Mme Catherine Procaccia, vice-présidente de la commission des affaires sociales. Ah, cela faisait longtemps que nous n’en avions pas entendu parler ! Cela nous manquait !
M. Jean-Pierre Godefroy. Ne vous inquiétez pas, nous y reviendrons !
Moi, je voudrais que l’on sanctuarise les 417 euros versés aux stagiaires ! (Mme Isabelle Pasquet applaudit.)
Mme la présidente. La parole est à M. Daniel Marsin.
M. Daniel Marsin. Madame la présidente, madame la secrétaire d'État, mes chers collègues, le texte de la proposition de loi qui est aujourd’hui soumis à l’examen de notre assemblée consiste à lever l’obligation de gratification afin de faciliter l’accès aux stages des étudiants en travail social et, donc, de ne pas compromettre leur formation.
Introduite par la loi du 31 mars 2006 pour l’égalité des chances, la gratification obligatoire des stages visait plusieurs objectifs : lutter contre les pratiques abusives de certaines structures d’accueil des stagiaires, redonner aux stages toutes leurs vertus en matière d’insertion professionnelle et combattre la précarité des jeunes étudiants.
Or, notamment dans les secteurs sanitaire, social et médico-social, cette mesure semble avoir produit un effet pervers qui n’avait pas été anticipé : celui de réduire l’offre de stages.
En effet, faute de propositions, de plus en plus d’étudiants se trouvent dans l’incapacité de valider des stages et, donc, d’achever leur formation. Cette mesure provoque notamment une diminution tant quantitative que qualitative des terrains de stages, une remise en cause des projets personnels de formation des étudiants et l’apparition de disparités régionales. Tous ces points ont été largement décrits par les orateurs qui m’ont précédé.
Les organisations professionnelles craignent que l’ensemble du dispositif de formation en alternance des travailleurs sociaux ne soit en danger.
Le 18 janvier dernier, la Direction générale de la cohésion sociale, la DGCS, organisait une table ronde sur l’alternance dans les formations sociales. À cette occasion, elle avait annoncé le lancement d’une mission commune pilotée par l’Inspection générale des affaires sociales, l’IGAS, et l’Inspection générale de l’administration de l’éducation nationale et de la recherche, l’IGAENR, pour mesurer les conséquences de la gratification sur l’offre de stages. Le rapport est très attendu et, comme cela a été indiqué, il sera probablement disponible d’ici au mois de juillet prochain.
La proposition de loi de nos collègues répond à un réel besoin. Il est, en effet, nécessaire d’agir rapidement, car, sur le terrain, la situation des stagiaires s’est fortement dégradée en raison de l’extension des gratifications aux stages de deux mois et plus. La plupart des étudiants doivent se contenter de formations tronquées par une offre de stages réduite et subissent de fortes inégalités suivant le statut de l’organisme dans lequel ils effectuent leur stage et la nature même du stage.
Les associations regrettent que cette situation conduise à de nombreux aménagements des stages pour échapper au versement de la gratification. Certains étudiants acceptent de ne pas être gratifiés afin de pouvoir accéder à un stage qui correspond à leur cursus de formation. D’autres sont parfois contraints de signer un engagement à ne pas réclamer de gratification. Cette situation est inacceptable et menace directement la qualité et l’existence même de l’alternance.
De plus, ainsi que l’a affirmé le Président de la République le 24 avril 2009 : « Il n’est pas normal que les stages soient synonymes de précarité ».
En effet, le principe de gratification permet la reconnaissance et la valorisation du travail des stagiaires et évite que des employeurs mal intentionnés ne profitent d’une main-d’œuvre surdiplômée, docile et gratuite.
Aussi, supprimer une disposition censée apporter aux étudiants un soutien financier et les protégeant de certaines dérives est une décision sans doute grave. C’est la raison pour laquelle la proposition de loi ne peut être qu’une solution d’appoint très temporaire.
Eu égard à la réalité du problème posé par les élèves et étudiants concernés et à la nécessité de trouver des solutions urgentes dans un cadre légal, les membres du groupe RDSE ne voteront pas contre le texte de la commission, la majorité d’entre eux s’abstiendront.
Nous pensons en effet, madame la secrétaire d'État, qu’il est nécessaire et urgent de réfléchir à une solution de fond qui écarte la gratuité des stages. Certains ont d’ailleurs évoqué avant moi, sous certaines conditions, un mode de financement public à la fois par l’État et par les collectivités territoriales.
J’espère donc que le débat d’aujourd'hui sera prolongé, sans désemparer, par celui, plus général, de l’accès aux stages obligatoires inclus dans les cursus diplômants, pour l’ensemble des étudiants, dans le secteur médico-social comme dans les autres, car le problème se pose avec acuité pour un certain nombre d’autres formations.
Vous l’aurez compris, madame la secrétaire d'État, nous comptons sur vous pour prendre ce problème à bras-le-corps et nous proposer rapidement un texte concernant l’ensemble des étudiants, qui permettra de juguler la pénurie d’offres de stage, sans remettre en cause les principes et objectifs de la loi du 31 mars 2006. (Mme Brigitte Bout applaudit.)
Mme la présidente. Personne ne demande plus la parole dans la discussion générale ?…
La discussion générale est close.
Nous passons à la discussion du texte élaboré par la commission.
Articles additionnels avant l'article unique
Mme la présidente. L'amendement n° 11 rectifié, présenté par M. About et les membres du groupe Union centriste, est ainsi libellé :
Avant l'article unique, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Dans les six mois suivants la promulgation de la loi n°... du... tendant à faciliter l'accès aux stages des étudiants et élèves travailleurs sociaux, le Gouvernement remet au Parlement un rapport sur la pratique des gratifications accordées aux étudiants et élèves effectuant un stage au sein des services des collectivités territoriales ou de leurs groupements.
La parole est à Mme Jacqueline Gourault.
Mme Jacqueline Gourault. Par cet amendement, nous demandons au Gouvernement de remettre au Parlement un rapport sur la pratique des gratifications accordées aux jeunes effectuant un stage au sein des collectivités territoriales ou de leurs groupements, dans les six mois suivant la promulgation du texte.
Aujourd'hui, le principe de la gratification des stages de formation initiale s’impose non seulement au secteur privé, mais également à la plus grande part du secteur public.
Les décrets du 31 janvier 2008 et du 21 juillet 2009 ont étendu le principe aux entreprises et aux établissements publics, ainsi qu’aux services de l’État. Seules les collectivités territoriales demeurent hors du champ de ce principe. Nous avions initialement déposé un amendement visant à étendre le principe de gratification à ces collectivités, mais il a tout naturellement été frappé par l’article 40 de la Constitution.
Reste la solution du rapport. Il s’agit, par ce biais, d’avancer vers l’universalisation du principe de gratification, en mettant au jour l’arbitraire auquel conduit l’absence d’obligation.
L’amendement n° 13 rectifié qui viendra en discussion tout à l’heure est un amendement de conséquence. Si l’amendement n° 11 rectifié était adopté, il faudrait modifier l’intitulé de la proposition de loi qui ne porterait plus exclusivement sur la situation particulière des étudiants et élèves travailleurs sociaux. Nous proposerons de rebaptiser celle-ci : « proposition de loi tendant à renforcer l’obligation de gratification accordée aux stagiaires et à faciliter l’accès aux stages des étudiants et élèves travailleurs sociaux ».
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Sylvie Desmarescaux, rapporteur. Chacun se le rappelle, dans sa version initiale, cet amendement prévoyait que le Gouvernement remette au Parlement un rapport sur la pratique des gratifications accordées aux étudiants et élèves effectuant un stage au sein des services de l’État, des collectivités territoriales ou de leurs groupements.
Or il s’avère que, depuis le décret du 21 juillet 2009, les services de l’État sont soumis à l’obligation de gratification des stagiaires qu’ils accueillent. En revanche, comme cela a déjà été précisé plusieurs fois cet après-midi, cette obligation ne concerne toujours pas les administrations territoriales et leurs groupements, ce qui crée bien évidemment une inégalité de traitement entre les étudiants qui réalisent leur stage au sein des services de l’État et ceux qui ont choisi ou sont obligés de le faire au sein des services des collectivités territoriales.
Cet amendement a donc été rectifié afin de restreindre le champ du rapport à la pratique des gratifications accordées au sein des services des collectivités territoriales ou de leurs groupements.
Cette nouvelle rédaction, qui tient compte des remarques formulées en commission, est beaucoup plus satisfaisante.
En outre, ce rapport offre l’occasion de lancer un débat sur une éventuelle extension de l’obligation de gratification aux collectivités territoriales.
C'est la raison pour laquelle la commission a émis un avis favorable sur cet amendement.
Je précise à notre collègue Jean-Pierre Godefroy que nous légiférons non pas pour supprimer les gratifications, mais pour les suspendre, voire les étendre aux collectivités territoriales.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Nadine Morano, secrétaire d'État. Je veux vous donner quelques explications, madame la sénatrice, qui vont sans doute vous inciter à retirer votre amendement.
L’Inspection générale des affaires sociales et l’Inspection générale de l’administration de l’éducation nationale et de la recherche élaborent actuellement un rapport sur l’impact de la loi du 31 mars 2006 concernant les stages.
La lettre de mission est très claire : elles devront évaluer précisément l’impact de la gratification sur l’offre de stages pour tous les organismes qui accueillent des stagiaires, ce qui inclut non seulement les associations et les établissements publics, mais également, bien sûr, les collectivités territoriales et leurs groupements.
Les conclusions de cette mission seront rendues avant l’été. Elles permettront donc au Parlement d’avoir accès aux informations que vous souhaitez obtenir au travers de cet amendement.
C'est pourquoi je vous suggère de retirer votre amendement.
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Pierre Godefroy, pour explication de vote.
M. Jean-Pierre Godefroy. Les propos de Mme la secrétaire d'État m’incitent à revenir sur la date qui a été fixée, soit le 31 décembre 2012.
Vous disposerez, madame la secrétaire d'État, d’un rapport avant l’été. Dès lors, pourquoi attendre le 31 décembre 2012 pour prendre une décision ?
L’idée de suspendre les gratifications ne m’est certes pas agréable, mais si nous avions la certitude qu’il s’agit ici de régler un problème ponctuel, comme vous l’avez tous souligné, pour les stages de cette année, nous pourrions en débattre. Toutefois, vous aurez à la fin de l’année 2010 tous les éléments nécessaires afin de pouvoir, le cas échéant, nous faire des propositions concernant les stages dans le cadre de la procédure budgétaire, qu’il s’agisse du projet de loi de finances ou du projet de loi de financement de la sécurité sociale, et rendre de nouveau active la gratification dès le début de l’année 2011. Pourquoi donc attendre le 31 décembre 2012 pour commencer à réfléchir à cette question ?
Mme la présidente. La parole est à Mme Catherine Procaccia, pour explication de vote.
Mme Catherine Procaccia. Madame Gourault, j’aimerais vous poser une question. L’amendement n° 11 rectifié prévoit que, dans les six mois suivant la promulgation de la loi, le Gouvernement remet au Parlement un rapport sur la pratique des gratifications accordées aux étudiants et élèves effectuant un stage au sein des services des collectivités territoriales ou de leurs groupements. Ce rapport concerne-t-il, comme je semble l’avoir compris, l’ensemble des pratiques des gratifications accordées par les collectivités territoriales ou porte-t-il uniquement sur celles qui sont versées aux étudiants et élèves travailleurs sociaux ?
Mme Jacqueline Gourault. Il porte sur l’ensemble !
Mme Catherine Procaccia. Dans ces conditions, le délai de six mois me paraît totalement impossible à tenir. Mes chers collègues, vous êtes élus de collectivités territoriales, et certains d’entre vous sont même président de conseil général. Comment demander aux collectivités territoriales de faire un rapport – encore un ! – sur cette question dans un laps de temps aussi court. Certes, je n’avance pas le même argument que Mme le secrétaire d’État, mais, ma chère collègue, il me semble difficile de leur demander une telle chose.
Mme la présidente. Madame Gourault, l'amendement n° 11 rectifié est-il maintenu ?
Mme Jacqueline Gourault. Je dis les choses avec transparence : vous le savez, ce n’est pas moi qui suis à l’origine de cet amendement. (Sourires.)
Madame la secrétaire d'État, si vous m’assurez que le rapport de l’IGAS concerne également les stages dans les collectivités territoriales…
Mme Jacqueline Gourault. Si vous l’avez dit...
Mme Jacqueline Gourault. … et si vous me l’assurez, je retire l’amendement, car, si j’ai bien compris, le rapport sera remis très rapidement.
Mme la présidente. L'amendement n° 11 rectifié est retiré.
L'amendement n° 14, présenté par MM. Godefroy, Daudigny, Jeannerot, Cazeau, Gillot et Teulade, Mmes Le Texier, Jarraud-Vergnolle, Demontès, Schillinger, Campion, Alquier, Printz, Ghali et San Vicente-Baudrin, MM. Desessard, Kerdraon, S. Larcher, Le Menn et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Avant l'article unique, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L'article L. 4381-1 du code de la santé publique est abrogé.
La parole est à M. Jean-Pierre Godefroy.
M. Jean-Pierre Godefroy. L’article 59 de la loi n° 2009-879 du 21 juillet 2009 portant réforme de l’hôpital et relative aux patients, à la santé et aux territoires, devenu l’article L. 4381-1 du code de la santé publique, dispense les auxiliaires médicaux de verser une gratification aux stagiaires qu’ils accueillent.
Comme le montre l’existence même de la présente proposition de loi, cette disposition constitue un précédent regrettable qui ouvre la porte à une cascade d’exceptions potentielles. Elle ne repose sur aucune spécificité particulière de l’ensemble de ces professions par rapport à d’autres. Elle n’apparaît donc pas particulièrement justifiée par des difficultés insurmontables que rencontreraient les auxiliaires médicaux pour accueillir et offrir la gratification due aux stagiaires.
Au demeurant, il n’existe pas pour les professionnels qui seraient en proie à de telles difficultés d’obligation d’accueil de stagiaires. Il n’y a donc pas lieu de pénaliser tous les stagiaires potentiels, alors que de nombreux cabinets peuvent certainement financer la gratification.
Cette exception crée donc une injustice à l’égard des jeunes qui veulent s’orienter vers ces professions et qui sont pénalisés par rapport à d’autres. Elle donne aussi une image négative de ces professions qui n’offrent pas de gratification aux stagiaires, ce qui peut dissuader des jeunes de condition modeste de s’y consacrer.
La disposition est totalement inopportune ; aussi convient-il de la supprimer.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Sylvie Desmarescaux, rapporteur. Monsieur Jean-Pierre Godefroy, l’amendement que vous venez de présenter vise, je l’ai bien compris, à supprimer la disposition qui a été adoptée à l’occasion de la discussion de la loi portant réforme de l’hôpital et relative aux patients, à la santé et aux territoires, et qui prévoit une exception à l’obligation de gratification des stages pour les élèves auxiliaires médicaux.
Je vous rappelle que nous avons été submergés de demandes, entre autres par les orthophonistes.
Cette exception répond de plus à une demande des étudiants eux-mêmes à laquelle beaucoup d’entre nous ont été sensibles. Ces jeunes ont en effet de plus en plus de difficultés à trouver des stages – nous en avons parlé cet après-midi et hier –, particulièrement chez les libéraux qui sont installés et qui ne peuvent pas prendre de stagiaires.
Vous l’aurez compris, la mesure votée devrait permettre de débloquer la situation et d’apporter des réponses aux auxiliaires médicaux.
Par conséquent, la commission est défavorable à cet amendement.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. L'amendement n° 15 rectifié, présenté par MM. Godefroy, Daudigny, Jeannerot, Cazeau, Gillot et Teulade, Mmes Le Texier, Jarraud-Vergnolle, Demontès, Schillinger, Campion, Alquier, Printz, Ghali et San Vicente-Baudrin, MM. Desessard, Kerdraon, S. Larcher, Le Menn et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Avant l'article unique, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Il est inséré dans le code de l'action sociale et des familles un article L. 314-4-1 ainsi rédigé :
« Une enveloppe indicative peut-être identifiée au sein de l'objectif défini à l'article L. 314-3 pour permettre le financement de la gratification des stages que les étudiants et élèves travailleurs sociaux effectuent dans les établissements et services mentionnés à l'article L. 314-3-1.
Le montant annuel dédié à ce financement est réparti en dotations régionales dans les mêmes conditions que l'ensemble des enveloppes mentionnées aux L. 314-3, L. 314-3-2 et L. 314-4.
« L'autorité de tarification compétente au niveau régional fixe par arrêtés les forfaits afférents au financement de la gratification des stages des étudiants et élèves travailleurs sociaux.
« Ces forfaits font l'objet d'une imputation comptable, dans les établissements et services, distincte de celle afférente aux produits de la tarification.
« L'utilisation de ces forfaits fait l'objet d'un compte rendu d'exécution et d'un compte d'emploi propres.
« Les forfaits afférents au financement de la gratification des stages des étudiants et élèves travailleurs sociaux peuvent être attribués directement aux sièges sociaux agréés mentionnés au VI de l'article L. 314-7 et aux groupements de coopération sociaux et médico-sociaux mentionnés aux articles L. 312-7 et L. 451-2.1.
« L'utilisation de ces forfaits fait l'objet d'un compte rendu d'exécution et d'un compte d'emploi propres. »
La parole est à M. Jean-Pierre Godefroy.
M. Jean-Pierre Godefroy. Nous entrons dans le vif du sujet !
Cet amendement vise à présenter une proposition remplaçant le dispositif envisagé, afin de conforter le principe de la gratification obligatoire des stages étudiants dans le secteur médico-social et de le rendre effectif.
Il n’est en effet pas concevable que des jeunes qui souhaitent dédier leur vie professionnelle à des actions fondées sur un esprit altruiste et le souci de l’autre soient pénalisés par rapport aux jeunes qui se dirigent vers d’autres professions, souvent plus rémunératrices et moins contraignantes.
La suspension de la gratification, qui risquerait d’aboutir à sa suppression. En effet, vous le comprenez bien, avec ce délai du 31 décembre 2012, autant dire qu’il s’agit d’un enterrement définitif. C’est bien le signe d’une dévalorisation du travail social !
Le travail social doit au contraire bénéficier de notre particulière attention, car c’est un élément important de maintien ou de rétablissement du lien social dont notre pays a aujourd’hui grand besoin.
Notre amendement vise donc à la création d’une enveloppe spécifique pour les établissements médico-sociaux destinée à financer les stages des élèves ou étudiants en travail social. Le coût de ces gratifications a été estimé à 22 millions d’euros par la Direction générale de la cohésion sociale. Celle-ci affirme avoir prévu les financements dans la gestion des enveloppes de crédits dès 2008. Ces gratifications, me dit-on, ont d’ailleurs été versées en 2008 et en 2009. Ce montant peut donc bien faire l’objet de redéploiements modestes.
Il convient de le rappeler, les ministères sociaux soulignent que c’est plus une question d’ingénierie financière qu’un problème financier. La dispersion entre 35 000 établissements et services concernés rend impossibles le suivi des crédits et leur redistribution chaque année.
L’amendement vise à permettre le financement de ces gratifications via les sièges sociaux des associations gestionnaires et les groupements de coopération.
Les formations initiales longues et les formations continues des professionnels dans les établissements et services sociaux et médico-sociaux ont toujours reposé sur l’alternance entre les centres de formation et les institutions.
Ces structures accueillent donc sur des périodes longues de nombreux stagiaires, qui doivent désormais recevoir des gratifications financières.
Le dispositif proposé permet, d’une part, d’apporter un soutien financier aux étudiants et, d’autre part, de ne pas pénaliser les structures d’accueil des stagiaires. En effet, ces structures sont aujourd’hui fortement invitées à s’inscrire dans des logiques de maîtrise des coûts et de convergence tarifaire.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Sylvie Desmarescaux, rapporteur. Chacun l’a compris, cet amendement revient en quelque sorte à créer au sein de l’ONDAM médico-social un sous-objectif destiné à financer la gratification.
Sur le fond, je dirai, pour être aimable, que cette proposition est intéressante. Mais elle pose plusieurs difficultés.
Elle revient à faire financer la gratification par l’impôt. Or la solidarité nationale n’a pas à intervenir dans la reconnaissance de la valeur ajoutée des périodes d’activité en entreprise ou en établissement.
De plus, on crée ici une exception pour le secteur du travail social. À quel titre les autres cursus de formation ne pourraient-ils pas aussi être concernés ?
Dissociant le lien entre financeurs de la gratification – les structures d’accueil – et bénéficiaires – les stagiaires –, cette proposition risque d’alimenter les conduites de « consommateurs de stagiaires » que nous avons toujours souhaité combattre et qui pourraient être dénuées de tout objectif pédagogique.
En revanche, la création d’un éventuel fonds mutualisé pour financer la gratification est une piste à explorer. Je suppose aussi que l’IGAS – Mme la secrétaire d’État nous le confirmera – étudie cette possibilité dans le cadre de la mission qui lui a été confiée en décembre dernier.
Par conséquent, laissons-nous le temps. J’émettrai un avis de sagesse, souhaitant entendre l’avis du Gouvernement.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Nadine Morano, secrétaire d'État. Je confirme à Mme Desmarescaux que cela figurera bien dans le rapport de l’IGAS.
Votre amendement, monsieur Godefroy, ne me convainc pas, mais il appelle quelques considérations plus techniques.
Pour les établissements financés par les crédits de l’ONDAM, les charges liées à l’accueil des stagiaires sont, au titre des charges obligatoires, déjà prises en compte par les autorités de tarification.
Ouvrir la possibilité d’identifier une enveloppe qui, de plus, ne sera qu’indicative n’apporte rien. Au contraire, cela va à l’encontre des mécanismes de dotation globale qui visent à respecter l’autonomie des choix de gestion de chaque établissement.
De plus, cet amendement prévoit des arrêtés de tarification spécifique, des imputations comptables distinctes, des comptes rendus d’exécution et des comptes d’emplois propres, sachant que les établissements accueillent en général un stagiaire par an, voire deux stagiaires au plus.
De telles complexités de gestion administrative pour 417 euros par mois de stage, c’est, sur le plan comptable et en termes de gestion administrative pure, tout à fait disproportionné, pour ne pas dire qu’il s’agit d’une usine à gaz !
Enfin, cet amendement ne change rien pour tous les établissements – et ils sont nombreux ! – qui ne sont pas financés par des crédits de l’assurance maladie. Or nous devons apporter une réponse structurelle à la question qui nous est posée.
C’est pourquoi, selon le Gouvernement, il est nécessaire que l’ensemble de ces enjeux figurent dans le champ du rapport qu’il devra remettre au Parlement avant le 31 décembre 2012 et qui devra donc porter sur l’ensemble de ces aspects de financement et pour tous les établissements.
Voilà pourquoi le Gouvernement est défavorable à cet amendement.
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Pierre Godefroy, pour explication de vote.
M. Jean-Pierre Godefroy. Madame Desmarescaux, il faudrait, dites-vous, faire payer la gratification par le contribuable. Mais cela existe déjà !
Je vous ai parlé de l’École polytechnique, de l’École nationale de la magistrature. Pourquoi les formations des travailleurs sociaux ne seraient-elles pas placées au même niveau que celles de ces écoles prestigieuses ? Mais peut-être considère-t-on précisément qu’elles ne sont pas suffisamment prestigieuses pour que la nation s’en préoccupe…
Mme Catherine Procaccia, vice-présidente de la commission des affaires sociales. Ah non, pas un tel procès à Sylvie Desmarescaux !
M. Jean-Pierre Godefroy. C’est bien pour cela qu’il ne faut pas le dire ! Nous nous connaissons suffisamment bien et nous nous apprécions assez pour le savoir. Vous avez bien compris qu’il s’agissait d’un amendement d’appel destiné à favoriser l’émergence d’une solution.
Je réitère mon propos, madame la secrétaire d’État : je comprends que, face à un problème ponctuel pour 2010, il y ait une exception. Ce n’est pas enthousiasmant, mais cela peut raisonnablement se concevoir, à condition toutefois que vous nous annonciez que des propositions seront faites en 2011, dans le projet de loi de finances ou le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour l’ONDAM, afin que cette solution exceptionnelle ne perdure pas !
Il est aberrant de maintenir cette date du 31 décembre 2012, alors que vous êtes en pleine étude et que vous avez, je n’en doute pas, la volonté d’aboutir, madame la secrétaire d’État !
Dans le texte de M. Nicolas About et de Mme Sylvie Desmarescaux, il faut donc avancer la date, et retenir comme butoir la fin de l’année prochaine. Cela permettrait d’ouvrir la discussion sur cette exception destinée à répondre au problème ponctuel qui se pose pour 2010.
Au fond, nous nous sentons tous interpellés et nous avons tous l’envie d’aboutir, mais cette limite au 31 décembre 2012 revient, pour la gratification des étudiants travailleurs sociaux, à un enterrement de première classe !
Une exception pour 2010, oui, mais, au-delà, nous devons en discuter !
Mme la présidente. La parole est à Mme le rapporteur.
Mme Sylvie Desmarescaux, rapporteur. Monsieur Godefroy, je peux partager certains de vos propos, mais nous avons besoin de temps, d’une part, parce que nous attendons les conclusions de l’IGAS sur le problème de la gratification et, d’autre part, parce que nous devons revoir la question du cursus.
Ce sont bien deux questions qui nous sont aujourd’hui posées, mon cher collègue.
Nous sommes tous d’accord, et M. Jean-Louis Lorrain l’a dit, il faut retravailler le dossier avec les formateurs et les écoles de travailleurs sociaux, afin de ne pénaliser personne.
Le délai paraît long, mais le temps passe vite, et cela nous donnera surtout l’occasion de travailler de façon constructive sur le cursus des élèves et étudiants travailleurs sociaux, point sur lequel j’insiste particulièrement.