M. le président. La parole est à M. David Assouline.
M. David Assouline. Ma question s'adresse à M. le ministre de la culture et de la communication.
Monsieur le ministre, je veux vous faire part d’un profond malaise et d’une inquiétude partagée par toutes celles et tous ceux qui sont attachés à la liberté, au pluralisme et à l’indépendance de l’information.
La semaine dernière, nous avons appris que le Président de la République aurait appelé et même convoqué le directeur du journal Le Monde pour lui indiquer que, si tel candidat à sa recapitalisation était choisi, le journal ne pourrait plus compter sur l’aide de la Caisse des dépôts et consignations pour aider son imprimerie.
Cette nouvelle ingérence de l’exécutif, cette pression sur un quotidien de référence interviennent alors que l’ensemble du paysage médiatique et de l’information dans notre pays est progressivement mis sous influence directe ou indirecte de l’Élysée.
Ainsi, l’audiovisuel privé et les grands groupes de presse sont en grande partie détenus par des amis proches du Président de la République.
M. Robert Hue. Dassault !
M. David Assouline. L’audiovisuel public est mis sous tutelle financière et politique, avec la nomination prochaine du P-DG de France Télévisions par Nicolas Sarkozy.
M. Jacques Mahéas. Eh oui !
M. David Assouline. Bien plus, cette mainmise concerne également la presse quotidienne régionale, fleuron et richesse de la presse quotidienne, encore si populaire et si proche de nos concitoyens. La multiplicité des titres encore disponibles n’est plus que le paravent de la concentration de ces journaux entre les mains de quelques grands groupes, qui, petit à petit, tuent la diversité et la pluralité des contenus et des expressions.
M. Guy Fischer. Oui !
M. David Assouline. Tout le territoire national est touché, mais un seul exemple suffira à étayer mon propos.
Savez-vous que, en Alsace, en Bourgogne, en Franche-Comté, en Lorraine et Rhône-Alpes, l’ensemble des titres de la presse quotidienne régionale sont contrôlés, directement ou indirectement, par le groupe bancaire Crédit Mutuel Centre Est Europe, dont les dirigeants sont réputés proches du Président de la République ?
M. Guy Fischer. Voilà !
M. David Assouline. Vous semble-t-il normal et sain qu’aujourd’hui un même groupe bancaire contrôle, en situation de monopole, pas moins de onze titres de presse quotidienne sur vingt-deux départements ?
Victor Hugo, ici même, dans cet hémicycle,...
M. Guy Fischer. Il était assis là où je me trouve !
M. David Assouline. ... affirmait : « Le principe de la liberté de la presse n’est pas moins essentiel, n’est pas moins sacré que le principe du suffrage universel. Ce sont les deux côtés du même fait. Ces deux principes s’appellent et se complètent réciproquement. La liberté de la presse à côté du suffrage universel, c’est la pensée de tous éclairant le gouvernement de tous. »
M. le président. Veuillez poser votre question, mon cher collègue.
M. Éric Doligé. Il n’en a pas !
M. David Assouline. N’est-ce pas cela dont il est question aujourd’hui pour vous : …
M. le président. Posez votre question, monsieur Assouline. Pensez au dernier orateur inscrit, qui appartient à votre groupe !
M. David Assouline. … contrôler la presse pour obscurcir le jugement des citoyens en vue des élections de 2012 ? (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)
M. le président. La parole est à M. le ministre de la culture et de la communication.
M. Frédéric Mitterrand, ministre de la culture et de la communication. Monsieur le sénateur, les mouvements capitalistiques qu’a déjà connus la presse et qu’elle connaîtra de nouveau dans les prochains mois sont indispensables à la survie d’un secteur fragilisé tant par la révolution numérique que par la crise. En France, cette consolidation se fait dans le respect du pluralisme des courants de pensées et d’opinion, fondement de notre démocratie et objectif de valeur constitutionnelle. (Marques d’approbation sur les travées de l’UMP. –Protestations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Ah bon ?
M. Guy Fischer. Ce n’est pas vrai !
M. Alain Gournac. Mais si !
M. Frédéric Mitterrand, ministre. À ce titre, le législateur a d’ailleurs défini, dans les lois relatives à la presse et à la liberté de communication, un ensemble de règles limitant la concentration et assurant l’indépendance des médias. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)
S’agissant du Monde, la qualité des candidats à sa reprise est un élément très positif. Cela démontre que la presse quotidienne parvient à attirer de grands investisseurs, qui plus est, de grands éditeurs européens.
Nous nous sommes engagés à soutenir ce journal dans son effort de modernisation industrielle. Je veux ici souligner l’importance des décisions prises par le Président de la République à l’issue des états généraux de la presse écrite, qui ont montré l’engagement de l’État aux côtés des entreprises de presse.
M. Roland Courteau. C’est bien cela le problème !
M. Frédéric Mitterrand, ministre. Les efforts consentis depuis par le Gouvernement – ils sont d’ailleurs considérables – n’ont pas eu d’autre objectif. Jamais l’État n’avait soutenu avec une telle force aussi bien le secteur économique que les valeurs et les métiers du journalisme. Sans les dispositifs souhaités par la profession et confirmés par le Président de la République à l’issue des états généraux, la France aurait certainement régressé en termes de pluralité et de diversité d’opinion.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Ah bon ?
M. Frédéric Mitterrand, ministre. Depuis plus de deux ans, les faits démontrent donc qu’il est totalement inexact de soupçonner le Président de la République d’une quelconque mainmise sur les médias. (Bravo ! et applaudissements sur les travées de l’UMP. – Huées sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)
M. Claude Bérit-Débat. Quelle honte !
M. Frédéric Mitterrand, ministre. Au contraire, il s’est lui-même investi dans toutes les mesures qui ont permis de renforcer l’indépendance éditoriale, la pluralité de l’information, la transparence du capital et les équilibres économiques des entreprises de presse.
M. Paul Raoult. Quel cynisme !
M. Robert Hue. C’est scandaleux !
M. Frédéric Mitterrand, ministre. Aujourd'hui, après de nombreuses années d’équilibre précaire, Le Monde est singulièrement fragilisé. Que ne dirait-on pas si le Président de la République ou moi-même nous désintéressions du sujet ?
Mme Nicole Bricq. N’en faites pas trop !
M. Frédéric Mitterrand, ministre. Il s’agit d’un enjeu de société. À l’évidence, sans presse d’opinion, il n’est pas de liberté d’expression, sans journaliste pour défendre cette expression, il n’est pas d’État de droit. Oui, l’avenir du Monde nous intéresse.
M. Roland Courteau. C’est pitoyable !
M. le président. Veuillez conclure, monsieur le ministre.
M. Frédéric Mitterrand, ministre. Les craintes d’une ingérence ou d’une quelconque instrumentalisation de ce grand journal relèvent du fantasme. (Protestations ironiques sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. C’est pourtant de cela qu’il s’agit !
M. Frédéric Mitterrand, ministre. L’indépendance éditoriale, à laquelle je suis farouchement attaché, constitue aussi la marque de fabrique du Monde : c’est un enjeu éditorial et un atout commercial. Les candidats à la reprise ne s’y sont d’ailleurs pas trompés, puisqu’ils se sont tous prononcés pour le renforcement de tout ce qui touche à l’indépendance de la rédaction du Monde. (Très bien ! et applaudissements sur les travées de l’UMP.)
dérive des humoristes de france inter
M. le président. La parole est à M. Jacques Gautier. (Applaudissements sur plusieurs travées de l’UMP.)
M. Jacques Gautier. Ma question s’adresse également à M. le ministre de la culture et de la communication.
Monsieur le ministre, Napoléon Bonaparte affirmait : « Nous autres Français, il faut que nous riions de tout et toujours. »
Peut-être faisait-il allusion aux pamphlets dont il était victime, ou à ceux qui, pendant des siècles, ont caricaturé les rois de France.
Notre pays a su conserver cette tradition des humoristes au ton virulent et satirique qui se moquent, souvent avec talent, des hommes politiques et des institutions.
Les plus anciens d’entre nous n’ont pas oublié les chansonniers, réveillant, le dimanche matin, le monde par la voie des ondes, ou encore Coluche, et bien d’autres, qui ont maintenu très haut cette spécificité française.
Sur nos ondes, et particulièrement sur celles du service public, les chroniqueurs sont les expressions de cette liberté. Ils assument leur choix de se présenter, parfois, sous les traits d’idéologues aux propos d’une extrême provocation, propos affligeants pour les uns – dont je fais partie –, caustiques pour les autres.
On nous explique qu’ils sont dans leur rôle et incarnent cette violence contemporaine qui s’exprime également par les mots. Certaines paroles de rappeurs en sont d’autres exemples.
La liberté qui leur est offerte n’est pas remise en cause. Cependant, depuis quelque temps, certains d’entre eux semblent restreindre leurs talents et concentrer leurs attaques sur le physique des cibles qu’ils épinglent et, qui plus est, s’en prennent directement à leur direction, et ce de manière répétitive.
Mme Catherine Tasca. Et alors ? Faut-il fermer France Inter ?
M. Jacques Gautier. Monsieur le ministre, n’y a-t-il pas des règles de savoir-vivre à respecter au sein d’une même équipe, et jusqu’où peut-on aller dans la provocation et le nauséabond ? (Applaudissements sur les travées de l’UMP. – Exclamations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)
M. le président. La parole est à M. le ministre de la culture et de la communication.
M. Frédéric Mitterrand, ministre de la culture et de la communication. Monsieur le sénateur, en parlant de « dérive » des chroniqueurs humoristes de Radio France, qui ne font d’ailleurs pas forcément rire tout le monde, vous m’interrogez sur les limites éventuelles du droit à l’humour.
Le législateur a posé le principe de la liberté de la communication audiovisuelle à l’article 1er de la loi du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication.
Mme Catherine Tasca et M. Charles Gautier. Heureusement !
M. Frédéric Mitterrand, ministre. L’exercice de cette liberté peut toutefois être limité dans la mesure requise, notamment, par le respect de la dignité de la personne humaine, par la protection de l’enfance et de l’adolescence et par la sauvegarde de l’ordre public.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Laissons-les libres de décider !
M. Frédéric Mitterrand, ministre. En matière de liberté d’expression, l’irrévérence et l’humour font partie de l’esprit français. Le juge judiciaire, comme le juge administratif, est fidèle à cette tradition.
Il faut accepter que l’humour puisse être grossier, provocateur, voire vulgaire. La liberté ne se partage pas, et certains comiques réputés parfois insupportables contribuent à la bonne santé du corps social. Pensons à la manière dont il nous arrivait de recevoir les plaisanteries de Coluche, et à quel point il nous manque aujourd'hui.
Le Conseil supérieur de l’audiovisuel, le CSA, autorité administrative indépendante, garantit l’exercice de la liberté de communication audiovisuelle et doit évidemment veiller à ce que les éventuelles limites et sanctions soient appliquées uniquement dans les cas que je viens de rappeler.
Le CSA s’assure notamment que les éditeurs de services de radio et de télévision respectent les dispositions de la loi de 1986. Il dispose pour cela d’un pouvoir de sanction en cas de non-respect de ces principes, notamment lorsqu’il est porté atteinte à la dignité de la personne, dans les programmes mis à la disposition du public par les services de communication audiovisuelle.
En revanche, les éditeurs de services de radio et de télévision publics comme privés sont libres de diffuser les programmes qu’ils souhaitent dans les limites qui viennent d’être rappelées et qui sont contrôlées et sanctionnées par le CSA. C’est une affaire interne si tel ou tel chroniqueur brocarde, parfois d’une manière qui peut sembler pénible à certains auditeurs, sa direction.
Il appartient au CSA de mettre en œuvre le pouvoir de régulation que le législateur lui a confié si les bornes prévues ne sont pas respectées (M. Roland Courteau s’exclame), c’est-à-dire seulement si les propos tenus par certains humoristes portent atteinte à la dignité de la personne, la protection de l’enfance ou la sauvegarde de l’ordre public. (Applaudissements sur les travées de l’UMP et sur certaines travées de l’Union centriste.)
décret relatif aux concessions de plage
M. le président. La parole est à M. Louis Nègre.
M. Louis Nègre. Madame la secrétaire d'État chargée de l'écologie, le décret du 26 mai 2006 relatif aux concessions de plage institue de nouvelles règles d’occupation pour les plages faisant l’objet d’une concession.
Ce texte a cependant suscité, dès sa publication, de nombreuses réactions tant les difficultés d’application étaient nombreuses, au point que le secrétaire d’État chargé du tourisme a constaté l’impossibilité pour bon nombre de professionnels de se conformer aux exigences de ce décret.
Hervé Novelli, en personne, s’est rendu sur place et a fait des propositions constructives pour éliminer les difficultés d’application dues, à l’évidence, à un manque de concertation préalable et à une méconnaissance grave des réalités du terrain.
M. Alain Gournac. Très bien !
M. Louis Nègre. Grâce à cette action, des avancées sensibles ont eu lieu. (M. Roland Courteau s’exclame.) Malheureusement, les rédacteurs du projet de texte ont introduit un critère supplémentaire, obligeant les communes déjà classées « stations de tourisme » à répondre à une contrainte nouvelle : disposer d’une capacité d’hébergement touristique de toute nature équivalent à 400 % de la population résidente permanente ou d’une population non permanente de plus de 40 000 personnes.
Ces derniers chiffres, sortis de nulle part, sont arbitraires. Pis, ils conduisent à une pure absurdité !
La commune de Cagnes-sur-Mer, classée station touristique et balnéaire, dispose du deuxième hippodrome de France, situé au bord de la Méditerranée, et elle accueille la saison hippique d’hiver la plus importante de notre pays. Ces activités économiques, qui fonctionnent toute l’année depuis plus d’un demi-siècle, se verraient ainsi rayées de la carte par un trait de plume technocratique.
Madame la secrétaire d'État, c’est, à proprement parler, impensable !
Pourquoi a-t-on souhaité ajouter des critères discriminants alors qu’un cadre légal protecteur existe déjà ? Ces critères se révèlent profondément injustes à l’égard de communes comme la mienne, qui vivent essentiellement du tourisme, et ce du 1er janvier au 31 décembre.
J’en appelle donc à une concertation nécessaire et indispensable avec les parlementaires, pour éviter que l’on soit déconnecté des réalités et que l’on aboutisse de nouveau, comme en 2006, à un texte inapplicable.
Aussi, madame la secrétaire d'État, je fais appel aux politiques au plus haut niveau pour redonner au bon sens et au principe de réalité toute leur place et faire en sorte que soit modifié le projet de décret en conséquence. (Applaudissements sur plusieurs travées de l’UMP.)
M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d'État chargée de l'écologie.
Mme Chantal Jouanno, secrétaire d'État chargée de l'écologie. Monsieur le sénateur, permettez-moi tout d’abord de bien vouloir excuser Jean-Louis Borloo et Benoist Apparu, qui m’ont demandé de vous transmettre les éléments de réponse suivants.
Les plages sont effectivement des espaces remarquables, et donc convoités, faisant l’objet d’attentes assez contradictoires. L’objet du décret de 2006 était de poser trois grands principes pour concilier ces usages.
Le premier visait à libérer progressivement les plages du domaine public maritime. Le second consistait à garantir le libre accès à ces dernières en responsabilisant les maires pour l’aménagement de ces plages. Le troisième, enfin, était d’assurer une transparence dans l’attribution des lots aux exploitants d’établissements.
Vous avez raison de le souligner, l’application de ce décret s’est révélée plutôt délicate, voire cahoteuse, au regard de la diversité des situations sur l’ensemble du littoral. Si les principes du décret de 2006 ne sont pas remis en question, une réflexion a été engagée sur les ajustements nécessaires à mettre en œuvre ; c’était tout l’objet de la mission d’inspection mise en place, qui a procédé à une analyse très détaillée des différentes difficultés rencontrées sur le terrain.
Cette mission a fait des propositions qui sont avant tout des mesures de bon sens visant à normaliser les aberrations actuellement constatées ; elle préconise, par exemple, d’exclure du calcul des taux d’occupation des plages les équipements d’intérêt général ou encore de maintenir les réseaux enterrés sans avoir à les déterrer systématiquement en fin de saison.
En outre, il est tout à fait certain que de nombreuses communes connaissent une activité touristique très importante en dehors de la période estivale. L’application stricte du décret de 2006 permet une ouverture des concessions tout au long de l’année à une quinzaine de communes seulement au niveau national.
Il a donc été suggéré de mieux prendre en compte la prégnance de l’activité touristique locale sur la base d’un critère objectif et simple, que vous avez rappelé, à savoir le rapport entre la capacité d’accueil de la population touristique et la population municipale. Une telle possibilité n’est bien évidemment pas envisagée pour les espaces protégés ou situés à proximité de zones naturelles.
Ce nouveau critère, plus large, doit normalement permettre d’augmenter substantiellement le nombre de communes concernées par l’ouverture annuelle, ce qui témoigne de la volonté du Gouvernement de prendre en compte la réalité économique.
Le décret de 2006 sera donc modifié dans ce sens, l’objectif du Gouvernement étant d’aboutir cette année aux modifications proposées sur la base des réflexions engagées depuis 2008. (Applaudissements sur les travées de l’UMP et de l’Union centriste.)
grèves en polynésie
M. le président. La parole est à M. Richard Tuheiava.
M. Richard Tuheiava. Ma question s’adresse à Mme la ministre chargée de l’outre-mer.
L’ensemble des organisations syndicales polynésiennes, rassemblées sous l’appellation « Collectif pour la paix », a entamé, le jeudi 10 juin 2010, une grève générale qui a paralysé pendant six jours la Polynésie française et fragilisé son économie déjà vacillante.
Fort heureusement, ce mouvement a été levé avant-hier, mais la Polynésie française continue de s’enfoncer.
En 2004, l’effondrement brutal du mode de gouvernance qui a régné durant trois décennies sur la Polynésie française a ouvert, comme vous le savez, madame la ministre, une période d’instabilité politique sans précédent durant laquelle le rôle du Gouvernement national n’a pas toujours été celui d’un partenaire neutre et impartial.
Depuis 2004, les joutes politiciennes locales, envenimées par une stratégie parisienne qui n’a cherché qu’à remplacer la classe politique au pouvoir par une autre sans pour autant aider la Polynésie à remettre à plat son modèle économique et institutionnel d’alors, n’ont fait que masquer les signes avant-coureurs de cette grave crise sociale polynésienne.
Pourtant, le Gouvernement central savait pertinemment que le modèle de développement polynésien avait atteint sa limite de viabilité au début des années deux mille.
La note d’étape du 7 juin 2010 sur la mission d’assistance à la Polynésie française que vous avez transmise avant-hier à l’exécutif polynésien confirme bien que la crise de l’économie polynésienne était prévisible depuis le début de la décennie.
Les systèmes de santé et de protection sociale polynésiens sont en train de vaciller. Des malades meurent ou attrapent anormalement des infections dans les hôpitaux.
Surtout, le modèle démocratique polynésien actuel dans son ensemble est en train de s’effondrer sous nos yeux.
Vous-même, madame la ministre, nous aviez annoncé une réforme de notre mode de scrutin pour la fin de 2010 ou le début de 2011.
Sur le fond, il aurait cependant fallu d’abord demander au peuple polynésien de s’exprimer démocratiquement sur le modèle de développement rénové auquel il aspire pour les trente prochaines années, avant de lui présenter un modèle institutionnel « de dépannage », si je puis me permettre cette expression.
Pourquoi est-ce encore si difficile de consulter et de solliciter le consentement libre, préalable et éclairé de nos concitoyens d’outre-mer ?
Tous les citoyens français ultramarins savent que le Gouvernement central est omniprésent dans l’élaboration des modèles de développement de chacune des collectivités d’outre-mer.
M. le président. Veuillez poser votre question, mon cher collègue.
M. Richard Tuheiava. La loi du 27 mai 2009 pour le développement économique des outre-mer, ou LODEOM, n’induit en rien une véritable refonte de ces « modèles de développement ».
La cherté de la vie, à maintes reprises, a été dénoncée en Polynésie, comme dans toutes les autres collectivités.
Nous constatons donc que l’outre-mer français se trouve dans une situation d’asphyxie économique.
Madame la ministre, ma question est la suivante : quelle stratégie nationale d’accompagnement économique et institutionnel votre ministère s’engage-t-il à garantir aux collectivités territoriales d’outre-mer pour permettre à ces dernières de mettre enfin en place un modèle de développement ultramarin rénové ? (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à Mme la ministre chargée de l'outre-mer.
Plusieurs sénateurs du groupe socialiste. Tout pour la Guadeloupe…
Mme Marie-Luce Penchard, ministre chargée de l'outre-mer. Monsieur sénateur, la situation de la Polynésie française est en effet préoccupante. Elle n’est pas épargnée par la crise et, vous avez raison de le souligner, l’instabilité politique ne fait qu’aggraver la situation.
L’État ne cesse d’affirmer depuis maintenant deux ans qu’il souhaite accompagner la Polynésie et qu’autonomie n’est pas synonyme d’abandon.
L’État vise deux objectifs : d’une part, établir avec la Polynésie un partenariat qui soit fort et véritable ; d’autre part, et surtout, construire des relations financières nouvelles fondées sur le principe d’une meilleure transparence et d’une meilleure utilisation des fonds publics. (M. Daniel Raoul s’exclame.)
C’est tout le sens du protocole que j’ai signé au nom du Gouvernement avec le président du pays, M. Gaston Tong Sang, au mois de janvier dernier, pour établir une nouvelle convention concernant la dotation de la Polynésie.
L’État a toujours accompagné la Polynésie et la solidarité nationale a toujours joué, notamment lors du passage du cyclone Oli. Grâce non seulement à l’intervention des élus, mais aussi à l’implication des services de l’État, le Premier ministre avait alors dégagé une enveloppe de 10 millions d’euros pour la reconstruction des habitations de l’île de Tubuaï.
Simplement, il nous faut aujourd'hui être en mesure d’accompagner la Polynésie dans deux domaines.
Tout d’abord, il importe de lui permettre de redresser ses comptes publics. C’est tout l’objet de la mission d’inspection mise en place, qui a rendu son rapport la semaine dernière.
Ensuite, il convient effectivement de revoir le mode de scrutin, de manière à établir des conditions susceptibles d’assurer, nous l’espérons, une meilleure stabilité politique.
Monsieur le sénateur, peut-être faut-il aujourd’hui prendre conscience que la Polynésie n’a plus les moyens de son train de vie et que le moment est venu d’engager les réformes destinées à prendre en compte cette situation économique et sociale.
Autonomie, cela signifie non pas abandon, mais plus de responsabilités, surtout lorsqu’il s’agit de faire des réformes difficiles, qui ne sont pas de la compétence de l’État. (Applaudissements sur les travées de l’UMP et de l’Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. Nous en avons terminé avec les questions d’actualité au Gouvernement.