M. Alain Le Vern. C’est bien !
M. Christian Poncelet. Pour sa part, M. le Premier ministre a constaté publiquement que certains départements connaissaient de grandes difficultés financières.
Cette dégradation de leur situation financière s’explique d’abord par la perte insidieuse de la liberté fiscale des collectivités. Dès 2011, les départements ne pourront plus fixer le taux et déterminer le produit que d’un seul impôt, la taxe sur le foncier bâti, ce qui explique que la recette attendue du point d’impôt supplémentaire ait nettement régressé.
M. Alain Le Vern. Très bien !
M. Christian Poncelet. À titre d’exemple, dans le département des Vosges, la valeur de ce point d’impôt est passée, pour le seul impôt dont le taux peut être fixé, à savoir la taxe sur le foncier bâti, à 600 000 euros en 2011, au lieu de 7 millions d’euros précédemment au titre de l’ensemble constitué par la taxe professionnelle, la taxe d’habitation, la taxe sur le foncier bâti et la taxe sur le foncier non bâti. L’écart, à l’évidence, est important.
M. Alain Le Vern. Eh oui !
M. Christian Poncelet. Cette dégradation financière s’explique également par les pertes liées à des compensations très partielles par l’État des transferts de compétences effectués.
Cette dégradation financière s’explique aussi par le dynamisme des allocations universelles de solidarité versées par les départements pour le compte de l’État, alors que les rentrées fiscales connaissent une progression très modérée.
C’est là l’effet de ciseaux souligné par tous, entre des recettes peu dynamiques et des dépenses, essentiellement sociales, en forte croissance. Cela pose le problème du financement des allocations de solidarité. Pour y apporter une solution durable, ne conviendrait-il pas d’assurer ce financement à partir, par exemple, d’un prélèvement sur le produit de la contribution sociale généralisée ? Ce ne serait pas illogique. Cette idée a d’ailleurs été exposée à Avignon.
Cette présentation de la situation des finances locales fournit l’occasion de mettre l’accent sur l’importance des créances que les collectivités territoriales ont acquises sur l’État à la suite de transferts de compétences non accompagnés des crédits globaux correspondants.
Cette affaire est, certes, ancienne. Le principe de compensation financière des transferts de compétences a été posé dès les premières lois de décentralisation de 1982 et de 1983, puis érigé en principe constitutionnel en mars 2003. Conformément à la loi du 13 août 2004, la compensation financière s’opère par le fractionnement d’impôts nationaux
Cependant, dès la mise en œuvre de la décentralisation, des écarts ont été relevés entre les crédits prévus et ceux effectivement versés. L’allocation personnalisée d’autonomie, l’APA, en fournit un exemple probant. En fin de compte, c’est une créance importante sur l’État que les départements ont ainsi accumulée à la suite des différents transferts de compétences. (M. Jean-Louis Carrère applaudit.)
Le montant de cette créance a atteint, pour mon département des Vosges, 137 millions d’euros sur une période de six ans ; pour l’année 2011, il serait de l’ordre de 50 millions d’euros, soit l’équivalent d’un demi-budget annuel départemental d’investissement, investissement indispensable au soutien à l’activité économique du département !
Il est à noter que, dans ce domaine, aucun gouvernement, qu’il soit de gauche ou de droite, n’a respecté la loi de 1982, et que l’accroissement de ces dettes de l’État crée une situation financière insupportable pour les départements.
Aussi serons-nous très attentifs à la réponse que vous voudrez bien apporter, monsieur le ministre, à la question suivante : quand, et selon quelles procédures, le Gouvernement entend-il donner une solution au lancinant problème des compensations des transferts de compétences et assurer aux collectivités intéressées le juste retour des crédits correspondants ? Peut-être la mise en place de la péréquation horizontale à partir de la croissance escomptée de la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises ou des droits de mutation à titre onéreux permettra-t-elle d’alimenter deux fonds dédiés à la protection sociale. J’ai cependant pu observer, lors du congrès d’Avignon des 20 et 21 octobre derniers, qu’aucun département ne s’estimait riche ! (Sourires.) L’opération sera donc particulièrement difficile à réaliser…
Comment, dès lors, les départements pourront-ils établir leur budget pour 2011, alors que sont en quelque sorte entérinées la diminution des recettes et l’augmentation des dépenses ? C’est une équation qui paraît impossible à résoudre et je crains que, en l’état, il ne faille improviser.
D’ailleurs, constatant la détérioration résultant de la réduction relative des recettes face à l’augmentation forte des dépenses liées aux transferts de compétences subis, la Cour des comptes a cru déceler chez les responsables des collectivités territoriales ce qu’elle nomme le « ressenti d’une perte d’autonomie ».
M. Jean-Pierre Sueur. Un grand ressenti !
M. Christian Poncelet. Que faut-il penser de cela après examen des principales dispositions budgétaires pour 2011 ?
Pour lever les craintes et permettre aux collectivités d’avoir une démarche budgétaire plus assurée, vous voudrez bien, monsieur le ministre, apporter au Sénat les précisions qu’il m’a paru utile de demander et les réponses aux questions qu’il m’a semblé opportun de poser aujourd’hui, à l’heure où les collectivités préparent leur budget. (Applaudissements sur certaines travées de l’UMP et de l’Union centriste, ainsi que sur les travées du RDSE et du groupe socialiste.)
M. Alain Le Vern. Retenez-le, ou il va faire un malheur !
M. Jean-Pierre Sueur. Votez contre, monsieur Poncelet !
M. Christian Poncelet. Cher collègue, je pourrais citer des circonstances historiques où vous avez voté par discipline des textes que vous n’approuviez pas !
M. le président. La parole est à M. Claude Biwer.
M. Claude Biwer. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, venant après celle du président Poncelet, mon intervention vous paraîtra peut-être fade, mais elle participe du même esprit puisque, élus d’une même région, nous rencontrons des difficultés analogues, dont les chiffres cités donnent la mesure.
La France se trouvant dans une situation financière et budgétaire particulièrement contrainte, il n’est guère étonnant que le Gouvernement ait cru devoir procéder, pour l’année 2011, au gel des dotations versées par l’État aux collectivités territoriales.
J’observe, néanmoins, que ce gel conduit, en réalité, à une baisse de 1,5 % du montant de ces crédits, si l’on tient compte du taux d’inflation retenu pour 2011. Les communes, les intercommunalités, les départements et les régions vont donc se trouver contraints de réduire quelque peu leur train de vie l’année prochaine. L’exercice sera sans doute bien plus facile pour les collectivités relativement aisées que pour les communes rurales, qui n’ont déjà pas beaucoup de ressources, ou les départements ruraux, qui n’en ont guère plus ; je pense bien entendu aux communes du département que je représente dans cette assemblée, la Meuse.
Le seul motif de satisfaction que je retiens des propositions formulées par le Gouvernement tient à la progression de 6 %, malgré tout, des dotations de solidarité. Cependant, sur quelle base sera calculé ce pourcentage ?
À l’énoncé des chiffres, il apparaît clairement qu’un réel problème se pose : 836 communes urbaines recevront 1,3 milliard d’euros de DSU en 2011, soit 1,531 million d’euros par ville ; dans le même temps, 34 866 communes rurales vont se partager 850 millions d’euros – c’est dire qu’elles ne jouent pas dans la même cour !
En six ans, les crédits de ces deux dotations de solidarité ont certes doublé, mais ils sont passés de 400 millions d’euros à 850 millions d’euros pour la DSR, et de 600 millions d’euros à 1,3 milliard d’euros pour la DSU. L’écart entre les deux dotations se trouve donc accru.
Pourquoi une telle différence de traitement entre communes urbaines et communes rurales ? Je demande solennellement au Gouvernement de mettre fin à cette disparité, qui n’est absolument pas justifiée.
Dans cette enceinte, nous évoquons régulièrement la péréquation, que nous appelons tous de nos vœux, mais elle peine à s’instaurer. On sait que le calcul des dotations de l’État reposait, à l’origine, sur le produit de la taxe locale, qui variait fortement entre les villes et les villages. En d’autres termes, les villes qui étaient riches dans les années soixante et soixante-dix perçoivent aujourd’hui encore un montant de DGF plus important que les autres !
Ces différences de traitement sont tout simplement insupportables et peuvent être chiffrées : la garantie de progression minimale qui avait été instaurée en 1993 a cristallisé les anciennes disparités financières et le complément de garantie, créé en 2004, les a maintenues.
Je me suis fait communiquer le détail de la DGF perçue par la ville de Paris : en 2010, son montant s’est élevé à 1,242 milliard d’euros, soit plus de 600 euros par habitant, alors que les communes rurales de mon département perçoivent moins de 100 euros par habitant ; cette situation me paraît tout à fait anormale ! Bien sûr, Paris n’est pas la seule ville à bénéficier d’un tel traitement, mais son cas est assurément le plus emblématique. Au total, les crédits affectés au complément de garantie de la DGF s’élèvent à 5 milliards d’euros, mais leur répartition repose toujours sur des situations acquises de longue date.
Monsieur le ministre, si vous cherchez des moyens budgétaires pour renforcer la péréquation, vous disposez là d’un gisement non négligeable. Je sais que vous y puisez déjà un peu, puisque vous prévoyez d’opérer en 2011 une réfaction pouvant aller jusqu’à 5 % de ce complément de garantie, mais il faut aller plus loin encore. Il y a urgence en la matière, car il n’est pas normal de laisser subsister de telles injustices dans la répartition de la DGF. C’est la raison pour laquelle je me permets d’insister sur ce point.
M. le président. Veuillez conclure, mon cher collègue !
M. Claude Biwer. Au total, le mode de calcul de la DGF avantage aujourd’hui encore les collectivités les plus riches. On a vraiment le sentiment qu’il existe, en France, des communes de première et de seconde zone ; il est temps de mettre véritablement en application la politique que nous appelons tous de nos vœux.
Je compte sur vous, monsieur le ministre, pour mettre un terme aux disparités que j’ai soulignées, en tout cas pour aller dans le bon sens, afin de permettre aux communes les plus pauvres de mieux mettre en valeur leurs atouts.
M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Sueur.
M. Jean-Pierre Sueur. Monsieur le ministre, permettez-moi tout d’abord de vous présenter mes vœux de réussite dans votre mission, qui est difficile. Je vous souhaite en outre beaucoup de courage, tant le mécontentement des élus locaux de notre République est profond !
J’ai écouté avec grand intérêt les orateurs précédents, qui ont parlé avec beaucoup de conviction. On pourrait presque s’attendre à ce que même ceux d’entre eux qui appartiennent à la majorité votent contre les crédits de cette mission ! J’accorde cependant volontiers à M. le président Poncelet que, dans la vie politique, il arrive que l’on doive faire preuve de discipline, quelles que soient les sensibilités. (M. Christian Poncelet acquiesce.)
Mme Nathalie Goulet. C’est vrai !
M. Jean-Pierre Sueur. Cela étant, quand le vote n’est acquis qu’au prix de la discipline, ce n’est pas très satisfaisant, convenons-en !
Monsieur le ministre, je commencerai par relever un élément positif : j’ai bien noté que la DSU progressera de 77 millions d’euros et la dotation de développement urbain, la DDU, de 50 millions d’euros. On aurait pu souhaiter une plus forte croissance, mais enfin ces augmentations ne seront pas inutiles dans les zones urbaines et les quartiers en difficulté.
Cela étant dit, je ne centrerai pas mon propos, évidemment, sur les 2,5 milliards d’euros de crédits de cette mission, qui ne représentent qu’une faible part des relations financières entre l’État et les collectivités locales, dont le volume total atteint 99 milliards d’euros.
Je tiens à redire, à la suite de M. Poncelet et de Mme Mathon-Poinat, combien il nous paraît inacceptable que l’on puisse imaginer que le montant des dotations de l’État soit calculé, à l’avenir, en fonction de la « bonne gestion » des collectivités locales.
Qui, dans une République ayant choisi la décentralisation, peut juger de la bonne gestion des collectivités locales, sinon les citoyennes et les citoyens ? Nous considérons que ces mots étaient véritablement de trop, car ils sont offensants pour les élus locaux. Dans la République, seuls les électeurs sont juges,…
M. Jean-Jacques Hyest. Il existe malgré tout quelques critères d’appréciation !
M. Jean-Pierre Sueur. … et je ne sais pas qui, parmi nous, accepterait qu’il y eût un comité chargé de juger de la bonne ou mauvaise gestion des diverses collectivités locales !
M. Jean-Pierre Raffarin a beaucoup insisté pour que l’on inscrive dans la Constitution le principe de l’autonomie fiscale des collectivités locales.
Un sénateur de l’UMP. L’autonomie financière !
M. Jean-Pierre Sueur. Toutefois, depuis lors, cette autonomie régresse. En tant que président de région, M. Le Vern peut témoigner que les régions ne disposent plus d’aucune autonomie, puisque leur budget dépend de manière pratiquement exclusive des dotations de l’État.
M. Alain Le Vern. Nous sommes sous tutelle !
M. Jean-Louis Carrère. M. le ministre est bien placé pour le savoir !
M. Jean-Pierre Sueur. Il était bien d’inscrire dans la Constitution l’autonomie fiscale des collectivités, mais dans les faits celle-ci se réduit chaque jour davantage.
Au sein des 99 milliards d’euros que j’évoquais tout à l’heure, 21 milliards d’euros correspondent soit à des dégrèvements, soit à des compensations d’exonérations fiscales décidées par l’État. Cela signifie que le contribuable national est devenu le principal contribuable local.
Cette situation me semble profondément malsaine, et elle s’aggravera encore, nous le savons tous, avec la réforme de la taxe professionnelle. Nous souhaitons donc que les collectivités locales jouissent d’une plus grande autonomie fiscale, au rebours de l’évolution que nous constatons actuellement.
En matière de concours de l’État aux collectivités territoriales, nous nageons, monsieur le ministre, dans un océan de complexité ! Je sais que la DGCL compte d’éminents experts en ce domaine, auxquels je rends hommage pour leur grande connaissance du sujet, mais je ne suis pas sûr que l’on trouve plus de dix personnes dans ce pays qui soient capables d’appréhender en totalité le système des concours financiers de l’État aux collectivités locales.
M. Jean-Michel Baylet. C’est vrai ! Je peux en témoigner !
M. Roland du Luart. Pour une fois, je suis d’accord avec vous !
M. Jean-Pierre Sueur. Leur architecture est devenue tellement incompréhensible que cela constitue un problème pour la démocratie : lorsque plus personne ne comprend rien, il est très difficile, pour les citoyens et les élus, de peser dans le débat…
M. Christian Poncelet. La Cour des comptes l’a reconnu !
M. Jean-Pierre Sueur. Il faudra donc parvenir à une simplification.
Je terminerai mon propos en abordant le sujet de la péréquation. L’écart de richesse va de un à deux entre les régions, de un à quatre entre les départements, de un à mille entre les communes. La situation est donc profondément inégalitaire, en l’absence d’adéquation entre les charges des collectivités locales et leurs ressources. C’est pourquoi la péréquation devrait être beaucoup plus forte.
Nous ne cessons de parler de péréquation, mais pour ma part je soutiens que, dans l’ensemble qui constitue la DGF, la part de la péréquation réelle ne dépasse pas 10 %.
Je sais bien que l’on m’objectera qu’il existe dix dotations de péréquation : la DDR, la dotation globale d’équipement, ou DGE, la DDU et sept autres au sein de la DGF, à savoir la dotation de fonctionnement minimale, dont la fonction de péréquation est modeste, la dotation de péréquation des régions, la dotation d’intercommunalité, la dotation de péréquation urbaine, la dotation de solidarité urbaine et de cohésion sociale, la dotation de solidarité rurale et enfin la dotation nationale de péréquation.
Mais, très franchement, l’examen attentif de ce dispositif révèle que, derrière les mots, la péréquation n’a pas toujours l’ampleur que l’on veut bien lui attribuer.
En effet, le montant de dotations dites de péréquation comme la DSU et la DSR est souvent le résultat de calculs relatifs à la dotation forfaitaire ; autrement dit, il s’agit d’un reliquat. La DSR, par exemple, ne permet en réalité qu’une très faible péréquation. En outre, si la dotation d’intercommunalité joue certes un rôle en la matière, telle n’est pas sa vocation essentielle, le statut d’instance intercommunale étant dépourvu de tout lien avec le degré de richesse !
Ce système présente donc de nombreux effets pervers. En réalité, on n’ose pas mettre en œuvre une véritable péréquation. Il serait préférable qu’il y ait moins de dotations de l’État et de transferts de fiscalité, et plus de péréquation au sein des dotations qui subsisteraient.
Je conclurai en évoquant la « rupture », dont il a beaucoup été question voilà quelque temps dans notre pays. Provoquer une rupture serait souhaitable pour nos collectivités locales, en leur donnant les moyens d’investir davantage, en instaurant une plus grande solidarité, ce que ne permet pas l’effort actuel de péréquation, trop faible, et en renforçant la décentralisation, c’est-à-dire les libertés locales, car nous avons le sentiment qu’un certain nombre de dispositions récentes – je pense à la réforme des collectivités territoriales – vont plutôt dans le sens de la recentralisation.
Pour la solidarité, pour la décentralisation, pour les libertés locales et pour l’investissement, il faut une autre politique ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)
M. le président. La parole est à M. Jean-Michel Baylet.
M. Jean-Michel Baylet. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, après l’adoption du désastreux projet de loi portant réforme des collectivités territoriales, dans les conditions et sous les pressions que l’on sait, particulièrement dans cette enceinte, l’examen des ressources que ce projet de loi de finances alloue parcimonieusement aux collectivités territoriales démontre, s’il en était encore besoin, le peu de considération que le Gouvernement porte aux collectivités et aux élus qui les gèrent avec volonté et dévouement, dans un esprit de solidarité.
La loi de finances de 2010 avait donné naissance à la contribution économique territoriale, destinée à remplacer la taxe professionnelle. On nous avait promis que la suppression de cette dernière n’affecterait en aucun cas la capacité financière des collectivités et que l’État se porterait garant en cas de défaillance budgétaire.
M. Pierre Bernard-Reymond. Et c’est vrai !
M. Jean-Michel Baylet. Ce n’est pas la réalité !
Nous avons surtout constaté une régression majeure de l’autonomie fiscale des collectivités : comme cela a été souligné par l’ensemble des intervenants, quelle que soit leur sensibilité politique, les régions ont totalement perdu leur pouvoir de modulation fiscale, tandis que les départements ont vu le leur divisé par trois, passant de 36 % à 12 % !
Parallèlement, le gel des dotations de l’État pèsera lourdement sur les perspectives d’investissement des collectivités, en particulier pour celles d’entre elles qui ne bénéficieront pas du fonds national de garantie individuelle des ressources ou de la dotation de compensation de la réforme de la taxe professionnelle.
Enfin, cette réforme inique entraînera un transfert massif de l’impôt vers les ménages, dont la contribution aux ressources locales va passer de 48 % à 72 %. Voilà un message qui réjouira certainement, en cette période de Noël, les plus modestes de nos compatriotes, ceux-là mêmes qui se débattent au quotidien dans des situations dramatiques, en raison de la crise économique.
En tout cas, le gel de l’ensemble des dotations pour trois ans est une nouvelle attaque frontale contre les libertés locales. Et ce n’est là que le dernier avatar d’une politique visant à orchestrer, depuis maintenant huit ans, le recul de cette autonomie financière pourtant inscrite, grâce à la réforme Raffarin, à l’article 72-2 de la Constitution ! À quelle fin, si ce n’est transférer aux collectivités une part de plus en plus importante du trop lourd déficit de l’État et faire supporter aux élus locaux la responsabilité d’une incurie budgétaire qui incombe à la majorité ?
Concrètement, 14 000 communes ou intercommunalités auront vu leurs dotations baisser en 2010 en euros courants, alors que l’enveloppe normée progressait encore de 0,6 %. L’année prochaine, elles seront 25 000 à subir cet étranglement financier qui leur ôtera toute marge de manœuvre. À cela s’ajoute l’étouffement des départements et des régions. En 2010, vingt-sept départements sont au bord de la cessation de paiement ; l’an prochain, ils seront peut-être quarante ou cinquante, du seul fait de leur incapacité à faire face à l’effet de ciseaux créé par des charges toujours plus lourdes et des ressources toujours plus rares.
Monsieur le ministre, ne restez pas sourd à la colère de ces milliers d’élus locaux de tous bords, pour qui il est de plus en plus difficile d’établir un budget permettant de satisfaire les besoins de leurs administrés, en raison de la ponction que leur impose l’État. Il est absurde de faire croire et de vouloir se persuader que c’est en donnant moins aux collectivités qu’elles dépenseront moins, alors même que les besoins locaux, particulièrement en matière de services publics, n’ont jamais été aussi criants.
Les collectivités territoriales ont toujours réussi, jusqu’à présent en tout cas, à satisfaire à l’obligation légale de voter des budgets non déficitaires qui s’impose à eux. De plus, la part du déficit des administrations publiques locales dans le déficit public a diminué cette année et représente maintenant à peine 10 % de celui-ci. Dans ces conditions, comment l’État, qui n’a pas voté un budget en équilibre depuis 1980, peut-il prétendre faire la leçon aux élus locaux ? Comment une majorité qui a porté notre dette publique de 900 milliards d’euros en 2002 à 1 700 milliards d’euros en 2011 ose-t-elle donner des leçons de gestion ? Il est tout simplement inconcevable que les mêmes prétendent moduler demain les dotations de l’État en fonction de critères de « bonne gestion », critères qu’ils définiraient eux-mêmes, au mépris du principe de libre administration.
Il est faux de dire que les collectivités sont dans l’impasse parce qu’elles auraient trop dépensé et même, prétend-on parfois, trop embauché.
Je vous rappellerai, monsieur le ministre, que les transferts de compétences massivement opérés depuis 2004 n’ont pas été accompagnés des compensations intégrales que la loi impose à l’État. Les conseils généraux n’ont ainsi reçu que 8 milliards d’euros sur les 12 milliards d’euros que l’État aurait dû leur verser au titre des prestations sociales dont ils ont la charge. C'est la raison pour laquelle le groupe RDSE a déposé une proposition de loi visant à obliger l’État à compenser intégralement les charges dues au titre des allocations individuelles de solidarité versées par les départements.
Ce sont aussi les collectivités qui financent à hauteur de 96 % les budgets des services départementaux d’incendie et de secours – la charge est assumée à 56 % par les conseils généraux – et qui supportent les conséquences financières de décisions prises par l’État, par exemple le surcoût de la mise en œuvre du dispositif ANTARES.
Je vous rappellerai également que les embauches effectuées par les collectivités correspondent à des transferts de personnels ou à des besoins réels de nos administrés.
Je vous rappellerai enfin que l’État a opéré l’ensemble de ces transferts de façon coercitive, sans aucune concertation, alors que la recherche du consensus aurait dû être la seule ligne directrice. Dans mon département, le préfet a ainsi demandé au conseil général son avis sur le transfert de la gestion des routes nationales, tout en précisant que ce transfert aurait lieu de toute façon ! Et l’on passa outre, en effet, l’avis négatif du conseil général, exprimé à l’unanimité moins une voix…
En conclusion, l’avenir est sombre pour nos collectivités, particulièrement dans les zones rurales. En restreignant les possibilités de cofinancement et de subventions, votre loi portant réforme des collectivités territoriales contraindra les élus à revoir leurs projets d’investissement et à abandonner, ou même à privatiser, pour la plus grande satisfaction de certains, des services publics.
La perspective que vous ouvrez en étranglant les finances locales, c’est donc celle de la disparition des solidarités locales. Les radicaux de gauche, ainsi que la majorité des membres du RDSE, la refusent avec détermination. En conséquence, nous ne voterons pas les crédits de la mission « Relations avec les collectivités territoriales ». (Applaudissements sur certaines travées du RDSE, ainsi que sur les travées du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à M. Rémy Pointereau.
M. Rémy Pointereau. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, ce projet de budget s’inscrit dans un contexte très contraint, et pourtant l’État maintient ses dotations et ses concours aux collectivités territoriales.
Après la réforme de la taxe professionnelle et celle des collectivités territoriales, je souhaiterais, dans le prolongement du congrès de l’Association des maires de France qui s’est tenu la semaine dernière, faire quelques observations pour relayer les interrogations et les inquiétudes des élus.
Au-delà du projet de budget de cette mission, qui ne retrace qu’une petite partie de l’effort financier de l’État en faveur des collectivités territoriales, j’évoquerai les problèmes que les élus rencontrent en matière de finances locales.
Ma première observation portera sur la fusion de la dotation globale d’équipement et de la dotation de développement rural pour créer, sur l’initiative conjointe des ministres de l’intérieur et de la ruralité, dans le prolongement du Comité interministériel de l’aménagement et du développement du territoire, une nouvelle dotation d’équipement des territoires ruraux.
Cette fusion, associée à la simplification des critères de répartition de la dotation et à l’uniformisation des procédures d’attribution, vise à mieux répondre aux besoins d’équipement exprimés. C’est un signe positif adressé aux communes rurales.
Monsieur le ministre, permettez-moi toutefois d’exprimer, à ce stade, la crainte que cette fusion ne pénalise au final les communes ou les intercommunalités. La DDR était plutôt, ces derniers temps, réservée aux intercommunalités.