M. Guy Fischer. Voilà la vérité !
M. Jacky Le Menn. Ils fournissent 85 % de l’effort financier, principalement à travers le recul de l’âge légal de départ à la retraite de 60 ans à 62 ans d’ici à l’année 2016. Le recours à la fiscalité, notamment par le biais de la fiscalité sur les contribuables les plus fortunés et de la taxation des revenus des capitaux, reste symbolique et concourt seulement à 15 % des financements.
Le projet est également inéquitable pour les plus jeunes générations, car il dilapide, et c’est déplorable, les ressources du Fonds de réserve pour les retraites afin d’éponger une partie des déficits dus à la crise. Or, ce fonds est destiné à faire face, dès 2020, à l’arrivée à l’âge de départ à la retraite des générations nombreuses du papy-boom. On crée ainsi les conditions d’une augmentation des déficits futurs, qui reposeront alors sur les seules épaules des plus jeunes générations.
Or, il existe d’autres solutions pour résorber les déficits dus à la crise. Les orateurs de mon groupe et moi-même en avons évoqué certaines lors des récentes discussions sur la dette sociale. Nous y reviendrons dans la suite de nos travaux.
Votre choix de siphonner sans délai le Fonds de réserve pour les retraites est en définitive, quoique vous en disiez, monsieur le ministre, un mauvais coup porté aux générations futures, à nos enfants. Plus qu’une erreur, c’est une faute dont vous aurez, ainsi que monsieur le Président de la République, à rendre compte devant nos concitoyens, devant ces générations futures et devant l’Histoire. (Exclamations sur les travées de l’UMP.)
Mme Raymonde Le Texier. Très bien !
M. Guy Fischer. Vous en rendrez compte !
M. Jacky Le Menn. Triste projet en vérité, monsieur le ministre, éloigné de toute perspective de réforme solidaire !
Mme la présidente. Veuillez conclure, mon cher collègue.
M. Jacky Le Menn. Où serait le progrès si la « sauvegarde » de notre système de retraite devait se traduire par des inégalités croissantes : plus d’individualisme, davantage d’insécurité et de précarité pour les uns, et toujours plus de privilèges pour les autres ?
Dans ces conditions, la consultation de notre peuple par voie référendaire s’impose ! (Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
Mme la présidente. Mes chers collègues, j’invite chaque orateur à respecter le temps de parole qui lui est imparti. (Exclamations.) Que ce mauvais exemple ne vous laisse pas croire à mon indulgence !
La parole est à M. Jean Louis Masson.
M. Jean Louis Masson. Madame le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, tous les pays membres de l’Union européenne ont été obligés de prendre des mesures sérieuses afin d’équilibrer leur régime de retraites. Si la France détenait une recette miracle pour maintenir la retraite à 60 ans, cela se saurait.
Mme Éliane Assassi. Il faut créer des emplois !
M. Jean-Louis Carrère. Les miracles, c’est pour la droite ! Nous, nous n’avons que des solutions !
M. Jean Louis Masson. S’il existait une martingale, nos voisins allemands, luxembourgeois, hollandais ou suédois, qui ne sont pas plus bêtes que nous, l’auraient probablement découverte.
Si l’on veut assurer l’avenir de notre système de retraites, il nous faut prendre un certain nombre de mesures, dont le relèvement de l’âge de départ à la retraite.
M. René-Pierre Signé. Non !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Pas la peine de prendre la parole si c’est pour tenir de tels propos !
M. Jean Louis Masson. Je suis favorable au relèvement de l’âge légal de départ à la retraite de 60 ans à 62 ans. Et il est probable que ceux qui occuperont notre place dans une quinzaine d’années seront amenés à revenir sur ce seuil, du fait de l’allongement constant de la durée de la vie.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Bientôt, ce sera 80 ans !
M. Jean Louis Masson. Cela dit, monsieur le ministre, la réforme que vous nous proposez m’inspire deux observations.
La première concerne le relèvement de 65 ans à 67 ans de l’âge auquel il est possible de bénéficier d’une retraite dite complète.
Lorsqu’une personne part à la retraite après vingt ans d’activité, sa pension est calculée au prorata de ses vingt annuités. Dès lors, il n’y a aucune raison de la taxer une nouvelle fois en exigeant qu’elle cotise plus longtemps. Lui demander de travailler jusqu’à 65 ans – et demain 67 ans – est une forme d’injustice puisque, en définitive, elle percevra non pas une retraite à taux plein, mais une retraite proportionnelle à ses vingt années de travail. Ce système me semble donc receler une injustice de nature mathématique. Je m’en suis ouvert au rapporteur du projet à l’Assemblée nationale, qui est par ailleurs un parlementaire de la Moselle. Je comprends d’autant moins cet acharnement à relever l’âge de la retraite prétendument complète de 65 ans à 67 ans que cette disposition affectera surtout les personnes les plus modestes.
M. Jean Louis Masson. C’est inadmissible, monsieur le ministre. Ceux qui vont trinquer, ce seront les personnes en situation difficile, par exemple les caissières d’hypermarchés qui travaillent souvent à mi-temps, ce qui ne leur assure déjà qu’une toute petite retraite. En portant l’âge de la retraite à taux plein à 67 ans, vous allez créer des cohortes de personnes qui percevront des allocations du minimum vieillesse, à défaut de toucher une retraite.
Il me paraît indécent de relever à 67 ans l’âge ouvrant droit à la perception d’une retraite que je qualifierai de retraite proportionnelle sans abattement, car il ne s’agit pas d’une retraite à taux plein, j’insiste sur ce point, monsieur le ministre. Prétendre le contraire relève de l’hypocrisie.
M. René-Pierre Signé. Ce n’est pas la seule !
M. Jean Louis Masson. J’en viens à ma seconde observation.
Mme la présidente. Veuillez conclure, mon cher collègue.
M. Jean Louis Masson. Monsieur le ministre, lorsque l’on traverse une situation difficile, comme c’est le cas actuellement, tout le monde doit faire des efforts. Il est donc légitime de relever à 62 ans l’âge de départ à la retraite. En revanche, il me paraît là encore indécent que le Président de la République s’accroche à certaines réformes disproportionnées, comme il le fait par exemple avec le bouclier fiscal. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste, ainsi que sur certaines travées du groupe CRC-SPG et du RDSE.)
Un gouvernement responsable ne peut pas demander des efforts aux salariés et aux plus pauvres de nos concitoyens et ne rien exiger des « super-riches », dont certains, je le rappelle, font la une de l’actualité.
En conclusion, j’approuve le fond de la réforme, qui consiste…
M. Guy Fischer. À pressurer les pauvres !
M. Jean Louis Masson. …à porter l’âge légal de départ à la retraite à 62 ans. En revanche, je ne saurais cautionner la politique actuelle du Gouvernement, une politique à deux vitesses au profit des plus riches, particulièrement des bénéficiaires du bouclier fiscal. C’est, je le répète, indécent !
En conséquence, je m’abstiendrai lors de la mise aux voix de la motion référendaire. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)
M. Jean-Pierre Raffarin. Le parti socialiste va s’abstenir !
Mme la présidente. La parole est à M. Robert Tropeano.
M. Robert Tropeano. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous savons aujourd'hui qu’une très grande majorité de Français n’approuvent pas ce projet de réforme des retraites. Non pas qu’ils désapprouvent l’idée même d’une réforme, mais parce qu’ils ont bien compris, et ce malgré une large campagne de communication financée par des fonds publics (M. Jean-Louis Carrère applaudit.), que cette réforme, votre réforme, monsieur le ministre, portait atteinte aux fondements mêmes de notre République, et à certains de ses principes les plus fondamentaux : la solidarité, l’égalité, la justice, l’effort et le mérite, autant de valeurs partagées par l’ensemble des membres du RDSE.
M. Roland Courteau. Très bien !
M. David Assouline. Eh oui, tels sont bien les enjeux !
M. Robert Tropeano. Aujourd’hui, monsieur le ministre, et c’est l’objet de la motion qui vient de nous être présentée par Jean-Pierre Bel, le moment est venu pour vous et pour votre majorité d’entendre les Français.
M. René-Pierre Signé. Oui, et d’abord de les écouter !
M. Robert Tropeano. De les entendre et enfin de les considérer. Le président du Sénat n’a-t-il pas déclaré récemment sur cette question : « Qu’on le veuille ou non, il y a des interrogations dans le pays, il faut y répondre ! » Voilà des propos plein de sagesse qu’il serait bon de mettre en pratique. Alors, quelle réponse adresser aux Français ?
Dans un premier temps, il faut, je le répète, les entendre et les écouter. C’est une nécessité, car toute réforme des retraites qui ne recevrait pas leur approbation serait vouée à l’échec.
Dans un second temps, il nous faut bâtir, ensemble, une autre réforme, recommencer à zéro et prendre tout le temps nécessaire pour négocier véritablement avec les partenaires sociaux et les forces politiques.
M. Roland Courteau. Comme en Suède !
M. Robert Tropeano. La réforme doit se construire collectivement et chacune des sensibilités politiques et syndicales de ce pays doit pouvoir apporter sa pierre à l’édifice.
C’est de cette façon, et uniquement de cette façon, que pourra être trouvé le consensus indispensable à la réussite d’une telle réforme, mais qui fait aujourd’hui cruellement défaut. Or, sur le plan de la méthode, vous avez, si je puis dire, fait le minimum syndical : vous avez tout juste pris le temps de recevoir les partenaires sociaux, de mesurer la température ambiante et de faire quelques photos.
En juin 2010, deux mois seulement après la fin de ce que vous avez habilement appelé « les négociations avec les partenaires sociaux » – mais qui étaient davantage de simples « consultations » –, vous déposiez sur le bureau de l’Assemblée nationale un projet de loi portant réforme des retraites.
Deux mois, c’est bien peu pour préparer une réforme de cette ampleur, qui touche au patrimoine commun de tous les Français, à savoir le système des retraites par répartition. Ce système, construit après-guerre, est au cœur de notre modèle social, et fait encore notre fierté.
M. Roland Courteau. Exact !
M. Robert Tropeano. À cela, s’ajoute le fait que vous avez, une fois de plus, engagé la procédure accélérée, empêchant ainsi que le débat parlementaire puisse prendre tout le temps nécessaire. Pourquoi, monsieur le ministre, vouloir traiter ce dossier en urgence et dans la précipitation ? Comment s’étonner dès lors du caractère bâclé de ce texte ?
Après les services publics, après La Poste, après les collectivités territoriales, ...
M. Roland Courteau. Après Gaz de France !
M. Jean-Louis Carrère. La gendarmerie, l’éducation !
M. Robert Tropeano. … vous vous attaquez au système par répartition pour le démanteler et lui substituer des modèles risqués et inadaptés, des modèles reposant sur un système financier en crise. Vous croyez moderniser quand vous êtes à rebours de l’histoire en ne tenant pas compte des leçons de la très grave crise financière mondiale dans laquelle nous nous trouvons.
Alors, monsieur le ministre, devant un tel enjeu, et parce que la retraite est un droit fondamental auquel les Français sont profondément attachés, pourquoi autant d’empressement ? Pourquoi priver les Français d’un droit d’expression sur un enjeu de société aussi important ?
M. Roland Courteau. Par idéologie !
M. Robert Tropeano. C’est l’objet de cette motion référendaire que, pour ma part, je voterai, convaincu que l’ensemble des citoyens de notre pays doivent pouvoir se prononcer sur l’objet même du projet de loi et dire si, oui ou non, ils l’approuvent. Ne doutant ni de leur bon sens ni de leur réponse négative, je suis certain que les Français vous obligeront alors à revoir votre copie et à produire un nouveau texte nécessairement plus juste, plus ambitieux et plus respectueux des valeurs de notre République.
Mes chers collègues, puisque l’article 11 de la Constitution prévoit la possibilité de soumettre au référendum tout projet de loi portant sur des réformes relatives à la politique sociale de la nation, ce qui est le cas avec ce texte, il ne faut pas s’en priver.
Le Président de la République avait promis qu’il ne toucherait pas à la retraite à 60 ans, cela a été rappelé par plusieurs orateurs, notamment par Jean-Pierre Bel tout à l’heure. C'est la raison pour laquelle, faute d’avoir reçu le mandat du peuple français lors de son élection au suffrage universel pour le faire, et parce que cette réforme, véritable enjeu majeur de société, aura des conséquences pour l’ensemble de nos concitoyens, il m’apparaît que c’est aux Français de se prononcer sur cette réforme.
M. Roland Courteau. Il a raison !
M. Robert Tropeano. Ensuite, il reviendra aux représentants du peuple que nous sommes de construire un autre projet, de proposer une voie alternative, au-delà des clivages politiques et dans la recherche sincère du consensus le plus large possible. Il est temps d’entrer dans une démocratie sociale et politique apaisée et responsable.
Aujourd’hui, 71 % des Français rejettent massivement la réforme telle que vous l’envisagez. Lors des manifestations qui ont eu lieu, près de trois millions de salariés sont descendus dans la rue…
M. David Assouline. Deux fois de suite !
M. Robert Tropeano. … pour manifester leur opposition à la réforme qui nous est proposée.
Les Français, les classes moyennes et les plus modestes d’entre eux, sont inquiets quant à l’avenir de leur retraite. Leur contestation est légitime, car le projet de loi pose de nombreux problèmes, comme l’ont souligné plusieurs orateurs hier et cette nuit, notamment mes collègues du RDSE, Jean-Pierre Plancade et Françoise Laborde.
Monsieur le ministre, vous prétendez rétablir l’équilibre financier de notre régime de retraite. C’est faux, car le compte n’y est pas. En outre, votre réforme se fera aux prix de nouveaux sacrifices que supporteront encore une fois les plus Français les plus modestes et les classes moyennes.
Tout d’abord, vous pénalisez les personnes qui ont commencé à travailler très tôt et qui devront cotiser plus longtemps que les autres. Pourtant, ces personnes connaissent souvent des conditions de travail très pénibles et ont une espérance de vie inférieure à la moyenne. Certes, vous proposez un dispositif leur permettant de partir un peu plus tôt, mais cela leur impose malgré tout une durée de cotisation très importante,… beaucoup trop importante !
Cette question soulève un autre problème : celui de l’emploi des seniors. En France, le taux d’emploi de la tranche des 55-64 ans n’atteint que 40 % alors que l’Union européenne avait fixé un objectif de 50 % pour 2010. En repoussant l’âge de départ à la retraite, vous risquez d’augmenter chômage et précarité et, par conséquent, de diminuer le niveau des pensions. En effet, près de 70 % des Français qui liquident leur retraite aujourd’hui sont sans emploi.
Vous pénalisez les femmes, qui ont souvent des carrières incomplètes. Actuellement, les retraites des femmes sont inférieures de 38 % à celles des hommes et plus de la moitié d’entre elles perçoivent une pension de moins de 900 euros, ce qui est inacceptable ! Cette disparité reflète parfaitement les inégalités professionnelles qui se cumulent tout au long de la carrière entre les hommes et les femmes : inégalité de salaires, inégalité d’accès à des postes de responsabilités, précarité et temps partiel subi.
Certes, vous proposez de prendre en compte les indemnités journalières de maternité dans le salaire annuel qui sert au calcul du droit à pension, mais cette mesure ne sera applicable qu’aux indemnités versées à compter du 1er janvier 2012.
Par ailleurs, je doute que cette mesure permette de compenser le retard que l’on constate en matière d’égalité entre les femmes et les hommes. En revanche, il est à craindre qu’en reculant l’âge légal de la retraite et l’âge d’annulation de la décote, vous condamniez ces femmes à une plus grande précarité : elles sont actuellement plus nombreuses à liquider leurs droits à la retraite à 65 ans, faute de n’avoir pu rassembler le nombre de trimestres nécessaires pour toucher une retraite à taux plein. Mais dans la mesure où le taux d’emploi des femmes de plus de 60 ans est très faible ; elles sont nombreuses, avant 65 ans, à connaître une situation de chômage ou de précarité.
Vous pénalisez également les salariés qui exercent un métier pénible et dont l’espérance de vie est, de facto, réduite. Sur cette question, je ne peux que regretter que les négociations sur la pénibilité n’aient pas avancé. De ce point de vue, les mesures que vous préconisez sont très nettement insuffisantes et surtout injustes, puisque vous confondez pénibilité et incapacité.
Le Président de la République, au lendemain de la manifestation du 7 septembre dernier, s’est dit attentif aux préoccupations qui s’étaient exprimées. Ce énième effet d’annonce n’a malheureusement pas rassuré les Français sur l’avenir de leur retraite, car il ne règle en rien les problèmes de fond.
Pour engager une telle réforme, un grand débat de société, public, aurait été nécessaire, mais vous l’avez refusé. Le recours au référendum demandé par la présente motion est probablement l’ultime possibilité pour permettre la tenue de ce grand débat, à travers tout le pays, afin d’associer tous les Français à la construction d’une nouvelle réforme des retraites.
Monsieur le ministre, mes chers collègues, parce que la réforme que vous proposez concerne les retraites de tous les Français, sans exclusive, elle doit être la réforme des Français. Elle doit se faire avec eux et non contre eux, voire sans eux. C’est pourquoi je voterai la motion référendaire. (Applaudissements sur certaines travées du RDSE, ainsi que sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)
Mme la présidente. La parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG.)
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Monsieur le ministre, vous voulez rester sourd à la revendication sociale qui monte dans le pays contre votre réforme. Vous venez d’en faire une démonstration assez caricaturale dans votre troisième discours.
M. Gérard Bailly. Ce n’est pas vrai !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Depuis un mois, vous n’avez de cesse de tenter de minimiser les journées d’action et de manifestation organisées par les confédérations syndicales et largement suivies par les salariés et les citoyens, qui les approuvent à 70 %, la même proportion d’entre eux étant hostile à votre réforme des retraites.
Certes, vous n’en êtes pas à votre coup d’essai. Déjà, à l’occasion du changement de statut de La Poste, antichambre de sa privatisation, de la privatisation de GDF ou du bouclier fiscal, vous avez ignoré la contestation populaire. Même vos échecs électoraux ne semblent pas vous émouvoir.
Nous l’avons bien compris. Vous avez une mission : mettre en œuvre le programme des marchés financiers (Protestations sur les travées de l’UMP.),…
M. Alain Dufaut. Caricature !
M. Guy Fischer. C’est la vérité !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. … c’est-à-dire la casse systématique du pacte social issu de la Résistance qui unit notre communauté nationale. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste.)
M. Guy Fischer. Voilà ce que veut M. Kessler !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Et pour ce faire, le Président de la République, le Gouvernement et vous-même vous employez à diviser notre peuple, à faire peur, à stigmatiser des catégories sociales, à faire des étrangers des boucs émissaires, à substituer l’ordre public à la question sociale.
Jusqu’ici, vous vous êtes appuyé sur le programme du candidat Nicolas Sarkozy en 2007, validé par le suffrage universel lors de son élection. Il est vrai que le candidat Sarkozy n’avait caché ni ses objectifs ultralibéraux ni ses affinités avec les habitués du Fouquet’s. (Murmures sur les travées de l’UMP.)
M. Guy Fischer. C’est la vérité, vous ne pouvez pas le contester !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Il avait dit aussi qu’il était le candidat du pouvoir d’achat, de la revalorisation du travail. Cela, vous n’en parlez guère, tant les résultats sont loin des objectifs affichés et les discours oubliés !
Mme Raymonde Le Texier. Ils vont chercher la croissance avec les dents !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Mais revenons aux retraites.
L’argument du programme présidentiel n’est plus de mise aujourd’hui – vous ne l’avez d'ailleurs pas évoqué – puisque Nicolas Sarkozy déclarait à la presse en janvier 2007 : « le droit à la retraite à 60 ans doit demeurer, de même que les 35 heures continueront d’être la durée hebdomadaire du temps de travail ».
M. Guy Fischer. Ils veulent tuer les 35 heures !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Pourtant, en cette même année 2007, Laurence Parisot dévoilait son programme dans le petit bréviaire du MEDEF, Besoin d’air, que d’autres orateurs ont évoqué. Je vous en recommande la lecture, mes chers collègues, car on y trouve tout le programme du Gouvernement. Mme Parisot considérait que l’abaissement de l’âge de la retraite de 65 ans à 60 ans en 1982 avait constitué une « erreur historique ». De toute évidence, Mme Parisot semble ne pas connaître le suffrage universel !
M. René-Pierre Signé. Elle est cooptée !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Le Président, alors, faisait mine de résister : « Elle a droit de dire cela, mais moi je dis que je ne le ferai pas pour un certain nombre de raisons. La première, c’est que je n’en ai pas parlé pendant ma campagne présidentielle. Ce n’est pas un engagement que j’ai pris devant les Français et je n’ai pas mandat pour faire cela. Et cela compte, vous savez, pour moi. » Je crois comprendre qu’il parlait là du mandat du peuple.
À l’évidence, vous avez bien du mal à vous réclamer du programme présidentiel ou d’un quelconque mandat du peuple ! (Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG.)
Mme Éliane Assassi. Exactement !
En fait, vous ne pouvez vous réclamer que d’un seul mandat : celui du MEDEF. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste.)
D’ailleurs, Mme Parisot s’est récemment targuée, sur son blog me semble-t-il, d’avoir, avec son livre, imposé le débat économique dans la campagne présidentielle et d’être à l’origine de « décisions économiques majeures prises par le Gouvernement ».
M. Jean-Pierre Caffet. Le bouclier fiscal !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Il s’agit de la réduction de l’impôt de solidarité sur la fortune pour investissement dans une PME, du renforcement du crédit d’impôt-recherche, de la réforme de la taxe professionnelle ou encore, j’ajoute cette mesure, car elle figurait dans le livre de Mme Parisot, de la suppression de la clause de compétence générale des collectivités territoriales, que le Gouvernement veut absolument faire voter.
M. Jean-Louis Carrère. Et les parlementaires de la majorité avalent tout !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Monsieur le ministre, vous êtes donc, à l’évidence, en phase totale avec le MEDEF ! (Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste.)
M. Dominique Leclerc, rapporteur. Caricature !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Je n’invente rien, mon cher collègue !
M. René-Pierre Signé. Il y a des vérités qui font mal !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Le peuple est donc fondé à vous demander des comptes.
Quels arguments avancez-vous pour justifier aujourd’hui cette réforme qui ne figurait pas dans le programme quinquennal du Président de la République ?
Vous invoquez l’évolution démographique ? Elle était connue bien avant 2007, et vous affirmiez même, en 2003, en avoir maîtrisé les conséquences jusqu’en 2018 ou 2020 !
Votre argument choc, c’est la crise : il n’y a plus d’argent ! Parlons-en et soyons précis. La crise, c’est celle du capitalisme financier, c’est le résultat de la folie spéculative, de la déconnexion entre la finance et l’économie réelle, qui a mis le monde au bord du gouffre.
En 2009, vous avez volé au secours des incendiaires – les banques, les financiers, les actionnaires –, en leur ouvrant un crédit de 360 milliards d’euros sans contrepartie.
M. Guy Fischer. Du jamais vu !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Dans le même temps, le Président de la République, qui n’est jamais avare de paroles, se faisait fort de « moraliser le capitalisme » dans le monde.
En France, les résultats ont été rapides : les banques se portent à merveille. Ainsi, le bénéfice de BNP-Paribas en 2009 a bondi de 93 % et les entreprises du CAC 40 ont dégagé près de 50 milliards d’euros de profits. Quant aux jetons de présence des membres des conseils d’administration de ces entreprises, ils ont connu une progression de 18 % en 2009.
Ne vient-on pas d’apprendre que le directeur général de Carrefour – grand employeur de « femmes précaires », travaillant à temps partiel avec des salaires de misère aujourd'hui et des retraites honteuses demain – va partir, après trois ans de bons et loyaux services aux actionnaires, avec une retraite de 500 000 euros par an ? (Huées sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste.)
M. René-Pierre Signé. Tout cela se payera !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Pour financer les 45 milliards d’euros de votre plan pour les retraites, vous prévoyez de ne prélever que 2 milliards d’euros sur les revenus du capital ! Croyez-vous que nos concitoyens sont à ce point aveugles et sourds ? Ne serait-il pas juste – un terme que vous affectionnez et que vous avez utilisé à plusieurs reprises – de leur demander leur avis sur votre réforme ? D’autant que, contrairement à ce que vous soutenez, il existe des projets alternatifs, mais ils procèdent, à l’évidence, de conceptions et de modes de financement différents de ceux que vous prônez.
Pour notre part, nous considérons que la retraite à 60 ans est un droit et un acquis d’années de luttes démocratiques pour une vie meilleure ! (Bravo ! et vifs applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste. – Mmes et MM. les membres du groupe CRC-SPG scandent : « La retraite à 60 ans ! » en martelant leur pupitre.)
M. Alain Dufaut. Prenez vos chaussures ! (Sourires sur les travées de l’UMP.)
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. La retraite à 60 ans, c’est le droit de partir en bonne santé ! Je vous rappelle que l’espérance de vie en bonne santé d’un ouvrier est de 69 ans.
M. Guy Fischer. Eh oui !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. L’emploi est un enjeu majeur, mais vous n’en parlez jamais ! La création de 100 000 emplois rapporterait 1,5 milliard d’euros de recettes aux régimes de protection sociale.
L’emploi doit être la priorité pour les jeunes dont le taux de chômage et de précarité est aujourd’hui insupportable. À la différence de l’Allemagne et de l’Espagne, il y a en France un renouvellement des générations. Et il est insupportable de voir que nos jeunes sont au chômage ! Voilà la réalité !
M. Guy Fischer. Très bien !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Nous proposons trois voies pour financer la retraite à 60 ans à taux plein : d’abord, faire cotiser les revenus du capital au même taux que les salaires, ce qui ne serait pas un luxe ; ensuite, moduler les cotisations patronales en fonction de l’emploi, car, jusqu’à présent, les exonérations que vous avez décidées n’ont guère incité les entreprises à créer des emplois ; enfin, supprimer les exonérations de cotisations patronales, qui sont inefficaces en termes de créations d’emploi.
D’autres propositions ont été faites, en premier lieu par les organisations syndicales. Mais force est de constater qu’il n’est plus question du dialogue social, dont le Président de la République se voulait le champion. Encore un oubli des promesses de Nicolas Sarkozy !
Certes, vous avez rencontré les organisations syndicales. Mais, comme elles étaient unanimement opposées à votre projet, vous n’avez ouvert aucune négociation !