Mme la présidente. La parole est à Mme Marie-Christine Blandin, sur l'article.
Mme Marie-Christine Blandin. Une majorité a, dans cette assemblée, restauré la clause de compétence générale et je m’en félicite ! Dès lors, on pourrait presque considérer, comme l’a fait Nicole Borvo Cohen-Seat, même si elle n’a pas utilisé le verbe, que l’article 35 « tombe ».
Plusieurs sénateurs du groupe CRC-SPG. Exactement !
Mme Marie-Christine Blandin. Or il est maintenu !
Je n’ose imaginer que le vote audacieux de la semaine dernière puisse être remis en cause. (Sourires et exclamations.)
M. Roland Courteau. Bien sûr que non !
Mme Marie-Christine Blandin. Si nous relisons l’article 35, éclairés par quatre heures de questions des sénateurs et de réponses des ministres, dans la soirée du mercredi 30 juin, sur l’article additionnel avant le chapitre Ier, nous en déduisons un certain nombre de choses.
Premièrement, la collectivité exerce les compétences attribuées par la loi – alinéas 2, 6 et 11 –, mais le brouillage commencera avec les métropoles, qui pourront, à façon, faire « glisser » vers elles ces compétences.
Deuxièmement, si la collectivité délibère et motive son choix, elle peut se saisir d’un autre objet – alinéas 4, 8 et 12. Mais cela fera de perdre du temps et de l’argent avec des réunions plénières qui seraient inutiles si la clause de compétence générale était confortée.
Troisièmement, la coopération décentralisée est une compétence partagée. Fort bien ! Mais seul le sport, le tourisme et la culture sont inscrits. La confusion se poursuit…
Enfin, l’alinéa 17 permet que, partagée ou non, toute compétence puisse être déléguée à une autre collectivité.
Eh bien, je regrette de ne pas avoir eu la présence d’esprit de déposer un amendement pour remplacer « clarification » par « brouillage des compétences » !
Rappelons que, à force de vouloir clarifier, on a failli tuer la culture. Alors que 70 % des financements du spectacle vivant viennent des collectivités, et pour une part significative des régions et des départements, vous aviez envisagé la fin des compétences partagées !
En la matière, cela signifiait la perte des deux tiers des ressources, mais aussi la fin de l’autonomie de l’artiste, qui ne saurait dépendre d’un seul interlocuteur politique : après ce que Jean Vilar décrivait à Malraux comme le « mariage cruel » entre politique et artiste, on irait tout droit vers le risque d’inféodation, voire d’instrumentalisation de la culture, qui, rappelons-le, n’est pas là pour convier les foules à des fêtes populaires dédiées au rayonnement du territoire et à la gloire des élus qui les financent.
Il aura fallu trois quarts de navette et l’alerte lancée par tous les acteurs concernés pour qu’enfin l’on parvienne à une rédaction à peu près satisfaisante et pour que l’alinéa 14 spécifie clairement que la compétence est partagée entre les communes, les départements et les régions. Nous nous en réjouissons, mais ce n’est guère qu’une bouée de sauvetage et nous ne sommes pas vraiment rassurés pour autant.
La suppression de la taxe professionnelle, qui restreint les marges de manœuvre des collectivités, va pousser les élus peu vigilants à faire de la culture leur variable d’ajustement et à préférer soutenir l’entreprise de frites congelées plutôt que le sextuor à cordes !
C’est pourquoi le Gouvernement ne saurait se soustraire à son devoir de financeur et de garant de la création et de la diffusion sur tout le territoire. Or, de RGPP 1 en RGPP 2, de régime maigre de l’intermittence en subventions amoindries des DRAC, le compte n’y est plus.
Monsieur le secrétaire d'État, il n’y a pas de bonne décentralisation sans clarification des compétences de l’État, sans garanties de son engagement.
Dès lors, sauf assertion contraire de votre part, il doit être entendu que, dans la phrase « Les compétences en matière […] de culture […] sont partagées entre communes, départements et régions », la non-mention de l’État ne s’explique que par l’intitulé du titre du projet de loi, « de réforme des collectivités territoriales », et qu’il faut comprendre : « Les compétences en matière de culture sont partagées entre les communes, les départements, les régions et l’État. »
Enfin, il y a quand même quelque chose de romantique, voire de pathétique à nous voir ainsi revendiquer des compétences. C’est comme si nous exigions de courir le triathlon alors que vous nous auriez lié les chevilles et coupé l’oxygène en supprimant la taxe professionnelle. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)
Mme la présidente. La parole est à Mme Mireille Schurch, sur l'article.
Mme Mireille Schurch. Avec l’article 1er, l’article 35 constitue le cœur de ce projet de loi, dont l’objet est au fond, sous prétexte de rationaliser l’action publique, de porter atteinte au service public.
Le Gouvernement ne fait qu’entreprendre pour le niveau local ce qu’il opère déjà pour les services publics nationaux.
Entre suppression de la taxe professionnelle et réforme des collectivités territoriales, l’objectif est l’affaiblissement du pouvoir local.
La suppression de la moitié des élus départementaux et régionaux, jugés « usés » par le Président de la République, la réduction des dotations puis l’entrave à l’autonomie fiscale des collectivités territoriales, la non-compensation des charges transférées et, enfin, la remise en cause de la clause de compétence générale des régions et des départements constituent une véritable rupture avec la place et le rôle respectifs de l’État et des collectivités dans l’identité, tant constitutionnelle qu’institutionnelle, de notre République.
L’article 35 qui nous est proposé ici est en totale contradiction avec l’amendement n° 166 rectifié qui a été adopté la semaine dernière et qui précise que la compétence générale est un principe fondateur de la libre administration des collectivités locales.
Le Sénat, garant de la décentralisation et représentant des territoires, doit avoir le courage de maintenir la position qu’il a adoptée et donc de rejeter l’article 35, qui devrait en fait « tomber ».
Derrière une volonté de clarification, oubliant que la création d’un catalogue de compétences n’est pas une solution, cette réforme sonne le glas des politiques volontaristes sur les territoires – politiques qui font pourtant leur identité – et entérine le désengagement de l’État.
L’article 35 remet en cause le principe d’égalité républicaine, la capacité d’action, la légitimité de l’intervention des autorités locales à l’égard de presque tous les sujets de préoccupation de leurs administrés, et le service public local, dont chacun d’entre nous sait combien son essor est intimement lié à la clause de compétence générale.
Le rétablissement de cette clause de compétence assurerait la pérennité des mécanismes de financements croisés. En effet, et cela a été rappelé à plusieurs reprises sur ces travées, nombreuses sont les collectivités locales qui participent, sous différentes formes, au financement du logement social, exemple que ma collègue Odette Terrade vient d’évoquer. Leur contribution à la construction et à la réhabilitation est souvent supérieure à celle de l’État, alors même que le budget étatique de 2010 dans ce domaine est de nouveau en diminution.
Il semble, par conséquent, difficile d’évoquer les compétences des collectivités sans mener une réflexion concomitante sur le rôle de l’État.
Enfin, l’article 35 tout comme l’ensemble du présent projet de loi vident le département et la région de leurs éléments constitutifs au profit des métropoles, en les dénaturant et en heurtant la logique démocratique, oubliant la cohérence territoriale et la cohésion sociale dont est traditionnellement porteur tout projet de décentralisation.
Comme l’a très justement rappelé mon collègue Gérard Le Cam la semaine dernière, les métropoles et les pôles métropolitains auront des compétences stratégiques, alors même que seule l’idée de compétitivité et de concurrence sous-tend leur création, et non l’ambition d’en faire les moteurs du développement solidaire de toute une région.
L’article 35, replacé dans le contexte de la réforme qui nous est proposée, amplifie le risque réel de voir s’accroître le fossé entre les communes qui deviendront des métropoles et les autres, d’accentuer ainsi les déséquilibres sur le territoire départemental au point de désintégrer ce dernier.
Le présent projet de loi privilégie une vision urbaine exclusive de la société, dans laquelle l’espace rural et les petites villes sont plus que jamais délaissés, marginalisés, considérés comme résiduels. C’est là une vision que nous ne pouvons partager.
Les pôles métropolitains concentreront les investissements, les aides, les emplois, confisquant ainsi l’activité économique, et signeront l’abandon de la cohésion sociale et territoriale.
Tout dans ce projet de loi est tourné vers l’objectif de transformer les collectivités territoriales en structures commerciales et les élus locaux en simples membres de conseils d’administration. Le territoire réel ne peut être réduit aux logiques du marché, de l’offre et de la demande.
La clause générale de compétence est indispensable aux collectivités. Revenir sur la position adoptée la semaine dernière reviendrait à trahir l’esprit de la décentralisation et la confiance des élus locaux.
C’est pourquoi, par souci de cohérence avec l’amendement 166 rectifié, les membres du groupe CRC-SPG ne voteront par l’article 35 : plus que jamais, ils font le pari de l’intelligence territoriale. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG.)
Mme la présidente. La parole est à M. Hervé Maurey, sur l’article.
M. Hervé Maurey. Madame la présidente, monsieur le ministre de l’intérieur, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, l’article 35 est particulièrement important, d’abord parce qu’il est censé traiter de la question essentielle des compétences, mais aussi parce que c’est celui qui a, dans sa philosophie générale, le plus changé entre la première lecture et la deuxième lecture au Sénat.
Tel qu’il avait été adopté en première lecture, il posait notamment le principe de l’adoption d’une loi, dans un délai d’un an après la promulgation de celle qui résultera de nos actuels travaux, précisant la répartition des compétences entre chaque collectivité. Tout au long de la première lecture, on nous a bien rappelé qu’il s’agissait d’un article de principe, que la question des compétences serait abordée ultérieurement et qu’elle ne devait en aucun cas être traitée dans le cadre du présent texte !
Or, lors de la première lecture à l’Assemblée nationale, le Gouvernement a opéré un revirement complet : il a déposé un amendement tendant à régler la question des compétences.
Comme je l’ai déjà indiqué, d’un point de vue formel, je considère cette attitude comme quelque peu désinvolte - pour ne pas dire plus – vis-à-vis de la Haute Assemblée, qui est, je le rappelle, compétente en premier ressort sur tous les sujets concernant les collectivités locales. Il s’agit donc d’une violation, si ce n’est du texte même de l’article 39 de la Constitution, à tout le moins de son esprit, pour reprendre une formule utilisée tout à l’heure par M. le rapporteur sur un autre sujet.
De plus, lorsque des dispositions importantes sont introduites par voie d’amendement, et non d’emblée dans le projet de loi, les travaux préalables, les expertises effectuées ne sont pas les mêmes ; l’avis du Conseil d’État, en particulier, n’est pas requis.
Nous regrettons donc profondément la méthode employée.
Sur le fond, et c’est évidemment le plus important, l’article 35 ne règle rien du tout ! Il illustre la position mi-chèvre mi-chou du Gouvernement, qui, par le texte qui nous est soumis, veut faire plaisir à tout le monde mais ne fait finalement plaisir à personne.
Dans ce texte, on ne trouve pas la clause générale de compétence – certains, dont je ne suis pas, le déplorent –, mais on n’y trouve pas non plus de dispositions précises quant aux compétences affectées à chaque niveau de collectivités.
Ce qu’on y trouve, en revanche, ce sont des formules assez extraordinaires : on nous explique que les collectivités exercent les compétences que leur confère la loi. Une véritable révolution juridique ! On nous indique également qu’une collectivité peut se saisir d’une compétence qui n’aurait pas déjà été attribuée à une autre collectivité, ce qui est tout de même, juridiquement parlant, très intéressant…
Il est néanmoins précisé que des compétences au demeurant importantes – en matière de culture, de sport et de tourisme – sont attribuées de manière concurrente aux communes, aux départements et aux régions. On pourrait penser que cette liste est exhaustive. Mais il n’en est rien ! Lors du débat que nous avons eu voilà quelques jours sur la clause générale de compétence, Michel Mercier, alors au banc du Gouvernement, voulant nous rassurer, a bien dit que les compétences spécifiquement visées à l’article 35 n’étaient pas les seules concernées. À titre d’exemple, il a cité la loi de 2004 pour la confiance dans l’économie numérique, aux termes de laquelle les collectivités – sans autre précision – sont compétentes en matière de haut débit.
En définitive, il n’y a même pas, dans ce texte, la moindre clarification quant aux compétences attribuées à chaque niveau de collectivités.
Bref, l’article 35, tel qu’il est rédigé, n’est pas du tout satisfaisant. C’est pourquoi nous présenterons un amendement tendant à revenir aux engagements initiaux du Président de la République, à savoir l’élaboration, dans un deuxième temps, d’un projet de loi fixant les compétences précises de chaque niveau.
Mme la présidente. La parole est à Mme Marie-Agnès Labarre, sur l’article.
Mme Marie-Agnès Labarre. Avec l’examen de l’article 35, nous arrivons au cœur du présent projet de loi.
Parallèlement à la restructuration du paysage institutionnel, vous envisagez, sous prétexte de clarifier les domaines d’intervention de chaque collectivité, la suppression de la clause de compétence générale. Or, si le principe peut donner lieu à discussion, la question se pose dans un contexte donné : l’assèchement des ressources des collectivités en raison de la disparition de la taxe professionnelle.
Au surplus, il nous paraît difficile de faire un pot commun de l’ensemble des compétences qui seraient réparties par la loi. Une telle césure n’est pas pertinente pour l’ensemble des compétences exercées aujourd’hui par les collectivités. En effet, comment nier l’existence, dans certains domaines, de compétences qui, de par leur essence, ne peuvent être que partagées entre les collectivités ? Je pense notamment aux questions liées à l’aménagement du territoire ou encore à l’environnement.
Priver les départements et les régions de la possibilité d’intervenir en ces matières ne peut conduire qu’à un échec cuisant de toute politique d’aménagement du territoire fondée sur des documents d’urbanisme dont chaque collectivité conserve pourtant la compétence.
Nous vous le disions lors de la discussion du projet de loi relatif au Grand Paris : il n’existe pas, d’un côté, des opérations d’intérêt national pour lesquelles l’État, au nom de l’intérêt général, pourrait intervenir et, d’un autre côté, des situations nécessitant des adaptations locales en raison des particularismes locaux. Il existe un gouffre entre ces deux cas de figure, et le désinvestissement des régions et des départements risque d’aboutir à des déserts administratifs.
Ces compétences sont aujourd’hui partagées à plusieurs niveaux, et ce afin de donner de la cohérence à l’ensemble. L’action concertée est le gage le plus clair de l’efficacité et de la prise en compte de l’ensemble des problématiques et des besoins.
Nous vous le répétons : l’intervention de chaque échelon territorial est pertinente. Il ne peut y avoir de découpage administratif et autoritaire des compétences, au nom d’une simplification administrative qui serait contraire à l’intérêt général.
D’autre part, la clause générale de compétence a permis aux collectivités de maintenir, au bénéfice des citoyens un certain niveau de prestations face au désengagement de l’État.
Mes chers collègues, si les collectivités ne sont plus compétentes, si l’État n’assume plus son rôle de garant de l’égalité territoriale, de la cohésion sociale, alors qui interviendra ? Nous avons bien compris que la volonté était de laisser une certaine place au privé dans le cadre des services publics...
Aujourd’hui, les collectivités sont responsables de plus des trois quarts de l’investissement public. Qu’en sera-t-il après le vote de cette loi ? Quel est donc l’intérêt d’une nouvelle répartition des compétences ?
Nous estimons que des élus du suffrage universel doivent garder une compétence générale parce que l’intérêt général ne se dissèque pas.
Enfin, nous voyons bien les risques que font courir de telles mesures au secteur de l’environnement. Nous estimons, en effet, conformément au Grenelle de l’environnement, que seul un effort partagé par l’ensemble des représentants de la puissance publique aura des résultats significatifs en termes de réduction des émissions de gaz à effet de serre ou encore d’obtention d’une bonne qualité des eaux de nos rivières en 2015, dans le respect des directives européennes.
Nous inscrivant totalement en faux contre la philosophie de l’article 35, nous ne le voterons pas.
Mme la présidente. La parole est à Mme Catherine Morin-Desailly, sur l’article.
Mme Catherine Morin-Desailly. Comme l’a rappelé mon collègue Hervé Maurey, le projet de loi initial limitait la portée de l’article 35 et posait le principe de l’élaboration d’une future loi – dont je regrette la disparition – clarifiant les compétences des collectivités territoriales.
Si je juge importante l’introduction par nos collègues députés d’une exception culturelle – je suis attachée à ce secteur et j’ai toujours plaidé en faveur de l’intervention conjointe des collectivités territoriales –, je regrette que l’ambition initiale ait été abandonnée pour permettre la simplification du millefeuille administratif.
Il est indispensable de clarifier certaines missions exercées dans ce domaine. Quelles collectivités sont le plus à même de porter des projets comportant une offre de services publics structurante pour notre territoire ?
Pour illustrer mon propos, je rappellerai quelques débats qui ont eu lieu dans cet hémicycle.
En 2004, dans le souci d’une plus grande efficacité, nous avons évoqué, soutenus notamment par le Syndicat national des entreprises artistiques et culturelles, l’hypothèse d’une loi d’orientation sur le spectacle vivant qui fixerait certains grands principes.
Au mois d’octobre dernier, lors d’un débat sur l’enseignement artistique, nous avons jugé intéressant que certaines collectivités puissent être désignées chefs de file, dans un souci de bonne organisation d’un service à rendre à l’ensemble de nos jeunes concitoyens.
Il est donc dommage que l’on abandonne l’idée d’un texte fondateur qui aurait en même temps permis de jeter les bases d’une certaine clarification, sans pour autant que les collectivités délaissent des secteurs tels que la culture. Cependant, je n’exclus pas que, lors de la discussion d’un éventuel projet de loi fondateur, nous puissions de nouveau mettre en avant cette exception culturelle à laquelle nous sommes attachés. (M. Jean Boyer applaudit.)
Mme la présidente. La parole est à M. Gérard Collomb, sur l’article.
M. Gérard Collomb. Monsieur le ministre, je vous demande de bien vouloir être attentif à mon intervention, car elle « pèse » 18 millions d’euros. Vous comprendrez que j’y tienne quelque peu !
En effet, dans votre article 35, vous supprimez la clause générale de compétence applicable aux départements et aux régions, en excluant toute intervention de ces deux catégories de collectivités dans des domaines autres que ceux qui leur ont été expressément confiés ou que ceux qui sont dits « partagés » et reconnus comme tels de manière limitative par le texte, à savoir le sport, le tourisme et la culture.
Or les compétences en matière de transport urbain sont, en application de la loi d’orientation des transports intérieurs, confiées aux communes et aux établissements publics de coopération intercommunale, les départements ayant, pour leur part, selon la même loi, vocation à gérer les seuls transports routiers non urbains de personnes. En d’autres termes, les transports urbains qui sont du ressort des communes et des EPCI ne constituent ni une compétence départementale exclusive ni une compétence générale.
Si nous adoptons l’article 35 en l’état, demain, dans un certain nombre d’EPCI, nous ne pourrons plus constituer des syndicats intercommunaux pour les transports comme ceux que nous avons créés entre les départements et les EPCI. De nombreuses agglomérations, dont l’agglomération lyonnaise, sont concernées par ce problème.
Nous risquons de nous apercevoir après coup que beaucoup de domaines de compétences ont été oubliés ou bien que les compétences sont extrêmement floues dans d’autres domaines, notamment le haut débit, cité tout à l’heure par l’un de nos collègues. Ne serait-il pas plus raisonnable, à partir du moment où l’on a déjà fait une exception pour le sport, la culture et le tourisme, de renoncer à cet article, qui ne me semble pas si important que cela dans la loi que vous voulez faire passer. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
Mme la présidente. La parole est à M. Pierre-Yves Collombat, sur l'article.
M. Pierre-Yves Collombat. Je reviendrai sur trois points : la méthode, les principes et les réalités.
D’abord, l’une des objectifs fondamentaux de cette réforme, et cela a été annoncé d’emblée, est la clarification des compétences. Le Sénat, à la demande de son président, a donc constitué une mission, présidée par notre collègue Claude Belot, qui a traité du problème des compétences. De fait, nous avons essayé de démêler l’écheveau des compétences, comme l’attestent d’épais rapports.
Mais, par un mystère insondable, le projet de loi qui nous a été soumis n’en traitait pas, renvoyant cette question – en effet, fort complexe – à des textes ultérieurs. Cependant, comme la marmite bouillait un peu trop, on a quand même évoqué les principes et l’on est entré un peu dans le détail ! Et c’est ainsi que l’article 35 initial a complètement éclaté en un ensemble d’articles successifs, ce qui fait que l’on ne s’y retrouve plus très bien. Voilà pour la méthode.
S’agissant des principes, je serai très bref, car nous avons eu la semaine dernière un très long débat sur ce sujet. Tout le monde s’accordera pour le dire, la notion de « compétence générale » est consubstantielle à celle de « collectivités territoriales ». Cette idée a été défendue tant par notre collègue Bruno Retailleau que par Edmond Hervé.
D’ailleurs, « compétence générale » n’est peut-être pas la meilleure formulation puisqu’il s’agit en fait de la possibilité, pour les collectivités, d’intervenir dans des domaines où il y va de l’intérêt de leur collectivité.
Cet article est un signe de plus de la confusion perpétuelle entre collectivité territoriale et EPCI, ce dernier ayant, par définition, des compétences d’attribution.
Enfin, sur le plan pratique, quel est l’intérêt de cet article et de sa « pulvérisation » ? On nous dit que les Français ne comprennent rien au millefeuille territorial. C’est évident : tous les matins, quand ils se réveillent, ils se demandent qui fait quoi ! Ils ne s’intéressent pas au problème du chômage, à l’avenir de leurs enfants ou à leur retraite ! Non, la question qu’il se pose avant toute autre, c’est : « Qui fait quoi ? » (Sourires sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)
Alors, bien sûr, que faire quand on ne sait pas qui fait quoi ? Chez moi, on va tout simplement voir le maire. Mais nous sommes sans doute un peu arriérés…
M. Dominique Braye. Faute avouée est à demi pardonnée !
M. Pierre-Yves Collombat. Après, quand le maire ne pourra plus rien faire, ils iront voir le président de l’EPCI !
Autre argument avancé : on va faire des économies ! On part du principe qui veut que moins il y a de financeurs pour un projet, moins le projet coûte cher ! Voilà, en gros, le raisonnement qui est à la base de l’article 35.
Combien y gagnera-t-on ? J’ai essayé de le savoir…
M. Brice Hortefeux, ministre de l'intérieur, de l'outre-mer et des collectivités territoriales. C’est très intéressant !
M. Pierre-Yves Collombat. Au début, vous avez annoncé une économie de 20 milliards d’euros ! Dans l’étude d’impact, on n’est plus qu’à 18 milliards ! J’ai tenté de vérifier, à partir des comptes administratifs des départements et des régions : j’arrive seulement à 11 ou 13 milliards d’euros ! Mais je dois me tromper…
Ces 18 milliards d’euros, soit 11 milliards d’euros économisés par les départements et 7 milliards d’euros par les régions, concernent des compétences non exclusives et des domaines où ces collectivités interviennent avec d’autres catégories de collectivités : j’en déduis que cela comprend aussi les communes et les intercommunalités.
Pour ce qui est du financement commun entre les départements et les régions, je reste sur ma faim et j’aimerais bien qu’on affine le calcul.
Paradoxalement, et grâce aux amendements qui ont été introduits, les compétences partagées seront la culture, le sport et le tourisme, celles où l’on trouve les fameux financements communs. En grattant bien, elles comprendront peut-être aussi le haut débit, le transport et, si j’ai bien écouté ce que l’on a dit à propos des métropoles, peut-être le développement économique, dont une partie revenait à la région et une autre au département.
Que restera-t-il à la fin ? Je n’en sais trop rien !
On nous a précisé que l’« exclusivité des compétences » ne signifiait pas qu’on ne pourrait pas cofinancer des projets dans d’autres domaines de compétences que les nôtres. Fort bien, mais on ne sait toujours pas ce que, en fin de compte, signifie l’« exclusivité des compétences ».
Au final, que restera-t-il de cet article ? S’il n’en reste rien, nous nous en féliciterons, mais faire « rien » d’une manière compliquée, c’est un peu dommage…
Mme la présidente. La parole est à M. Yves Daudigny, sur l'article.
M. Yves Daudigny. La discussion de l’article 35, après le rétablissement de la clause de compétence générale, témoigne de l’incohérence dans le fond et dans le déroulement de l’examen de ce projet de loi. Mais puisque discussion sur l’article 35 il y a, allons-y.
Je voudrais combattre l’idée de la complexité de notre organisation territoriale et de nos financements, qui est sous-jacente à votre démarche et qui est prétexte à votre offensive sans précédent contre les collectivités territoriales.
Quel parent de collégien ne sait pas que le département est en charge des collèges ? Quel parent de lycéen ne sait pas que la région est en charge des lycées ? Et ceux qui ne le savent pas actuellement ne le sauront pas plus demain !
Bien sûr, des améliorations sont possibles et même souhaitables. Mais cela ne justifie pas le grand chambardement que vous voulez opérer sur nos collectivités !
Complexité, dites-vous ? Eh bien oui, notre société est complexe ! Tout est complexe !