M. le président. La parole est à M. Albéric de Montgolfier.
M. Albéric de Montgolfier. Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, je voterai bien évidemment ce texte, à la fois en tant que parlementaire et en tant que président de conseil général, reflétant ainsi l’opinion de très nombreux chefs d’exécutif départemental, en particulier de ceux qui siègent au sein du groupe DCI – droite, centre et indépendants – de l’ADF, l’Assemblée des départements de France.
Il faut savoir que départements et régions ne se parlent plus depuis dix ans.
M. François Patriat. C’est faux !
M. Albéric de Montgolfier. Les conférences régionales des exécutifs, qui devraient normalement réunir les exécutifs départementaux et régionaux, ne se réunissent pas.
M. François Patriat. Faux ! Chez moi, elle se réunit !
M. Albéric de Montgolfier. C’est la situation que nous vivons, par exemple, dans la région Centre. En dix ans, le président du conseil régional n’a pas réuni plus de deux fois la conférence régionale des exécutifs ! La région et les départements ne suivent pas la même politique, ne se coordonnent pas sur les grandes questions d’infrastructures ou sur les problèmes de santé, qui sont importants dans notre région.
Dès lors, je suis parvenu à la conviction que le meilleur moyen d’avoir des politiques convergentes, d’avoir des réponses efficaces en termes d’infrastructures ou sur l’ensemble des grands sujets qui nous intéressent,…
M. Jean-Louis Carrère. C’est de supprimer tous les élus !
M. Albéric de Montgolfier. … c’est d’avoir des élus siégeant à la fois à la région et au département.
Dans ces conditions, le conseiller territorial constitue, me semble-t-il, la réponse aux difficultés actuelles de coordination des politiques régionales et départementales.
Par conséquent, suivant la position des présidents de conseil général membres du groupe DCI de l’ADF, je voterai les conclusions de la commission mixte paritaire sur le projet de loi de réforme des collectivités territoriales. (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)
M. le président. La parole est à Mme Bariza Khiari.
Mme Bariza Khiari. Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, après une commission mixte paritaire qui n’aura pas permis de retrouver le bon sens pour nos collectivités territoriales et qui aura constitué un nouveau camouflet pour notre assemblée, nous répétons une nouvelle fois que cette réforme va dans la mauvaise direction, à contresens de notre histoire contemporaine, inscrite depuis trente ans dans une perspective de décentralisation.
Cette loi va « recentraliser », en donnant aux préfets beaucoup plus de pouvoirs. Elle transformera nos régions en simples syndicats de cantons. Elle créera un élu hybride, ce qui rendra départements et régions ingérables. Elle supprimera les possibilités d’action générale des collectivités territoriales.
Cette suppression signifie que nombre de petites et moyennes communes n’auront plus la possibilité de financer la plupart de leurs politiques au service de nos concitoyens, notamment des personnes les plus concernées par la précarité, car nos collectivités sont les premières à participer à la création du lien social.
Elle entraînera aussi des difficultés pour le tissu associatif, qui perdra un soutien important, et c’est le vivre-ensemble qui sera sérieusement entamé.
Elle va à l’encontre du développement économique puisque les collectivités territoriales sont les premiers investisseurs publics et mènent des actions importantes pour l’emploi, pour les entreprises, pour l’écologie et pour le développement des territoires.
Rappelons aussi que, contrairement à ce qui avait été annoncé, cette loi complexifiera l’organisation territoriale.
Cette réforme, c’est également la mort programmée de la parité, pour laquelle la gauche s’était battue ! Le scrutin de liste actuel assurait une quasi-parité des exécutifs régionaux, grâce aux combats de tous ceux et de toutes celles qui ont permis aux femmes d’accéder à la pleine citoyenneté !
Le président François Mitterrand déclarait souvent que l’égalité est « toujours un combat. » Je constate avec tristesse que c’est toujours vrai pour les femmes.
Comme Michèle André l’a expliqué en détail, la proportion de femmes dans les conseils régionaux devrait passer mécaniquement de 48 % à 12 %. Et ce n’est pas le renforcement des sanctions financières qui permettra de revenir sur les conséquences du nouveau mode de scrutin !
Paradoxalement, alors que nous donnons des leçons au monde entier, plus particulièrement à des pays en voie de développement, en expliquant qu’on juge une démocratie au sort fait aux femmes, le sort fait aux femmes de France par la présente réforme est tout simplement une honte !
Rappelons que le mode de scrutin amènera également un recul du pluralisme et de la diversité politiques, qui faisaient toute la richesse d’une démocratie apaisée.
Toutes ces atteintes à la démocratie sont particulièrement inquiétantes.
Nous ne nous lasserons pas de le répéter, cette réforme est vraiment une erreur, un retour en arrière inutile et aberrant. Et pourquoi faites-vous tout cela ? En vue d’une manipulation électoraliste principalement destinée à changer les règles du jeu électoral à l’approche d’échéances que vous abordez avec beaucoup de crainte !
Mais cette réforme fait d’autres victimes. Je pense au Sénat et aux élus locaux. Le Sénat n’a pas été écouté. Le déroulement de la commission mixte paritaire l’a montré de manière flagrante, les représentants de la majorité votant contre ou s’abstenant, compte tenu de la plupart des choix qui avaient été retenus par le Sénat.
Or ne pas écouter le Sénat sur les collectivités territoriales, c’est une erreur ! Pis, c’est une faute !
Car, et j’en viens à une autre victime, cette réforme est conçue contre les élus locaux, tout comme d’ailleurs le texte sur le Grand Paris. Dès le début, on a expliqué aux Français que les élus étaient trop nombreux, mauvais gestionnaires, et j’en passe… Maintenant, alors qu’il est clair que cette réforme se fait sans eux et contre eux, vous persistez dans le passage en force !
Pardon de vous le dire, mais ce que vous n’obtenez pas dans les urnes, vous voulez le récupérer de manière autoritaire, « sur le tapis vert ». Les Français ne seront pas dupes !
Pour toutes ces raisons, le groupe socialiste votera contre les conclusions de la commission mixte paritaire, refusant cette réforme à contresens, inutile et punitive ! Et nous appelons tous nos collègues à s’y opposer, pour le respect de notre Haute Assemblée et, surtout, pour la dignité de ceux qui y siègent ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)
M. le président. La parole est à Mme Annie David.
Mme Annie David. Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, à l’occasion de cette explication de vote, je souhaite revenir sur l’article 8, qui concerne les fusions de communes et dont il a été beaucoup question.
Le texte issu des travaux de la commission mixte paritaire revient à la fois sur la version adoptée à l’Assemblée nationale en première lecture et sur celle que nous avions adoptée au Sénat. En effet, le nouvel article L. 2113-2 du code général des collectivités territoriales, créé par le texte issu des travaux de la commission mixte paritaire, réintroduit la procédure de fusion de communes à partir de la demande de seulement deux tiers des conseils municipaux des communes membres d’un EPCI. Pourtant, les deux assemblées s’étaient mises d'accord en première lecture. Cela fait partie de nos interrogations : comment la commission mixte paritaire peut-elle revenir sur une mesure adoptée par nos deux assemblées au cours de la navette ?
Par ailleurs, le Sénat avait également introduit en deuxième lecture, et à notre demande, la consultation obligatoire des citoyens sur tout projet de fusion et de création de communes nouvelles.
Dans sa sagesse, notre Haute Assemblée avait ainsi réaffirmé le principe constitutionnel de souveraineté populaire. Le texte qui nous est présenté aujourd’hui supprime également l’obligation de consultation des citoyens : ceux-ci ne pourront plus donner leur avis sur la disparition de leur commune (M. le président de la commission des lois fait un signe de dénégation.), ce qui est totalement inacceptable.
Monsieur le président Hyest, l’article 8 prévoit que les citoyens ne seront consultés que si les délibérations ne sont pas « concordantes ».
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Oui !
Mme Annie David. Alors, ne contestez pas ce que je dis !
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. C’est ce que vous disiez au début qui était faux !
Mme Annie David. Les citoyens ne pourront être consultés que si les délibérations ne sont pas concordantes. Donc, ils ne le seront pas si les délibérations sont concordantes !
M. Guy Fischer. Exactement !
Mme Annie David. Au demeurant, la nouvelle rédaction de l’article 8 ne fait pas que nier la souveraineté populaire : elle prévoit également de l’encadrer quand il est fait appel à elle.
En effet, comme je viens de vous l’indiquer, monsieur le président de la commission des lois, une consultation populaire doit être organisée lorsque la demande de fusion « ne fait pas l’objet de délibérations concordantes des conseils municipaux de toutes les communes concernées ». C’est tout de même, me semble-t-il, la moindre des choses !
À cet égard, je ne rejoins pas notre collègue Hervé Maurey, même si j’ai bien noté sa tristesse, laquelle le conduit malheureusement non pas à voter contre la réforme, mais seulement à s’abstenir. Mon cher collègue, à mon sens, nous avons tout à fait raison de nous inquiéter pour l’avenir de nos communes. Car l’accord de la totalité des communes ne sera requis que si celles-ci n’appartiennent pas à un même EPCI. En revanche, il suffira de l’accord des deux tiers des communes membres d’un EPCI pour procéder à la fusion. Il n’y aura donc pas obligatoirement de majorité au sein d’un même EPCI.
M. le ministre de l’intérieur a évoqué tout à l’heure le principe de majorité. Or il ne s’agira pas de la majorité dans tous les cas. Si la fusion est demandée par le représentant de l’État dans le département, il suffira qu’il y ait des délibérations concordantes ; c’est seulement à défaut de concordance des délibérations que les populations seront consultées.
Monsieur le ministre, vous avez parlé de la possibilité offerte aux communes en matière de fusion, mais vous n’avez pas détaillé l’ensemble des dispositions de l’article. Or le 2° du texte prévu pour l’article L. 2113-2 du code général des collectivités territoriales prévoit que la fusion peut s’effectuer « à la demande des deux tiers au moins des conseils municipaux des communes membres d’un même établissement public de coopération intercommunale à fiscalité propre » ; d’où notre inquiétude quant à la disparition de nos communes.
Il y a donc des modifications substantielles par rapport au texte que le Sénat avait adopté.
En définitive, les nouvelles règles nous semblent tout à fait antidémocratiques. Pour notre part, nous les dénonçons et nous espérons que vous vous en souviendrez au moment de voter sur la réforme, mes chers collègues.
En effet, de possible et consensuelle, venant au terme d’une démarche démocratique, la fusion de communes devient imposée.
Déjà, nous étions fortement opposés au fait que l’initiative puisse venir du représentant de l’État ou que la fusion émane d’une décision prise à la majorité simple d’un organe délibérant d’un EPCI, mais le garde-fou du scrutin populaire était là pour éviter les dérives par trop autoritaires. Aujourd'hui, ces garde-fous sautent : tout devient possible. Un préfet pourra décréter la disparition-fusion-absorption de telle ou telle commune sans avoir recueilli l’accord unanime des communes appelées à disparaître.
Mes chers collègues, je ne partage donc pas votre optimisme quant à l’avenir de nos communes !
C’est une des raisons essentielles pour lesquelles nous voterons contre les conclusions du rapport de la commission mixte paritaire. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à M. François Zocchetto.
M. François Zocchetto. C’est peu de dire que ce texte comporte du bon et du moins bon !
Le bon, d’abord, c’est tout ce qui concerne la réaffirmation de la primauté du bloc communal, avec le renforcement du rôle des communes et la confirmation du rôle irremplaçable des communes dans notre organisation territoriale. Toutes les dispositions visant à encourager l’intercommunalité, la mutualisation et les conventions entre les collectivités sont une bonne chose.
Passons maintenant au moins bon.
À cet égard, je mentionnerai, en premier lieu, le conseiller territorial. La réflexion en la matière est passablement inachevée, ce qui a conduit, selon moi, à l’élaboration d’un dispositif inacceptable.
Comment allons-nous expliquer à nos concitoyens que, avec des hémicycles régionaux comptant parfois plus de 300 élus, le système fonctionnera au mieux et sera source d’économies ?
M. Jean-Pierre Sueur. Ce n’est pas possible !
M. Guy Fischer. C’est une usine à gaz !
Mme Michelle Demessine. Cela fait un peu bricolage !
M. François Zocchetto. En second lieu, le tableau annexé qui figure à la fin du texte adopté par la CMP crée une iniquité dans la représentation territoriale, une iniquité que j’illustrerai en ne prenant qu’un seul exemple.
Le département de la Mayenne sera, avec le département de l’Ardèche, le plus mal représenté de France au regard du nombre d’habitants. Ainsi, sur un total de 175 conseillers territoriaux pour la région des Pays de la Loire, le département de la Mayenne en aura 19.
M. Jean-Claude Gaudin. Il y en a 15 pour les Alpes-de-Haute-Provence et 15 aussi pour les Hautes-Alpes !
M. François Zocchetto. Mais le département situé juste à côté, qui compte pourtant moins d’habitants, en aura, lui, 29, soit 50 % de plus !
M. Guy Fischer. Allez comprendre !
M. François Zocchetto. Pour ma part, je ne suis pas capable d’expliquer ce type...
M. Guy Fischer. De magouilles !
M. François Zocchetto. … d’injustices !
Les questions relatives aux compétences et aux financements croisés me troublent également. Nous sommes dans une confusion qui suscite beaucoup d’inquiétudes.
Enfin, je dirai quelques mots de la méthode. Comme cela a été souligné à plusieurs reprises, nous ne pouvons passer sous silence le fait que quelques heures de discussion à l'Assemblée nationale aient quasiment réduit à néant les travaux du Sénat en deuxième lecture, ce qui est très dommageable.
Mme Annie David. C’est vrai !
M. François Zocchetto. En définitive, le Gouvernement se prive d’une réforme ambitieuse et nécessaire, en refusant de poursuivre la discussion, d’une part, sur le conseiller territorial – nous sommes prêts à la reprendre ! – et, d’autre part, sur la question des compétences.
Dans ces conditions, je m’abstiendrai. (MM. Hervé Maurey et Jean-Pierre Michel applaudissent.)
M. Jean-Louis Carrère. Il faut aller jusqu’à voter contre !
M. le président. La parole est à M. Jean-Claude Frécon.
M. Jean-Claude Frécon. Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, quand on nous a présenté ce projet de loi, on nous a dit que l’essentiel était de renforcer l’action et les compétences de nos collectivités locales, en nous indiquant plusieurs pistes : il fallait simplifier, clarifier, économiser et aussi développer la démocratie locale.
Permettez-moi de reprendre ces quatre objectifs pour vous démontrer qu’ils ne sont malheureusement pas du tout susceptibles d’être atteints.
Tout d’abord, on nous a dit qu’il fallait simplifier le millefeuille des collectivités territoriales. Or on y a ajouté trois niveaux : les métropoles, les pôles métropolitains et les communes nouvelles, sans en supprimer aucun autre, pas même celui des pays, comme cela avait un moment été envisagé ! La simplification n’est pas au rendez-vous.
Pour ce qui est de la clarification des compétences, il y a certes des niveaux où il faut encore agir, même si les différentes lois de décentralisation ont beaucoup fait en vingt-cinq ans dans ce domaine.
Personnellement, j’estime que nous n’avons pas suffisamment intégré la notion de chef de file, qui avait pourtant été avancée il y a une dizaine d’années, aussi bien sur la droite que sur la gauche de cet hémicycle. On le sait bien, l’exclusivité de certaines compétences n’est pas facile à mettre en place sur le terrain. Hélas, cette notion de chef de file, nous ne l’avons pas renforcée ! La clarification n’est donc pas non plus au rendez-vous.
Les économies, je n’en dirai qu’un mot. On sait bien que l’objectif était de supprimer un certain nombre d’élus. En termes de nombre, l’objectif est atteint, mais, en termes de coût, on est bien loin du compte, eu égard notamment à la reconfiguration physique de tous les hémicycles des conseils régionaux et aux frais qui en découlent. J’en veux pour preuve, comme l’a rappelé Gérard Collomb ce matin, l’interruption des travaux de l’hémicycle du conseil régional de la région Rhône-Alpes, dont le nombre de membres passera de 157 à 298, pour prévoir dès à présent son agrandissement. Tout cela aura un coût non négligeable, et l’on est très loin des économies prévues.
Développer la démocratie locale : permettez-moi, là encore, de citer quelques exemples qui prouvent que les mesures prévues ne vont pas du tout dans ce sens.
Je n’ai rien à ajouter à ce qu’a excellemment dit François Zocchetto à propos des conseillers territoriaux. Nous aurions pu mieux faire, n’était la volonté du chef de l’État de modifier l’existant.
Concernant le fléchage, on nous a dit qu’il constituait une avancée de la démocratie locale. Mais, mes chers collègues, le fléchage ne sera pas le fait du citoyen électeur, c’est l’équipe qui fléchera elle-même ses candidats ; l’électeur n’aura pas le droit de changer quoi que ce soit : sinon son bulletin sera nul. Il ne s’agit donc en rien d’une avancée de la démocratie locale.
Quant à la parité, elle est même en recul, ainsi que l’a fort bien expliqué notre collègue Michèle André.
Enfin, la question du seuil de 500 habitants dépasse, je le sais, les clivages politiques. Je suis de ceux qui pensent qu’il ne sera pas facile d’organiser des élections municipales démocratiques dans les communes comptabilisant un peu plus de 500 habitants, mais là n’est pas le sujet. Il faut dire que nous en avons tellement parlé durant l’examen de ce texte que nous ne savons plus où nous en sommes ! Cette question fera l’objet d’un autre texte.
Telles sont les remarques de fond que je tenais à formuler.
J’ajoute que, comme l’a souligné tout à l'heure notre collègue Didier Guillaume, les territoires ruraux couvrent une partie importante de notre pays et qu’ils représentent 20 % à 25 % de la population. Il ne faut pas penser qu’aux zones urbaines !
Pour finir, je parlerai de la méthode. Certains trouveront peut-être la formule un peu osée, mais le Sénat a été piétiné, il a été méprisé, il a été humilié.
M. René-Pierre Signé. Ce n’est pas osé, c’est vrai !
M. Jean-Claude Frécon. Et j’espère bien qu’il va se révolter ! Oui, mes chers collègues, je vous invite à vous révolter, de manière pacifique, sans doute, mais ferme. Du reste, un certain nombre de maires et de conseillers municipaux vous incitent aussi à vous révolter : nous en avons tous rencontré dans nos départements, et ce quelles que soient les travées sur lesquelles nous siégeons.
Telles sont les raisons pour lesquelles, avec l’ensemble du groupe socialiste, je ne voterai pas les conclusions du rapport de la commission mixte paritaire. Je souhaite que les démocrates qui siègent sur d’autres travées nous rejoignent. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à Mme Isabelle Pasquet.
Mme Isabelle Pasquet. Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, je souhaite revenir sur l’un des points clés de ce projet de loi, celui de la répartition des compétences entre les futures entités locales, que traite notamment l’article 35 du projet de loi.
Cet article, comme d’autres, a connu un parcours chaotique. Rappelons-nous le vote intervenu au Sénat : par 335 voix contre 5, c'est-à-dire à la quasi-unanimité, phénomène plutôt rare, notre assemblée avait décidé, sur proposition de MM. About et Maurey, du groupe de l’Union centriste, de renvoyer à une future loi la définition de la future répartition.
Il faut également rappeler que, dès le début de la deuxième lecture, le Sénat avait décidé de réaffirmer, sur proposition de notre groupe, le principe de la clause de compétence générale. Cet amendement fut rejeté en seconde délibération, un large accord étant intervenu pour repousser à plus tard la mise en place d’une nouvelle répartition des compétences.
Encore une fois, à l’occasion de cette CMP du 3 novembre, qui fera date tant la violence faite au Sénat est grande, le texte de l’Assemblée nationale a prévalu et la position quasi unanime du Sénat a été bafouée.
Plutôt que de faire le choix d’engager une réflexion, un débat, le Gouvernement et l’UMP ont opté pour la précipitation et le passage en force.
Souvenez-vous : M. Longuet lui-même avait pris la parole pour appeler à soutenir l’amendement de MM. About et Maurey. Il n’est pas acceptable qu’une CMP réunissant sept sénateurs et sept députés tranche contre l’avis presque unanime, je le répète, d’une assemblée qui est, de surcroît, censée représenter les collectivités locales, sur une question aussi lourde et importante que celle de la répartition des compétences.
Ce simple sujet nécessite, à nos yeux, un réexamen du projet de loi en troisième lecture par le Sénat et l’Assemblée nationale. Il s’agit non pas d’une question technique ou administrative, mais d’une question démocratique fondamentale : une collectivité locale pourra-t-elle répondre aux besoins de la population ? Un maire, un président de conseil général ou régional pourra-t-il exécuter son programme, respecter ses engagements ?
La mise en cause de la clause de compétence générale, pourtant reconnue comme principe constitutionnel, porte un coup d’arrêt à la décentralisation, à une décentralisation s’appuyant, au bénéfice des citoyens, sur les services publics et la solidarité.
L’apparent recul consenti par les deux rapporteurs avec le report de l’application de la nouvelle répartition à 2015 plutôt que 2012 est un leurre. Le véritable objectif est de museler le Sénat, d’imposer le principe de la fin de la clause de compétence générale sans qu’il y ait de véritable débat sur ce point.
La méthode utilisée par le Gouvernement lors de l’examen de ce texte par le Parlement est détestable : sur le projet de loi originel sont venues se greffer, au fur et à mesure de la navette, des dispositions devant faire l’objet de projets de loi séparés, comme le mode de scrutin pour le futur conseiller territorial ou la répartition des compétences. Cette précipitation précédait le passage en force auquel nous assistons, et que nous pressentions.
Nous proposons donc au Sénat de s’opposer à une telle méthode de discussion peu conforme aux principes d’un débat parlementaire démocratique, en refusant de voter les conclusions du rapport de la commission mixte paritaire. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à M. Yves Daudigny.
M. Yves Daudigny. Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, à cet instant, une formule me vient à l’esprit : tout ça pour ça !
Un an après l’examen du premier texte qui devait nous conduire au big-bang, à l’âge d’or des collectivités territoriales, nous nous retrouvons aujourd'hui, presque en catastrophe, au milieu de la discussion du projet de loi de financement de la sécurité sociale, pour examiner les conclusions du rapport de la commission mixte paritaire, celle-là même qui devait trouver ce fameux compromis entre nos deux assemblées !
Le moins que l’on puisse dire, c’est que ce compromis est assez relatif. Le Gouvernement n’a trouvé un soutien que de justesse : sept voix, dont sept voix UMP ! Un grand nombre des votes ont été acquis à une majorité de sept voix contre six et une abstention ! C’est dire le faible assentiment, le peu d’enthousiasme et d’adhésion que suscite ce texte pour lequel vous avez fait le choix de vous appuyer, messieurs les ministres, sur l'Assemblée nationale, au détriment du Sénat. Vous avez fait le choix du passage en force, du passage aux forceps.
Les associations d’élus ont donc réagi, contrairement à ce qui a été affirmé ce matin. Beaucoup d’entre elles ont témoigné de leur déception et de leur mécontentement, qu’il s’agisse des représentants des petites villes de France, de l’ARF, l’Association des régions de France, ou de l’ADF !
De plus, les conclusions du rapport retiennent très largement la rédaction de l'Assemblée nationale : à près de 90 %. C’est à croire, mes chers collègues, que les heures passées ici à siéger ont été vaines et que la chambre représentant les collectivités est priée de se faire moins bruyante, moins pertinente, moins inventive !
On a parlé du bilan ; il appelle des commentaires.
Concrètement, qu’elle ait lieu en 2012 ou 2015, la suppression de la clause de compétence générale pour les départements et les régions et, par prolongement, l’encadrement des financements croisés suscitent et susciteront toujours les mêmes nombreuses inquiétudes, en particulier dans les secteurs ruraux.
Si l’on met en parallèle les difficultés financières des collectivités, avec la suppression de la taxe professionnelle, les compensations incomplètes des compétences sociales transférées et le gel des dotations d’État durant les trois prochaines années, bref un désengagement quasiment général de l’État, ce faux consensus ne saurait évidemment nous satisfaire.
Je l’ai souvent dit, cette réforme affaiblira la proximité, réduira les partenariats entre les niveaux de collectivités, détruira les réseaux, diminuera mécaniquement les capacités d’initiative, fera régresser la démocratie territoriale et la solidarité.
Sur la question des compétences, la commission mixte paritaire a adopté une clause de rendez-vous avant la fin de la deuxième année qui suivra l’entrée en vigueur de l’article 35, soit d’ici à la fin de l’année 2017. Un comité aura donc la charge de remettre un rapport ; dont acte ! Mais pouvons-nous espérer que cette clause de rendez-vous ne connaîtra pas le même sort que la clause de revoyure relative à la réforme de la taxe professionnelle ?
Pour ce qui concerne les communes nouvelles, cela a déjà été dit, toutes les ambiguïtés demeurent. L’article 8 a-t-il une utilité ? Ne constitue-t-il pas un doublon ? N’est-il même pas en opposition avec la philosophie de l’intercommunalité qui préside à l’ensemble de ce texte ?
J’en viens enfin au cœur de la réforme, à savoir le conseiller territorial, cet « ovni » de la démocratie, une démocratie revue par Nicolas Sarkozy. Cela n’aura échappé à personne, l’unique motivation du texte est bien là, quel que soit le prix à payer en termes de démocratie et de lien social. Ce conseiller territorial n’est en rien un élément de modernité : il n’engendre que confusion et incertitude.
Mes chers collègues, le constat est lourd. Oubliés, les objectifs initiaux de simplification de l’organisation territoriale, d’une plus grande lisibilité pour le citoyen et d’une meilleure gestion de l’argent public. En revanche, bien sont réelles les victimes à venir. Victime, la démocratie de proximité ; victime, l’échelon départemental, dont l’assouplissement et l’extinction sont inscrits dans l’avenir ; victime, l’action publique, réduite, abandonnée ou livrée au privé ; victimes, surtout, les territoires ruraux, où le dynamisme économique n’est pas spontané et où les conseils généraux jouent donc un rôle de ciment, d’initiative et de soutien.
Dans ce projet, c’est bien une révolution masquée qui s’avance, avec l’affaiblissement généralisé de l’État, l’effacement programmé des collectivités territoriales et la destruction de l’action publique. La notion de service disparaît au profit de celle de performance. Il faudra un jour reconstruire l’État sur un autre modèle, plus démocratique, plus fluide, plus efficace et plus solidaire. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)