Mme Nathalie Goulet. À vous entendre, aucun amendement n’a de lien avec le texte !
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Michel Mercier, ministre de l'espace rural et de l'aménagement du territoire. L’amendement n° 551 vise à rétablir le dispositif adopté par le Sénat en première lecture. Voilà qui m’amène tout naturellement à faire un historique de ce qui s’est passé depuis ce vote.
Je le rappelle, lors de ce vote, le Gouvernement n’avait pas cru devoir émettre un avis défavorable. Je me souviens parfaitement des termes employés par le ministre qui siégeait au banc du Gouvernement : c’était moi !
M. Nicolas About. Un ministre remarquable ! (Sourires.)
M. Michel Mercier, ministre. C’est dans ce contexte que le Sénat s’est prononcé, puis que l’Assemblée nationale a été saisie du dispositif.
Le Gouvernement avait en outre déposé un projet de loi électorale. Il faut bien reconnaître que ce texte n’a pas recueilli un succès très important. En réalité, hormis le Gouvernement, quasiment personne ne le soutenait ! (M. Pierre-Yves Collombat s’exclame.)
M. Michel Mercier, ministre. Monsieur Collombat, j’aurai l’occasion de vous citer dans quelques instants.
M. Pierre-Yves Collombat. Et moi, je vous répondrai !
M. Michel Mercier, ministre. Mais les écrits engagent encore plus que les paroles !
Après les élections régionales, le Premier ministre a organisé une concertation afin de consulter l’ensemble des formations politiques représentées au Parlement. Certaines n’ont pas répondu, arguant que les décisions étaient déjà prises. D’autres ont marqué leur préférence pour le scrutin majoritaire uninominal à deux tours. D’autres encore n’ont pas affiché une position très claire. Enfin, les dernières se sont exprimées, oralement, plutôt en faveur d’un scrutin mixte.
À l’issue de cette consultation, le Gouvernement a choisi de répondre immédiatement aux demandes émanant d’un certain nombre de parlementaires en incluant les dispositions relatives au mode d’élection des conseillers territoriaux dans le présent projet de loi.
Je rappelle que l’institution du conseiller territorial a été votée par les deux assemblées.
Dès lors qu’il avait décidé d’introduire le mode d’élection dans le projet de loi, le Gouvernement a opté pour le scrutin majoritaire uninominal à deux tours, et ce pour plusieurs raisons, qui sont d’ailleurs excellemment exposées dans le rapport d’information de MM. Maurey et Collombat, fait au nom de la délégation aux collectivités territoriales et à la décentralisation. Je ne prétends pas que tel ou tel sénateur soutient un mode de scrutin ou un autre. Je constate simplement que les analyses contenues dans ce rapport sont excellentes et qu’elles posent bien le débat et ses enjeux.
En matière d’élections locales, l’objectif doit être de trouver un mode de scrutin permettant, d’une part, l’émergence de majorités stables et, d’autre part, la représentation effective du territoire. C’est bien sur ces deux critères que le choix du mode d’élection des assemblées locales doit être fondé. Or, de ce point de vue, à l’évidence, le scrutin majoritaire uninominal à deux tours s’impose.
Le Gouvernement a donc tranché en faveur de ce mode de scrutin, et l’Assemblée nationale a fait de même. Ayant soutenu le système adopté par les députés, le Gouvernement ne peut ni ne veut changer aujourd'hui sa position, qui est désormais connue et établie.
Simplement, nous voulons essayer de convaincre la Haute Assemblée que le scrutin majoritaire uninominal à deux tours, déjà familier aux Français – c’est celui qui est aujourd'hui utilisé, notamment, pour l’élection des conseillers généraux –, est un bon système…
M. Jean-Michel Baylet. Dans ce cas, gardez les conseillers généraux !
M. Michel Mercier, ministre. … et qu’il convient de le reprendre.
C’est pourquoi le Gouvernement partage la position de la commission et émet un avis défavorable sur les amendements nos 551, 269 rectifié et 553.
À cet égard, je voudrais m’exprimer brièvement sur les scrutins mixtes. À titre personnel, je serais plutôt intéressé par une telle formule. En effet, les scrutins mixtes présentent un avantage d’un point de vue intellectuel : notre société étant complexe, elle peut avoir besoin d’un système lui aussi complexe pour représenter sa complexité. Et le scrutin mixte permet effectivement d’évoluer vers une représentation aussi exacte que possible.
Mais, en l’occurrence, il s’agit d’élire les membres d’assemblées territoriales qui ont parfois un faible effectif, notamment en ce qui concerne les départements. Or, dans une assemblée à faible effectif, qui comprend donc quinze, vingt, vingt-cinq, trente ou même cinquante élus, le fait d’attribuer 20 % des sièges au scrutin proportionnel – c’est cela qui est proposé – aurait inéluctablement pour première conséquence de réduire la représentation territoriale…
M. Gérard Longuet. Exact !
M. Michel Mercier, ministre. … au profit de la représentation des idéologies.
Au demeurant, seul un très petit nombre de sièges, peut-être trois, cinq ou sept, seraient pourvus au scrutin proportionnel.
Certains déclarent rechercher une « proportionnelle correctrice ». Je dois vous avouer que la façon dont il est proposé de mettre en œuvre cette notion me paraît paradoxale. En effet, dès lors qu’il y a deux bulletins, il y a deux scrutins et l’électeur doit avoir la liberté d’utiliser ses deux bulletins comme il le souhaite ! Il peut alors très bien voter pour le candidat d’une formation politique donnée avec son bulletin de scrutin majoritaire et pour cette même formation avec son bulletin de scrutin proportionnel.
Dans ces conditions, si l’on veut une proportionnelle correctrice, il ne doit y avoir qu’un seul bulletin. Avec deux bulletins, il s’agit non pas d’une proportionnelle correctrice, mais de deux scrutins juxtaposés !
M. Jean-Marie Vanlerenberghe. Et en Allemagne ?
M. Michel Mercier, ministre. Le système allemand, monsieur Vanlerenberghe, présente une petite particularité que vous oubliez toujours de rappeler…
M. Jean-Marie Vanlerenberghe. Ça va ! Je connais le système par cœur !
M. Michel Mercier, ministre. Que vous connaissiez beaucoup de choses par cœur, je n’en disconviens pas ! Mais vous pouvez tout de même me laisser répondre et aller au bout de mon argumentation.
En Allemagne, le nombre de députés n’est pas fixé d’avance.
Mme Nathalie Goulet. Nous n’avons qu’à en faire autant !
M. Michel Mercier, ministre. Ce n’est pas possible pour les conseillers territoriaux puisqu’un tableau des effectifs fixe strictement le nombre de conseillers territoriaux en général et pour chaque département, afin de tenir compte du critère démographique, qui est essentiel au regard des exigences démocratiques.
Voilà pourquoi le Gouvernement a émis un avis défavorable sur l’amendement n° 553.
L’amendement n° 562 de Mme Dini est subtil. (Exclamations amusées.)
M. Marc Daunis. C’est comme pour les amendements « intelligents » ! Si le ministre dit qu’il est subtil, c’est qu’il n’a aucune chance d’être accepté ! (Sourires.)
M. Michel Mercier, ministre. Toutefois, il soulève un petit problème.
Il nous est proposé de présenter un binôme composé d’une femme candidate et d’un homme candidat, à charge pour les électeurs de déterminer qui sera titulaire et qui sera suppléant. Mais faisons tout de même attention au principe d’intelligibilité de la loi, qui a valeur constitutionnelle. Il faut que chaque électeur comprenne bien ce qu’il fait. Or le système proposé est assez compliqué.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. C’est bien connu, les gens sont tellement stupides…
M. Michel Mercier, ministre. Imaginons un électeur souhaitant que la femme soit titulaire et que l’homme soit suppléant. Imaginons à présent qu’un autre électeur fasse, lui, le choix inverse. Et supposons que ce second électeur obtienne satisfaction. Or, si le premier électeur avait su que cette configuration serait retenue, il aurait peut-être voté pour un autre binôme.
Par conséquent, le principe d’intelligibilité de la loi, qui a valeur constitutionnelle, nous conduit malheureusement à émettre un avis défavorable sur cet excellent amendement.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Eh bien, moi, monsieur le ministre, je n’ai rien compris à vos explications !
M. Michel Mercier, ministre. Sur le sous-amendement n° 581 rectifié, je partage l’avis défavorable exprimé par la commission.
J’ai bien compris que le sous-amendement n° 600 abordait un sujet très important. L’Assemblée nationale, sur proposition de son rapporteur, a voté un seuil de 12,5 % pour le maintien au second tour. Le code électoral, dans sa rédaction actuellement en vigueur, prévoit un seuil au moins égal à 10 % des électeurs inscrits pour les cantonales. Le Gouvernement est défavorable à ce sous-amendement, que nous n’avons pas eu le temps d’étudier complètement puisqu’il nous est parvenu il y a seulement quelques minutes.
Le Gouvernement est défavorable à l’amendement n° 266, pour des motifs que j’ai déjà indiqués, ainsi qu’à l’amendement n° 309, dont l’objet est proche de celui de l’amendement n° 479 rectifié, précédemment rejeté.
Quant à l’amendement n° 267, je ne puis y être favorable. Si le nombre de représentants au conseil régional du département le plus peuplé ne pouvait excéder 50 % du nombre total des conseillers territoriaux, nous entrerions dans un autre système. Il faudrait notamment savoir si les élus accèdent à l’échelon régional par tirage au sort ou étant élus par les autres conseillers territoriaux. Dans ce dernier cas de figure, les conseils régionaux seraient plus proches du conseil d’un EPCI que d’une assemblée territoriale, ce que nous ne souhaitons pas.
M. le président. Mes chers collègues, à la demande de M. Gérard Longuet, président du groupe UMP, nous allons interrompre nos travaux pendant quelques instants. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à vingt-trois heures trente, est reprise à vingt-trois heures quarante-cinq.)
M. le président. La séance est reprise.
La parole est à M. Pierre-Yves Collombat, pour explication de vote sur l'amendement n° 551.
M. Pierre-Yves Collombat. Mon explication de vote portera à la fois sur l’amendement n° 551 et sur l’amendement n° 553, qui en est une déclinaison.
Ces amendements reprennent la proposition qui avait été faite lors de la première lecture, en y apportant néanmoins un certain nombre de modifications : le scrutin majoritaire est à deux tours au lieu d’un ; la répartition des sièges prend en compte la totalité des voix obtenues et non les voix des battus, un peu comme l’avait imaginé Léon Blum ; il y a deux bulletins distincts pour les deux types de scrutin.
Ces modifications, selon moi, ne changent rien à l’affaire : les défauts que nous avions trouvés à ce mode scrutin et qui nous avaient amenés à le repousser en première lecture nous conduisent à ne pas l’accepter en deuxième lecture.
En effet, la dose de proportionnelle accentue l’instabilité du scrutin majoritaire, comme je l’ai souligné tout à l’heure, sans avoir pour autant d’effet réellement correctif en termes de représentation des minorités et en termes de parité, essentiellement parce que les effectifs sont très réduits, de même que la part de sièges pourvus à la proportionnelle.
Par ailleurs, l’articulation entre la partie proportionnelle et la partie majoritaire, avec deux bulletins de vote, n’est pas d’une clarté extraordinaire, même pour les spécialistes : c’est dire ce qu’il en sera pour l’électeur… C’est d’ailleurs l’une des principales critiques qui avait été adressée à cette proposition en première lecture.
Voilà pourquoi nous ne pouvons accepter ces deux amendements présentés par le groupe de l’Union centriste.
M. le président. La parole est à Mme Josiane Mathon-Poinat, pour explication de vote.
Mme Josiane Mathon-Poinat. Monsieur About, le 21 janvier 2010, vous avez déclaré : « Il ne s’agit pas de préjuger des modalités d’élection, mais d’en fixer les grands principes, sans lesquels le groupe Union centriste ne peut se prononcer sur la création du conseiller territorial. » Il est donc bien évident que l’adoption du mode de scrutin conforme à ces principes que vous proposez dans cet amendement est étroitement liée à votre vote sur la création du conseiller territorial. (M. Nicolas About acquiesce.)
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. On ne peut rien vous cacher !
Mme Josiane Mathon-Poinat. Lors de la première lecture, le ministre avait ne pas pouvoir émettre un avis défavorable sur votre amendement introduisant déjà ce mode de scrutin, alors que les amendements déposés par les sénateurs de l’opposition ont tous été rejetés au motif qu’un projet de loi ultérieur viendrait fixer les modalités de l’élection des conseillers territoriaux.
Puisque la création du conseiller territorial est entérinée, on peut estimer, chers collègues de l’Union centriste, que vous avez été floués…
Mmes Nathalie Goulet et Jacqueline Gourault. Tout à fait !
Mme Josiane Mathon-Poinat. La condition sine qua non de votre vote sur le dispositif dans son ensemble n’étant pas satisfaite, il serait logique que vous votiez contre le projet de loi.
Quant à nous, nous ne pouvons pas accepter le mode de scrutin dont vous fixez les principes dans l’amendement n° 551, ni d’ailleurs les modalités d’organisation contenues dans l’amendement n° 553. Nous voterons donc contre ces deux amendements, mais je vous invite, monsieur About, à rejeter l’ensemble du projet de loi !
M. le président. La parole est à M. Hervé Maurey, pour explication de vote.
M. Hervé Maurey. Je crois que l’explication de vote de Pierre-Yves Collombat portait plus sur l’amendement n° 553 que sur l’amendement n° 551. Or ces deux amendements n’ont pas le même objet : l’amendement n° 551 se limite à poser le principe d’un scrutin mixte.
Je voudrais rappeler à l’ensemble de nos collègues que cet amendement est identique à l’amendement adopté par le Sénat en première lecture : nous ne venons pas de le sortir de notre chapeau !
Comme l’a rappelé Mme Mathon-Poinat, en première lecture, l’adoption de cet amendement était la condition posée par le groupe de l’Union centriste pour voter la création du conseiller territorial. Cet amendement a été voté par l’ensemble de la majorité, après qu’il eut d’ailleurs été accueilli positivement aussi bien par la commission que par le Gouvernement.
Je me contente de résumer ce qui s’est passé ensuite : à l’Assemblée nationale, le Gouvernement a changé de pied, pour ne pas dire plus, et décidé de demander l’abrogation de la disposition introduite par notre amendement, après l’avoir soutenue au Sénat.
Nous avons donc redéposé cet amendement et nous estimons bien évidemment qu’il faut le voter.
Tout d’abord, je ne vois pas pourquoi ceux qui l’ont voté en première lecture, ne le voteraient plus aujourd’hui.
Ensuite, M. le ministre a essayé de nous expliquer qu’il avait changé de pied parce que le premier mode de scrutin proposé par le Gouvernement, un scrutin mixte à un tour, ne nous convenait pas. C’est tout à fait vrai ! J’ai été le premier à dire qu’il s’agissait d’une machine à broyer le pluralisme, mais il ne faudrait pas nous faire croire qu’il n’existe qu’un seul mode de scrutin mixte, celui que proposait à l’époque le Gouvernement ! Notre amendement n° 553 en présente d’ailleurs un autre.
Ce serait se livrer à une caricature que de dire que le Gouvernement avait proposé un mode de scrutin mixte et que, puisque les centristes n’en ont pas voulu, on en revient par conséquent au scrutin uninominal à deux tours. Ce ne serait pas honnête, pas plus qu’il n’est honnête de faire dire au rapport d’information de la délégation aux collectivités territoriales ce qu’il ne dit pas.
Je rappelle à MM. les ministres, qui choisissent leurs citations, que ce rapport comporte deux parties : une signée par M. Collombat et une autre signée par moi. Chacun de nous est responsable de sa propre partie et, quel que soit le respect que j’ai pour M. Collombat, si nous n’avons pas cosigné l’ensemble du rapport, c’est que nous n’étions pas d’accord sur tout.
J’ai effectivement dit, pour ma part, que le scrutin majoritaire uninominal à deux tours permettait de représenter efficacement les territoires. Mais il y a d’autres critères à prendre en compte, notamment le pluralisme et la parité, auxquels nous sommes également attachés. L’amendement n° 553 tend donc à instaurer un mode de scrutin qui concilie ces objectifs, avec une forte proportion de sièges attribués au scrutin majoritaire et une proportion sensiblement moindre, 20 %, attribuée à la représentation proportionnelle.
Enfin, je crois qu’il faut voter cet amendement parce qu’il représente le seul moyen de renouer le fil de la confiance entre le Gouvernement et sa majorité. Nous avons été « roulés dans la farine », pour ne pas dire que nous avons été trahis. Je me tourne à nouveau vers le président du groupe UMP pour lui rappeler ce que je disais tout à l’heure à propos des compétences : en agissant comme nous le faisons et en déposant ces amendements, nous rendons service au Gouvernement et à la majorité tout entière, car c’est la seule manière de rétablir la confiance sans laquelle ce texte ne sera pas adopté.
Pour toutes ces raisons, nous devons voter cet amendement, comme nous l’avions fait en première lecture. (Applaudissements sur les travées de l’Union centriste.)
M. le président. La parole est à Mme Catherine Morin-Desailly, pour explication de vote.
Mme Catherine Morin-Desailly. À l’heure où nous abordons cette réforme très importante et nécessaire pour nos collectivités territoriales, je m’interroge réellement sur le visage futur de nos départements et de nos régions, en particulier en 2014. En effet, le projet de loi que nous discutons aujourd’hui se limite à une réforme a minima, je l’ai déjà dit à propos des compétences, lors de la discussion de l’article 35, mais je suis encore plus inquiète en ce qui concerne le mode de scrutin.
Si plusieurs amendements ont été déposés ce soir pour défendre le principe de la parité, c’est bien qu’un réel problème se pose. Pourtant, dès le 23 octobre 2009, Mmes Marie-Jo Zimmermann, Michèle André et Françoise Vilain, présidentes des délégations aux droits des femmes et à l’égalité des chances entre les femmes et les hommes, respectivement, de l’Assemblée nationale, du Sénat et du Conseil économique, social et environnemental – et je salue leur engagement –, vous ont avertis des risques que présentait le projet de loi relatif à l’élection des conseillers territoriaux.
Au-delà même du risque d’inconstitutionnalité, comment ne pas regretter la régression que représente ce texte, tel qu’il est rédigé, au regard de l’objectif de parité ?
Le Gouvernement aurait fait preuve d’une véritable volonté politique en nous proposant un mode de scrutin comportant un mécanisme favorisant la parité et répondant ainsi à l’obligation constitutionnelle.
Aujourd’hui, ce projet de loi de réforme des collectivités territoriales prend une orientation diamétralement opposée à celles des propositions de loi tendant à imposer la parité dans les conseils d’administration des entreprises.
L’amendement déposé par le Gouvernement à l’Assemblée nationale et introduisant l’élection des conseillers territoriaux au scrutin uninominal majoritaire à deux tours favorise sans doute l’ancrage local et la proximité, conformément à l’un des objectifs annoncés de la réforme, mais il ne permet de garantir ni le respect du pluralisme ni la parité.
Pour mémoire, en 2008, les investitures pour les élections cantonales étaient masculines à 80 % et l’on ne compte aujourd'hui, parmi les conseillers généraux, qui sont donc élus au scrutin majoritaire uninominal à deux tours, que 12,3 % de femmes, tandis que, dans les conseils régionaux, celles-ci occupent 47,6 % des sièges.
Des projections de l’Observatoire de la parité entre les femmes et les hommes montrent que, avec le mode de scrutin proposé, les femmes ne représenteraient que 17 % des conseillers territoriaux. On ne peut que s’incliner devant ces chiffres.
Je pense donc que le dispositif proposé par notre collègue Nicolas About représente une solution a minima, qui mérite ce soir toute notre attention si nous voulons au moins enclencher un processus conduisant à une représentation correcte des femmes dans les futures assemblées.
M. le président. La parole est à M. Jean Louis Masson, pour explication de vote.
M. Jean Louis Masson. Le premier projet de mode de scrutin proposé par le Gouvernement était profondément malhonnête. S’il avait été retenu, son application aurait abouti à un véritable déni de démocratie.
Il est évident que nos concitoyens sont très attachés au scrutin uninominal majoritaire à deux tours. Cela étant, il est non moins évident qu’il peut être intéressant de faire aussi une place à la représentation du pluralisme politique, ce qui permettrait en même temps d’avancer dans le sens de la parité.
Je suis d’ailleurs très surpris qu’on ne fasse pas plus de cas d’une des idées développées dans le rapport Balladur : il s’agirait d’appliquer le mode de scrutin uninominal majoritaire à deux tours dans les zones rurales et de mettre en place une représentation proportionnelle dans les zones urbaines. Cela permettrait de résoudre une grande partie des problèmes qui se posent à nous en matière de mode de scrutin.
La plupart des départements de France ont à la fois des zones urbaines et des zones rurales. Or chacun sait bien que la fonction du conseiller général est très différente dans l’un et l’autre cas. En zone urbaine, il est tout à fait légitime d’élire des gens sur une liste, parce que les électeurs votent davantage pour une étiquette politique, alors que, dans les zones rurales, le vote est beaucoup plus personnalisé.
Je crois donc que cette idée déjà largement évoquée dans le passé et reprise dans le rapport Balladur serait tout à fait pertinente, car elle permettrait de répondre à la préoccupation d’une personnalisation du scrutin, grâce au scrutin majoritaire uninominal à deux tours dans les zones rurales, et de garantir la représentation du pluralisme politique et de la parité puisque les villes voteraient à la proportionnelle. Cette combinaison éviterait l’opposition conflictuelle entre la proportionnelle totale, qui ne serait pas satisfaisante, et le scrutin majoritaire sur l’ensemble du territoire, qui tend à réduire le pluralisme et ne fait pas progresser la parité.
M. le président. La parole est à M. François Fortassin, pour explication de vote.
M. François Fortassin. Ce soir, je suis extrêmement embarrassé ! En effet, partant d’un certain nombre d’idées que chacun peut considérer comme valables, à savoir la défense de la parité et d’une certaine forme de pluralisme, on en arrive à nous proposer des solutions qui ne peuvent pas fonctionner.
Le président du groupe du RDSE a très bien dit ce que nous pensions de la création du conseiller territorial ; je n’y reviendrai donc pas.
Nous avons également dit que nous étions attachés au scrutin uninominal majoritaire à deux tours, eu égard à la responsabilité de l’élu face à ses électeurs.
M. Bruno Sido. Absolument !
M. François Fortassin. En définitive, M. Nicolas About nous propose de créer des élus hors-sol, qui n’auront jamais vu ni la jupe d’une électrice ni la vareuse d’un électeur.
Mme Nathalie Goulet. Ni le loup ! (Sourires.)
M. François Fortassin. On pourrait ainsi aboutir à une situation assez insolite, voire cocasse, qui verrait un homme ou une femme se retrouver à la tête de l’exécutif sans…
M. Bruno Sido. Sans culotte ! (Nouveaux sourires.)
M. François Fortassin. … sans qu’un seul électeur se soit prononcé sur son nom !
Ce système ne peut donc pas fonctionner ! C’est pourquoi nous ne le soutiendrons pas.
Je profite de cette intervention pour signaler, très brièvement, que nous ne soutiendrons pas non plus les amendements qui, dans un souci de parité, prévoient des doubles candidatures, avec un homme et une femme : dans un scrutin uninominal majoritaire à deux tours, on ne peut pas voter pour deux personnes à la fois. (Bravo ! et applaudissements sur les travées de l’UMP.)
M. le président. La parole est à M. Gérard Longuet, pour explication de vote.
M. Gérard Longuet. Je voudrais répondre à notre collègue Hervé Maurey, et je le ferai avec beaucoup de gravité.
C’est ensemble que nous avons souhaité cette réforme des collectivités locales et la mise en place du conseiller territorial.
Le groupe Union centriste a effectivement demandé, en particulier lors de la première lecture, au début de l’année, qu’un dispositif électoral faisant une place à la diversité des opinions, à la parité et à la représentation des territoires soit envisagé.
Nous avons travaillé avec beaucoup de bonne volonté dans cette direction, tout en étant attentifs aux travaux de l’Assemblée nationale.
Or plusieurs points apparaissent aujourd'hui clairement.
Tout d’abord, il est impossible de restituer la représentation des territoires en amputant, à hauteur de 20 %, comme vous le proposez, les résultats du scrutin uninominal majoritaire à deux tours au bénéfice de la proportionnelle, laquelle assure une représentation fondée sur un critère strictement démographique. Ce serait une forme de trahison, le conseiller territorial ayant vocation à représenter des territoires diversifiés.
Par ailleurs, nous avons attentivement examiné le fonctionnement du dispositif proposé et il ne permet pas de garantir la diversité, sauf à instituer deux bulletins de vote, comme dans le système allemand, qui est très particulier. En effet, qu’adviendra-t-il en réalité ? Les voix qui ne seront pas attribuées aux candidats élus dans le cadre du scrutin uninominal majoritaire à deux tours iront, de toute évidence, à des candidats non élus, appartenant à la deuxième formation politique. Dans l’immense majorité des cas, ces voix seront donc partagées entre le parti socialiste et l’UMP.
Ainsi, dans la plupart des départements, nous aurons une petite frange d’élus qui ne seront pas enracinés dans un territoire – je ne reprendrai pas la belle démonstration que M. François Fortassin vient de faire avec talent et chaleur – et qui, en outre, seront issus des principales formations. Accessoirement, nous risquons d’ouvrir un des sièges restants à une formation qui n’est représentée nulle part et que l’immense majorité d’entre nous, dans cet hémicycle, ne souhaite pas voir siéger dans les assemblées locales : je parle du Front national.
Par conséquent, ce système ne garantit pas la diversité, n’assure pas la représentation des territoires et privera la vie locale de ses élus enracinés.
Croyez-moi, mes chers collègues, nous avons exploré cette piste avec beaucoup de bonne foi. J’appartiens, à l’intérieur de l’UMP, à une famille de tradition libérale qui n’exclut en rien le scrutin proportionnel. Nous l’avons accepté de bon cœur, avec le président Valéry Giscard d’Estaing, pour les élections européennes ; nous l’avons accepté lorsque les socialistes l’ont introduit pour les élections municipales dans les communes de plus de 3 500 habitants ; nous l’avons accepté pour les élections régionales. L’adopter pour des élections législatives selon le modèle allemand… pourquoi pas ? Mais il s’agit ici de la défense des territoires et, sauf à créer le type de système évoqué par Jean Louis Masson – dans les plus grands départements, une représentation proportionnelle des populations urbaines, ce qui renforcerait les principaux partis, dont un parti marginal qui n’est pas représenté aujourd'hui, et personne ne s’en plaint –, il est impossible de restituer la représentation des territoires avec un système mixte.
Ayant cheminé en toute bonne foi à vos côtés, chers collègues de l’Union centriste, pour trouver la solution, nous constatons aujourd’hui que, à moins de méconnaître le rôle des conseillers territoriaux – à savoir représenter l’ensemble des territoires et leur diversité –, il est impossible de vous accompagner plus loin. (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)