Mme Évelyne Didier. Pour prolonger le propos de notre collègue Roland Courteau, je souhaite vous faire part de ce que je constate aujourd’hui dans ma commune : les personnes âgées sont systématiquement démarchées ; on leur explique qu’elles ne risquent rien et leur fournisseur change sans qu’elles s’en rendent compte. Il y a quand même un problème dans le beau monde qu’on est en train de nous bâtir !
L’article 1er du projet de loi définit, dans son alinéa 7, les conditions dans lesquelles la Commission de régulation de l’énergie devra partager le gâteau entre les opérateurs privés – puisque c’est bien de cela qu’il s’agit !
Les députés ont précisé que les volumes alloués au titre de l’ARENH le seront sur la base de prévisions de ventes. Nous demandons, quant à nous, que ledit partage se fasse sur la base des ventes réalisées, et donc avérées, de l’opérateur privé.
La question des nouveaux entrants pourrait éventuellement soulever des problèmes dans la mesure où leur accès à l’ARENH serait différé. Cependant, les conditions étant les mêmes pour tous les opérateurs privés, cette mesure ne créerait pas de discriminations entre eux.
Il nous semble que le recours aux prévisions des fournisseurs, sans aucune garantie sérieuse quant à leur réalisation, constitue un élément trop incertain dans la répartition envisagée, d’autant que les sanctions prévues restent largement insuffisantes et donc peu dissuasives. En effet, le paragraphe V de l’article 1er prévoit un mécanisme de régularisation, destiné à jouer seulement si le volume maximal d’électricité alloué à chaque fournisseur au titre de l’accès régulé à l’électricité de base, l’ARB, calculé de manière prévisionnelle, excède les ventes effectives de ce fournisseur constatées a posteriori sur le territoire métropolitain continental. La CRE devrait notifier au fournisseur le complément de prix qu’il devra à EDF.
En fait, la sanction s’apparente à une avance sur trésorerie pour l’opérateur privé : ce n’est pas une vraie sanction ! Cette avance est assez intéressante puisque, et c’est un minimum, le complément de prix doit être au moins égal à l’écart moyen entre le prix de l’ARB et les prix observés sur les marchés.
Quels prix, quels marchés, à quel moment ? Autant de questions sans réponse, qui déterminent pourtant largement le niveau du prix ! En effet, en l’état actuel du projet de loi, un décret en Conseil d’État devra définir les modalités de calcul du complément de prix. Il est simplement précisé que ce complément tiendra compte « du coût de financement lié au caractère différé de son règlement » et de « l’ampleur de l’écart entre la prévision initialement faite par le fournisseur et la consommation constatée de ses clients finals sur le territoire métropolitain ».
Ce mécanisme de régularisation qui vise à éviter les abus dans l’évaluation des prévisions nous semble peu performant. C’est pourquoi nous vous demandons d’adopter notre amendement qui, je le répète, applique la même règle à tous les intervenants.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Ladislas Poniatowski, rapporteur. La commission a émis un avis défavorable.
Premièrement, les auteurs de ces amendements veulent figer la situation. Selon eux, chacun des fournisseurs concurrents devrait déclarer en début d’exercice ses clients français et n’aurait pas le droit d’envisager de gagner des clients dans l’année. Mais les choses ne se passent pas ainsi dans la réalité : la situation évolue ! Pourquoi EDF n’a-t-il conservé que 85 % de ses clients industriels ? Parce que des entreprises sont allées se fournir ailleurs… Dans la réalité, ça bouge ! La situation n’est pas plus figée en France qu’à l’étranger et il faut qu’elle continue d’évoluer. Je rappelle que, si cette loi est nécessaire, c’est parce que Bruxelles reproche à notre marché de l’électricité d’être insuffisamment ouvert.
Ces amendements sont donc contraires non seulement à l’esprit même du projet de loi, mais à la réalité : les entreprises clientes veulent faire jouer la concurrence, elles veulent pouvoir faire pression sur EDF en le menaçant de s’adresser à un concurrent s’il ne leur accorde pas de meilleures conditions. La réalité du marché est évolutive, et c’est tant mieux !
Deuxièmement, le contrôle est tout à fait facile à exercer, cher Roland Courteau : il sera effectué en fin d’année. On pourra vérifier, en fonction des estimations des fournisseurs concurrents, s’ils ont effectivement eu les clients annoncés en début d’exercice. Des sanctions sont prévues dans le cas où les ventes effectives auront été inférieures aux prévisions.
Ces sanctions sont sévères, chère Evelyne Didier ! Je vous renvoie à l’article 7 du projet de loi : elles peuvent atteindre 8 % du chiffre d’affaires de ces fournisseurs, voire 10 % en cas de récidive. Ce n’est pas négligeable ! Je puis vous assurer que les fournisseurs feront attention, en début d’année, lorsqu’ils annonceront à la CRE le chiffre d’affaires qu’ils prévoient de réaliser et le volume d’électricité qu’ils souhaitent obtenir : ils calculeront au plus près. L’article 7 répond donc à vos inquiétudes concernant les sanctions.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Benoist Apparu, secrétaire d’État. Le Gouvernement émet également un avis défavorable.
En effet, nous souhaitons encourager les nouveaux fournisseurs. Si l’on fige en première année leur droit à l’ARENH, on ne les encourage pas à entrer sur le marché.
En revanche, et je rejoins les auteurs de ces amendements sur ce point, il ne faut pas que les fournisseurs demandent une allocation d’électricité au titre de l’ARENH évaluée de façon totalement déraisonnable. C’est pourquoi, en fin d’année, un calcul sera réalisé pour évaluer, le cas échéant, les écarts entre les prévisions et la consommation finale. Si une différence est constatée, le fournisseur devra la payer au prix du marché : il ne bénéficiera plus du prix de l’ARENH sur le « trop-plein » de clients qu’il s’est inventé.
Ce dispositif me paraît équilibré : il encourage les fournisseurs à démarcher des clients, d’une part, et les sanctionne s’ils n’ont pas respecté leurs engagements, d’autre part. C’est la raison pour laquelle j’estime, comme M. le rapporteur, que les nouveaux fournisseurs calculeront au plus juste leurs besoins sur une année donnée.
M. le président. La parole est à M. Gérard Le Cam, pour explication de vote.
M. Gérard Le Cam. Quelque chose m’intrigue et m’amuse à la fois : si votre loi ne fonctionne pas, messieurs les ministres, si les Français se comportent comme ils se sont comportés jusqu’à présent, autrement dit si les entreprises restent fidèles à l’opérateur historique, que va-t-il se passer ? L’Union européenne va-t-elle nous punir une deuxième fois ? Irez-vous ventre à terre négocier au rabais une nouvelle reddition ? J’aimerais connaître votre opinion sur ce sujet !
Mme Odette Terrade. Excellente question !
M. le président. La parole est à M. Roland Courteau, pour explication de vote.
M. Roland Courteau. Une chose est sûre : nombreux sont les fournisseurs qui seront tentés de gonfler leur clientèle potentielle. Je persiste à dire que les abus seront nombreux. Il faudra, alors, que les contrôles et les sanctions soient effectivement au rendez-vous. Nous verrons bien qui de nous aura eu tort !
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 61 et 160.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
M. le président. L’amendement n° 58, présenté par MM. Courteau, Raoul, Botrel, Bourquin, Daunis, Guillaume et Mirassou, Mme Nicoux, MM. Rainaud, Repentin, Teston, Bérit-Débat, Berthou et Besson, Mme Bourzai, MM. Guérini, Jeannerot, Mazuir, Sergent et les membres du groupe Socialiste et apparentés, est ainsi libellé :
Alinéa 7, première phrase
Après les mots :
métropolitain continental
insérer les mots :
ainsi que de sa propre production d’électricité de base
La parole est à M. Marcel Rainaud.
M. Marcel Rainaud. Nous avons défendu tout à l’heure un amendement qui s’inscrivait dans la même problématique que celui-ci : il s’agissait de prendre en compte, dans le calcul de l’ARENH, les contrats de participation de fourniture que certains fournisseurs ont avec EDF.
Dans le cas présent, il s’agit de limiter l’accès régulier à l’électricité nucléaire historique pour les producteurs qui sont aussi producteurs d’électricité de base. Nous considérons qu’il n’y a aucune raison pour qu’un fournisseur, qui détient aussi, dans son portefeuille de production, de l’électricité de base puisse bénéficier de l’ARENH : il semble tout à fait logique que l’on puisse déduire de son allocation au titre de l’ARENH le volume de l’électricité de base dont il dispose lui-même. Cela vaut aussi, évidemment, pour l’électricité hydraulique produite au fil de l’eau.
Il est bon de rappeler que le principal concurrent d’EDF, en l’occurrence GDF-Suez, possède pratiquement la moitié – 49,90 % – du capital de la Compagnie nationale du Rhône, la CNR, laquelle produit 16 térawattheures d’hydroélectricité au fil de l’eau. Lors de la prise de contrôle de la CNR, en 2003, le président de Suez insistait sur le fait que cette production permettait à son groupe d’être « particulièrement compétitif sur le marché français, avec une énergie produite à bas prix ». On peut rappeler qu’en 2003 le coût de production de la CNR était effectivement particulièrement compétitif puisque, à l’époque, les prix de marché étaient inférieurs au tarif réglementaire, soit 30 euros.
Ainsi, le principal concurrent d’EDF dispose d’une grande quantité d’électricité – 8 térawattheures, soit une fois et demie la production d’une tranche nucléaire du Tricastin –, dont les coûts de production sont encore sans doute inférieurs à ceux du nucléaire historique.
Le rapport annuel de la CNR pour 2008 précisait : « Les ventes nettes d’électricité ont enregistré une très importante croissance liée à la hausse des prix. Elles s’établissent à plus d’un milliard d’euros. […] Cette performance est le résultat d’une politique de placement optimisée sur les marchés […]. En 2008, la CNR a pu profiter, grâce à son modèle intégré, d’un contexte particulièrement propice avec un prix spot en augmentation de 69 % par rapport à 2008. Ses placements sur les marchés de gros ont révélé cette année encore leur pertinence. » Le rapport précisait la répartition des ventes : 10 % sur le marché de détail, 90 % sur le marché de gros.
Donc, la majorité de la production d’électricité à bas coût est vendue sur le marché de gros, avec à la clé un bénéfice très important pour la compagnie GDF Suez. Il serait préférable que les industriels, qui vont voir disparaître le tarif réglementé transitoire d’ajustement du marché, le TaRTAM, et le tarif réglementé, puissent bénéficier d’une électricité compétitive, plutôt que de voir celle-ci aille alimenter les marchés de gros.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Ladislas Poniatowski, rapporteur. Cher collègue, vous avez clairement visé la CNR. En effet, EDF mis à part, les autres producteurs d’électricité de base sont ceux qui produisent de l’électricité hydraulique, et plus particulièrement au fil de l’eau.
La CNR fait partie aujourd’hui de GDF Suez, mais ce groupe l’a rachetée : il a donc réalisé un investissement. Vous voudriez donc pénaliser celui qui a investi, même s’il s’agit du rachat d’un investissement initial.
Un sénateur socialiste. Et GDF, alors ?
M. Ladislas Poniatowski, rapporteur. Vous voulez pénaliser une entreprise qui a déjà investi et qui, chaque année, paie l’impôt sur les sociétés. Je n’ai pas en mémoire le montant exact de l’impôt sur les sociétés que paie la CNR…
M. Benoist Apparu, secrétaire d’État. Il représente 24 % de son chiffre d’affaires ! (M. Roland Courteau approuve.)
M. Ladislas Poniatowski, rapporteur. On atteint donc un niveau quand même assez élevé.
Enfin, ce n’est pas le moment, me semble-t-il, de bouleverser ce qui va l’être de toute façon dans peu de temps. Je veux bien sûr parler des appels d’offres qui seront prochainement lancés, en France, dans le secteur hydraulique, qu’ils concernent des centrales au fil de l’eau ou les premiers barrages dont la concession sera renouvelée. Sauf erreur de ma part, c’est le cas, dès 2011, des barrages sur la Dordogne et de ceux de la zone pyrénéenne.
Il me semble donc préférable d’attendre avant de bouleverser le dispositif en adoptant cet amendement qui revient à interdire à GDF Suez, par la déduction de sa production hydraulique, de pouvoir disposer d’une partie de l’électricité provenant du nucléaire.
Une fois de plus, mes chers collègues, ce projet de loi prévoit opportunément des rendez-vous : nous verrons dans cinq ou dix ans.
La commission émet un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Benoist Apparu, secrétaire d'État. Cet amendement, important, fait partie de toute une série qui vise à déduire de l’ARENH des droits existants dont bénéficient certains fournisseurs, comme la CNR ou encore les fournisseurs disposant de participations dans les centrales nucléaires. Ces amendements affectent notamment le deuxième champion français du secteur énergétique.
Je reviendrai sur les trois arguments que j’ai déjà avancés tout à l’heure.
Premièrement, dans cette filière, nous souhaitons l’émergence d’un deuxième champion français de taille mondiale. Si, dès le départ, nous déduisons ce qu’il détient déjà de son accès au nucléaire de base, nous l’amputons d’une partie de ces capacités.
Deuxièmement, les dispositions qui nous sont proposées encourageront les producteurs à se désengager de leur production pour augmenter leurs droits à l’ARENH. Or nous désirons tous collectivement que ces nouveaux entrants investissent dans de nouvelles productions.
Troisièmement, pourquoi cet échange asymétrique, qui peut paraître déséquilibré et défavorable à EDF ? Aujourd’hui, c’est bien évidemment sur la production d’EDF, et non sur celle des fournisseurs alternatifs, que sont fondés les prix du marché en France. En proposant de déduire les productions actuelles, par exemple de GDF-Suez, des bases de l’ARENH, les auteurs de ces amendements considèrent de fait qu’elles ont un impact sur les prix. Or ce n’est pas le cas, puisque seul le groupe EDF peut influencer les prix en raison de sa production d’électricité.
Pour ces trois raisons, le Gouvernement émet un avis défavorable sur l’amendement n° 58, comme sur les suivants qui portent sur le même sujet.
M. le président. La parole est à M. Roland Courteau, pour explication de vote.
M. Roland Courteau. Après réflexion et en tenant compte des multiples entretiens que nous avons eus avec les professionnels du secteur – les représentants de la CNR notamment –, ainsi que de la fameuse taxe de 24 % sur le chiffre d’affaires, nous retirons l’amendement n° 58.
M. le président. L'amendement n° 58 est retiré.
L'amendement n° 56 rectifié, présenté par MM. Courteau, Raoul, Botrel, Bourquin, Daunis, Guillaume et Mirassou, Mme Nicoux, MM. Rainaud, Repentin, Teston, Bérit-Débat, Berthou et Besson, Mme Bourzai, MM. Guérini, Jeannerot, Mazuir, Sergent et les membres du groupe socialiste et apparentés, est ainsi libellé :
Alinéa 7, après la première phrase
Insérer une phrase ainsi rédigée :
Le prix de vente facturé au consommateur final répercute le coût préférentiel de l'accès régulé à l'électricité nucléaire historique et est orienté vers l'ensemble des coûts de fourniture.
La parole est à M. Daniel Raoul.
M. Daniel Raoul. Cet amendement tend à prévoir que le coût préférentiel de l’ARENH soit répercuté sur le consommateur final. Sans pour autant oublier les ménages, nous nous préoccupons tout particulièrement de cette répercussion sur les industriels, car il est essentiel de garantir la compétitivité de nos entreprises.
Quelle est la situation actuelle ? En théorie, les industriels bénéficiant du TARTAM, cher à notre rapporteur et dont l’extinction est programmée pour la fin de l’année 2010, pourront continuer, grâce à l’ARENH, à avoir accès à une électricité d’origine nucléaire à un prix inférieur à celui du marché de gros.
Voulant nous en assurer, nous avons donc déposé le présent amendement.
Le dispositif de l’ARENH est prévu pour une période transitoire de quinze ans, soit jusqu’en 2025. Quant aux tarifs réglementés – bleu, vert et jaune pour les plus gros consommateurs, c’est-à-dire certains industriels –, ils ne seraient maintenus que jusqu’en 2015, soit pendant cinq ans encore.
Après cette date, je crains donc que ce ne soit le chaos !
Une fois que le TARTAM aura disparu, une fois que les tarifs réglementés n’existeront plus – ne nous leurrons pas ! –, rien ne prouve que l’électricité nucléaire soit encore accessible à des tarifs acceptables.
Les industriels qui se fourniront en électricité nucléaire chez les fournisseurs alternatifs ne peuvent pas être les perdants de cette réforme. La répercussion du tarif préférentiel de l’ARENH sur le prix de vente doit donc d’ores et déjà être perceptible par ces professionnels, qui travaillent à relativement long terme. Le prix doit en outre être orienté vers l’ensemble des coûts de fourniture – coûts de production, d’approvisionnement et de commercialisation –, tel que prévu, monsieur le rapporteur, à l’article 4.
Il s’agit là de défendre la compétitivité de nos entreprises et d’éviter une succession de délocalisations liées à cette réforme.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Ladislas Poniatowski, rapporteur. En présentant cet amendement, monsieur Raoul, vous faites état de votre crainte de voir les entreprises payer leur électricité trop cher demain.
A priori, le coût de l’ARENH sera très proche du TARTAM. Tel est en tout cas, comme nous le savons tous, l’objectif fixé. Dans le même temps – cette préoccupation a été exprimée tant sur les travées de l’opposition que sur celles de la majorité –, nous voulons tous que l’entreprise nationale qu’est EDF puisse continuer à être un fleuron industriel majeur, dans notre pays comme à l’échelon international. Cette situation explique la difficulté, très bien présentée, de trouver un juste prix et, j’en conviens, la question n’est pas facile à traiter.
S’agissant du consommateur final domestique, le projet de loi est très précis. Il tend à maintenir le tarif régulé pour les particuliers. Il n’est donc pas question de le remettre en cause.
M. Daniel Raoul. Pour le moment !
M. Ladislas Poniatowski, rapporteur. C’est ce que prévoit le projet de loi que nous examinons aujourd’hui.
Pour toutes ces raisons, je juge inutile d’ajouter la précision que comporte l’amendement n° 56 rectifié, sur lequel j’émets, au nom de la commission, un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. La parole est à M. Martial Bourquin, pour explication de vote.
M. Martial Bourquin. Cet amendement est important, mes chers collègues. Il s’agit de savoir si, demain, nous conserverons nos prix de l’électricité ou si nous les alignerons sur les prix européens.
J’ai bien écouté votre argumentation, monsieur le rapporteur, mais bien que vous affirmiez que le prix de l’ARENH sera similaire au TARTAM, vous ne nous apportez aucune garantie. L’élaboration de la loi exige de la précision, or en l’espèce tel n’est pas le cas !
Dès lors, les spéculateurs, qui, comme nous l’avons vu dans un précédemment, pourront acheter de l’électricité en France et, selon M. le secrétaire d’État, la vendre sur le marché européen, ne pourront pas être contrôlés.
On nous annonce maintenant, et ce tout à fait ouvertement, que, en matière de prix de l’électricité, aucune garantie ne peut être apportée pour les particuliers, à moyen terme, et surtout pour nos entreprises.
Je le dis comme je le pense, si nous continuons ainsi, c’est une prime à la délocalisation que nous mettons en œuvre !
Pourquoi organiser des états généraux de l’industrie si, ensuite, le prix de l’électricité est sensiblement majoré ? Mme Lagarde a déjà indiqué que ce dernier, qui a récemment subi une hausse, augmenterait d’environ 10 %. Dans ce contexte, l’explication fournie par M. le rapporteur nous conduit, bien évidemment, à la plus grande prudence.
Les auteurs de l’amendement n° 56 rectifié demandent simplement des garanties.
Dans les propos tenus – « faites-nous confiance » ; « nous verrons bien » ; « ce sera peut-être le prix de l’ARENH » –, je ne vois que des suppositions. Or, demain, quand le consommateur devra payer, il aura raison de s’en prendre à ceux qui ont élaboré la loi. Les industriels, quant à eux, délocaliseront. Comme nous l’ont expliqué ceux de la vallée de la Maurienne, si le prix de l’électricité est trop élevé, ils iront produire ailleurs, notamment en Chine, où les filières du silicium ou de l’aluminium produisent des émissions de gaz carbonique vingt-deux fois plus élevées que dans notre pays.
Sur ces questions fondamentales, le projet de loi ne nous apporte aucune garantie. Nous sommes dans le flou le plus total !
J’anticipe évidemment la réponse qui va nous être apportée : on nous encouragera à faire confiance au marché, qui devrait tout régler… Mes chers collègues, c’est à la loi que nous faisons confiance !
M. le président. L'amendement n° 57, présenté par MM. Courteau, Raoul, Botrel, Bourquin, Daunis, Guillaume et Mirassou, Mme Nicoux, MM. Rainaud, Repentin, Teston, Bérit-Débat, Berthou et Besson, Mme Bourzai, MM. Guérini, Jeannerot, Mazuir, Sergent et les membres du groupe socialiste et apparentés, est ainsi libellé :
Alinéa 7, après la première phrase
Insérer une phrase ainsi rédigée :
Ce volume est exclusivement réservé à ces consommateurs finals.
La parole est à M. Michel Sergent.
M. Michel Sergent. Cet amendement, dans le droit fil du précédent, est des plus simples : il s’agit de préciser que le volume d’électricité nucléaire historique cédé aux fournisseurs en fonction de leur portefeuille de consommateurs est exclusivement réservé à ces consommateurs finals. Autrement dit, le volume est destiné aux consommateurs qui ont précisément servi au calcul du droit à l’ARENH.
D’ailleurs, l’étude d’impact jointe au projet de loi ne dit pas autre chose. Je la cite : « Les volumes cédés aux fournisseurs alternatifs seront déterminés en fonction du rapport entre la production nucléaire du parc de référence et la consommation effective des clients situés sur le territoire français ».
C’est sans doute pour cette raison qu’il est précisé plus loin : « De manière progressive, les consommateurs bénéficiant aujourd’hui des tarifs réglementés devraient se tourner en partie vers les fournisseurs alternatifs ».
Et cela permet certainement aussi à l’étude d’impact de conclure sur les effets bénéfiques attendus de la nouvelle concurrence grâce à laquelle les moyens et gros consommateurs ne subiront pas les prix fixés sur les marchés de gros : « le dispositif permet de pérenniser la maîtrise de la facture d’électricité fondée sur la réalité industrielle des coûts compétitifs de production du parc de référence, non exposée aux aléas des prix de marché européen ».
L’adoption de l’amendement n° 57 garantirait le bénéfice de l’ARENH aux consommateurs finals, clients des fournisseurs alternatifs. Elle assurerait que l’électricité à prix coûtant de notre parc nucléaire historique mise à disposition des fournisseurs alternatifs n’alimentera pas de gros consommateurs au-delà de nos frontières et ne fera pas l’objet de valorisation par des traders sur les marchés internationaux de gros ou spot.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Ladislas Poniatowski, rapporteur. Le dispositif mis en place n’exclut pas ceux qui ont une activité de trading. Pour ce qui concerne celle d’EDF …
M. Michel Sergent. C’est à Londres !
M. Ladislas Poniatowski, rapporteur. Le siège d’EDF Trading, que certains d’entre nous ont visité, est effectivement à Londres, mais l’activité visée concerne toute l’Europe – pas seulement la France – et serait de l’ordre, si je me souviens bien des propos que M. Proglio a tenus lors de son audition, de 900 millions d’euros, ce qui est très important.
En revanche, aux termes de l’article 2, sont exclus de l’ARENH ceux qui n’exercent que cette activité. Cette disposition suffit largement ! C’est la raison pour laquelle la commission émet un avis défavorable sur l’amendement n° 57.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Jean-Louis Borloo, ministre d'État, ministre de l'écologie, de l'énergie, du développement durable et de la mer, en charge des technologies vertes et des négociations sur le climat. Même avis, monsieur le président.
M. le président. L'amendement n° 233 rectifié bis, présenté par MM. Amoudry, Hérisson, Merceron, Dubois, J.L. Dupont, Détraigne, Zocchetto et Badré, Mme Morin-Desailly et M. Deneux, est ainsi libellé :
Alinéa 7
I. - À la seconde phrase, supprimer les mots :
De manière transitoire, jusqu'au 31 décembre 2015,
II. - Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :
Toutefois, à partir du 1er janvier 2016, la prise en compte des catégories et du profil de consommation des clients du fournisseur ne pourra induire que trois niveaux de puissance constants différents dans l'année, pour la détermination du volume cédé au fournisseur.
La parole est à M. Jean-Paul Amoudry.
M. Jean-Paul Amoudry. Les dispositions du III de l’article 1er limitent au 31 décembre 2015 la prise en compte des catégories et du profil de consommation des clients du fournisseur. De ce fait, à partir de 2016, certains usages particuliers, tels que les activités saisonnières, par exemple l’exploitation de remontées mécaniques, ne bénéficieront que très marginalement, voire pas du tout, de l’électricité nucléaire, alors que, de manière factuelle, elles devraient avoir accès à cette énergie, les centrales nucléaires produisant globalement plus en hiver pour s’adapter à la courbe de consommation française.
En effet, les fournisseurs alternatifs de ces entreprises ne pouvant disposer que d’une quantité très faible voire nulle d’énergie nucléaire pour ces usages saisonniers, leurs offres resteront intégralement définies par les prix du marché, et ces entreprises devront en conséquence consentir un coût élevé pour leur approvisionnement en électricité.
Par ailleurs, EDF étant la seule à utiliser une part de production nucléaire pour fournir ces entreprises en électricité, l’opérateur historique disposerait d’un avantage compétitif : par rapport à la concurrence, elle pourrait faire soit une offre à prix plus faible, soit une offre à prix équivalent, mais avec une marge plus forte.
Ainsi, en l’état, certaines entreprises touristiques ne pourraient pas bénéficier des effets escomptés du présent projet de loi, c'est-à-dire une concurrence accrue des fournisseurs, ainsi qu’un accès aux ressources du parc nucléaire produites dans notre pays.
L’amendement n° 223 rectifié bis a pour objet de remédier à ces inconvénients, tout en limitant la façon de prendre en compte les profils de consommation, puisque seulement trois niveaux de puissance différents dans l’année seraient identifiés. Cela permettrait de ne pas réduire la détermination des volumes à un simple ruban, sans toutefois engendrer des volumes indus d’électricité nucléaire qui augmenteraient anormalement le volume global de l’ARENH.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Ladislas Poniatowski, rapporteur. Mon cher collègue, en réalité, vous voulez revenir sur le caractère transitoire, jusqu’au 31 décembre 2015, de la prise en compte des catégories et du profil de consommation des clients, afin de refléter la modulation de la production des centrales nucléaires.
Le Gouvernement a accepté cette modulation de l’ARENH au cours des premières années d’application du dispositif, mais ne souhaite pas la prolonger au-delà du 31 décembre 2015.
Je vous rappelle, monsieur Amoudry, que le projet de loi prévoit une évaluation du dispositif tous les cinq ans. Le premier rendez-vous est fixé en 2015. Ce sera alors le bon moment pour faire le point et pour apprécier s’il est opportun de prolonger la modulation. C’est la raison pour laquelle je vous demande de bien vouloir retirer l’amendement n° 233 rectifié bis.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Jean-Louis Borloo, ministre d'État. Un ensemble de points spécifiques, comme ceux qui concernent la SNCF, ne peut pas faire l’objet d’un traitement général. Vous le savez, les représentants des remontées mécaniques ont été reçus vendredi. Un nouveau rendez-vous est prévu le 4 octobre prochain et devrait permettre de réaliser des avancées à cet égard. Comme M. le rapporteur, je vous demande donc, monsieur Amoudry, de bien vouloir retirer l’amendement n° 233 rectifié bis.
M. le président. Monsieur Amoudry, l'amendement n° 233 rectifié bis est-il maintenu ?