Article 7
(Non modifié)
La section 2 du chapitre II du même titre II est complétée par un article L. 4622-13 ainsi rédigé :
« Art. L. 4622-13. – Toute convention intervenant directement ou par personne interposée entre le service de santé au travail et son président, son directeur général, l’un de ses directeurs généraux délégués ou l’un de ses administrateurs doit être soumise à l’autorisation préalable du conseil d’administration.
« Il en est de même des conventions auxquelles une des personnes visées au premier alinéa est indirectement intéressée.
« Sont également soumises à autorisation préalable les conventions intervenant entre le service de santé au travail et une entreprise si le président, le directeur général, l’un des directeurs généraux délégués ou l’un des administrateurs du service de santé au travail est propriétaire, associé indéfiniment responsable, gérant, administrateur, membre du conseil de surveillance ou, de façon générale, dirigeant de cette entreprise.
« Toutefois, lorsque les conventions portent sur des opérations courantes ou conclues à des conditions usuelles, elles font uniquement l’objet d’une communication au président et aux membres du conseil d’administration. »
M. le président. La parole est à M. Guy Fischer, sur l'article.
M. Guy Fischer. Monsieur le président, avec votre accord, mon intervention sur l’article vaudra défense de l’amendement n° 39.
M. le président. J’en prends acte, mon cher collègue !
M. Guy Fischer. L’article 7 opère une analogie entre les règles applicables au code de commerce et celles qui sont applicables au code du travail en matière d’autorisation préalable par le conseil d’administration des conventions entre les personnes investies d’un pouvoir de décision.
Le dernier alinéa de cet article prévoit que les conventions qui portent sur des opérations courantes ou conclues à des conditions usuelles font l’objet d’une simple communication au président et aux membres du conseil d’administration, à l’instar de ce qui se pratique actuellement en matière de droit commercial et des sociétés. Mais l’application de ce principe a donné une coloration commerciale à l’organisation de la santé au travail, ce qui ne peut que nous déplaire.
Le principe même de l’existence de telles conventions, notamment à vocation financière entre l’entreprise et le service de santé au travail, nous semble être l’écho de la logique qui sous-tend l’ensemble de cette proposition de loi : les services de santé au travail ne seraient que des exécutants des employeurs recourant à leurs services.
Cela nous inquiète, car la protection de la santé des salariés ne nous semble pas relever d’une simple relation commerciale. Il devrait naturellement y avoir une dimension « santé publique », qui justifierait une véritable participation de l’État, qui est malheureusement bien absent.
C’est, pour nous, la démonstration que par cette proposition de loi, qui place les services de santé au travail sous l’emprise du patronat, on conçoit aujourd’hui la médecine du travail non plus comme un outil de protection des salariés, mais comme un domaine marchand à explorer.
Ce constat nous a d’ailleurs conduits à nous interroger sur l’opportunité de déposer un amendement de suppression de cet article, lequel n’aurait malheureusement pas permis d’endiguer cette dérive. De même, nous avons considéré que la suppression de l’article 7 aurait supprimé de facto la possibilité pour les membres du conseil d’administration d’être informés et de se prononcer sur ces conventions. Or, du fait de la gestion paritaire que vous souhaitez imposer, et qui laisse perplexe quant aux motivations réelles du patronat sur son manque de transparence, il ne nous est pas apparu opportun de supprimer le seul élément de contrôle dont disposent les représentants des salariés.
Aussi, en lieu et place d’un amendement de suppression, nous proposons que la règle de la voix prépondérante du président ne s’applique pas, afin d’assurer en la matière un véritable paritarisme, seul capable d’éviter que ne se développent de telles dérives.
M. le président. L'amendement n° 51 rectifié, présenté par MM. Collin, Baylet, Bockel et Fortassin, Mme Laborde et MM. Mézard, Milhau, Tropeano et Vall, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
Cet amendement n'est pas soutenu.
L'amendement n° 54, présenté par Mme Payet, au nom de la commission, est ainsi libellé :
I. – Alinéa 2
Supprimer les mots :
général, l'un de ses directeurs généraux délégués
II. – Alinéa 4
Supprimer les mots :
général, l'un des directeurs généraux délégués
La parole est à Mme le rapporteur.
Mme Anne-Marie Payet, rapporteur. Il s’agit d’un amendement rédactionnel.
M. le président. L'amendement n° 39, présenté par Mme David, M. Fischer, Mme Pasquet, M. Autain, Mme Hoarau et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :
Après l'alinéa 4
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
« La règle de la voix prépondérante du Président ne s'applique pas aux dispositions visées aux trois premiers alinéas de cet article. En cas d'égalité des voix du conseil d'administration, de nouvelles négociations sont engagées.
La parole est à M. Guy Fischer.
M. Guy Fischer. Il est défendu.
M. le président. Quel est l’avis de la commission sur l’amendement no 39 ?
Mme Anne-Marie Payet, rapporteur. Favorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement sur les amendements nos 54 et 39 ?
M. Guy Fischer. Voilà qui n’est pas mal ! (Sourires.)
M. le président. Je constate que cet amendement a été adopté à l’unanimité des présents.
Je mets aux voix l'article 7, modifié.
(L'article 7 est adopté.)
Article 8
(Non modifié)
L’article L. 4623-1 du même code est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Par dérogation au premier alinéa, un décret fixe les conditions dans lesquelles les services de santé au travail peuvent recruter, après délivrance d’une licence de remplacement et autorisation par les conseils départementaux compétents de l’ordre des médecins, à titre temporaire un interne de la spécialité qui travaillera sous l’autorité d’un médecin du travail du service de santé au travail expérimenté. » – (Adopté.)
Article additionnel après l'article 8
M. le président. L'amendement n° 1 rectifié, présenté par Mme Blandin, M. Godefroy, Mmes Alquier, Le Texier, Jarraud-Vergnolle, Campion, Demontès, Ghali, Printz, Schillinger et San Vicente-Baudrin, MM. Cazeau, Daudigny, Desessard, Gillot, Jeannerot, Kerdraon, S. Larcher, Le Menn, Teulade et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Après l'article 8, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Dans le délai d'un an à compter de la promulgation de la présente loi, le Gouvernement présente au Parlement un rapport sur les possibilités de valorisation de la spécialité de médecine du travail dans le cadre des études médicales.
La parole est à Mme Marie-Christine Blandin.
Mme Marie-Christine Blandin. On ne compte que quatre-vingts étudiants par an pour remplacer les départs à la retraite – ou de guerre lasse – de 6 800 médecins du travail, dont 75 % ont plus de 50 ans, et qui suivent tous plus de 3 000 salariés. Ce n’est pas assez ! Ce taux de renouvellement est même très inquiétant !
La présente proposition de loi est muette sur ce sujet. Les interventions des professionnels de la prévention des risques sont certes complémentaires, mais elles ne sont pas suffisantes.
Face à cette situation de pénurie et à ce manque d’anticipation, il faut « revisiter » le cursus des études de médecine. Tout à l’heure, Mme Annie David a demandé un rapport portant sur une revalorisation générale de la médecine du travail. Pour ma part, je m’attache, plus modestement, à la revalorisation de cette spécialité dans le cadre des études de médecine.
En effet, nous devons en avoir bien conscience, les études de médecine sont plus tournées vers le soin que vers la préservation du capital-santé. On apprend plus à traiter les microbes et les maladies de pléthore que les risques, à gérer les empoisonnements que les contaminations à faible dose. C’est un vrai problème.
Au cours des six ans d’études, seules neuf heures sont consacrées à l’initiation à la médecine du travail. Voilà qui n’est pas de nature à susciter les vocations ! Hormis parmi les fils de médecins du travail ou encore parmi les fils d’ouvriers qui veulent précisément s’engager dans cette voie pour traiter les maladies dont leurs parents ont souffert.
C’est pourquoi nous demandons que le Gouvernement élabore un rapport sur le cursus des études de médecine, en y incluant une sensibilisation à la médecine du travail, voire une formation des médecins généralistes, afin que ces derniers aient aussi une oreille attentive à l’égard de toutes les composantes de la société. J’y insiste, c’est vraiment dans le cadre des études de médecine que nous devons susciter des vocations.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Anne-Marie Payet, rapporteur. Cet amendement vise à demander un rapport sur la valorisation de la spécialité de médecine du travail.
Nous l’avons évoqué tout à l’heure, plusieurs rapports existent déjà sur cette question. Certaines propositions formulées dans ces rapports sont reprises dans la présente proposition de loi, mais la majorité d’entre elles relève du pouvoir réglementaire ou des pratiques professionnelles.
Au final, le rapport qu’il est demandé au Gouvernement de présenter couvre un champ dont la plupart des éléments sont aujourd’hui connus. Pour autant, un tel document pourrait fournir des informations actualisées et plus globales.
La commission s’en remet donc à la sagesse du Sénat sur cet amendement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Xavier Bertrand, ministre. Le Gouvernement est défavorable à cet amendement, car son objet est satisfait par le rapport que j’ai fait remettre tout à l’heure à Mme David. Comme je doute qu’elle en ait déjà achevé la lecture (Mme Annie David s’exclame), je puis, si vous le souhaitez, madame Blandin, vous en faire parvenir une synthèse.
M. le président. La parole est à Mme Marie-Christine Blandin, pour explication de vote.
Mme Marie-Christine Blandin. Je vais faire confiance à M. le ministre, bien que, comme je l’ai rappelé dans ma question d’actualité du 20 janvier dernier, les dispositions que nous avions adoptées en 2009 sur la Haute autorité « de garantie de l’indépendance de l’expertise » n’aient toujours pas été mises en œuvre. Comme vous pouvez le constater, monsieur le ministre, que je fais un gros effort en faisant confiance à un gouvernement qui ne met pas en œuvre la loi votée ! Mais il est vrai qu’il ne s’agit ici que d’un rapport.
Monsieur le ministre, puisque ces éléments sont dans le rapport, il faut maintenant passer à l’acte, car il ne suffit pas d’établir un diagnostic.
Cela dit, je retire l’amendement no 1 rectifié.
M. le président. L’amendement n° 1 rectifié est retiré.
Article 9
(Non modifié)
La section 2 du chapitre II du titre II du livre VI de la quatrième partie du même code est complétée par un article L. 4622-14 ainsi rédigé :
« Art. L. 4622-14. – Le directeur du service de santé au travail interentreprises met en œuvre, en lien avec l’équipe pluridisciplinaire de santé au travail et, sous l’autorité du président, les actions approuvées par le conseil d’administration dans le cadre du projet de service pluriannuel. »
M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques.
L'amendement n° 40 est présenté par Mme David, M. Fischer, Mme Pasquet, M. Autain, Mme Hoarau et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche.
L'amendement n° 52 rectifié est présenté par MM. Collin, Baylet, Bockel et Fortassin, Mme Laborde et MM. Mézard, Milhau, Tropeano et Vall.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Supprimer cet article.
La parole est à Mme Annie David, pour présenter l’amendement n° 40.
Mme Annie David. Dans la mesure où nous avons obtenu une véritable parité en matière de gouvernance grâce à l’adoption, à l’article 3, des amendements identiques nos 9 et 45, mon argumentation sur cet amendement ne tient plus guère. En conséquence, je le retire.
M. le président. L’amendement n° 40 est retiré.
L’amendement n° 52 rectifié n’est pas soutenu.
L'amendement n° 14, présenté par M. Godefroy, Mmes Alquier, Blandin, Le Texier, Jarraud-Vergnolle, Campion, Demontès, Ghali, Printz, Schillinger et San Vicente-Baudrin, MM. Cazeau, Daudigny, Desessard, Gillot, Jeannerot, Kerdraon, S. Larcher, Le Menn, Teulade et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Alinéa 2
Après les mots :
en lien avec
insérer les mots :
le médecin du travail et
La parole est à Mme Jacqueline Alquier.
Mme Jacqueline Alquier. Cet amendement de précision vise à redonner au médecin du travail, qui est au cœur des services de santé au travail, tout son rôle dans la mise en œuvre des actions du conseil d’administration.
En outre, la rédaction proposée correspond davantage à celle de l’article 1er, telle qu’elle a été retenue par notre commission, qui s’est inspirée de l’amendement présenté par notre collègue Bruno Gilles.
Il est en effet prévu, à l’article L. 4622-8 nouveau du code du travail, que le médecin du travail assure les missions des services de santé au travail, les SST, avec une équipe pluridisciplinaire qu’il coordonne et dont il prescrit les interventions.
En termes d’organisation, il semble donc cohérent que le directeur du SST mette en œuvre les décisions du conseil d’administration en lien avec le médecin du travail.
Au demeurant, on conçoit mal comment il pourrait en aller autrement, sauf à remettre en cause l’indépendance du médecin du travail et, donc, à provoquer des contentieux.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Anne-Marie Payet, rapporteur. Nous avons déjà adopté, à l’article 1er, l’amendement n° 47 rectifié bis, qui confirme l’unité d’une équipe pluridisciplinaire animée et coordonnée par les médecins du travail.
La commission a donc émis un avis défavorable sur cet amendement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Xavier Bertrand, ministre. Que la commission ne m’en veuille pas, mais le Gouvernement est favorable à cet amendement.
Mme Muguette Dini, présidente de la commission des affaires sociales. C’est votre droit !
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 14.
M. Guy Fischer. Madame Procaccia, votez-le ! Le Gouvernement est d’accord ! (Sourires.)
(L'amendement est adopté.)
M. le président. Je mets aux voix l'article 9, modifié.
(L'article 9 est adopté.)
Article 10
(Non modifié)
Le chapitre V du même titre II est ainsi modifié :
1° Après le mot : « médicale », la fin de l’intitulé est ainsi rédigée : « de catégories particulières de travailleurs » ;
2° Il est inséré un article L. 4625-1 ainsi rédigé :
« Art. L. 4625-1. – Un décret détermine les règles relatives à l’organisation, au choix et au financement du service de santé au travail ainsi qu’aux modalités de surveillance de l’état de santé des travailleurs applicables aux catégories de travailleurs suivantes :
« 1° Salariés temporaires ;
« 2° Stagiaires de la formation professionnelle ;
« 3° Travailleurs des associations intermédiaires ;
« 4° Travailleurs exécutant habituellement leur contrat de travail dans une entreprise autre que celle de leur employeur ;
« 5° Travailleurs éloignés exécutant habituellement leur contrat de travail dans un département différent de celui où se trouve l’établissement qui les emploie ;
« 6° Travailleurs détachés temporairement par une entreprise non établie en France ;
« 7° Travailleurs saisonniers.
« Ces travailleurs bénéficient d’une protection égale à celle des autres travailleurs.
« Des règles et modalités de surveillance adaptées ne peuvent avoir pour effet de modifier la périodicité des examens médicaux définie par le présent code.
« Pour tenir compte de spécificités locales en matière de recours à des travailleurs saisonniers, l’autorité administrative peut approuver des accords adaptant les modalités définies par décret sous réserve que ces adaptations garantissent un niveau au moins équivalent de protection de la santé aux travailleurs concernés. »
M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques.
L'amendement n° 15 est présenté par M. Godefroy, Mmes Alquier, Blandin, Le Texier, Jarraud-Vergnolle, Campion, Demontès, Ghali, Printz, Schillinger et San Vicente-Baudrin, MM. Cazeau, Daudigny, Desessard, Gillot, Jeannerot, Kerdraon, S. Larcher, Le Menn, Teulade et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés.
L'amendement n° 41 est présenté par Mme David, M. Fischer, Mme Pasquet, M. Autain, Mme Hoarau et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Supprimer cet article.
La parole est à M. Jean-Pierre Godefroy, pour présenter l’amendement n° 15.
M. Jean-Pierre Godefroy. Lors du débat sur le projet de loi portant réforme des retraites, notre groupe avait obtenu l’insertion de deux précisions qui nous paraissaient indispensables : d’un côté, les travailleurs qui sont visés dans le présent article 10 doivent bénéficier d’une protection égale à celle des autres travailleurs ; d’un autre côté, la périodicité des examens médicaux ne peut pas être modifiée.
Je rappelle que le plan Santé au travail pour la période 2010-2014 préconise, d’une part, de cibler la prévention sur certaines branches particulièrement exposées, mais aussi sur certains publics, au nombre desquels figurent ceux qui sont mentionnés à l’article 10, et, d’autre part, de mieux intégrer les problématiques liées à la sous-traitance et à la coactivité.
C’est précisément dans les branches où la pénibilité et les risques sont les plus élevés que l’externalisation des activités à risques s’est le plus développée. Ce n’est évidement pas un hasard, puisque la sous-traitance externalise aussi la hausse des cotisations à la branche accidents du travail-maladies professionnelles, AT-MP.
C’est ainsi une véritable armée de réserve que nous avons vu naître, constituée de travailleurs voués à la précarité, à la sous-rémunération, aux mauvaises conditions de travail et à la flexibilité systématique de l’emploi.
Ces salariés migrants et temporaires, précisément les catégories qui sont énumérées dans cet article, ont des conditions de vie et de travail souvent indignes. Beaucoup se déplacent d’un chantier à l’autre à travers toute l’Europe, ont des horaires de travail sans limitation, vivent dans des locaux de fortune, ne voient plus leur famille dans des conditions décentes, et subissent toutes les crises.
Sur le plan de la santé et de la sécurité, ils sont évidemment les plus exposés, avec le risque de l’accident, ou de la maladie qui se déclenche du fait de l’usure prématurée ou de l’exposition à des substances dangereuses. C’est alors la double peine, puisqu’il leur est quasiment impossible de retrouver un emploi, et leur vie est ruinée sur bien des plans.
C’est pourquoi, sur le fond, nous sommes opposés à la catégorisation, sauf si celle-ci remplit deux conditions : être justifiée par des raisons pratiques incontournables et conduire à un renforcement de la surveillance des salariés concernés. Or, ces précisions ne figurent pas dans le texte de l’article 10.
Si ces deux conditions ne sont pas remplies, et elles ne semblent pas l’être, les exceptions prévues aboutiront à ce que ces travailleurs soient examinés par des médecins non spécialisés. En fait, à la sous-traitance du travail correspondra la sous-traitance de la surveillance médicale. Nous sommes donc conduits à vous demander, mes chers collègues, de voter la suppression de l’article 10, au nom du principe de précaution.
Enfin, que prévoit le décret qui déterminera les règles d’organisation, de choix et de financement des SST, ainsi que les conditions de surveillance de ces travailleurs ? Des modalités de surveillance renforcée de ces catégories précarisées et fragilisées sont-elles prévues ?
Monsieur le ministre, depuis le début de la préparation de ce texte, il semble évident que le projet de décret est prêt. Si tel est le cas, pourriez-vous nous en communiquer le contenu ? Dans le cas contraire, quand sa rédaction sera-t-elle achevée ?
M. le président. La parole est à Mme Marie-Agnès Labarre, pour présenter l’amendement n° 41.
Mme Marie-Agnès Labarre. Les dispositions de l’article 10 nous inquiètent particulièrement, puisqu’il s’agit de soumettre certaines catégories de salariés à un régime dérogatoire.
Certes, la situation dans laquelle certains travailleurs sont placés rend difficile la mise en œuvre d’une surveillance médicale. Je pense particulièrement aux salariés éloignés et aux saisonniers. Pourtant, la santé de ces salariés est plus menacée en raison de leur activité professionnelle, du fait du caractère souvent physique de celle-ci, et de la précarité qui accompagne nécessairement l’alternance de périodes d’activité et de non-activité.
Au final, des milliers de salariés sont aujourd’hui écartés de la médecine du travail, ce qui n’est pas conforme à l’esprit de loi. Si je me réjouis que la rédaction de l’article 10 ait conservé les apports que constituent les deux amendements, adoptés en octobre dernier, sur la non-incidence de ces dérogations sur la périodicité des examens médicaux et le niveau d’accès à la médecine du travail, je demeure cependant sceptique sur la pertinence de ce texte.
En effet, en l’absence de précisions, le décret pourrait très bien revenir sur le principe de la gestion paritaire à parts égales, écarter la disposition qui prévoit le contrôle des conventions par le conseil d’administration du service de santé au travail interentreprises ou bien assouplir plus encore que cela n’est le cas actuellement le degré des compétences des professionnels intervenants, en proposant par exemple, pour ces catégories de salariés, que la surveillance de la santé au travail soit exclusivement réalisée par des médecins non spécialisés en médecine du travail.
Si nous sommes inquiets, c’est que nous connaissons la propension du Gouvernement à détricoter par décret les lois que le Parlement a adoptées. J’en veux pour preuve – mon collègue Guy Fischer y a fait référence – les décrets concernant la reconnaissance de la pénibilité, lesquels sont tout simplement inacceptables, puisqu’ils ont pour effet d’interdire à l’immense majorité des salariés potentiellement concernés l’accès à ce dispositif. Vous aviez d’ailleurs, par le passé, procédé de manière similaire pour le dispositif « carrières longues ».
Monsieur le ministre, si vous pouviez aujourd’hui nous informer du contenu de ces décrets, afin de nous apaiser et de nous rassurer, il vous serait dès lors tout à fait possible de déposer un amendement visant à intégrer dans la proposition de loi les dérogations que vous prévoyez. Une telle démarche serait d’ailleurs plus cohérente, puisque ce texte vise à insérer dans la loi un certain nombre d’éléments qui relevaient jusqu’ici du domaine réglementaire.
Pour toutes ces raisons, nous vous proposons, mes chers collègues, de supprimer l’article 10.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Anne-Marie Payet, rapporteur. Ces deux amendements identiques visant à supprimer la dérogation applicable à certaines catégories de travailleurs, la commission y est défavorable.
Comme nous l’avons également prévu à l’article 6, il semble nécessaire d’autoriser des dérogations au suivi classique de la santé au travail, lorsque la situation des travailleurs est spécifique.
Aujourd’hui, certaines professions ou statuts sont très mal suivis par la médecine du travail. Pour ces personnes, la solution ne peut résider que dans la création d’une procédure adaptée.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 15 et 41.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
M. le président. L'amendement n° 46, présenté par Mme Dini, est ainsi libellé :
Après l'alinéa 6
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
« 2° bis Apprentis et futurs apprentis ;
La parole est à Mme Muguette Dini.
Mme Muguette Dini. Cet amendement vise à réduire les délais de réalisation de la visite médicale d’embauche des apprentis et à accélérer la procédure d’enregistrement du contrat d’apprentissage.
À chaque rentrée scolaire, les apprentis pâtissent de l’indisponibilité des médecins du travail. Les délais d’attente pour passer la visite médicale d’embauche sont souvent très longs et reportent parfois de trois à six mois l’enregistrement par l’organisme consulaire compétent des contrats d’apprentissage. Le début de la formation de ces jeunes travailleurs est, de ce fait, retardé.
Monsieur le ministre, vous avez fait du développement de l’apprentissage l’un de vos chantiers prioritaires, et je me réjouis de cet engagement.
Il conviendrait qu’une dérogation réglementaire puisse permettre au médecin de ville de réaliser la visite médicale d’embauche des apprentis. Le financement d’une telle disposition devrait bien évidemment être prévu.
Je souhaite, monsieur le ministre, connaître votre avis sur ces deux points.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Anne-Marie Payet, rapporteur. En raison du statut particulier des apprentis et de l’alternance entre centre de formation et travail dans l’entreprise, il peut être utile de prévoir des dérogations à leur suivi en termes de médecine du travail.
Le Gouvernement peut-il nous éclairer sur les difficultés qui peuvent surgir pour les apprentis en ce domaine, et sur les remèdes qui peuvent être apportés ?
La commission s’en remet à la sagesse du Sénat sur cet amendement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Xavier Bertrand, ministre. Madame Dini, je sais que vous suivez tous nos travaux avec attention et que vous vous exprimez sur les sujets qui revêtent à vos yeux une grande importance.
La question de l’apprentissage est, en effet, très importante. Mme Nadine Morano et moi-même envisageons de prendre rapidement de nouvelles initiatives dont certaines seront d’ailleurs soumises à la représentation nationale.
Aujourd’hui, les apprentis âgés de moins de dix-huit ans bénéficient d’une surveillance médicale renforcée : ils passent une visite médicale avant leur embauche et ils doivent être examinés par le médecin du travail une fois par an. Les inscrire parmi les catégories mentionnées à l’article 10 ne semble pas opportun puisque leurs conditions de prise en charge sont très particulières.
Madame la présidente de la commission, je vous invite dans l’immédiat à retirer votre amendement, sachant que – j’en prends l’engagement – nous évoquerons ce sujet à l’occasion de la discussion des nouvelles mesures que nous proposerons pour la formation en alternance, l’apprentissage et les contrats de professionnalisation.
J’espère vous avoir convaincue. Si tel n’était pas le cas, je m’en remettrais à la sagesse de la Haute Assemblée.