M. Patrice Gélard, rapporteur. Eh oui !
M. Michel Mercier, garde des sceaux. … parce que le Défenseur des droits a au moins autant de pouvoirs que chacune des autorités administratives indépendantes regroupées en son sein et, pour certaines, il en a plus.
Je voudrais revenir sur ce point, notamment pour ce qui est du Défenseur des enfants, car c’est un point qui a suscité beaucoup de débats.
Je reconnais tout à fait le travail de qualité réalisé par les défenseurs des enfants qui se sont succédé et je n’ai pas à le critiquer. Mais si l’on est attaché à la défense des droits des enfants, on doit objectivement regarder une chose toute simple : le Défenseur des droits a-t-il moins de capacités d’intervention, moins de pouvoirs, moins de compétences que le Défenseur des enfants, ou plus ? Si l’on répond qu’il en a davantage et que l’on est loyalement attaché aux droits des enfants, on choisira le Défenseur des droits. C’est justement le cas, tout milite en faveur du choix du Défenseur des droits.
Le Défenseur des enfants a été créé, je le rappelle, par une loi du 6 mars 2000. Il ne dispose donc pas de l’assise constitutionnelle du Défenseur des droits prévue à l’article 71-1 de la Constitution et qui lui confère une autorité plus grande dans ses interventions.
Le Défenseur des enfants ne peut agir directement – c’est très important, j’insiste sur ce point – lorsqu’une administration ou une autre personne publique ou privée chargée d’une mission de service public est mise en cause dans une réclamation dont il est saisi. À ce moment-là, le Défenseur des enfants doit obligatoirement transmettre le dossier au Médiateur de la République. On voit bien là qu’il y a un manque important pour le Défenseur des enfants.
Le Défenseur des droits, qui a les compétences tant du Défenseur des enfants que du Médiateur, pourra intervenir directement auprès d’une personne publique. On sait bien que c’est souvent le cas. Le Défenseur des enfants a souvent été amené à intervenir sur certains faits qui relevaient de l’aide sociale à l’enfance ou à propos de telle ou telle personne qui s’était vu confier la garde d’un enfant par une décision publique.
Il s’agit là d’une progression tout à fait considérable dans les pouvoirs dont disposera le Défenseur des droits par rapport au Défenseur des enfants pour défendre les droits des enfants.
Le Défenseur des droits bénéficiera également de moyens d’investigation plus importants, il pourra notamment opérer des contrôles sur place. Il disposera de pouvoirs inconnus du Défenseur des enfants : proposer une transaction, saisir une autorité disciplinaire, intervenir de sa propre initiative dans toute procédure juridictionnelle où son audition est de droit.
Ainsi, le remplacement du Défenseur des enfants par le Défenseur des droits ne peut en aucun cas être considéré comme une régression en matière de défense des droits de l’enfant.
Tout au contraire, les droits des enfants seront défendus par une autorité indépendante de niveau constitutionnel. C’est un point sur lequel je voulais particulièrement insister.
Pour ce qui concerne les amendements de repli, M. le rapporteur a tout à fait bien répondu.
À propos de l’amendement n° 27, monsieur Sueur, j’ai trouvé extrêmement intéressante la manière dont vous l’avez défendu. Votre démonstration était parfaite, et je vous remercie de l’avoir faite ainsi. (Sourires.)
Le président de la Commission nationale de déontologie de la sécurité, avez-vous dit, vient d’écrire à François Fillon. Dans cette lettre, M. Beauvois exprime ce que sa conscience lui dicte. De ce point de vue, je n’ai aucun commentaire à faire. J’observe en revanche que cette lettre démontre son indépendance totale et absolue. Or M. Beauvois a été nommé par un décret du Président de la République daté du 31 décembre 2007 : il a donc été nommé par l’actuel Président de la République.
M. Jean-Pierre Sueur. Certes, mais pas comme « adjoint » !
M. Michel Mercier, garde des sceaux. Je comprends bien que cela vous gêne, mais la preuve est ainsi faite que la procédure de nomination par le Président de la République, même sans l’intervention du Parlement, permet, comme l’a dit tout à l’heure M. le président de la commission des lois, que la personne nommée, devenant habitée par sa fonction, acquière une indépendance totale.
C’est ainsi que M. Beauvois, nommé par décret simple du Président de la République, a fait la preuve de son entière indépendance.
M. Patrice Gélard, rapporteur. Eh oui !
M. Jean-Pierre Sueur. Ce n’est pas comme adjoint qu’il a été nommé !
M. Michel Mercier, garde des sceaux. C’est une démonstration dont je le remercie et qui, malheureusement pour vous, ruine toute l’argumentation que vous développez depuis le début de la séance ! (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)
M. Jean-Pierre Sueur. Pas du tout ! En aucune façon !
M. le président. La parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat, pour explication de vote.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Depuis tout à l’heure, je le dis sans intention désobligeante, vous ne faites que vous répéter, monsieur le garde des sceaux !
M. Patrice Gélard, rapporteur. Vous aussi !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Le Défenseur des droits, dans la mesure où son existence résulte de la Constitution, disposera, selon vous, de pouvoirs élargis et défendra les droits de façon plus efficace.
Je me suis déjà exprimée sur le Défenseur des enfants, je centrerai donc mon propos sur la Commission nationale de déontologie de la sécurité.
Je connais bien la CNDS, car j’ai eu l’occasion de la saisir souvent.
M. Patrice Gélard, rapporteur. Moi aussi !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Je crois même être le parlementaire qui l’a saisie le plus souvent.
La raison en est que je suis sénatrice de Paris, où la police procède notamment à de nombreuses gardes à vue et où beaucoup de problèmes sont apparus. Vous en êtes d’ailleurs conscients, puisque vous avez dû engager la réforme de la garde à vue et que le texte devrait aboutir bientôt.
Mais j’en reviens à la CNDS.
Sans doute les deux présidents successivement nommés à la tête de la Commission nationale de déontologie de la sécurité disposaient-ils, du fait des fonctions qu’ils avaient antérieurement exercées, connaissaient bien les affaires dont ils étaient saisis et jouissaient d’une certaine légitimité dans le domaine de la justice et du contrôle des forces de police.
Au stade de leur carrière auquel ils étaient rendus, et compte tenu du fait qu’ils étaient assistés, notamment, par des membres de la représentation nationale et des forces de police, ils ont pu conduire un travail remarquable qui, souvent, je le regrette, a confirmé le bien-fondé des plaintes transmises par les parlementaires. Il est vrai que, comme l’a dit Jean-Pierre Sueur, les dossiers que nous avions transmis étaient solidement étayés.
Il va de soi que la mission de la Commission nationale de déontologie de la sécurité s’apparente à un contrôle du pouvoir régalien. Les arguments que vous développés ne sont donc pas très convaincants, car ce que l’on peut dire du Contrôleur général des lieux de privation de liberté - vous avez accepté, du moins ici, de ne pas le passer à la moulinette du Défenseur des droits -, ont peut aussi bien le dire de la Commission nationale de déontologie de la sécurité.
La Commission nationale de déontologie de la sécurité n’aurait pas de pouvoirs, dites-vous. Je vous réponds que, si l’on veut vraiment conforter cette autorité, il faut lui donner davantage de pouvoirs et faire nommer son président par la représentation nationale sur une liste de personnes qualifiées. Les bruits qui courent au sujet du Défenseur des droits ne nous donnent pas, de ce point de vue, toutes les garanties souhaitables. Mais nous verrons bien…
Nul n’ignore que la hiérarchie policière et le ministère de l’intérieur ne sont pas du tout satisfaits des rapports de la CNDS. Je ne voudrais pas, en citant des noms, me fâcher avec tel ou tel représentant de la Préfecture de police de Paris, mais les uns et les autres ne font pas mystère des réserves que leur inspirent les observations et les mises en cause de la Commission nationale de déontologie de la sécurité, comme ce fut le cas s’agissant de la garde à vue.
Mais peu importe : il nous appartient, à nous, parlementaires, de nous préoccuper de la manière dont agissent les agents de la force publique relevant d’un ministère régalien.
Je crois donc que vos arguments concernant la Commission nationale de déontologie de la sécurité ne sont pas fondés.
Au surplus, je veux bien croire que le Défenseur des droits aura des pouvoirs, mais de quels moyens disposera-t-il pour pouvoir travailler et mener, le cas échéant, ses enquêtes ? Dans les faits, il sera obligé de suivre l’avis de la personnalité chargée de la déontologie de la police.
Il y a fort à parier, de surcroît, que la volonté de limiter les dépenses, de restreindre les moyens, n’est pas étrangère à votre projet de regroupement des autorités.
Dans ces conditions, on voit mal comment le nouveau défenseur des droits serait réellement mieux à même de contrôler, sur l’ensemble du territoire, les relations de la police avec les citoyens.
M. le président. La parole est à M. Richard Yung, pour explication de vote.
M. Richard Yung. Nous nous réjouissons que le Contrôleur général des lieux de privation de liberté ait été écarté du regroupement, mais nous considérons que, s’agissant d’une politique permanente et continue, aucun délai ne saurait être fixé, et je pense ici au terme du mandat du contrôleur actuel, à l’expiration duquel le Contrôleur général des lieux de privation de liberté serait intégré au Défenseur des droits.
Le Contrôleur général des lieux de privation de liberté disparaîtra le jour où il n’y aura plus de problèmes de libertés individuelles et de violences dans les prisons françaises !
M. Patrice Gélard, rapporteur. Nous sommes d’accord !
M. Richard Yung. Or nous savons qu’il faudra un certain temps avant que ce ne soit le cas.
Je veux aussi rappeler à M. le garde des sceaux les sages paroles de celle qui l’a précédé dans la belle fonction qu’il occupe aujourd’hui.
M. Patrice Gélard, rapporteur. Oh là !
M. Richard Yung. Nous rendons hommage à la sagesse et à la clairvoyance de Mme Rachida Dati, qui s’exprimait ainsi le 31 juillet 2007 : « Les autorités indépendantes contribuent au bon fonctionnement de nos institutions. Elles jouent un rôle de veille, de contrôle, de régulation qui est le propre des démocraties modernes. Elles ont acquis leur légitimité. Elles ont établi leur efficacité. Elles ont démontré qu’un État de droit n’a pas à craindre le contrôle d’une autorité indépendante du pouvoir exécutif. »
M. Robert Badinter. C’est bien dit !
M. Richard Yung. Mme Rachida Dati a tout dit !
M. le président. La parole est à M. Christian Cointat, pour explication de vote.
M. Christian Cointat. Monsieur le président, je souhaite simplement formuler une remarque et exprimer un regret.
La remarque s’adresse à vous, monsieur le président. Vous savez que la commission des finances est très tatillonne, parfois même à l’excès, sur l’application de l’article 40.
Or j’ai la nette impression de revivre le débat que nous avons déjà connu en première lecture.
En effet, on use d’un artifice consistant à modifier un article, notamment en retirant le Contrôleur général des lieux de privation de liberté du périmètre du Défenseur des droits, pour revenir sur des dispositions qui ont été votées dans les mêmes termes par la Haute assemblée et l’Assemblée nationale. Permettez-moi de vous le dire, nous perdons notre temps !
Mme Alima Boumediene-Thiery. Nous ne perdons jamais notre temps !
M. Christian Cointat. Je ne crois pas qu’une telle attitude fasse honneur à notre assemblée, d’autant moins qu’elle nous empêche de conduire un dialogue constructif dans d’autres domaines.
Quant à mon regret, il concerne les propos qu’a tenus tout à l’heure Jean-Pierre Michel au sujet de l’ancienne présidente de la Haute autorité de lutte contre les discriminations et pour l’égalité. Notre collègue est un homme de qualité, et de tels propos ne lui correspondent pas. Je veux dire que je les regrette profondément.
Mais l’intéressée étant désormais membre du Gouvernement, c’est son succès qui sera la meilleure réponse ! (Très bien ! et applaudissements sur les travées de l’UMP.)
M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Sueur, pour explication de vote.
M. Jean-Pierre Sueur. Au cours de la discussion générale, j’ai dit que la Défenseure des enfants, comme le président de la Commission nationale de déontologie de la sécurité et la présidente de la Haute autorité de lutte contre les discriminations et pour l’égalité, avait été nommée par le Président de la République. Je l’ai dit, monsieur le garde des sceaux, de sorte que vous n’ayez pas besoin de le rappeler.
Et voilà que, pour répondre à ce que nous avons pu dire concernant la Commission nationale de déontologie de la sécurité, vous tirez argument de ce que son président a été nommé par M. Sarkozy pour en conclure que les personnalités nommées par le Président de la République peuvent s’exprimer.
Mais c’est encore heureux !
M. Jean-Pierre Sueur. M. Sarkozy nomme de nombreuses personnalités en conseil des ministres. Vous le savez bien, puisque vous y siégez ! J’espère donc que toutes ces personnalités ont la faculté de s’exprimer librement.
M. Jean-Pierre Sueur. Dans le cas contraire, ce serait à désespérer de notre démocratie !
Dans toute l’histoire de la Ve République, de nombreuses personnalités nommées de cette façon ont fait preuve d’une grande indépendance.
Toutefois, s’agissant du président de la CNDS, c’est en tant que président nommé à la tête d’une autorité indépendante qu’il dit son inquiétude devant la perspective d’être, demain, placé sous la tutelle d’une autre autorité qui ne lui permettra pas d’agir de manière autonome.
M. Patrice Gélard, rapporteur. Il ne s’agit pas d’une tutelle !
M. Jean-Pierre Sueur. Dans cette situation, lorsqu’il émettra, en tant qu’adjoint ou collaborateur, un avis, si le Défenseur des droits juge ne pas devoir y donner suite, il ne sera même pas tenu de s’en expliquer et de répondre aux arguments, et une seconde délibération ne pourra pas être demandée.
La réalité, dans ce système, c’est tout le pouvoir concentré entre les mains d’un seul !
Selon nous, compte tenu du caractère sensible de l’ensemble des sujets considérés – discriminations, déontologie de la sécurité, droits des enfants –, il n’est pas souhaitable de créer cette autorité tentaculaire.
D’ailleurs, Mme Rachida Dati ne nous avait pas répondu, lorsque nous avions eu l’honneur de l’interroger, et à sept reprises, sur les autorités qui seraient englobées par le futur défenseur des droits. Au moment où vous avez adopté la révision constitutionnelle de juillet 2008, mes chers collègues, vous ignoriez absolument ce qu’il en serait.
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. C’est faux !
M. Jean-Pierre Sueur. Aujourd’hui, nous découvrons peu à peu l’ampleur du sujet, qui augmente d’ailleurs à chaque lecture. Grâce soit rendue à la commission des lois, particulièrement à son rapporteur et à son président, pour leur position concernant le Contrôleur général des lieux de privation de liberté !
Mes chers collègues, je vous rendrais doublement et triplement grâce, si, à l’issue d’une éventuelle commission mixte paritaire, vous faisiez prévaloir le même point de vue au sujet du Défenseur des droits. Mais, compte tenu de vos précédents propos, qui figurent au compte rendu intégral, vous vous êtes vous-mêmes condamnés à ce que je ne vous rende pas grâce, une sanction au demeurant extrêmement légère, symbole de ma « bénévolence ». (Sourires.)
Plus sérieusement, monsieur le garde des sceaux, cessez de nous répéter que les nominations de M. Sarkozy font que l’ensemble du dispositif est magnifique. Tel n’est pas le cas !
M. le président. La parole est à M. Jean-René Lecerf, pour explication de vote.
M. Jean-René Lecerf. Je souhaite apporter un élément d’explication de vote concernant les amendements identiques nos 27 et 123 rectifié déposés par nos collègues de l’opposition, qui s’opposent à l’intégration de la CNDS au sein du Défenseur des droits.
Comme tous mes collègues, j’ai le plus grand respect pour les rapports de la CNDS, toujours pertinents. Il se trouve que je m’occupe de manière assez régulière de la situation des établissements pénitentiaires, dont le personnel, dans son immense majorité, effectue fort bien un travail particulièrement difficile. Il arrive toutefois que des fautes, et des fautes très lourdes, soient commises.
J’ai pu constater à diverses reprises que ces fautes avaient été attestées et confirmées par les rapports de la Commission nationale de déontologie de la sécurité. Or, à ma grande surprise, quand je visitais les établissements concernés, je retrouvais dans les mêmes fonctions les mêmes personnels, qui n’avaient donc fait l’objet d’aucune sanction.
J’attends par conséquent de la substitution à la CNDS du Défenseur des droits, qui disposera désormais de l’ensemble des compétences actuelles de la Commission nationale de déontologie de la sécurité, des rapports non seulement toujours aussi pertinents, mais aussi suivis d’effet, c'est-à-dire, le cas échéant, de sanctions, pour que ces documents ne restent plus lettre morte.
M. le président. La parole est à M. Robert Badinter, pour explication de vote.
M. Robert Badinter. Je souhaite revenir sur la question du Défenseur des enfants.
M. Michel a rappelé tout à l’heure à quel point il était nécessaire que la France, dans ce domaine sensible, se conforme à ses obligations internationales. En effet, aux termes tant de la Convention internationale des droits de l’enfant que de la Convention européenne sur l’exercice des droits des enfants – on voit donc que l’exigence est particulièrement forte -, les droits des enfants doivent être défendus par une autorité spécifique.
Quand on me le demande, j’assume, et je continuerai tant que je le pourrai, des missions de défense de mineurs détenus dans divers établissements pénitentiaires d’États situés le plus souvent à l’est de l’Europe et au-delà. Je ne parlerai pas ce soir de ce que j’y vois. J’insisterai simplement sur le rappel des principes fondamentaux qui gouvernent le droit des enfants, singulièrement la défense de leurs droits.
Ces principes partent d’un constat que vous ne devez jamais oublier, mes chers collègues : le mineur n’est pas un adulte en réduction ; il est toujours un être en devenir.
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. On le sait !
M. Robert Badinter. Par conséquent, nous ne pouvons pas adopter à l’égard du mineur l’approche adoptée à l’égard d’un adulte, et cela vaut aussi pour les autorités qui sont chargées des droits de ce mineur.
C’est la raison pour laquelle notre justice des mineurs est et doit rester autonome. M. Lecerf le sait bien, les mineurs font l’objet d’un droit pénal, de règlements pénitentiaires et de dispositions particulières, hélas trop souvent méconnus, sinon dans notre pays, du moins ailleurs.
Dans ces conditions, il est parfaitement naturel et même, selon moi, obligatoire de mettre en place un défenseur des enfants et non un défenseur général des droits qui délègue des pouvoirs à un adjoint. Il faut ici la visibilité, la responsabilité et le pouvoir autonome du Défenseur des enfants.
On me répondra, comme l’a fait tout à l’heure M. le garde des sceaux, que le Défenseur des droits est une autorité constitutionnelle, ce qui lui confère un plus haut niveau dans la hiérarchie des normes qu’une autorité qui serait simplement créée par une loi. Mais la question n’est pas là !
En effet, si le Défenseur des droits prend en charge, au titre de son autorité constitutionnelle, dans des cas précis, la défense des enfants, il ne pourra plus le faire au nom de cette responsabilité particulière que je viens d’évoquer et qui est liée à la spécificité de la défense des mineurs. Nous retrouvons là la généralisation déplorable que j’ai dénoncée tout à l’heure. Quant à l’adjoint, il se trouvera placé, de fait, en position d’infériorité, contrairement à ce qui prévaut aujourd’hui avec le Défenseur des enfants.
Pour toutes ces raisons, il est infiniment souhaitable, et infiniment utile notamment au regard des conventions internationales, que nous maintenions la complète autonomie du Défenseur des enfants. (Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
M. Patrice Gélard, rapporteur. C’est un dialogue de sourds !
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 2 rectifié et 25 rectifié.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 27 et 123 rectifié.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
M. le président. Je mets aux voix l'article 4.
(L'article 4 est adopté.)
Article 5
Le Défenseur des droits peut être saisi :
1° Par toute personne physique ou morale qui s’estime lésée dans ses droits et libertés par le fonctionnement d’une administration de l’État, d’une collectivité territoriale, d’un établissement public ou d’un organisme investi d’une mission de service public ;
2° Par un enfant qui invoque la protection de ses droits ou une situation mettant en cause son intérêt, par ses représentants légaux, les membres de sa famille, les services médicaux ou sociaux ou toute association régulièrement déclarée depuis au moins cinq ans à la date des faits ;
3° Par toute personne qui s’estime victime d’une discrimination, directe ou indirecte, prohibée par la loi ou par un engagement international régulièrement ratifié ou approuvé par la France, ou par toute association régulièrement déclarée depuis au moins cinq ans à la date des faits, se proposant par ses statuts de combattre les discriminations ou d’assister les victimes de discriminations, conjointement avec la personne s’estimant victime de discrimination ou avec son accord ;
4° Par toute personne qui a été victime ou témoin de faits dont elle estime qu’ils constituent un manquement aux règles de déontologie dans le domaine de la sécurité.
Dans les cas mentionnés aux 2°, 3° et 4°, il peut être saisi des agissements de personnes publiques ou privées.
Le Défenseur des droits peut en outre se saisir d’office ou être saisi par les ayants droit de la personne dont les droits et libertés sont en cause.
Il est saisi des réclamations qui sont adressées à ses adjoints.
M. le président. Je suis saisi de sept amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 28, présenté par MM. Sueur, Anziani, Yung et Badinter, Mmes Boumediene-Thiery et M. André, MM. Michel, Collombat, Frimat, C. Gautier, Peyronnet, Mahéas, Sutour, Tuheiava, Collomb et Domeizel, Mmes Bonnefoy, Klès et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Rédiger ainsi cet article :
Le Défenseur des droits est saisi par toute personne physique ou morale qui s'estime lésée dans ses droits et libertés par le fonctionnement d'une administration de l'État, d'une collectivité territoriale, d'un établissement public ou d'un organisme investi d'une mission de service public.
Il peut en outre se saisir d'office ou être saisi par les ayants droit de la personne dont les droits et libertés visés à l'alinéa précédent sont en cause.
La parole est à M. Alain Anziani.
M. Alain Anziani. Monsieur le président, monsieur le garde des sceaux, mes chers collègues, vous avez tous compris le sens de cet amendement, qui résulte de notre obstination à nous en tenir strictement à la Constitution : tout l’article 71-1, rien que l’article 71-1 !
Tout à l’heure, monsieur le garde des sceaux, vous entendiez des voix. Maintenant, je crains que vous n’ayez perdu l’ouïe ! Nous l’avons dit et redit, notre position est simple. Nous ne combattons pas la réforme constitutionnelle, ce n’est plus le moment. Nous ne nous opposons pas non plus à l’article 71-1 de la Constitution, dont notre souci est au contraire de faire en sorte qu’il soit appliqué, sans être dénaturé par l’introduction d’un périmètre.
Au demeurant, une incompréhension subsiste entre nous. Nous ne nous opposons pas à toute réforme des autorités administratives indépendantes dont il est aujourd’hui question. Mais il existe plusieurs façons de réformer : on peut supprimer, comme vous, les unes et les autres en les absorbant au sein d’une entité générale ou bien élargir, comme nous le proposons, les possibilités de saisine de ces autorités, lesquelles seraient dotées d’un plus grand pouvoir, par exemple de recommandation ou d’injonction.
M. le rapporteur a fait tout à l’heure une démonstration éclatante, encore que la lumière qui a envahi alors l’hémicycle n’ait pas été exempte de quelques obscurités…
Selon M. Gélard, le nouveau défenseur des droits, parce qu’il est doté d’une compétence générale, rend les autres autorités caduques. Or ce n’est pas vrai ! Il peut y avoir cohabitation entre, d’un côté, une compétence générale et, de l’autre, des compétences spéciales. Nous le savons bien, le spécialiste peut apporter beaucoup au généraliste.
M. le président. L'amendement n° 3, présenté par MM. Portelli et du Luart et Mmes Férat, Garriaud-Maylam, G. Gautier et Gourault, est ainsi libellé :
Alinéa 3
Supprimer cet alinéa.
Cet amendement n’a plus d’objet.
L'amendement n° 143, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Alinéa 3
Compléter cet alinéa par les mots :
et se proposant par ses statuts de défendre les droits de l'enfant
La parole est à M. le garde des sceaux.
M. Michel Mercier, garde des sceaux. Par cet amendement, le Gouvernement souhaite apporter une précision au troisième alinéa de l’article 5. Si en effet, aux termes du libellé actuel, toute association régulièrement déclarée depuis au moins cinq ans à la date des faits peut saisir le Défenseur des droits en matière de protection des droits de l'enfant, nous voulons préciser qu’il s’agit des associations qui, par leurs statuts, ont pour objet de défendre les droits de l’enfant.
À défaut de cette précision, toutes les associations auraient la faculté de saisir le Défenseur des droits lorsque sont en cause l'intérêt ou les droits de l'enfant. Un tel élargissement serait de nature à banaliser l'action des associations spécialisées dans ces domaines, qui ont naturellement vocation à traiter de ces questions et à devenir des interlocuteurs privilégiés du Défenseur des droits.
M. le président. L'amendement n° 124 rectifié, présenté par MM. Mézard, Collin, Alfonsi, Barbier, Baylet, Chevènement et Detcheverry, Mme Escoffier, M. Fortassin, Mme Laborde et MM. Milhau, Plancade, Tropeano, Vall et Vendasi, est ainsi libellé :
I. - Alinéa 5
Supprimer cet alinéa.
II. Alinéa 6
Remplacer les références :
2°, 3° et 4°
par les références :
2° et 3°
Cet amendement n'a plus d’objet.
L'amendement n° 134, présenté par Mmes Borvo Cohen-Seat, Assassi, Mathon-Poinat et les membres du groupe communiste, républicain, citoyen et des sénateurs du Parti de gauche, est ainsi libellé :
Alinéa 8
Supprimer cet alinéa.
La parole est à Mme Josiane Mathon-Poinat.