Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Exactement !
Mme Mireille Schurch. Pourquoi deux poids, deux mesures, alors même que les sommes en jeu sont sans commune mesure ?
Nous avons pu démontrer que l’unique objectif de ce texte était bien d’ouvrir la porte à la privatisation de La Poste, notamment par le biais de l’actionnariat salarié et la dépossession du capital de l’État.
Monsieur le ministre, votre dernier amendement ne fait que renforcer nos craintes, malgré vos grandes déclarations soutenant que La Poste serait, grâce à vos prétendues précautions, « imprivatisable ».
Ce texte, assorti de cet ultime amendement, organise, par le changement de statut et l’ouverture totale à la concurrence, la mise en péril des missions de service public confiées à La Poste en les privant de financement.
Il en est ainsi du service universel, qui perd son financement par le secteur réservé. Il en est de même du fonds de péréquation pour la présence postale qui, financé par l’exonération de taxe professionnelle dont bénéficie La Poste, n’a qu’un avenir incertain.
L’affirmation de cette impossibilité de privatisation devra être ajoutée à la longue liste des contre-vérités – je n’ai pas le droit de parler de « mensonges » ! – énoncées par ce gouvernement sur les services publics.
Je ne donne pas cher non plus de la présence des 17 000 points de contact sur l’ensemble du territoire. Au regard des objectifs de rentabilité économique assignés à La Poste société anonyme, il y a fort à craindre que ce réseau ne soit composé de plus en plus de bureaux au rabais, fournissant un service au rabais, à la hauteur de ce que les collectivités pourront investir pour préserver la présence postale.
Ce débat a permis d’établir la vérité sur votre dessein pour La Poste : sa privatisation à plus ou moins long terme.
La teneur de nos discussions ainsi que l’ampleur de la mobilisation citoyenne ont démontré que la question de l’avenir du service public postal était matière à un débat de fond, portant sur le rôle des services publics. Un tel débat mérite mieux que ce marathon législatif ! (Protestations sur les travées de l’UMP.)
Pourtant, le mépris que vous avez affiché pour le peuple et pour les parlementaires (Oh ! sur les mêmes travées.) durant ces derniers jours et ces dernières heures est particulièrement grave pour notre démocratie. Mais, il n’est jamais trop tard pour faire amende honorable. Monsieur le ministre, je vous demande très solennellement, au nom des sénateurs du groupe CRC-SPG, de saisir le Président de la République afin que soit organisé un référendum institutionnel sur l’avenir du service public postal. (Protestations sur les travées de l’UMP.)
Dans l’attente, nous voterons contre ce texte qui spolie gravement, une nouvelle fois, les citoyens de leur patrimoine ! (Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste.)
M. Jean Desessard. Très bien !
M. le président. La parole est à M. Hervé Maurey. (Ah ! sur les travées du groupe CRC-SPG.)
M. Hervé Maurey. Je suis content de voir que j’ai des fans qui attendent mon intervention. J’en suis très honoré ! (Sourires.)
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous voilà enfin arrivés au terme de ce long débat. Je ne pensais pas si bien dire lorsque, voilà un peu plus d’une semaine, à la tribune, j’évoquais l’obstruction à laquelle allait se livrer l’opposition.
Nous avons été satisfaits au-delà de ce que l’on pouvait imaginer, avec plus de six cents amendements, plus de soixante-dix heures de débats et de très, très, très nombreuses redites ! (Protestations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)
Que de fois n’avez-vous pas évoqué ce que vous appelez votre « consultation citoyenne », qui n’est, je le redis ce soir, qu’une mascarade ! (Vives protestations sur les mêmes travées. – Bravo ! et applaudissements sur les travées de l’Union centriste et de l’UMP.)
M. Charles Pasqua. Très bien !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Vous êtes vraiment un provocateur !
M. Hervé Maurey. Je tenais à apporter, avant la fin de ce débat, la preuve que ce que j’avance est la stricte vérité. (L’orateur brandit une feuille de papier.) Il s’agit d’un de ces bulletins de vote qui était remis à nos concitoyens. On y lit : « Le Gouvernement veut changer le statut de La Poste pour la privatiser… »
M. Guy Fischer. C’est cela, la vérité !
M. Hervé Maurey. « Êtes-vous d’accord avec ce projet ? » (Brouhaha.)
Plusieurs sénateurs du groupe UMP. Lamentable !
M. Jacques Blanc. Scandaleux !
M. Hervé Maurey. Voilà ce qu’on a raconté à nos concitoyens ! On leur a dit qu’il s’agissait de privatiser La Poste alors même que notre collègue socialiste M. Didier Guillaume a reconnu au cours des débats que le projet de loi ne prévoyait absolument pas la privatisation de La Poste.
Voilà la preuve, s’il en était besoin, que vous vous êtes moqués de nos concitoyens. (Exclamations amusées sur les travées de l’Union centriste et de l’UMP.)
Chers collègues de l’opposition, au cours de ces débats, grâce à vous, j’ai plusieurs fois pensé au général de Gaulle !
M. Jacques Mahéas. Parce qu’il n’y a plus de bureau de poste à Colombey ? (Sourires sur les travées du groupe socialiste.)
M. Hervé Maurey. Là où il est, il a dû sourire en voyant les héritiers de ceux qui, ici même, l’avaient accusé de forfaiture parce qu’il osait demander un référendum sur l’élection du Président de la République au suffrage universel en demander un sur le statut de La Poste !
M. Jean-Pierre Bel. Ne méprisez pas La Poste !
M. Hervé Maurey. C’est, vous l’avouerez, un peu cocasse ! (Très bien ! et applaudissements sur les travées de l’UMP.)
Vous m’avez encore fait penser au général de Gaulle …
M. Jacky Le Menn. Laissez-le donc tranquille !
M. Jean-Pierre Bel. On ne va pas refaire l’histoire !
M. Hervé Maurey. … qui, lors de la campagne présidentielle de 1965 – je n’avais que quatre ans à l’époque, mais tout le monde connaît les entretiens du général de Gaulle avec Michel Droit – avait un peu fustigé ceux qui sautaient sur leurs chaises comme des cabris en criant « l’Europe, l’Europe, l’Europe ! ».
M. Jean Desessard. Justement !
M. Hervé Maurey. Eh bien vous, pendant toute la semaine, et même pendant plusieurs semaines si l’on tient compte du travail en commission, vous avez sauté sur vos chaises comme des cabris en criant « EPIC ! EPIC ! EPIC ! ». (Sourires sur les travées de l’Union centriste et de l’UMP.)
M. Roland Courteau. Oh, c’est puissant !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Quelle comparaison !
Mme Michelle Demessine. On touche le fond !
M. Roland Courteau. Un peu de dignité !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. C’est vous qui avez dit qu’il fallait prendre de la hauteur ?
M. Hervé Maurey. Comme le disait le général de Gaulle, cela n’aboutit à rien, cela ne signifie rien, car on ne fait pas de politique en dehors des réalités.
Quelles sont-elles, ces réalités ? La Poste a besoin de se moderniser, de rester une grande entreprise de service public. C’est ce qu’a proposé le Gouvernement avec ce projet de loi que nous avons débattu et que nous allons adopter dans les minutes qui viennent. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)
Le groupe de l’Union centriste est très fier d’avoir contribué à améliorer ce texte et d’avoir fait adopter un certain nombre de dispositions – que vous n’avez d’ailleurs parfois pas votées, chers collègues de l’opposition – favorables au renforcement du service public.
M. Nicolas About. Oui !
M. Hervé Maurey. Nous avons fait inscrire dans le projet de loi l’existence de 17 000 bureaux de poste en France.
Mme Mireille Schurch. Pas des bureaux, des points de contact !
M. Hervé Maurey. Nous sommes sans doute le pays d’Europe à en compter le plus !
Nous avons fait inscrire dans le projet de loi le fait que l’État soit majoritaire dans le capital. Et vous avez voté contre !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Vous n’étiez pas là !
M. Hervé Maurey. Nous avons fait inscrire dans le projet de loi que l’évaluation des missions de service public de La Poste en termes d’aménagement du territoire sera conduite de manière indépendante par l’ARCEP et que leur financement sera amélioré, et les communistes ont voté contre !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Vous n’étiez pas là !
M. Hervé Maurey. Nous avons fait voter le fait que les missions de service public soient au cœur des contrats signés entre La Poste et l’État.
Nous avons également fait voter le fait que l’ARCEP puisse contrôler de manière plus étroite encore la tarification du service universel.
Bref, nous avons apporté notre pierre à l’amélioration de ce texte.
M. Roland Courteau. Nous sommes très impressionnés !
M. Hervé Maurey. Naturellement, nous aurions préféré que certains de nos amendements soient également adoptés. Je pense au j+2. Notre collègue communiste faisait semblant de croire que le j+2 était destiné à remplacer le j+1.
M. Jean-Claude Danglot. Vous savez tout !
M. Hervé Maurey. En fait, nous voulons qu’il constitue la limite extrême du tolérable, le délai qu’il serait interdit de dépasser.
M. Nicolas About. Voilà !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Vous n’étiez pas là !
M. Hervé Maurey. Le ministre disait dans la discussion générale que, parfois, les cadeaux de Noël arrivent après Noël ; il n’y a pas si longtemps, j’ai vu des procurations arriver après les élections ! Le j+2 me paraît donc très important.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Provocateur !
M. Hervé Maurey. Je regrette aussi que l’on n’ait pas pu inscrire dans la loi l’obligation pour l’État de financer de manière pérenne les bureaux de poste, afin qu’il ne puisse pas y avoir de retour en arrière.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Il y a sûrement une place pour lui au Gouvernement !
M. Hervé Maurey. J’aurais également aimé que soit étendue à l’ensemble des agences postales la possibilité des dépôts et des retraits.
M. le président. Veuillez conclure, monsieur Maurey.
M. Hervé Maurey. Je conclus, monsieur le président.
M. Roland Courteau. Enfin !
M. Hervé Maurey. J’espère que certains de nos amendements pourront être repris à l’Assemblée nationale. Il reste que, ce texte étant globalement positif, le groupe centriste, dans sa quasi-unanimité, le votera. (Bravo ! et applaudissements sur les travées de l’Union centriste et de l’UMP. – M. Gilbert Barbier applaudit également.)
M. Jacky Le Menn. Quelle générosité !
M. le président. La parole est à M. Jean Desessard. (Ah ! sur les travées de l’UMP.)
M. Jean Desessard. Monsieur le président du Sénat, je tiens d’abord à vous remercier d’avoir respecté la démocratie parlementaire en nous permettant d’aller au bout du débat. (Très bien ! sur plusieurs travées de l’UMP et de l’Union centriste.) Sans vouloir vous offenser, monsieur le ministre, je regrette que vous ayez adopté l’attitude inverse, en affichant, dès le départ, votre volonté de le bâcler. (Oh ! sur les mêmes travées.)
Mais oui !
M. Robert del Picchia. Le débat a eu lieu !
M. Jean Desessard. Il s’agissait tout de même de l’avenir d’un service public historique, du premier employeur de France après l’État.
Néanmoins, grâce à la détermination de l’opposition, nous avons réussi à avoir un véritable débat. Je regrette qu’il n’ait pas eu lieu avec l'ensemble des Français, par la voie du référendum.
Nous avons pu aborder des sujets essentiels grâce aux nombreux amendements de la gauche. Grâce aux amendements des Verts, nous avons pu discuter sur des points importants : coût précis du service postal universel, future rémunération des dirigeants de La Poste, bas salaires des postiers, dégradation du service dans les zones enclavées, mal-être au travail. Que 10 % des amendements des Verts aient été adoptés témoigne de leur intérêt !
M. Robert del Picchia. Absolument !
M. Jacques Blanc. Et surtout de notre esprit d’ouverture !
M. Jean Desessard. Je remercie d’ailleurs M. le rapporteur et M. le président de la commission d’avoir prêté une oreille attentive à certaines de nos propositions.
MM. Jacques Blanc et Robert del Picchia. Bravo !
M. Jean Desessard. Nous avons ainsi obtenu quelques avancées, notamment sur la définition du service public et d'intérêt général, l’accès à Internet, le développement durable, l’expression des agents de La Poste quant à leurs conditions de travail, la gratuité des procédures de traitement des réclamations pour les usagers.
M. Nicolas About. Et dire que vous allez voter contre le texte !
M. Jean Desessard. Je salue également toutes les améliorations apportées par mes collègues des groupes socialiste, CRC-SPG et RDSE. Il est vraiment regrettable que plusieurs d’entre elles aient été remises en cause à la dernière minute.
Cela étant, il s’agit d’avancées bien modestes par rapport au fond du projet de loi, qui, lui, est resté intact.
Fermement opposés au changement de statut de l’entreprise, les sénatrices et sénateurs Verts doutent plus que jamais de la capacité de La Poste à concilier réellement un service public postal de qualité, des conditions de travail sereines pour ses agents et des exigences de rentabilité financière dans un environnement concurrentiel et agressif.
Les Verts, aux niveaux européen, national et local, se sont mobilisés contre la libéralisation des services publics et contre leur privatisation. Puisqu’il vient d’y être fait référence, j’aurais aimé connaître l’opinion du général de Gaulle sur la concurrence dans le milieu postal et l’avenir promis à La Poste…
M. Roland Courteau. Bonne remarque !
M. Gilbert Barbier. Qu’est-ce qu’il y a comme gaullistes dans cette assemblée !
M. Jean Desessard. À moyen terme, le changement de statut aura pour conséquence inéluctable un désengagement de l’État jusqu’à la dilution du capital social, l’accumulation des situations de mal-être au travail et un service postal au rabais, qui n’aura plus de public que le nom.
Puisque vous persistez à croire que la privatisation n’est qu’une obsession fantaisiste de l’opposition, je me permettrai de rappeler que celui par qui la réforme est arrivée, M. Bailly, président du groupe La Poste, affirmait, le 18 septembre 2008, sa préférence pour une introduction en bourse. Je tiens la dépêche Reuters à votre disposition !
Les usagers et les personnels du groupe seront les grands perdants de cette réforme. C'est pourquoi les sénatrices et les sénateurs Verts voteront contre le texte.
M. Pierre Hérisson, rapporteur. Dommage !
M. Robert del Picchia. Le début était mieux !
M. Jean Desessard. Le prétexte de la recapitalisation utilisé pour mener à terme le projet de changement de statut sera sans nul doute réemployé dans les années à venir afin de justifier la privatisation effective du groupe La Poste.
Certes, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous n’y sommes pas encore. Mais je vous donne rendez-vous dans trois ans, après l’élection présidentielle. Si nous ne faisons rien, si M. le ministre est toujours au Gouvernement – je n’ai pas dit que je le souhaitais ! (Rires sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG) –…
M. Jacques Blanc. On peut le souhaiter !
M. Jean Desessard. …et si nous sommes toujours sénateurs – je n’ai pas dit que je ne le souhaitais pas ! (Mêmes mouvements) –, nous verrons qui racontait des histoires aujourd'hui et qui avait raison aujourd'hui ! Mais il y aura alors beaucoup à reconstruire.
Monsieur le ministre, mes chers collègues, je ne cesserai de le répéter, les sénatrices et sénateurs Verts sont fermement opposés à ce projet de loi ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)
M. le président. La parole est à M. Louis Nègre.
M. Louis Nègre. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le nouveau sénateur que je suis a assisté à un débat à propos duquel M. Desessard a eu l’honnêteté de dire, et je l’en remercie, qu’il a été démocratique. Oui, ce débat a fait honneur au Sénat !
Deux visions opposées ont été défendues.
La vôtre, chers collègues de l’opposition, est, pardonnez-moi, arc-boutée sur un statut qui, aujourd'hui, ne permet plus à La Poste de se développer et de répondre aux enjeux de la mondialisation. Alors que l'Europe ouvre grandes les portes et les fenêtres, pourquoi faudrait-il que nous restions cloîtrés chez nous, bien au chaud, attachés à un statut qui nous interdit toute évolution ?
M. Jacques Mahéas. C’est gratuit !
M. Louis Nègre. Le monde change. Et c’est le mérite de M. le président du Sénat, dans un rapport d’information de 2003 resté célèbre, La Poste : le temps de la dernière chance, de nous avoir alertés. Il y a six ans, nous ne l’avons pas entendu. Nous sommes en 2009 : il était temps de réagir !
M. Nicolas About. Très bien !
M. Louis Nègre. Chers collègues de l’opposition, vous avez placé le débat, à bon droit selon vous, sur le terrain idéologique. Mais là n’est pas la question : ce n’est pas en maintenant son statut que l’on sauve une institution. Combien d’institutions sont mortes de leur sclérose !
Non, mes chers collègues, le plus important, c’est de faire preuve de dynamisme et d’innovation. Nous ne sommes plus en 1940 !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Drôle de rappel...
M. Louis Nègre. Nous sommes au XXIe siècle !
La poste française figure encore parmi les meilleures au monde, mais regardez autour de vous : nombreuses sont les postes qui s’écroulent. En ne parlant que du statut, vous avez oublié l’essentiel : qu’en sera-t-il, demain, de La Poste ? (Marques d’ironie sur les travées du groupe socialiste.)
Si vous voulez vraiment une institution performante, en pointe, n’hésitez plus, suivez-nous : l’avenir appartient à ceux qui regardent vers l’avant et pas dans le rétroviseur, qui sont capables d’investir 2,7 milliards d'euros pour la modernisation de La Poste !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Vous n’êtes pas convaincant !
M. Louis Nègre. Je remercie le ministre chargé de l’industrie d’avoir, avec quelques-uns de ses collègues, participé à ce marathon, d’avoir, pendant plus d’une semaine, répondu point par point. Je félicite le rapporteur et le président de la commission de l’économie, à laquelle je suis très fier d’appartenir, car eux aussi ont été à la hauteur de la tâche. (M. Gérard Longuet applaudit.)
Il faut regarder l’avenir avec espoir, avec confiance, se mettre en ordre de bataille. Si nous continuons à « jouer franco-français », à nous regarder le nombril, à défendre tel ou tel statut, nous mourrons ! Nous mourrons avec des statuts, mais nous mourrons !
Je forme le vœu que, demain, la poste française soit un modèle, un leader dans le monde entier, comme elle l’a été et comme elle doit le redevenir.
M. Charles Pasqua. Très bien !
M. Louis Nègre. Monsieur le ministre, bravo pour les 2,7 milliards d'euros pour la modernisation de La Poste ! L’essentiel est là !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Vous n’êtes pas dans un meeting !
M. Louis Nègre. Je ne demande qu’une chose à La Poste, ce sont des contreparties en termes de dynamisme et d’innovation,…
M. Jacques Mahéas. Comme pour les banques…
Mme Raymonde Le Texier. Vous en faites trop !
M. Louis Nègre. …pour devenir la meilleure et être, à son tour, en mesure d’embaucher ! (Applaudissements sur les travées de l’UMP et de l’Union centriste.)
M. le président. La parole est à M. Jean Milhau.
M. Jean Milhau. Ce long débat, maintenant parvenu à son terme, a démontré avant tout l’attachement du Sénat à La Poste et l’attachement des sénateurs au dernier service public de proximité, le service public postal. Mais ce débat n’a pas toujours été un long fleuve tranquille, loin de là !
M. Roland Courteau. En effet !
M. Jean Milhau. Mes chers collègues, de profondes divergences sont apparues sur les travées de la Haute Assemblée : à l’évidence, nous ne partageons pas tous la même conception du service public et, j’ose le dire, nous n’avons pas tous les mêmes valeurs !
Pour la plupart des membres de mon groupe et pour moi-même, le choix de transformer La Poste en société anonyme relevait du peuple français, compte tenu de son attachement à La Poste, au service public postal et, bien souvent, à son facteur. Plus encore, au regard des enjeux de ce projet de loi, nous aurions souhaité et nous souhaitons encore l’organisation d’un référendum dans le cadre de l’article 11 de la Constitution. (Très bien ! sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)
C’est pourquoi, avec plusieurs de mes collègues des groupes RDSE, socialiste et CRC-SPG, j’ai signé une motion tendant à soumettre ce texte au référendum. Mais les voix de la majorité ont manqué.
M. Robert del Picchia. Heureusement !
M. Jean Milhau. Pourquoi un tel manque de confiance dans le jugement nos concitoyens ?
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Ah, ça !
M. Jean Milhau. Si votre projet de réforme était si bon, il est probable que les Français l’auraient adopté.
Pour ma part, je reste convaincu que la population avait son mot à dire dans la transformation de son service public postal.
M. Roland Courteau. Eh oui !
M. Jean Milhau. Cette motion ayant été repoussée, l’examen des articles devenait, pour mes collègues du RDSE et moi-même, l’occasion de préserver au mieux les missions de service public et de mettre en place une série de dispositions pour sauver ce qui peut être sauvé.
C’est donc dans une logique d’opposition constructive que les amendements du RDSE ont été défendus.
Le 100 % public, d’abord : l’entreprise publique La Poste sera une société anonyme composée uniquement d’actionnaires de droit public. Le RDSE a souhaité confirmer le caractère de service public national de La Poste, conformément au préambule de la Constitution. Malgré tout, nous en sommes bien conscients, un tel ajout ne sera pas suffisant pour résister à l’épreuve du temps.
Il était important que l’État reste majoritaire dans la détention du capital en tant que garant de la mission de service public. C’est désormais chose faite ; nous en sommes satisfaits, même si l’amendement que nous proposions allait encore plus loin.
La mission de présence postale territoriale : elle est en partie préservée, l’allégement de la fiscalité locale étant maintenu et adapté à la réforme en cours.
Dans ce domaine, le RDSE a soutenu le principe de l’évaluation du coût de la présence postale par un organisme indépendant. Il est apparu au cours des débats que l’ARCEP exercerait ces missions. Mais l’important était de ne pas figer la compensation et de poser des règles précises d’évaluation. Nous regrettons la moindre place faite aux élus dans cette évaluation.
Le maillage territorial : il paraît préservé dans la version issue de nos débats.
Mes chers collègues, vous avez souhaité figer les 17 000 points de contacts dans le texte, mais certains ne s’y sont pas trompés. En les qualifiant de « points PMU », ils ont mis en exergue le fait que ces derniers n’offrent pas les mêmes services qu’un bureau de plein exercice, c’est une évidence, mais il n’est pas inutile de le répéter une nouvelle fois dans cet hémicycle !
Loin d’apporter une solution, le texte contribue même à accentuer les déséquilibres entre les territoires, à agrandir le perpétuel « fossé » entre zones rurales et zones denses.
Le maintien des services publics est, une fois de plus, conditionné à leur transfert au bloc communal, ce même bloc communal que vous souhaitez réformer, et que vous sollicitez chaque jour un peu plus au fil des réformes.
Je suis d’ailleurs satisfait que l’amendement visant à confier aux mairies le retrait d’objets postaux ait été repoussé par le Sénat. Sur le principe, il est évident que chaque commune, soucieuse du confort de ses administrés, pourrait vouloir disposer de cette faculté. Seulement, ce n’est pas aux collectivités – et vous pouvez compter sur nous pour le marteler dans les prochains jours – de pallier, une fois encore, les dysfonctionnements des services publics de l’État et son désengagement à cet égard.
Au-delà du maintien des missions de service public et de la survie de La Poste elle-même, il y a, derrière la structure, des hommes et des femmes, des salariés. Au sein du groupe, nous avons été plusieurs à souhaiter que le personnel de La Poste soit une priorité dans cette mutation, ce qui n’était pas acquis. L’accompagnement du personnel pendant la transformation de l’entreprise publique et son entrée dans un système intégralement concurrentiel a été renvoyé par le rapporteur et le Gouvernement à des dispositions réglementaires.
Je profite du temps qui m’est accordé ici…
M. le président. Il est dépassé ! (Sourires.)
M. Jean Milhau. … pour réaffirmer que cet accompagnement ne peut être écarté. Sinon, les agents et les fonctionnaires évoluant depuis des années au sein d’une administration d’État seront confrontés à la dualité d’une entreprise devenue à 100 % concurrentielle. Or le moins que l’on puisse dire, c’est que les exemples récents d’entreprises publiques soumises à ce régime ne sont pas concluants.
M. le président. Précisément, mon cher collègue, pourriez-vous conclure ? (Nouveaux sourires.)
M. Jean Milhau. Au nom du principe d’équité, le groupe du RDSE a défendu le droit pour les différentes catégories de personnel de La Poste, qui seront désormais réunies au sein de la société anonyme, à bénéficier des mêmes dispositions en matière de protection sociale complémentaire.
La Haute Assemblée se devait de soutenir cette mesure sociale : elle a été à la hauteur de son devoir envers le personnel.
M. le président. Mon cher collègue, il faut vraiment conclure ! Vous avez dépassé votre temps de parole de deux minutes quinze !
M. Jean Milhau. Je dirai donc, pour conclure, que la majorité des membres du groupe du RDSE votera contre ce projet de loi. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)
M. le président. La parole est à M. Gérard Longuet.
M. Gérard Longuet. Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, ce débat, en apparence long et fastidieux, a été, en réalité, une rencontre brève sur un sujet majeur, qui correspond à une évolution de long terme dont nous avons, dans cette assemblée, assuré et conforté la continuation, car il s’agit d’un mouvement qui se poursuit sans interruption depuis vingt-cinq ans.
Monsieur le ministre, j’ai fait un rapide calcul : vous êtes l’héritier d’une douzaine de prédécesseurs en charge de La Poste et des télécommunications. Tous ont accompagné le mouvement amorcé par Marcel Roulet, alors directeur général de La Poste, qui a mis en œuvre le programme « Bougez avec La Poste », conçu sous l’autorité du ministre Louis Mexandeau.
Depuis, malgré les alternances politiques, aucun des ministres successifs n’est revenu sur ce long processus de prise de responsabilité par cette entreprise, au service des usagers et des clients.
En effet, La Poste est née de l’idée de partage, partage dont la nécessité s’est fait sentir à l’occasion de quelques grands rendez-vous. Je n’en citerai qu’un seul, particulièrement émouvant à la veille du 11 novembre : si les chèques postaux se sont développés, c’est pour mettre à la disposition des combattants, qui n’avaient pas la capacité d’accéder aux banques, un service financier leur permettant d’entretenir des relations avec leur famille.
Ainsi, aux grands moments de l’histoire de notre pays, La Poste a été associée aux épreuves, mais elle l’a été aussi aux espérances.
Mais pourquoi diable ces ministres qui se succèdent poursuivent-ils, depuis vingt-cinq ans, par-delà les majorités alternées, le même projet ? Pourquoi se retrouvent-ils sur la même ligne directrice ? Pour une raison simple, c’est que La Poste existe ! Ils sont, certes, plus de 300 000 salariés à travailler pour elle, mais ils font partie d’équipes. Voilà des femmes et des hommes qui ont consacré leur vie à ce métier, à leur entreprise, à un projet, au service public, dont ils ont la passion. Et ils ont su rallier leurs ministres de tutelle successifs à leur projet pour les convaincre qu’il pouvait être partagé par tous les Français, quelles que soient les alternances politiques.
C’est la raison pour laquelle ce rendez-vous, que la presse a parfois jugé long et fastidieux, je le trouve, pour ma part, finalement assez rapide. Mon seul regret, c’est que certains de nos collègues de l’opposition aient cru devoir répéter lorsqu’il fallait approfondir.