M. le président. La parole est à M. Didier Guillaume, pour explication de vote.
M. Didier Guillaume. J’ai bien écouté M. le rapporteur et je tiens à lui répondre que l’opposition n’est pas forcément la seule à se contredire.
En effet, il serait temps que le Gouvernement définisse une stratégie industrielle pour l’industrie nucléaire, en France et dans le monde, car force est de constater qu’il n’en a aucune pour l’instant.
Cette absence de véritable stratégie est démontrée par l’échec patent des entreprises françaises répondant en ordre dispersé au contrat d’Abu Dhabi. (Mme Nathalie Goulet approuve.) Les 25 milliards d’euros – ou de dollars d’ailleurs, je ne sais plus ! – qui auraient pu tomber dans les caisses de nos entreprises iront enrichir la Corée du Sud. Ce pays s’est révélé meilleur que la France, qui est pourtant à l’origine de l’industrie nucléaire, de la sécurité nucléaire, qui su développer une Autorité de sûreté nucléaire, l’ASN, meilleur « policier » de la sûreté nucléaire au monde ! Nous avons tous vu le Président de la République demander aux uns et aux autres – à l’une et à l’autre ! – de se mettre d’accord pour avancer. Mais l’expérience a prouvé que cette stratégie manque de lisibilité et de visibilité.
En ce moment, nous nous envoyons des arguments à la figure sur la nécessité de prolonger telle ou telle centrale de dix ans ou de vingt ans, sur l’opportunité de construire une nouvelle centrale, de le faire maintenant, puisque le Grenelle de l’environnement a eu lieu, ou en 2020, etc. Aujourd’hui, nous voyons très bien que, sur l’énergie nucléaire, la majorité parlementaire comme le Gouvernement sont traversés de courants différents. Or, notre pays a besoin d’une vision claire de ce que doit être l’énergie du futur : il faut réaffirmer que nous sommes favorables au mix énergétique – l’objectif des « trois fois vingt » –, que les énergies renouvelables sont essentielles et que, s’agissant du problème crucial des émissions de gaz à effet de serre, l’industrie nucléaire apporte une réponse à ce grand défi mondial.
M. Marc Daunis. Très bien !
M. Didier Guillaume. À un moment ou à un autre, il faudra bien prendre des décisions. Si ces dernières n’interviennent qu’après 2020, nous verrons bien, comme vous l’avez dit, monsieur le rapporteur, qui sera en charge du gouvernement à ce moment-là. Mais la question n’est pas de savoir si la droite sera remplacée ou non par la gauche – bien sûr, les intervalles de succession nous paraissent parfois trop longs et nous aimerions revenir plus vite aux affaires ! Mais si des choix précis quant à la stratégie nucléaire française, en interne et à l’exportation, n’interviennent pas du fait d’arbitrages non rendus ou de divisions au sein même de la majorité, il sera trop tard en 2020.
M. Jean-Jacques Mirassou. Tout à fait !
M. Didier Guillaume. L’enjeu est clair : soit nous prenons le risque d’être disqualifiés aux yeux du monde, voire de la France, soit nous prenons une décision maintenant. Mais il ne me paraît pas sérieux de nous renvoyer les uns aux autres que nous étions dans la majorité ou l’opposition à telle ou telle époque. Aujourd’hui, c’est vous qui exercez la responsabilité du pouvoir, on verra ce qui se passera après 2012…
M. Charles Revet. Ce sera encore nous !
M. Didier Guillaume. Peut-être serez-vous encore au pouvoir, peut-être d’autres y seront-ils, nous verrons bien. En tout cas, renvoyer la prise de décision après 2020 reviendrait non seulement à commettre une faute, mais aussi à disqualifier la stratégie de l’industrie nucléaire française. (Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à M. Claude Bérit-Débat, pour explication de vote.
M. Claude Bérit-Débat. M. le rapporteur a reproché à Roland Courteau d’être hors sujet, alors que notre collègue avait entièrement raison : ce projet de loi n’est qu’une étape dans le processus de libéralisation du marché de l’électricité.
En effet, l’étape suivante consistera à permettre à des opérateurs privés de participer à l’exploitation des centrales nucléaires d’EDF. Ce n’est d’ailleurs qu’à ce moment-là, quand EDF aura entièrement perdu son monopole, de la production à la distribution, que les hérauts de la libéralisation pourront savourer définitivement leur victoire.
Il est inutile de se demander, à ce moment du débat, qui bénéficiera effectivement de cette privatisation. Le présent projet de loi va provoquer une augmentation démesurée des prix de l’électricité pour les consommateurs, qu’il s’agisse d’ailleurs des industriels ou des ménages, nous le savons tous. On se doute aussi que la privatisation de l’actionnariat des centrales ne bénéficiera ni aux ménages ni à l’industrie. En revanche, nous sommes sûrs que ce projet de loi conduira à poser dans un futur proche la question de l’exploitation des centrales nucléaires.
Plusieurs membres de notre assemblée considèrent d’ailleurs que cette option aurait déjà dû être retenue dans le cadre de ce projet de loi. Les propos de M. le rapporteur sont explicites de ce point de vue : dès la première page de son rapport, il exprime le regret que le Gouvernement n’ait pas choisi « d’ouvrir la propriété des centrales nucléaires d’EDF aux participations des autres fournisseurs et des gros consommateurs d’électricité ». Sans doute estimez-vous, monsieur le rapporteur, que la décision du Gouvernement n’est pas assez rentable pour les concurrents de l’opérateur historique ! Nous considérons, au contraire, que les fournisseurs privés obtiendront déjà beaucoup avec ce projet de loi, s’il est adopté, et qu’il est nécessaire de poser quelques garde-fous pour l’avenir.
Les arguments en faveur de participations privées dans les centrales sont bien connus et, comme l’a dit Roland Courteau, cette pratique a déjà cours au Tricastin : elle permettrait à EDF de partager le risque industriel et d’alléger son endettement. Mais il y a un pas qu’on ne saurait franchir entre les avantages supposés d’une ouverture des centrales nucléaires aux opérateurs privés et les conséquences de ce choix sur notre modèle de production énergétique.
Aujourd’hui, le parc nucléaire français est une réussite : il a fourni la preuve de son efficacité. Il a même été trop efficace, si l’on peut dire, puisque la libéralisation du secteur est justifiée, en fin de compte, par la rente nucléaire. Ce succès a été rendu possible parce qu’une entreprise, EDF, existe et a agi de manière planifiée. Est-il sûr que cet avantage sera préservé en privatisant les centrales ? Absolument pas ! Et ce n’est pas l’objectif premier de la libéralisation en cours.
Nous pensons pour notre part que l’existence d’EDF, son importance dans notre politique énergétique, son rayonnement international doivent pouvoir être garantis. Nous pensons également que la gestion de son parc nucléaire doit être assurée en fonction d’impératifs de développement, de sécurité et de croissance qui ne sont pas compatibles avec une stricte vision concurrentielle à court terme.
Quant à l’efficacité d’une privatisation, en termes d’impératifs de service public, elle reste encore à démontrer : la France n’a heureusement jamais eu à vivre l’expérience de la Californie et l’on ne peut que s’en réjouir.
La vérité est que le nucléaire français est à l’origine d’une rente que lorgnent les opérateurs privés. Si ce projet de loi est adopté, ils vont en capter une part. Si, demain, on privatise les centrales nucléaires, ils la capteront en entier, mais sans aucun profit pour les consommateurs, ni aucune garantie d’amélioration de la compétitivité et de la sûreté de notre réseau d’énergie.
Pour toutes ces raisons, il est nécessaire, comme je l’ai déjà dit, d’introduire des garde-fous dans ce projet de loi. Tel est l’objet du présent amendement, déposé par le groupe socialiste, qui tend à réserver l’exploitation des centrales nucléaires aux personnes morales dont le capital est public à hauteur de 70 % au moins.
C’est à mon sens la moindre des choses de préserver le modèle énergétique français et de donner un pouvoir au peuple, comme l’a dit mon collègue Didier Guillaume.
M. le président. La parole est à M. Roland Courteau, pour explication de vote.
M. Roland Courteau. Monsieur le rapporteur, vous avez évoqué le fait que des gouvernements successifs, de gauche et de droite, avaient pris des décisions concernant l’ouverture du secteur de l’énergie nucléaire aux entreprises privées. Mais nous ne parlons pas de la même chose !
Je le répète, il n’est pas vrai que Fessenheim, Cattenom, Bugey et d’autres centrales actuellement en fonctionnement aient fait l’objet d’une ouverture de capital. Non ! Actuellement, aucune entreprise privée ne détient une participation capitalistique dans les centrales nucléaires. En revanche, des « contrats en participation » existent et cette notion ne recouvre absolument pas la même réalité. Dans le cadre de ces contrats, les principes de gouvernance n’ont rien à voir avec ce qu’ils seraient dans un montage financier avec prise de participation capitalistique.
Le contrat en participation ne prévoit ni droit de gouvernance ni participation aux décisions opérationnelles, industrielles ou financières, ce qui n’est pas le cas lors d’une prise de participation capitalistique.
M. Ladislas Poniatowski, rapporteur. N’employez pas ces termes ! Vous pouvez argumenter de la sorte pour tous les amendements, je n’ai jamais dit cela !
M. Roland Courteau. Monsieur le rapporteur, vous avez bien évoqué une ouverture du capital des centrales en commission. Je vous invite à vérifier ce point.
Dans le cas d’une prise de participation capitalistique, schéma juridique qui n’existe pas sur le parc nucléaire français actuellement, le tiers ou partenaire disposerait d’un droit à percevoir des dividendes, de droits de tirage de l’électricité, de droits de vote, d’un droit à revendre sa part, d’un droit d’information et de transparence sur le savoir-faire nucléaire.
Par conséquent, on ne peut pas prétendre que des précédents existent aujourd’hui en matière d’ouverture du capital des centrales. Sont mis en œuvre, je le répète une nouvelle fois, des contrats en participation, auxquels nous ne sommes d’ailleurs pas opposés.
Cela étant dit, monsieur le secrétaire d’État, je vous ai précédemment interrogé sur les nouveaux projets d’EPR de Flamanville et de Penly. Peut-on nous éclairer sur le type de partenariats et sur les montages financiers envisagés dans le cadre de ces projets ?
M. le président. La parole est à M. Gérard Le Cam, pour explication de vote.
M. Gérard Le Cam. Nous nous abstiendrons sur l’amendement n° 40, tout comme nous nous sommes abstenus sur l’amendement n° 256 rectifié bis. Cette position ne traduit pas une hostilité à ces propositions. Elle s’explique simplement par le fait que le groupe CRC-SPG est favorable à un pôle public – public à 100 % – de l’énergie.
Il faut peut-être rappeler qu’à l’issue de la Seconde Guerre mondiale le monde capitaliste ne s’est pas précipité pour s’engager dans l’électrification de la France, pas plus qu’il ne s’est montré enthousiaste vis-à-vis de l’aménagement des chemins de fer. Ce n’était pas rentable. Aujourd’hui, grâce aux contributions apportées par les Français au fil des décennies, nous disposons d’un outil performant, notamment d’un outil nucléaire exceptionnel sur le plan mondial, et l’affaire devient juteuse.
Alors, comme par hasard – ou plutôt parce que le secteur est devenu rentable –, il faudrait partager avec le monde capitaliste.
En définitive, nous ne sommes pas en train de parler d’énergie. Nous parlons de gros sous, de rendement capitalistique, alors que, selon moi, l’essentiel est de mettre l’énergie au service des populations françaises et européennes, au meilleur prix. Ce n’est pas du tout la direction que nous prenons avec ce projet de loi !
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 40.
(L'amendement n'est pas adopté.)
(M. Roland du Luart remplace M. Gérard Larcher au fauteuil de la présidence.)
PRÉSIDENCE DE M. Roland du Luart
vice-président
M. le président. L'amendement n° 42, présenté par MM. Courteau, Raoul, Botrel, Bourquin, Daunis, Guillaume et Mirassou, Mme Nicoux, MM. Rainaud, Repentin, Teston, Bérit-Débat, Berthou et Besson, Mme Bourzai, MM. Guérini, Jeannerot, Mazuir, Sergent et les membres du groupe Socialiste et apparentés, est ainsi libellé :
Avant l'article 1er, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Toute nouvelle organisation du marché de l'électricité ne peut se faire avant l'adoption d'une directive cadre relative aux services d'intérêt économique général.
La parole est à M. Roland Courteau.
M. Roland Courteau. Cet amendement a pour objet de rappeler que la France s’était engagée à ce que soit adoptée une directive-cadre relative aux services d’intérêt économique général.
C’est une exigence que Lionel Jospin, alors Premier ministre, avait fait valoir lors du conseil européen de Barcelone en 2002 : l’adoption d’une directive-cadre sur les services d’intérêt économique général devait être une condition sine qua non de l’ouverture maîtrisée à la concurrence des différents secteurs composant le marché intérieur. C’est un engagement qu’il a obtenu des autres États membres européens, avec le soutien entier du président de la République de l’époque.
Or, à notre grand regret, monsieur le secrétaire d’État, le gouvernement dont vous faites partie ne s’est pas senti tenu par cet engagement.
Le groupe socialiste du Sénat ne s’est pas contenté de réclamer cette directive-cadre. Par le dépôt, il y a un an, d’une proposition de résolution européenne, il a choisi de prendre les devants pour relancer le débat et démontrer que cette condition, tout à fait réalisable, ne demandait désormais qu’un peu de volonté politique.
Les orientations et la teneur de ce projet de loi démontrent, une fois de plus, la nécessité absolue de l’adoption d’une telle législation. En effet, on voit bien dans ce texte combien le service public de l’électricité et, en particulier, les tarifs réglementés peuvent être mis à mal.
On oublie également souvent que le conseil européen de Barcelone avait fixé, comme autre condition à l’ouverture maîtrisée à la concurrence des marchés de l’énergie, le bilan des conséquences de la libéralisation de ces marchés. Nous attendons toujours ce bilan !
Un troisième paquet énergie a, depuis lors, était adopté, avec le soutien de l’actuel gouvernement et sans que vous ayez, depuis 2002, demandé à la Commission européenne le respect de cette condition.
L’accord que le Premier ministre a conclu avec la commissaire Neelie Kroes, l’an dernier, aurait dû être l’occasion de rappeler la nécessité de remplir ces deux engagements.
Nous ne devrions même plus avoir à en faire état…
À quoi servent les débats sur les projets de loi s’ils ne permettent pas de prendre en compte les demandes des parlementaires ? Nous ne cessons de rappeler au Gouvernement la nécessité de respecter les engagements pris par la France en mars 2002.
Chers collègues de la majorité, cessez donc de faire croire que les socialistes ont tenu une double posture, selon qu’ils étaient au gouvernement ou dans l’opposition. Nos convictions ont toujours été les mêmes, que nous soyons en responsabilité ou non. Comme nous vous l’avons répété en commission, les gouvernements de gauche n’ont jamais accepté la libéralisation intégrale du marché de l’électricité pour les particuliers.
Cessez également de rappeler les responsabilités des socialistes à chaque texte consacré au démantèlement des services publics. Les vôtres ont été bien plus grandes !
Vous nous obligez systématiquement à rappeler et à rétablir les faits. Cet exercice est lassant, d’autant que les orientations de ce texte – et le souhait du rapporteur d’aller encore plus loin dans les cessions de propriété des centrales nucléaires – ne laissent aucun doute sur vos choix, faits de longue date, et rendent dérisoires vos tentatives de faire porter aux socialistes la responsabilité de la situation actuelle.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Ladislas Poniatowski, rapporteur. Je ne relèverai pas la fin de l’intervention qui vient d’être faite, en espérant que mon collègue Roland Courteau ne reviendra pas sur ce sujet à chaque fois que nous examinerons un des 270 amendements déposés sur ce texte.
M. Roland Courteau. Eh si !
M. Ladislas Poniatowski, rapporteur. Pour répondre plus sérieusement à votre demande, cher Roland Courteau, je ne suis pas certain que la France soit en position de demander à ses vingt-six partenaires européens l’adoption d’une directive-cadre relative aux services d’intérêt économique général. Vous auriez pu vous épargner toute cette démonstration, en demandant simplement que le projet de loi NOME soit repoussé aux calendes grecques. Exiger qu’une directive-cadre soit élaborée avant son examen revient effectivement au même.
La commission émet donc naturellement un avis défavorable sur cet amendement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Benoist Apparu, secrétaire d'État. Je partage évidemment l’analyse de M. le rapporteur et émets un avis défavorable sur cet amendement.
Je ferai simplement un rappel sur le sujet : la France est sous le coup de deux procédures et, si nous repoussons aux calendes grecques l’adoption du projet de loi NOME, comme le souhaite M. Roland Courteau, la conséquence très concrète sera la condamnation de la France et des entreprises françaises à rembourser des milliards d’euros. Cet élément est peut-être insignifiant pour certains, mais, j’y insiste, l’adoption de cet amendement ne conduira qu’à une seule chose : une amende de plusieurs milliards d’euros dont les entreprises françaises, notamment les PME, devront s’acquitter.
Je crois qu’aucun des membres de cette assemblée, qu’il siège à droite ou à gauche de cet hémicycle, ne souhaite en arriver là.
M. le président. La parole est à M. Jacques Blanc, pour explication de vote.
M. Jacques Blanc. M. Roland Courteau a parlé tout à l’heure de double posture. Pour ma part, je parlerai de double langage : cessons de laisser penser que les positions des socialistes en Europe sont celles qu’il a exposées !
M. Ladislas Poniatowski, rapporteur. Très bien !
M. Jacques Blanc. J’ai eu l’honneur de présider le Comité des régions de l’Union européenne et je peux vous dire que, au cours de nos longs débats, les socialistes des pays du Nord – l’Allemagne notamment – comme des pays du Sud étaient les plus ardents défenseurs de la libéralisation.
Arrêtons aussi de faire un procès à l’Europe !
Nous évoquons sans cesse les contraintes qu’elle nous impose, mais aujourd’hui, chers collègues de l’opposition, nous vendons et achetons de l’électricité à d’autres pays. Aujourd’hui – et c’est heureux –, des systèmes d’échanges d’énergie existent entre les pays d’Europe, permettant à chacun des partenaires de faire appel aux autres en cas de pic de consommation. Demain, il y aura même une grande boucle euroméditerranéenne d’échanges énergétiques.
C’est tromper tous ceux qui nous entendent que de prétendre que nous pourrions mener une politique fermée sur nous-mêmes en matière d’électricité ! C’est peut-être même grâce à l’Europe que nous pourrons trouver des solutions dans ce domaine, nous permettant de bénéficier des choix que les décideurs politiques ont eu le courage de faire.
Au sein de l’opposition, un certain nombre d’élus se sont battus, à l’époque, contre le nucléaire. D’autres responsables politiques ont eu le courage de soutenir les choix proposés sous la Ve République, dans la foulée de la IVe République, en faveur de l’énergie nucléaire.
N’ayons pas de complexes ! Aujourd’hui, nous travaillons pour permettre à EDF de garder la propriété de son patrimoine, vendre de l’électricité et collaborer avec d’autres opérateurs. Arrêtons de nous flageller et, surtout, ne laissons pas croire que vos amis socialistes, au pouvoir en Europe, ont d’autres positions que celles du gouvernement français ! (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)
M. le président. La parole est à M. Jean-Jacques Mirassou, pour explication de vote.
M. Jean-Jacques Mirassou. Pour répondre à notre collègue Jacques Blanc, je dirai qu’il ne peut pas y avoir, dans la même discussion, au même moment, deux types d’Europe. Il est d’abord question de l’Europe dont les injonctions nous seraient imposées. Je relève au passage que personne ici n’est au courant des relations épistolaires qu’ont pu entretenir M. François Fillon et les commissaires concernés. Puis M. le rapporteur nous explique qu’il serait chimérique d’envisager la mise en place d’une directive-cadre relative aux services d’intérêt économique général et, dans tous les cas, que cette directive ne sera pas à portée de nos mains avant plusieurs décennies.
Je suis d’accord sur un point. Effectivement, compte tenu des enjeux stratégiques d’indépendance industrielle qui ont été évoqués par plusieurs de nos collègues, nous ne pourrons pas faire l’impasse sur la masse critique que l’Union européenne représente dans ce domaine.
M. Didier Guillaume. Bien sûr !
M. Jean-Jacques Mirassou. Encore faut-il qu’existe à l’échelon gouvernemental la volonté politique d’affirmer, dans un premier temps, le principe de cette directive-cadre et que l’on se donne les moyens de défendre, comme nous l’avons préconisé, le savoir-faire et le patrimoine français en termes de production d’énergie.
Or, très franchement, je suis tenté de dire que nous jouons petit bras depuis le début de la discussion et que ce véritable enjeu national et, au-delà, européen est mis de côté. Pourtant, ce projet de loi se veut parfaitement novateur dans le domaine de la production et de la distribution d’énergie.
D’ailleurs, cette explication de vote, faite au nom de mon groupe, nous ramène à la demande formulée tout à l’heure, à savoir le renvoi de ce texte en commission sur la base des véritables enjeux, tels qu’ils ont été exposés par un certain nombre d’entre nous.
Quoi qu’il en soit, chers collègues de la majorité, faites-nous grâce d’un débat par trop schématique, voire, d’un certain côté, manichéen, quand nous faisons la démonstration, sur ces rangs, que nous avançons des propositions de bon sens sur un registre très précis, engageant l’avenir de notre pays et de ses habitants. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques.
L'amendement n° 43 est présenté par MM. Courteau, Raoul, Botrel, Bourquin, Daunis, Guillaume et Mirassou, Mme Nicoux, MM. Rainaud, Repentin, Teston, Bérit-Débat, Berthou et Besson, Mme Bourzai, MM. Guérini, Jeannerot, Mazuir, Sergent et les membres du groupe Socialiste et apparentés.
L'amendement n° 258 rectifié bis est présenté par MM. Collin, Alfonsi, Barbier, Baylet et Detcheverry, Mme Escoffier, M. Fortassin, Mme Laborde et MM. Mézard, Milhau, Plancade, Tropeano et Vall.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Avant l'article 1er, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Toute nouvelle organisation du marché de l'électricité ne peut remettre en cause le caractère de bien de première nécessité de l'électricité, matérialisant le droit de tous à l'électricité.
La parole est à M. Daniel Raoul, pour présenter l’amendement n° 43.
M. Daniel Raoul. À l’évidence, l’examen de ce projet de loi nécessite que nous rappelions au Gouvernement et à sa majorité que, conformément à l’article 1er de la loi du 10 février 2000 relative à la modernisation et au développement du service public de l’électricité, l’électricité reste, comme l’eau, un bien de première nécessité devant être traité comme tel.
Nous craignons que ce projet de loi ne conduise à une véritable détérioration du service public de l’électricité. Il est de la responsabilité du Gouvernement de faire respecter sa qualité. Or nous apprenions la semaine dernière, par le médiateur de l’énergie, qu’EDF a indûment refusé d’appliquer le tarif social de l’électricité à certains clients, en faisant une interprétation erronée du décret d’application de ce tarif. Depuis 2005, c’est-à-dire sans contrôle public depuis cinq ans, 30 000 clients, parmi les plus pauvres, ont ainsi été privés de ce tarif de première nécessité.
L’adoption de ce projet de loi ne devrait pas arranger les choses : les producteurs alternatifs ne seront pas soumis à cette obligation de service public.
Cette situation est d’autant plus grave que, contrairement à ce qu’on a voulu nous faire croire – mais, aujourd’hui, devant les faits, tout le monde est d’accord –, la libéralisation des marchés de l’énergie conduit inexorablement à une augmentation généralisée des tarifs.
Enfin, je peux comprendre que vous ayez fait une erreur en 2002. Errare humanum est, perseverare diabolicum…
La hausse des tarifs de 3,4 % en moyenne depuis le 15 août a touché plus de 28 millions de consommateurs et 4 millions d’entreprises, alors que les conséquences de la mise en œuvre de la future loi NOME que la Commission de régulation de l’électricité, la CRE, a déjà annoncées devraient encore entraîner une augmentation de 3,5 % pour les prochaines années.
Une libéralisation accrue du secteur de l’électricité conduira à de plus fortes hausses, comme celles que pratique aujourd’hui GDF-Suez.
Cette envolée des tarifs dans le secteur de l’électricité, conjuguée à celle qui est pratiquée dans celui du gaz détériorera encore plus le pouvoir d’achat des Français, pourtant déjà fortement affecté par l’explosion du chômage et la stagnation des salaires, et aggravera la précarité énergétique qui touche un nombre croissant de ménages. Je suis persuadé, mes chers collègues, que vous êtes confrontés à de telles situations dans vos centres communaux d’action sociale, ou CCAS.
À l’avenir, de plus en plus de foyers seront éligibles au tarif social. Il nous paraît donc essentiel de rappeler l’importance du respect de l’article 1er de la loi de 2000, non seulement en raison d’une fragilisation du tarif social, mais parce qu’un bien de première nécessité est un bien public dont le respect doit profiter à l’ensemble de la collectivité. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à M. Robert Tropeano, pour présenter l'amendement n° 258 rectifié bis.