M. le président. La parole est à M. Didier Guillaume, sur l'article.
M. Didier Guillaume. Monsieur le ministre, lorsqu’il a été décidé de supprimer la taxe professionnelle, c’était pour alléger la fiscalité des entreprises et éviter les délocalisations. Aujourd'hui, on constate que, si, pour certaines sociétés, ce fut salvateur, pour d’autres, c’est un échec complet.
Quant aux délocalisations, nous n’avons pas encore suffisamment de recul pour nous prononcer.
Cet article prévoit donc, parmi les conséquences de la suppression de la taxe professionnelle, qu’une dotation de l’État sera versée aux départements et répartie à l’échelon des communes pauvres.
Pour les collectivités locales, la suppression de la taxe professionnelle est une énorme faute économique. Laissez-moi vous expliquer pourquoi.
Les collectivités locales n’entrent dans les déficits abyssaux de l’État que pour quelques pour cent – 10 %, 15 %, 20 %. Parallèlement, elles représentent 70 % à 75 % de l’investissement public civil de notre pays. (M. Gérard Miquel opine.) En effet, ce sont elles le véritable moteur de la croissance de notre pays. Par leurs investissements directs, elles font vivre des entreprises, des PME-PMI, dans les territoires tant ruraux qu’urbains. Par leurs dotations, les départements et les régions font vivre des communes qui, sans cela, ne pourraient pas investir.
La suppression de la taxe professionnelle, la décision de geler les dotations et d’augmenter de 0,2 % seulement la dotation globale de fonctionnement sont une erreur économique.
Plutôt que de privilégier le cercle vertueux de l’investissement, qui permettrait, grâce aux investissements et aux engagements des collectivités locales, de relancer l’économie, donc la croissance, le pouvoir d'achat et la distribution, vous avez préféré, avec cet article 18, faire le contraire. Votre décision affectera les collectivités locales, par le manque de dynamisme de la taxe professionnelle qu’elles touchaient jusqu’alors, par le manque de dynamisme des FDPTP qui allaient exclusivement aux communes les plus défavorisées afin qu’elles puissent investir. Les dispositions de cet article ralentiront encore plus la dynamique économique de notre pays.
Aussi, nous ne comprenons pas votre logique. Nous ne comprenons toujours pas pourquoi vous avez voulu supprimer la taxe professionnelle. Ce ne peut donc être, à nos yeux, qu’un engagement électoral, une mesure idéologique.
Nous pourrions l’admettre si cette décision emportait quelques conséquences économiques positives. Or tout le monde s’accorde à dire que les conséquences sur les collectivités territoriales et les collectivités locales sont désastreuses : la dotation de l’État que l’on donne en guise de lot de consolation aux départements, sans aucune dynamique, reviendra en euros constants à une baisse de l’aide aux communes défavorisées, donc à une baisse de l’investissement et, plus grave encore, à une baisse de l’investissement global des collectivités territoriales.
Vos motivations nous échappent totalement. Parce qu’elles investissent pour plus de 70 %, les collectivités locales auraient au contraire besoin d’une dynamique, des bases fiscales et des dotations plus fortes. Or vous faites le choix inverse.
Vous arguez que vous agissez ainsi pour faire baisser le déficit de l’État. Mais, dans les faits, cette décision plongera nos concitoyens dans une précarité encore plus grande et nombre d’entreprises qui avaient jusqu’à présent comme principal donneur d’ordre les collectivités locales verront leur chiffre d’affaires baisser. En période crise, ou plutôt de sortie de crise, nous estimons que vous commettez une faute économique.
M. le président. Avant de mettre aux voix l’article 18, je donne la parole à M. Marc Laménie, pour explication de vote.
M. Marc Laménie. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, l’an dernier, à la même époque, certains affirmaient qu’il y avait des interrogations, voire des incertitudes quant à l’évolution des fonds départementaux de péréquation de la taxe professionnelle en 2010.
À cet égard, permettez-moi de vous faire part d’un modeste témoignage.
En 2009, dans mon département, les Ardennes, le fonds s’élevait à 28 millions d'euros.
Les conseils généraux sont compétents pour répartir les fonds départementaux de péréquation de la taxe professionnelle, la présence de gros établissements donnant lieu à un écrêtement, notion que beaucoup d’entre vous connaissent.
En 2010, le montant du fonds, qui est généralement réparti aux mois d’octobre ou de novembre, est identique à celui de l’année dernière, c’est-à-dire 28 millions d'euros.
Une part du fonds était réservée pour aider les communes à procéder à des mises aux normes de défense incendie. En réalité, comme les dossiers étaient beaucoup moins nombreux, la dotation du fonds départemental réservée aux communes dites « défavorisées » – c’est une majorité – et aux structures intercommunales dites « défavorisées » a enregistré une progression d’environ 10 %.
Par conséquent, les craintes exprimées l’an dernier ne se sont pas vérifiées. Il convient donc de rétablir la vérité.
Avec les membres de mon groupe, je voterai l’article 18. Certes, le dispositif changera de nom et pourra donner lieu à d’autres interprétations et analyses.
Toutefois, si les aides sont redistribuées par les conseils généraux, le travail de répartition des recettes est effectué par l’État.
Ainsi, le principe de solidarité, qui est très important, demeure. Il faut donc, me semble-t-il, faire preuve d’objectivité et de confiance.
M. le président. La parole est à Mme Nicole Bricq, pour explication de vote.
Mme Nicole Bricq. L’article 18, qui prolonge le gel des fonds départementaux de péréquation de la taxe professionnelle, prouve que la mesure adoptée en loi de finances l’année dernière – je parle de la suppression de la taxe professionnelle – a été bâclée et qu’il faudra procéder à de nombreux ajustements au cours des années à venir.
Sous prétexte de « simplification », c’est l’ensemble de la fiscalité que l’on a déséquilibrée en supprimant un impôt, peut-être complexe et critiquable, pour le remplacer par dix autres ! On dénombre ainsi sept impositions forfaitaires sur les entreprises de réseaux, ou IFER, en fonction du lieu et des entreprises présentes.
Nous voyons bien avec cet article les conséquences des décisions prises l’année dernière. On ne peut faire aucune simulation ! La clause de revoyure que M. le ministre a évoquée n’existe pas. Les choses resteront donc en l’état dans les prochaines années.
M. Didier Guillaume. Eh oui !
Mme Nicole Bricq. Quoi que vous en disiez, les collectivités territoriales n’ont aucune visibilité pour l’avenir.
Ne vous étonnez donc pas que les chiffres de l’investissement global des collectivités en 2010 et les prévisions pour 2011 soient à la baisse !
M. Didier Guillaume. Et que le chômage soit à la hausse !
Mme Nicole Bricq. Ce sera la troisième année consécutive de baisse ! La crise n’explique pas tout !
M. le président. La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance.
6
Ordre du jour
M. le président. Voici quel sera l’ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment fixée à aujourd’hui, mercredi 24 novembre 2010 :
À neuf heures trente :
1. Suite de la discussion du projet de loi de finances pour 2011, adopté par l’Assemblée nationale (n° 110, 2010-2011). Suite de l’examen des articles de la première partie.
Rapport (n° 111, 2010-2011) de M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances.
À quinze heures, le soir et, éventuellement, la nuit :
2. Lecture d’une déclaration de politique générale du Gouvernement.
3. Suite de la discussion du projet de loi de finances pour 2011, adopté par l’Assemblée nationale (n° 110, 2010-2011). Suite et fin de l’examen des articles de la première partie.
Explications de vote.
Vote sur l’ensemble de la première partie.
En application de l’article 59, premier alinéa, du Règlement, il sera procédé à un scrutin public ordinaire.
Personne ne demande la parole ?…
La séance est levée.
(La séance est levée le mercredi 24 novembre 2010, à zéro heure trente-cinq.)
Le Directeur adjoint
du service du compte rendu intégral,
FRANÇOISE WIART