M. le président. Veuillez conclure, madame la secrétaire d’État.
Mme Anne-Marie Idrac, secrétaire d’État. Ce débat renvoie d’une part, à des enjeux majeurs, ceux d’une meilleure gouvernance européenne, pour laquelle, lors du dernier Conseil européen, les chefs d’État et de gouvernement, sur l’initiative, notamment, de la France et de l’Allemagne, ont souhaité des avancées, et, d’autre part, aux travaux du groupe présidé par M. Herman Van Rompuy, auquel participe d’ailleurs Christine Lagarde.
M. le président. Il vous faut conclure, madame la secrétaire d’État !
Mme Anne-Marie Idrac, secrétaire d’État. Je conclus, monsieur le président, mais il s’agit d’un point véritablement important.
Ainsi, le Conseil européen s’est montré favorable à l’idée selon laquelle les programmes de stabilité et de convergence, pour les années suivantes, pourraient être présentés à la Commission au printemps, en tenant compte des procédures budgétaires nationales. Voilà une mesure qui, me semble-t-il, contribuerait à renforcer la transparence et le rôle du Parlement.
M. Jean Arthuis. Très bien !
M. le président. La parole est à Mme Nathalie Goulet, pour la réplique.
Mme Nathalie Goulet. Madame le secrétaire d’État, mes chers collègues, dans le cadre de la transparence que nous souhaitons tous, il serait à mon sens extrêmement important et intéressant de pouvoir disposer, au plan européen, d’une visibilité suffisante sur les actifs toxiques et leurs effets pervers à moyen terme, tant il est vrai que nous n’avons pas encore « purgé » la totalité de la question.
M. Guy Fischer. On en est loin !
M. le président. La parole est à M. Aymeri de Montesquiou.
M. Aymeri de Montesquiou. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, en attaquant la dette souveraine des pays les plus fragiles de la zone euro, les marchés ont soudain fait prendre conscience aux États de l’Union européenne que l’euro était une monnaie orpheline, faute de gouvernance économique commune.
Jeudi dernier, les vingt-sept chefs d’État et de gouvernement ont reconnu l’urgence de renforcer la coordination des politiques économiques et défini les premières orientations concernant tant le pacte de stabilité et de croissance que la surveillance budgétaire et macroéconomique. La création d’une taxe bancaire et d’une taxe sur les transactions financières décidée par le Conseil européen sera soumise au G20 à la fin du mois.
Cette décision est positive car, jusqu’à présent, le concept de gouvernance économique semblait tabou. Cependant, les mesures prises par les Vingt-Sept surviennent bien tard, sont imprécises et ne vont pas assez loin.
Quelles seront les sanctions appliquées aux pays qui ne respectent pas le pacte de stabilité et de croissance ? Que préconise la France : la suspension du droit de vote au Conseil des ministres ou celle des aides régionales ? Pourquoi la pérennisation du Fonds européen de stabilisation financière n’a-t-elle pas été abordée ?
Le choix par le sommet franco-allemand de l’Union à vingt-sept, et non de la seule zone euro, rend très problématique toute discussion. Cette orientation allemande n’est que comptable : rien sur l’harmonisation fiscale, rien sur un budget à hauteur des enjeux, rien sur les capacités d’emprunt.
Le défaut de convergence sur tous ces points aboutit à une absence de solidarité entre les pays de l’Union européenne, ne fait que des perdants, fragilise l’euro, condamne l’Europe à rester un nain politique, et donc compromet toutes ses ambitions.
Madame la secrétaire d’État, quelles sont les propositions du Gouvernement pour conduire à une véritable gouvernance économique ?
M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d’État.
Mme Anne-Marie Idrac, secrétaire d’État. Monsieur de Montesquiou, nous connaissons votre engagement européen, vous connaissez celui du Gouvernement. Je dois le dire, je vous trouve quelque peu pessimiste…
M. Guy Fischer. Il a raison !
Mme Anne-Marie Idrac, secrétaire d’État. … au regard des avancées tout à fait remarquables, que je qualifierai même d’« historiques », obtenues, notamment sous l’impulsion de la France et de Nicolas Sarkozy, en matière de gouvernance européenne.
Au fil des mois, le Conseil européen a fait preuve de réactivité et de solidarité. Il a instauré le mécanisme européen de stabilité financière, mis en place les dispositifs de soutien à la Grèce, et repris les positions communes à la France et à l’Allemagne en vue du G20, auxquelles vous avez fait référence.
Pour ce qui concerne la gouvernance européenne stricto sensu, le Conseil européen du 17 juin dernier a accueilli favorablement les premières pistes de réforme qui doivent être approfondies et qui répondent à nos attentes.
Il s’agit, d’abord, de renforcer le pacte de stabilité et de croissance. Pour ce faire, il faudra prévoir notamment la mise en place d’un « semestre européen ». Selon ce nouveau concept, à partir de 2011, les programmes de stabilité et de convergence seront transmis au printemps, les procédures nationales étant prises en compte. Il faudra également veiller à la mise en place par les pays membres de règles budgétaires nationales et de cadres budgétaires à moyen terme conformes au pacte de stabilité et de croissance.
Cette première orientation vise également à rendre les sanctions plus efficaces ; des sanctions politiques pourraient être envisagées.
Il s’agit, ensuite, de parvenir à des avancées en matière de transparence des comptes et des statistiques. Tirant la leçon que la crise grecque lui a malheureusement enseignée, le Conseil européen a estimé souhaitable, en outre, de mettre en place un contrôle plus efficace.
Il s’agit, enfin, d’élaborer un tableau de bord qui permettrait de détecter et de traiter à la fois les écarts de compétitivité et les équilibres courants.
Vous avez raison, monsieur le sénateur, nous devons avancer sur cette voie de l’amélioration des convergences de compétitivité, notamment au regard des pays tiers, des pays émergents.
Cela suppose d’être ambitieux, sans pour autant cesser d’être pragmatiques.
M. le président. Veuillez conclure, madame la secrétaire d’État !
Mme Anne-Marie Idrac, secrétaire d'État. C’est ainsi que même si le Conseil des Vingt-Sept est l’instance de décision privilégiée, en cas de nécessité, il est également possible aux seize chefs d’État de la zone euro de se réunir pour arrêter une action.
M. le président. La parole est à M. Aymeri de Montesquiou, pour la réplique.
M. Aymeri de Montesquiou. Madame la secrétaire d’État, je serais, selon vous, pessimiste. Pour ma part, je vous trouve extrêmement optimiste !
Une Europe à vingt-sept doit décider à l’unanimité, ce qui est fort improbable. À titre de comparaison, je pense à l’équipe de France de football, dans laquelle chacun joue pour soi ! (Murmures sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
Mme Nicole Bricq. Nous sommes en train de perdre !
M. Guy Fischer. On voit où cela conduit !
M. le président. Le Sénat n’en étant pas aux prolongations, je donne la parole à M. Philippe Marini ! (Sourires.)
M. Philippe Marini. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, nous avons évoqué, voilà quelques instants, les incertitudes qui pèsent sur le taux de croissance de notre pays puis la gouvernance de la zone euro.
Ma question, qui s’adresse particulièrement à vous, madame la secrétaire d’État chargée du commerce extérieur, porte sur une donnée tout à fait essentielle pour déterminer quelle sera la conjoncture lors des mois et des années à venir. Elle concerne, en effet, la parité monétaire, plus particulièrement le taux de change de l’euro par rapport au dollar.
Pour nombre de macro-économistes, le lien entre une baisse durable de cette parité et un regain de croissance est établi par l’analyse économétrique, par les modèles, lesquels nous donnent des résultats très variables.
Madame la secrétaire d'État, pensez-vous que les conséquences du repli de l’euro seront plus importantes sur les exportations que sur les importations ? De quels éléments disposez-vous sur ce sujet ?
Plus précisément, la sortie des mécanismes de couverture souscrits par les entreprises pour se protéger des aléas de la parité va-t-elle leur permettre de dégager des bénéfices supplémentaires ?
Quelle appréciation portez-vous sur les effets du maintien du taux de change à la parité actuelle sur notre croissance ?
M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d'État.
Mme Anne-Marie Idrac, secrétaire d'État. Monsieur le sénateur, j’évoquerai, en guise d’introduction, trois points.
Premièrement, l’évolution de l’euro doit être appréciée sur une longue période. En cet après-midi, le taux de change de l’euro par rapport au dollar se situe autour de 1,23 ; il est donc supérieur non seulement au niveau le plus bas atteint le 7 juin dernier, mais également à son niveau initial – 1,17 – en vigueur au moment de la création de la monnaie unique.
Deuxièmement, la comparaison doit être étendue au-delà du dollar à l’ensemble des devises. Le repli de l’euro a été également sensible vis-à-vis du yen, par exemple.
Troisièmement, l’impact sur les marchés extérieurs du taux de change effectif de la France est atténué par le fait que la plupart de nos concurrents, notamment l’Allemagne et l’Italie, appartiennent eux aussi à la zone euro.
J’en viens au cœur de votre question, monsieur Marini. Il est clair que la baisse de l’euro au cours des sept derniers mois est positive pour nos exportateurs qui produisent dans la zone euro et qui vendent leur production en dollars. Je pense, par exemple, aux secteurs de l’aéronautique, notamment à EADS, ou de la pharmacie. D’aucuns estiment par ailleurs que si la parité était proche de 1,20, la situation serait beaucoup plus équilibrée.
Le gain de compétitivité dont bénéficient les exportateurs français du fait de la baisse de l’euro dope donc l’activité, mais nous avons du mal à en faire une évaluation chiffrée. Pour 2010, il est de l’ordre de quelques dixièmes de points. Sans doute ira-t-il encore au-delà puisque certaines grandes entreprises sortiront des mécanismes de couverture, que vous avez évoqués.
Par ailleurs, le repli de l’euro est en bonne partie dû à des tensions sur les marchés financiers qui pèsent, en outre, sur l’activité, tandis que le coût des importations se renchérit.
Quoi qu’il en soit, sur le plan commercial, la baisse de la monnaie européenne est une bonne nouvelle, même si nous ne sommes pas capables d’en évaluer l’impact exact. Permettez-moi de rappeler que le commerce extérieur a contribué positivement à la croissance française dès le premier trimestre de cette année.
M. le président. La parole est à M. Philippe Marini, pour la réplique.
M. Philippe Marini. Je vous remercie, madame la secrétaire d’État, de ces éléments de réponse. Je suggère que l’évolution de l’euro fasse l’objet d’un suivi extrêmement précis, mois après mois, et que les commissions approfondissent cette question. Certes, il existe des références historiques, mais il faut aussi prendre en compte la manière dont sont construits les modèles macroéconomiques et qui peut permettre d’expliquer les résultats variables que j’évoquais précédemment.
Enfin, s’agissant des biens d’équipement, selon M. Gallois, pour Airbus, la bonne parité se situerait à 1,20. Nous y sommes. Je souhaite que ce chiffre soit annonciateur de succès en termes d’exportations pour une industrie aussi stratégique.
M. le président. La parole est à Mme Nicole Bricq.
Mme Nicole Bricq. Du point de vue du calendrier, le Conseil européen vient de se dérouler et le sommet du G20 doit se tenir à Toronto. Mais nous voyons bien que l’Union européenne est un bateau ivre : elle n’a ni vision, ni projets, ni stratégie, ni leadership !
Elle n’a pas de projet, car elle ne veut pas franchir le pas du fédéralisme. Mais elle ne développe pas pour autant des politiques économiques coopératives.
Elle n’a pas davantage de stratégie : celle de Lisbonne est morte, faute d’avoir été appliquée. La nouvelle est un catalogue de bonnes intentions, sans l’ombre d’un financement communautaire.
Quant au leadership, les déclarations de Mme Merkel et de M. Sarkozy ne sauraient cacher la réalité : ceux qui devraient faire des propositions à l’Union européenne sont profondément divisés !
Pour sa part, la Banque centrale européenne, qui s’est affranchie de ses dogmes pendant la crise financière, ne sait plus où elle va. Tout juste croyons-nous savoir que le commissaire chargé du marché intérieur et des services, Michel Barnier, fera au mois de septembre des propositions sur la régulation financière. Et le groupe de travail présidé par M. Van Rompuy ne s’occupe que des sanctions devant être appliquées aux États qui ne respecteraient pas le pacte de stabilité !
L’Union européenne va donc arriver très affaiblie au sommet de Toronto, au cours duquel devait être évoquée la création d’une part, d’une taxe bancaire – cette taxe systémique est destinée à prévenir le risque, afin que les États et les populations ne soient les prêteurs de dernier ressort, les assureurs des fautes commises par les banques et les établissements financiers – et, d’autre part, d’une taxe sur les transactions financières. Sur l’un et l’autre sujet, l’Europe devait se montrer à peu près unie.
Il ne sera probablement question d’aucune de ces taxes, à en juger par la lettre que M. Obama a envoyée aux chefs d’État du G20, le président américain se préoccupant, à juste titre, de la croissance. Les Européens devraient l’imiter !
Que fera le gouvernement français, si rien n’est décidé lors du prochain G20, pour faire avancer cette cause à l’échelon tant national qu’européen ? (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d'État.
Mme Anne-Marie Idrac, secrétaire d'État. Madame Bricq, en ces matières, le verre est-il à moitié plein ou à moitié vide ? J’ai tendance à considérer que nous sommes en train de franchir un certain nombre d’étapes, certes, à petits pas, mais ces derniers sont ambitieux et résultent de l’action de la France, de l’Allemagne et d’un certain nombre de partenaires, notamment la Grande-Bretagne, bien qu’elle ne soit pas dans la zone euro.
J’ai rappelé tout à l’heure les progrès réalisés dans le domaine de la gouvernance de la zone euro. Qui aurait pu en rêver voilà encore un an ou quelques mois ?
Vous avez soulevé, madame le sénateur, une absence de stratégie. Pour ce qui concerne la compétitivité européenne, nous travaillons activement, vous le savez, dans le cadre de la stratégie 2020 et avec pragmatisme. Néanmoins, rien ne sera sans doute à la hauteur des ambitions des Européens les plus convaincus.
Quant aux ambitions communes aux principaux États européens membres du G20, je vous confirme que la France et l’Allemagne se sont mises d’accord pour plaider en faveur de l’instauration d’un prélèvement sur les institutions bancaires et d’une taxe sur les transactions financières, donc, sur les flux.
Nous constatons avec satisfaction que les Britanniques se rallient eux aussi à une résolution commune pour mettre en œuvre un programme ambitieux de réforme du secteur financier.
Si, par malheur, le sujet ne devait pas être traité tout de suite sur le plan international, nous n’excluons pas une décision européenne.
M. le président. La parole est à Mme Nicole Bricq, pour la réplique.
Mme Nicole Bricq. Ne reste du concept de gouvernement ou de gouvernance économique – la terminologie elle-même ne fait pas l’unanimité – qu’une discipline budgétaire se réduisant à deux chiffres et une date : les critères de stabilité de 3 % et de 60 % et l’échéance de 2013 à laquelle tout le monde devra être dans les clous. On ne perçoit pas le frémissement de l’amorce d’une gouvernance ou d’un gouvernement économique, sujet sur lequel l’Allemagne et la France ne sont pas d’accord.
Quant à l’instauration de taxes sur les banques et sur les transactions financières, nos deux pays divergent sur leur assiette, sur leur vocation et sur leur produit. Il y a beaucoup à faire !
Par ailleurs, le gouvernement conservateur britannique a inscrit la création d’une taxe bancaire dans son projet de budget. Que fait la France ? Vous ne répondez pas à cette question, madame le secrétaire d’État ! Nous reviendrons sur ce sujet, notamment lors de l’examen du projet de loi de régulation bancaire et financière. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à M. Jean Bizet.
M. Jean Bizet. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, un très large accord semble se dessiner quant à la nécessité de réformer la gouvernance économique européenne, tirant en cela les leçons de la crise financière.
L’un des points le plus souvent évoqués est le renforcement des sanctions à l’égard des pays ne respectant pas les règles de discipline inscrites dans le pacte de stabilité et de croissance, en particulier la suspension des droits de vote pour les États qui seraient en infraction. Cette éventualité a été envisagée par la Chancelière allemande elle-même.
Cependant, sur quelle base juridique précise une telle mesure pourrait-elle s’appuyer ? En effet, les traités ne prévoient la suspension des droits de vote qu’en cas de violation grave des principes démocratiques ou des droits de l’homme. Dans toute autre hypothèse, une telle sanction ne peut donc pas être appliquée à l’heure actuelle.
Madame la secrétaire d’État, une nouvelle révision des traités sur ce point précis, excluant tout débat sur les missions assignées à la Banque centrale européenne, est-elle envisagée ? L’indispensable unanimité à toute révision peut-elle être espérée ?
Je comprends parfaitement que, face à une crise inédite, l’on évoque les hypothèses les plus diverses, mais je me demande si nous sommes réellement prêts à remettre, une fois de plus, les traités en chantier…
Mme Nicole Bricq. Bonne question !
M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d'État.
Mme Anne-Marie Idrac, secrétaire d'État. Monsieur Bizet, dans le cadre des avancées, dont je parlais tout à l’heure, faites par le Conseil européen, dues notamment aux relations étroites qu’ils entretiennent, le Président de la République et Mme Merkel se sont en effet prononcés en faveur de sanctions, parmi lesquelles la suspension des droits de vote des États membres qui ne respecteraient pas le pacte de stabilité et de croissance.
Comme vous l’avez dit, monsieur le sénateur, en l’état actuel du droit, il semble bien qu’une telle suspension exigerait une révision du traité sur l’Union européenne, dont l’article 7 n’autorise une telle procédure qu’en cas de violation grave des valeurs de l’Union européenne, et chacun se souvient des débats auxquels ce point a donné lieu voilà quelques années…
Le message délivré par le Président de la République lors de son déplacement du 15 juin à Berlin est clair : il faut agir avec pragmatisme.
C’est ainsi qu’il est possible d’envisager dans un premier temps un accord politique des États pour ne pas voter à certaines réunions, en particulier lors de celles qui pourraient concerner la surveillance budgétaire des pays ne respectant pas le pacte.
Dépourvu, certes, de conséquences juridiques, un tel engagement permettrait d’appliquer ce type de sanction politique à droit constant et de manière pragmatique.
Dans l’hypothèse où une révision des traités s’imposerait, la France et l’Allemagne pourraient alors éventuellement la proposer.
Au-delà de ce point particulier, je voudrais à nouveau insister sur le caractère global des réflexions, extrêmement importantes, actuellement menées par le groupe de travail présidé par M. Van Rompuy, dont les conclusions, je le rappelle, seront rendues au mois d’octobre : diverses propositions, y compris, je le suppose, concernant les sanctions, seront sur la table.
M. le président. La parole est à M. Jean Bizet, pour la réplique.
M. Jean Bizet. Madame la secrétaire d'État, je prends note de ces précisions – je vous en remercie –, qui font apparaître qu’il s’agit maintenant de passer par la recherche d’accords entre différents pays membres.
Entre respect des textes et pragmatisme, il faudra bien que l’on revoie un jour les traités sous l’angle de la rigueur, mais je partage tout à fait l’approche du Président de la République, qui conduit à passer plutôt, dans un premier temps, par un accord.
M. le président. La parole est à M. François Marc.
M. François Marc. Madame la secrétaire d'État, ma question porte sur l’inquiétude que l’on peut légitimement nourrir quant à la lenteur des réactions des autorités publiques en matière de régulations financière et bancaire.
Depuis l’été 2008, de nombreux sommets ont eu lieu : trois G 20 – Washington, Londres et Pittsburg – et cinq Conseils européens spécialement consacrés au sujet de la régulation financière. Il en résulte une prise de conscience, dont on se réjouit, et la prise d’engagements, mais il faut bien constater que la concrétisation de ces engagements a été extrêmement limitée.
Certes, quand bien même on peut se demander ce que vaut la classification des pays en liste blanche, grise ou noire, une liste des paradis fiscaux a été dressée. En revanche, le bilan est très maigre en ce qui concerne les normes comptables, l’information sur le risque et les rémunérations des acteurs bancaires.
Par ailleurs, qu’en est-il de la position de la France au sujet de la supervision financière, chère à M. Barnier ?
Quant à la régulation bancaire, que Mme Bricq vient d’évoquer, aujourd'hui, on attend que M. Obama donne le « la », mais l’on ne peut qu’être inquiet puisque la presse titrait hier : « Le G20 va officiellement enterrer l’idée d’une taxe bancaire ».
Le quiproquo est donc complet : d’un côté, l’on nous dit que l’on plaide pour une taxe et que les États-Unis veulent mettre en place un dispositif ; de l’autre, on nous annonce par avance que l’idée va sans doute être enterrée par le G20.
En définitive, et je suis certain que vous en êtes consciente, madame la secrétaire d'État, il y a un décalage manifeste entre les déclarations visant à une moralisation du capitalisme et les engagements a minima, voire les réactions apeurées du gouvernement français face à la volonté exprimée par l’Allemagne, par exemple, d’interdire les ventes à découvert à nu de certains produits spéculatifs.
Dans ces conditions, pourriez-vous nous indiquer comment la France va s’organiser pour mettre le pied sur l’accélérateur de la régulation ?
Les mêmes causes produisant les mêmes effets, on sait bien que si rien n’est plus rapidement entrepris, on court le risque d’assister très bientôt à d’autres phénomènes très inquiétants. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d'État.
Mme Anne-Marie Idrac, secrétaire d'État. Monsieur le sénateur, il n’est évidemment pas facile d’instaurer une régulation financière mondiale alors qu’il y a eu tant de dérives depuis des décennies et qu’une telle régulation passe par des modalités techniques très complexes.
Les difficultés et, oui, les résistances existent, mais elles ne doivent pas nous empêcher d’être particulièrement volontaristes et imaginatifs dans les propositions que nous mettons sur la table, avec conviction, lors des discussions avec nos partenaires.
Je rappelle que, en matière de régulation, la France prend l’initiative à trois échelons.
Je commence par le niveau de l’Union européenne, au cœur des dispositifs, comme en témoignent les initiatives prises et les accords passés en matière de supervision, de hedge funds, de paradis fiscaux, ou encore de produits dérivés.
Bien entendu, la régulation intervient aussi à l’échelle internationale.
Vous avez dit, monsieur Marc, que les résultats du G20 étaient déjà connus. Pour ma part, je ne préjugerai pas les résultats, surtout négatifs : nous avons eu de bonnes surprises.
Personne ne croyait, lorsque le Président Sarkozy a pris, le premier, l’initiative de réunir le G20, non plus simplement au niveau des ministres des finances, mais à celui des chefs d’État et de gouvernement, qu’il serait possible d’adopter des décisions et des mesures en matière de régulation.
Nous avons aujourd'hui bon espoir de convaincre un nombre de partenaires de plus en plus élevé et, comme je le faisais remarquer tout à l’heure, la France, l’Allemagne et la Grande-Bretagne sont unies sur ce point.
Enfin, pour ce qui concerne l’étage national, c'est-à-dire celui de la loi française, vous ont été proposées au fil des mois et encore tout récemment, mesdames, messieurs les sénateurs, des dispositions qui mettent la France au meilleur rang et même à l’avant-garde sur tous les sujets relatifs à la régulation.
M. le président. La parole est à M. François Marc, pour la réplique.
M. François Marc. Pour ma part, j’ai lu, comme chacun de nous, les dépêches annonçant que les ministres des finances du G20, qui se sont encore récemment réunis en Corée du Sud, avaient décidé de « renoncer à une taxe commune » et que les chefs d’État et de gouvernement se contenteraient « sans doute d’entériner le principe du financement par le secteur financier lui-même de ses futures faillites »…
Il s’agit donc bien d’une forme de résignation anticipée,…
M. Guy Fischer. De renoncement !
M. François Marc. … que nous ne pouvons que déplorer face aux réalités que je dénonçais tout à l’heure.
S’agissant ensuite de la position du gouvernement français, vous n’apportez pas, madame la secrétaire d'État, tous les éléments rassurants que nous pouvions espérer.
Ainsi, nous restons sur l’impression que la France était « à la remorque » lorsque l’Allemagne a annoncé qu’elle allait interdire les ventes à découvert à nu, plusieurs de nos ministres ayant alors déclaré qu’une telle mesure était prématurée, inefficace et donc pas nécessairement utile…
Il semble bien que la France tarde, en somme, à agir, ce qui est inquiétant pour l’avenir. Nous souhaitons donc ardemment qu’une action plus vigoureuse soit entreprise, sujet dont nous aurons, à n’en pas douter, d’autres occasions de débattre.
M. le président. La parole est à M. Michel Sergent.
M. Michel Sergent. Voilà seulement quelques semaines, les chefs d’État européens se sont entendus pour mettre en place un mécanisme de stabilité financière garanti par les États membres à hauteur de 444 milliards d’euros.
Depuis, pas une journée ne s’écoule sans annonce d’une nouvelle série de mesures d’austérité.
Non seulement le Conseil européen qui s’est tenu à la fin de la semaine dernière a entériné une politique d’austérité généralisée, en guise de stratégie de sortie de crise, mais il a demandé au G20 de Toronto de valider les politiques de rigueur globale engagées.
Les États membres s’entendent aujourd'hui sur les sanctions renforcées, au lieu de s’attaquer d’abord aux problèmes de fond.
L’austérité est élevée au rang d’objectif politique commun. La réduction des dépenses, dont la liste s’allonge sans cesse, pénalise ainsi les citoyens en remettant en cause les normes sociales.
La stratégie 2020, qui devait être une stratégie de relance et d’investissement pour l’Europe, ne fait finalement qu’énoncer des réformes structurelles subordonnées à l’assainissement budgétaire.
La nécessité de la réduction des déficits ne doit pas détourner les États membres du besoin d’une politique de croissance qui réoriente les politiques publiques vers l’emploi et les investissements.
Pour cette raison, le pacte de stabilité doit être révisé, étant rappelé qu’il est non pas une fin en soi, mais un moyen d’atteindre des objectifs communs : croissance et stabilité, éléments que je cite volontairement dans cet ordre, car il ne pourra y avoir de retour à la stabilité si la croissance est brisée et si les écarts de compétitivité ne sont pas comblés.
Nous estimons que les conditions ne sont pas aujourd'hui réunies pour une sortie de crise.
Les politiques de soutien doivent être maintenues tant qu’il n’y a pas de reprise de la croissance. Nous n’avons eu de cesse de le rappeler depuis le début de cette crise.
C’est aussi ce qu’a affirmé Barack Obama dans une lettre adressée aux chefs d’État et de gouvernement du G20 : « nous devons être souples pour ajuster le rythme de la consolidation et apprendre des erreurs commises par le passé, quand les mesures de relance avaient été retirées trop vite. »
Aussi, madame la secrétaire d'État, quelle réponse portera le gouvernement français, en particulier Mme Lagarde, au président américain à l’occasion du G20 de Toronto ? (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.- M. Guy Fischer applaudit également.)