Mme la présidente. La parole est à Mme Josiane Mathon-Poinat.
Mme Josiane Mathon-Poinat. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, la proposition de loi qui nous est soumise a pour objectif louable, en partenariat avec les élus locaux, les organisations syndicales locales et l’État, d’actualiser l’ordonnance du 4 janvier 2005, afin de permettre la création d’une fonction publique communale obéissant aux principes républicains, sans que soient perdus de vue les spécificités et les besoins locaux.
L’un des grands principes de la République est la libre administration des communes ; celles-ci doivent être dotées de compétences propres et disposer des services capables de les mettre en œuvre.
La mise en place de la fonction publique communale en Polynésie française représente une grande avancée vers l’application effective de ce principe auquel nous sommes tant attachés et qui symbolise l’indépendance des collectivités territoriales par rapport au pouvoir central.
Si nous sommes bien évidemment en accord sur le principe, nous retrouvons toutefois les divergences qui nous opposent déjà s’agissant de la fonction publique en métropole.
Il en va ainsi de l’application du service minimum dans les communes polynésiennes, ou encore du choix fait par la commission d’introduire une expérimentation de l’entretien annuel d’évaluation pour apprécier le travail accompli par l’agent public.
Sur ce point, il s’agit moins d’une opposition que d’inquiétudes : la crainte que l’on ne se dirige vers une démarche de management par la performance, qui soumettrait les agents à l’atteinte d’objectifs individuels ; également la crainte concernant les recours offerts aux agents en désaccord avec l’administration au sujet du résultat de cet entretien.
Ces inquiétudes justifient-elles que nous ne votions pas cette proposition de loi ? Non. Répondre par l’affirmative reviendrait à manquer une occasion de mettre enfin en application le principe au sujet duquel nous nous accordons, et dont la mise en œuvre est tant attendue par les élus polynésiens : le principe de libre administration.
Or l’absence de mise en œuvre de ce principe se fait doublement sentir en Polynésie française. Comme l’ont montré nos collègues Christian Cointat et Bernard Frimat dans le rapport n° 130 relatif aux droits et libertés des communes de Polynésie française, l’une des spécificités polynésiennes est le manque d’indépendance des communes, tant par rapport à l’État, puisqu’elles sont soumises à sa tutelle administrative, que par rapport à la collectivité du pays, puisqu’elles sont soumises à sa tutelle financière.
La proposition de loi qui nous est soumise constitue donc une première étape importante, permettant de donner aux communes les moyens humains adaptés à leurs compétences.
Mais le processus devra être poursuivi. Il sera également nécessaire de redéfinir la répartition des ressources financières, dans un double souci de transparence et d’efficacité dans la mise en œuvre du service public.
La réforme communale, indispensable en Polynésie française, se fait urgente ; c’est pourquoi je voterai la proposition de loi. (Applaudissements.)
Mme la présidente. La parole est à M. Bernard Frimat.
M. Bernard Frimat. Madame la présidente, madame la ministre, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, je me félicite du débat qui se déroule ce matin, en dépit de son caractère intime. (Sourires.) Il est en effet très difficile – vous êtes mieux placée que quiconque pour le savoir, madame la ministre – de légiférer sur l’outre-mer.
On constate année après année – Christian Cointat ne me démentira certainement pas – que les créneaux sont bien difficiles à trouver dans le calendrier législatif, en dépit de l’instauration, de manière ordinaire, de sessions extraordinaires. (Sourires.)
La tentation est grande, de ce fait, de vouloir traiter les problèmes de l’outre-mer par ordonnance, en dehors du débat parlementaire. Mais cette méthode – vous en conviendrez, madame la ministre – n’est pas la meilleure possible pour les parlementaires.
M. Roland Courteau. Tout à fait !
M. Bernard Frimat. Si elle n’est pas la meilleure possible, c’est parce qu’elle ne permet pas une prise de conscience des problèmes de l’outre-mer qui, dans ces conditions, sont toujours traités de manière isolée et secondaire.
Légiférer par ordonnance nous entraîne souvent dans des aventures incertaines s’agissant de la date de publication des décrets d’application. Le débat qui se déroule aujourd’hui dans cet hémicycle en constitue une preuve supplémentaire. Mais je vous concède, madame la ministre, que vous n’en portez nullement la responsabilité. (Mme la ministre sourit.)
Reste que, six ans après l’adoption de l’ordonnance du 4 janvier 2005 portant statut général des fonctionnaires des communes et groupements de communes de Polynésie française, les décrets d’application n’ont toujours pas été publiés, même s’ils vont l’être de façon imminente.
Nous nous trouvons donc face à un paradoxe : chacun s’accorde à constater à la fois l’absence de règles régissant la fonction publique polynésienne et l’absence d’action visant à y remédier.
C’est la raison pour laquelle le groupe socialiste a souhaité tirer parti d’un espace qui lui était réservé pour faire examiner la proposition de loi déposée, avec l’appui de l’ensemble de notre groupe, par notre collègue Richard Tuheiava.
Cette proposition de loi constitue l’aboutissement d’un travail solide, mené conjointement par les élus polynésiens et, en amont, le syndicat pour la promotion des communes de Polynésie. (MM. Richard Tuheiava et Roland Courteau acquiescent.) Je me réjouis donc que ce texte soit aujourd’hui discuté, enrichi de l’apport technique très important de Richard Tuheiava, ainsi que du travail remarquable de Jean-Pierre Vial ; ce dernier a pris en charge ce dossier en quelques semaines, soit un délai nettement plus court que celui qui se révèle nécessaire à l’élaboration des décrets ! À tous les deux, je tiens à adresser mes remerciements.
Je forme aussi le vœu que cette proposition de loi, dont il n’est pas très hasardeux de penser qu’elle connaîtra un sort favorable, ne se perde pas dans les oubliettes de l’Assemblée nationale, et que, ayant été adoptée par la Haute Assemblée sans doute de façon unanime, elle puisse être examinée rapidement par les députés.
M. Roland Courteau. Il faut l’espérer !
M. Bernard Frimat. Sur ce point, madame la ministre, vous avez plus de facilités que moi pour vous faire entendre du groupe majoritaire à l’Assemblée nationale afin qu’un créneau soit trouvé…
Je veux aussi saisir l’occasion de saluer le travail de l’assemblée de Polynésie et de ses élus, car il me semble important que la représentation nationale reconnaisse sa qualité.
Nous sommes habitués, s’agissant de l’assemblée de Polynésie, à évoquer plus l’instabilité politique et les renversements des exécutifs que la qualité des travaux.
Je ne nie pas que cette instabilité existe. Nous avions d’ailleurs dit que la loi intitulée par l’un de vos prédécesseurs, M. Estrosi, avec un humour sans doute involontaire, « loi tendant à renforcer la stabilité des institutions en Polynésie française » assurerait en fait leur instabilité. Nous avions raison.
Nous aurons prochainement l’occasion d’examiner un texte ; espérons que nous parviendrons à un accord unanime permettant aux institutions de la Polynésie française de fonctionner aussi bien qu’il est possible.
M. Roland Courteau. Très bien !
M. Bernard Frimat. Mais aujourd’hui, puisque l’occasion se présente de saluer un travail, je le fais très volontiers.
J’en viens au fond de cette proposition de loi.
Je ne rappellerai pas le contenu du texte, car cela n’aurait guère d’intérêt – Richard Tuheiava et M. le rapporteur l’ont déjà fait excellemment –, mais je profiterai de l’occasion qui m’est accordée pour vous livrer quelques remarques, mes chers collègues. En effet, une fois les textes de loi publiés, nous n’avons pas si souvent l’occasion d’évoquer ces questions en séance.
En 2008, avec mon collègue et ami Christian Cointat, j’ai eu le privilège d’effectuer une mission sur les communes de Polynésie. Après réflexion, nous avons choisi d’intituler notre rapport Droits et libertés des communes de Polynésie française : de l’illusion à la réalité, pour bien marquer l’écart entre ce qui reste formel et ce qui est réel.
En effet, il ne suffit pas d’affirmer des droits et des libertés pour que ceux-ci s’incarnent. Que peuvent faire les communes sans un cadre législatif précis définissant les contours d’une fonction publique stable – tel est l’objet de ce texte – et dans une absence de fait de libre administration, pour certaines d’entre elles, en raison de leur dépendance parfois presque totale à l’égard des transferts financiers ?
Mme Josiane Mathon-Poinat. Eh oui !
M. Bernard Frimat. M. le rapporteur le rappelait : la Polynésie française est constituée de quarante-huit communes présentant des réalités extrêmement hétérogènes sur le plan tant physique que géographique. Pour montrer l’étendue de ce territoire, on a coutume de superposer sa carte à celle de l’Europe : on se rend alors compte qu’il couvre une superficie comparable, la Polynésie s’étendant des Pyrénées jusqu’aux confins de la Turquie et à Stockholm. En outre, ses cinq archipels comprennent des atolls d’une taille véritablement microscopique.
C’est M. le rapporteur, me semble-t-il, qui rappelait que la commune de Fangatau est située sur deux atolls distants de 90 kilomètres : pour aller de l’un à l’autre le maire doit passer par Tahiti, à 2 000 kilomètres de là, ce qui constitue tout de même un mode de fonctionnement quelque peu complexe (Sourires.), que l’on a peine à imaginer dans l’Hexagone.
Dans notre rapport, nous constations que ces communes doivent affronter de tels obstacles, tant financiers qu’humains, pour faire face à leurs obligations qu’elles sont presque incapables de les assumer.
L’ordonnance du 5 octobre 2007 a fixé des délais précis pour la mise en œuvre des compétences communales, mais il faut les revoir, me semble-t-il. On ne peut exiger le respect strict de ces délais si l’on ne corrige pas les disparités de moyens entre les communes et si l’on ne renforce pas l’encadrement et la formation du personnel communal.
Pour ne citer que quelques exemples, l’ordonnance de 2007 a fixé au 31 décembre 2015 la date à laquelle les communes doivent faire face à leurs compétences en matière de distribution d’eau potable. Or, en 2008, nous avions constaté que, sur les quarante-huit communes que compte la Polynésie française, seules cinq étaient en mesure de distribuer une eau de qualité relativement satisfaisante, ce qui ne concerne que 10 % des habitants. (M. Christian Cointat acquiesce.)
À Moorea, une superbe station d’ultrafiltration de l’eau est à l’arrêt depuis de longs mois en raison d’un défaut de conception et d’entretien.
Certaines communes ne disposent pas d’autres ressources que celles qui sont offertes par la collecte des eaux de pluie. Je me souviens d'ailleurs que le principal du collège de Rangiroa, dans les Tuamotu, était obligé de faire distribuer de l’eau minérale à ses élèves en raison de la contamination des citernes d’eau de pluie par les rejets d’une station d’épuration défectueuse. (M. Christian Cointat acquiesce à nouveau.)
En ce qui concerne le traitement des déchets, la situation est encore plus dramatique ; je profite de cette tribune pour le dire, car nous n’avons pas souvent l’occasion d’aborder ici de tels problèmes.
La mise en œuvre de la compétence communale est fixée au 31 décembre 2011, c'est-à-dire à la fin de cette année. Or, en 2008, donc trois ans avant la date prévue, nous constations qu’il était extrêmement difficile pour les communes d’assumer seules la charge de la gestion des déchets, notamment pour les atolls des Tuamotu-Gambier, qui sont faiblement peuplés, éloignés les uns des autres et dont le relief ne permet pas de recourir à l’enfouissement. Certes, dans un bureau de l’Hexagone, bien calé dans son fauteuil, on peut imaginer de tels procédés, mais il n’en reste pas moins que les conditions physiques des Tuamotu-Gambier interdisent de les employer !
Nous avons d’ailleurs pu le constater en visitant les deux décharges à ciel ouvert de Rangiroa, qui créent des problèmes non seulement d’hygiène, mais aussi de conservation du littoral. Ce véritable joyau, aux capacités touristiques extraordinaires,…
M. Christian Cointat. Effectivement !
M. Bernard Frimat. … notamment grâce à sa faune sous-marine, risque d’être détruit parce que l’on n’aura pas su gérer le problème des déchets.
Si l’on ajoute à cette difficulté la situation de tutelle financière liée à la dépendance totale aux transferts, on comprend l’extraordinaire défi qui est lancé à ces communes pour la pleine mise en œuvre de leurs compétences.
Monsieur le rapporteur, vous avez évoqué la commune de Rapa, située tout au sud des Îles australes, commune qui est particulièrement isolée – elle est aussi éloignée de l’île la plus proche que Marseille l’est de Naples – et accessible seulement par bateau. Or, il n'existe pas d’entreprise susceptible d’assurer ce transport. Que l’on autorise les travaux en régie et l’utilisation du personnel local sur les chantiers communaux, comme le prévoit cette proposition de loi, me semble donc être de bon sens.
M. Christian Cointat. En effet !
M. Bernard Frimat. Aujourd’hui, les communes n’ont qu’une faible marge de décision sur les recettes. Il faudra bien un jour les doter de véritables moyens financiers, mais il s'agit là d’un autre débat.
Au regard de ces réalités extrêmement complexes, que j’ai voulu vous faire partager, mes chers collègues – ainsi qu’à ceux qui liront nos propos au Journal officiel, car les sénateurs ici présents connaissent en général ces problèmes –, la mise en œuvre de cette proposition de loi est très attendue par les acteurs concernés, car il s'agit ici de proposer un cadre nouveau.
Dans certaines parties de la Polynésie, l’enjeu n’est pas mince, puisque certaines communes ne disposent pas de capacités de développement touristique et sont les principaux, voire les uniques employeurs de leur territoire.
Le succès de la réforme communale implique aussi un dialogue entre tous les acteurs concernés. Je soulignais en introduction qu’il est courant de parler de la Polynésie pour son instabilité politique. Je sais, pour les avoir rencontrés, que bien des élus polynésiens sont éprouvés par ces années d’instabilité et qu’ils souhaitent un dialogue constructif et convergent.
Notre discussion d’aujourd’hui est une occasion inédite de soutenir cet espoir collectif de réussite. C’est la raison pour laquelle le groupe socialiste votera la proposition de loi telle qu’elle ressort des travaux de la commission des lois, qui l’a adoptée de manière unanime. (Applaudissements.)
M. Roland Courteau. Très bien !
Mme la présidente. La parole est à M. Daniel Marsin.
M. Daniel Marsin. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, avec les autres membres du groupe du RDSE, je tiens à saluer l’initiative de notre collègue Richard Tuheiava, dont la proposition de loi – tous les orateurs l’ont souligné ce matin – est le fruit d’un remarquable travail de concertation entre les organisations syndicales, les collectivités territoriales et les représentants de l’État en Polynésie française.
Cette tâche de réflexion, qui a su dépasser les clivages partisans, montre qu’il est possible de parvenir à un consensus raisonnable, au service de l’intérêt général des citoyens de nos collectivités ultramarines. Cette proposition de loi l’illustre avec pertinence.
Comme l’ont rappelé les orateurs qui m’ont précédé à cette tribune, les ordonnances du 4 janvier 2005 et du 5 octobre 2007 ont mis en application les dispositions du nouveau statut créé par la loi organique du 27 février 2004 portant statut d’autonomie de la Polynésie française. Même si l’ensemble des décrets et arrêtés d’application n’ont toujours pas été publiés, les règles de la démocratie locale et du principe de libre administration des collectivités territoriales, dont jouissent les communes relevant du droit commun, sont en voie d’extension, dans la perspective du 1er janvier 2012. D'ailleurs, trente-sept des communes polynésiennes ont déjà mis en œuvre cette faculté.
Cet alignement d’une collectivité d’outre-mer sur le droit commun des collectivités territoriales revêt, bien sûr, un intérêt particulier pour l’élu ultramarin que je suis, tant – vous le savez, mes chers collègues – le débat sur l’évolution institutionnelle de la Guadeloupe est d’actualité.
Pour ma part, je me réjouis que nos compatriotes polynésiens, élus ou non, aient refusé l’immobilisme pour, au contraire, faire le choix d’une autonomie responsable et adulte dans le cadre des lois de la République.
La proposition de loi de notre collègue vise deux objectifs ambitieux et légitimes, auxquels nous souscrivons pleinement : rapprocher le statut des 4 547 agents communaux de celui des autres fonctions publiques et tenir compte des difficultés rencontrées lors de la large concertation qui s’est tenue sur l’évolution de ce statut.
En effet, l’extension des dispositions du code général des collectivités territoriales n’a pas été sans soulever des difficultés pratiques pour les agents communaux, dont la grande hétérogénéité des statuts doit encore aujourd’hui être combinée avec la géographie et les contraintes spécifiques auxquelles se heurtent les communes polynésiennes et leurs groupements.
L’absence de mise en œuvre d’un statut des agents locaux, pourtant décidée en 1994 par le législateur, a eu pour conséquence le maintien de règles de recrutement et de conditions de travail disparates. Celles-ci s’inscrivent en effet entre le contrat de droit privé soumis au code du travail polynésien et l’application de la convention collective des agents non fonctionnaires communaux ou encore du statut communal ad hoc.
Il nous paraît évident que la faiblesse des ressources financières propres et des bases d’imposition des communes, qui placent ces dernières dans une situation de dépendance à l’égard des transferts financiers de l’État, empêche aujourd’hui les municipalités d’exercer pleinement les compétences que la loi leur a octroyées. Cette inertie regrettable appelle également une harmonisation des statuts, afin de ne pas disperser inutilement l’usage des deniers publics et de favoriser le développement des compétences professionnelles des agents.
Dans un territoire où l’intercommunalité reste aussi peu développée, il est souhaitable que cette harmonisation accompagne la mutualisation des moyens des communes au service de l’intérêt général local, par exemple dans les domaines sur lesquels notre collègue Bernard Frimat vient de mettre l’accent, c'est-à-dire l’assainissement, le traitement des déchets ou la distribution d’eau potable.
Ce sont précisément ces carences qui ont conduit le congrès des communes de Polynésie française à mener le travail de réflexion dont est issue pour partie la présente proposition de loi.
Sur le fond, ce texte place les règles de la fonction publique communale de Polynésie française en conformité avec les évolutions législatives intervenues depuis la publication de l’ordonnance du 4 janvier 2005 : développement de la formation professionnelle et valorisation de l’expérience professionnelle par les lois du 2 février 2007 et du 19 février 2007, assouplissement de la mobilité au sein des trois fonctions publiques par la loi du 3 août 2009, modernisation du dialogue social par la loi du 5 juillet 2010.
Je ne peux donc qu’approuver la sécurisation des conditions de recrutement et de déroulement de carrière ainsi que la consolidation de la protection sociale des agents auxquelles procède cette proposition de loi. N’oublions pas non plus que, dans des territoires marqués par des contraintes géographiques parfois très fortes, les fonctionnaires jouent un rôle économique et social majeur. Ce sont eux qui permettent de préserver le lien social en faisant vivre les services publics ; ce sont eux également qui servent de relais à la mise en œuvre des politiques de développement dont ont nécessairement besoin les communes et leurs habitants.
J’ai entendu moi aussi les remarques de M. Tuheiava sur certains points du texte qui mériteraient certainement d’être précisés. Je ne doute pas que ces observations feront l’objet d’un débat et que nous parviendrons à un consensus constructif lors de la discussion des articles.
Aussi, comme l’ensemble de mes collègues du groupe du RDSE, j’apporterai un soutien sans réserve à cette proposition de loi. (Applaudissements.)
Mme la présidente. La parole est à M. Christian Cointat.
M. Christian Cointat. Madame le président, madame le ministre, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, comme nous l’a rappelé notre collègue Richard Tuheiava, auteur de la proposition de loi, l’ordonnance du 4 janvier 2005 a doté, pour la première fois, d’un statut général les agents des communes et groupements de communes de la Polynésie française.
Depuis 2004, les communes de la Polynésie française ont accédé au statut de collectivité territoriale de la République, régie par le principe de libre administration.
Comme nous l’avions écrit, mon collègue Bernard Frimat et moi-même, à la suite d’une mission centrée sur les communes de Polynésie dont il a évoqué certains aspects tout à l’heure, c’était « une étape décisive dans l’attribution d’un régime identique à celui de métropole et dans le renforcement du rôle des 48 communes polynésiennes ».
Les communes polynésiennes ont alors été dotées de compétences propres, devant pouvoir disposer de services aptes à les mettre en œuvre.
C’est pourquoi l’ordonnance de 2005 a défini les garanties fondamentales dont devaient bénéficier les fonctionnaires des communes, ainsi que le cadre général de l’organisation de la fonction publique communale.
L’année 2011 marque le quarantième anniversaire du régime communal en Polynésie française ; cette année devrait donc être celle de la mise en place de la fonction publique communale, étape symbolique vers la libre administration.
Comme nous le savons, les communes doivent pouvoir mettre en œuvre les compétences qui leur sont dévolues.
Et pourtant, les communes polynésiennes sont handicapées par la brande faiblesse de leurs ressources propres, contraire au principe de libre administration. Nous avons pu, Bernard Frimat et moi-même, le constater sur place.
Et pourtant, la mise en œuvre effective des compétences communales requiert des moyens financiers importants.
C’est pourquoi je tiens à vous rappeler que, pour y subvenir, nous avons voté, dans le cadre de la loi de finances pour 2011, une dotation territoriale pour l’investissement des communes, à hauteur de 9,054 millions d’euros. Pouvez-vous vous nous préciser, madame le ministre, les opérations qui seront financées grâce à cette aide substantielle de l’État ?
Compte tenu de la faiblesse des ressources locales et des spécificités géographiques, qui minorent les avantages de la coopération intercommunale, celle-ci est encore peu développée, et l’on peut le regretter, même si, dans le cas des îles Marquises, on est dans la bonne voie.
Comme l’a rappelé notre rapporteur, Jean-Pierre Vial, dont je tiens à saluer le travail minutieux et remarquable à tous égards, l’ensemble des contraintes géographiques et financières pèsent lourdement sur les collectivités polynésiennes, ce qui implique aujourd’hui une mise en place rapide de la fonction publique communale, afin de permettre à ces collectivités de disposer de compétences stables et à leurs agents de bénéficier d’un statut apte à leur offrir des parcours professionnels valorisants. Les propos que vous avez tenus à ce sujet, madame le ministre, sont encourageants.
Toutefois, vous avez évoqué, comme on le fait souvent au banc du Gouvernement, les économies d’échelle. J’espère que ces échelles serviront à monter plutôt qu’à descendre ! (Sourires.)
À ce jour, les agents des 48 communes, de leurs groupements et de leurs établissements publics administratifs, soit plus de 4 500 personnes, sont recrutés dans le cadre de contrats de droit privé et soumis à des règles très hétérogènes : application du code du travail polynésien, adhésion à la convention collective des agents non-fonctionnaires communaux, statuts communaux.
L’ordonnance du 4 janvier 2005 porte « statut général des fonctionnaires des communes et des groupements de communes de la Polynésie française ainsi que de leurs établissements publics administratifs ». Cependant, elle devait être complétée et précisée par des décrets et des arrêtés du haut-commissaire de la République pour que les collectivités puissent, enfin, créer les emplois qui leur sont nécessaires.
Depuis la publication de l’ordonnance, le droit général de la fonction publique a évolué. Les dispositions adoptées en 2007, 2009 et 2010 par le Parlement constituent pour nombre d’entre elles de véritables novations, en favorisant la formation professionnelle et l’expérience professionnelle des agents, en facilitant la mobilité des fonctionnaires, en modernisant le dialogue social.
C’est dans cet esprit d’évolution et de modernisation que le groupe UMP souhaite voter la proposition de notre collègue Richard Tuheiava en faveur des futurs agents communaux de Polynésie française.
L’objectif est double. Il s’agit, d’une part, de tenir compte des difficultés apparues lors de la concertation préalable entre le représentant de l’État, les représentants des communes et les organisations syndicales locales et, d’autre part, de rapprocher l’ordonnance de 2005 de l’état du droit dans les autres fonctions publiques.
Ainsi que cela a été rappelé, les négociations ont permis l’adoption des accords de la fonction publique communale, signés le 5 juillet 2006 et d’un protocole d’accord sur les grilles salariales en date du 29 octobre 2007 ; nous nous réjouissons de ce consensus général sur un sujet important pour le développement de l’archipel.
Comme notre collègue Richard Tuheiava l’a indiqué, les décrets d’application auraient dû préciser les grandes lignes de force. Pourtant, les textes réglementaires n’ont pas été publiés. L’ordonnance n’a donc pas pu être mise en œuvre.
Madame le ministre, je ne peux vous cacher mes regrets et même ma grande tristesse à ce sujet.
Telles sont les raisons pour lesquelles il est important, mes chers collègues, de garantir, en ce début d’année 2011, aux agents communaux de Polynésie française un statut stable et homogène.
C’est pourquoi le groupe UMP adoptera avec conviction cette proposition de loi, qui fait l’unanimité chez les élus polynésiens.
Notre préoccupation première, aujourd’hui, est bien de répondre aux besoins de nos compatriotes de cet archipel et de les accompagner sur la voie du progrès.
Avant de terminer, je veux remercier non seulement l’auteur de la proposition de loi et notre rapporteur, mais également Bernard Frimat, qui a usé de son temps de parole pour rappeler quelques lignes importantes du rapport que nous avons eu l’honneur de préparer ensemble et qui, je l’espère, sera suivi d’effets. À cet égard, je tiens à vous dire, madame le ministre, que j’approuve sans réserve tous les propos tenus par notre collègue. Lors de cette mission que nous avons conduite ensemble, nous avons largement dépassé nos sensibilités politiques, nous appliquant à être deux parlementaires animés uniquement du souci de comprendre, témoigner et proposer.
Tels sont, madame la ministre, les quelques points que je souhaitais aborder concernant cette proposition de loi. Je forme, comme Bernard Frimat, le vœu qu’elle puisse franchir le cap de l’Assemblée nationale.
Mes chers collègues, je vous rappelle que, lors du débat sur le projet de loi constitutionnelle de modernisation des institutions de la Ve République, j’avais déposé un amendement tendant à rendre obligatoire l’inscription à l’ordre du jour d’une assemblée, dans un délai raisonnable, l’examen d’une proposition de loi adoptée par l’autre assemblée. Bien qu’il ait obtenu un grand succès d’estime, cet amendement n’a malheureusement pas été retenu. Or, s’il avait voté, je crois que l’on serait plus tranquille aujourd’hui ! (Applaudissements.)