSCT à La Poste, et ils traitent bien sûr des conditions de travail.
M. Martial Bourquin. Ils sont en voie de réduction drastique !
M. Christian Estrosi, ministre. Effectivement, monsieur Bourquin, vous avez fait part de votre inquiétude de voir leur nombre baisser de manière « drastique », pour reprendre vos termes. Nous veillerons, je veux le confirmer ici, à ce que tel ne soit pas le cas, car, tout comme vous, nous sommes très attentifs à ces sujets.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Nous sommes rassurés !
M. Christian Estrosi, ministre. Je voudrais aussi apporter une précision sur le décret prévu à l’article 31 de la loi du 2 juillet 1990. Le décret relatif à l’expression collective des agents a bien été pris. Il porte précisément sur les comités techniques paritaires. Je tiens à le signaler, afin que ce point figure bien au procès-verbal de nos débats.
Il y a quelques semaines, avant même que nous entamions cette discussion, j’ai souhaité rencontrer, en présence du président de La Poste, l’ensemble de la direction et des cadres dirigeants de l’entreprise, soit plus de 300 personnes. Je tenais à leur dire que, dans le débat qui allait s’ouvrir au Parlement – à la demande de La Poste elle-même, comme Gérard Longuet, notamment, l’a rappelé, en vue garantir son avenir, sa modernisation, les conditions dans lesquelles elle affronterait la concurrence –, nous avions l’intention de répondre à certaines de leurs demandes, mais que, pour autant, il ne saurait être question d’un chèque en blanc !
Dans cette optique, j’ai exposé les trois exigences du Gouvernement.
Premièrement, cette modernisation ne doit se faire à aucun moment sur le dos des fonctionnaires et des salariés de La Poste. Dans le cadre de cet investissement sur l’avenir, le personnel ne doit pas être la variable d’ajustement ! J’attache en effet une importance toute particulière au volet social de cette réforme.
Deuxièmement, il faut porter aux élus toute la considération à laquelle ils ont droit. Ainsi que certains d’entre vous, sur toutes les travées, l’ont rappelé hier, ces élus ne sont pas toujours consultés sur le fond des dossiers et ont souvent connaissance a posteriori de décisions qui ont été prises et qui, pourtant, concernent leur collectivité.
Troisièmement, nous devons nous tourner le plus possible vers les usagers, afin d’améliorer le service public, plutôt que de le faire régresser.
J’en viens maintenant aux différents amendements, que j’évoquerai, pardonnez-moi, monsieur le président, dans l’ordre qui me paraît le plus commode au regard des avis que j’ai à formuler.
Sur les amendements nos°246, 235, 255, 500, 413, 301, 260, 261 et 561, l’avis du Gouvernement est défavorable.
En revanche, il est favorable sur les amendements identiques nos 300, 502 rectifié et 560, qui émanent respectivement des sénateurs Verts, du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG. Voici pourquoi.
La Poste est particulièrement attentive aux conditions de travail. Elle a mis en place un observatoire de la santé au travail en 2008 et négocie actuellement avec les syndicats un accord sur la santé au travail.
Le quatrième alinéa de l’article 8 du présent projet de loi a été ajouté par le Conseil d’État pour des raisons juridiques : selon lui, l’expression « de conditions de travail » était, sur un plan formel, mal placée. Vous savez pertinemment, mesdames, messieurs les sénateurs, que le Gouvernement est tenu de présenter au Parlement les projets de loi tels qu’ils ressortent de leur examen par le Conseil d’État, même s’il n’est pas forcément en accord avec la formulation retenue dans ce cadre.
Or les positions défendues à travers ces amendements nos 300, 502 rectifié et 560 rejoignent complètement notre vision des choses : ce quatrième alinéa donne à penser que les salariés ne pourraient pas s’exprimer sur leurs conditions de travail. C’est pourquoi je suis favorable à sa suppression.
J’en arrive aux quatre amendements qui ont pour objet le régime de retraite complémentaire des agents contractuels de La Poste.
Lors de l’examen de l’article 7, j’ai demandé que l’amendement défendu au nom du groupe CRC-SPG par Mme Brigitte Gonthier-Maurin et qui porte sur ce sujet soit déplacé. Il n’y avait là, de ma part, aucune intention de fausser en quoi que ce soit le débat. Au contraire, je souhaitais que nous puissions avoir une discussion commune sur tous les amendements présentés sur ce point : ils visent en effet à atteindre le même objectif et à apporter les mêmes garanties.
Ces quatre amendements ont été défendus ; la suite de la discussion permettra à chacun de réagir sur ces propositions. Le débat aura donc lieu, et c’est tant mieux car, tout comme les salariés, les responsables de La Poste et l’ensemble des sénateurs, je souhaitais ce débat.
Sur les amendements n° 501 rectifié du groupe socialiste, n° 562 rectifié du groupe CRC-SPG, n° 595 du groupe RDSE et n° 325 rectifié bis de Mme Colette Giudicelli, défendu par Mme Catherine Procaccia au nom du groupe UMP, ma position est donc la suivante.
Il se trouve que le Gouvernement s’est engagé à ce que la situation des personnels employés actuellement par La Poste ne soit pas affectée par le changement de statut de l’entreprise. Il s’agit d’une revendication légitime des syndicats et des élus, comme en témoignent ces quatre amendements. Je vous remercie d’ailleurs de cette contribution.
Je suis donc très favorable à l’amendement n°325 rectifié bis, qui apporte une vraie garantie aux salariés de La Poste. Seuls les contractuels qui seront recrutés postérieurement à la date d’adhésion de La Poste au régime de l’AGIRC-ARRCO seront affiliés à ce régime. Les contractuels en place actuellement pourront continuer à être affiliés à l’IRCANTEC. Leurs droits acquis seront intégralement préservés. L’AGIRC-ARRCO versera une soulte financière à l’IRCANTEC.
Pourquoi demander le retrait des amendements nos 501 rectifié, 562 rectifié et 595 au profit de l’amendement n°325 rectifié bis, qui pourrait ainsi être adopté à l’unanimité ? Tout simplement parce qu’il me paraît être, sur le plan technique, le plus complet, et je suis sûr que tous ceux qui, parmi vous, sont de fins connaisseurs du sujet seront prêts à en convenir. Il précise en effet, dans le détail, la prise en compte des ayants droit, le principe de la soulte financière, l’échéance de mise en place du dispositif, les références exactes au code de la sécurité sociale.
Ces précisions permettent une plus grande efficacité, tout en soutenant la même vision, la même volonté au service des salariés qu’expriment les trois autres propositions.
À ce sujet, monsieur Teston, je veux tout de même vous apporter une précision sur le dispositif IRCANTEC. Vous avez estimé tout à l’heure – et, d’une certaine manière, cela me blesse – que ce texte était proposé dans la précipitation et comportait des imprécisions. Or j’ai annoncé le dispositif IRCANTEC dès le mois de juillet. Des dizaines de réunions de travail ont été organisées à Bercy, avec le ministère de l’économie, le ministère de l’industrie, le ministère du budget, le ministère du travail et des relations sociales, l’AGIRC-ARRCO, l’IRCANTEC et l’ensemble des organisations salariales, que j’ai eu l’occasion de recevoir à de nombreuses reprises.
Le principe d’une soulte a été acté et l’amendement soutenu par Mme Procaccia évoque bien des « transferts financiers », ce qui me paraît fondamental. L’AGIRC-ARRCO versera à l’IRCANTEC une soulte dont le montant n’est pas encore déterminé. Des travaux sont en cours sur le sujet, sachant que ces calculs sont toujours longs. En l’occurrence, il est question de milliards d’euros et de projections démographiques à cinquante ans. Nous ne prenons pas une décision pour les six mois ou les cinq ans qui viennent ! Nous parlons d’une échéance de cinquante ans !
Les engagements sont pris et le travail a débuté : nous vous demandons, en acceptant de voter l’amendement n° 325 rectifié bis, de prendre acte de ces garanties que nous apportons pour cinquante ans. C’est pourquoi, d’ailleurs, l’amendement fait apparaître une date butoir, au-delà de laquelle la situation sera définitivement arrêtée.
Je me permets donc de vous signaler, monsieur Teston, que votre amendement est beaucoup moins précis que celui qu’a déposé Mme Giudicelli et qu’a défendu Mme Procaccia.
En résumé, je demande aux auteurs des trois autres amendements tendant à aller dans une direction identique de se rallier à ce seul amendement n° 325 rectifié bis, pour qu’il puisse être adopté à l’unanimité.
M. le président. Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux; nous les reprendrons à quinze heures.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à treize heures, est reprise à quinze heures, sous la présidence de M. Roland du Luart.)