compte rendu intégral
Présidence de M. Guy Fischer
vice-président
Secrétaires :
M. François Fortassin,
M. Daniel Raoul.
1
Procès-verbal
M. le président. Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.
Il n’y a pas d’observation ?…
Le procès-verbal est adopté sous les réserves d’usage.
2
Saisine du Conseil constitutionnel
M. le président. M. le président du Sénat a été informé par M. le président du Conseil constitutionnel que celui-ci a été saisi, le 22 décembre 2009, par plus de soixante députés, d’une demande d’examen de la conformité à la Constitution de la loi de finances pour 2010.
Acte est donné de cette communication.
3
Décision du Conseil constitutionnel
M. le président. M. le président du Sénat a reçu de M. le président du Conseil constitutionnel par lettre en date du 22 décembre 2009 le texte d’une décision du Conseil constitutionnel qui concerne la conformité à la Constitution de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2010.
Acte est donné de cette communication.
4
Candidature à un organisme extraparlementaire
M. le président. Je rappelle au Sénat que M. le Premier ministre a demandé au Sénat de bien vouloir procéder à la désignation du sénateur appelé à siéger au sein de la Commission nationale des compétences et des talents.
La commission des lois a fait connaître qu’elle propose la candidature de M. François-Noël Buffet pour siéger au sein de cet organisme extraparlementaire.
Cette candidature a été affichée et sera ratifiée, conformément à l’article 9 du règlement, s’il n’y a pas d’opposition à l’expiration du délai d’une heure.
5
Loi de finances rectificative pour 2009
Adoption des conclusions modifiées du rapport d'une commission mixte paritaire
M. le président. L’ordre du jour appelle l’examen des conclusions de la commission mixte paritaire chargée d’élaborer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi de finances rectificative pour 2009 (n° 184).
Dans la discussion générale, la parole est à M. le président Arthuis.
M. Jean Arthuis, en remplacement de M. Philippe Marini, rapporteur pour le Sénat de la commission mixte paritaire. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, j’ai la charge, en l’absence de notre collègue Philippe Marini, rapporteur général, retenu dans son département, de vous rendre compte des délibérations de la commission mixte paritaire qui s’est tenue lundi dernier 21décembre au Sénat sur le troisième projet de loi de finances rectificative pour 2009.
Ce collectif, dont nous n’oublions pas qu’il tend d’abord à prendre acte – avec un déficit de plus de 140 milliards d’euros – des conséquences budgétaires de la politique de relance destinée à protéger l’économie française de la crise financière, comporte, sur le plan législatif, deux volets.
Tout d’abord, il présente un ensemble cohérent de dispositifs relatifs à la lutte contre la fraude fiscale et l’utilisation des paradis fiscaux et juridiques, d’autant plus intéressant qu’il reflète aussi la volonté du Gouvernement de lutter contre les causes structurelles de la crise.
Ensuite, il regroupe des mesures diverses et variées résultant, comme il est de coutume, d’initiatives, le plus souvent officieuses, du Gouvernement, sur le principe desquelles je reviendrai en conclusion de mon propos.
La commission mixte paritaire a donc traité de ces deux volets, certes d’inégale importance, ce qui l’a conduit, en dépit de l’absence de divergences de fond, à délibérer, dans un excellent climat, pendant plus de deux heures et demie sur les 71 articles restant en discussion.
Les statistiques témoignent de la convergence des positions entre les deux assemblées : si un seul article a été adopté dans la rédaction proposée par l’Assemblée nationale, quarante et un articles l’ont été dans celle qui était issue des délibérations du Sénat, auxquels il faut ajouter trois suppressions conformes.
Mais la commission mixte paritaire a aussi bien travaillé, puisqu’elle a rédigé vingt articles et s’est accordée sur six suppressions.
Sur les huit amendements présentés à l’Assemblée nationale par le Gouvernement sur le texte adopté par la commission mixte paritaire, j’ai noté qu’un certain nombre avaient été sagement retirés par le Gouvernement ou rejetés par nos collègues députés, ce qui montre bien que le Gouvernement ne doit pas, sur des sujets somme toute mineurs, tenter de revenir sur les conclusions acquises à une large majorité par la commission mixte paritaire. Mais peut-être une telle attitude était-elle la conséquence de votre déplacement en Chine, monsieur le ministre. Je veux croire que, si vous aviez été là, le Gouvernement n’aurait pas déposé tant d’amendements sur les conclusions de cette commission mixte paritaire.
À cet égard, vous m’autoriserez, mes chers collègues, à saluer la vigilance et l’esprit de résistance manifestés par nos collègues députés.
Permettez-moi de revenir un instant sur la position très ferme adoptée par la commission mixte paritaire pour inviter le Gouvernement à faire preuve de la plus grande attention concernant la lutte contre les paradis fiscaux et juridiques.
Je ne rappellerai pas ici les circonstances qui avaient conduit le Sénat à proposer, avant que M. le ministre nous demande de le retirer, un amendement permettant de considérer comme non coopératifs, à compter du 1er janvier 2010, les États ou territoires qui, à cette date, ayant conclu avec la France une convention d’assistance administrative, auraient manifesté leur intention de suspendre sa ratification. Tout juste pourrais-je faire remarquer que le pays ami limitrophe qui avait pu se sentir concerné n’est pas un cas isolé et que d’autres pays, parfois tout aussi proches, marquent à mon sens un attachement excessif à la préservation du secret bancaire.
Le texte issu des travaux de la commission mixte paritaire, sans modifier l’équilibre général de l’article 14 du projet de loi, le précise sur une série de points.
En ce qui concerne les emprunts, le Sénat avait accordé une « clause de sauvegarde » : ainsi, les produits des emprunts ne subissent pas de prélèvement à la source si le débiteur démontre que les opérations auxquelles correspondent ces revenus et produits ont principalement un objet et un effet autres que de permettre la localisation de ces revenus et produits dans un État ou territoire non coopératif.
La commission mixte paritaire, sur proposition de l’Assemblée nationale, a précisé la clause de sauvegarde applicable à certaines prestations de services, en ouvrant la possibilité pour une entreprise procédant à un versement à destination d’un État ou territoire non coopératif d’échapper au prélèvement à la source de 50 % si elle est en mesure de démontrer la réalité des opérations concernées.
En outre, la commission mixte paritaire a inclus les prestations artistiques et sportives dans le champ de ce dispositif. Ainsi, dès lors que les paiements ne correspondront pas à des salaires, le prélèvement de 50 % s’appliquera également, sauf si, là encore, ces opérations n’ont ni pour objet ni pour effet de placer des fonds dans un État ou territoire non coopératif.
Comme je l’ai mentionné dans mes propos introductifs, la plupart des apports du Sénat ont été repris par la commission mixte paritaire, qu’il s’agisse bien sûr des amendements manifestement inspirés par le Gouvernement ou des initiatives parlementaires, notamment celle que nous appelons désormais « la procédure Gouteyron », qui permet au ministre du budget de suspendre le bénéfice des avantages fiscaux pour les dons consentis à des organismes pour lesquels la Cour des comptes ou les commissaires aux comptes ont constaté de graves irrégularités de gestion.
Je souhaite revenir sur quelques points particuliers. J’évoquerai tout d’abord le report de l’application de la taxe d’habitation sur les résidences mobiles terrestres.
Il s’agit d’un sujet bien connu, qui nous vaut une fois encore une série d’atermoiements. L’Assemblée nationale avait voulu reporter une fois de plus l’entrée en vigueur de cette taxe ; le Sénat, finalement suivi par la commission mixte paritaire, est favorable à ce que l’on cesse de différer, pour des raisons pratiques, la perception d’une taxe emblématique, ainsi que de la redevance audiovisuelle.
Le Gouvernement, en votre absence, monsieur le ministre, a tenté, mais en vain, de revenir sur cet accord en prévoyant d’assortir le report d’un rapport. Il n’a pas été suivi, ce qui montre que nos collègues députés ont, comme nous, fait de ce sujet une question de principe, dès lors que le paiement de l’impôt participe de la citoyenneté fiscale et s’inscrit, à cet égard, dans le débat actuel sur l’identité nationale, laquelle implique, selon nous, la participation à la charge commune, par le biais d’une contribution citoyenne.
Je souhaite évoquer maintenant l’aménagement du bouclier fiscal.
M. Jean Arthuis, rapporteur. Sur l’initiative de notre collègue Jean-Pierre Fourcade, le Sénat avait introduit un correctif aux nouvelles modalités de calcul du droit à restitution au titre du bouclier fiscal, résultant de l’article 49 bis de la loi de finances pour 2010.
Mme Nicole Bricq. Ce n’est pas ce qu’il a fait de mieux !
M. Jean Arthuis, rapporteur. Dans le même esprit, la commission mixte paritaire a préféré prévoir une entrée en vigueur progressive, étalée sur trois ans, du nouveau régime, qui prendrait pleinement effet pour les revenus perçus en 2012.
J’en viens à la taxe sur la publicité audiovisuelle.
Je rappelle que, sur l’initiative de sa commission des finances, le Sénat avait adopté, avec l’avis défavorable du Gouvernement, un amendement visant à fixer pour 2009 le taux plancher de la taxe sur la publicité, en cas d’évolution négative du chiffre d’affaires publicitaire, à 1 % pour les chaînes de télévision historiques, hors télévision numérique terrestre, quel que soit le montant de la baisse des recettes publicitaires.
Après un large débat, la commission mixte paritaire a accepté un compromis, en établissant à 0,75 % ce taux plancher. Il s’agit d’un système plus simple et plus transparent, dont le Sénat ne peut que se féliciter.
Concernant le régime d’exonération de cotisation foncière des entreprises en faveur des salles de cinéma, le Sénat avait complété ce dispositif, en permettant aux collectivités territoriales d’exonérer à un taux différent les salles « art et essai ».
La commission mixte paritaire a décidé de ne rendre ce dispositif applicable qu’en 2011, conformément au souhait de l’Assemblée nationale, au motif légitime que l’on ne peut pas anticiper l’entrée en vigueur de la réforme de la taxe professionnelle. Là encore, le Gouvernement a fait preuve de sagesse en renonçant à revenir sur l’option retenue par la commission mixte paritaire.
Enfin, pour ce qui concerne la lutte contre les niches fiscales diverses, la commission mixte paritaire a confirmé, en premier lieu, les suppressions, par le Sénat, de certaines extensions injustifiées de niches fiscales, notamment celle qui concerne le crédit d’impôt en faveur des entreprises de création de jeux vidéo.
Mais elle s’est montrée encore plus radicale en supprimant d’autres niches fiscales introduites par le Sénat.
Elle a ainsi refusé de créer de nouveaux véhicules de défiscalisation, en l’occurrence les fonds d’investissement de proximité outre-mer.
Elle a aussi supprimé l’article introduit sur l’initiative de certains de nos collègues et visant à prolonger de 2010 à 2015 l’application du crédit d’impôt en faveur des métiers d’art. Le même amendement avait d’ailleurs été adopté dans le cadre du projet de loi de finances pour 2010, et la disposition avait ensuite été supprimée par la commission mixte paritaire. Il n’y a en effet aucune urgence à proroger ce dispositif, déjà prolongé de trois ans en 2007, et qui s’applique encore en 2010. Il faudra, d’ici à la fin de l’année prochaine, procéder à une évaluation de ces dispositions fiscales avantageuses pour les métiers d’art.
Je voudrais conclure ce compte rendu des délibérations de la commission mixte paritaire par quelques considérations sur le bon usage des projets de loi de finances rectificative.
Le texte qui est soumis à l’approbation définitive du Sénat, et qui vient clore une année particulièrement dense en termes de lois de finances, combine, si ce n’est le meilleur et le pire, du moins le bien et le moins bien.
Le bien, c’est le volet « réformes de structures », qui tend à adapter notre législation au nouveau contexte international : hier, il s’agissait essentiellement d’un impératif de compétitivité ; aujourd’hui, à côté de cette exigence toujours présente, l’objectif est aussi d’introduire un peu plus de transparence, et donc de morale ou d’éthique dans les relations financières, en profitant du nouveau climat créé par la crise financière. Il me semble qu’il en résulte une prise de conscience, sans doute très constructive.
Le moins bien, c’est sans doute la tentation, toujours présente pour le Gouvernement – et cela vaut pour tous les gouvernements – de profiter du véhicule commode que constituent les lois de finances rectificatives de fin d’année pour faire entériner par le Parlement, dans l’urgence, toute une série d’ajustements techniques.
M. Aymeri de Montesquiou. C’est vrai !
M. Jean Arthuis, rapporteur. Sans doute est-ce en partie inévitable, mais la commission des finances tient à avertir le Gouvernement que, dans nombre de cas, il serait possible, si ce n’est d’inclure ces mesures dans le projet de loi de finances initiale, du moins d’en saisir en amont le rapporteur général, pour que celui-ci puisse en apprécier la portée comme l’opportunité.
C’est pourquoi les assemblées ont, ici ou là, rejeté des mesures ponctuelles, peut-être nécessaires, mais que la représentation nationale n’avait pas eu le temps d’expertiser. Espérons que le Gouvernement et ses administrations en tireront la leçon. C’est en tout cas le vœu que je forme du haut de cette tribune. Nous voudrions, monsieur le ministre, assumer une exigence qui nous porterait à ne voter que les textes dont nous comprenons le contenu et les enjeux. (MM. Jacques Gautier et Adrien Gouteyron sourient.)
M. Jacques Gautier. Alors, on ne va pas voter souvent !
M. Jean Arthuis, rapporteur. Il faut cesser de demander aux parlementaires d’acheter un lapin dans un sac ! (Mme Nicole Bricq s’exclame.)
Cela étant dit, la commission des finances propose au Sénat d’approuver les conclusions de la commission mixte paritaire telles qu’elles ont été amendées par l’Assemblée nationale sur proposition du Gouvernement. Je me réjouis tout particulièrement que les députés aient exercé avec autant de vigilance leur expertise sur la série d’amendements que le Gouvernement avait cru pouvoir déposer sur les conclusions de la CMP. (Applaudissements sur les travées de l’UMP. – MM. Denis Badré, Michel Charasse et Aymeri de Montesquiou applaudissent également.)
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Éric Woerth, ministre du budget, des comptes publics, de la fonction publique et de la réforme de l'État. Monsieur le président, monsieur le président de la commission des finances, mesdames, messieurs les sénateurs, la lecture des conclusions de la commission mixte paritaire sur le projet de loi de finances rectificative met un terme définitif, en tout cas pour cette année, au marathon budgétaire engagé depuis la rentrée.
L’image n’est pas de pure convention. La référence au marathon ne vaut pas seulement pour le temps que nous avons passé à examiner le projet de loi de finances et le projet de loi de finances rectificative ; elle vaut aussi pour le travail accompli, de part et d’autre, pour rapprocher les positions et aboutir à des textes équilibrés, dans le sens positif du terme.
Si le projet de loi de finances pour 2010 a, bien évidemment, concentré toutes les attentions, notamment en raison de la réforme de la taxe professionnelle et de la création de la taxe carbone, il ne faut pas oublier pour autant les apports du projet de loi de finances rectificative de fin d’année.
D’abord, sur le plan budgétaire, le collectif confirme la stabilisation du déficit autour de 140 milliards d’euros en 2009. Nos efforts n’ont donc pas été vains. Les signaux de la reprise se confirment, même si la prudence est encore de mise. Quant aux dépenses, elles ont été bien contenues, puisqu’elles ont diminué de 2 milliards d’euros par rapport aux crédits initialement prévus.
Avant d’en venir aux mesures fiscales, je ferai deux remarques à propos de l’équilibre de ce texte.
La première porte sur la clarification du financement du Fonds interministériel de prévention de la délinquance, le FIPD : avec l’appui du rapporteur général, un point d’accord a été trouvé, non sans difficultés, sur le fléchage vers les collectivités locales de l’intégralité du prélèvement sur le produit des amendes, à charge pour les ministères de financer, sur leurs propres crédits, les actions relevant d’une politique beaucoup plus large de prévention de la délinquance.
La seconde remarque porte sur l’augmentation du coût de la campagne de lutte contre la grippe A pour l’État. Même si elle ne modifie pas significativement les équilibres, je tenais à la signaler. Nous avons dû en effet, au travers d’un amendement déposé au Sénat, ouvrir 200 millions d’euros de crédits complémentaires afin de tirer les conséquences des votes intervenus lors de l’examen du PLFSS sur l’Établissement de préparation et de réponse aux urgences sanitaires, l’EPRUS.
En réalité, c’est sur le volet fiscal que nos débats ont permis d’enrichir le plus le texte du Gouvernement.
Votre contribution sur l’axe principal de ce projet de loi de finances rectificative, à savoir la lutte contre la fraude, particulièrement dans les paradis fiscaux, a été décisive, mesdames, messieurs les sénateurs. Vous avez contribué, au cours de nos débats, à perfectionner notre texte par plusieurs apports majeurs.
La définition de la liste des États ou territoires auxquels s’appliquent les sanctions a donné lieu à un débat important sur l’ajout des États ou territoires qui seraient tentés de ne pas aller au bout de leur engagement en faveur de la transparence. Vous avez rappelé, à juste titre, que la France ne pouvait se contenter de la signature d’un texte. Cette conviction est partagée par le Président de la République. On n’enfile pas les textes comme des perles sur un collier, et les conventions que la France a décidé de signer avec ses partenaires, conformément aux standards de l’OCDE, constituent évidemment des actes majeurs destinés à lever le secret fiscal et bancaire au profit d’une coopération entre administrations fiscales.
À cette occasion, vous avez manifesté avec force, et je vous en remercie de nouveau, le soutien que vous apportez au Gouvernement dans sa politique de lutte contre la fraude. Au-delà de la place que lui réserve actuellement l’actualité, elle exigera beaucoup de persévérance de la part de l’État français si nous voulons envisager un jour la disparition des paradis fiscaux et l’application des conventions qui ont été signées.
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Il faudra en effet de la constance !
M. Éric Woerth, ministre. Nous aurons l’occasion d’en parler, monsieur le président de la commission des finances. C’est bien volontiers que je répondrai à votre invitation lorsque vous souhaiterez m’entendre sur le sujet.
Vous avez également manifesté cet engagement contre la fraude en améliorant par vos amendements le texte qui vous était soumis.
À l’article 14 de ce projet de loi de finances rectificative, vous avez souhaité recentrer les clauses de sauvegarde qui figurent dans le dispositif de sanction contre les paradis fiscaux sur les seuls paiements d’intérêts, pour tenir compte des spécificités du marché obligataire. Ce faisant, vous avez su trouver un équilibre nécessaire au bon fonctionnement du dispositif.
Vous avez, par trois amendements, renforcé le champ de l’échange d’informations entre les sphères fiscale et sociale. Il est en effet très important que ces deux mondes se parlent, notamment au travers des fichiers dont ils disposent, afin de mieux lutter contre la fraude. L’administration fiscale aura un accès élargi aux informations aujourd’hui détenues par les caisses de sécurité sociale, afin d’identifier les frais et honoraires facturés par certains professionnels de santé, tandis que Pôle emploi ou certaines institutions gérant des bourses pourront vérifier auprès de l’administration fiscale les informations transmises par les demandeurs sur leur niveau de ressources. Tous ces recoupements sont nécessaires pour lutter contre la fraude.
Vos autres contributions sont nombreuses et diverses, mesdames, messieurs les sénateurs. Vous en avez cité un certain nombre, monsieur le président de la commission des finances, notamment le logement social – je tiens à saluer à cette occasion certaines initiatives heureuses des sénateurs de l’opposition. La fiscalité des sociétés ou les niches fiscales ont également été revues.
Je ne saurais citer toutes les initiatives, tant elles ont été nombreuses, mais je mentionnerai plus particulièrement la mise en place d’une procédure, chère à M. Adrien Gouteyron, permettant de refuser le bénéfice d’avantages fiscaux aux associations dont la gestion est indélicate.
Ce n’est pas une question nouvelle, et nous nous sommes heurtés, à plusieurs reprises, à l’impossibilité de remettre en cause un avantage qui bénéficie en pratique à un donateur de bonne foi. Vous aviez déjà soulevé cette question lors de l’examen du projet de loi de finances, mais elle a vraiment trouvé ses modalités d’application dans ce projet de loi de finances rectificative.
Pour conclure, je tiens vraiment à saluer le travail accompli. Il est vrai que nous avons consacré beaucoup de temps à l’examen de ce projet de loi de finances rectificative, sur lequel de nombreux amendements ont été déposés. Mais il y en avait eu beaucoup moins sur le projet de loi de finances, qui s’était concentré sur la taxe professionnelle et sur la taxe carbone. Nous avons donc probablement assisté à un phénomène de vases communicants entre ces deux textes.
Il me semble néanmoins que le Gouvernement et le Parlement parviennent, au fil du temps, à travailler de façon efficace et – presque – transparente, même si certains ministères utilisent ce type de textes pour faire passer des idées qui leur sont chères. Ce n’est pas nouveau, et ce sera toujours le cas. Au demeurant, certaines de ces idées sont bonnes, et l’on s’aperçoit généralement que celles qui ne sont pas acceptées finissent par disparaître. En outre, elles sont parfois amendées, ce qui permet de progresser.
Je remercie aussi, au-delà de la commission des finances et de ses collaborateurs, tous les sénateurs présents,…
M. Michel Charasse. Très bien !
M. Éric Woerth, ministre. … qui ont largement œuvré pour ce collectif budgétaire. Je remercie aussi la présidence qui, sur des textes aussi touffus que ceux que nous avons examinés, a largement contribué au sérieux et à la sérénité des débats.
Je vous donne rendez-vous tout à l’heure pour le vote – ce n’est pas une simple formalité ! –, mais surtout, après des vacances que j’espère sereines, dès janvier. Nous allons en effet redémarrer sur les chapeaux de roue, en débattant d’un autre collectif qui traduira les priorités annoncées par le Président de la République, notamment le grand emprunt et la taxation des bonus. Je sens votre impatience… (Applaudissements et sourires sur les travées de l’UMP et au banc des commissions - M. Denis Badré applaudit également.)
M. le président. La parole est à Mme Nicole Bricq.
Mme Nicole Bricq. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous allons clore aujourd’hui une année budgétaire particulièrement chargée, qui a vu l’adoption de trois lois de finances rectificatives et de trois décrets d’avance. Cette année de crise se solde par un déficit record de 141 milliards d’euros, soit plus de 8 % du PIB, dont plus de 5 % d’ordre structurel, et un besoin d’emprunt qui était évalué à 253 milliards d’euros. Mme Lagarde a évoqué le chiffre de 188 milliards d’euros. Peut-être pourriez-vous nous donner le détail de cette somme, monsieur le ministre ? Je suis sûre que cela intéressera tout particulièrement notre collègue Fourcade.
Quant à l’exécution budgétaire pour 2009, entre sous-évaluations et sous-budgétisations, la loi de règlement nous dira au printemps prochain ce qu’il en est réellement. Monsieur le ministre, vous avez terminé votre intervention sur ce point, c’est en effet dans ce cadre que nous pourrons en juger.
Avec le projet de loi de finances rectificative annoncé pour le début de l’année sur l’emprunt, nous aurons l’accomplissement de la loi de finances pour 2010 puisque, maastrichtien ou pas maastrichtien, l’emprunt s’ajoutera aux 117 milliards d’euros prévus dans le projet de loi de finances pour 2010. Cette pente déficitaire va dans le sens inverse des efforts annoncés par nos plus proches voisins ; je pense notamment à notre principal partenaire, l’Allemagne.
Pour revenir à l’objet de notre débat, la commission mixte paritaire a travaillé relativement vite et, comme souvent, malgré les divergences entre majorité et opposition, dans un bon état d’esprit.
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Oui.
Mme Nicole Bricq. Je souhaiterais évoquer trois points.
Premier point, la commission mixte paritaire a acté certains amendements que j’avais défendus au nom du groupe socialiste. Je les rappelle régulièrement : ceux de M. Repentin en faveur du logement social ; celui de M. Collombat en faveur des associations œuvrant dans le domaine de la sécurité civile ; celui en faveur des expérimentations menées par les régions et dont les dépenses pourront être comptabilisées au titre du fonds de compensation pour la taxe sur la valeur ajoutée, défendu notamment par notre collègue François Patriat. Enfin, en reportant pour les établissements publics de coopération intercommunale la date de délibération pour instaurer la taxe d’enlèvement des ordures ménagères, la commission mixte paritaire a satisfait à la demande que notre collègue Jean-Marc Pastor avait soutenue.
M. Michel Charasse. Cela devient la boîte de Pandore !
Mme Nicole Bricq. Le deuxième point que je voulais évoquer à propos de cette commission mixte paritaire concerne les éléments les plus importants, en tout cas les plus notables du texte : la lutte contre la fraude fiscale et contre les paradis fiscaux.
Le Sénat avait été sage et n’avait pas modifié l’article 14, qui avait été heureusement complété par l’Assemblée nationale, en dotant l’administration fiscale de pouvoirs judiciaires, ce qui est positif et donnera à vos services, monsieur le ministre, les moyens dont ils ont besoin pour être efficaces, et ce sous l’autorité du juge, bien sûr.
Le France aura sa liste des paradis fiscaux – c’est bien – et nous pouvons supposer que celle-ci sera modifiée en fonction des appréciations qu’il faudra porter sur la signature de conventions et, surtout, sur l’application de ces dernières ; l’application me paraît d’ailleurs peut-être plus importante encore que la signature.
Il est toutefois dommage que, dès cette loi de finances rectificative, deux coups de canif aient été portés à cette volonté affichée de lutte contre les paradis fiscaux et l’évasion fiscale
Le premier figure à l’article 14, avec l’instauration d’une clause de sauvegarde pour les intérêts d’emprunts, les dividendes et les plus-values, qui sera valable jusqu’au 1er mars 2010 et applicable aux prestations de services payées à des entités domiciliées ou établies dans un État ou un territoire non coopératif. La clause permettra d’échapper à un prélèvement à la source à un taux de 50 % dès lors que l’on pourra prouver que l’opération a d’autres raisons que l’optimisation fiscale ou la dissimulation.
S’il s’agit une nouvelle fois de protéger une banque qui fait des prêts aux collectivités territoriales, je note que l’on est plus généreux envers elle qu’envers les collectivités territoriales qui se sont laissé piéger par des produits toxiques offerts par l’établissement bancaire en question. Je regrette donc d’avoir été assez maltraitée (M. Michel Charasse s’exclame) quand j’ai défendu dans cet hémicycle un amendement plus favorable aux collectivités territoriales qui s’étaient fait piéger.