M. le président. La parole est à Mme Anne-Marie Escoffier.
Mme Anne-Marie Escoffier. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, c’est avec beaucoup d’humilité que je m’apprête à intervenir devant vous.
Mon expérience du sujet se limite en effet à l’installation d’une ligne à haute tension à Goutrens, dans mon département, ce qui n’a pas manqué de créer quelques problèmes, et à la remise en état de tronçons à Saint-Victor-et-Melvieu, sur la grande ligne électrique qui descend vers le sud de l’Aveyron. N’ayant aucune compétence en la matière, je sollicite votre indulgence, mes chers collègues, car je n’ai ni le talent ni les connaissances en la matière de mon collègue Daniel Raoul.
Le débat qui nous occupe aujourd’hui, sur l’initiative de l’Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques, a le mérite de permettre à la représentation nationale d’aborder de façon claire un problème rarement posé : celui de l’effet qu’a, ou n’a pas, sur la santé l’environnement des champs magnétiques produits par les lignes à haute et très haute tension. Nous devons nous en féliciter et remercier notre collègue Daniel Raoul de l’excellence de son rapport, que j’ai essayé de comprendre autant que faire se peut.
Ce débat est d’autant plus justifié que notre pays possède 80 000 kilomètres de lignes à haute et très haute tension, c’est-à-dire comptant entre 63 et 400 000 volts, soit le plus grand réseau d’Europe et aussi l’un des plus anciens, puisque sa création a débuté en 1922.
À titre personnel, je remarque que, très tôt, l’État s’est pleinement investi dans cette mission en créant, dès 1936, un secrétariat d’État à l’électricité et aux combustibles solides, dont le premier titulaire fut un homme à la mémoire duquel vous comprendrez que je veuille rendre hommage : Paul Ramadier, député de l’Aveyron, à qui nous devons cette reconnaissance de la distribution d’électricité comme un service public essentiel.
Nous savons tous, en effet, quel rôle considérable ces structures ont joué dans l’essor économique de la Nation au cours du demi-siècle qui a suivi, contribuant à son plein développement, en particulier celui des territoires les plus fragiles. Certes, l’ouverture du marché européen de l’électricité à la concurrence a récemment modifié la donne ; je pense en particulier à la transformation d’EDF en société anonyme, en 2004. Mais cela ne change pas véritablement la problématique qui nous occupe, à savoir les questions que se posent nos quelque 400 000 compatriotes vivant dans la proximité plus ou moins immédiate de ces lignes, quant à l’incidence de celles-ci sur leur santé. Ces questions sont parfaitement légitimes ; nul ne saurait en douter dans cet hémicycle.
Au vu des expertises menées depuis plusieurs années, au niveau tant mondial qu’européen ou national, ces lignes – ou plus exactement le champ magnétique produit par ces lignes... – sont-elles dangereuses pour la santé humaine ? Si l’on se fie au consensus scientifique international, il semble qu’elles n’auraient d’autres effets sur la santé que ceux qui sont identifiés lorsque les expositions sont plus élevées que la norme autorisée.
Trois groupes de pathologies font toutefois débat : l’électrohypersensibilité, les leucémies de l’enfant et certaines maladies neurodégénératives, sur lesquelles, objectivement, la communauté scientifique ne s’est pas encore définitivement prononcée.
La sagesse est donc de poursuivre les recherches et d’attendre des conclusions fiables, sans négliger aucune piste, comme il convient de le faire lorsque la santé publique est en jeu. C’est l’une des préconisations du rapport. Nous ne pouvons qu’y adhérer et souhaiter que le ministère de la santé prenne en charge, le plus rapidement possible, cette relance de recherche, en particulier en trouvant un lien statistique fiable, voire en convainquant nos partenaires européens d’initier une démarche semblable ; je retiens cette autre recommandation.
Quelles que soient les préconisations retenues par l’État, nous devons reconnaître qu’elles ont toujours pour origine l’initiative de nos compatriotes, qui ont droit, plus que les autres, au plus élémentaire service de précaution sanitaire.
Il en va probablement de même des impacts potentiels sur l’environnement et sur l’agriculture, puisque nous disposons de très peu de données scientifiques quant aux effets potentiels directs des champs électriques et magnétiques. Mais, comme dans le cas précédent, il appartient à l’État, ou aux États européens, de prendre toutes leurs responsabilités en la matière, puisque l’on ne saurait admettre que l’entreprise EDF fasse des bénéfices sans se soucier des conséquences humaines, écologiques et économiques qu’induit son activité industrielle.
Il nous reste, en attendant des conclusions épidémiologiques qui, nous le savons, seront par définition longues à venir, à réfléchir ensemble sur la politique que nous devons mettre en œuvre face aux lignes à haute et très haute tension.
Bien entendu, l’enfouissement pourrait, a priori, apparaître comme la solution la plus tentante au regard de l’esthétique environnementale. J’en ai moi-même fait l’expérience à Goutrens, une importante zone touristique implantée au milieu des vignobles de Marcillac – vin ô combien intéressant ! –, sur de magnifiques terres rouges. L’installation de lignes à haute tension, qui seraient venues barrer ce paysage, avait alors suscité de nombreux conflits, que j’ai tenté de résoudre.
Nous savons pourtant que l’enfouissement ne règle pas le problème puisque, même enterrées, les lignes continuent à produire un champ magnétique. Cela pose la question de l’opportunité des dépenses considérables qu’engendre un enfouissement : 40 millions d’euros pour 21 kilomètres de lignes ! De surcroît, cet enfouissement peut être rendu inutile, du fait de l’incontestable amélioration technique des câbles ; l’élue d’un département rural que je suis ne saurait l’oublier. Par ailleurs, les agriculteurs n’y sont pas favorables, car cela induit des contraintes négatives.
À cette heure du débat, il me paraît difficile de se précipiter pour adopter quoi que soit dans ce domaine, sans disposer des informations qui nous manquent et que nous avons souhaitées.
Je voudrais, pour ma part, me limiter à un seul vœu : que l’État, ou les États européens, profitant de la déréglementation du marché de l’électricité, ne se désengage pas de ce domaine, même s’il ne s’agit que de surveillance. C’est bien le contraire que les usagers attendent – pas seulement ceux qui habitent à côté des lignes ! – et, avec eux, l’ensemble de la collectivité nationale dans ses domaines d’activité les plus variés.
Permettez-moi d’ajouter, un peu en marge de ce débat, que des problématiques de même nature s’appliquent au WiFi, au WiMax, autant qu’à la téléphonie mobile. S’il avait été présent, François Fortassin aurait exprimé, lui aussi, son inquiétude à cet égard.
Dans ces domaines, la vigilance est indispensable. Je ne veux pas manquer, en cet instant, de saluer la mémoire de cet exceptionnel anthropologue et ethnologue, Claude Lévi-Strauss, décédé l’an dernier, qui est le premier à avoir fait naître le concept d’humanisme écologique. Dans Tristes tropiques, il s’écriait : « Un humanisme bien ordonné ne commence pas par soi-même, mais place le monde avant la vie, la vie avant l’homme, le respect des autres êtres avant l’amour-propre ». (Applaudissements.)
M. le président. La parole est à Mme Mireille Schurch.
Mme Mireille Schurch. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, l’objet de l’étude du rapport de l’Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques est dense et complexe.
La question de l’impact des lignes à haute et très haute tension sur la santé et l’environnement nécessitait que les parlementaires s’y intéressent plus dans le détail, mais surtout qu’ils disposent d’une information complète et large afin de pouvoir répondre, dans les meilleures conditions, aux inquiétudes de nos concitoyens.
Je voudrais, à ce titre, saluer le remarquable travail scientifique et pédagogique mené par notre collègue Daniel Raoul au sein de l’Office parlementaire.
Le travail de définition scientifique et de délimitation de sujet, les distinctions fort utiles entre les champs électriques et magnétiques, et les divers renvois à des littératures plus spécialisées ont rendu la lecture du rapport d’autant plus riche et éclairante. Le passage sur le paradigme de Paracelse, la toxicologie intuitive de Slovic ou les travaux du psychologue Paul Rozin, sont très éclairants sur la représentation du risque dans nos sociétés.
Je souhaiterais aborder ici quelques points précis du rapport. Je déclinerai donc mes sept minutes en trois points : démocratie, indépendance de la recherche scientifique, engagement financier de l’État.
Premièrement, mon cher collègue, vous avez insisté sur la nécessité de renforcer l’information et la participation des élus, des associations, des syndicats et des citoyens. Bien sûr, nous partageons cette préconisation qui passe en partie, comme vous l’avez rappelé, par le réengagement des services de l’État dans l’information du public. Il s’agit là d’assurer la transparence et la démocratie dans des domaines qui touchent la santé publique.
La nécessité de mettre en place des procédés démocratiques dépasse la question de la peur de la technologie. Elle est motivée par la défense de la démocratie locale et la réelle et sincère envie que le citoyen aient les moyens de participer au débat public.
En outre, il est essentiel que les élus locaux, et nous en sommes, soient formés et informés afin de prendre les décisions d’aménagement de leurs territoires en toute connaissance de cause. Je pense ici au problème des autorisations de lotir sous les lignes à très haute tension, mais également aux équipements accueillant de jeunes enfants.
Enfin, les expériences des différents acteurs du terrain, non seulement des agriculteurs et des apiculteurs, dont vous parlez dans votre rapport, mais plus largement de tous les représentants de la société civile, sont sources de connaissance.
Deuxièmement, si la qualité de l’information délivrée est un élément fondamental, cela présume que la puissance publique, les autorités soient en possession de cette information. Il s’agit donc ici d’assurer une expertise scientifique indépendante et d’octroyer les moyens nécessaires à la recherche publique.
Comme vous l’avez noté, monsieur Raoul, RTE est aujourd’hui « le principal et le quasi seul financeur des recherches conduites dans notre pays » sur les champs magnétiques d’extrêmement basse fréquence. Vous avez raison de souligner la faiblesse des financements, et le faible nombre des projets de recherche s’explique par le fait que la communauté scientifique ne les identifie pas « comme étant porteurs en termes de production de connaissance scientifiques au niveau mondial ».
On retrouve ici toute la problématique de l’indépendance de la recherche, en particulier vis-à-vis de la production à court terme. Or bon nombre de questions liées au champ magnétique continu et alternatif restent en suspens, notamment en ce qui concerne les impacts potentiels sur la santé des personnes.
Vous proposez de confier à l’Agence française de sécurité sanitaire de l’environnement et du travail, compétence pour lancer des appels d’offres. Nous verrons bien, au moment de l’examen du projet de loi de finances pour 2011, quel sort sera réservé aux crédits de l’Agence après fusion dans le cadre de la révision générale des politiques publiques.
Le meilleur moyen de remplir l’objectif prévu dans le contrat de service public liant l’État et RTE, qui stipule « que RTE s’engage à soutenir la recherche biomédicale sur les effets potentiels des champs électromagnétiques émis par les lignes électriques en garantissant l’indépendance des chercheurs et en assurant la publication des résultats obtenus », est que l’État donne à la recherche publique les moyens nécessaires. J’attends vos réponses sur ce point, madame le secrétaire d’État.
Il s’agit ici des risques potentiels sur la santé, en particulier celle des enfants en bas âge, liés aux grands projets industriels de l’État, comme M. le rapporteur l’a si bien expliqué.
Cela aurait également le mérite d’éviter les polémiques quelque peu déroutantes sur l’expertise scientifique. Je pense ici aux déclarations de huit experts associés aux travaux de l’Agence qui estimaient, dans une lettre ouverte adressée au ministre de la santé et de l’environnement le mercredi 19 mai, que l’AFSSET « a trompé délibérément le public et bafoué l’expertise scientifique en mettant en cause les lignes à haute tension dans son avis du 6 avril dernier consacré aux effets sanitaires des champs électromagnétiques basses fréquences ».
À la lecture du rapport et de divers documents cités, issus du Comité international de recherche sur le cancer, du Comité scientifique des risques sanitaires nouvellement identifiés et émergents, ou du Conseil supérieur d’hygiène publique de France, un doute apparaît sur les effets à long terme d’une faible exposition aux champs électriques et magnétiques d’extrêmement basse fréquence.
Face à ce doute et à des conséquences potentiellement graves, nous considérons que l’AFSSET a raison de préconiser « de ne pas installer ou aménager de nouveaux établissements accueillant des enfants […] à proximité immédiate des lignes à très haute tension, et de ne pas implanter de nouvelles lignes au-dessus de tels établissements ». De même, elle a raison de recommander aussi une distance minimum de cent mètres entre les lignes à très haute tension et ces établissements.
J’attends également des explications, puisqu’il semblerait qu’il n’y ait pas tout à fait accord sur ce point. Et encore ne s’agit-il que de recommandations qui devront être relayées par le ministère compétent afin de leur donner un effet contraignant.
Troisièmement, enfin, au moment où le Gouvernement brade une partie de la production nucléaire d’EDF, au moment où il serait question d’augmenter la contribution au service public de l’électricité, et donc la facture énergétique des Français, pour couvrir les dépenses de RTE, alors que l’état du réseau de transport et de distribution de l’électricité nécessite de lourds investissements, comment imaginer que RTE puisse s’engager financièrement dans les travaux nécessaires à l’enfouissement des lignes à haute tension ?
Même si, en effet, ce type de travaux n’est pas la solution à tous les problèmes et ne doit en aucun cas occulter les conséquences de ces installations sur la santé et l’environnement, comme vous le notez, mon cher collègue, « le passage en souterrain offre des avantages réels et permet de diminuer le champ magnétique tout en supprimant le champ électrique ».
Le contrat de service public prévoit que RTE doit protéger les paysages, les milieux naturels et urbains en réalisant en technique souterraine au moins 30 % des circuits haute tension à créer ou à renouveler. Mais ces opérations ont un coût énorme et sont souvent prises en charge par plusieurs entités. Or les communes et les communautés de communes auront de plus en plus de mal, au regard de l’impact de la réforme des collectivités territoriales sur leurs budgets, à faire face à de telles dépenses.
En conclusion, madame la secrétaire d’État, il serait utile de faire appliquer le droit existant, notamment les servitudes de trente mètres prévues par le décret du 19 août 2004, en interdisant l’attribution des permis de construire sous des lignes à très haute tension. Il faut également réfléchir à limiter l’exposition du public à 0,25 microtesla, comme le recommande le Parlement européen. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. Antoine Lefèvre.
M. Antoine Lefèvre. Monsieur le président, madame la secrétaire d'État, mes chers collègues, depuis quelques années, les lignes à haute et très haute tension suscitent de vives inquiétudes. Les lignes électriques sont-elles dangereuses pour la santé ? La question fait débat depuis le début des années quatre-vingt.
D’après les sources officielles, il n’y a pas de certitude scientifique sur la relation possible entre les risques biologiques et l’exposition. Du côté de l’opinion publique, les avis sont plutôt controversés. Or le simple fait qu’il existe une controverse, entre les scientifiques officiels et ceux qui sont indépendants des industriels et de l’État, sur la dangerosité des lignes à très haute tension pour la santé, constitue en soi la matérialisation de l’existence d’un risque.
Ces lignes se situent à 65 % en zone agricole et à 15 % en zone forestière. Ce sont donc environ 300 000 personnes qui vivent à proximité des 100 000 kilomètres de lignes, dont la moitié est à très haute tension, à environ 400 000 volts, générant des champs électromagnétiques basse fréquence de 50 hertz.
En 1991, le Conseil supérieur d’hygiène publique de France, observe, dans un avis, qu’en l’état des connaissances de l’époque, « on ne peut imputer aux champs électromagnétiques engendrés à proximité de lignes à haute tension des effets nuisibles pour la santé de l’homme ».
Quelques années plus tard, certaines nuances apparaissent. Un colloque organisé à l’Assemblée nationale en mai 1994, consacré aux champs électromagnétiques et à la santé publique, ne permet cependant pas de remettre en cause les avis émis par l’INSERM, le Conseil supérieur d’hygiène publique de France et l’Académie nationale de médecine, même s’ils ne permettent pas d’exclure totalement l’action des champs électromagnétiques dans un certain nombre de pathologies particulières.
Parallèlement, le ministère de l’industrie de l’époque met au point, en collaboration avec le ministère des affaires sociales et de la santé, un document de synthèse intitulé « Champs électromagnétiques et lignes électriques, état de la question et aspects sanitaires », établi à partir des analyses scientifiques les plus récentes réalisées à ce sujet, notamment l’avis de l’Académie de médecine.
Ce document est adressé en septembre 1994 aux services instructeurs des projets de lignes, préfectures, DRIRE, DDE, afin de leur permettre de mieux traiter les problèmes rencontrés et de répondre aux nombreuses questions qui leur sont posées lors des procédures d’examen des projets de lignes électriques.
La question se pose donc : la circulation du courant dans une ligne électrique, créant autour de celle-ci des champs magnétiques à très basse fréquence, peut-elle induire, à l’intérieur de l’organisme, des champs et des courants électriques, avec d’éventuels effets biologiques et sanitaires ?
En 2001, un rapport publié par le Centre international de recherche sur le cancer a classé les champs magnétiques à très basse fréquence dans la catégorie des agents « peut-être cancérogènes pour l’homme », tout en recommandant de nouvelles recherches « pour aboutir à des informations plus concluantes ».
Le Centre de recherche et d’information indépendantes sur les rayonnements électromagnétiques, le CRIIREM, rend publique une enquête, menée en 2008 auprès de 2 868 personnes demeurant à proximité de la ligne à très haute tension de Normandie. L’enquête conclut à « une dégradation significative des conditions de vie et de travail à proximité des lignes très haute tension qu’il n’est plus acceptable de nier. »
Enfin, le CRIIREM refuse de cantonner les problèmes de santé aux seuls cancers et leucémies et considère, comme certains orateurs l’ont évoqué, que le stress, les perturbations sonores et du sommeil, les états dépressifs et les maux de tête relèvent également de la santé publique.
« Les rayonnements électromagnétiques émis notamment par les lignes haute tension posent un certain nombre de problèmes », reconnaissait votre prédécesseur, madame la secrétaire d’État, après la parution de cette étude.
« Il est indéniable que ces rayonnements électromagnétiques émis notamment par les lignes à haute tension et d’autres sources posent un certain nombre de problèmes et qu’on est loin de tout savoir sur cette question », estimait en effet Mme Kosciusko-Morizet. « Les choses évoluent, néanmoins », malgré « une résistance de certains secteurs industriels et syndicats professionnels » dans le domaine de la santé et de l’environnement.
En 2004, une étude de chercheurs de l’université d’Oxford avait conclu à « une légère augmentation du risque de leucémie pour les enfants vivant à proximité ». Les auteurs de cette étude soulignaient que le risque de leucémie augmentait de 69 % pour les enfants dont le domicile se trouvait à moins de 200 mètres des lignes à haute tension au moment de leur naissance et de 23 % pour ceux qui étaient domiciliés à une distance située entre 200 et 599 mètres, par rapport à ceux qui étaient nés à plus de 600 mètres. La secrétaire d’État allait proposer une circulaire au ministre de l’écologie, invitant les préfets à réglementer les permis de construire sous des lignes à haute tension.
RTE reconnaît, dans un communiqué du 28 janvier 2009, la légitimité des préoccupations des riverains des lignes électriques quant aux effets sur la santé. Selon RTE, toutes les études et expertises menées depuis plus de trente ans n’ont jamais révélé d’effets sur la santé liés aux expositions aux champs magnétiques à très basse fréquence, ce que confirme l’AFSSET, tout en recommandant, dans son communiqué du 6 avril dernier, de ne plus installer de telles lignes à proximité d’établissements accueillant les enfants, au nom du principe de précaution.
L’AFSSET reconnaît qu’une association statistique a été démontrée par plusieurs études, au point que le Centre international de recherche sur le cancer a classé en 2002 les champs d’extrêmement basses fréquences comme cancérogènes possibles pour l’homme, mais avoue ne pas connaître le mécanisme d’action en jeu.
Pour l’OPECST, « un consensus international existe : les champs électriques ou magnétiques n’ont vraisemblablement aucun impact sur la santé. Les normes existantes n’ont pas à être modifiées. Cependant, trois cas font débat : l’électrohypersensibilité, certaines maladies neurodégénératives et les leucémies infantiles ».
L’agriculture et l’élevage paraissent, eux aussi, concernés et impactés, comme l’a souligné notre collègue. Selon certains, on relève régulièrement de graves problèmes sur des élevages à cause des lignes à haute tension ou des prises de terre des transformateurs électriques. Ils avancent que l’on peut recenser des problèmes tels que des baisses des défenses immunitaires, des baisses de fécondité, des avortements spontanés, du cannibalisme, des ulcères, des malformations par manque de calcium, des excès de fer dans le sang, des problèmes thyroïdiens.
La cour d’appel de Limoges, dans un arrêt du 1er mars 2010, vient de préciser le régime de l’action en réparation engagée par l’éleveur se prétendant victime des effets de l’exposition de ses installations d’élevage au champ électromagnétique induit par une ligne à très haute tension.
Le tribunal de grande instance de Tulle, dans une décision du 28 octobre 2008, avait innové en faisant une application entre personnes privées du principe de précaution, retenant à l’encontre du gestionnaire du réseau de distribution d’électricité une présomption de dangerosité de l’ouvrage, à défaut pour lui de rapporter la preuve de son innocuité.
Ce faisant, le tribunal a condamné RTE à verser à l’éleveur concerné une indemnité, afin de compenser le préjudice subi par l’exploitation du fait de l’exposition à la ligne à très haute tension.
À défaut pour l’éleveur d’avoir mis en évidence, de manière certaine, l’existence d’un lien de causalité suffisamment caractérisé, la cour d’appel n’a pu que réformer le jugement déféré et débouter l’éleveur de sa demande indemnitaire.
Cette décision est conforme à la position de la Cour de cassation, qui rejette, dès lors qu’il n’existe aucune certitude scientifique quant à la dangerosité.
Ainsi, il paraît difficile, voire impossible, pour un exploitant d’obtenir la réparation des préjudices qu’il peut subir du fait de la proximité d’une ligne à très haute tension.
L’OPECST propose des pistes de recherche et des mesures concrètes. Au-delà des questions sanitaires et environnementales, il plaide pour le réengagement de l’État et un meilleur dialogue avec les élus et les citoyens.
Afin de préciser les conditions de compatibilité d’un élevage à proximité d’une ligne électrique et d’offrir un dispositif pédagogique sur les courants parasites, RTE propose de choisir deux à quatre fermes témoins au voisinage de la future ligne Cotentin-Maine ou d’une ligne à 400 000 volts déjà existante. Elles feront l’objet d’un diagnostic complet – électrique, zootechnique et sanitaire – renouvelé tous les trois ans.
Ou encore, RTE et l’AMF ont signé une convention, dans laquelle la situation des tiers à proximité des lignes à haute tension et à très haute tension est prévue. RTE va mettre à disposition des maires un nouveau dispositif permettant de mesurer les champs magnétiques à proximité des lignes à très haute tension par des laboratoires agréés. Une plaquette vient d’être diffusée à l’ensemble des élus concernés par ces ouvrages.
Dans le cadre de la mise en œuvre du Grenelle de l’environnement, aux termes de l’article 42 de la loi Grenelle I et de l’article 183 de la loi Grenelle II, un dispositif de surveillance des niveaux de champs électromagnétiques à proximité des lignes à très haute tension doit être instauré. Il serait souhaitable que le décret devant être soumis à l’examen du Conseil supérieur de l’énergie voie le jour avant la fin de cette année.
Enfin, le 2 avril 2009, le Parlement européen a adopté une résolution sur les préoccupations quant aux effets pour la santé des champs électromagnétiques. Parmi ses vingt-neuf recommandations figure une invitation à la Commission à présenter un rapport annuel sur le niveau de rayonnement électromagnétique dans l’Union, sur les sources de ce dernier et sur les mesures prises par l’Union pour mieux protéger la santé humaine et l’environnement.
Le Parlement s’interroge vivement sur le fait que les compagnies d’assurance tendent à exclure la couverture des risques liés aux champs électromagnétiques des polices de responsabilité civile. À l’évidence, les assureurs européens font déjà jouer leur version du principe de précaution.
Nous y voilà !
Le principe de précaution, aux termes duquel est recommandée l’étude des actions qui permettraient d’éviter des dommages possibles, même si leur survenue est incertaine, est défini et interprété de façon très variée. L’approche est essentiellement fondée sur l’idée selon laquelle « mieux vaut la sécurité que les regrets ».
Alors, bien sûr, il s’agit non pas d’être pour ou contre le progrès, mais de choisir de vivre dans une société qui ne fabrique pas de profit au détriment de la santé publique. Nous sommes tous concernés par l’adoption ou non d’une réglementation de protection de la santé publique vis-à-vis des rayonnements électromagnétiques.
Madame le secrétaire d’État, vous qui êtes sensible à l’exposition de la population française aux ondes émises par les antennes-relais et qui préconisez l’interdiction du téléphone portable à l’égard des plus jeunes et le port de l’oreillette par tous, je vous remercie des éléments de réponse que vous voudrez bien nous apporter. (Applaudissements sur les travées de l’UMP, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)