Mme Fadela Amara, secrétaire d'État chargée de la politique de la ville. Monsieur le sénateur, je vous prie tout d'abord de bien vouloir excuser le ministre de l’agriculture, qui n’a pu être présent pour vous répondre.
La crise des coûts de production à la fin de l’année 2007 et en 2008, combinée à des cours bas, a conduit le secteur porcin à une situation d’endettement significatif, aggravée en 2009 par la crise économique et financière. Les pertes de trésorerie se sont accumulées depuis plus de deux ans, fragilisant une grande partie des élevages.
Face à la dégradation rapide des trésoreries des élevages, un plan de soutien à la filière a été mis en place dès 2008, à hauteur de 16 millions d’euros. Ces mesures ont été complétées par un nouveau dispositif d’aide, décidé le 6 avril 2009 et doté d’une enveloppe de 6 millions d’euros.
Depuis le 9 novembre 2009, les éleveurs de porcs peuvent également bénéficier du plan exceptionnel de soutien à l’agriculture française, annoncé par le Président de la République, le 27 octobre dernier, à Poligny.
Ce plan prévoit des prêts bancaires à hauteur d’un milliard d’euros et un soutien de l’État de 650 millions d’euros.
Quelque 60 millions d’euros sont mobilisés pour alléger les charges financières des agriculteurs, avec la prise en charge d’une partie des intérêts des prêts de reconstitution de fonds de roulement ou de consolidation. Grâce à ce soutien, le taux d’intérêt réel des prêts de trésorerie et de consolidation se trouve réduit à 1,5 % sur cinq ans, et même à 1 % pour les jeunes agriculteurs.
Environ 200 millions d’euros permettent de prendre en charge une partie des intérêts de l’annuité 2010 et d’accompagner les agriculteurs les plus en difficulté.
Par ailleurs, 50 millions d’euros sont destinés à prendre en charge des cotisations versées à la mutualité sociale agricole.
Enfin, les dispositions relatives aux prêts de crise décidées en avril dernier n’ayant pas été mises en œuvre pour des raisons techniques, il a été prévu, dans le cadre du plan de soutien exceptionnel, un mécanisme spécifique aux éleveurs de porcs, qui permet la prise en charge des intérêts des annuités de l’année 2009.
Ces mesures s’inscrivent dans le cadre des aides d’État consenties au secteur agricole dans le contexte de la crise économique mondiale. Ainsi, pour la période 2008-2010, le montant maximal des aides auxquelles les agriculteurs peuvent prétendre a été doublé ; il s’élève désormais à 15 000 euros. Ce relèvement a été obtenu à la suite d’une demande de la France.
Les éleveurs peuvent également bénéficier d’autres mesures : 50 millions d’euros sont consacrés à la prise en charge de la taxe sur le foncier non bâti, au cas par cas, et 170 millions d’euros au remboursement de la taxe intérieure de consommation sur les produits pétroliers et de la taxe intérieure de consommation sur le gaz naturel.
Les exploitations porcines peuvent également bénéficier du dispositif national d’exonération de charges patronales applicable aux travailleurs occasionnels et aux demandeurs d’emploi, qui a été étendu à l’ensemble des secteurs agricoles, ce qui représente un effort supplémentaire substantiel de 170 millions d’euros pris sur le budget de l’État.
De plus, les dispositifs de complément d’assurance-crédit export, « CAP » et « CAP+ export », mis en place par le Gouvernement pour soutenir les entreprises exportatrices confrontées au retrait des assureurs, ont été déployés depuis le 5 octobre 2009.
Enfin, à de nombreuses reprises, le ministre de l’alimentation, de l’agriculture et de la pêche a demandé à la Commission européenne de réactiver les restitutions à l’exportation afin de dégager du marché communautaire la viande porcine excédentaire.
Depuis le début de l’année 2009, la Commission refuse la mise en œuvre de telles mesures de gestion du marché, du fait de la diminution régulière du prix de l’aliment et du transport, ainsi que de la baisse de la production communautaire porcine, qui devraient permettre, à terme, de réajuster l’offre à la demande.
Néanmoins, le Gouvernement poursuit ses efforts pour obtenir une décision favorable de la Commission.
M. le président. La parole est à M. Yves Détraigne.
M. Yves Détraigne. Madame la secrétaire d'État, je remarque que le tableau que vous venez de dresser de la situation de la filière porcine est encore plus catastrophique que le mien ! Vous avez énuméré de nombreuses mesures prises par le Gouvernement depuis deux ans. Or il s’agit de dispositions conjoncturelles qui ne règlent pas le problème au fond.
J’ai bien noté que M. le ministre de l'alimentation, de l'agriculture et de la pêche souhaitait que Bruxelles modifie les règles du jeu. C’est la seule solution, il faut en être conscient. Nous ne pouvons attendre un éventuel retournement du marché pour régler ce problème : d’ici là, la filière porcine sera morte !
graves difficultés rencontrées par la filière aquacole
M. le président. La parole est à M. André Trillard, auteur de la question n° 767, adressée à M. le Premier ministre.
M. André Trillard. La filière piscicole française vit aujourd’hui un véritable paradoxe. Malgré la situation pionnière qu’occupe notre pays dans le développement de nombreuses espèces aquacoles, malgré une consommation de poissons croissante, malgré une volonté politique affichée de renforcer la filière pour réduire notre dépendance alimentaire vis-à-vis des pays tiers, malgré des structures solides, des professionnels reconnus et des jeunes bien formés, elle régresse. J’irai même plus loin, elle plonge littéralement, étranglée moins par la crise mondiale que par les importations et l’empilement de contraintes franco-françaises.
Pourtant, au cours de ces dernières années, des signes encourageants avaient été donnés avec la mise en place du plan d’avenir pour la pêche et l’aquaculture, suivi de la mission Tanguy. C’est en fait une accumulation de contraintes de toute nature et d’orientations prises sans concertation suffisante avec les professionnels qui risque de conduire à l’asphyxie d’une filière pourtant saine.
Je veux parler des surcoûts liés à la libéralisation du service public de l’équarrissage, de l’insuffisance du repeuplement lié notamment à la priorité donnée par les schémas directeurs d’aménagement et de gestion des eaux, les SDAGE, à la préservation de l’environnement par rapport à la gestion de la ressource, du caractère anecdotique des solutions mises en œuvre par le ministère de l’écologie pour parer aux déprédations des cormorans – la population est passée de 4 000 en 1970 à 130 000 en 2007 ! –, de la prohibition de la production et de la commercialisation des carpes amours, espèce pourtant la plus produite à travers le monde – pourquoi sommes-nous le seul pays d’Europe dans ce cas ? –, des distorsions de concurrence résultant des nouvelles législations en santé animale et en sécurité alimentaire qui pénalisent la production française, laquelle se trouve confrontée sur les étals à des poissons d’origine étrangère décongelés, etc.
Un plan d’aide à l’agriculture a été mis en place, allez-vous me répondre, madame la secrétaire d'État, et vous venez d’en parler. Il est vrai que nombre de pisciculteurs seront amenés à y faire appel.
Il n’en reste pas moins qu’il est essentiel de traiter les causes du mal. L’ensemble des handicaps que je viens d’évoquer sont d’origines si diverses – leur solution relevant soit du ministère de l’écologie, soit du ministère de la santé, soit du ministère de l’agriculture – que seule une volonté politique affichée au sommet du Gouvernement permettra de prendre et de coordonner les décisions indispensables à la survie de cette filière tout en diminuant notre dépendance alimentaire.
C’est la raison pour laquelle j’ai souhaité poser cette question à M. le Premier Ministre, certain qu’il partagera mon point de vue selon lequel nous n’avons pas les moyens, dans le contexte actuel, de nous priver des performances économiques d’une filière saine et dynamique. Je comprends qu’il ne puisse me répondre aujourd’hui, mais je compte sur vous, madame la secrétaire d'État, pour vous faire auprès de lui l’interprète de l’inquiétude et des attentes de toute la profession.
M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d'État.
Mme Fadela Amara, secrétaire d'État chargée de la politique de la ville. Monsieur le sénateur, je vous prie d’excuser Bruno Le Maire, qui m’a demandé de vous faire part de sa réponse.
Vous avez raison, le secteur piscicole stagne en France, alors que la demande des consommateurs en produits aquatiques augmente régulièrement. La balance commerciale en produits de la pêche et de l’aquaculture est en effet fortement déficitaire, de l’ordre de 640 000 tonnes, ce qui représente 2,56 milliards d’euros en 2008.
Dans ce contexte, la France a élaboré au mois de juin 2008 un mémorandum pour le développement de l’aquaculture européenne, qui a été signé par dix-sept autres États membres. La Commission européenne a présenté au mois d’avril 2009 une nouvelle stratégie pour le développement de l’aquaculture durable en Europe, à la suite de laquelle le Conseil a adopté à l’unanimité, au mois de juin 2009, des conclusions en faveur du développement d’une aquaculture durable.
Dans ce cadre communautaire, le ministère de l’alimentation, de l’agriculture et de la pêche souhaite promouvoir le développement de ce secteur en France, en complément du secteur de la pêche. En effet, notre pays ne peut asseoir sa stratégie d’alimentation de sa population en produits aquatiques à partir des seuls produits importés des pays tiers.
Le projet de loi de modernisation de l’agriculture et de la pêche, qui sera examiné prochainement par le Parlement, vise à développer le secteur aquacole en France. Il sera proposé l’élaboration de schémas régionaux de l’aquaculture marine identifiant les sites propices à cette activité.
La vente de produits d’importation décongelés au rayon frais entraîne de réelles distorsions de concurrence, inacceptables pour la filière. C’est pourquoi des consignes ont été données aux agents de contrôle afin de vérifier, dans les points de distribution, le respect de l’étiquetage des produits décongelés et l’origine des produits. Le consommateur doit en effet disposer d’une information claire et précise.
Pour orienter les choix du consommateur vers les produits frais et originaires de nos régions, le Comité interprofessionnel des produits de l’aquaculture, le CIPA, lancera prochainement, avec l’aide de FranceAgriMer, une campagne nationale de promotion.
En outre, le ministère de l’alimentation, de l’agriculture et de la pêche a initié, en collaboration avec le ministère de l'écologie, de l'énergie, du développement durable et de la mer, en charge des technologies vertes et des négociations sur le climat, à qui incombe la mise en place des schémas directeurs d’aménagement et de gestion des eaux, les SDAGE, un guide de bonnes pratiques pour maintenir les opérations de repeuplement dans certains cours d’eau.
J’en viens à la pisciculture extensive en étang. De nouvelles mesures aqua-environnementales ont été mises en place dans le cadre du Fonds européen pour la pêche, le FEP. Elles visent à maintenir une pisciculture extensive contribuant à l’amélioration de l’environnement et au maintien de la biodiversité dans les zones traditionnelles d’étang.
De plus, le ministère de l'alimentation, de l'agriculture et de la pêche contribue, avec le ministère de l'écologie, de l'énergie, du développement durable et de la mer à la mise en place d’un plan de régulation du cormoran à l’échelon communautaire afin de limiter les pertes liées à ces oiseaux piscivores.
M. le président. La parole est à M. André Trillard.
M. André Trillard. Madame la secrétaire d'État, je vous remercie de votre réponse.
Je rappelle qu’une grande partie des problèmes auxquels est confrontée la filière piscicole est due à nos propres législations, qui se coordonnent mal. Oserais-je suggérer la création d’une commission interministérielle destinée à identifier les obstacles et à les lever, quand cela est possible ? C’est une mesure de bon sens.
Plutôt que d’attendre la résolution de ces difficultés à l’échelon européen, il serait raisonnable de rechercher les causes internes de ce blocage de la production. Il est fâcheux – inacceptable, avez-vous dit, madame la secrétaire d'État – que nous soyons amenés à acheter sans le savoir des produits décongelés dont nous ne connaissons pas l’origine.
conséquences de la réorganisation des services franciliens de maîtrise d'ouvrage dépendant du ministère de la culture et de la communication
M. le président. La parole est à Mme Françoise Férat, auteur de la question n° 805, adressée à M. le ministre de la culture et de la communication.
Mme Françoise Férat. Nous sommes actuellement dans une période de réorganisation des services franciliens de maîtrise d’ouvrage dépendant du ministère de la culture et de la communication. C'est la raison pour laquelle je souhaite interpeller M. le ministre de la culture et de la communication sur les difficultés que rencontrent certaines entreprises du bâtiment, notamment les entreprises de restauration des monuments historiques, durant cette période de réorganisation, et plus particulièrement encore en ces temps de crise économique.
En effet, deux structures qui assurent la maîtrise déléguée pour le compte de l’État et de plusieurs de ses établissements publics, comme le Centre des monuments nationaux, le CMN, le musée d’Orsay ou le château de Versailles, sont appelées à fusionner au sein d’une seule et même structure. Il s’agit, d’une part, de l’établissement public de maîtrise d’ouvrage des travaux culturels, l’EMOC, établissement national à caractère administratif créé en 1998, qui a pour mission d’assurer pour le compte de l’État tout ou partie de la maîtrise d’ouvrage des opérations de construction, d’aménagement, de restauration ou encore de réhabilitation d’immeubles appartenant à l’État et présentant un intérêt culturel, éducatif ou universitaire, d’autre part, du service national des travaux, le SNT, créé par décret en 1990, service à compétence nationale du ministère de la culture et de la communication chargé de missions de maîtrise d’ouvrage sur les immeubles bâtis et non bâtis de l’État.
Du fait de la disparition annoncée du service national des travaux, situé à Versailles, et de l’installation projetée de l’ensemble de la nouvelle structure unique à Paris, nombre d’agents ont déjà quitté le SNT.
Cette importante diminution des effectifs rend problématique, pour ne pas dire impossible, la poursuite ou l’engagement de certains chantiers importants. À titre d’exemple, faute d’effectifs, le SNT n’est plus en mesure de transférer les marchés en cours d’exécution au Centre des monuments nationaux, qui assure désormais pleinement la maîtrise d’ouvrage des travaux réalisés dans son périmètre.
Plus grave encore, des ordres de services sont adressés aux entreprises pour arrêter des chantiers en cours. Le blocage est donc total.
Madame la secrétaire d'État, qu’en est-il de la continuité du service public ? Qu’en est-il de la situation économique des entreprises concernées ? Quelles sont les mesures envisagées pour débloquer cette situation si la fusion de l’EMOC et du SNT ne peut intervenir d’ici à la fin de ce mois ?
M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d'État.
Mme Fadela Amara, secrétaire d'État chargée de la politique de la ville. Madame la sénatrice, je vous prie d’excuser Frédéric Mitterrand, qui m’a demandé de vous apporter la réponse suivante.
Comme vous le savez, de nouveaux modes d’organisation de la maitrise d’ouvrage des travaux réalisés sur les monuments historiques ont été décidés ces dernières années, pour gagner en efficacité et en qualité. Le ministre de la culture et de la communication est très attaché et très attentif à la mise en œuvre harmonieuse de ce nouveau dispositif.
En effet, à la suite de plusieurs rapports concernant le patrimoine et sa gestion, notamment le rapport de M. le sénateur Yann Gaillard présenté en 2002, l’ordonnance du 8 septembre 2005 relative aux monuments historiques et aux espaces protégés et modifiant le code du patrimoine a prévu que le maître d’ouvrage des travaux de conservation d’un monument historique serait désormais son propriétaire ou, pour les monuments appartenant à l’État, l’affectataire domanial.
Dans ce cadre général, depuis le 1er janvier 2007, le Centre des monuments nationaux a la responsabilité de la maîtrise d’ouvrage des monuments qui lui ont été remis.
Cependant, dans un premier temps et pour des raisons pratiques liées au délai nécessaire à la mise en place de la nouvelle organisation de cet établissement, les services de l’État, les directions régionales des affaires culturelles en régions et le SNT en Île-de-France ont continué à intervenir pour le compte du CMN dans le cadre de conventions de mandat.
Le SNT a ainsi assuré pour le compte du CMN, de façon temporaire jusqu’à la fin de l’année 2009, la maîtrise d’ouvrage de vingt-neuf opérations d’investissement sur des monuments nationaux de l’Île-de-France. En accord avec les services du ministère de la culture et de la communication, il a fait savoir au CMN qu’il ne pourrait continuer d’assurer la maîtrise d’ouvrage des opérations devant se prolonger au-delà du premier trimestre 2010, ni lancer les opérations pour lesquelles les travaux n’étaient pas engagés.
C'est la raison pour laquelle les difficultés que vous avez évoquées, madame la sénatrice, ne concernent en fait que trois chantiers. Deux opérations portent sur le « bas-parc » du domaine de Saint-Cloud, pour lesquelles les marchés correspondant n’ont pas été notifiés, les appels d’offres n’ayant pas été fructueux pour tous les lots. Les travaux n’ont donc pas démarré et de nouveaux marchés devront être repassés en 2010. Le troisième chantier concerne l’hôtel de Béthune-Sully, pour lequel des évolutions de programme, sur l’initiative du CMN maître d’ouvrage, ont modifié le calendrier des travaux, qui avaient initialement vocation à se conclure à la fin de l’année 2009.
Le SNT a alors demandé au CMN de reprendre les marchés notifiés pour la suite des travaux et a temporairement adressé aux entreprises une notification d’arrêt de chantiers.
La situation devrait être réglée dans les meilleurs délais, la majeure partie de l’équipe du service de maitrise d’ouvrage du CMN étant déjà en place et les services du ministère de la culture et de la communication étant mobilisés pour faciliter au plus vite les derniers recrutements, si besoin est.
Le CMN étant désormais en mesure d’assurer sa mission de maîtrise d’ouvrage constitué, cet établissement doit assumer les missions pour lesquelles il a reçu compétence depuis maintenant plus de trois ans, et ce en veillant à préserver une continuité avec les travaux conduits par le SNT et dont il se chargera.
M. le président. La parole est à Mme Françoise Férat.
Mme Françoise Férat. J’évoquais les chantiers bloqués et non ceux qui ne sont pas encore commencés. Au moment où le plan de relance doit favoriser un regain d’activité, il est dommage que nous ne soyons pas en mesure d’activer ces chantiers.
Vous nous invitez à la patience mais, en la matière, le temps travaille contre les entreprises, vous l’avez bien compris.
Madame la secrétaire d’État, puisque vous connaissez le terrain et que vous êtes fort bien placée pour mesurer les conséquences dramatiques et catastrophiques d’une telle situation, je souhaiterais que vous soyez mon interprète auprès de M. le ministre, pour relayer vivement nos inquiétudes.
restructuration de sanofi-aventis
M. le président. La parole est à M. Robert Navarro, auteur de la question n° 768, adressée à M. le ministre chargé de l'industrie.
M. Robert Navarro. J’ai déjà interrogé M. Estrosi au sujet de la restructuration du groupe Sanofi-Aventis. Sa réponse s’était voulue apaisante et, je l’avais noté, très fidèle à la ligne du groupe. Aujourd’hui, tout semble confirmer mes craintes et celles des personnels.
Cette restructuration de vaste ampleur concerne principalement les activités de recherche et développement de Sanofi-Aventis. Pourtant, le groupe a réalisé plus de 8 milliards d’euros de profits en 2009. Alors qu’il envisage de supprimer des emplois, on apprend qu’il a doublé depuis 2003 le montant des dividendes versés aux actionnaires.
Et, ne l’oublions pas, la fabrication du vaccin contre le virus de la grippe A est venue augmenter des profits déjà importants, avec l’aide du Gouvernement.
Nous n’avons pas affaire à une entreprise au bord de la faillite. Quand M. Estrosi et la direction invoquent les difficultés plus grandes liées à la concurrence, ils ne parviennent pas à me convaincre.
Cette restructuration concerne environ 1 300 salariés pour la seule recherche et développement, mais, au total, 3 000 postes seront supprimés en un an, sans réelle consultation des personnels. Et ce n’est, semble-t-il, qu’un début !
Elle entraînera aussi la fermeture de plusieurs sites. Plusieurs axes thérapeutiques souffriront de cette restructuration, accompagnée d’un vaste mouvement de délocalisation.
Je suis tout particulièrement inquiet pour le sort du site de Montpellier, où 230 postes devraient disparaître : la direction parle de départs « volontaires » mais, on le sait bien, ils seront « contraints ».
Le département d’oncologie sera fermé à la fin de cette année. La recherche en oncologie serait localisée à très court terme à Cambridge aux États-Unis, avec un effectif de 120 salariés. Toute la recherche en oncologie de Sanofi-Aventis deviendrait une entreprise autonome financièrement et en termes de gouvernance.
Je crois que l’on peut dire que Sanofi-Aventis délocalise sa recherche sur le cancer, comme Renault l’a fait avec la fabrication de la Clio.
Cette restructuration aura des conséquences très graves sur l’emploi dans l’agglomération montpelliéraine. Quelles garanties existent pour le maintien, à terme, des activités de recherche et développement sur le site de Montpellier ?
Sous couvert de décloisonnement, le groupe cherche à ouvrir ses activités à des partenaires extérieurs : ces alliances se traduisent par une diminution des dépenses internes en recherche et développement et des réductions d’effectifs. Mais comment Sanofi-Aventis pourra-t-il, dès lors, s’engager dans des projets prometteurs et ambitieux ?
Le groupe semble vouloir se tourner vers des filons très rentables et peu risqués. La recherche pharmaceutique devrait, à mon sens, obéir à d’autres impératifs que ceux du seul profit, et d’abord à ceux de la santé publique. C’est son avenir et celui de notre système de santé qui sont en jeu.
On parle d’aides publiques dans le cadre de l’emprunt. Sanofi-Aventis bénéficie aussi du crédit d’impôt recherche, et notre système de sécurité sociale lui assure sa pérennité. Madame la secrétaire d’État, cela vous semble-t-il compatible avec la restructuration en cours de cette entreprise ?
Depuis plusieurs semaines et aujourd’hui même, les salariés, à Montpellier et dans toute la France, sont mobilisés. Je souhaite que vous entendiez leur voix et que vous vous engagiez davantage, en interpellant la direction de Sanofi-Aventis, pour préserver le développement de la recherche pharmaceutique et les emplois qui en sont la condition première et nécessaire.
Avec la crise, nous devons renforcer la notion de stakeholders : le secteur de la santé, où les liens avec toute la société sont plus évidents, doit être le premier pour bâtir ce rééquilibrage du pouvoir entre l’entreprise et toutes les parties prenantes – les employés, les citoyens, les communes, les départements, les régions et l’État.
M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d'État.
Mme Fadela Amara, secrétaire d'État chargée de la politique de la ville. Monsieur le sénateur, je vous prie d’excuser mon collègue Christian Estrosi, qui m’a demandé de vous apporter la réponse suivante.
Le site Sanofi-Aventis de Montpellier, sur lequel vous appelez l’attention du Gouvernement, est l’un des plus importants sites de recherche et développement du groupe. Il emploie actuellement 1 325 personnes en contrat à durée indéterminée.
Un projet de nouvelle organisation de la R&D, recherche et développement, en France, a été présenté le 30 juin 2009, lors d’un comité central d’entreprise.
Ce projet s’accompagne d’un plan d’adaptation faisant appel au seul volontariat et comprenant des dispositifs de cessation anticipée d’activité – entièrement pris en charge par l’entreprise – et de départs volontaires pour projet personnel. Ce plan pourrait concerner potentiellement jusqu’à 170 personnes sur le site de Montpellier.
Le projet prévoit également des regroupements d’activité. Dans ce cadre, les équipes de recherche en oncologie, actuellement basées à Montpellier, seraient localisées, à terme, sur le site de Vitry-sur-Seine. Cela concerne potentiellement 80 personnes.
Concernant tout particulièrement les salariés du site montpelliérain, la direction de la R&D a pris l’engagement de repositionner sur le site les personnes qui ne seraient pas mobiles sur la région parisienne. Les autres départements du site trouveront leur place dans la nouvelle organisation en conservant leur localisation actuelle.
Le site de Montpellier n’est en aucune façon menacé : comptant, à terme, plus de 1 100 salariés, il restera positionné comme l’un des sites les plus importants de la R&D de Sanofi-Aventis.
Pour conclure, je tiens à vous rappeler, monsieur le sénateur, qu’entre 2008 et 2010 le groupe aura investi 217 millions d’euros sur le site de R&D de Montpellier, dont 150 millions déjà engagés.
Plus globalement, les dépenses de R&D France du groupe Sanofi-Aventis ont été de 1,517 milliard d’euros pour la pharmacie, auxquels s’ajoutent 294 millions d’euros pour l’activité vaccins, soit un montant total de 1,811 milliard d’euros.
Sur les trois dernières années, les dépenses de R&D France demeurent stables, son budget prévisionnel pour 2010 est de 1,715 milliard d’euros – pour la pharmacie et les vaccins.
Les ressources engagées par le groupe, en France, représentent près de 35 % de la recherche pharmaceutique française.
Comme vous le voyez, le Gouvernement veille au développement de la recherche pharmaceutique en France.
M. le président. La parole est à M. Robert Navarro.
M. Robert Navarro. Je vous remercie de votre réponse, madame la secrétaire d’État, et j’en prends note.
Je resterai malgré tout très vigilant, n’ayant pas pour habitude de faire confiance aux groupes qui font des profits faramineux et qui se permettent, malgré tout, de licencier du personnel. Je ne comprends pas cette attitude : on double les dividendes des actionnaires, on obtient 8 milliards d’euros de bénéfices sur une année mais on se permet de licencier.
En période de crise et avec un taux de chômage à 18 %, je ne comprends pas qu’on agisse ainsi !
M. le président. Mes chers collègues, nous allons interrompre nos travaux pour quelques instants.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à onze heures vingt-cinq, est reprise à onze heures trente.)
M. le président. La séance est reprise.
modalités de passation des marchés négociés par les entités adjudicatrices
M. le président. La parole est à Mme Marie-Thérèse Bruguière, auteur de la question n° 772, adressée à Mme la ministre de l’économie, de l’industrie et de l’emploi.
Mme Marie-Thérèse Bruguière. Monsieur le ministre chargé de l’industrie, je souhaite attirer votre attention sur les modalités de passation des marchés négociés par les entités adjudicatrices.
En effet, le code des marchés publics ne précise que partiellement le rôle de la commission d’appel d’offres dans le cadre d’une procédure négociée pour laquelle l’entité adjudicatrice a décidé de limiter le nombre de candidats qui seront admis à présenter une offre.
Si, à l’article 166, il est expressément prévu que l’attribution du marché relève de la commission d’appel d’offres, tel n’est pas le cas de la sélection préalable des candidatures, pour laquelle aucun organe compétent n’est désigné à l’article 165. Ce dernier renvoie en effet à l’article 65, applicable aux pouvoirs adjudicateurs, qui ne précise pas l’organe compétent pour arrêter la liste des candidats invités à négocier.
En outre, la problématique peut être élargie aux appels d’offres restreints lancés par des entités adjudicatrices. En effet, alors que l’article 61 du code des marchés publics, applicable aux pouvoirs adjudicateurs, reconnaît expressément, pour les collectivités territoriales, la compétence de la commission d’appel d’offres pour arrêter la liste des candidats autorisés à présenter une offre, cette compétence n’est pas prévue pour les appels d’offres restreints lancés par les entités adjudicatrices, l’article 162 renvoyant non pas à l’article 61, mais uniquement à l’article 60.
Monsieur le ministre, ma question sera donc double.
Premièrement, quelles sont les règles encadrant la sélection des candidatures dans le cadre d’une procédure négociée ?
Deuxièmement, faut-il considérer, par analogie, que la commission d’appel d’offres est compétente pour établir la liste des candidats invités à négocier dans le cadre d’un appel d’offres restreint lancé par les pouvoirs adjudicateurs ou, à l’inverse, que l’absence de désignation de la commission d’appel d’offres par l’article 65 est délibérément destinée à exclure la compétence de cette dernière pour la sélection des candidatures ? Dans cette seconde hypothèse, cette compétence revient-elle alors à l’exécutif ou à l’organe collégial de la collectivité ?
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Christian Estrosi, ministre chargé de l’industrie. Madame la sénatrice, le code des marchés publics précise les cas dans lesquels la commission d’appel d’offres intervient.
L’article 65 ne mentionnant pas l’autorité compétente pour fixer la liste des candidats admis à négocier, il appartient donc au pouvoir adjudicateur de la déterminer, compte tenu de son organisation interne et des règles applicables.
Pour les marchés publics des collectivités territoriales, c’est à l’exécutif local de désigner la personne compétente pour établir la liste des candidats invités à négocier dans le cadre d’une procédure négociée. Cette désignation sera conforme aux règles fixées par le code général des collectivités territoriales. Il en va ainsi des marchés passés par les pouvoirs adjudicateurs comme de ceux qui sont passés par les entités adjudicatrices.
Pour les marchés des collectivités territoriales passés selon une procédure d’appel d’offres restreint, l’article 61 du code des marchés publics prévoit que la liste des candidats autorisés à présenter une offre est établie par la commission d’appel d’offres elle-même.
Dans la mesure où l’article 142 du même code rend ces dispositions applicables aux marchés passés par les entités adjudicatrices, la commission d’appel d’offres est donc compétente pour arrêter la liste des candidats invités à présenter une offre dans le cadre d’une procédure d’appel d’offres restreint lancée par une collectivité territoriale agissant en tant qu’entité adjudicatrice.
M. le président. La parole est à Mme Marie-Thérèse Bruguière.
Mme Marie-Thérèse Bruguière. Monsieur le ministre, je vous remercie vivement de ces éclaircissements.