M. le président. Il s’agit donc des amendements nos II-91 rectifié et II-146 rectifié bis.
La parole est à M. le président de la commission des finances.
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. J’avoue méconnaître les caractéristiques de l’industrie cinématographique, mais même si un film est réalisé sur plusieurs années, il génère, à chaque exercice, de la valeur ajoutée, monsieur le ministre.
Si je comprends bien, les auteurs de ces deux amendements proposent que puissent être reportées, sur une période maximale de deux ans, une fois l’œuvre cinématographique réalisée, les charges servant de calcul à la CVAE. Une telle solution, si elle était retenue, non seulement introduirait une certaine discontinuité dans le calcul de la valeur ajoutée, mais encore remettrait en cause l’assiette territoriale de la CVAE.
Je peine à saisir ce qui justifie, sur le plan économique, une telle disposition et je ne comprends pas les arguments selon lesquels la valeur ajoutée ne serait formée qu’une fois l’œuvre cinématographique réalisée et ne serait pas constatable à la fin de chaque exercice. Peut-être les producteurs de cinéma trouvent-il un avantage comptable à ce que, pour les besoins du calcul de la CVAE, leurs charges soient prises en compte lors de l’exercice fiscal de délivrance du visa d’exploitation du film par le ministre de la culture, et au plus tard deux ans après leur exercice d’engagement, mais j’ai plutôt le sentiment qu’il s’agit là de donner satisfaction à une revendication catégorielle, peut-être même légèrement corporatiste.
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Philippe Richert, ministre. Je connais la compétence du président de la commission des finances et du rapporteur général, non seulement dans les domaines qui sont les leurs, mais aussi dans bien d’autres domaines…
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Mais non, là, nous n’y connaissons rien !
M. Philippe Richert, ministre. … et je suis admiratif à la fois du travail effectué et de la pertinence des réponses apportées. Néanmoins, je tiens à leur répondre.
En réalité, quelles sont les spécificités de la production d’une œuvre cinématographique ? Pendant un an ou deux ans, les professionnels ne peuvent rien déduire puisqu’ils n’ont que des dépenses et n’encaissent aucune recette. C’est pourquoi non seulement il est impossible de faire la balance entre dépenses et recettes, mais encore le résultat est nécessairement négatif. En revanche, la troisième année, quand l’œuvre cinématographique entre dans sa phase d’exploitation, les recettes deviennent très importantes, cependant que les dépenses sont très faibles. C'est pourquoi il nous semble important de rééquilibrer les deux phases.
Monsieur le président de la commission, monsieur le rapporteur général, j’entends bien vos arguments en défaveur de ces deux amendements, et j’y suis bien évidemment sensible. Malgré tout, je ne peux que renouveler l’avis favorable du Gouvernement sur ces deux amendements identiques, et vous savez combien il est difficile, dans le contexte actuel, d’obtenir une autorisation de dépenses.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur général.
M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances. Mes chers collègues, il est intéressant que ce débat, d’une grande importance, ait lieu dès à présent, car il va nous aider à comprendre ce dont il retourne.
La cotisation que nous avons créée l’an passé est assise sur la valeur ajoutée. C’est ce que nous avons voulu. Or la valeur ajoutée peut fluctuer, qu’il s’agisse, aujourd'hui, de l’activité de production cinématographique, ou, demain, d’une société travaillant sur de grands contrats et qui ne dégagera son résultat qu’au terme d’un certain nombre d’années.
M. Jean-Jacques Jégou. C’est le cas pour la recherche !
M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances. Je ne doute pas que de tels exemples soient légion.
Nous avons créé non pas une taxe sur le résultat ou sur la trésorerie, mais une taxe sur la valeur ajoutée. La question est donc de savoir si nous voulons d’une cotisation assise sur la valeur ajoutée !
J’ai beaucoup d’estime pour cette profession difficile, profession de création, qui a naturellement beaucoup de mérite et doit, à bien des égards, retenir tout notre intérêt. Mais que l’on me pardonne de rappeler en quelque sorte les principes : si l’on réserve dès à présent à la CVAE le sort qu’a subi l’assiette de la taxe professionnelle, créée dans des conditions intelligentes et simples en 1975…
Mme Nicole Bricq. Le dispositif en question n’est ni simple ni intelligent !
M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances. À l’origine, avant d’être qualifié d’impôt imbécile, la taxe professionnelle était un impôt utile, intelligent, simple. Sans doute parce que son assiette a été trop souvent rectifiée, contournée, rognée, elle est devenue incompréhensible.
Alors, un an après cette réforme, allons-nous emprunter le même chemin ? C’est en quelque sorte la question du premier épisode de ce film, dont nous connaissons déjà l’issue.
M. le président. La parole est à M. le président de la commission des finances.
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Les exploitants de chantiers navals nous expliqueront que, puisqu’il faut trois ou quatre ans pour construire un bateau, il convient de reporter les charges servant au calcul de la CVAE au moment où celui-ci est mis à l’eau. Et, comme le suggère le rapporteur général, nous verrons se multiplier, au fil des ans, les demandes en faveur d’un régime spécifique consistant à ne considérer la valeur ajoutée qu’au moment où un résultat pourra être constaté. Ce serait pour le moins préoccupant.
Monsieur le ministre, la commission des finances ne peut dévier de l’axe qu’elle a fixé devant le Sénat.
M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Fourcade, pour explication de vote.
M. Jean-Pierre Fourcade. Le grand intérêt des textes dont nous débattons, c’est qu’ils constituent une mine fantastique pour les cabinets de conseil fiscal (Sourires.) et que chaque professionnel de ce secteur est déjà en train de chercher à travers les deux cents pages du Journal officiel consacrées au nouveau système, toutes les failles, toutes les astuces et tous les dispositifs qui vont permettre de minimiser l’effort fiscal.
Je voudrais rappeler, après le rapporteur général et le président de la commission des finances, que c’est de cette manière que la taxe professionnelle a été démolie à partir de 1976.
M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances. Eh oui, dès le lendemain !
M. Jean-Pierre Fourcade. Dès le vote de la loi instituant la taxe professionnelle en 1975, un certain nombre de secteurs professionnels se sont plaints. Sur les deux millions de redevables, 300 000 ont été fortement allégés sans que nul ne proteste et plus de 1,5 million ont vu leur cotisation stabilisée sans que personne n’en entende parler. En revanche, les 300 000 autres dont la cotisation a été augmentée, ceux-là, nous les avons bien entendus !
Dès l’année suivante, avant même que ne soient perçues les premières cotisations et recueillies les premières statistiques, on commençait déjà à réformer la taxe professionnelle. Ce mouvement ne s’arrêtera plus jamais, pour aboutir finalement à ce monstre technocratique auquel plus personne ne comprenait rien, sauf les conseillers fiscaux qui en ont évidemment retiré de juteux profits !
La commission parle d’or : si nous commençons à détricoter le mécanisme extrêmement complexe que nous avons élaboré l’année dernière, alors même que nous ne connaissons ni son efficacité en matière de stimulation des investissements – les chiffres sont pour l’instant muets –,…
Mme Nicole Bricq. C’est un aveu !
M. Jean-Pierre Fourcade. … ni la répartition de son produit entre les collectivités territoriales, ni ses implications sur l’économie, nous allons entrer dans un très long débat. Et, dans trois ans, le système sera devenu si lourd, si méconnaissable et même si incompréhensible que les entreprises qui seront pénalisées nous supplieront de nous en débarrasser.
Au vu de ma propre expérience, je soutiens donc pleinement la position de la commission : je ne voterai aucun amendement tendant à modifier l’article 59.
M. François Marc. C’était l’année dernière qu’il ne fallait pas voter !
M. Jean-Pierre Fourcade. J’attends de connaître les résultats sur le terrain et les chiffres qui seront communiqués aux collectivités territoriales pour l’année 2011, avant d’envisager quelque modification que ce soit de l’assiette, des taux ou de la répartition.
Mme Nicole Bricq. Bref, vous demandez la revoyure !
M. le président. La parole est à M. Philippe Adnot, pour explication de vote.
M. Philippe Adnot. J’ai cosigné cet amendement car je l’estimais pertinent. Toutefois, après avoir entendu les explications du président de la commission et du rapporteur général, je dois me rendre à l’évidence et admettre que la profession que nous visons dans notre amendement n’est pas la seule dont l’activité s’étale sur plusieurs années.
Par ailleurs, cela a été rappelé, il ne s’agit pas d’un impôt sur les bénéfices : la contribution est destinée aux collectivités locales, lesquelles ont des équipements à entretenir – les routes, les collèges, etc. Aussi, les ressources qu’elles tirent de la CVAE ne peuvent être dépendantes, par exemple, de la conclusion ou non de tel ou tel un contrat commercial.
Je suis donc au regret d’annoncer aux autres signataires de l’amendement que je me rallierai, finalement, à la position de la commission des finances.
M. le président. La parole est à M. Pierre-Yves Collombat, pour explication de vote.
M. Pierre-Yves Collombat. Je croyais avoir compris que la CVAE reposait sur la valeur ajoutée ; or je m’aperçois qu’elle est en train de devenir un impôt sur les bénéfices, ce qui n’est pas la même chose !
Je pensais également que, si la réforme avait pour conséquence de diminuer les recettes des collectivités territoriales, elle permettrait au moins d’instaurer un système plus compréhensible. En réalité, ce n’est pas du tout le cas ! Nous sommes dans la galère, alors, de grâce, n’en rajoutons pas !
M. le président. La parole est à M. Serge Lagauche, au nom de la commission de la culture.
M. Serge Lagauche, au nom de la commission de la culture. Chaque fois que la commission de la culture dépose un amendement ayant un objet fiscal, elle fait vivre la commission des finances et même – nous le constatons en ce moment – l’ensemble du Sénat ! (Sourires.) C’est pourquoi elle mérite tous vos remerciements.
Cet amendement ayant été déposé au nom de la commission de la culture, il ne m’est pas loisible de le retirer.
M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances. Vous auriez dû remercier également le Gouvernement !
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos II-91 rectifié et II-146 rectifié bis.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
M. le président. L'amendement n° II-564, présenté par M. Marini, au nom de la commission des finances, est ainsi libellé :
Alinéa 109, seconde phrase
Remplacer les mots :
communes sont déclarés dans celle d'entre elles sur le territoire de laquelle leur
par les mots :
établissements ou lieux d'emploi sont déclarés dans celui où la
et les mots :
cette commune
par les mots :
ce lieu d'emploi
M. le président. La parole est à M. le rapporteur général.
M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances. Il s’agit d’une précision rédactionnelle.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Philippe Richert, ministre. Favorable.
M. le président. Je suis saisi de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° II-535 rectifié ter, présenté par MM. de Montgolfier, Sido et Huré, est ainsi libellé :
Alinéa 113
Rédiger ainsi cet alinéa :
a) Après le mot : « elles », la fin du deuxième alinéa est ainsi rédigée : « au prorata, pour la moitié, d'un indicateur de surface des immobilisations imposables à la cotisation foncière des entreprises situées sur le territoire de chacune des communes et, pour l'autre moitié, de l'effectif qui y est employé, réparti selon les modalités définies au II du présent article. » ;
La parole est à M. Albéric de Montgolfier.
M. Albéric de Montgolfier. Cet amendement a pour objet de modifier le critère de répartition du produit de la valeur ajoutée imposable lorsqu’un contribuable est implanté sur plusieurs communes.
Nous proposons de retenir une clé de répartition faisant intervenir pour moitié les surfaces des installations et pour moitié l’effectif salarié. La notion de valeur locative a pour inconvénient d’introduire la variable du prix du foncier, ce qui est de nature à favoriser les zones où le prix de l’immobilier est élevé. La notion de surface est, quant à elle, neutre du point de vue des prix, donc plus équitable et mieux à même de garantir une répartition équilibrée du produit de la taxe.
La pondération par moitiés répond, par ailleurs, à notre objectif de prendre en compte les communes accueillant des activités consommatrices d’un foncier important ou générant diverses nuisances sans mobiliser un effectif salarié important – je pense aux entrepôts, aux entreprises de stockage ou de logistique.
Le Gouvernement sera, sans nul doute, très favorable à notre amendement, car il reprend la version initiale du projet de loi de finances pour 2011.
En outre, dans son rapport, M. le rapporteur général rappelle que le critère de la valeur locative a pour inconvénient d’emporter un effet prix très favorable à la région d’Île-de-France.
Notre amendement neutralise cet effet grâce au critère de la surface.
M. le président. L'amendement n° II-565, présenté par M. Marini, au nom de la commission des finances, est ainsi libellé :
Alinéa 113
Supprimer les mots :
industrielles évaluées dans les conditions prévues aux articles 1499 et 1501 qui y sont
La parole est à M. le rapporteur général.
M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances. Mes chers collègues, tout comme Albéric de Montgolfier, nous nous efforçons de trouver la bonne formule. Pour sa part, la commission vous propose d’établir comme suit la clé de territorialisation de la CVAE : pour les deux tiers, les effectifs, en comptant double, le cas échéant, ceux qui sont rattachés à des établissements industriels, et, pour un tiers, les valeurs locatives foncières.
Cette pondération, qui reflète grossièrement la composition de la valeur ajoutée, est celle qui a été retenue par l'Assemblée nationale : elle semble la plus neutre pour entrer en 2011 dans le régime de perception territorialisée du produit de la CVAE.
Nous ne devons pas nous tromper, car le régime que nous appliquerons en 2011 risque d’être figé pour longtemps. Si l’on ne choisit pas une clé de répartition suffisamment neutre, il sera difficile de revenir sur les écarts de produit fiscal ainsi créés entre collectivités. Revenir en arrière est toujours douloureux ; pour éviter cela, l’État est en général tenté de payer, ce qui s’avère finalement coûteux.
Faut-il, comme l'Assemblée nationale l’a proposé, ne prendre en compte que les seules valeurs locatives industrielles ? Nous ne le pensons pas, car cela aurait pour effet de déformer de manière injustifiée le partage de la valeur ajoutée entre établissements d'une même entreprise. Il est donc proposé de retenir l'ensemble des valeurs locatives foncières, sachant que les entreprises industrielles bénéficient déjà d'un bonus au titre du critère des effectifs, puisque ceux des établissements dont les valeurs locatives sont industrielles à plus de 20 % comptent double.
J’en viens à l’intéressante question abordée par notre collègue Albéric de Montgolfier.
Dans son texte initial, le Gouvernement proposait de ne pas garder le critère des valeurs locatives, auquel il préférait un indicateur de surface, de façon, cela a été dit très justement, à neutraliser l'effet prix des valeurs locatives.
L’objectif est assurément bon dans son principe, mais nous devons nous demander si la notion de surface est correctement définie. Un tel dispositif – je parle de celui de l’amendement d’Albéric de Montgolfier, quelles que soient les proportions retenues – devrait reposer sur un texte réglementaire qui prévoirait le cas des locaux commerciaux et celui des autres locaux. Doit-on appréhender de la même façon les surfaces commerciales et les surfaces non commerciales ? Ce point doit être tranché ; le choix qui sera fait sera forcément approuvé par les uns et contesté ou questionné par les autres.
En cas de locaux non commerciaux, notamment industriels, ou lorsque la surface n’est pas bien connue, serait pris en compte le rapport entre la valeur locative des immobilisations du local et la valeur locative moyenne au mètre carré des locaux commerciaux déterminée, au niveau national, en divisant la somme des valeurs locatives servant de base à la CFE de l’ensemble des locaux situés en France par la somme des surfaces pondérées utilisées pour le calcul de la valeur locative cadastrale de ces mêmes locaux.
Si je vous donne ces détails techniques, c’est parce que, selon les indications que l’on a bien voulu me donner, ces questions devront être traitées dans le texte réglementaire, dans l’hypothèse où l’indicateur de la surface serait retenu. Je m’interroge sérieusement : cet indicateur est-il aussi neutre et simple qu’on pourrait le croire à première vue ?
Compte tenu de cette réelle complexité, la commission préfère en rester à la référence aux valeurs locatives foncières qui, à notre sens, ont le mérite d’être définies par une bonne, vieille et robuste méthodologie.
Pour ces raisons, la commission souhaiterait que M. de Montgolfier retire son amendement et se rallie à celui de la commission.
M. le président. Le sous-amendement n° II-589, présenté par M. de Montgolfier, est ainsi libellé :
Compléter l'amendement n° II-565 par quatre alinéas ainsi rédigés :
et remplacer les mots :
des valeurs locatives des immobilisations
par les mots :
d'un indicateur de surface des immobilisations imposables à la cotisation foncière des entreprises situées sur le territoire de chacune des communes
La parole est à M. Albéric de Montgolfier.
M. Albéric de Montgolfier. Monsieur le rapporteur général, après vous avoir écouté avec attention, je retire mon amendement n° II-535 rectifié ter pour me rallier à celui de la commission, sur lequel j’ai déposé un sous-amendement.
Les valeurs locatives cadastrales, qui n’ont fait l’objet d’aucune actualisation depuis 1970, seront prochainement révisées. De fait, à ce jour, elles ne reflètent absolument pas les prix du marché. Or cette révision fera apparaître, au détriment de la province, un différentiel considérable entre l’Île-de-France et le reste de la France.
Comme vient de le souligner M. le rapporteur général, la difficulté vient du fait que nous allons, en quelque sorte, figer la situation. À ce stade, il est vrai que nous ne disposons pas de simulations chiffrées, ce qui rend difficile la détermination de la bonne clé de répartition : deux tiers-un tiers ou bien moitié-moitié ?
Autant nous nous accordons sur le critère des effectifs, autant nous devons faire preuve de prudence s’agissant du critère des valeurs locatives. Si ce dernier critère était retenu, le produit de la CVAE s’en trouverait figé, je le répète, et il serait ensuite extrêmement difficile d’expliquer à une collectivité que le produit de la contribution sera moins élevé que prévu en raison d’une modification des règles.
Ma crainte porte non pas sur aujourd'hui, mais sur demain, lorsque seront révisées les valeurs locatives. Je souhaiterais que le Gouvernement nous indique ce qui se passera alors.
Il est évident que la révision des valeurs locatives conduira, en effet, à avantager l’Île-de-France et les régions les plus riches dans le calcul du produit de la valeur ajoutée imposable. Je conviens que l’indicateur de surface n’est pas parfait, qu’il suscite encore beaucoup d’interrogations – il sera sans doute nécessaire de le préciser par un texte règlementaire –, mais il me paraît cependant à la fois bien plus neutre et bien plus juste dans la mesure où il neutralise l’effet prix. En outre, il reflète plus fidèlement la réalité des activités sur l’ensemble du territoire national.
M. le président. L'amendement n° II-535 rectifié ter est retiré.
Quel est l’avis de la commission sur le sous-amendement n° II-589 ?
M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances. Nous poursuivons notre débat sur les critères de répartition du produit de la valeur ajoutée imposable, sujet technique s’il en est, et même sujet de spécialistes !
L’indicateur de surface, qui serait ici substitué aux valeurs locatives foncières, est complexe à définir. Les surfaces, c’est comme les effectifs dans une entreprise : ce critère en apparence simple est, en pratique, ce qu’il y a de plus difficile à définir. Certaines surfaces, notamment industrielles, devront sans doute être reconstituées par les services fiscaux. Dans ce cas, comment fera-t-on ? On opérera probablement par le truchement des valeurs locatives.
Ensuite, les simulations, pour autant qu’il soit possible, aujourd’hui, de se référer à l’indicateur de surface, montrent que la vertu correctrice de cette substitution de la surface à la valeur locative n’est pas forcément très probante.
À la vérité, nous n’y verrons clair que lorsque la révision des bases locatives cadastrales aura été menée à bien. Le chantier de révision a d’ailleurs commencé pour ce qui concerne la composante professionnelle de la taxe foncière. Il s’agit là d’une campagne très difficile au lancement de laquelle l’administration a bien voulu faire participer les élus, les représentants des associations d’élus, les parlementaires. Si elle est menée à son terme, cette entreprise se traduira nécessairement par des transferts.
Quitte à paraître trop conservatrice, trop peu innovante, la commission préfère, à ce stade, attendre les premiers résultats de la révision des bases locatives cadastrales. Celles-ci, à nos yeux, ont le mérite d’être établies selon une méthodologie presque bicentenaire et de reposer sur des assiettes parfaitement connues.
J’attends de connaître la position du Gouvernement, mais, a priori, la commission préfère conserver son amendement dans sa rédaction actuelle, dans sa version « pure », si j’ose dire.
Toujours est-il que ce débat que nous avons ouvert est extrêmement utile.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Philippe Richert, ministre. Ce sujet est effectivement sensible et les élus savent bien que, avec la CVAE, c’est finalement de l’autonomie financière des collectivités locales au cours des prochaines années qu’il est question.
Le Gouvernement préfère la clé de répartition proposée par la commission, à savoir deux tiers au prorata des effectifs et un tiers au prorata des valeurs locatives, à celle que propose Albéric de Montgolfier, à savoir moitié-moitié. À cet égard, je sais gré à celui-ci d’avoir retiré son amendement au profit de celui de la commission.
Cela étant dit, est-il préférable de retenir dans ce dernier tiers la valeur locative de ces immobilisations ou plutôt leur surface ? Ce débat a également eu lieu au sein du Gouvernement, qui, comme M. de Montgolfier, entend instaurer un mécanisme à la fois simple et équitable pour l’ensemble des territoires.
À cet égard, il faut bien admettre que le critère de la surface est immuable, où que l’on se trouve. Pour autant, nous penchons plutôt en faveur du critère retenu par la commission, non seulement pour des raisons pratiques, mais encore parce que celui-ci apporte des garanties.
S’agissant des raisons pratiques, il n’est pas évident, comme l’a souligné M. le rapporteur général, de définir précisément les surfaces qui devront être retenues. Faut-il considérer la surface au sol ou la surface développée ? Faut-il prendre en compte l’affectation des surfaces et, le cas échéant, de quelle manière ? Il n’est pas évident de répondre à des questions.
Il n’en demeure pas moins que l’introduction du critère des valeurs locatives foncières ne suffirait pas à lever toutes les inquiétudes qui se sont exprimées et auxquelles je suis très sensible, étant moi-même l’élu d’un territoire rural. En réalité, les valeurs foncières évoluent chaque année à l’identique en tout point du territoire selon au taux voté par le Parlement. La question porte en réalité sur les garanties de progression de ces valeurs à compter de l’année prochaine. C’est pourquoi le Gouvernement a prévu des mesures de péréquation entre les territoires, même si ces règles ne sont pas intangibles.
Nous parlerons dans un instant des droits de mutation. Dans certains départements, leur produit a connu une très forte hausse, cependant que celle-ci était plus modérée dans d’autres. C’est pourquoi nous avons l’intention d’instaurer un mécanisme de péréquation de telle sorte que les départements les moins bien lotis en la matière en profitent malgré tout. Nous aurons l’occasion d’en débattre dans cette enceinte.
La promesse d’une révision des valeurs locatives, aussi ancienne soit-elle, n’a jamais été tenue. Comme l’a annoncé le Premier ministre lors de sa déclaration de politique générale, nous allons nous atteler à cette tâche.
Le mécanisme proposé par la commission nous paraît plus simple que celui que nous propose M. de Montgolfier. De surcroît, si la révision des bases locatives devait réserver quelques surprises – ce que je ne crois pas –, il serait toujours temps de modifier ce critère pour le calcul du produit de la valeur ajoutée imposable.
Enfin, les valeurs locatives foncières sont plus facilement exploitables pour le calcul de ce produit.
Pour l’ensemble de ces raisons, je le répète, le Gouvernement préfère s’en tenir à la rédaction proposée par la commission.
M. le président. La parole est à M. le président de la commission des finances.
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. J’attendais beaucoup de cette discussion pour sortir de l’état de perplexité dans lequel m’avait plongé la création de la CVAE. (Sourires.)
M. Roland Courteau. Est-ce réussi ?
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. C’est une très belle idée, mais, comme pour les trente-cinq heures, les résultats ne sont pas toujours à la hauteur de nos espérances ; c’est une très belle idée, mais à la condition qu’elle soit nationale, car si elle doit être territorialisée, je crains qu’elle ne devienne irréalisable. Une prochaine note de la direction générale des finances publiques devrait nous confirmer que ses services prendront sans doute beaucoup de plaisir à la mettre en œuvre… (Sourires.)
La valeur ajoutée est essentiellement constituée par les salaires et l’amortissement des investissements. Les critères de surface, nous l’avons bien compris, sont assez aléatoires ; en revanche, les valeurs locatives sont pertinentes, car elles sont à peu près homogènes à l’échelle d’une commune. En revanche, lorsqu’il s’agira d’établir une pondération entre une commune rurale et les bureaux de La Défense, les distorsions seront considérables.
Comme si cela ne suffisait pas, les valeurs locatives vont être révisées. Selon les résultats, je crains qu’il n’en résulte un véritable capharnaüm !
En vous écoutant, monsieur le ministre, monsieur le rapporteur général, je me demandais pourquoi nous n’assoirions pas le calcul de la CVAE sur la masse salariale et les immobilisations corporelles, comme c’était le cas pour la taxe professionnelle. Au moins, cela aurait du sens !
Hier, la taxe professionnelle donnait lieu de la part des entreprises à des actions d’optimisation pour échapper à la taxation. Dans ce cas particulier, elles n’ont rien à payer : il s’agit uniquement de répartir la valeur ajoutée entre les différents territoires. Aussi, pour avoir une vision réaliste de la valeur ajoutée, il conviendrait d’intégrer dans le calcul la masse salariale et – je parle sous le contrôle de Jean-Pierre Fourcade –15 % des investissements. (M. Yannick Bodin s’exclame.) Nous disposerions alors de valeurs objectives.
Pour le reste, mes chers collègues, passez-moi l’expression, nous sommes dans le cirage ! Et je ne parle même pas de la main-d’œuvre intérimaire ou à temps partiel...
Monsieur le ministre, d’ici à la réunion de la réunion de la commission mixte paritaire, sans doute conviendrait-il de se demander s’il ne serait pas pertinent d’intégrer dans le calcul de la CVAE les salaires et les investissements. (Sourires sur les travées de l’UMP.)