M. le président. La parole est à M. Éric Doligé. (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)
M. Éric Doligé. Ma question s'adresse à M. le ministre du budget, des comptes publics et de la réforme de l'État.
Comme chacun le sait, nombre de sénateurs sont également des élus locaux : cela nous permet de mieux représenter et défendre les territoires, ce qui n’est pas inutile.
Je tiens à remercier M. le Premier ministre d’avoir reçu mardi dernier, en présence de quatre ministres, dont M. Baroin, une délégation de l’Assemblée des départements de France comprenant huit présidents de conseil général, dont quatre de droite et quatre de gauche. À cette occasion, les échanges furent francs, directs et constructifs.
Nous nous sommes tous rejoints sans réserves sur les conclusions des récents rapports, qui confirment nos analyses. Il en ressort que les départements sont les collectivités les plus en difficulté financièrement. La raison de cette situation tient avant tout à la structure des recettes et à celle des dépenses, qui expliquent nos difficultés présentes et à venir.
Les recettes sont très largement encadrées et peu dynamiques. Les dépenses, quant à elles, sont dues à hauteur de 50 % à des prestations sociales universelles obligatoires, décidées à l’échelon national au titre de la solidarité et financées par des ressources locales. Chacun peut le comprendre, si la progression des recettes est inférieure à 2 % alors que les dépenses augmentent de 5 % à 10 %, l’asphyxie est assurée à court terme.
Les dépenses de solidarité nationale assumées par les départements recouvrent l’aide aux personnes âgées, qui progresse en raison du vieillissement de la population, l’aide aux personnes handicapées, qui ne peut qu’augmenter de façon structurelle, et enfin l’aide aux personnes en difficulté – le RSA, le revenu de solidarité active –, dont la croissance est en partie conjoncturelle.
Mme Nicole Bricq. Et le gel des dotations ?
M. Éric Doligé. Avant d’en venir aux propositions du Gouvernement, je souhaite faire quelques remarques.
Nous ne pouvons pas nous contenter de « béquilles » telles que la progression des droits de mutation, qui est conjoncturelle, la péréquation, consistant à prendre à ceux qui vont mal pour donner à ceux qui vont très mal, ou les nouvelles pratiques de gestion. Nous avons besoin d’éclaircissements sur l’utilisation des crédits qui étaient destinés aux départements pour financer la solidarité.
M. Jean-Louis Carrère. Bravo !
M. Éric Doligé. Des crédits sont-ils disponibles au titre des 400 millions d’euros du RSA « chapeau » non utilisés, des ressources attribuées à la Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie, du produit de la journée de solidarité ou de la CSG ? Il semblerait que des marges existent.
Monsieur le ministre, au-delà de cette question très terre-à-terre, qui ne porte après tout que sur 1,3 milliard d’euros (Sourires), pouvez-vous nous détailler les dispositions qui seront mises en œuvre dans les prochains mois ? (Applaudissements sur les travées de l’UMP, de l’Union centriste, du RDSE et du groupe socialiste.)
Mme Nicole Bricq. Bravo !
M. le président. La parole est à M. le ministre du budget, des comptes publics et de la réforme de l’État.
M. François Baroin, ministre du budget, des comptes publics et de la réforme de l'État. Monsieur le sénateur, tout comme vous, je me félicite de la qualité des échanges qui ont eu lieu entre le Premier ministre, les membres du Gouvernement et les représentants, toutes sensibilités confondues, de l’Assemblée des départements de France. Je puis témoigner que ces quelque trois heures de travail ont été constructives et ont débouché sur un diagnostic partagé, en particulier sur l’effet de ciseau que vous avez souligné, entre la croissance des dépenses et la baisse des recettes, pour des raisons à la fois conjoncturelles et structurelles. Ce constat est une étape importante.
La deuxième étape consiste à définir ensemble des modalités pratiques pour sortir à court terme de cette situation tendue. C’est dans cet esprit que l’ADF et le Gouvernement ont décidé la mise en place de groupes de travail chargés notamment de déterminer, en s’appuyant sur les propositions du rapport Jamet sur la situation financière des départements, document remarquable à bien des égard, quels départements doivent être aidés en urgence, ainsi que de réfléchir à la réforme de la prise en charge de la dépendance.
Le Premier ministre s’y est engagé, et je le confirme devant la Haute Assemblée : une remise à plat complète du fonctionnement de l’allocation personnalisée d’autonomie interviendra d’ici à la fin de l’année.
M. Guy Fischer. Les familles paieront !
M. François Baroin, ministre. C’est donc moins l’horizon du forestier que celui du myope, mais il s’agit d’un problème fondamental.
Par ailleurs, la question des normes et de l’incidence de leur application sur les coûts supportés par les collectivités territoriales nous préoccupe également, monsieur Doligé, le Gouvernement comptant d’ailleurs lui aussi de nombreux élus locaux…
M. Jean-Louis Carrère. Ça cumule dur, au Gouvernement !
M. François Baroin, ministre. Ce sujet a de nouveau été abordé mardi dernier. Le Président de la République a proposé un moratoire d’application immédiate sur les normes s’imposant aux collectivités territoriales.
M. le président. Veuillez conclure, monsieur le ministre !
M. François Baroin, ministre. Les groupes de travail qui vont se mettre en place se pencheront sur l’efficacité de ces normes et sur les coûts qu’elles induisent. Il y aura plus de moyens pour les collectivités et plus de rigueur pour l’État. (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)
M. le président. La parole est à M. Yves Détraigne.
M. Yves Détraigne. Ma question s'adresse à M. le ministre du budget, des comptes publics et de la réforme de l'État.
Le Gouvernement devait remettre au Parlement, avant le 1er juin, un rapport d’évaluation sur la réforme de la taxe professionnelle (« Ah ! » sur les travées du groupe du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG),…
M. Guy Fischer. Il ne l’a pas fait !
M. Yves Détraigne. … afin de lui permettre, le cas échéant, de préciser et d’adapter, avant le 31 juillet 2010, le dispositif fiscal adopté l’hiver dernier.
Il semblerait que ce rapport ne soit toujours pas disponible (Exclamations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG), alors que nombre d’élus locaux nous demandent dans quelles conditions ils pourront préparer leur budget l’année prochaine, sachant que la compensation n’a été prévue que pour 2010.
Par ailleurs, à l’issue de la deuxième conférence sur le déficit, le Président de la République a annoncé que « les transferts de l’État aux collectivités locales resteront désormais stables en valeur » et que « ce gel des dotations […] doit s’accompagner d’un vrai renforcement de la péréquation à l’intérieur de l’enveloppe des concours de l’État, en particulier au niveau des communes et des intercommunalités ».
Outre que les collectivités ne détiennent que 11 % de la dette publique, tout en assurant 73 % de l’investissement public – ce qui suffit à démontrer qu’elles ne sont pas, loin de là, les premières responsables de la situation catastrophique des finances publiques de notre pays (Applaudissements sur les travées de l’Union centriste, du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG) –,…
M. Jean-Pierre Michel. Bravo !
M. Claude Domeizel. Très juste !
M. Yves Détraigne. … il y a fort à craindre que le gel des dotations, ajouté aux incertitudes qui pèsent sur l’évolution de la fiscalité locale, ne pousse les élus à adopter une position d’attente, ce qui, loin de contribuer à l’amélioration de la situation économique, risque au contraire de l’aggraver.
J’ajoute que les conclusions du rapport Jamet sur la situation financière des départements et la réforme des collectivités territoriales en cours d’examen, avec notamment la perspective d’une généralisation de l’intercommunalité et d’une refonte des périmètres à marche plus ou moins forcée, inquiètent beaucoup d’élus. Je crains fort que nous n’entrions, dès l’an prochain, dans une période de réduction de la dépense publique locale, ce qui ne permettra pas de répondre aux besoins de nos concitoyens et n’aidera pas notre pays à sortir de sa situation économique actuelle.
Monsieur le ministre, pourriez-vous nous repréciser le calendrier des rendez-vous législatifs concernant la réforme de la fiscalité locale ? De quelle manière le Gouvernement entend-il pallier l’insuffisance des dispositifs de péréquation, soulignée notamment par le rapport Durieux ? Enfin, comment le Gouvernement compte-t-il permettre aux collectivités locales de continuer, par leurs investissements, à jouer leur rôle de soutien à l’économie française ? (Applaudissements sur les travées de l’Union centriste, du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. le ministre du budget, des comptes publics et de la réforme de l’État.
M. François Baroin, ministre du budget, des comptes publics et de la réforme de l'État. Monsieur le sénateur, nous sommes tous sur le même bateau. (Rires et exclamations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)
Je parle de l’État, de la sécurité sociale et des collectivités locales, pas de la rue de Solférino, de la place du Colonel-Fabien et de la rue La Boétie !
La crise est passée par là : nous devons maîtriser les dépenses publiques afin de revenir, à l’horizon de 2013, au niveau de déficit que nous connaissions avant sa survenue. Cet effort doit s’inscrire dans la durée et déboucher sur l’adoption de nouvelles habitudes, de nouvelles règles, car l’ampleur des déficits publics a une incidence sur la croissance, sur la confiance, sur la libération de l’épargne pour irriguer la consommation. La matrice du Gouvernement est équilibrée, juste et équitable pour les trois sources de dépenses publiques. (Protestations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)
Mme Nicole Bricq. Mensonge !
M. François Baroin, ministre. L’État donnera l’exemple en gelant en valeur, pour la première fois de son histoire, ses dépenses.
Pour la sécurité sociale, l’objectif national des dépenses de l’assurance maladie a été fixé à 3 % cette année, à 2,9 % l’année prochaine et à 2,8 % l’année suivante.
Les collectivités locales, quant à elles, verront leurs dotations gelées.
En d’autres termes, on dépensera la même chose que l’an dernier, sans faire d’inflation. Cet effort sera partagé entre l’État et les collectivités locales. Celles-ci assurent en effet 75 % de l’investissement public, mais permettez-moi de souligner – et je suis moi aussi un élu local – que l’État apporte 100 milliards d’euros de dotations. L’État a donc sa part dans l’effort d’investissement consenti par les collectivités locales.
S’agissant de la réforme de la taxe professionnelle et de la mise en place de la contribution économique territoriale, la Haute Assemblée a effectué un travail remarquable, qui a permis de redonner de la souplesse et du dynamisme à un volet important de notre fiscalité. Le rapport Durieux le met en lumière.
Les rendez-vous que vous évoquez, monsieur Détraigne, se tiendront sous l’autorité de M. Carrez et du comité des finances locales.
M. le président. Veuillez conclure, monsieur le ministre !
M. François Baroin, ministre. Ce sujet, essentiel pour les collectivités territoriales, fera naturellement l’objet de débats lors de l’examen du prochain projet de loi de finances. (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)
M. le président. La parole est à M. Michel Teston.
M. Michel Teston. La Commission européenne a adressé, le 11 février 2010, un courrier au Gouvernement demandant qu’il soit mis fin à la garantie publique illimitée de l’État à la SNCF, au motif qu’elle conférerait à celle-ci un avantage concurrentiel. Cela revient à demander un changement de statut.
Depuis ces annonces, le Gouvernement, qui n’avait pas communiqué sur ce sujet jusqu’alors, a fait savoir qu’il conteste le point de vue exprimé par la Commission européenne, qu’il n’entend pas modifier le statut d’établissement public à caractère industriel et commercial de la SNCF et qu’il saisira la Cour de justice de l’Union européenne.
Les membres du groupe socialiste tiennent à exprimer leur opposition à la lecture idéologique libérale que fait l’actuelle Commission européenne du droit communautaire et à souligner les conséquences que cela pourrait entraîner pour le service public des transports.
Nous doutons aussi de la sincérité du Gouvernement lorsqu’il déclare ne pas vouloir changer le statut de la SNCF.
En effet, depuis 2002, les gouvernements successifs ont mis en œuvre une stratégie globale, dont Nicolas Sarkozy est le grand inspirateur, consistant à mettre en concurrence les services publics, y compris les services sociaux, à transférer des missions au secteur privé, à réduire les effectifs ou encore à changer les statuts afin d’ouvrir la voie à une privatisation ultérieure – je pense à EDF et à La Poste – ou immédiate – je pense à GDF.
Notre scepticisme quant à la détermination du Gouvernement s’explique aussi par son attitude dans deux enquêtes ouvertes par la Commission européenne, l’une relative au livret A et l’autre concernant La Poste, au sujet, là encore, de la garantie publique illimitée. Dans les deux cas, après avoir présenté ses observations, le Gouvernement s’est incliné sans mener la bataille jusqu’au bout, c’est-à-dire sans attendre les conclusions de la Cour de justice de l’Union européenne.
Ma question est donc la suivante : le Gouvernement va-t-il céder une nouvelle fois aux exigences de la Commission européenne,…
M. Guy Fischer. Bien sûr !
M. Michel Teston. … qui n’a pourtant aucune compétence pour se prononcer sur le statut des entreprises, et faire subir à la SNCF le même sort qu’à La Poste,…
Mme Nathalie Goulet. Et à EDF !
M. Michel Teston. … en la transformant elle aussi en société anonyme, première étape vers la privatisation ?
Sachez que si tel devait être le cas, notre opposition serait aussi déterminée que pour La Poste ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État chargé des transports.
M. Dominique Bussereau, secrétaire d'État chargé des transports. Monsieur le sénateur, dans la première partie de votre propos, vous avez rappelé tout à fait objectivement la position du Gouvernement, qui conteste, tout comme le groupe socialiste, le point de vue de la Commission européenne. La seconde partie de votre intervention était consacrée à d’autres considérations, sur lesquelles je ne reviendrai pas…
La Commission européenne conteste le fait que la SNCF soit un établissement public à caractère industriel ou commercial et que cela lui ouvre le bénéfice d’une garantie illimitée de la part de l’État. Nous lui avons répondu très clairement que nous ne changerions pas le statut de la SNCF. Nous avons de surcroît saisi la Cour de justice de l’Union européenne pour faire valoir notre point de vue.
Mon collègue chargé des affaires européennes, M. Pierre Lellouche, a rencontré avant-hier le président de la SNCF pour lui rappeler, au nom du Gouvernement, quelle position nous défendrions à Bruxelles.
Pour le reste, nous acceptons la démarche de l’Union européenne. En 1997, les infrastructures ont ainsi été séparées du réseau. J’observe d'ailleurs que M. Gayssot, ministre chargé des transports de 1997 à 2002, n’a pas remis en cause la création de Réseau ferré de France.
Nous avons accepté la libéralisation du secteur du fret ferroviaire. Aujourd’hui, les entreprises concurrentes de la SNCF assurent à peu près 15 % du trafic.
M. Philippe Dominati. Ce n’est pas assez !
M. Dominique Bussereau, secrétaire d'État. Il s’agit d’entreprises privées, mais aussi de filiales d’entreprises publiques comme Deutsche Bahn.
Nous acceptons naturellement l’ouverture du trafic international de voyageurs à la concurrence. C’est déjà une réalité avec Thalys, Eurostar et Lyria, qui sont des sociétés transnationales de transport de personnes à l’échelon européen.
Le sénateur Francis Grignon a mené une réflexion sur les TER ; ce travail n’ayant pas fait l’objet, dans un premier temps, d’une concertation avec les régions, nous lui avons demandé de le poursuivre.
En tout état de cause, monsieur Teston, les choses sont claires : nous nous opposons à la position de la Commission européenne. Étant sûrs de notre bon droit, nous défendrons notre point de vue jusqu’au bout. (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)
conditions d’un débat public serein
M. le président. La parole est à M. Alain Gournac. (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)
M. Alain Gournac. Ma question s'adresse à M. le Premier ministre, mais je tiens à remercier M. Chatel, ministre de l’éducation nationale, porte-parole du Gouvernement, de me répondre.
À l’heure d’une crise internationale d’ordre économique, financier et social sans précédent, la France doit être une force de proposition de premier plan.
Les Français attendent des formations politiques qu’elles contribuent au débat d’idées et apportent des solutions constructives. Convaincus de la nécessité des réformes, ils attendent de leurs leaders politiques, hommes ou femmes, qu’ils cessent leurs inutiles querelles. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. À qui vous adressez-vous, monsieur Gournac ?
M. Alain Gournac. L’heure n’est pas à la campagne présidentielle, elle est à la sauvegarde de notre modèle de retraite par répartition, à la défense de notre agriculture, au soutien à l’action de la France pour réguler la finance mondiale, condition nécessaire du maintien de notre modèle social.
En se laissant aller à injurier le Président de la République (Exclamations amusées sur les mêmes travées) comme elle l’a fait lors de la récente convention nationale de son parti, la première secrétaire du parti socialiste manifeste un manque de confiance dans les vertus du débat démocratique. (Protestations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)
Sur toutes les réformes menées par le Gouvernement depuis 2007, le parti socialiste a observé un complet mutisme. On ne comble pas un retard par l’injure, on ne récupère pas sa place dans l’univers médiatique en versant dans l’irrespect. (Nouvelles protestations sur les mêmes travées.)
M. Paul Raoult. Voilà où vous voulez en venir…
M. Alain Gournac. L’injure proférée par Mme Aubry est inacceptable ! Il est grave de porter atteinte à la fonction présidentielle et à nos institutions.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Vous êtes bien placé pour dire ça !
M. Paul Raoult. Il faudrait que le Président de la République donne l’exemple !
M. Alain Gournac. Monsieur le ministre, comment retrouver les conditions d’une discussion sereine et apaisée avec l’opposition, conditions nécessaires au bon fonctionnement de notre démocratie ? (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)
M. le président. La parole est à M. le ministre de l’éducation nationale, porte-parole du Gouvernement.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat et M. Jean-Louis Carrère. Pas de question, pas de réponse !
M. Luc Chatel, ministre de l'éducation nationale, porte-parole du Gouvernement. Monsieur le sénateur Alain Gournac, comme vous, j’ai été choqué par les propos injurieux et gratuits tenus par la première secrétaire du parti socialiste le week-end dernier. (Protestations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.) Une telle attitude est très éloignée du débat politique apaisé que nous appelons tous de nos vœux.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Quand le Président de la République injurie le peuple, par contre, ce n’est pas grave !
M. Luc Chatel, ministre. Je crois moi aussi à la noblesse du combat politique (Exclamations sur les mêmes travées), lequel doit se placer sur le terrain exigeant des idées et ne doit pas succomber à la facilité des attaques ad hominem. J’ai d’ailleurs entendu un certain nombre de responsables politiques de l’opposition prendre clairement leurs distances avec les propos tenus par Mme Aubry le week-end dernier.
Mme Monique Cerisier-ben Guiga. Sûrement pas !
M. Luc Chatel, ministre. Au-delà de ces propos, monsieur le sénateur, j’ai le sentiment qu’il s’agit d’un nouveau rendez-vous manqué par le parti socialiste. (Protestations sur les travées du groupe socialiste.)
Un rendez-vous manqué avec la crédibilité : quelle est en effet celle d’un responsable de parti dit d’alternance lorsqu’il se prend à injurier le Président de la République ?
Un rendez-vous manqué avec le débat d’idées : chaque fois que le parti socialiste organise une convention ou formule des propositions, cela se termine par de petites phrases mesquines et des polémiques politiciennes ! (Exclamations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)
Mme Raymonde Le Texier. Pas vous !
M. Luc Chatel, ministre. Un rendez-vous manqué, enfin, avec les engagements mêmes du parti socialiste : Mme Aubry nous promettait la société du care, de la protection, du respect ; en recourant à l’insulte, à la provocation, aux recettes du passé, elle s’inscrit plutôt dans la société de l’anti-care ! (Rires et applaudissements sur les travées de l’UMP.)
M. le président. La parole est à Mme Monique Cerisier-ben Guiga.
Mme Monique Cerisier-ben Guiga. Ma question s’adresse à M. le ministre des affaires étrangères et européennes.
Les neuf victimes de l’arraisonnement de la « flotille de la paix » n’auront pas sacrifié leur vie pour rien : le secrétaire général de l’ONU a enfin déclaré qu’il devait être mis fin au blocus de la bande de Gaza. Voilà leur éloge funèbre.
Mais pendant ces trois années d’enfer à Gaza, qu’a fait le Gouvernement français ? D’une main, il envoyait une aide humanitaire, aléatoirement distribuée en fonction de l’arbitraire kafkaïen du blocus ; de l’autre, il offrait un appui diplomatique sans faille à ceux-là mêmes qui entravaient son aide, en soutenant le rehaussement du partenariat d’Israël avec l’Union européenne, en émettant un vote favorable à l’entrée d’Israël dans l’OCDE : autant de feux verts diplomatiques au blocus. Quelle logique ! Quelle cohérence !
M. Robert Hue. Absolument !
M. Guy Fischer. Très bien !
Mme Monique Cerisier-ben Guiga. Il aura fallu que des militants accomplissent le geste politique d’enfreindre le blocus pour que le monde se réveille et que M. Kouchner déclare, après trois ans de silence : « Le blocus de Gaza n’est pas soutenable. »
Il aura fallu le révélateur de cet arraisonnement pour qu’on prenne conscience que cette violence s’exerce quotidiennement à l’encontre des Palestiniens : rafles, expulsions, destructions de maisons, construction du mur.
Les Palestiniens de Gaza ont surtout besoin d’être libres de produire des richesses sur des terres restaurées et dans leurs usines reconstruites, de rebâtir maisons, écoles et dispensaires bombardés.
M. Guy Fischer. Tout a été rasé !
Mme Monique Cerisier-ben Guiga. Ils ont besoin de la liberté.
Ce blocus renforce l’extrémisme. Il renforce la dépendance du Hamas envers l’Iran. C’est un crime ; c’est aussi une erreur.
La France va-t-elle s’engager pour qu’il soit mis fin au blocus dans des délais impératifs ? La France est-elle prête à établir, avec d’autres États européens, un pont maritime avec Gaza pour rompre ce blocus qui renvoie ses habitants non à l’âge de pierre, mais à l’âge de la boue ? (Applaudissements prolongés sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG, ainsi que sur certaines travées du RDSE, de l’Union centriste et de l’UMP.)
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État chargé de la coopération et de la francophonie.
M. Alain Joyandet, secrétaire d'État chargé de la coopération et de la francophonie. Madame la sénatrice, nous partageons tous votre très vive émotion après cette opération militaire, que le Président de la République a immédiatement condamnée, de même que M. Kouchner.
Mme Catherine Tasca. Au bout de trois ans de blocus !
M. Alain Joyandet, secrétaire d'État. Le Conseil de sécurité des Nations unies a adopté à l’unanimité une motion…
Mme Monique Cerisier-ben Guiga. Mais pas une résolution !
M. Alain Joyandet, secrétaire d'État. … la condamnant également et demandant une enquête transparente et impartiale, qui réponde aux règles et aux normes de la communauté internationale. Ce n’est pas à la France de décider qui doit conduire cette enquête, mais nous voulons en tout cas absolument connaître la vérité.
Je rappelle que la France a aussi indiqué qu’elle souhaitait qu’il soit mis fin le plus rapidement possible au blocus de Gaza, dans le respect de la sécurité du peuple israélien, conformément à l’esprit de la résolution 1860 des Nations unies. En cela, la France est totalement fidèle à la position de la communauté internationale.
Malgré ces faits dramatiques, le processus de paix devra se poursuivre, le dialogue devra être maintenu. À cet égard, la France salue l’attitude de M. Mahmoud Abbas, qui a déclaré que les discussions allaient continuer, parce que la solution est forcément politique.
En conclusion, madame la sénatrice, je rappellerai les propos tenus par le Président de la République en marge du sommet de Nice. Si les Palestiniens pouvaient s’administrer eux-mêmes, si les Israéliens pouvaient avoir l’assurance qu’ils vivent en sécurité dans un pays reconnu par l’ensemble de ses voisins, il ne se produirait plus d’événements aussi dramatiques. C’est à cela que la diplomatie française s’attache inlassablement, parce qu’il n’y aura de règlement que par le dialogue politique. (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)