M. Didier Boulaud. Mais non ! Simplement, vous n’aimez pas que j’aborde des sujets qui ne vous intéressent pas !
M. André Dulait, rapporteur. Et réciproquement !
M. Didier Boulaud. Je suis désolé, mais cet aspect des choses en fait partie !
Au reste, l’avenir nous dira les conséquences des décisions que vous prenez en ce moment !
M. André Trillard. Il ne vous reste que deux minutes !
M. Didier Boulaud. Il s’agirait non pas d’une « réforme », mais bien d’une reprise en main de la justice par le pouvoir exécutif.
Dans ce contexte, le groupe socialiste ne votera pas ce texte, contrairement à ce que vous espériez, monsieur le secrétaire d'État ! Vous devrez vous contenter de notre abstention, malgré tout bienveillante ! (Sourires. - Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG.)
M. le président. La parole est à M. Yvon Collin.
M. Yvon Collin. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, la piraterie, que l’on aurait aimé ranger au rayon des souvenirs et des clichés abondamment nourris par la littérature et les films d’aventure, connaît malheureusement un regain d’activité.
Si le quadrillage des mers par les marines nationales a, un temps, éteint la piraterie là où elle avait connu des heures fastes – en Méditerranée, à l’époque romaine, et aux Antilles, au xviiie siècle ! –-, elle s’est depuis progressivement réinstallée ailleurs.
Aujourd’hui, la situation est particulièrement préoccupante dans le golfe d’Aden et au large de la Somalie.
Totalisant plus de la moitié du nombre des actes de piraterie recensés par le Bureau maritime international, cette région est devenue le principal théâtre d’un banditisme très actif et très dangereux, qui s’exerce à l’encontre des navires de plaisance, de commerce ou de pêche.
Pour faire face à la gravité des actes commis – je rappelle que huit marins ont été tués en 2009 – et à leur recrudescence, force est de reconnaître que la communauté internationale est très mobilisée.
Les Nations unies ont adopté un certain nombre de résolutions en 2008, reconduites à plusieurs reprises, afin de traiter le cas spécifique de la Somalie.
Sur la base de ces résolutions, l’opération navale « Atalanta », lancée en novembre 2008, a permis de mieux sécuriser cette zone maritime très fréquentée par les navires marchands. Nos collègues qui ont embarqué, en juin dernier, à bord de la frégate Aconit ont pu observer de très près cette initiative européenne.
Au-delà de l’efficacité reconnue d’une opération qui a conduit à appréhender 708 pirates, je partage, avec mes collègues, la satisfaction de voir ainsi mise en œuvre la politique de sécurité et de défense commune, la PSDC.
Cependant, cette action militaire, bien entendu nécessaire pour protéger les navires des attaques de pirates, ne suffira pas à dissuader la piraterie si l’on ne s’intéresse pas aux causes du phénomène.
La pauvreté et l’instabilité politique qui règnent sur la Corne de l’Afrique alimentent ce banditisme des mers. On le sait, l’absence en Somalie d’un gouvernement fort capable de contrôler l’ensemble de son territoire et de ses eaux territoriales est propice au développement de la piraterie. La Somalie est l’un des pays les plus pauvres au monde. Toutes les conditions sont donc réunies pour que ce fléau hélas ! perdure.
La communauté internationale doit se pencher au plus vite sur le problème de la guerre civile qui éprouve durement les Somaliens.
Parallèlement à ces volets militaire et politique, la lutte contre la piraterie suppose avant tout un arsenal juridique spécifique. Tel est l’objet du texte qui nous est aujourd’hui présenté, ce dont nous nous félicitons.
Ce projet de loi vise, en effet, à améliorer et à compléter le cadre juridique français, qui souffre de lacunes en raison, d’une part, de l’absence de textes législatifs introduisant dans le droit interne la convention de Montego Bay relative à la piraterie, d’autre part, de l’abrogation, en 2007, de la loi du 10 avril 1825 pour la sûreté de la navigation et du commerce maritime.
Afin de lutter plus efficacement contre la piraterie et de garantir les droits des personnes appréhendées dans le cadre de l’action en mer, les articles 2 et 6 du projet de loi prévoient un certain nombre de dispositions assez consensuelles, me semble-t-il.
La définition des infractions pénales constitutives d’actes de piraterie, la détermination du champ d’application géographique de ces dispositions et l’instauration de mesures de contrôle et de coercition permettront sans doute à notre pays de mieux réprimer les actes de piraterie, et ce dans le respect de la convention de Montego Bay.
La commission a toutefois laissé de côté l’article 105 b de ladite convention, qui permet aux juridictions des pays signataires d’avoir une compétence universelle.
Je souscris, sur ce point, à la sagesse de mes collègues, dans l’attente notamment de la décision de la Cour internationale de justice sur l’affaire qui oppose le Congo à la France.
La mise en place d’un régime sui generis pour la consignation à bord des personnes appréhendées dans le cadre de l’action de l’État en mer est, bien sûr, une bonne chose, puisqu’il s’agit, pour notre pays, de tirer les conséquences de l’arrêt Medvedyev du 10 juillet 2008, dans lequel il est reproché à la France de ne pas avoir créé un cadre légal suffisant pour organiser les conditions de privation de liberté.
Cicéron, qui expliquait dans son traité De officiis – Des devoirs – que l’on n’était pas tenu de respecter certains devoirs à l’égard des pirates, « ennemis de tous » disait-il, n’aurait sans doute pas trouvé à redire aux faiblesses de notre système actuel.
Heureusement, nous n’en sommes plus là, et la France, patrie des droits de l’homme, se doit de surmonter les contraintes liées à l’action juridique en mer pour garantir – il le faut ! – le droit des personnes faisant l’objet de mesures restrictives ou privatives de liberté.
Le projet de loi répond sérieusement à cette problématique, bien que la question du délai maximal de rétention à bord, reste, à mon sens, encore ouverte.
La loi belge prévoit un délai maximal de rétention en mer d’un mois, soit un délai quasi identique à celui que notre pays a fixé pour la rétention administrative des étrangers en situation irrégulière.
Dès lors, pourquoi ne pas retenir un tel délai, en prévoyant deux éléments dérogatoires qui permettraient temporairement de l’allonger, à savoir les conditions météorologiques et le détournement d’un bateau de son trajet pour cause d’opération de secours ?
Il me semble souhaitable de réfléchir à cette question et de trouver des réponses, car, au détour d’un éventuel litige, celle-ci risque de nouveau de se poser à nous.
Mes chers collègues, nous nous accordons tous à reconnaître que la piraterie est un véritable fléau contre lequel nous devons lutter avec des moyens juridiques adaptés à la spécificité de l’action en mer. L’accident qui s’est produit sur le Tanit démontre que les dommages collatéraux sont hélas ! possibles et qu’il est donc urgent de mettre de l’ordre dans notre droit sur ce sujet.
C’est pourquoi l’ensemble des membres du RDSE devraient approuver ce texte à l’issue des débats. (Applaudissements sur les travées du RDSE, ainsi que sur les travées de l’UMP.)
M. le président. La parole est à M. André Trillard.
M. André Trillard. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, je ne reviendrai pas sur le contenu du projet de loi relatif à la lutte contre la piraterie et à l’exercice des pouvoirs de police de l’État en mer, qui a été présenté par notre excellent rapporteur, André Dulait.
Non seulement notre collègue a procédé à un examen fouillé du texte, mais il s’est acquitté de travaux pratiques à bord d’une frégate de la marine nationale patrouillant dans le golfe d’Aden.
M. André Trillard. Par ailleurs, je tiens à saluer l’esprit consensuel qui a présidé aux travaux de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées sur ce sujet, ainsi que l’attitude constructive de nos collègues de l’opposition.
Nous en sommes tous convaincus, la piraterie maritime est un fléau qui doit être sévèrement réprimé, et ce d’autant plus que le phénomène, en pleine résurgence, se déplace à travers notre vaste monde.
En ce qui concerne les actes de piraterie, les chiffres communiqués par le Bureau maritime international n’ont cessé d’augmenter au cours de ces dernières années.
Pour saisir la gravité du phénomène, il nous faut garder à l’esprit que 90 % du transport mondial de marchandises se fait par voie maritime. Dès lors, vous comprendrez les inquiétudes d’un élu d’une région qui abrite le port de Nantes Saint-Nazaire, pour ne citer que celui-ci, un port dont le trafic, qui a dépassé, en 2009, 29 millions de tonnes, traverse pour une grande partie les zones les plus dangereuses de la planète.
Permettez-moi tout d’abord de rappeler brièvement les principales modifications introduites par la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées.
Notre commission a, en effet, adopté vingt amendements portant sur le texte du Gouvernement : dix-huit présentés par le rapporteur et deux déposés par moi-même.
Tout d’abord, sur proposition de M. le rapporteur, la commission a souhaité mettre davantage en valeur les dispositions relatives à la lutte contre la piraterie, en les insérant en tête de la loi du 15 juillet 1994 relative aux modalités de l’exercice par l’État de ses pouvoirs de police en mer et en modifiant l’intitulé de cette loi.
En s’inspirant des mesures prévues en matière de lutte contre le trafic de stupéfiants et l’immigration illégale, une disposition a été adoptée permettant aux commandants des navires ou aux officiers de la marine nationale de procéder à la saisie des documents ou objets liés à des actes de piraterie sans autorisation du procureur de la République en cas d’extrême urgence.
Par ailleurs, je me réjouis que la commission ait accepté, sur ma proposition, d’introduire la possibilité de procéder à la destruction des embarcations ayant été utilisées par les pirates.
J’ai appris que la marine nationale avait tout récemment procédé à la destruction d’un « bateau-mère » dans l’océan Indien (M. le rapporteur le confirme), ce qui démontre l’utilité et la faisabilité de l’opération.
En revanche, notre commission a rejeté l’idée de retenir une compétence universelle des juridictions françaises pour juger des actes de piraterie, au regard notamment des précédents belge et espagnol et afin de privilégier un traitement judiciaire régional.
Elle a également écarté la proposition de subordonner la remise des suspects à un autre État à des garanties en matière de procès équitable et de non-application de la peine capitale, l’inscription de ces garanties n’étant pas utile puisqu’elles figurent déjà dans les accords conclus entre l’Union européenne et les pays concernés.
Le régime proposé pour la rétention des suspects à bord des navires présente l’avantage de concilier les fortes contraintes opérationnelles de l’action en mer et le nécessaire respect des libertés individuelles. Surtout, il répond aux griefs de la Cour européenne des droits de l’homme.
Quant au procureur de la République, je me félicite des conditions dans lesquelles celui-ci devra être désormais informé des mesures de restriction ou de privation de liberté. C’est la garantie d’une application uniforme de ce régime, quelles que soient la nature de l’opération et l’autorité dont elle relève.
Afin de prendre en compte les situations dans lesquelles ces personnes seraient transférées par voie aérienne plutôt que par voie maritime, ce régime est applicable à bord des aéronefs.
Dès leur arrivée sur le sol français, les personnes faisant l’objet de mesures de coercition seront mises à la disposition de la justice.
En revanche, nous n’avons pas repris la proposition qui consistait à prévoir une durée maximale de trente-deux jours pour la rétention à bord, estimant que l’inscription d’un tel délai pourrait soulever des difficultés d’ordre pratique et que l’autorisation du juge des libertés et de la détention pour prolonger la rétention à bord était de nature à offrir toutes les garanties nécessaires concernant la durée de la mesure.
Mes chers collègues, au nom du groupe UMP, je me réjouis des améliorations apportées au projet de loi, dont l’objectif est de renforcer l’efficacité de la lutte contre la piraterie dans le plus grand respect des principes du droit international et européen.
Le 27 avril dernier, sur l’initiative de la Russie, le Conseil de sécurité des Nations unies a adopté une nouvelle résolution appelant tous les États à ériger, dans leur droit interne, la piraterie en infraction pénale et à poursuivre les personnes soupçonnées de piraterie.
Ayant depuis longtemps joué un rôle majeur au niveau international, la France, en adoptant ce projet de loi, fait montre d’exemplarité.
Je profiterai de ma présence à la tribune pour saluer le succès de l’opération « Atalanta ». Cette réussite est d’autant plus symbolique qu’il s’agit de la première opération navale de l’Union européenne ! Face à l’euroscepticisme ambiant rappelé à cette tribune, il me paraît important de le mentionner.
Cette opération, lancée en 2008 à l’initiative du ministre de la défense, M. Hervé Morin, et de son homologue espagnole, Mme Carme Chacon Piqueras, est un acte fondateur dans l’histoire de la politique de sécurité et de défense commune.
Ce matin, il nous est proposé d’adapter notre législation afin de faire face aux défis de la piraterie maritime internationale, défis que nous ne pourrons relever sans un cadre européen.
Je m’inquiète toutefois de la décision prise récemment par le Kenya de mettre un terme à l’accord avec l’Union européenne qui permettait le transfert à ce pays des pirates capturés.
Monsieur le secrétaire d'État, pourriez-vous nous indiquer où en sont les négociations avec les autres pays de la région ?
Je profite également de l’occasion pour saluer de cette tribune tous les militaires et tous les marins français qui participent à la lutte contre la piraterie, et pour les assurer de notre soutien. À des milliers de kilomètres, ils font preuve de professionnalisme, de détermination et de courage au service de la France et de l’Europe. Je tiens ici à leur rendre hommage.
Avant d’achever mon propos, et de façon plus personnelle, je souhaite attirer l’attention de la Haute Assemblée sur un point particulier.
Il est primordial que nos concitoyens prennent conscience que le monde dans lequel nous vivons est malheureusement de plus en plus instable, de plus en plus violent, et voit apparaître des menaces nouvelles que sont le terrorisme et la piraterie.
Bien sûr, il est du devoir des élus et des gouvernements de mettre en place moyens et dispositifs pour assurer la sécurité de leurs concitoyens.
Si la mondialisation nous permet une plus grande liberté et une facilité de déplacement, nous devons amener chacun à faire preuve de bon sens et de responsabilité face aux nouveaux dangers.
Après tout, au fil des siècles, aucun marin, aucun navigateur n’a pris la mer sans boussole, ni carte, et sans évaluer les risques ! (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)
M. le président. La parole est à M. René Beaumont.
M. René Beaumont. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, monsieur le président de la commission, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, ces dernières années ont vu l’essor d’un nouveau fléau : nous assistons en effet à l’augmentation des actes de piraterie. C’est un nouveau défi auquel la Communauté européenne et notre pays en particulier doivent faire face. C’est aussi tout l’enjeu du projet de loi qui nous occupe aujourd’hui.
Il devenait urgent de mettre en place un cadre juridique relatif à la répression de la piraterie en s’appuyant sur la convention de Montego Bay, d’une part, et en reprenant les dispositions de la loi du 15 juillet 1994 relative aux modalités de l’exercice par l’État de ses pouvoirs de police en mer, d’autre part.
Grâce à ce texte, la France disposera d’un cadre légal pour intervenir, appréhender et détenir éventuellement les pirates. Surtout, la France ne pourra plus faire l’objet d’une condamnation par la Cour européenne des droits de l’homme, comme ce fut le cas en 2008 avec l’arrêt Medvedyev.
À mon sens, l’adoption de ce texte correspond également à l’envoi d’un double message.
Le premier s’adresse à nos partenaires européens, qui pourront ainsi constater l’attachement de la France au respect des institutions et du droit européens. L’adoption de ce texte démontre la volonté française de s’y conformer totalement.
Le second message s’adresse aux pirates eux-mêmes. Si l’arrêt, justifié, de la Cour européenne des droits de l’homme a pu être interprété comme un laissez-passer, alors l’adoption de ce projet de loi par la France peut apparaître comme un sévère avertissement.
Les pirates laissent planer une menace sur les 25 000 navires qui croisent chaque année au large des côtes somaliennes. Ces actes de kidnapping sont d’autant plus odieux qu’aucune distinction n’est faite entre les bateaux de plaisance, les navires commerciaux ou les navires du programme alimentaire mondial à destination des populations démunies pour qui ces cargos sont, bien évidemment, vitaux.
À cette menace s’ajoutent l’angoisse d’une demande de rançon et l’incertitude sur l’avenir des cargaisons, dont la valeur marchande atteint souvent plusieurs millions d’euros.
Les conséquences de ce pic de dangerosité se traduisent par une très forte augmentation des assurances pour les armateurs, qui n’ont pas toujours d’autres choix que de transiter par le golfe d’Aden ou l’océan Indien.
Nous nous souvenons tous du Sirius Star : la cargaison était estimée à 100 millions de dollars et les demandes de rançon s’élevaient 25 millions d’euros !
Bien qu’il demeure difficile de dresser un profil type des pirates et de leur appartenance à certains réseaux ou groupes mal identifiés, il apparaît clairement que le trafic maritime représente pour ces individus une manne financière illimitée. J’irai même plus loin, c’est là un fonds d’investissement qui leur permet d’acquérir de véritables arsenaux militaires, lesquels font désormais partie intégrante de la parfaite panoplie du pirate du XXIe siècle.
D’ailleurs, lorsque l’on observe l’état de leurs embarcations – les « bateaux-mères » – s’élançant à l’assaut de supertankers, on ne peut que constater que leur témérité n’est pas si éloignée de celles des flibustiers ou des boucaniers des siècles passés !
Sur ce sujet, je me réjouis de l’adoption de l’amendement de mon excellent collègue André Trillard permettant aux autorités de saisir et de détruire les embarcations.
L’adoption de ce projet est primordiale pour notre pays. Comme certains d’entre vous l’ont rappelé, la France est un acteur majeur, au sein de la Communauté européenne, dans la lutte contre la piraterie maritime. Nous avons la lourde responsabilité d’élaborer un cadre juridique le plus précis possible qui lui permettra d’accomplir cette mission.
Par ailleurs, si l’on prend en compte le fait que les océans couvrent plus de 70 % de la surface de la planète et que 90 % du transport de marchandises passe par les voies maritimes, nous aurons un rapide aperçu du chemin qu’il reste à parcourir aux États pour assurer la sécurité totale des navires.
À terme, nous pouvons craindre la mise en place « d’opérations de maintien de la sécurité maritime », menées par les acteurs de la PSDC et les alliés.
Enfin, je souhaiterais également attirer votre attention sur le détournement des cargaisons et les catastrophes écologiques, humanitaires et économiques qui peuvent en résulter.
Certes, les pirates n’ont aucun avantage à détériorer les cargaisons, bien au contraire, mais les risques d’accidents demeurent. C’est en particulier le cas lors d’attaques de supertankers – le Sirius Star transportait 2 millions de barils de pétrole – ou de bateaux-citernes, qu’ils contiennent des produits chimiques ou du gaz.
Ces détournements de supertankers, qui transportent des matières énergétiques en des temps où celles-ci tendent à se raréfier et où leur prix s’envole, nous poussent à nous interroger sur les « transports de marchandises stratégiques ». Les conséquences sur les marchés des matières premières sont loin d’être négligeables. Le problème de l’assurance a d’ailleurs été évoqué.
Bien sûr, ces enjeux ne sauraient tous être traités dans le projet de loi qui nous occupe ce matin. Toutefois, ce texte permettra à la France de réprimer les actes de piraterie et de juger désormais légalement leurs auteurs, ce dont nous ne pouvons que nous féliciter. (Applaudissements sur les travées de l’UMP et de l’Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. François Fortassin, pour un temps illimité à condition qu’il ne dépasse pas 13 heures… (Sourires.)
M. François Fortassin. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, le texte que nous examinons aujourd’hui a pour vocation de créer une qualification juridique spécifique pour les actes de piraterie maritime et de donner un cadre légal aux mesures de rétention à bord des bâtiments français décidées dans le cadre de l’action de police de l’État en mer.
Rappelons que l’objectif est de se conformer au droit européen. Le Gouvernement nous soumet en effet ce texte quelques jours à peine après que la Cour européenne des droits de l’homme a rendu l’arrêt Medvedyev.
Aussi ancienne que la navigation elle-même, la piraterie maritime, qui semblait pourtant avoir quasiment disparu à la fin du xixe siècle, est aujourd’hui en forte recrudescence. Les pirates sont souvent confondus, à tort, avec les corsaires des imagiers populaires, ces corsaires qui attaquaient, au sabre et au canon, les navires de commerce en mer des Caraïbes. Les temps ont bien changé. De nos jours, l’épée a été abandonnée pour le fusil-mitrailleur et le voilier pour le canot à moteur hors-bord.
Les victimes, elles aussi, ne sont plus les mêmes. Les cargos modernes sont bien trop imposants pour ces petites unités, qui ne disposent pas de l’équipement nécessaire à l’abordage de ces bâtiments. Les pirates délaissent ainsi les marchandises pour s’attaquer aux personnes. La rançon est devenue la règle d’or de la piraterie.
Nous avons tous encore en mémoire l’attaque du voilier français le Ponant. Au mois d’avril 2008, ce trois-mâts de luxe, revenant d’une croisière aux Seychelles, a été pris d’assaut par une douzaine de pirates somaliens. Cet épisode s’est heureusement déroulé sans dommage pour les trente membres d’équipage et les passagers détenus à bord.
Dorénavant, les pirates prennent en otage et rançonnent. Ils s’attaquent prioritairement aux ressortissants de pays étrangers censés pouvoir payer une somme importante en échange de leur liberté.
Outre les dommages causés aux victimes, la piraterie a un coût non négligeable non seulement pour les armateurs, mais aussi pour les États. Se déroulant dans les eaux internationales, les missions de sauvetage nécessitent à l’évidence une logistique onéreuse. L’exemple du Ponant est assez éclairant à cet égard, puisque l’opération a mobilisé une frégate, un porte-hélicoptères, un C-160 Transall, un avion de reconnaissance et trois hélicoptères ! En outre, les commandos navals ont été requis pour délivrer l’équipage et appréhender les pirates au large des côtes somaliennes.
La piraterie ne cesse de croître. Elle touche principalement, mais non exclusivement, trois régions du monde bien identifiées : le détroit de Malacca, le golfe de Guinée et le golfe d’Aden, véritables lieux de prédilection des pirates. Ce mouvement semble s’accélérer, puisque le Bureau maritime international a constaté une augmentation des attaques de 160 % entre 2008 et 2009.
Mais je vois que je risque de dépasser le temps qui m’a été imparti. Pour ne pas encourir l’ire de notre président de séance, vous me permettrez, mes chers collègues, de raccourcir quelque peu mon intervention, la plupart des orateurs qui m’ont précédé à cette tribune ayant d’ailleurs rappelé l’essentiel.
Notre groupe, comme l’a indiqué mon collègue Yvon Collin, votera ce texte. Toutefois, il soutiendra l’amendement déposé par le groupe socialiste visant à prévoir une durée maximale de trente-deux jours pour la rétention à bord des personnes appréhendées dans le cadre de la répression de la piraterie.
M. le président. Je vous remercie de votre concision, mon cher collègue.
Personne ne demande plus la parole dans la discussion générale ?…
La discussion générale est close.
Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à quinze heures.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à treize heures, est reprise à quinze heures, sous la présidence de M. Roland du Luart.)