M. Philippe Richert. … y compris lorsque les majorités sont du même bord politique ?
J’avoue que la création du conseiller territorial suscite un débat. Nous devrions cependant pouvoir nous accorder sur le principe, car la conciliation de l’élection de proximité, propre au conseil général, et du scrutin de liste, propre au conseil régional, ne peut être contestée. Nous pourrons ensuite apporter des précisions sur le mode d’élection de ce nouvel élu, sur son statut, afin qu’il puisse effectivement siéger dans les deux assemblées.
Qui pourrait sincèrement mettre en cause l’intérêt de la mise en place de deux pôles, l’un associant les communes et les intercommunalités, l’autre les départements et les régions, en assurant leur complémentarité ? Et qui pourrait aujourd'hui contester qu’il serait illusoire de vouloir proposer la fusion entre deux ou plusieurs départements, deux ou plusieurs régions ?
Le pire serait de ne rien changer. Ce serait une belle victoire pour les jacobins qui pourraient démontrer que c’est finalement la décentralisation qui rigidifie et l’État central qui sait se réformer.
Pour autant, monsieur le ministre, le texte du Gouvernement mérite d’être amendé. Je remercie la commission des lois, présidée par M. Jean-Jacques Hyest, d’avoir déjà proposé un certain nombre d’amendements qui vont dans le bon sens.
Je voudrais également exprimer ma satisfaction au rapporteur, M. Jean-Patrick Courtois : il a en effet proposé, outre la fusion entre deux départements ou entre deux régions, la possibilité d’unir le conseil général et le conseil régional pour créer une nouvelle collectivité. Une telle mesure dépasse ce que prévoit le texte initial, mais il faut permettre à ceux qui le souhaitent d’aller plus loin dans cette réorganisation.
M. Jean-Patrick Courtois, rapporteur. Bien sûr !
M. Philippe Richert. Je voudrais conclure par une dernière suggestion. Lorsque nous examinerons le texte visant à préciser les compétences, vraisemblablement en 2011, je souhaite que nous puissions proposer une expérimentation.
Dès avant 2014, nous pourrions préparer la fusion entre départements et régions, en suggérant qu’un certain nombre de compétences soient transférées ou déléguées d’une collectivité à une ou à plusieurs autres. Je pense en particulier aux départements du Haut-Rhin, du Bas-Rhin et à la région Alsace, où nous devrions être capables de proposer de manière anticipée des simplifications dans le fonctionnement entre collectivités.
Nous avons entendu à cette tribune tout et son contraire, mais le pire n’est pas toujours certain. L’exécutif du conseil régional d’Alsace et les exécutifs des deux conseils généraux ont pris la décision de se réunir au moins une fois par mois, dans un souci d’efficacité et dans le but de préparer les évolutions ultérieures.
De la même façon, nous appliquons depuis vingt ans une convention qui a délégué à la ville de Strasbourg l’ensemble des compétences sociales exercées par le conseil général du Bas-Rhin. Nous avons procédé ainsi par souci de clarification et d’efficacité.
Cet exemple vise à montrer que le projet de loi qui nous est proposé permet des avancées, même s’il ne va pas aussi loin que nous aurions pu le souhaiter.
C’est donc avec un grand plaisir, monsieur le ministre, que je voterai ce projet de loi de réforme des collectivités territoriales. (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)
M. le président. La parole est à M. Jean-Jacques Lozach.
M. Jean-Jacques Lozach. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, deux motifs ont guidé la rédaction du texte qui nous est soumis : un nombre prétendument excessif, d’une part, de collectivités territoriales et, d’autre part, d’élus. Or la mission Belot-Krattinger a montré qu’il n’y a pas plus de niveaux de collectivités en France que dans les pays comparables et que le nombre d’élus n’ajoute aucune difficulté, au contraire.
Il y a un an, cette mission temporaire sur l’organisation et l’évolution des collectivités territoriales débutait ses travaux. Ce travail collectif et consensuel de grande qualité faisait honneur au Sénat. C’était une sorte de printemps législatif. À la dernière seconde, le groupe UMP a présenté une contribution comportant des propositions surprenantes, contradictoires avec ce que ses propres représentants venaient d’approuver ! Mais, au final, le travail considérable et novateur de la mission a été bien mal respecté. Déconsidéré, le Sénat travaille maintenant sur les propositions des hommes de l’Élysée, pas encore « sous leur dictée », certes. Mais, reconnaissons-le, les principes affichés lors de la dernière révision constitutionnelle et les ambitions en matière d’initiative parlementaire sont bien mal traités.
Dans les années quatre-vingt, la décentralisation a été très violemment combattue par la droite parlementaire. Mais chacun a vite reconnu ses bienfaits : une profonde et exemplaire oxygénation de notre vie administrative. Or, au vu de ce projet de loi, on peut se demander si certains ont bien accepté ce qui, pour le coup, était une heureuse révolution.
Cette logique de décentralisation, peu à peu adaptée et perfectionnée, a guidé les lois successives de 1992, de 1995, de 1999, de 2002 et de 2004.
Mais, aujourd’hui, vous nous proposez un changement de cap, radical et brutal, car votre projet de loi signifie l’enterrement de la décentralisation, sous prétexte de simplifier l’entrelacs des échelons territoriaux. Il signe l’enterrement d’une décentralisation qui, pourtant, préserve les particularismes géographiques et culturels et permet à nos concitoyens d’entretenir des relations de proximité avec des élus qui se penchent sur leurs difficultés ou leurs projets.
Or nous allons, via les conseillers territoriaux, vers une « déterritorialisation » des élus. En réalité, c’est même une véritable recentralisation que nous impose le Gouvernement. On a pourtant connu Nicolas Sarkozy plus ouvert à l’égard des territoires, notamment lorsque, en 2001, il déclarait ceci : « Une nation moderne est une nation qui revendique la décentralisation. Un État moderne est celui qui reconnaît qu’il lui est impossible de tout régenter, diriger, organiser. »
J’ai bien peur que la réforme qui nous est ici proposée ne soit l’antithèse complète de la modernité évoquée par le Président de la République.
Ainsi, pour la première fois depuis 1982, il n’est plus question d’accorder davantage de responsabilités aux échelons et aux représentants locaux ; pour la première fois, il est question non plus de les émanciper, mais, à l’inverse, de limiter leurs libertés, de les encadrer de manière étouffante, voire de les déstabiliser. Nous allons vers une régression majeure.
Cette révision générale des politiques publiques appliquée à l’architecture territoriale de la République, associée à la mise sous tutelle financière des collectivités territoriales, marque le retour historique d’un jacobinisme qui refuse de dire son nom et qui affaiblit délibérément des corps intermédiaires pourtant indispensables à une démocratie vivante.
Et que nous propose-t-on en compensation de cette ample restructuration ? Des conseillers territoriaux ! Cette vaste supercherie ne convainc même pas, j’en suis sûr, beaucoup de nos collègues de la majorité. La mission de ces conseillers, trop peu nombreux, sera bien difficile, voire inopérante ; elle se déploiera au détriment du lien social, de l’écoute des attentes de la population, de la proximité, principe républicain de base. Si cette réforme est votée, l’État ne respectera pas la Constitution de notre République et ne remplira pas sa mission d’équité.
Le département, premier partenaire des communes, acteur incontournable de la solidarité sociale et territoriale, se trouve sérieusement menacé. Il était déjà mis à mal par des transferts considérables de charges non compensés depuis une dizaine d’années. Cet étranglement financier, accompagné de la suppression de la clause de compétence générale, menace son avenir.
D’ailleurs, la majorité parlementaire semble déjà envisager l’étape suivante. Invité dans une émission de télévision, le 11 janvier dernier, Jean-François Copé n’évoquait-il pas déjà la fusion des départements et des régions ? Édouard Balladur n’a-t-il pas préconisé « l’évaporation des départements » ?
Je ne peux pas croire que le projet de loi qui nous est soumis soit l’acte I de la disparition des départements. Nombre d’entre nous sont membres d’un conseil général ou l’ont été. Nous sommes bien placés pour apprécier, au quotidien, l’importance de cet acteur au niveau local. Pourtant, ce texte, en particulier son article 12, ouvre une brèche susceptible de conduire à la mort des départements.
Les conseillers territoriaux envisagés seront désignés à l’issue d’un scrutin à un seul tour, scrutin d’où sortiront parfois des élus minoritaires. Est-ce ce lien que vous souhaitez établir avec vos concitoyens ? Par ce tripatouillage du mode d’élection, on affaiblit la légitimité des élus et on dénature la volonté populaire ; on ne tient aucun compte de la tradition électorale de notre pays, pourtant bien acceptée de tous.
À ce propos, j’ose à peine évoquer l’incertitude et l’immobilisme qui risquent de peser sur nos collectivités d’ici à 2014. En effet, le risque est grand de voir nos collectivités paralysées pendant quatre ans, alors même que, maintenant plus que jamais, elles doivent impérativement se montrer réactives face à la crise.
Qu’en est-il des régions proprement dites ? Sortiront-elles renforcées ? À l’évidence non, car leur pouvoir émergent subit un funeste coup d’arrêt. L’incontestable affirmation du fait régional devenait-elle dérangeante ?
Enfin, je veux exprimer ma crainte de voir s’aggraver la dévitalisation de nombreux espaces ruraux, dont le dynamisme du tissu économique et social repose en particulier sur l’organisation et l’animation des territoires. La notion de proximité est chère à l’ensemble des Français, mais elle l’est sans doute davantage encore sur ces espaces en difficulté, qui assistent au dramatique effacement des services publics de l’État.
Monsieur le ministre, les citoyens ne s’opposent pas à votre vœu de réforme par conformisme, habitude ou refus du changement ; ils apprécient tout simplement que, au sein de nos institutions de proximité territoriale, s’exercent la démocratie, le débat et la solidarité au quotidien, en un mot la citoyenneté, bien si précieux pour notre fonctionnement républicain. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. Pierre Bernard-Reymond.
M. Pierre Bernard-Reymond. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je voudrais saluer avec beaucoup de satisfaction l’avènement de cette réforme indispensable des collectivités territoriales.
M. Daniel Raoul. Ça commence bien ! (Sourires sur les travées du groupe socialiste.)
M. Pierre Bernard-Reymond. Il serait en effet inconcevable que notre pays, confronté à une compétition internationale de plus en plus vive et préoccupante, se réforme dans tous les secteurs – l’État, les chambres consulaires, les entreprises –, tandis que notre structure territoriale resterait en l’état.
Celle-ci offre une vision inextricable : verticalement, par l’empilement de couches successives d’institutions ; horizontalement, par un entrelacs de périmètres parfaitement illisibles.
Pour réussir cette réforme, il faut s’interroger sur la signification de chacun des quatre niveaux qui émergent de cet imbroglio.
Ils vont deux par deux. La commune et le département sont des créations anciennes et revêtent une signification pour chaque citoyen. Il s’agit de l’histoire, de la culture, de la proximité, de la solidarité, d’un cadre de référence qui renvoie à des élus et à des territoires connus qui font l’objet d’un certain patriotisme.
Inversement, la communauté de communes ou d’agglomération et la région sont de création plus récente, dotées de dimensions plus adaptées à un monde qui a complètement changé, caractérisé par le primat de l’économique, la formation de l’Europe et le défi de la mondialisation.
L’idée de coupler un niveau historique et culturel, qui est une référence forte pour le citoyen, avec un niveau où s’exerce la prospective et où se jouent l’économie et l’aménagement du territoire est une bonne idée, et c’est pour cela que la réforme réussira.
M. Jacques Blanc. Très bien !
M. Pierre Bernard-Reymond. Ce système va faire émerger un nouvel élu, le conseiller territorial, qui va prendre une très grande importance dans nos territoires. Raison de plus pour lui éviter la tentation de cumuler son mandat avec d’autres !
Personnellement, monsieur le ministre, je n’approuve pas le mode d’élection qui a été retenu. (Ah ! sur les travées du groupe socialiste.) Le scrutin à un tour est contraire à l’esprit du peuple français et aux traditions pluralistes de notre système démocratique.
M. Jacques Blanc. Bravo !
M. Daniel Raoul. C’est une innovation !
M. Pierre Bernard-Reymond. La coexistence de deux scrutins en un seul vote est une disposition singulière qui n’est pas nécessairement conforme aux attentes du Conseil constitutionnel.
M. Gérard Miquel. Eh non !
M. Pierre Bernard-Reymond. En revanche, je constate que le scrutin municipal dans les villes de plus de 3 500 habitants recueille un très large consensus : il permet de faire émerger une majorité stable ; il assure une représentation de l’opposition ; il réalise la parité femme-homme ; lors des élections, il suscite un débat qui porte, certes, sur un leader, le futur maire, mais aussi sur un programme, alors que les élections cantonales, aujourd’hui, se focalisent sur des personnalités, surtout en zone rurale.
Ces élections très « cantonalisées » ne provoquent pas de vrai débat sur l’avenir du département ; tout au plus en provoquent-elles un sur l’avenir du canton. Aux yeux des électeurs, les majorités, les équipes et le programme ne se forment qu’après les élections.
Pour toutes ces raisons, il me paraîtrait intéressant de transposer le scrutin municipal au niveau départemental. Toutefois, pour s’assurer que toutes les zones du département seront représentées sur les listes et pour éviter qu’elles ne soient constituées que de représentants des zones urbaines, il pourrait être envisagé de découper le département en autant de « circonscriptions territoriales » qu’il y a de postes à pourvoir et d’exiger que chaque liste compte obligatoirement un candidat issu de chacune de ces « circonscriptions ».
Monsieur le ministre, je soumets cette proposition à votre réflexion et à votre appréciation.
Le deuxième point que je voudrais évoquer concerne les métropoles. Vous m’avez déjà entendu à ce sujet, monsieur le ministre, mais souffrez que je vous redise la grande inquiétude et la grande angoisse que suscite en moi ce dialogue entre les métropoles,…
Plusieurs sénateurs du groupe socialiste. Il souffre ! (Sourires.)
M. Pierre Bernard-Reymond. … dont notre collègue maire de Lyon, par la passion dont il fait preuve, est exemplaire, et ce qui se passe actuellement dans les zones rurales de notre pays.
Je comprends que les maires des grandes villes aient voulu adapter les outils de la gestion urbaine à la dimension de leur agglomération. Autant l’innovation scientifique et culturelle naît dans les grandes villes, autant son rayonnement dépend davantage de la qualité des services que proposent celles-ci que de leur dimension démographique. Or, qu’on le veuille ou non, c’est cette dimension démographique qui pèse sur les politiques des métropoles.
Obsédées par la compétition entre villes européennes et mondiales, les grandes villes font tout, avec l’aide de l’État, pour entasser autour d’elles toujours plus de populations, créant de nouvelles banlieues, de nouveaux problèmes insurmontables de transports urbains, d’insécurité, de délinquance et de mal-vivre, lesquels appellent à leur tour de nouveaux aménagements qui inciteront de nouveaux entassements, créant ainsi un processus cumulatif que nous ne maîtriserons pas.
Il faudrait avoir le courage d’ouvrir les espaces ruraux enclavés en construisant des infrastructures modernes pour y attirer davantage d’activités et de population et parvenir ainsi à une meilleure répartition des hommes sur notre territoire. Vous savez que 70 % de nos compatriotes vivent en zone urbaine. La mise à mort programmée de l’autoroute A 51 entre Grenoble et Gap va exactement en sens inverse.
M. Claude Domeizel. Eh oui !
M. Pierre Bernard-Reymond. Au moment où nous démontrons notre capacité à prendre le virage du développement durable, nous risquons de rater celui de l’aménagement du territoire.
Nous préparons deux France : la France du Grand Paris, des grandes métropoles, des TGV, des autoroutes, et la France des enclavés, des bas salaires, des saisonniers, de l’agriculture difficile, de l’hémorragie des services publics, de l’expatriation des jeunes diplômés, la France des réserves d’indiens, des montagnes à chèvres, des sanctuaires de biodiversité, des vitrines écologiques et des trames vertes.
M. Bruno Sido. Cette France existe déjà !
M. Pierre Bernard-Reymond. Nous mourrons dans les fleurs, mais nous mourrons !
Monsieur le ministre, je souhaite que l’on garde cette importante question présente à l’esprit au moment où l’on créera des métropoles et des pôles métropolitains.
Enfin, je suis conscient que ce projet de loi va aussi loin qu’il est possible dans les circonstances actuelles : il faut donner du temps au temps.
Permettez-moi en conclusion d’évoquer la prochaine réforme des collectivités territoriales, celle qui succédera à la vôtre, dans quinze ou vingt ans.
L’interdiction du cumul des mandats sera généralisée, …
Mme Nathalie Goulet. C’est bien !
M. Pierre Bernard-Reymond. … l’exercice d’un même mandat sera limité dans le temps.
Mme Nathalie Goulet. C’est moins bien !
M. Pierre Bernard-Reymond. On proposera un big bang des finances locales en coupant toute relation financière entre l’État et les collectivités territoriales, qui ne se financeront plus qu’avec leurs impôts, les emprunts, les taxes et le produit d’une dotation de péréquation autogérée par la conférence nationale des collectivités territoriales.
Le budget des communes ne comptera plus de section d’investissement, car ces derniers seront entièrement assumés par les communautés de communes ou d’agglomération ou par les métropoles, les communes restant le lieu privilégié de la proximité, de la convivialité et de la solidarité vécue.
Pour assurer une vraie et complète indépendance des collectivités les unes par rapport aux autres, le système moyenâgeux des subventions entre collectivités territoriales sera supprimé. Les maires des petites communes et les présidents d’intercommunalité ne seront plus des mendiants à l’égard de l’État ni des vassaux plus ou moins obligés auprès des présidents de conseils généraux et régionaux.
La France comptera dix régions et quarante départements. L’Europe s’abstiendra d’en « remettre une couche » ! Mais, monsieur le ministre, c’est une autre histoire. (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)
M. le président. La parole est à M. Claude Bérit-Débat.
M. Claude Bérit-Débat. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, comme je l’ai fait à diverses reprises du haut de cette tribune, ou lors de la discussion des propositions de la commission Belot, je concentrerai mon intervention sur l’intercommunalité.
Permettez-moi au préalable de faire quelques observations sur la méthode retenue par le Gouvernement pour engager la réforme des collectivités locales.
Cette réforme est saucissonnée en quatre textes, eux-mêmes pris en sandwich – si vous me permettez cette image – entre la suppression de la taxe professionnelle et la future clarification des compétences.
La réforme de la fiscalité, avec le remplacement de la taxe professionnelle par la contribution économique territoriale, a des incidences très fortes sur le financement des intercommunalités, notamment sur les intercommunalités à fiscalité propre. Les communautés d’agglomération seront particulièrement touchées, et j’en parle en connaissance de cause puisque je préside une communauté d’agglomération d’environ 70 000 habitants.
On peut faire deux reproches majeurs à la contribution économique territoriale.
Tout d’abord, elle manque de dynamisme par rapport à la taxe professionnelle, puisqu’elle est constituée d’une cotisation foncière des entreprises qui évolue peu et d’une cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises dont le taux sera fixé sur le plan national, ce qui coupe le lien entre les entreprises et les territoires.
Par ailleurs, la CET se traduira de fait – et j’insiste sur ce point – par la création d’une fiscalité sur les ménages que beaucoup d’élus, notamment dans ma communauté d’agglomération, refusaient d’instaurer.
Outre une nouvelle fiscalité, la réforme des collectivités locales passera par une clarification des compétences dont on ignore encore la nature, puisque le projet de loi devrait être discuté dans un an.
Contrairement à ce qui a pu être affirmé, la suppression de la clause de compétence générale pour les conseils généraux et les conseils régionaux mettra automatiquement en difficulté les communes et certaines intercommunalités qui avaient pourtant bien besoin de ces deux collectivités pour boucler des plans de financement de projets à caractère sportif, culturel, éducatif, économique. Les intercommunalités seront donc prises entre le marteau de la nouvelle fiscalité et l’enclume de compétences redéfinies.
J’en viens plus précisément au texte qui nous est soumis. Je soutiendrai certains principes qui me semblent importants, notamment l’achèvement de la carte de l’intercommunalité, le renforcement des pouvoirs de la commission départementale de coopération intercommunale et de la représentativité des membres des EPCI dans cette commission.
Dans ce domaine, il nous reste des progrès à réaliser ; mais, comme l’a indiqué le Gouvernement, le chantier est ouvert. Je m’en réjouis, car il appartient aux élus et non au seul préfet d’établir le schéma départemental de coopération intercommunale et de décider de l’éventuelle fusion de certaines intercommunalités.
La commission Belot avait proposé l’élection des délégués communautaires par fléchage. Il me semble toutefois nécessaire de revoir le tableau qui nous a été proposé, dans la mesure où nous ne disposons d’aucune simulation. Les socialistes présenteront de nouvelles propositions. Comme j’ai déjà eu l’occasion de l’indiquer à cette tribune, il serait souhaitable, pour assurer la parité et la non-discrimination, de procéder à l’élection des délégués communautaires dans toutes les communes, sans fixer un seuil de 500 habitants.
Quant au nombre de délégués des intercommunalités, même si cela doit nous amener à fixer certains critères démographiques et représentatifs, il convient, me semble-t-il, de revenir à une pratique qui n’impose pas de manière uniforme, sur tous les territoires, la même représentativité des conseils communautaires.
J’évoquerai enfin la limitation des exécutifs des intercommunalités. Il ne me semble pas cohérent d’appliquer aux membres du bureau d’une intercommunalité une double limite liée au nombre de vice-présidents, qui ne devrait pas dépasser quinze, et à un pourcentage, qui serait de 20 % des membres. Je rappelle que, dans les communes et les intercommunalités qui sont issues de la collaboration des communes, le nombre des adjoints au maire ou au président peut atteindre 30 % des membres du conseil ou de l’assemblée.
Nous devons donc encore travailler afin d’élaborer les modalités d’une représentativité choisie, définie par les conseils communautaires, et non imposée par le haut, ce qui constituerait une vraie recentralisation, contraire aux mouvements de décentralisation que nous avons connus. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à M. Jacques Blanc.
M. Jacques Blanc. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, à cette heure tardive et eu égard au peu de temps dont je dispose, j’ai envie de me laisser aller… (Rires et exclamations.)
M. Jean-Pierre Sueur. Comme d’habitude !
M. Jacques Blanc. J’ai envie d’aborder ce débat non pas avec une approche idéologique, mais à partir de mon expérience de conseiller général pendant dix-huit ans, de président de région pendant dix-huit ans, de maire d’une commune rurale pendant trente ans.
M. Gérard Longuet. La Canourgue !
M. Jacques Blanc. Par ailleurs, mon expérience au Comité des régions m’a permis d’observer le fonctionnement des collectivités locales et régionales en Europe.
M. Bruno Sido. Mais quel âge avez-vous ?
M. Jacques Blanc. J’ai commencé jeune ! (Sourires.)
Monsieur le ministre, j’ai la conviction que les propositions qui nous sont faites représentent une chance nouvelle pour un aménagement équilibré et harmonieux de notre territoire ; elles nous offrent la possibilité de sortir du faux débat concernant la suppression du département ou de la région. Pour les communes et les communautés de communes, la décision est acquise. À cet égard, je félicite la commission d’avoir supprimé le seuil pour les communautés de communes, car le nombre d’habitants ne constitue pas, en effet, un critère déterminant.
Je centrerai mon propos sur le cœur de la réforme, à savoir la création des conseillers territoriaux.
M. Bruno Sido. Absolument !
M. Jacques Blanc. Le système actuel, qu’on le veuille ou non, quelles que puissent être nos convictions, débouchera inévitablement, à terme, sur la suppression du département ou de la région. Ce serait préjudiciable pour tout le monde, parce que nous avons besoin tout à la fois d’un niveau de proximité et d’un niveau politique disposant de moyens financiers.
Je regrette d’ailleurs que certains collègues, avec le soutien de députés de droite et de gauche, aient supprimé en commission mixte paritaire le mécanisme de mutualisation que le Sénat avait instauré afin de garantir l’évolution des ressources des départements. Nous reviendrons sur ce sujet.
À propos des conseillers territoriaux,…
M. Claude Domeizel. Quatre pour la Lozère !
M. Jacques Blanc. … il faut d’abord s’assurer – et c’est l’une des conditions de mon soutien – qu’il y aura au moins quinze conseillers territoriaux par département. Ce nombre est un minimum pour faire vivre un département. (Bravo ! et applaudissements sur les travées de l’UMP.)
M. Bruno Sido. Absolument !
M. Jacques Blanc. C’est une condition sine qua non pour qu’il puisse fonctionner.
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Pour assurer la représentativité territoriale !
M. Jacques Blanc. Ensuite, tous les conseillers territoriaux devront siéger dans les conseils généraux et dans les conseils régionaux.
J’ai écouté l’intervention de M. Gérard Collomb tout à l'heure : ses propos étaient effrayants ! Comment peut-on concevoir une assemblée régionale reposant uniquement sur une représentation de la population ? Le grand mérite de votre réforme, monsieur le ministre, est de faire des conseils régionaux des assemblées représentatives des territoires, et non pas seulement de la population.
M. Bruno Sido. Absolument !
M. Jacques Blanc. Veillons à ne pas tomber dans le piège qui consisterait à penser que cette formule introduit des inégalités de représentation. La Lozère aura quinze représentants au conseil régional, contre deux auparavant. Certes, cela ne m’a pas empêché d’être le président de la région pendant dix-huit ans, mais c’était un miracle ! Je puis vous assurer qu’il ne peut plus y avoir…
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. De miracle !
M. Jacques Blanc. … de politique vraie d’aménagement du territoire dans une assemblée régionale représentative de la seule population.
Je vous demande surtout, monsieur le ministre, de nous prémunir contre une éventuelle censure du Conseil constitutionnel. La Lozère a déjà perdu son deuxième siège de député, et je ne veux pas que l’histoire se renouvelle ! J’espère d’ailleurs que, lors d’une prochaine réforme constitutionnelle, on pourra revenir sur cette décision. Il suffisait en effet de prévoir dans la Constitution un minimum de représentation pour chaque territoire, ce qui n’a pas été fait. Tirons donc les leçons de cette erreur commise tant par le Gouvernement que par le Parlement, et faisons en sorte que l’assemblée régionale soit représentative des territoires.
En effet, monsieur Collomb, certains élus lozériens ne représenteront que très peu de population à côté d’élus de grandes villes comme Montpellier ! Toutefois, cette inégalité, loin d’être injuste, apparaît au contraire nécessaire pour assurer la représentation des territoires.
Il faut également que le conseiller territorial – sur ce point, je suis en désaccord avec mon ami Pierre Bernard-Reymond – reste attaché à son territoire.
M. Gérard Longuet. Sinon, il n’est plus « territorial » !