Mme Odette Terrade. … car il va mettre en péril l’existence même du dernier lieu où s’exerce encore la démocratie de proximité.
Même si le texte de loi se garde bien, du point de vue administratif, de supprimer l’échelon communal, il en fait une coquille vide qui privera les élus locaux de tout pouvoir dans des domaines pourtant essentiels de la vie municipale. Avec le dernier lieu de proximité disparaîtrait l’ultime possibilité de rencontrer un élu proche des habitants, au profit d’un organisme supra-communal à la gestion technocratique et très éloigné des préoccupations quotidiennes de nos concitoyens.
Et que dire des conseillers territoriaux, « super-élus » chargés de se vouer à la fois aux affaires départementales et aux affaires régionales ?
Par ailleurs, vous critiquez le mille-feuille, mais votre projet de loi prévoit que les grandes communautés urbaines pourront se transformer en « métropoles », dont les périmètres gigantesques laissent présager un affaiblissement du pouvoir politique au profit du pouvoir administratif et de celui de nombreux lobbies prêts à investir le marché juteux des services publics.
Les petites communes pourraient être regroupées par la seule décision des préfets, qui bénéficieraient pour cela de pouvoirs exceptionnels. Les maires des communes regroupées au sein des communes nouvelles, à l’instar de celles qui seraient regroupées dans les métropoles, ne conserveraient que la petite enfance, l’entretien des bâtiments scolaires, l’état civil et le centre communal d’action sociale.
Le logement, l’urbanisme, la sécurité, la culture, le sport, l’aide aux associations locales, les équipements sportifs, culturels et de loisirs, ne seraient plus de la compétence de nos communes. Les expériences de démocratie participative et de gestion de proximité s’évanouiraient de fait.
La métropole et la commune nouvelle collecteraient l’impôt et en fixeraient les taux. Il y a fort à parier que, privée de ressources, la commune deviendrait cette coquille vide privée de moyens humains et incapable de faire face aux dernières compétences qui lui resteraient.
M. Patrice Gélard. Catastrophisme !
Mme Odette Terrade. Il s’agit là d’une attaque frontale contre la démocratie et les acquis de la Révolution française, d’une régression sans précédent, destinée à éliminer les derniers lieux de résistance et de démocratie populaire que constituent les communes.
Cette attaque s’inscrit dans le droit fil du traité de Lisbonne. Si ce texte est voté, il sera l’outil qui manquait à la Commission européenne pour mettre en œuvre l’Accord général sur le commerce des services, qui porte le sceau de l’Organisation mondiale du commerce.
Ce soir, dans le Val-de-Marne, une manifestation regroupant plus de 1 500 personnes a eu lieu devant la préfecture pour exiger le maintien des trois niveaux de nos institutions – la commune, le département et la région – et de leurs compétences. Ces compétences ont fait leurs preuves pour une gestion de proximité, au plus près des besoins de nos concitoyens. Dans ce même département, une pétition en ce sens a d'ores et déjà recueilli plus de 31 000 signatures. Le Gouvernement serait bien inspiré d’en tenir compte. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG, ainsi que sur plusieurs travées du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à M. François Trucy, sur l’article.
M. François Trucy. Loin de désapprouver tout ce qui se dit depuis cet après-midi, le groupe UMP souhaite faire part de sa satisfaction de l’enrichissement que vous apportez tous au débat, chers collègues de l’opposition, mais il aimerait savoir, monsieur le président, combien d’orateurs doivent encore intervenir sur l’article 1er ? (Sourires sur les travées de l’UMP.)
M. Pierre-Yves Collombat. Cent quinze ! (Sourires sur les travées du groupe socialiste.)
M. le président. Nous venons précisément d’entendre le dernier orateur inscrit sur l’article, mon cher collègue, et nous allons passer à l’examen des amendements. (Ah ! sur les travées de l’UMP.)
M. Jean-Jacques Mirassou. Déjà ?
M. Adrien Gouteyron. Voilà une bonne nouvelle !
M. le président. Je suis saisi de quatre amendements identiques.
L'amendement n° 115 est présenté par Mmes Borvo Cohen-Seat, Assassi, Mathon-Poinat et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche.
L'amendement n° 349 rectifié est présenté par MM. Peyronnet, Sueur, Bel et Anziani, Mme Bonnefoy, MM. Collombat, Frimat, C. Gautier, Krattinger, Mauroy et Povinelli, Mme Alquier, MM. Andreoni, Bérit-Débat et Berthou, Mme Blondin, MM. Bodin, Botrel et Boutant, Mmes Bourzai et Bricq, MM. Caffet et Chastan, Mme Cartron, MM. Courteau, Daunis et Daudigny, Mme Durrieu, MM. Fichet et Jeannerot, Mme Ghali, MM. Guérini et Guillaume, Mmes Khiari et Klès, MM. Lagauche, Marc, Le Menn, Lozach, Madec, Mazuir, Miquel, Mirassou, Patriat, Percheron, Rebsamen, Ries, Sergent, Signé et Teulade, Mme Voynet et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés.
L'amendement n° 486 rectifié est présenté par M. Adnot.
L'amendement n° 507 rectifié bis est présenté par MM. Collin, Charasse, Alfonsi, Baylet et Chevènement, Mme Escoffier, MM. Fortassin, Mézard, Tropeano et Plancade et Mme Laborde.
Ces quatre amendements sont ainsi libellés :
Supprimer cet article.
La parole est à Mme Brigitte Gonthier-Maurin, pour présenter l’amendement n° 115.
Mme Brigitte Gonthier-Maurin. À ce stade du débat, la discussion sur la création du conseiller territorial, cette nouvelle catégorie d’élus si mal identifiée et tellement contestée, relève de l’incongruité.
Nous avons été plusieurs à démontrer que l’éclatement de la discussion en plusieurs projets de loi portait atteinte au sérieux du débat et à sa sincérité. En effet, comment valider ce concept de conseiller territorial sans avoir connaissance de son mode d’élection ? Comment aborder cette initiative du Gouvernement sans connaître le futur partage de compétences entre les différentes collectivités et entités territoriales ?
Il est inacceptable de demander au Sénat de s’engager à l’aveuglette. Pourtant, lors de la discussion générale, M. Hortefeux a fait preuve à cet égard d’une belle volonté volontarisme, il faut le reconnaître ! Ainsi nous demandez-vous de signer un chèque en blanc en créant les conseillers territoriaux sans savoir ce qu’ils seront.
Cette question de forme est d’une grande importance et justifierait à elle seule la suppression de cette disposition prématurée, mais notre opposition porte essentiellement sur le fond.
L’instauration du conseiller territorial est un élément clé de la nouvelle architecture institutionnelle voulue par Nicolas Sarkozy. Avec la fin du conseiller général et le développement de l’intercommunalité subie, notamment sous la forme des métropoles, se trouvent confirmées les menaces qui pèsent sur le département.
La création du conseiller territorial, c’est aussi l’accompagnement institutionnel de la fin de la compétence générale des régions et des départements. En effet, le principe constitutionnel de libre administration des collectivités exige pour chacune des conseils élus disposant des moyens d’agir.
L’article 72 de la Constitution établit clairement cette règle qui aurait dû rester intangible sans le coup de force du Gouvernement et de tous ceux qui privilégient l’économique sur le démocratique.
Enfin, nous estimons que la création des conseillers territoriaux ne va pas dans le sens du développement de la citoyenneté puisque parité, pluralisme et bénévolat se trouvent très gravement mis en cause.
Pour cet ensemble de raisons, nous proposons la suppression de l’article 1er.
M. le président. La parole est à M. Jean-Claude Peyronnet, pour présenter l’amendement n° 349 rectifié.
M. Jean-Claude Peyronnet. À ce stade de la discussion, même s’il n’y a pas eu beaucoup d’interventions de nos collègues de l’UMP, je me propose de reprendre un certain nombre d’entre elles, non pas pour y apporter des réponses, mais pour amorcer un dialogue, car c’est bien le but de notre présence ici.
Je m’adresserai d’abord à M. le rapporteur, qui a sorti de son chapeau ce qu’il souhaitait faire apparaître comme un scoop, à savoir que l’un des cent deux présidents de conseils généraux était favorable à la réforme…
C’est possible, mais il n’est pas habituel de faire état de conversations privées.
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. C’était dans une résolution !
M. Jean-Claude Peyronnet. S’il vous a écrit, c’est parfait. Au demeurant, je ne contestais pas le fait lui-même. Pour ce qui me concerne j’ai une grande indulgence pour la personne en question : c’est un tout jeune président de conseil général et il n’a peut-être pas encore pris la mesure de la fonction qu’il exerce. (Sourires.)
M. Jean-Jacques Mirassou. C’est sûrement cela ! (Nouveaux sourires.)
M. Jean-Claude Peyronnet. Par ailleurs, je conteste l’analyse de Mme Des Esgaulx, ainsi que je le lui ai dit tout à l’heure hors de l’hémicycle. Elle a fait une présentation brillante, une défense peut-être un peu véhémente, en tout cas passionnée, du conseiller territorial. Après tout, on peut approuver la création du conseiller territorial et contester la réalité de ce qui, selon nous, en résultera, c’est-à-dire l’absence de cohérence entre le conseil général et le conseil régional.
En revanche, ce qui me semble beaucoup plus discutable, c’est le parallèle qu’elle a établi avec la relation entre les communes et les communautés de communes. On ne peut pas affirmer que ce qui marche dans cette relation-là marchera aussi bien entre la région et les départements, car la situation est bien différente. Les communes et communautés de communes exercent, au fond, les mêmes compétences, avec des espèces de vases communicants entre les unes et les autres, alors que les départements et la région ont des compétences et surtout des missions différentes : les départements ont une mission de proximité, on l’a assez dit, tandis que la région a une mission beaucoup plus large.
Le problème le plus important concerne la réduction du nombre des conseillers. Bien sûr, ont déjà été soulignés tous les inconvénients qu’entraînerait la création des conseillers territoriaux, notamment la professionnalisation de ceux-ci. Mais, concrètement, physiquement même, il sera très difficile de faire fonctionner les assemblées régionales et départementales, particulièrement ces dernières.
En effet, comment voulez-vous que ces conseillers territoriaux aient un lien avec la population, soient à son écoute pour faire remonter les informations, participent à toutes les réunions d’associations, conseils d’administration, etc., si l’on diminue de moitié le nombre actuel des conseillers généraux ?
C’est la raison pour laquelle je n’adhère pas à votre argumentation, ma chère collègue.
M. le président. Veuillez conclure !
M. Jean-Claude Peyronnet. Quant à M. Sido, il a mal interprété la position de M. Mauroy, selon lequel le peuple trancherait en dernier ressort. Nous pensions non pas tant aux élections régionales, à l’occasion desquelles cette réforme constituera néanmoins pour nous un atout, qu’à l’élection présidentielle de 2012. (Exclamations sur les travées de l’UMP.)
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Il ne faut pas rêver !
M. Patrice Gélard. Votre temps de parole est épuisé !
M. Jean-Claude Peyronnet. Ce sera un élément fort du débat. D’ailleurs, nous l’annonçons d’ores et déjà, si un socialiste est élu à la présidence de la République, il remettra en cause cette réforme, que, pour notre part, nous ne voterons pas.
M. le président. La parole est à M. Philippe Adnot, pour présenter l'amendement n° 486 rectifié.
M. Philippe Adnot. Je ne suis pas intervenu sur l’article 1er, préférant développer maintenant mon argumentation, avec l’espoir de faire progresser le débat.
Trois raisons ont motivé le dépôt de cet amendement de suppression de l’article 1er.
Tout d’abord, la création du conseiller territorial signe la fin de la dynamique actuelle de la décentralisation. Nous sommes à peine en train de mettre en œuvre les missions qui nous ont été confiées, qu’il s’agisse, par exemple, des parcs naturels ou des personnels techniciens, ouvriers et de service, les TOS des établissements scolaires. Nous sommes actuellement en train de tout réorganiser d’une manière efficace.
En tant que président de conseil général, je puis vous assurer que c’est une tâche particulièrement lourde que de trouver des synergies entre les équipements à transférer, les compétences des TOS à valoriser, tout en réalisant des économies. Or tous ces efforts vont être réduits à néant parce que l’on est en train de casser les départements, et ce pour une raison incompréhensible.
Mme Brigitte Gonthier-Maurin. Il n’y a pas que nous qui le disons !
M. Philippe Adnot. Je suis aussi contre cet article tout simplement parce que cette nouvelle organisation ne fonctionnera pas. Ayons présentes à l’esprit les conséquences, sur lesquelles je reviendrai, de la création du conseiller territorial !
Et puis, mes chers collègues, soyons-en conscients, nous pouvons faire mieux. Il ne s’agit pas là d’être contre le Gouvernement ; d’ailleurs, j’appartiens à la majorité ! Mais, selon moi, on peut faire beaucoup mieux, et ce dans l’intérêt de nos concitoyens. Cela mérite tout de même que nous y réfléchissions ensemble ! En ne votant pas la création du conseiller territorial, nous n’accomplirions pas un acte antigouvernemental : nous chercherions seulement à montrer que nous nous demandons comment faire mieux.
Pourquoi cette réforme ne peut-elle pas fonctionner ?
Avec la réforme, on passerait, dans mon département, de 33 conseillers généraux à 21, tandis que le nombre de conseillers régionaux passerait de 50 à 100 ! Lorsque, dans les campagnes de l’Aube, j’explique cette réforme à mes concitoyens, tous sont unanimes : une réforme qui consiste à faire passer de 50 à 100 le nombre de conseillers appelés à siéger à l’assemblée régionale et de 33 à 21 celui des conseillers appelés à siéger au conseil général ne peut être qu’intelligente… (Sourires.)
Or c’est au sein du département, et non de la région, que la proximité est nécessaire, les représentations des élus étant multiples ! En réalité, cela signifie que la région sera en fait gouvernée par dix ou quinze conseillers territoriaux, délégués par tous les autres. Et notre région est plutôt petite ! Qu’en sera-t-il des assemblées régionales comptant 200 ou 300 membres, voire plus ?
Soyons clairs : il s’ensuivra un déséquilibre manifeste entre le conseil général et le conseil régional.
D’ailleurs, il n’existe nulle part, dans aucun pays au monde, d’assemblée « autonome » qui n’ait pas ses propres élus !
Avec les conseillers territoriaux, on crée un être hybride tel que ni le département ni la région ne fonctionneront bien. Et vous savez tous, mes chers collègues, que c’est la vérité ! Comme cela a été souligné à plusieurs reprises, c’est faire diminuer la qualité de chaque assemblée que de prévoir que les deux auront les mêmes élus. Est-ce une richesse au regard de la représentation des compétences ?
Si j’étais représentant d’une intercommunalité, je me demanderais au nom de quoi seuls les conseillers généraux ont le droit d’être conseiller régional ! Les démocrates le savent, c’est un appauvrissement des institutions !
Je le répète, mes chers collègues, je ne vous demande pas de faire acte de défiance à l’égard du Gouvernement, que vous soutenez et que je soutiens aussi !
M. le président. Veuillez conclure, mon cher collègue !
M. Jean-Pierre Sueur. Mais c’est très intéressant, monsieur le président !
M. Philippe Adnot. Monsieur le président, je développerai mon troisième argument dans le cadre des explications de vote.
Vous l’aurez compris, mes chers collègues, je ne suis pas favorable à ce texte, et je vous invite à la réflexion, non pas pour défier le Gouvernement, mais pour engager une belle action ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Chevènement, pour présenter l'amendement n° 507 rectifié bis.
M. Jean-Pierre Chevènement. L’amendement que je présente au nom de la très grande majorité des sénateurs du groupe RDSE rejoint celui de M. Adnot, dont je viens d’entendre l’argumentation, à vrai dire très convaincante.
Mme Brigitte Gonthier-Maurin. Exactement !
M. Jean-Pierre Chevènement. Moi, je n’appartiens pas à la majorité, mais je me tourne vers vous, chers collègues qui en faites partie, pour vous dire qu’il eût été possible de faire une réforme des collectivités territoriales pragmatique, par petites touches, en corrigeant ce qui doit être corrigé, en achevant, par exemple, la carte de l’intercommunalité. Après tout, M. Mercier n’était-il pas, dans cette assemblée, le rapporteur de la loi sur l’intercommunalité, qui a été adoptée à la quasi-unanimité, tant au Sénat qu’à l'Assemblée nationale ?
On aurait pu procéder de cette manière, mais vous ne songez qu’à tout bouleverser !
Le Gouvernement prétend ne pas vouloir attenter à l’existence des départements. M. Brice Hortefeux nous a expliqué qu’on allait réorganiser le territoire autour de deux binômes avec, d’un côté, les communes et l’intercommunalité et, de l’autre, les départements et la région. Mais le binôme départements-région est fallacieux, car il s’agit, en réalité, de faire disparaître le département.
Mme Brigitte Gonthier-Maurin. Sûrement !
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Non !
M. Jean-Pierre Chevènement. D’ailleurs, M. Balladur l’a annoncé : il s’agit de laisser les départements s’évaporer dans la région.
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Nous ne sommes pas d’accord avec M. Balladur !
M. Jean-Pierre Chevènement. Il a même fondé son argumentation en indiquant que l’on ne pouvait pas aller contre le lobby des présidents de conseils généraux !
C’est donc une évaporation que l’on vous propose, mes chers collègues, et vous en êtes bien conscients !
De son côté, la commission Attali avait, plus franchement, proposé la suppression du département.
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Et de la petite commune !
M. Jean-Pierre Chevènement. Elle a, en fait, été suivie ! Du reste, le Président de la République a souligné hier soir que, en adoptant un statut de collectivité unique, regroupant région et département, la Guyane et la Martinique préfiguraient la réforme des collectivités territoriales. Je n’invente rien : ce sont les mots mêmes qu’il a employés ! Il a d’ailleurs salué ce vote.
Mes chers collègues, on vous propose d’étendre le régime de l’outre-mer à la métropole !
Vous êtes les élus de départements. En votant pour les conseillers territoriaux, vous votez pour la suppression, à terme, des départements.
Mme Brigitte Gonthier-Maurin. Eh oui !
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Pas du tout !
M. Jean-Pierre Chevènement. Or les départements sont très utiles, ils ont une identité forte,…
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. C’est vrai !
M. Jean-Pierre Chevènement. … enracinée dans plus de deux siècles d’histoire. Ils sont essentiels pour la solidarité, car ce sont des échelons de proximité, et même pour le développement économique.
Moi aussi, je vous parlerai de mon expérience d’élu local. Dans de nombreux domaines, le territoire de Belfort n’aurait pas pu trouver de réponses innovantes s’il n’avait pu appuyer des initiatives économiques prises par la communauté d’agglomération.
Le département constitue, depuis 1789, le cœur de l’organisation territoriale de la République,…
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. C’est vrai !
M. Jean-Pierre Chevènement. … avec une assemblée élue au suffrage universel depuis 1871.
En votant contre les départements, vous donneriez, mes chers collègues, un mauvais coup à la République ! Mais je ne pense pas que vous puissiez le faire, vous, les élus des départements ! (Applaudissements sur certaines travées du RDSE, ainsi que sur les travées du groupe socialiste et du groupe du CRC-SPG.)
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Patrick Courtois, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale. La commission soutient naturellement le principe de la création des conseillers territoriaux, qui permettra de renforcer le couple département-région, en garantissant une meilleure coordination entre ces deux niveaux, et surtout de préserver l’ancrage territorial de ces élus.
Le conseiller territorial constitue effectivement la clé de voûte de cette réforme, et il va sans dire que la commission des lois y a porté un intérêt tout particulier.
Monsieur Peyronnet, si je me suis permis tout à l'heure de citer M. Montebourg, c’est tout d’abord parce qu’il est le président du conseil général de mon département et, ensuite, parce qu’il est une personnalité éminente au niveau national, si j’en crois ses passages nombreux et répétés à la télévision française… (Sourires sur les travées de l’UMP. – Exclamations sur les travées du groupe socialiste.)
En fait, pour être précis, j’ai cité une résolution qui a été acceptée à l’unanimité par la majorité socialiste du conseil général de Saône-et-Loire et dont une phrase, en particulier, me conforte dans mon choix : « Le conseil général déplore le caractère figé et daté des cantons qui ne prennent plus en compte les réalités démographiques, condition d’un équilibre démocratique. La pertinence de ces périmètres électoraux est désormais posée. »
Mme Patricia Schillinger. On est au Sénat ici !
Plusieurs sénateurs du groupe socialiste. Ça n’a rien à voir avec le conseiller territorial !
M. Jean-Patrick Courtois, rapporteur. Cette phrase correspond exactement à ce que je pense : le conseiller territorial aura une assise démographique plus importante, qui lui permettra de faire la synthèse entre le conseil général et le conseil régional. Dès lors, les finances publiques seront mieux gérées et la politique menée sur nos territoires sera plus dynamique.
M. Martial Bourquin. Il ne s’agit pas de cela ici !
M. Jean-Patrick Courtois, rapporteur. Par définition, c’est le conseiller territorial qui assurera cette coordination.
C’est pourquoi je vous invite, mes chers collègues, à rejeter ces quatre amendements de suppression.
M. Martial Bourquin. Si c’est votre seule argumentation, elle n’est pas terrible !
Mme Éliane Assassi. C’est faible !
M. Martial Bourquin. Lamentable !
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Claude Bérit-Débat. Le président du conseil général du Rhône !
M. Michel Mercier, ministre de l'espace rural et de l'aménagement du territoire. Et j’assume parfaitement cette qualité !
Mesdames, messieurs les sénateurs, j’ai écouté, depuis le début de l’après-midi, une cinquantaine d’orateurs qui se sont exprimés sur l’article 1er et donc sur la création du conseiller territorial. Certes, le sujet étant important, il était tout à fait normal que ce grand débat ait lieu. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste.)
Mesdames, messieurs les sénateurs, je vous ai écoutés calmement. J’aimerais, si possible, que vous adoptiez la même attitude.
Tout d’abord, le Gouvernement a fait un choix très pragmatique.
M. Martial Bourquin. Ça commence mal !
M. Michel Mercier, ministre. Monsieur Bourquin, je ne vous demande pas d’être d’accord avec moi ! Vous avez d’ailleurs été élu pour exprimer votre désaccord ! J’accepte donc parfaitement que vous le fassiez. Mais il vous arrive parfois de commettre des erreurs, et ce fut notamment le cas lorsque vous avez parlé tout à l'heure des investissements des collectivités locales. Dans ce domaine, vous oubliez toujours de rappeler la part de l’État ! (M. Martial Bourquin s’exclame.)
M. Claude Bérit-Débat. Elle est de plus en plus faible !
M. Martial Bourquin. Je demande la parole, monsieur le président !
M. Michel Mercier, ministre. Personne ne vous a interrompu tout à l'heure. Acceptez donc de me laisser parler ! Vous avez une conception du dialogue assez particulière : soit on se tait, et vous dites que c’est insupportable, soit on s’exprime, mais à peine ai-je commencé à parler que vous voulez déjà m’interrompre pour m’expliquer que j’ai tort !
Pour ma part, j’accepte le fait de ne pas détenir à moi seul toute la vérité. Si vous pouviez en faire autant, cela nous permettrait peut-être d’engager un dialogue intéressant…
Le Gouvernement a donc fait le choix de créer le conseiller territorial, et ce en pleine connaissance de cause. Ce choix, je l’assume pleinement non seulement en tant que membre du Gouvernement mais aussi en ma qualité d’élu local, de président de conseil général.
Il n’y a pas, d’un côté, les bons présidents de conseils généraux, qui expliquent que c’est la fin des départements, qu’on met tout à la poubelle, et, de l’autre, les mauvais, qui défendent la réforme !
Je suis aussi un adepte du département, je crois qu’il a une profonde utilité dans notre système institutionnel, qu’il rend des services tout à fait exceptionnels et doit continuer à les rendre. C’est la raison pour laquelle il ne faut pas le supprimer.
De la même façon, acceptez, monsieur Adnot, qu’il y ait des présidents de conseils généraux qui ne pensent pas comme vous !
M. Pierre-Yves Collombat. Ce n’est pas une réponse !
M. Éric Doligé. Vous, ce n’était pas des questions !
Mme Éliane Assassi. Quels sont vos arguments ?
M. le président. Seul M. le ministre a la parole !
M. Michel Mercier, ministre. Je suis à la disposition du Sénat, de jour comme de nuit, pour répondre et pour dialoguer. Mais la seule façon d’y parvenir est de s’écouter !
Mme Éliane Assassi. Dites des choses si vous voulez qu’on vous écoute !
M. Michel Mercier, ministre. À condition que vous me laissiez m’exprimer, car j’ai pour habitude de ne pas parler en même temps que quelqu’un d’autre et je compte me tenir à cette règle !
Le Gouvernement a donc fait un choix : celui du conseiller territorial. Il a également choisi de conserver à la fois le département et la région, avec leurs compétences, leurs modalités de fonctionnement et leurs outils de proximité. Ce choix, nous l’assumons totalement, car c’est celui qui, aujourd’hui, permet d’avancer et de réformer.
Personne, aujourd'hui, ne peut supprimer ni le département ni la région. Nous avons besoin de ces deux collectivités, qu’il convient de rapprocher ; nous avons choisi de le faire à travers les élus qui en assurent la gestion et le fonctionnement.
Ce n’est pas quelque chose d’extraordinaire ! Cela existe déjà dans notre droit. Je sais bien que tout n’est pas comparable, mais il y a l’exemple de Paris,...
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Eh oui !
Plusieurs sénateurs du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG. Ce n’est pas la même chose !
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Absolument !
M. Michel Mercier, ministre. … qui concerne quand même plusieurs millions d’habitants ! Le Conseil de Paris a les compétences de la commune et celles du département. (M. Martial Bourquin proteste.) Cela ne vous plaît peut-être pas, mais c’est une réalité dont il faut bien tenir compte ! On sait donc déjà qu’un même élu peut gérer deux collectivités.
Par ailleurs, plusieurs d’entre vous ont abordé des questions relatives à la ruralité.
Aujourd’hui, surtout dans les grands départements urbains, les listes pour les élections régionales sont principalement composées de personnes représentant l’agglomération ; les territoires ruraux sont peu ou ne sont pas du tout représentés.
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Absolument !
M. Claude Bérit-Débat. On voit aussi l’inverse !
M. Michel Mercier, ministre. On trouve toujours l’inverse, mais tout ce que je dis n’est pas faux. Pour que nous puissions dialoguer, il vous faut accepter cette vérité-là !
M. Martial Bourquin. Ce n’est pas une vérité, c’est une opinion !
M. Michel Mercier, ministre. Avec le conseiller territorial, tous les territoires seront désormais représentés au conseil régional, et ce sera tant mieux !
M. Jean-Claude Carle. Absolument ! Un homme, un territoire !