Mme Nathalie Goulet. Monsieur le président, monsieur le ministre d’État, mes chers collègues, vous ne serez pas surpris que, comme les collègues qui m’ont précédée, j’ouvre mon intervention en regrettant l’absence d’un secrétariat d’État aux anciens combattants au sein du nouveau Gouvernement. Cette annonce a en effet été très mal perçue par le monde combattant.
Je suis très attachée au monde combattant parce que, d’une part, mon mari présidait les associations départementales de l’Orne en qualité d’ancien combattant d’Indochine et, d’autre part, en tant qu’élue de Normandie, où se situe la Poche de Chambois, haut lieu de la bataille de Normandie, et habitant à quelques kilomètres de Fleuré, où le général Leclerc avait établi son quartier général, j’ai l’habitude de côtoyer le monde combattant, et ce pas uniquement le 6 juin lorsque le président américain vient se recueillir au cimetière américain de Colleville-sur-Mer.
Je voudrais évoquer deux sujets qui me tiennent à cœur.
Le premier concerne le classement des plages du débarquement au patrimoine mondial de l’UNESCO. C’est un projet que nous nourrissons avec le président de la région Basse-Normandie, Laurent Beauvais, et qui est également soutenu par Jean-François Le Grand, président du conseil général de la Manche, et par Jean-Léonce Dupont, premier vice-président du conseil général du Calvados et par ailleurs sénateur. Un tel projet me paraît très important pour le devoir de mémoire.
À ce propos, monsieur le ministre d’État, je souhaiterais que vous puissiez vous libérer le 21 août 2011 pour venir assister aux manifestations qui se déroulent au cimetière canadien de Cintheaux, dans le Calvados. Je connais vos liens avec le Canada et il me semblerait important qu’un ministre de plein exercice, qui plus est ministre d’État, participe à ces cérémonies.
L’ambassadeur du Canada, Son Excellence M. Marc Lortie, serait sûrement très heureux qu’un officiel français de votre rang participe aux célébrations et porte attention aux quelque 6 000 jeunes Canadiens qui sont venus mourir sur les plages de Normandie pour notre libération.
Le deuxième point de mon intervention porte sur le devoir de mémoire.
Je voudrais d’abord saluer le Souvenir français qui, dans mon département, comme dans tous les autres, je présume, accomplit un travail remarquable. Il s’agit notamment de la formation de jeunes porte-drapeaux dont la présence est efficace lors des manifestations.
Le recteur de la Mosquée de Paris, Dalil Boubakeur, souhaiterait que soit érigé un monument en hommage aux soldats musulmans morts pour la France. Il m’a fait part de ce projet lors des manifestations commémoratives de la libération de Paris cette année. Alors que notre société connaît certaines tensions et traverse une crise d’identité dans le rapport qu’elle entretient avec une période troublée de son histoire, une telle entreprise pourrait constituer un signe de reconnaissance de la Nation pour ces soldats. Le recteur Boubakeur est extrêmement attaché à cette idée et je pense que nous pourrions y travailler, un tel monument n’existant pas encore.
Enfin, j’ai une requête spéciale à vous adresser, monsieur le ministre d’État : il faut absolument que votre administration veille au bon déroulement des manifestations patriotiques.
En effet, j’assiste très régulièrement à ce type de cérémonies et je puis vous assurer que les surprises, souvent mauvaises, sont nombreuses ; on oublie même parfois de chanter La Marseillaise, devant des sous-préfets totalement impuissants. (Exclamations amusées sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste.) Je ne parle pas des discours et poèmes devant les monuments aux morts ; chacun devrait savoir que là n’est pas leur place !
Monsieur le ministre d’État, je souhaite que vous envisagiez avec les délégués militaires la possibilité d’envoyer aux maires de chaque département un dérouleur pour l’organisation des manifestations patriotiques. Je suis volontiers iconoclaste, mais en matière de patriotisme et de cérémonies commémoratives, je pense qu’il faut remettre de l’ordre dans la maison et, croyez-moi, ce qui se passe est parfois franchement curieux.
On dit que l’enfer est pavé de bonnes intentions ; en général, les maires de nos départements en sont également animés, mais il serait tout aussi simple de diffuser un dérouleur.
S’agissant de l’aspect proprement budgétaire de la mission, nous l’aborderons dans le cadre des amendements qui seront présentés.
Monsieur le ministre d’État, je profiterai néanmoins de l’occasion qui m’est donnée de m’exprimer à cette tribune pour vous inviter à Cintheaux, dans un autre département que le mien mais qui est voisin de celui-ci, au mois d’août 2011. Je suis sûre que vous en profiterez pour passer sur la route des armées canadiennes, dans l’Orne. Ce dernier département vous accueillera alors avec plaisir, puisqu’un certain nombre de manifestations célébrant les libérateurs canadiens s’y dérouleront.
Je ne doute pas que, malgré un agenda chargé, vous parviendrez à dégager un peu de temps pour les anciens combattants, notamment ceux de Normandie, lesquels seraient absolument ravis que vous leur donniez la priorité.
Je conclurai en vous souhaitant beaucoup de succès dans votre mission, qui ne sera guère facile. (Applaudissements sur les travées de l’Union centriste, ainsi que sur certaines travées de l’UMP et du RDSE.)
M. le président. La parole est à Mme Gisèle Printz.
Mme Gisèle Printz. Monsieur le ministre d’État, vous avez peu de temps, dans votre agenda, à consacrer aux anciens combattants. C’est la première fois, depuis 1945, qu’aucun membre du Gouvernement n’est spécifiquement en charge du monde combattant. Je pourrais par conséquent, en cet instant, inviter la Haute Assemblée à observer une minute de silence destinée à marquer la fin d’une époque et donc notre profonde réprobation.
En effet, les anciens combattants sont là, ils existent, ils sont nombreux Ils sont présents dans chacun de nos cantons et participent aux manifestations patriotiques qui, sans eux, n’existeraient pas. Permettez-moi de saluer les anciens combattants présents dans les tribunes.
Monsieur le ministre d’État, le Président de la République a le devoir de réparer cette faute en vous affectant un ou une secrétaire d’État. Aucune autre formule ne saurait être satisfaisante, pas même la nomination d’un délégué général, qui pourrait par ailleurs présider l’ONAC.
La disparition d’un membre du Gouvernement spécifiquement en charge des intérêts du monde combattant est concomitante à l’achèvement du transfert d’attribution de la DSPRS et de tous ses services déconcentrés en province vers la direction des ressources humaines du ministère de la défense et vers la direction centrale du service de santé des armées.
Pour être claire, les dernières directions interdépartementales et interrégionales des anciens combattants fermeront en novembre 2011 et la DSPRS sera supprimée en décembre de la même année. Le Centre d’études et de recherche sur l’appareillage des handicapés, le CERAH, installé à Woippy, en Moselle, sera de son côté intégré à l’Institution nationale des invalides, l’INI.
En contrepoint de ces évolutions administratives, l’ONAC et l’INI joueront un rôle accru dans la gestion des dossiers d’anciens combattants. Nous verrons si cette nouvelle organisation rend réellement service à ces derniers.
Monsieur le ministre d’État, quand nous faisons le constat que le budget 2011 affecté aux anciens combattants ne comporte pas réellement de mesures nouvelles, vous nous objectez que les droits acquis sont maintenus. Avouez que c’est la moindre des choses !
Vous nous rappelez que c’est la crise et qu’il faut réduire les dépenses publiques.... À nos yeux, la crise est celle de la gestion libérale de l’économie de marché que vous défendez. Le monde en mesure toutes les dérives et la quasi-totalité des familles en subissent les effets négatifs.
La crise a bon dos ! Cependant, tout le monde n’est pas logé à la même enseigne. Les efforts ne sont pas justement répartis. On connaît ceux qui la traversent sans encombre grâce aux choix politiques du Gouvernement, des choix et des options d’ailleurs traduits dans le budget 2011 : un soutien sans faille aux privilégiés du système et des efforts pour les autres, plus nombreux, parmi lesquels figurent les anciens combattants.
Des promesses ont été faites à ces derniers, notamment par le candidat Nicolas Sarkozy, actuel Président de la République, lors de la campagne électorale de 2007. Peu ont été tenues, beaucoup ont été ignorées.
La discussion budgétaire est l’occasion d’évoquer tous les dossiers auxquels nous tenons et qui font écho au travail que nous conduisons avec les associations du monde combattant.
Tout d’abord, concernant les points d’indice de la retraite du combattant, nous espérions une nouvelle avancée en 2011, de l’ordre de 2 points de majoration. Il n’en sera rien.
Monsieur le ministre d’État, je vous rappelle l’engagement du Président de la République de porter l’indice de référence à 48 points au plus tard le 1er janvier 2012. Nous avons déposé un amendement en ce sens, en espérant, sans trop y croire, que vous l’accepterez.
Les conditions de l’attribution de la carte du combattant pour les appelés affectés en Algérie qui n’avaient pas quatre mois de présence au 2 juillet 1962 restent à définir. Il conviendrait que le Gouvernement tienne compte de la notion d’exposition aux risques comme caractéristique de la guerre d’Algérie, afin de régler une fois pour toutes un problème laissé depuis trop longtemps sans solution.
Le contentieux sur la campagne double, porté par les fonctionnaires ayant servi en Algérie, est connu et aurait dû déjà aboutir. Une décision du Conseil d’État faisant obligation au Gouvernement de prendre les dispositions réglementaires afin de donner droit à la revendication des associations de fonctionnaires aurait permis d’avancer dans ce sens ; le décret du 29 juillet 2010 vide cependant de son contenu la décision du Conseil d’État, à notre grande surprise, ce qui a déclenché notre colère.
En effet, le Gouvernement a estimé que le bénéfice de la campagne double ne pouvait s’appliquer que pour les demandes effectuées après la reconnaissance de la guerre d’Algérie par le Parlement, c’est-à-dire après le 18 octobre 1999. Il a adjoint une seconde condition qui concerne la participation des requérants aux opérations de feu qui sont identifiées sur les journaux de marche des régiments.
Ces deux conditions cumulées excluent la quasi-totalité des bénéficiaires potentiels du bénéfice de la décision du Conseil d’État.
M. Guy Fischer. C’est méprisant !
Mme Gisèle Printz. La reconnaissance de la guerre d’Algérie le 18 octobre 1999 n’a de sens que si elle s’applique à la période de 1954 à 1962. En outre, les journaux de marche des régiments ne font que rarement état de la liste nominative des soldats ayant participé à des opérations de feu.
Pour toutes ces raisons, je vous demande, monsieur le ministre d’État, de bien vouloir abroger le décret du 29 juillet 2010 et de le remplacer par un texte plus opérationnel et plus juste.
À force de ténacité, les associations d’anciens combattants et les parlementaires ont obtenu la mise en place d’un système d’allocation différentielle au profit des conjoints survivants démunis. Je ferai deux remarques à ce sujet.
La première concerne le plafond retenu par le Gouvernement. Bien qu’il ait été légèrement relevé, il reste inférieur au seuil de pauvreté. Il conviendrait de l’amener à un niveau plus juste.
La seconde remarque porte sur le fait que, désormais, les veuves d’anciens combattants sont, paradoxalement, dans une situation meilleure que certains des anciens combattants les plus démunis.
C'est la raison pour laquelle je suggère au Gouvernement d’étendre l’allocation différentielle aux anciens combattants dont la situation répond aux critères financiers.
Le plafond de la retraite mutualiste n’a pas évolué depuis plusieurs années. Ce n’est pas satisfaisant. C’est pourquoi un amendement a été déposé afin d’élever ce plafond qui, pour beaucoup d’anciens combattants d’Afrique française du Nord, est un petit « plus » financier intéressant.
Un autre sujet est lourd de sens et de conséquence au regard du principe d’égalité, la situation des orphelins de guerre. Depuis les décrets du 13 juillet 2000 et du 27 juillet 2004, des inégalités demeurent et tous les orphelins de guerre ne sont pas traités de manière identique. Cela est choquant.
Monsieur le ministre d’État, à l’instar de vos prédécesseurs, vous possédez un outil de travail pour faire avancer le dossier, à savoir le rapport Audouin. Aucun de vos prédécesseurs n’a jusqu’à présent voulu donner suite aux préconisations que ce document contient.
La représentation nationale ne comprend pas pourquoi il n’est pas mis fin aux inégalités constatées ni quelles sont les raisons objectives et morales pouvant justifier cette inégalité flagrante.
Monsieur le ministre d’État, pouvez-vous nous indiquer vos intentions sur cette question ?
Enfin, je parlerai d’un sujet étroitement lié à ma région et qui concerne les incorporés de force dans la Wehrmacht, faits prisonniers par l’armée soviétique et détenus dans des camps situés de part et d’autre du fleuve Bug, appelé « ligne Curzon ».
Tous les lieux de détention situés à l’est de cette ligne ont été considérés comme des annexes du camp de Tambow et ceux qui y étaient détenus ont, à ce titre, bénéficié de dispositions dérogatoires dans le cadre du droit à réparation. En revanche, rien pour les Alsaciens mosellans détenus dans les camps situés à l’ouest de cette ligne, alors que les conditions de détention étaient les mêmes. La ligne Curzon a du sens sur le plan historique en ce qu’elle délimite des territoires, mais elle n’en a aucun quand il s’agit d’apprécier les conditions de détention et l’échelle des souffrances endurées.
Les survivants concernés sont maintenant moins d’une centaine et ils attendent une juste considération de leurs difficultés. Ce dossier pose un sujet de morale collective et appelle au respect vis-à-vis des réalités vécues.
Monsieur le ministre d’État, les sénateurs et les sénatrices du groupe socialiste vous demandent d’empêcher la disparition programmée d’une politique respectueuse du monde combattant. Ces hommes et ces femmes qui ressortissent de votre ministère n’ont pas d’influence sur la gestion capitaliste et spéculative de l’économie mondiale. Pourtant, ce sont eux qui, par leur engagement, ont répondu à l’appel de la Nation et défendu les valeurs de la République.
C’est pour cela qu’il ne faut pas les oublier. C’est pour cela que le budget consacré aux anciens combattants n’est pas un budget comme les autres. C’est pour cela que le budget des anciens combattants doit toujours comporter des mesures nouvelles, justes et respectueuses des situations réelles.
Le budget pour 2011 ne répond pas, selon moi, à ces critères. C’est aussi l’opinion de mes collègues du groupe socialiste. Dès lors, monsieur le ministre d’État, si vous campez sur vos positions, nous serons conduits à voter contre le budget que vous nous proposez. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. Robert Tropeano.
M. Robert Tropeano. Monsieur le président, monsieur le ministre d’État, mes chers collègues, lorsque l’on examine les crédits de la mission « Anciens Combattants, mémoire et liens avec la Nation », une fois encore un triste constat s’impose : les engagements pris par le candidat devenu Président de la République ne sont pas tenus.
D’année en année, le budget se réduit. L’année dernière, il était déjà diminué de 50 millions d’euros ; cette année, il est amputé de 110 millions d’euros, soit une baisse de près de 4 %. Monsieur le ministre d’État, vous qualifiez 2011 d’année « emblématique ». Ce n’est probablement pas le terme que j’aurais choisi, car votre budget est malheureusement un budget de renoncement, tout comme l’illustre la disparition récente du secrétariat d’État aux anciens combattants, que nous regrettons.
Pour justifier de telles réductions, monsieur le ministre d’État, vous évoquez la crise et l’obligation pour chacun de contribuer à la restauration des finances publiques. Vous en conviendrez : pour certains, la facture est plus lourde que pour d’autres.
Les anciens combattants et leurs ayants droit devront se satisfaire des promesses, du respect et de la solidarité de la Nation à défaut du relèvement des pensions, de la revalorisation de l’allocation différentielle ou encore de l’attribution de la campagne double.
La retraite du combattant, financée à hauteur de 793 millions d'euros, soit une baisse de 0,75 % par rapport à 2010, est précisément la première reconnaissance de la Nation envers les anciens combattants. Celle-ci devait atteindre les 48 points d’indice en 2012. Nous en sommes encore très loin. Et la direction choisie laisse entendre que les engagements pris n’iront pas au-delà des promesses électorales.
Or, monsieur le ministre d’État, vous nous expliquez cette année que, la crise étant là, la retraite ne sera revalorisée que d’un point, et ce à compter non pas du 1er janvier 2011, mais du 1er juillet 2011. En réalité, en année fiscale, il ne s’agit que d’une augmentation d’un demi-point !
M. Guy Fischer. Scandaleux !
M. Robert Tropeano. Pourtant, rappelez-vous, le Gouvernement s’était engagé à revaloriser cette pension de deux points par an. Aujourd'hui, le compte n’y est pas.
Tenir cet engagement aurait couté 27 millions d’euros. À le comparer aux sommes restituées au travers du bouclier fiscal, je vous laisse imaginer ce que ressentent les anciens combattants devant les choix budgétaires ainsi retenus. Comment envisagez-vous alors d’atteindre les 48 points d’indice en 2012 ?
Autre sujet de préoccupation, l’allocation différentielle destinée aux conjoints survivants les plus démunis. Qu’en est-il de la revalorisation de cette allocation ? Les 834 euros que vous proposez ne sont que la traduction de l’augmentation de l’allocation de solidarité aux personnes âgées au mois d’avril prochain. Qu’attendez-vous pour la fixer à 940 euros, comme le souhaitent les associations d’anciens combattants ? Voilà un geste qui aurait un sens !
Monsieur le ministre d’État, vous le savez, la campagne double est un autre sujet qui me tient particulièrement à cœur. Je vous ai interrogé à ce propos la semaine dernière lors d’une séance de questions orales et votre réponse ne m’a pas convaincu.
Selon la décision du Conseil d’État, le bénéfice de la campagne devait être attribué à tous les anciens combattants ayant participé à des opérations de guerre. Or ne retenir que les anciens combattants qui n’auraient pas liquidé leur retraite avant 1999 est d’une grande injustice.
En adoptant cette date de référence pour bénéficier de la campagne double, vous excluez – mais peut-être est-ce volontaire ? – les cheminots, les personnels hospitaliers, les fonctionnaires de police ou encore les postiers.
Dans ces conditions, vous en conviendrez, très peu d’entre eux, probablement, bénéficieront de cette mesure. Cette disposition s’applique pourtant à tous les combattants engagés sur d’autres conflits.
De plus, et je rejoins notre collègue Janine Rozier sur ce point, je souhaite évoquer l’inégalité qui existe entre les pensionnés du public et ceux du régime général. Ces derniers ne bénéficient pas des mêmes avantages et je crois qu’il conviendrait, monsieur le ministre d’État, de mettre en place une mesure permettant à tous les anciens combattants d’être sur un même pied d’inégalité. (M. Auguste Cazalet applaudit.)
Mme Janine Rozier, rapporteur pour avis. Tout à fait !
M. Robert Tropeano. Sur la décristallisation des pensions, je serai bref. En 2006, lorsque cette disposition a été retenue, il a été décidé qu’elle ne pourrait avoir lieu que sur demande des intéressés. Or, l’État n’ayant pas organisé la diffusion de cette information, très peu de demandes ont été déposées. Quelle décision envisagez-vous de prendre pour, enfin, diffuser cette information ?
J’en viens maintenant à la dotation de l’ONAC, qui s’élève à 57,47 millions d'euros. Certes, elle augmente de 8 %, mais il s’agit simplement de la traduction comptable des transferts de charges et ce chiffre ne peut en aucun cas être attribué à une augmentation de budget. Cette hausse s’explique par la nécessité de financer les nouvelles tâches que le ministère de la défense a dévolues à l’ONAC en lieu et place de ses services. Je tenais à le souligner.
Cela étant, je tiens tout de même à apporter le témoignage des associations des anciens combattants qui subissent très directement la réduction de personnel de l’Office national des anciens combattants et victimes de guerre.
Enfin, je tiens à soulever la question portant sur des mesures d’indemnisation des orphelins de déportés et de victimes de la barbarie nazie. Ce programme est désormais placé sous la responsabilité du Premier ministre. Il n’en demeure pas moins que les descendants de familles touchées par cette tragédie continuent de nous solliciter sur ce sujet.
Monsieur le ministre d’État, quelle réponse réservez-vous aux pupilles de la Nation dont les parents sont « morts pour la France » ? Depuis les décrets imparfaits de 2000, 2001 et 2004, les pupilles de la Nation, orphelins de guerre, ont le sentiment d’être abandonnés. Ils sont depuis trop longtemps dans une attente intolérable. C’est pourquoi, à la suite des travaux de la commission nationale de concertation présidée par Mme Block, nous souhaitons savoir à quelle date le décret sera publié et si, enfin, vous prendrez en considération les sollicitations des personnes concernées.
Enfin, j’évoquerai la demi-part fiscale attribuée aux anciens combattants de plus de 75 ans. Les anciens combattants souhaitent que cette demi-part supplémentaire soit accordée à partir de 70 ans.
Monsieur le ministre d’État, avant de conclure et bien qu’il ne s’agisse pas d’une question budgétaire, je souhaite renouveler une fois encore la demande que je formule chaque année depuis 2006 : la date du 19 mars doit être retenue pour célébrer la journée nationale du souvenir et du recueillement à la mémoire des victimes de la guerre d’Algérie, des combats du Maroc et de Tunisie, en lieu et place du 5 décembre. (M. Guy Fischer applaudit.) Le monde combattant y est très attaché, comme de nombreux parlementaires de la majorité, à l’instar du député UMP de l’Isère, Georges Colombier, qui déclarait récemment que le 19 mars était la seule date historique pour commémorer la fin de la guerre d’Algérie, le 5 décembre n’ayant aucune valeur historique.
Monsieur le ministre d’État, bien que vous ayez tenté de jouer sur la notion de démographie – la « déflation démographique », selon vos termes – pour dégager des marges de manœuvre lors de la construction de votre budget, je ne peux m’empêcher de vous dire que vous n’avez sur aucun point important apporté une réponse satisfaisante aux attentes du monde combattant. C’est pourquoi, vous l’aurez compris, je ne voterai pas votre budget. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)
M. le président. La parole est à M. Guy Fischer.
M. Guy Fischer. Monsieur le président, monsieur le ministre d’État, mes chers collègues, je voudrais d’abord élever, au nom du monde combattant, une énergique protestation contre le sort réservé au budget des anciens combattants et victimes de guerre, examiné en catimini à l’Assemblée nationale lors d’une commission élargie. Quel mépris !
Aujourd'hui, puisque les crédits de cette mission sont examinés en séance publique au Sénat, nous pourrions nous estimer mieux lotis, si nous n’étions privés de l’interlocuteur privilégié qu’était le secrétaire d’État à la défense et aux anciens combattants, ...
Mme Marie-Thérèse Hermange. Vous avez un ministre d’État !
Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. C’est incroyable !
M. Guy Fischer. ... ce qui nous fait craindre de voir les questions et les revendications spécifiques au monde combattant privées de leur singularité, de leur caractère sacré, du respect du droit à réparation.
Monsieur le ministre d’État, nous comptons néanmoins sur vous !
Mme Janine Rozier, rapporteur pour avis. Tout de même !
M. Guy Fischer. Ce budget, marqué du sceau de la déception, de l’amertume et de la colère, confirme cette inquiétude : non seulement il ne fera pas exception à la règle, mais, et c’est du jamais vu, nous sommes dans le reniement de la parole donnée et dans le mépris du monde combattant.
Ce budget est en baisse de 3,89 % et ne contenait à l’origine aucune mesure nouvelle. Pire encore, compte tenu des transferts de crédits avec le budget de la défense et les suppressions de postes, il serait en fait en retrait, au minimum de 4,50 % par rapport au budget de 2010 ! De surcroît, le projet de loi de programmation des finances publiques a d’ores et déjà prévu sa baisse régulière : 3,7 % en 2012, 3,2 % en 2013.
On nous rétorque que la maîtrise des dépenses publiques doit associer le monde combattant à l’effort général visant à les réduire. Pourtant, l’inéluctable décroissance démographique ne devrait-elle pas permettre de satisfaire les revendications récurrentes et essentielles ? Les anciens combattants et leurs veuves participent déjà en tant que citoyens à l’effort demandé à tous du fait de la crise que vous avez engendrée. Vous entendez donc leur appliquer une double peine !
L’ex-secrétaire d’État aux anciens combattants, Hubert Falco, se targuait devant la commission à l’Assemblée nationale d’avoir tenu ses promesses en réalisant, je le cite, « les transferts de missions et les fermetures des services déconcentrés de la DSPRS ». J’appelle cela du cynisme ! Il précisait, en outre, qu’aucun droit acquis ne serait remis en cause malgré la rigueur budgétaire.
Et nous devrions nous contenter de cela après avoir vu, révision générale des politiques publiques oblige, démanteler la DSPRS, réduire les moyens de l’ONAC, abandonner les maisons de retraite et les écoles de réinsertion à une fondation privée !
En matière de retraite du combattant, vous revenez sur la promesse d’une programmation pluriannuelle, mais que penser des promesses du Gouvernement, alors que le Président de la République fait lui-même fi des siennes lorsqu’il était candidat en 2007 ?
Vous dites consentir à l’augmentation d’un point d’indice au 1er juillet ; je prétends, moi, que vous y avez été contraints par l’indignation et la colère du monde combattant et des députés, toutes tendances confondues.
Quant à l’allocation différentielle aux conjoints survivants, d’un montant de 817 euros, on nous dit qu’il est impossible de l’augmenter pour le moment, mais que « si des marges devaient apparaître », il serait demandé à l’ONAC de la relever à 834 euros. Cela représenterait donc une augmentation de 17 euros, qui serait réduite à néant par la prise en compte dans les revenus de l’augmentation de l’allocation de solidarité aux personnes âgées ! Je vous proposerai tout à l’heure des amendements permettant de réévaluer un peu plus sérieusement cette allocation et de permettre son extension aux anciens combattants les plus démunis.
En effet, s’il est juste de s’inquiéter du sort des veuves des plus grands invalides de guerre, veuves qui devraient voir leur pension augmenter de 360 points, il ne faut pas pour autant oublier les veuves du plus grand nombre d’anciens combattants, qui survivent avec cette allocation différentielle.
Mme Janine Rozier, rapporteur pour avis. Merci d’aller dans mon sens !
M. Guy Fischer. Au titre des promesses non tenues, je voudrais encore citer le plafond majorable de la rente mutualiste, bloqué à 125 points depuis le 1er janvier 2007, encore loin des 130 points promis. Je vous proposerai tout à l’heure un amendement.
Nous pourrions également évoquer l’attribution de la carte du combattant aux militaires arrivés en Algérie avant le 2 juillet 1962 et qui justifient de quatre mois de présence sur le territoire avant et après cette date.
De la même façon, vous persistez à refuser le titre de reconnaissance de la Nation aux réfractaires au service du travail obligatoire, le STO.
Même au chapitre des avancées, qui vous ont d’ailleurs été imposées, vous restez au milieu du gué, monsieur le ministre d’État, au risque de compromettre largement l’impact de la mesure. C’est précisément le cas de la campagne double et de la décristallisation, dont je voudrais dire un mot, même si ces deux mesures ne concernent pas la mission.
Ainsi, le décret du 29 juillet 2010, que le Conseil d’État vous a contraint de publier, accorde la campagne double aux ressortissants du code des pensions civiles et militaires, mais son article 2 impose une condition de participation aux actions de feu ! Le décompte des journées de feu serait fait à la demande des intéressés au vu des journaux de marche.
Autre condition : il ne concernerait pas ceux qui ont liquidé leur retraite avant le 19 octobre 1999. Une telle mesure n’est pas de nature à assurer l’égalité des droits entre les combattants de tous les conflits.
En ce qui concerne l’achèvement de la décristallisation, les quelque 32 000 personnes concernées devront en faire la demande. En effet, si la revalorisation du point est automatique, en revanche, la revalorisation des indices suppose une demande de l’intéressé visant à la reconstitution de sa carrière et à la prise en compte de sa situation de famille.
Pouvez-vous nous dire, monsieur le ministre d’État, quelles mesures seront prises pour améliorer l’information des intéressés, jugée insuffisante par la Cour des comptes ?
Je serai, à l’instar de notre rapporteur pour avis, Mme Janine Rozier, particulièrement vigilant sur ce point et je vous proposerai dans quelques jours, à l’article 100, un amendement tendant à rendre automatique cette décristallisation pour les ressortissants des ex-colonies.
Nous pourrions également parler du décret d’attribution de la carte du combattant aux participants aux OPEX, qui vient de sortir. Il est à craindre qu’il ne soit aussi restrictif que celui qui est relatif à la campagne double !
Dans le peu de temps qui m’est imparti, je souhaite vous prier, monsieur le ministre d’État, de répondre à quelques questions sur des mesures très attendues.
Tout d’abord, pouvez-vous nous confirmer que l’augmentation de 0,5 % du point d’indice de la fonction publique sera bien appliquée à la valeur du point d'indice de pension militaire d'invalidité, ou PMI, avec rattrapage au 1er juillet ?
Ensuite, s’agissant de l’indemnisation des vétérans des essais nucléaires, pouvez-vous nous dire combien de dossiers sont d’ores et déjà à l’examen ? Je constate, en effet, que ce budget se borne à reconduire les 10 millions d’euros provisionnés l’an dernier ; leur nombre serait donc vraisemblablement minime.
Par ailleurs, je souhaiterais que vous nous donniez des nouvelles du reclassement des personnels de la DSPRS. À ce jour, seulement 70 % d’entre eux seraient reclassés ou parvenus à l’âge de la retraite.
Enfin, bien que la question de l’indemnisation des orphelins de victimes de la barbarie nazie relève directement du Premier ministre, pourriez-vous nous donner quelques éléments quant à la teneur du projet de décret en préparation ? Il me paraît en effet indispensable que l’indemnisation soit au moins ouverte aux enfants dont les parents ont été tués pour faits de guerre ou de résistance collective ou individuelle.
Je ne saurai conclure sans évoquer la politique de mémoire, pour redire ma détermination à obtenir la reconnaissance officielle de la date du 19 mars 1962, au lieu de celle du 5 décembre, dénuée de sens, pour honorer la mémoire des militaires tombés en Algérie, au Maroc et en Tunisie, et celle de toutes les victimes civiles d’avant et d’après le 19 mars 1962.
Je vous rappelle également la volonté du monde résistant de voir créer une journée nationale de la Résistance, journée non fériée, non chômée, en référence à la date historique du 27 mai 1943, qui vit la première réunion du Conseil national de la Résistance, sous la présidence de Jean Moulin.
Enfin, je souhaiterais savoir si le Gouvernement envisage ou non la réhabilitation collective des « fusillés pour l’exemple » de la Grande Guerre.
Mme Évelyne Didier. Très bien !
Mme Gisèle Printz. Oui !
M. Guy Fischer. En conclusion, le groupe CRC-SPG votera résolument contre un projet de budget qui confirme le désengagement de la Nation envers ses anciens combattants et victimes de guerre, un budget qui tourne le dos à la démocratie et aux valeurs républicaines ! (Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. Michel Guerry.