Mme Marie-Agnès Labarre. L’alinéa 12 que nous proposons de modifier prévoit que les priorités des services de santé au travail « sont précisées […] dans le cadre d’un contrat d’objectifs et de moyens conclu entre le service, d’une part, l’autorité administrative et les organismes de sécurité sociale compétents, d’autre part, […] ».
Il prévoit également d’associer des organisations d’employeurs, des organisations syndicales de salariés représentatives à l’échelon national et des agences régionales de santé, lesquelles n’ont qu’un avis purement facultatif.
À l’occasion de la discussion de la loi portant réforme de l'hôpital et relative aux patients, à la santé et aux territoires, dite loi HPST, nous avons longuement débattu du principe des contrats d’objectifs et de moyens, regrettant qu’aucun mécanisme ne soit mis en place pour permettre aux usagers des services concernés de « tirer la sonnette d’alarme » si les moyens initialement prévus ne permettaient pas de réaliser l’ensemble des objectifs envisagés.
Par cet amendement, nous entendons permettre aux partenaires sociaux de disposer d’un outil mettant en garde les acteurs de la santé au travail contre l’inadéquation ou l’insuffisance des moyens mis à disposition pour atteindre les objectifs fixés dans ces contrats.
Cette question est centrale. Tous les professionnels que nous avons rencontrés nous le répètent, la médecine du travail manque de moyens. Cette insuffisance revêt des formes variées, à commencer par le manque de professionnels ou de formations spécifiques complémentaires.
Les médecins du travail sont confrontés à une pénurie récurrente de moyens pour mener à bien des missions de plus en plus larges, notamment avec l’explosion des risques psychosociaux dans les entreprises.
Je ne prendrai qu’un exemple, pris à Grenoble, celui d’une femme médecin du travail de France Télécom, société emblématique s’il en est des besoins en matière de santé dans les entreprises. Cette femme a démissionné de ses fonctions, comme d’autres de ses confrères, en déplorant notamment le manque de moyens pour venir en aide « aux personnels en souffrance » de l’entreprise. En novembre 2009, elle a justifié sa démission en déclarant : « Je ne pouvais exercer mon métier de médecin du travail ».
C’est une telle situation que nous voulons contribuer à éviter par notre amendement. Vous pouvez donc, mes chers collègues, l’adopter sans hésiter !
M. le président. L'amendement n° 26, présenté par Mme David, M. Fischer, Mme Pasquet, M. Autain, Mme Hoarau et les membres du groupe Communiste, républicain, citoyen et des sénateurs du Parti de gauche, est ainsi libellé :
Alinéa 14
Compléter cet alinéa par les mots :
après avis des organisations syndicales représentatives au plan national
La parole est à M. Guy Fischer.
M. Guy Fischer. Il s’agit d’un amendement de précision, puisqu’il tend à associer les organisations syndicales représentatives à l’échelon national aux conditions de mise en œuvre et aux modalités de révision du contrat d’objectifs et de moyens que nous venons d’évoquer à l’alinéa 12 et dans lequel elles sont en effet parties prenantes.
L’alinéa 14 vise le décret qui définira la durée, les conditions de mise en œuvre ainsi que les modalités de révision du contrat d’objectifs et de moyens. Or nous demandons la consultation des organisations syndicales bien en amont de la parution de ce décret.
En effet, ces organisations syndicales ont toujours joué un rôle important en matière de santé au travail, notamment au travers des comités d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail, les CHSCT, qui sont incontournables dans les entreprises et participent à la protection de la santé et de la sécurité des travailleurs ainsi qu’à l’amélioration des conditions de travail, ou, en l’absence de CHSCT, dans les entreprises de moins de cinquante salariés, par le biais des délégués du personnel qui exercent les attributions normalement dévolues au CHSCT.
Les organisations syndicales, parce qu’elles sont composées de salariés en activité, donc exposés aux mêmes risques que l’ensemble des salariés, sont souvent quasiment les premières à alerter les employeurs d’un danger particulier ou d’une dégradation des conditions de travail pouvant avoir un impact sur la santé des salariés.
Souvenons-nous du rôle particulier des organisations syndicales en matière de contamination par l’amiante. Je citerai le cas remontant à deux ans à peine d’un syndicat d’un ascensoriste qui avait jugé insuffisantes les mesures prises par la société pour protéger ses salariés contre les risques liés à l’amiante. Une action collective des cinq organisations syndicales avait conduit à la reconnaissance par la sécurité sociale de cent cinquante-trois cas de maladies professionnelles liées à l’amiante.
De même, souvenons-nous des actions des organisations syndicales en matière de troubles psychosociaux. À cet égard, je rappelle que, au sein de France Télécom, elles ont créé elles-mêmes un observatoire de la souffrance au travail à la suite du refus exprimé par la direction de mettre en place un tel outil.
Aussi nous semble-t-il important que les représentants du personnel puissent être associés tout au long de l’élaboration des missions des services de santé au travail.
M. le président. Quel est l’avis de la commission sur ces cinq amendements ?
Mme Anne-Marie Payet, rapporteur. L’amendement n° 4 vise à supprimer le contrat d’objectifs et de moyens signé entre le service de santé au travail, l’État et la sécurité sociale.
Alors même qu’il semble essentiel d’intégrer la médecine du travail dans la veille sanitaire et la politique de santé publique, il est pour le moins étonnant que l’on demande la suppression d’un outil de coopération et de dialogue avec les autorités publiques.
Sincèrement, la logique est peu compréhensible.
En outre, les auteurs de l’amendement estiment que les priorités des services de santé au travail ne doivent pas être précisées en fonction des réalités locales. Je pense tout le contraire : il me semble que les priorités peuvent être différentes entre le Nord-Cotentin, l’Isère, la Sologne ou la Réunion.
L’article prévoit très précisément que ces priorités seront précisées dans le respect des missions générales des services de santé. Une hiérarchie est donc clairement établie entre les missions générales et les priorités.
La commission émet un avis défavorable.
S’agissant de l’amendement n° 24, sincèrement, j’ai des difficultés à en comprendre l’objet. Les missions des services de santé au travail sont fixées par le texte proposé pour l’article L. 4622-2 ; de son côté, l’alinéa 12 crée un article L. 4622-10 relatif au contrat d’objectifs et de moyens tripartite entre les services de santé, l’État et la sécurité sociale. En quoi cantonne-t-on les services de santé dans des priorités ?
La distinction entre « priorités », à cet alinéa, et « missions » est justement faite pour affirmer la priorité des missions. Avec cet amendement, on réintroduirait une ambiguïté préjudiciable.
La commission émet un avis défavorable.
Concernant l’amendement n° 23, je le répète, les missions générales des services de santé au travail sont fixées à l’article L. 4622-2 du code du travail et l’article L. 4622-10 prévoit la signature d’un contrat d’objectifs et de moyens entre le service de santé, l’État et la sécurité sociale.
Ce contrat précise les priorités du service, « dans le respect des missions générales prévues à l’article L.4622-10 et en fonction des réalités locales ». Cette rédaction, précisée en commission, est claire ; elle opère une hiérarchie entre les missions générales et les priorités du contrat.
L’amendement tend à supprimer l’adaptation en fonction des réalités locales ; ce serait vraiment dommageable à la qualité et à l’efficacité de la prévention des risques.
La commission émet un avis défavorable.
L’amendement n° 25 prévoit que, chaque année, les syndicats de salariés émettent un avis, par région, sur l’« adéquation entre les moyens et les missions » des services de santé au travail.
Au-delà de la lourdeur administrative d’un tel dispositif, je rappelle que les services de santé au travail seront dorénavant administrés par un conseil d’administration composé à parité de représentants salariés et employeurs et que le contrat d’objectifs est bien conclu après avis des organisations représentatives.
La commission émet un avis défavorable.
En ce qui concerne l'amendement n° 26, prendre l’avis des organisations syndicales représentatives sur le décret organisant la durée, les conditions de mise en œuvre et les modalités de révision du contrat d’objectifs et de moyens ajouterait de la complexité et un délai, ce qui semble préjudiciable. Inscrire cet avis dans la loi ne présente aucun intérêt. C'est la raison pour laquelle la commission est défavorable à cet amendement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Xavier Bertrand, ministre. Le Gouvernement émet un avis défavorable sur l'amendement n° 4, car son adoption entraînerait la suppression de la contractualisation. Or il s’agit d’un progrès pour définir les priorités d’action des services de santé au travail.
Le Gouvernement émet également un avis défavorable sur l'amendement n° 24, pour les mêmes raisons.
Le Gouvernement est défavorable à l'amendement n° 23. Prendre en compte les réalités locales ne revient pas à créer des inégalités : c’est au contraire fonder les priorités sur des réalités et des diagnostics de terrain et ajuster les réponses en conséquence.
À mon sens, l'amendement n° 25 est satisfait, car les ARS seront bel et bien consultées, ainsi que les partenaires sociaux, au travers des services de santé au travail, dont leurs représentants composeront désormais la moitié des conseils d’administration, et non plus le tiers.
Le Gouvernement émet un avis défavorable sur l'amendement n° 26. Les textes généraux prévoient que les partenaires sociaux seront consultés également, notamment dans le cadre du Conseil d’orientation sur les conditions de travail. La rédaction des textes réglementaires fera en outre l’objet d’une large concertation.
Je conclurai en insistant sur un point : il ne peut pas y avoir d’efficacité ni de progrès sans que soient fixées des priorités. C’est une règle générale d’action, et déterminer des priorités permet de plus de mesurer concrètement les progrès accomplis.
M. le président. La parole est à Mme Annie David, pour explication de vote sur l’amendement n° 24.
Mme Annie David. Monsieur le président, cette explication de vote vaudra en fait pour les amendements nos 24, 23, 25 et 26.
Depuis le début de ce débat, chacun affirme vouloir donner la priorité à la santé et à la médecine du travail. Toutefois, à entendre les réponses qui nous sont apportées, je me demande si nous parlons des mêmes choses et si nous avons la même vision de la médecine du travail !
M. Guy Fischer. On ne vit pas dans le même monde !
Mme Annie David. En effet !
Ainsi, monsieur le ministre, vous prétendez ne pas comprendre pourquoi nous préférons le terme « mission » à celui de « priorité ». Or, pour nous, la mission de préserver la santé des travailleurs est, en soi, la priorité. Par conséquent, comment définir des priorités au sein de cette priorité ?
Tout à l’heure, nous avons évoqué le drame de l’amiante, que la médecine du travail a malgré tout pu prendre en compte, même si ce fut trop tardivement. Que se serait-il passé si, à l’époque, elle s’était trouvée déjà placée sous la tutelle du patronat, avec des « priorités » définies sous l’influence de celui-ci, en fonction de considérations locales ? Monsieur le ministre, la médecine du travail relève de la santé publique. Il s’agit d’un enjeu national.
Certes, il faut prendre en compte les spécificités locales pour mettre en place des politiques de prévention. Cela va de soi. Or, d’habitude, vous nous dites qu’il est inutile d’inscrire dans la loi ce qui tombe sous le sens, comme vous l’avez fait tout à l’heure à propos des prescriptions des médecins. Dans le même esprit, puisqu’il est tout à fait logique que les services de santé au travail s’adaptent aux réalités locales, pourquoi le préciser dans la loi ?
Ce que vous êtes en train de faire est dramatique pour les services de santé au travail, dont l’action concerne 14 millions de salariés dans notre pays. J’observe d’ailleurs que vous ne parlez même pas de ceux qui relèveront des services de santé dits « autonomes » : il n’en est jamais question ! Dans les entreprises concernées, les médecins du travail continueront donc à agir à leur guise en matière de prévention et de suivi des salariés.
La médecine du travail aurait mérité un vrai débat, une réflexion de fond associant l’ensemble des parties prenantes. Nous ne pouvons accepter vos explications, monsieur le ministre. J’ai l’impression de parler dans le vide, de m’agiter vainement, tel Don Quichotte, et cela m’est d’autant plus insupportable que je vis dans une vallée industrielle où beaucoup d’ouvriers meurent de cancers dus à une exposition à l’amiante ou aux éthers de glycol, d’accidents du travail. Nombre de salariés espéraient que cette réforme de la médecine du travail déboucherait sur une amélioration, même modeste, de leur vie quotidienne dans l’entreprise. Or non seulement ils n’obtiendront rien, mais vous donnez tout pouvoir aux entreprises pour mettre en place de nouvelles formes d’organisation du travail néfastes aux employés, aux ouvriers, aux techniciens et aux cadres !
M. Guy Fischer. Très bien !
M. le président. La parole est à Mme Marie-Christine Blandin, pour explication de vote.
Mme Marie-Christine Blandin. Je souhaite apporter mon soutien à l’ensemble de ces amendements et formuler deux remarques.
En premier lieu, conforter les moyens et la place hiérarchique du médecin du travail me semble d’autant plus nécessaire que celui-ci entend toutes les souffrances, mais est parfois amené à prendre sur lui. Ainsi, voilà quelques mois, alors que nous avions déjà été alertés sur la souffrance causée par la restructuration de France Télévisions, que nous avions d’ailleurs combattue ici, nous avons appris le suicide d’une femme médecin du travail exerçant son activité au sein de cette entreprise. Ces professionnels ont vraiment besoin d’être soutenus.
En second lieu, s’agissant de la notion de « priorité », j’abonderai dans le sens d’Annie David en rappelant que, dans les usines où sont utilisés des fours, en particulier dans le secteur de la sidérurgie, la priorité absolue était d’éviter les brûlures. C’est au nom de cette préoccupation unique que l’on a mis de l’amiante partout, sans protéger les travailleurs ! Par conséquent, en affirmant de façon trop exclusive une priorité, en oubliant que la protection de la santé est un ensemble, on peut provoquer des catastrophes.
M. le président. L'amendement n° 57, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Après l'alinéa 15
Insérer deux alinéas ainsi rédigés :
...° Après l'article L. 4623-7, il est inséré un article ainsi rédigé :
« Art. L. 4623-8. - Dans les conditions d'indépendance professionnelle définies et garanties par la loi, le médecin du travail assure les missions qui lui sont dévolues par le présent code. »
La parole est à M. le ministre.
M. Xavier Bertrand, ministre. Cet amendement vise à réaffirmer très clairement l’indépendance professionnelle des médecins du travail, qui découle du code de la santé publique et du code de déontologie et se trouve confortée, dans le code du travail, par des règles spécifiques de licenciement.
Mes échanges avec de nombreux partenaires sociaux et de nombreux parlementaires m’ont convaincu qu’il était indispensable d’insister sur cette indépendance, de la consacrer en quelque sorte afin de donner une dimension supplémentaire à l’ensemble des dispositions du texte. Tel est l’objet de cet amendement.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Anne-Marie Payet, rapporteur. Cet amendement n’a pu être examiné par la commission. Il tend à insérer un nouvel article dans la partie du code du travail consacrée à la protection des médecins du travail, prévoyant que ces professionnelles exercent leurs missions, telles qu’elles sont définies dans ce code, dans les conditions légales d’indépendance professionnelle.
La portée normative de cet amendement est certainement limitée, mais la loi sert aussi à réaffirmer des principes.
M. Guy Fischer. C’est pour nous enfumer !
Mme Anne-Marie Payet, rapporteur. À titre personnel, j’émets un avis favorable, car je suis, comme vous tous, mes chers collègues, très attachée à l’indépendance des médecins dans l’exercice de leurs missions.
M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Godefroy, pour explication de vote.
M. Jean-Pierre Godefroy. De graves difficultés professionnelles ont été causées à des médecins du travail qui dénoncent les causes managériales de troubles psychosociaux affectant les salariés de grandes entreprises. S’agissant du drame de l’amiante, il est avéré que des médecins du travail ne sont pas intervenus, alors qu’ils ne pouvaient ignorer les risques encourus par les salariés exposés.
Il est tout à fait positif que le Gouvernement réaffirme que, au-delà de la sujétion inhérente à la condition salariale, le médecin du travail est protégé par le code de la santé publique et le code de déontologie. Toutefois, cet amendement n’apporte strictement rien de nouveau sur le plan juridique. Il ne fait que répéter une évidence, certes bienvenue, mais déjà connue de nous tous.
Alors, pourquoi avoir déposé cet amendement ? Il se trouve que la commission des affaires sociales a adopté, sur la proposition de Mme la rapporteur et à l’unanimité, quatre amendements tendant à insérer des articles additionnels après l’article 5, afin de renforcer très concrètement la protection du médecin du travail, notamment en matière de rupture conventionnelle, de rupture ou de non-renouvellement de contrat à durée déterminée et de transfert.
Les dispositifs de ces amendements apporteront une protection efficace aux médecins du travail se trouvant en butte à des tracasseries, à des menaces ou à des sanctions abusives du fait de l’exercice de leur profession. Ils constituent un apport juridique et seront une garantie concrète d’indépendance pour ces médecins.
Le Gouvernement n’aurait-il pas l’intention, fort de l’adoption de son amendement n° 57, de profiter de la navette parlementaire pour demander à l’Assemblée nationale de supprimer les articles 5 bis à 5 quinquies, que visent à insérer les amendements adoptés par la commission, en arguant que le principe de l’indépendance des médecins du travail aura été réaffirmé à l’article 1er ?
M. Guy Fischer. Bien vu !
M. Jean-Pierre Godefroy. Nous attendons du Gouvernement qu’il s’engage clairement à ne pas déposer ou soutenir des amendements de suppression de ces articles, auxquels nous tenons, ainsi que la commission des affaires sociales.
Mme Raymonde Le Texier. Tout à fait !
M. Jean-Pierre Godefroy. À cette condition, monsieur le ministre, nous n’aurons aucune raison de nous opposer à votre amendement.
M. le président. La parole est à Mme Annie David, pour explication de vote.
Mme Annie David. Je partage les inquiétudes exprimées par M. Godefroy sur le sort qui sera réservé aux articles 5 bis à 5 quinquies, insérés dans le texte sur l’initiative de Mme le rapporteur.
Monsieur le ministre, si vous nous apportez les assurances demandées, peut-être modifierons-nous notre position, mais, en l’état, je ne vois pas l’intérêt d’adopter cet amendement, dans la mesure où l’alinéa 8 de l'article 1er précise déjà que « les missions définies à l’article L. 4622-2 sont exercées par les médecins du travail. Ils agissent en toute indépendance et en coordination avec les employeurs, les membres du comité d’hygiène et de sécurité et des conditions de travail ou les délégués du personnel, les intervenants en prévention des risques professionnels et les personnes ou organismes mentionnés à l’article L. 4644-1 ».
Par conséquent, bien avant l’alinéa 15 de cet article, il est réaffirmé que les médecins du travail agissent en toute indépendance, pour accomplir les missions définies par les directeurs des services de santé au travail, lesquels font obligatoirement partie du collège employeurs et disposent d’une voix prépondérante.
Dans ces conditions, monsieur le ministre, la disposition que vous proposez d’ajouter ne donnera pas plus d’indépendance aux médecins du travail. Elle ne leur permettra pas de participer à la définition des missions, qui restera, j’y insiste, de la compétence des directeurs des services de santé au travail.
Cela étant, nous sommes prêts à adopter cet amendement à portée déclaratoire, à condition que les articles que j’ai évoqués ne soient pas supprimés au cours de la navette.
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Xavier Bertrand, ministre. Mesdames, messieurs les sénateurs, l’indépendance des médecins du travail ne se négocie pas, ne se troque pas. Je vous annonce d’ores et déjà que le Gouvernement est favorable aux articles introduits par la commission des affaires sociales, visant à étendre l’application des mécanismes protecteurs des médecins du travail aux cas de rupture ou de non-renouvellement de CDD, de transfert et de rupture conventionnelle.
Je ne pensais pas devoir vous apporter ces garanties pour que vous votiez l’amendement du Gouvernement, mais puisque vous le demandez, je le fais !
M. Guy Fischer. On se demande où est la ruse !
M. le président. Je constate que cet amendement a été adopté à l’unanimité des présents.
Je suis saisi de sept amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° 27, présenté par Mme David, M. Fischer, Mme Pasquet, M. Autain, Mme Hoarau et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :
Alinéas 22 et 23
Remplacer ces alinéas par un alinéa ainsi rédigé :
« Art. L. 4644-1. - I. - L’employeur fait appel aux intervenants en prévention des risques professionnels appartenant au service de santé au travail interentreprises auquel il adhère ou dûment enregistrés auprès de l’autorité administrative. »
La parole est à Mme Annie David.
Mme Annie David. Nous proposons une autre rédaction pour les alinéas 22 et 23, qui constituent une transposition, dans notre droit national, de l’article 7 de la directive européenne du 12 juin 1989. Cet article autorise l’employeur à se dispenser de l’obligation légale de recourir aux intervenants en prévention des risques professionnels –les IPRP – appartenant au service de santé au travail interentreprises auquel il adhère s’il fait la démonstration qu’il a désigné, dans son entreprise, un ou plusieurs salariés « pour s’occuper des activités de protection et de prévention des risques professionnels de l’entreprise ».
Il convient de souligner que la formulation de l’alinéa 22 est pour le moins particulière. La gestion de la santé au travail des salariés doit être une priorité et ne saurait être réduite à une simple « occupation ». Il s’agit d’une importante responsabilité, d’une charge et non d’une activité supplémentaire ou secondaire, que l’on pourrait assumer en plus de son activité professionnelle.
Nous nous interrogeons d’ailleurs sur les conséquences juridiques et sociétales d’une telle rédaction.
Ainsi, nous ne sommes pas convaincus qu’un tel transfert de compétence à des salariés n’entraînera pas une dilution partielle de la responsabilité de l’employeur.
Cela pourrait en outre provoquer, au sein de l’entreprise, des désordres sociaux importants, les salariés pouvant reprocher à ceux d’entre eux qui auront été nommés par l’employeur de n’avoir pas pris les mesures suffisantes pour prévenir un risque. À nos yeux, le mélange des genres n’est pas acceptable : c’est bien à l’employeur que doit incomber la responsabilité sociale de garantir la santé de ses salariés.
Enfin, il n’est selon nous pas sage de prévoir que les intervenants en prévention des risques professionnels puissent se voir confier, qui plus est par défaut, les actions de protection de la santé des salariés. Telle n’est d’ailleurs par leur mission initiale. Ce rôle incombe aux médecins du travail : le décret du 24 juin 2003 précise que la mission des IPRP consiste à participer à la prévention des risques professionnels et à l’amélioration des conditions de travail ; il n’est nullement fait mention de la protection de la santé.
Si notre amendement n’était pas adopté, le médecin du travail risquerait de devenir facultatif, alors que, eu égard aux missions nouvelles qui lui sont confiées, il est, au contraire, clairement appelé à jouer un rôle incontournable.
C’est la raison pour laquelle, mes chers collègues, nous vous proposons d’adopter cet amendement.
M. le président. L’amendement n° 5 rectifié, présenté par M. Godefroy, Mmes Alquier, Blandin, Le Texier, Jarraud-Vergnolle, Campion, Demontès, Ghali, Printz, Schillinger et San Vicente-Baudrin, MM. Cazeau, Daudigny, Desessard, Gillot, Jeannerot, Kerdraon, S. Larcher, Le Menn, Teulade et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Alinéa 22
Remplacer le mot :
compétents
par les mots :
disposant de qualifications reconnues par des titres ou des diplômes
La parole est à M. Jean-Pierre Godefroy.
M. Jean-Pierre Godefroy. Comme nous l’avons déjà indiqué, l’adjectif « compétents » employé pour qualifier les salariés de l’entreprise qui devront s’occuper de protection et de prévention des risques professionnels est trop flou.
La profession de « préventeur », qui se développe actuellement, particulièrement dans de grandes entreprises, recouvre des compétences très diverses.
Dans l’intérêt des salariés, il importe de bien préciser, au regard des activités de l’entreprise et des risques professionnels encourus par les travailleurs, les compétences des personnes auxquelles il est fait appel et de veiller à ce qu’elles soient suffisantes et adaptées aux situations.
L’un des moyens juridiques simples d’y parvenir est d’exiger des qualifications attestées par des titres ou des diplômes, ou encore, le cas échéant, par la validation d’acquis de l’expérience dûment reconnus.
Au demeurant, tout cela ne permet pas de connaître les moyens et le degré d’autonomie par rapport à l’employeur dont disposeront ces équipes de prévention dans les entreprises. À l’évidence, en pratique, la question de l’importance du budget affecté à la sécurité et celle de la manière dont il sera tenu compte des observations et demandes de ces équipes, notamment si elles impliquent des dépenses, restent ouvertes.
Monsieur le président, je souhaite rectifier cet amendement, pour faire référence à la validation d’acquis de l’expérience.