M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques.
L'amendement n° 102 est présenté par M. Danglot, Mme Didier, M. Le Cam, Mmes Schurch, Terrade et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche.
L'amendement n° 523 est présenté par MM. Teston, Botrel, Bourquin, Chastan, Courteau, Daunis et Guillaume, Mmes Herviaux et Khiari, MM. Mirassou et Navarro, Mme Nicoux, MM. Patient, Patriat, Raoul, Raoult, Repentin, Collombat, Bérit-Débat, Berthou et Daudigny, Mme Bourzai, M. Rebsamen et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Supprimer cet article.
La parole est à M. Guy Fischer, pour présenter l'amendement n° 102.
M. Guy Fischer. De toute évidence, l’article 14 est un moyen détourné de supprimer le secteur réservé pour conduire, à terme, à la libéralisation et à la privatisation.
Comme nous l’avons dit tout le week-end, nous sommes résolument opposés à la libéralisation totale du service public postal. À l’heure où la crise économique et financière produit ses effets dévastateurs – et encore n’avons-nous peut-être pas tout vu, car, contrairement à ce qu’affirment certains, l’année 2010 s’annonce terrible – et montre la vacuité du système ultralibéral, il est du devoir de chaque élu de défendre ses services publics. Parce qu’ils permettent de tisser du lien social jusque dans les zones géographiquement les plus reculées, ceux-ci n’ont pas à être soumis à une règle de rentabilité effrénée.
La Poste poursuit plusieurs missions fondamentales d’intérêt général, telles que le service universel postal, l’aménagement du territoire et l’accessibilité bancaire. Dans ce cadre, elle est la seule à pouvoir assumer, sur le long terme, la mission relative au service universel postal, dont les contours sont modifiés par cet article 14. Ce dernier risque de peser très lourd pour l’avenir de La Poste, car, je le répète, il s’agit d’un premier pas vers la privatisation.
Il est ainsi irréaliste de désigner La Poste comme le prestataire du service universel postal pour une durée limitée à quinze ans. Cela ne peut qu’amoindrir la qualité du service rendu au nom de la rentabilité et faire peser une pression sur les salariés, à l’image des choix faits à France Télécom et dont on mesure aujourd’hui les conséquences désastreuses.
Par ailleurs, le fait de n’informer que tous les trois ans le Parlement des conditions d’exécution de cette mission de service universel postal dénote un certain mépris pour sa fonction de contrôle. Comment concevoir un contrôle plein et entier dans un cadre triennal ? De plus, l’obligation faite au prestataire du service universel de transmettre les informations à l’ARCEP soulève nombre de questions. L’emprise de l’exécutif sur le législatif se fait sentir jusque dans ces questions très précises !
Enfin, nous sommes très inquiets de la suppression du dernier alinéa de l’article L. 2 du code des postes et des communications électroniques, qui encadre notamment le régime spécifique à la presse en pleine phase de restructuration et garantit la neutralité et la confidentialité des services fournis. Ce sont deux dispositions auxquelles il est inacceptable de porter atteinte sans fournir la moindre explication.
Pour toutes ces raisons, nous demandons la suppression de l’article 14.
M. le président. La parole est à M. Michel Teston, pour présenter l'amendement n° 523.
M. Michel Teston. L’article 14, que nous souhaitons nous aussi supprimer, est dangereux, car il met fin au secteur réservé de La Poste, qui permet actuellement, comme je l’ai déjà expliqué, de financer en partie le service public postal.
Privée du monopole en la matière, La Poste sera donc le prestataire du service universel postal, mais seulement pour quinze ans, durée censée correspondre à un retour sur investissement.
Mais rien ne laisse présager la décision qui sera prise par l’État au terme de ces quinze années. S’il décide finalement de changer de prestataire, il mettra sans nul doute à mal la logique de l’investissement initial fourni par La Poste. Aucune garantie n’est véritablement apportée.
Un tel retour sur investissement espéré par le Gouvernement suppose également un objectif de rentabilité financière pour la Poste. L’article 14 porte donc en lui la logique du profit à tout prix, en contradiction totale avec la logique de service public et, même, de service universel, qui en est une forme quelque peu atténuée au niveau européen.
Le caractère « éphémère » du prestataire de service universel est donc une menace pour les investissements postaux en général. La directive européenne ne prévoit d’ailleurs aucune durée limite, se contentant d’indiquer qu’elle ne doit pas faire obstacle à la rentabilité.
En suivant cette logique, une fois que La Poste aura réussi à rentabiliser ses investissements, elle risque d’être écartée au profit d’un autre prestataire.
Monsieur le ministre, mes chers collègues, est-ce là le modèle que l’on souhaite donner ? J’aurai l’occasion, lors de la présentation de nos amendements de repli et des explications de vote, de préciser notre position sur cet article.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Pierre Hérisson, rapporteur. Les dispositions prévues à l’article 14, qui confie à La Poste la mission de prestataire du service universel pendant quinze ans, sont indispensables pour assurer le respect des obligations communautaires. En outre, une telle durée nous paraît suffisamment longue pour apporter toutes les garanties nécessaires.
La commission émet donc un avis défavorable sur ces deux amendements identiques de suppression de l'article.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Christian Estrosi, ministre. Pour être en conformité avec la directive européenne, aux termes de laquelle la « désignation du prestataire de service universel fait l’objet d’un réexamen périodique », nous sommes contraints de fixer une durée limitée. La directive précise que ce réexamen se fait « à la lumière des conditions et des principes prévus » et que « les États membres veillent toutefois à ce que la durée de cette désignation soit suffisante pour permettre la rentabilité des investissements ».
C'est la raison pour laquelle nous avons prévu une période suffisamment longue. Contrairement à ce que vous auriez souhaité, la directive nous interdit de désigner La Poste comme le prestataire du service universel postal ad vitam aeternam.
Au demeurant, nous n’avons fait que reprendre la durée choisie par les États membres qui ont déjà transposé la directive, le Royaume-Uni, l’Italie et la Slovénie.
Cet article est essentiel puisqu’il prévoit qu’après l’ouverture à la concurrence La Poste sera le prestataire de service universel pour une durée de quinze ans. Autrement dit, dans les quinze ans à venir, La Poste sera bien en charge du service universel du courrier, qu’elle rendra dans des conditions de grande qualité, assurant la levée et la distribution six jours sur sept en tous points du territoire, et répondant à des critères de rapidité.
M. le président. La parole est à M. Michel Teston, pour explication de vote.
M. Michel Teston. Monsieur le président, je me suis déjà exprimé sur cette question à plusieurs reprises. Puisque M. le ministre souhaite m’entendre à nouveau, je vais lui dire qu’il ne peut pas nous reprocher d’être cohérents !
Les députés socialistes français au Parlement européen n’ont pas été d’accord avec la suppression du secteur réservé. Nous ne le sommes pas non plus ! Nous le disons depuis toujours, nous avons le droit, quel que soit le texte qu’on nous présente, de rappeler notre position. En l’occurrence, nous considérons que la suppression du secteur réservé n’est pas la bonne façon d’assurer le financement du service universel postal.
Aujourd’hui, le secteur réservé représente un peu moins de 30 % de l’ensemble de l’activité « courrier-colis ». Et nous ne voyons pas pourquoi, si ce n’est au nom de l’idéologie libérale, vous voulez substituer à un mode de financement efficace un fonds de compensation dont l’inefficacité est avérée ! Je vous renvoie, en particulier, à ce qui se passe depuis 1996 avec le fonds de compensation pour la téléphonie fixe.
Alors, monsieur le ministre, je vous en prie, ne nous dites pas que nous ne sommes pas cohérents avec la directive ! Nous n’acceptons pas la suppression du secteur réservé. Nous le disons et nos amendements sont cohérents avec cette position.
M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Fourcade, pour explication de vote.
M. Jean-Pierre Fourcade. Nous allons, bien évidemment, voter contre les deux amendements de suppression.
Ce qui m’étonne, de la part de M. Danglot, comme de M. Teston, c’est que, depuis une semaine qu’a commencé ce débat, qui se poursuit jour et nuit, dimanche compris, nous avons l’impression de ne discuter qu’en termes franco-français.
À croire que l’euro n’existe pas, pas plus que l’Union européenne ni les directives de Bruxelles ! Or la quasi-totalité des autres pays européens ont déjà appliqué la directive et ont déjà transformé leurs services postaux, certains depuis plusieurs années.
Nous sommes obligés de transposer la directive et d’adopter des dispositions précises, notamment en termes de durée. Il est prévu, aux termes de l’article 14, que La Poste soit le prestataire du service universel postal pour une durée de quinze ans, ce qui nous paraît tout à fait convenable. La commission a demandé que le Gouvernement rende compte tous les trois ans, au lieu des cinq initialement prévus, des conditions d’exécution par La Poste de sa mission de service universel postal. Cela nous paraît un progrès pour l’information du Parlement et de l’opinion publique.
Dans cette affaire, M. Teston se dit cohérent. Oui, il est cohérent avec l’idée qu’il ne faut rien changer ! Il est évident que cette cohérence sera fortement mise à mal avec l’ouverture à la concurrence, à partir de l’année prochaine, du marché du courrier et des colis à l’échelle de la France, comme de l’ensemble de l’Union européenne. Offrir la possibilité aux diverses entreprises postales de donner libre cours à la concurrence se traduira par un certain nombre de désagréments pour La Poste.
Pour ma part, ce que je vois, c’est que l’application de la directive entraîne le changement de statut et substitue à la subvention la capitalisation du système. Des investissements nouveaux seront réalisés. Le choix du prestataire est fixé à quinze ans, avec un compte rendu de mission tous les trois ans. C’est dire que nous avons suffisamment de garanties pour le développement de La Poste, son personnel et les usagers !
Par conséquent, nous pouvons voter cet article sans y apporter trop de modifications. Je ne pense pas que nous accepterons beaucoup d’amendements. Cet article nous paraît essentiel, car il est la suite logique de notre débat.
La semaine dernière, nous avons adopté la transformation du statut de La Poste. Nous en tirons les conséquences, en essayant de protéger l’instrument, de l’adapter aux nouvelles conditions de la concurrence et au fonctionnement satisfaisant du marché unique européen.
Monsieur Teston, nous avons deux logiques. Il nous paraît que la nôtre est plus proche de la réalité du terrain que la vôtre ! (Bravo ! et applaudissements sur les travées de l’UMP et de l’Union centriste.)
M. le président. La parole est à M. Marc Daunis, pour explication de vote.
M. Marc Daunis. À vous entendre, ce débat opposerait, d‘un côté, ceux qui seraient archaïques, qui ne comprendraient pas l’évolution du monde et resteraient dans un débat franco-français, repliés sur leur petit territoire et, de l’autre côté, ceux qui auraient une vision de l’avenir et seraient les seuls à pouvoir prendre en compte le monde qui change.
Or nous sommes dans la démarche inverse.
Mon cher collègue, je vous le dis avec beaucoup de respect, le discours que vous venez de tenir a été ravageur ! Si vous persistez en ces termes, l’immense projet que l’Europe porte, la nécessité absolue de le réaliser, tout cet espoir sera trahi !
On peut persister dans une attitude à la limite de la schizophrénie, qui consiste à voter une disposition à Bruxelles, puis à venir nous expliquer que nous sommes contraints par ce qui a été voté à corps défendant !
M. Jean-Pierre Fourcade. Ce n’est pas du tout ce que j’ai dit !
M. Marc Daunis. Je réponds aussi à l’intervention de M. le ministre, qui vient de nous expliquer qu’il faut s’aligner sur la Slovénie ! Quel que soit mon immense respect pour la Slovénie, je me demande pourquoi la France devrait calquer sa politique sur celle de la Slovénie !
M. André Dulait. Sur celle de l’Europe !
M. Marc Daunis. Ne prenez pas cet argument, mes chers collègues, pas plus que vous, monsieur le ministre, en l’occurrence !
M. Guy Fischer. Vous avez raison, monsieur Daunis !
M. Marc Daunis. Ce qu’il faut, c’est essayer de tracer une voie ! Vous nous dites en permanence que le monde change. Le Président de la République explique que nous sommes à un tournant de ce capitalisme financier et que demain ne sera ni comme hier, ni comme aujourd’hui.
Tirez-en la conclusion, même imparfaite, même avec les contradictions inhérentes, que nous ne pouvons pas rester dans ces visions totalement débridées d’une concurrence mal régulée, quand elle essaie de l’être, ou, dans le pire des cas, totalement dérégulée.
C’est la raison pour laquelle ces différents amendements, qu’ils portent sur les territoires, sur le prix unique ou sur certaines limites, ne relèvent pas du passéisme. Nous ne sommes pas le dos au mur ! Nous nous employons, au contraire, à préparer un monde mieux régulé et une Europe plus protectrice capable de performances économiques. Nous pensons que les services publics peuvent être performants, même s’ils ne sont pas rentables et qu’ils peuvent contribuer au bonheur de vivre de nos concitoyens.
Et, là, nous retrouvons le sens de ce projet européen : être ensemble autour d’un modèle social original conçu dans un monde en évolution. Telle est la voie d’avenir qui s’ouvre devant nous !
Préféreriez-vous celui qui sera dominant dans les années à venir si nous ne faisons rien ? Voulez-vous imiter la Chine ou les États-Unis ?
Pardonnez-moi si j’ai fait une digression. C’était une réponse à votre propre digression, mon cher collègue ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 102 et 513.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
M. le président. Je suis saisi de vingt-trois amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 107, présenté par M. Danglot, Mme Didier, M. Le Cam, Mmes Schurch, Terrade et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :
Rédiger ainsi cet article :
L'article L. 2 du même code est abrogé.
La parole est à M. Jean-Claude Danglot.
M. Jean-Claude Danglot. L’amendement que je propose vise à supprimer la référence au service universel postal dans la législation.
La notion de service universel, telle qu’elle est développée dans différentes directives européennes, notamment celle du 15 décembre 1997, n’est pas conforme à l’idée que nous nous faisons du service public.
Le service universel y est défini comme celui qui doit garantir l’existence, dans chaque État membre, d’un service postal offrant, à un prix abordable, un ensemble de services de qualité, en termes tant de prestations que de présence territoriale. Le service universel est une notion de service a minima, de service au rabais. Il s’agit d’une vision minimaliste des missions que peuvent remplir les services publics.
La notion de service public, elle, est bien plus large. Elle impose des contraintes d’intérêt général. Car, à côté du service universel, La Poste remplit d’autres missions, l’aménagement du territoire, le maillage du territoire en milieu rural, les tarifs préférentiels à la presse ou l’accessibilité bancaire.
Pour rester compétitive, La Poste sera amenée à réduire ses prestations de service public, à baisser les prix offerts à ses principaux clients, à augmenter les tarifs au plus grand nombre, à fermer des bureaux de poste, à leur substituer des agences postales communales ou des points poste.
Ce projet de loi apporte, selon le Gouvernement, la modernisation de La Poste. Mais de quelle modernisation parlons-nous ? Est-ce être moderne que se plier aux logiques de concurrence ? Non, être moderne, c’est donner à La Poste les moyens dont elle a besoin, aujourd’hui, pour remplir ses missions de service public.
Le service universel est un outil du démantèlement des services publics tels que nous les connaissons en France. L’exemple le plus frappant est celui des prix. Avec ce projet de loi, les prix seront fixés en fonction des coûts. Où est donc le service public ? Il n’y en a plus, il s’agit plutôt de rendre des services sans que les actionnaires soient lésés. Par ailleurs, ce projet renforce le rôle et les pouvoirs de l’Autorité de régulation des communications électroniques et des postes, l’ARCEP. Or nous savons bien qu’elle n’a eu de cesse que de faciliter l’entrée sur le marché à des opérateurs privés au détriment du service public.
Pour toutes ces raisons, je vous propose d’abroger la notion de service universel, car la logique libérale est inconciliable avec le service public dont ils ont besoin.
M. le président. L'amendement n° 104, présenté par M. Danglot, Mme Didier, M. Le Cam, Mmes Schurch, Terrade et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :
Alinéa 2
Supprimer cet alinéa
La parole est à M. Gérard Le Cam.
M. Gérard Le Cam. Les membres du groupe CRC-SPG manifestent, depuis le début de l’examen du projet de loi, leur vive opposition au changement de statut de La Poste.
Confortés par la votation citoyenne qui a prouvé, avec plus de deux millions de participants, l’attachement des Français à leur service public postal, nous demandons la suppression de l’alinéa 2 de l’article 14. Du contingentement à quinze ans de la mission de service universel postal de La Poste jusqu’à la transmission des informations sur cette mission à une autorité administrative indépendante, l’ARCEP, et non à une commission supérieure parlementaire, la commission supérieure du service public et des communications électroniques, la CSSPPCE, ces alinéas ne sont que le reflet du projet de loi et, plus globalement, de la politique gouvernementale : démantèlement des services publics et négation du pouvoir de contrôle du Parlement.
Cette libéralisation des activités postales nous est d’autant plus inacceptable que nous avons actuellement sous les yeux les échecs des précédentes vagues de libéralisation : que ce soit dans le secteur de la téléphonie ou de l’électricité, nul signe d’une baisse des tarifs et d’une meilleure prestation offerte aux usagers, mais, bien au contraire, l’apparition d’un marché oligopolistique où les grandes firmes s’entendent entre elles.
Voulons-nous répéter ce naufrage du service public dans le secteur postal ? Devons-nous suivre indéfiniment le dogme libéral mis à mal par la crise économique ?
En réécrivant l’ancien article L.2 du code des postes et télécommunications, c’est à une certaine conception du service public postal qu’il est porté atteinte.
Quoi qu’en dise le Gouvernement, l’introduction d’une exigence de rentabilité et de performance ne peut manquer d’amoindrir la qualité du service public rendu, qui contribue notamment à créer du lien social dans les zones rurales reculées.
Dans ce changement de statut de La Poste et cette mutation du service universel postal, il n’y a donc plus en jeu qu’une simple préoccupation économique et financière, il en va aussi de notre projet politique de société !
M. le président. Les amendements nos 105, 315, 524 rectifié et 605 sont identiques.
L'amendement n° 105 est présenté par M. Danglot, Mme Didier, M. Le Cam, Mmes Schurch, Terrade et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche.
L'amendement n° 315 est présenté par MM. Desessard et Muller et Mmes Blandin, Boumediene-Thiery et Voynet.
L'amendement n° 524 rectifié est présenté par MM. Teston, Botrel, Bourquin, Chastan, Courteau, Daunis et Guillaume, Mmes Herviaux et Khiari, MM. Mirassou et Navarro, Mme Nicoux, MM. Patient, Patriat, Raoul, Raoult, Repentin, Collombat, Bérit-Débat, Berthou et Daudigny, Mme Bourzai, M. Rebsamen et les membres du groupe Socialiste et apparentés.
L'amendement n° 605 est présenté par MM. Fortassin, Tropeano, Collin et Charasse, Mmes Laborde et Escoffier et MM. Milhau et Mézard.
Ces quatre amendements sont ainsi libellés :
Alinéa 2, première phrase
Supprimer les mots :
pour une durée de quinze ans
La parole est à M. Jean-Claude Danglot, pour défendre l’amendement n° 105.
M. Jean-Claude Danglot. Les membres du groupe CRC-SPG demandent la suppression de la première phrase du deuxième alinéa de l’article 14, qui désigne La Poste comme prestataire du service universel postal pour une durée de quinze ans.
Au-delà de cette période, cette prérogative traditionnelle de La Poste fera l’objet d’un réexamen et pourrait donc être confiée à un autre opérateur.
Le Gouvernement ne manquera pas d’opposer l’argument de la transposition obligatoire d’une directive européenne, mais c’est oublier un peu rapidement que la « main invisible » européenne est mue avant tout par une tête, celle des différents États de l’Union européenne, dont la France.
Dans cette vaste tentative de privatisation rampante, nous considérons fermement que seule La Poste est en capacité de remplir de manière adéquate les obligations liées à l’exécution du service universel, qui permet à tout Français, quel que soit son lieu de résidence, et à un tarif abordable, d’envoyer et de recevoir du courrier.
D’un point de vue pratique, La Poste est déjà la seule à disposer d’un réseau dense de bureaux de poste, d’employés dévoués à leur fonction et de moyens de transport performants.
Il existe un précédent qui aurait dû alerter le Gouvernement sur cette manœuvre retorse. Je veux évidemment parler de l’entreprise France Télécom, ancienne « sœur jumelle » de La Poste au sein des PTT.
Depuis sa privatisation, France Télécom voit aussi sa compétence dans le service universel des télécommunications réévaluée tous les quatre ans. Résultat ? En 2005, elle est la seule candidate à l’appel d’offres ; en 2009, elle mène uniquement avec SFR une compétition qu’elle emporte haut la main.
Toutes les velléités ultralibérales ne sauraient donc venir à bout de l’expérience accumulée, de l’ancrage territorial, d’un héritage du service public. Nous ne pouvons que nous en réjouir, d’autant que la dernière votation citoyenne a prouvé l’attachement indéfectible des Français à La Poste.
D’un point de vue strictement juridique, je dois ajouter par ailleurs qu’aux termes de la décision du 25 juillet 1979 le Conseil constitutionnel a érigé en principe de valeur constitutionnelle la continuité du service public.
Nous savons bien que cette décision n’exclut pas la gestion par un opérateur privé d’un service public, mais peut-on vraiment faire du service postal un service public comme les autres, lui qui achemine chaque année 29 milliards d’objets grâce à 300 000 employés et qui accueille 2 millions de personnes dans 17 000 bureaux répartis sur l’ensemble du territoire ?
Pas besoin d’être un expert des activités postales pour se rendre compte qu’aucune entreprise privée ne pourra assumer la charge du service universel postal, si ce n’est en le « rationalisant » et donc en portant atteinte au principe constitutionnel de continuité du service public.
Par conséquent, seule La Poste peut, dans le respect de la Constitution, assumer à long terme l’ensemble de ces prérogatives de service public.
Nous demandons donc la suppression des mots « pour une durée de quinze ans », qui sont non seulement inutiles et irréalistes,…
M. le président. Veuillez conclure, mon cher collègue !
M. Jean-Claude Danglot. … mais surtout porteurs de logiques de rentabilité, d’efficacité et de performance dont on mesure les dégâts actuels à France Télécom – vingt-cinq suicides en un an et demi…
M. Christian Estrosi, ministre. Non seulement ils ont de multiples amendements, mais ils dépassent leur temps de parole de trente secondes à chaque fois !
M. Jean-Claude Danglot. Je termine.
Il se pourrait bien que la vraie modernité soit non pas dans l’ultralibéralisme, mais dans une compréhension raisonnée des services publics.
M. le président. Mes chers collègues, nous avons de très nombreux amendements à examiner et je vous demande instamment de respecter vos temps de parole.
M. Guy Fischer. Il faut équilibrer !
M. Gérard Le Cam. Nous rééquilibrerons !
M. le président. Mes chers collègues, je vous invite à évaluer plus soigneusement le temps nécessaire à la présentation de vos amendements.
M. Christian Estrosi, ministre. Aujourd’hui, c’est l’anniversaire de la chute du Mur : le communisme, c’est fini !
M. Guy Fischer. Monsieur le ministre, ne tombez pas dans l’anticommunisme !
M. le président. La parole est à Mme Dominique Voynet, pour présenter l'amendement n° 315.
M. Christian Estrosi, ministre. … et aujourd'hui plus que jamais ! (Protestations sur les travées du groupe CRC-SPG.)
Mme Dominique Voynet. Monsieur le ministre, ce n’est pas l’heure de faire de l’anticommunisme ! (Exclamations sur les travées de l’UMP.)
M. le président. Mes chers collègues, Mme Voynet a la parole, et elle seule !
Mme Dominique Voynet. Je voudrais à mon tour plaider pour la suppression des mots : « pour une durée de quinze ans » dans l’alinéa qui précise la durée d’attribution des missions du service universel postal à La Poste.
L’article 4 de la directive que nous transposons impose aux États membres de notifier à la Commission « l’identité du ou des prestataires du service universel qu’ils désignent ».
La directive impose également que la désignation du prestataire de service universel fasse « l’objet d’un réexamen périodique », en l’occurrence, tous les cinq ans.
Pour autant, la durée de quinze ans de la licence de prestataire du service universel ne correspond pas à une obligation communautaire.
Le texte ne précise en effet pas par qui le service universel postal sera assuré après cette période.
Vous le savez, monsieur le ministre, certains vous suspectent, sinon de vouloir préparer la privatisation ultérieure de La Poste, du moins de manquer de vigilance ou de lucidité face à cette menace. Vous vous en défendez, sans forcément convaincre, et le fait de préciser la durée de la prestation en la fixant à quinze ans nourrit le soupçon.
Il me semble donc que, vous comme nous, nous aurions tout à gagner à supprimer cette durée, qui est d’autant moins justifiée qu’elle ne correspond à aucune obligation communautaire.
Affirmer que La Poste sera le prestataire du service universel postal non pas pour une durée déterminée mais de façon pérenne me paraît absolument essentiel.
Compte tenu du fait que La Poste sera soumise à évaluation tous les cinq ans, l’efficacité du prestataire du service universel est suffisamment garantie même pour une durée indéterminée.
Vous allez m’objecter que ne pas préciser la durée conduirait peut-être à un nouvel examen devant le Parlement si La Poste devait faire évoluer ses missions dans le temps, mais, monsieur le ministre, quinze ans, c’est très long, et je crois que, dans cet intervalle, nous aurons de toute façon à revenir sur ce texte.