M. Gérard Longuet. Dans la Meuse également, mes chers collègues. Ainsi, plus de 10 % des communes ont été regroupées alors, et la plupart de ces fusions ont perduré. Mais sans doute cette loi a-t-elle manqué de suivi !
Faut-il le rappeler, l’initiative revenait aux préfets. S’il y a donc un coupable ici, ce sont non pas les élus locaux, mais bel et bien les préfets et leurs ministres successifs, qui ont sans doute oublié de les inciter à mettre en œuvre cette loi ! Mais je ne pousserai pas plus loin la malice… (Sourires.)
Quoi qu’il en soit, s’agissant du rapport des forces que j’évoquais, le groupe UMP soutient massivement les dispositions retenues par la commission des lois, afin d’aboutir rapidement à une carte complète et de faire en sorte que les rattachements ne soient pas autoritaires.
Concernant la constitution des exécutifs intercommunautaires, nous aurons un débat approfondi. J’ai cru percevoir, au sein de mon groupe, des points de vue différents, qui pourront sans doute se rapprocher lorsque nous examinerons plus en détail les différents amendements sur le sujet.
Pour l’heure, cependant, il faut bien reconnaître que la conjugaison des trois principes - représentation d’un élu au moins par commune, impossibilité pour une commune de disposer, à elle seule, de la majorité, proportionnalité pour les communes intermédiaires -, constitue un exercice redoutable !
M. Pierre Mauroy, qui a participé aux travaux du comité Balladur, nous a parlé des écarts de population existants dans la communauté urbaine de Lille. Il est évident que la stricte proportionnalité des communes intermédiaires n’est pas simple à organiser.
Après tout, il n’est pas déshonorant de remettre sur le métier ce difficile ouvrage, alors autant mettre à profit les longues heures que nous aurons à passer ensemble, puisque c’est bien ce qui nous attend, pour affiner ce dispositif. (Très bien ! et applaudissements sur les travées de l’UMP.)
Merci de ces applaudissements, mes chers collègues, mais attendez : nous ne savons pas ce que nous voterons !
M. Éric Doligé. Mais cela nous fait plaisir ! (Sourires.)
M. Gérard Longuet. Sur le troisième sujet, la métropole, j’exprimerai un point de vue qui n’est pas majoritaire au sein du groupe UMP et que je qualifierai même de dissident.
En effet, et je me tourne ici vers son président, je regrette le choix de la commission des lois. Mais, après tout, c’est sans doute le choix du réalisme !
Nous avons eu ce débat au sein du comité Balladur : tout le monde imagine que la France, qui est un pays centralisé, pourrait être polycéphale, et souhaite que des métropoles équilibrent l’Île-de-France. Mais, quand il faut accepter la discipline qui découle de la création d’un organe unitaire, chacun mesure combien le principe de l’autonomie communale s’y oppose !
Le baron Haussmann et Napoléon III appartiennent au passé. On ne fusionnera pas les communautés urbaines comme ils avaient annexé les communes de Vaugirard, d’Auteuil ou encore de Passy, par exemple. Par conséquent, monsieur le président de la commission des lois, il faudra adopter votre amendement, même si, à juste titre, M. Charles Guené, au nom de la commission des finances, s’est efforcé de défendre le Gouvernement, qui, en la matière, avait plus d’ambition.
Mais qu’est-ce qui est préférable ? Avoir de l’ambition et aucun engagement d’agir ou avoir des engagements d’agir permettant de cheminer, longuement peut-être, vers l’ambition affichée au départ par le Gouvernement ?
Je terminerai par une réflexion sur l’article 35, qui est votre quatrième objectif, monsieur le ministre, et qui annonce la loi à venir sur la compétence.
À cet égard, je citerai certains de mes collègues, passionnés par leurs responsabilités, qui appartiennent, pour les uns, à mon groupe, je pense à M. Éric Doligé ou à M. Bruno Sido, et, pour d’autres, à la réunion administrative des sénateurs ne figurant sur la liste d’aucun groupe, comme M. Bruno Retailleau ou encore M. Philippe Adnot.
À la vérité, il est impossible d’avoir des clauses de compétence générale réparties, fût-ce sur deux blocs, communaux et intercommunaux, d’une part, territorial avec départements et régions, d’autre part.
Mais l’expérience prouve - M. Philippe Adnot l’avait démontré avec talent, et d’autres auraient pu faire avec la même conviction -, que, souvent, les départements ont été des pionniers en matière de réponses à apporter aux questions qui se posaient à nos compatriotes et qui n’avaient pas été traitées par la loi ou l’exécutif national.
Il serait injuste de se priver de cette capacité d’initiatives d’expérimentations, et, à partir d’initiatives et d’expérimentations concluantes, d’une déclinaison nationale. La rédaction de l’article 35 montre très clairement que vous avez compris cela, monsieur le ministre, puisque vous prévoyez que les collectivités départementales et régionales exerceront les compétences que la loi leur donne. Cela me paraît être un minimum ! Au cas où, si rien n’est prévu, cela restera une possibilité. Je pense aux exemples qui ont été cités, en particulier le câblage, l’action économique, initiatives nouvelles qui pourront rester de la responsabilité des collectivités régionales ou départementales.
Dans l’immense majorité des cas, la clause de compétence générale pour les communes et les intercommunalités est – pardonnez-moi ! – une forme de vœu pieu, car elle ne peut fonctionner que grâce à la très grande solidarité des deux blocs que nous créons dans ce projet de loi.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Notre collègue dépasse largement son temps de parole !
M. Gérard Longuet. C’est particulièrement vrai si, comme la commission des lois nous le propose, nous ne retenons aucun plancher, position que je soutiens totalement, car la diversité du territoire national exige une certaine flexibilité dans les règles.
Mes chers collègues, voilà les raisons pour lesquelles, dans son ensemble, le groupe UMP votera naturellement cette proposition, dans un esprit de dialogue, d’ouverture et d’écoute.
Sur certains amendements, mes chers collègues, vous me pardonnerez par avance de proposer des suspensions de séance, afin de nous permettre de réfléchir et de nous adapter à des réalités que des membres de notre groupe, de la majorité et, sans doute, de l’opposition nous offriraient comme autant de chances d’améliorer ce texte.
Je pense, en particulier, à l’observation très pertinente sur le cumul des mandats. Ce n’est pas au cœur du sujet, mais, après tout, si nous pouvions régler cette question, nous serions fous de rater une telle occasion !
Tel est l’état d’esprit du groupe UMP, heureux de soutenir votre initiative, monsieur le ministre, heureux d’exercer pleinement des responsabilités libres. (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)
Mme la présidente. La parole est à Mme Marie-France Beaufils. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG.)
Mme Marie-France Beaufils. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, le Gouvernement est face à une question délicate : comment faire la promotion d’une réforme quand on ne peut dire les réelles intentions qui la motivent ?
Le Gouvernement a choisi une solution « publicitaire », au sens où, pour promouvoir la création des conseillers territoriaux, il fait valoir que cette réforme sera « moderne », « économique » ou encore « simplificatrice »... Autant d’arguments qu’un conseil en marketing aurait pu tout à fait suggérer !
Reste que l’habillage est grossier, et le sujet trop grave et trop inquiétant pour que nous puissions nous en satisfaire.
Une telle réforme de notre système démocratique, qui entraîne des transformations institutionnelles et pulvérise l’actuelle gestion des territoires, ne peut être abordée par ce biais fallacieux.
Qu’y a-t-il donc de « moderne » dans l’instauration des conseillers territoriaux ? Voilà une réforme qui va donner pouvoir à des conseillers généraux, apparemment au détriment des conseillers régionaux. De surcroît, même si le débat n’a pas été tranché, l’élection pourrait être organisée au scrutin uninominal à un tour, un mode de scrutin archaïque, un curieux parangon de démocratie qui permettrait la victoire de représentants minoritaires…
Qu’est-ce que cela a de « moderne » ?
Or l’installation de ces nouveaux élus, rebaptisés conseillers territoriaux, en lieu et place des conseillers régionaux, repose sur un paradoxe, puisque la disparition très probable des départements apparaît en filigrane dans ce texte. Il est en effet clairement précisé dans l’exposé des motifs, « sur l’opportunité de la suppression des départements et de leur fusion avec les régions », que « cette perspective divise profondément. ». Aussi la démarche du Gouvernement, pour lequel il s’agit de « rapprocher ces deux collectivités territoriales à travers un élu commun », se veut-elle différente.
Est-ce ainsi que la majorité actuelle espère reprendre en main la gestion des régions à l’horizon de 2014 ?
Mme Marie-France Beaufils. Selon le texte du Gouvernement, c’est bien 2014 !
La modernité semble, selon le Gouvernement, naître du recul de la démocratie.
Par ailleurs, en quoi cette réforme sera-t-elle « économique » ? En diminuant le nombre de représentants par deux, le Gouvernement prétend vouloir diminuer la dépense publique, mais y a-t-il un réel besoin de réaliser des économies sur les indemnités des élus locaux ? Ne faut-il pas, au contraire, renforcer leurs moyens et instaurer un véritable statut de l’élu ?
Par ailleurs, nous aimerions bien savoir quel serait le montant de ces économies. Le projet de loi précise que les départements et les régions continueraient d’être administrés par deux assemblées séparées, dont l’appellation et le fonctionnement ne seraient pas modifiés.
Les élus territoriaux auraient donc à gérer les actuelles compétences départementales, plus les compétences régionales, et cumuleraient les indemnités. Cela serait logique dans le principe, puisque cela représenterait une activité plus grande. Mais les nouveaux élus territoriaux devraient s’entourer d’un secrétariat à même de gérer les deux niveaux de compétence, donc plus important.
En somme, cette réforme ne permettrait aucune économie ; en revanche, elle contribuerait à une plus grande professionnalisation de ces élus et donc à un plus grand éloignement du terrain, du monde « réel ». Le statut de l’élu, tant attendu pour lutter, entre autres, contre ce risque, passerait aux oubliettes.
Enfin, en quoi cette réforme est-elle « simplificatrice » ?
Les deux niveaux départemental et régional, avant de fusionner dans un avenir proche, seraient administrés par une seule et même personne dont on ne sait quel échelon elle serait censée représenter. Agirait-t-elle pour le canton, qu’il faudrait délimiter à nouveau, ou pour la région ? Et cette personne serait désignée de façon arbitraire, selon un mode de scrutin ubuesque permettant l’élection de candidats minoritaires, donc non représentatifs de la volonté populaire.
En termes de simplicité, on a vu mieux !
Finalement, les motivations de cette réforme, c’est le chef de la majorité à l’Assemblée nationale, M. Copé, qui en parle le mieux. Face à la fronde d’une partie des élus UMP, ce dernier a expliqué, lors de ses vœux à la presse, que « différents scénarii » étaient encore à l’étude quant au mode de désignation des conseillers territoriaux et que l’idée d’un scrutin majoritaire à deux tours n’était pas totalement écartée tant qu’il n’y aurait pas de « possibilité de triangulaire ».
Voici donc la réelle feuille de route du Gouvernement, la question qu’il lui faut régler : comment faire pour que ces futurs élus gagnent les élections en étant minoritaires, sachant qu’une alliance de fait avec le Front national au second tour serait impopulaire ?
Autrement dit, réformons le système pour gagner dès le premier tour !
La « modernité », les « économies » et la « simplification » paraissent désormais bien loin, et le prix à payer de cette soif de pouvoir est très lourd pour la démocratie. En effet, le mode de scrutin pressenti conduit à une véritable régression en termes de représentativité.
Avec un scrutin uninominal à un tour pour 80 % des sièges, l’assemblée territoriale serait très majoritairement composée d’élus qui auraient rassemblé contre eux plus de la moitié des suffrages.
De plus, l’assemblée régionale serait constituée non plus d’élus émanant des vastes circonscriptions que sont les départements, mais d’élus représentants « leur » canton, renforçant ainsi le clientélisme, en dépit de l’intérêt général des régions et départements.
Quant à la parité, l’instauration des conseillers territoriaux signerait l’arrêt de mort de la seule assemblée qui était presque paritaire, puisque, avec la suppression du scrutin de liste, disparaîtrait du même coup l’alternance homme/femme, sans aucune autre disposition pour la remplacer.
Enfin, cette réforme consacrerait un véritable recul en matière de lutte contre le cumul des mandats. Avec le système actuel, les parlementaires ne peuvent être à la fois conseiller général et conseiller régional. Or la réforme instaure la fusion de ces mandats. Elle enfermerait donc un peu plus le pouvoir politique entre les mains de quelques-uns. Apparaîtrait ainsi le potentat local, siégeant dans tous les exécutifs locaux (Approbations sur les travées du groupe CRC-SPG), commune et EPCI, département et région, un élu omnipotent, certes, omniscient, peut-être, mais omniprésent… difficilement ! (Sourires sur les travées du groupe CRC-SPG.)
Vous l’aurez compris, nous dénonçons avec vigueur le recul démocratique engagé par la création des conseillers territoriaux. Une plus grande concentration des pouvoirs dans les mains de quelques-uns, le recul de la représentativité et l’exclusion des femmes du champ politique local ne sont pas des concepts qui relèvent de la « modernité », contrairement à ce que vous prétendez !
Les habitants de nos communes, de nos départements et de nos régions n’ont rien à attendre de positif de vos projets. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste.)
Mme la présidente. La parole est à Mme Jacqueline Gourault.
Mme Jacqueline Gourault. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, depuis le début de l’après-midi, nous entendons dire que nous entamons l’examen de la réforme des collectivités territoriales. J’avoue que, pour ma part, je n’ai nullement l’impression de commencer le débat !
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. C’est vrai !
Mme Jacqueline Gourault. En effet, nous planchons sur ce sujet depuis des mois maintenant !
J’ai apprécié, à cette occasion, d’avoir pu travailler dans le groupe présidé par M. Belot, que nous sommes tous très heureux de retrouver.
Beaucoup a également été fait au sein des associations d’élus, des groupes parlementaires, de nos formations politiques respectives. Nous avons, chacune et chacun, fourni un très gros travail.
Je ne veux pas non plus passer sous silence toutes les discussions qui ont eu lieu au plus haut niveau, c’est-à-dire avec le Premier ministre et même avec le Président de la République, puisque ce dernier a souhaité rencontrer, voilà quelques mois, les principaux responsables politiques pour leur parler de la réforme.
Dès cette époque, un certain nombre de responsables politiques ont, sinon posé des conditions, car ce n’est pas ainsi que l’on en use avec le Président de la République, du moins exprimé leurs préoccupations quant à la réforme et au projet de loi.
Tout cela pour rappeler que la discussion de ce texte est inscrite dans la durée et que nous ne découvrons pas aujourd’hui le projet de loi que nous nous apprêtons aujourd’hui à examiner.
En fait, la réforme territoriale a débuté dès le vote de la suppression de la taxe professionnelle, car que sont les collectivités territoriales sans le nerf de la guerre ? La création de la contribution économique territoriale ainsi que la nouvelle répartition des différents impôts entre collectivités auront naturellement des conséquences sur nos collectivités.
Je suis d’ailleurs assez d’accord avec notre collègue Hervé Maurey : on entend dire un peu n’importe quoi sur le terrain ! Certains élus de l’opposition crient en effet à la disparition des communes, mais c’est à tort, car elle ne figure pas dans le projet de loi. Pour ma part, je désapprouve également ceux des élus de la majorité qui prétendent que les collectivités territoriales auront plus d’argent à la suite de la suppression de la taxe professionnelle. (Mme Nicole Borvo Cohen-Seat s’esclaffe.)
Chacun doit, sur le terrain, être raisonnable et mesurer ses propos. Le nouvel impôt économique est différent ; il ne pourra apporter aux collectivités locales la dynamique que permettait la taxe professionnelle. Peut-être une telle évolution était-elle nécessaire pour l’économie française, mais, quoi qu’il en soit, il faut avoir le courage de le dire, celle-ci affecte les ressources des collectivités territoriales et constitue l’une des étapes de la réforme qui les concerne.
Je regrette, comme la plupart des élus, d’ailleurs, que la question de la clarification des compétences ait été renvoyée à plus tard. M. Gérard Longuet vient d’évoquer ce point à l’instant. Pour ma part, je souhaite que les compétences des collectivités territoriales soient précisées, ce qui ne nuit pas, bien entendu, à la « capacité d’initiative » que nous avons défendue dans le rapport Belot, inventant par là même l’expression !
Selon moi, la clause de compétence générale est un faux débat. Une fois les différentes compétences clarifiées et la capacité d’initiative établie, tout sera bien en place.
Comme Jean Arthuis, qui ne cesse de le répéter, j’estime que la raréfaction des finances publiques régulera d’office les compétences des collectivités territoriales. Mon collègue pense donc certainement la même chose que moi de la suppression de la taxe professionnelle et du nouvel impôt !
J’évoquerai également ce qu’il est convenu d’appeler le « saucissonnage » de la réforme territoriale, lequel, je le dis depuis le début, me semble particulièrement gênant.
Je prendrai l’exemple du conseiller territorial, puisque j’appartiens à une famille politique – cela a été rappelé – qui avait proposé le rapprochement du département et de la région. Le fait de devoir voter séparément la loi électorale relative aux conseillers territoriaux, qui ne me satisfait d’ailleurs pas du tout, …
M. Bruno Sido. Vous n’êtes pas la seule !
Mme Jacqueline Gourault. … me gêne vraiment. Il est en effet particulièrement ennuyeux de devoir en quelque sorte signer un chèque en blanc
M. Bruno Sido. Rassurez-vous, ma chère collègue !
Mme Jacqueline Gourault. D’autant plus que, si la discussion de la réforme territoriale prise dans son ensemble commence avant les élections régionales, elle s’achèvera après.
M. Gérard Longuet. Avec le même Sénat !
Mme Jacqueline Gourault. Certes, mais, cher Gérard Longuet, permettez-moi de rappeler ce qui s’est passé, en 2004 – vous siégiez ici, moi aussi – lors du vote sur la compétence économique : à l’époque, seul de votre groupe, vous aviez été fidèle à vos convictions après les élections.
Je vous sais homme de convictions, et vous serez donc fidèle, après les prochaines élections régionales, à votre opposition au scrutin proportionnel. En ce qui me concerne, étant très attachée à l’introduction d’une part de proportionnelle,…
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Tout dépend de la taille de la part !
Mme Jacqueline Gourault. … je m’inquiète de devoir voter d’abord le principe de la création du conseiller territorial et ensuite seulement une loi électorale qui ne correspondra peut-être pas à ce que j’attends.
Le « saucissonnage » pose donc un vrai problème.
Partageant les positions qui ont été défendues sur l’intercommunalité, je n’y reviens donc pas. Je souligne toutefois que la situation, là aussi, est un peu compliquée, puisque le tableau du nombre de délégués communautaires au sein des intercommunalités figure dans la loi que nous commençons d’examiner aujourd’hui, alors que leur mode d’élection sera précisé ultérieurement !
Il faut l’avouer, ce double saucissonnage est doublement gênant !
Concernant les métropoles, j’ai entendu Charles Guené, Gérard Longuet et Jean-Pierre Sueur regretter, chacun à leur manière, la décision de la commission des lois de modifier ce qui avait été initialement prévu par le Gouvernement.
À cet égard, je souhaite simplement rappeler que l’on a multiplié le nombre de métropoles. Quand leur seuil démographique était le million d’habitants, on pouvait imaginer de nouvelles collectivités territoriales, très intégrées, dont les représentants auraient été élus au suffrage universel direct, comme vient de le proposer Jean-Pierre Sueur.
Le problème vient de ce que l’on a ensuite abaissé ce seuil, multipliant ainsi le nombre de métropoles, qui n’en sont plus vraiment à mes yeux. C’est pour cette raison que la commission s’est tournée vers la solution qu’elle propose aujourd’hui, dont la logique, tout à fait évidente, tient à la multiplication du nombre de ces métropoles.
L’un de mes collègues a même déposé un amendement visant à relever le seuil démographique. Pour ma part, j’ai déjà essayé : cher collègue, vous pouvez vous attendre à recevoir de multiples appels téléphoniques des villes concernées !
Pour conclure, si je regrette l’absence de vision globale, je veillerai toutefois à défendre un certain nombre de principes : les libertés locales, le pluralisme politique, la parité, ainsi que l’équilibre territorial entre les parties les plus peuplées de notre territoire et les zones rurales, ce qui est très important.
M. Bruno Sido. Très bien !
Mme Jacqueline Gourault. Je m’adresserai enfin au président du groupe UMP. Cher Gérard Longuet, je suis incapable, au début d’une discussion générale, de dire dans quel sens je voterai sur l’ensemble. Vous l’avez vous-même magnifiquement dit, prenons le temps de la discussion, car nous ne sommes pas tous d’accord, et n’oublions pas la navette parlementaire.
Je voterai donc selon que le texte issu de nos travaux respectera, ou non, ce à quoi je suis attachée. (Applaudissements sur les travées de l’Union centriste et sur certaines travées du RDSE et de l’UMP.)
Mme la présidente. La parole est à M. Pierre Mauroy.
M. Pierre Mauroy. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, le projet de loi de réforme des collectivités territoriales dont nous débattons aujourd’hui traite de l’une des questions sur lesquelles j’ai le plus réfléchi sans doute et, surtout, agi dans toutes les fonctions que j’ai occupées, notamment quand j’étais Premier ministre. Je m’adresse donc à vous pour vous faire part de ma profonde conviction sur ce sujet.
En mars 2003, sous le gouvernement de Jean-Pierre Raffarin, alors Premier ministre, la Constitution a été modifiée pour préciser que la France est non seulement une « République indivisible, laïque, démocratique et sociale », mais aussi que son « organisation est décentralisée ». Pour simplifier, on a parlé de « République décentralisée ». J’ai vu dans cette réforme l’aboutissement d’un long processus engagé sous mon gouvernement par les lois de décentralisation de 1982 et 1983, avec l’assentiment du Président de la République de l’époque, François Mitterrand, et la complicité efficace de Gaston Defferre, alors ministre de l’intérieur.
Rompant avec une longue tradition jacobine, ces lois ont rendu leur liberté aux collectivités territoriales et aux élus locaux. Elles ont en outre rapproché les citoyens des décisions qui les concernent dans leur vie quotidienne. Les Français ne s’y sont pas trompés, qui ont à plusieurs reprises largement approuvé cette démarche décentralisatrice.
Tous les gouvernements qui ont succédé aux miens ont poursuivi cette réforme, beaucoup d’opposants s’y étant finalement ralliés. Je pense notamment aux lois Joxe, Chevènement et Vaillant, qui ont permis la montée en puissance de l’intercommunalité et de la démocratie de proximité.
Personne ne nie la nécessité de faire évoluer un dispositif vieux de presque trente ans. Déjà, en 2000, Lionel Jospin, alors Premier ministre, m’avait confié la présidence d’une commission sur l’avenir de l’action publique, qui avait avancé 154 propositions. L’an dernier, plusieurs missions et comités ont travaillé sur cette question. J’ai moi-même accepté de participer au comité Balladur pour la réforme des collectivités locales, avec la perspective de faire progresser la décentralisation et la régionalisation dans notre pays.
Mais je dois dire, mes chers collègues, que, au beau milieu des travaux de ce comité, qui avaient très bien commencé, puisque j’avais approuvé une dizaine de propositions, certaines idées sont apparues, auxquelles je me suis opposé, qui devaient préparer la contre-réforme confuse et rétrograde que le Gouvernement nous présente aujourd’hui. (Protestations sur les travées de l’UMP.)
M. Bruno Sido. C’est sévère !
M. Pierre Mauroy. Je vous le dis non sans regret, monsieur le ministre, avec le groupe socialiste, dont la position vient d’être défendue de belle manière à cette tribune par mon collègue Jean-Pierre Sueur, je refuse cette réforme.
Je la refuse pour bien des raisons, essentielles à mes yeux, et en premier lieu parce qu’elle opère un renversement d’orientation par rapport à l’action conduite en ce domaine depuis 1982, non seulement par les socialistes, mais aussi par d’autres, et parce qu’elle s’inscrit en contradiction avec l’esprit du texte de la Constitution.
J’ajoute, monsieur le ministre, mais ce n’est qu’une critique parmi bien d’autres, que votre réforme manque d’ambition face au défi de l’indispensable « métropolisation » de la France.
Qui ne voit pas, tout d’abord, que le texte du Gouvernement, en affaiblissant les assemblées départementales et régionales face au pouvoir de l’État, procède à une recentralisation qui n’ose pas dire son nom ? (Marques de désapprobation sur les travées de l’UMP.) Vous protestez, comme chaque fois, mais c’est la réalité !
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Il ne suffit pas de le dire pour que ce soit vrai !
M. Pierre Mauroy. Qui peut croire que le futur corps hybride des « conseillers territoriaux », appelés à remplacer les conseillers départementaux et les conseillers régionaux, pourra faire vivre, dans une perspective de mouvement et de modernité, ces deux assemblées aux compétences et à l’esprit si différents ?
N’en doutons pas, mes chers collègues : aucune des deux assemblées n’en sortira indemne, et moins encore l’essence même de la décentralisation. Tout cela se terminera par une recentralisation, à laquelle vous procédez en donnant aux préfets, pour lesquels j’ai d’ailleurs un très grand respect, un rôle plus important encore.
Or l’esprit de la loi de 1981, c’était la suppression des tutelles ! C’est cela qui a été accepté et par la population et par les élus !
Qui plus est, le mode de scrutin que l’on réserve au corps des conseillers territoriaux est une nouveauté surprenante dans notre système politique, qui porte, entre autres, un coup d’arrêt à la parité. Nous y reviendrons, bien entendu, lors de la discussion du texte, c'est-à-dire dans plusieurs semaines. (Mme Nicole Borvo Cohen-Seat s’esclaffe.)
Après la suppression de la taxe professionnelle – j’y reviens toujours, car cela a été un véritable hold-up –,…
M. Guy Fischer. C’est du racket !