Sommaire

Présidence de M. Roger Romani

Secrétaires :

MM. Jean-Noël Guérini, Daniel Raoul.

1. Procès-verbal

2. Demande de retour à la procédure normale pour la discussion d’une convention

3. Dépôt d’un rapport

4. Communication du Conseil constitutionnel

5. Modification de l’ordre du jour

6. Questions orales

gestion du patrimoine immobilier de l’état à l’étranger

Question de M. Richard Yung. – MM. Henri de Raincourt, ministre chargé de la coopération ; Richard Yung.

manque de petits abattoirs en lorraine

Question de Mme Gisèle Printz. – M. Henri de Raincourt, ministre chargé de la coopération ; Mme Gisèle Printz.

libéralisation des droits de replantation et avenir de la viticulture

Question de M. Robert Tropeano. – MM. Henri de Raincourt, ministre chargé de la coopération ; Robert Tropeano.

protection des consommateurs en matière de produits financiers

Question de M. Christian Cambon. – MM. Frédéric Lefebvre, secrétaire d'État chargé du commerce, de l'artisanat, des petites et moyennes entreprises, du tourisme, des services, des professions libérales et de la consommation ; Christian Cambon.

lutte contre les mauvaises pratiques de la grande distribution

Question de M. Claude Biwer. – MM. Frédéric Lefebvre, secrétaire d'État chargé du commerce, de l'artisanat, des petites et moyennes entreprises, du tourisme, des services, des professions libérales et de la consommation ; Claude Biwer.

accueil des gens du voyage

Question de M. Hervé Maurey. – Mme Marie-Luce Penchard, ministre chargée de l'outre-mer ; M. Hervé Maurey.

assaisnissement collectif dans les impasses privées

Question de M. Jean-Claude Merceron. – Mme Marie-Luce Penchard, ministre chargée de l'outre-mer ; M. Jean-Claude Merceron.

plan de prévention des risques technologiques concernant le dépôt d'explosifs de la commune de saint-crespin-sur-moine

Question de Mme Catherine Deroche. – Mmes Marie-Luce Penchard, ministre chargée de l'outre-mer ; Catherine Deroche.

gratuité des tronçons franciliens des autoroutes A 10 et A 11

Question de M. Bernard Vera. – Mme Marie-Luce Penchard, ministre chargée de l'outre-mer ; M. Bernard Vera.

services d'aide à domicile

Question de M. René-Pierre Signé. – Mme Marie-Luce Penchard, ministre chargée de l'outre-mer ; M. René-Pierre Signé.

Pollution de l'eau du robinet par l'aluminium

Question de Mme Anne-Marie Payet. – Mmes Nora Berra, secrétaire d'État chargée de la santé ; Anne-Marie Payet.

Inscription de certaines professions médicales et paramédicales à un ordre professionnel

Question de Mme Marie-Thérèse Hermange. – Mmes Nora Berra, secrétaire d'État chargée de la santé ; Marie-Thérèse Hermange.

traitement des feuilles maladie papier par les mutuelles étudiantes

Question de Mme Catherine Procaccia. – Mmes Nora Berra, secrétaire d'État chargée de la santé ; Catherine Procaccia.

pérennité du régime minier

Question de M. Jean-Marc Todeschini. – Mme Nora Berra, secrétaire d'État chargée de la santé ; M. Jean-Marc Todeschini.

deuxième plan maladies rares

Question de M. Marc Laménie. – Mme Nora Berra, secrétaire d'État chargée de la santé ; M. Marc Laménie.

construction du centre hospitalier universitaire en guadeloupe

Question de M. Jacques Gillot. – Mme Nora Berra, secrétaire d'État chargée de la santé ; M. Jacques Gillot.

Suspension et reprise de la séance

avenir des maisons d'arrêt

Question de M. Jean-Pierre Michel. – MM. Michel Mercier, garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés ; Jean-Pierre Michel.

adoption des enfants haïtiens

Question de M. Alain Milon. – MM. Michel Mercier, garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés ; Alain Milon.

Suspension et reprise de la séance

PRÉSIDENCE DE M. Gérard Larcher

7. Débat d’orientation sur la prise en charge de la dépendance et la création d’un cinquième risque

Mission commune d’information

MM. Philippe Marini, président ; Alain Vasselle, rapporteur.

Orateurs inscrits

MM. Bernard Cazeau, Philippe Adnot, Jean-Michel Baylet, Guy Fischer, Jean-Jacques Jégou, Bruno Sido, Yves Daudigny.

PRÉSIDENCE DE M. Jean-Claude Gaudin

M. Bernard Fournier, Mme Valérie Létard, MM. Jean Desessard, Jean-Paul Fournier, Alain Houpert.

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre des solidarités et de la cohésion sociale.

8. Demande de constitution d'une commission spéciale sur un projet de loi

9. Débat d'orientation sur la prise en charge de la dépendance et la création d'un cinquième risque (suite)

Débat interactif et spontané

Mmes Muguette Dini, Roselyne Bachelot-Narquin, ministre des solidarités et de la cohésion sociale.

M. Jacky Le Menn, Mme la ministre, M. le rapporteur.

M. Jacques Blanc, Mme la ministre.

M. Guy Fischer, Mme la ministre.

Mmes Isabelle Debré, la ministre.

M. Yvon Collin, Mme la ministre.

Mmes Catherine Deroche, la ministre.

Mmes Bernadette Dupont, la ministre.

Mmes Jacqueline Alquier, la ministre.

M. Bruno Retailleau, Mme la ministre.

M. Martial Bourquin, Mme la ministre.

Mmes Gisèle Printz, la ministre.

10. Débat sur le schéma national des infrastructures de transport

Mme Nathalie Kosciusko-Morizet, ministre de l'écologie, du développement durable, des transports et du logement ; MM. Raymond Vall, pour le groupe RDSE, auteur de la demande.

11. Souhaits de bienvenue à M. le président du Sénat de Roumanie

12. Débat sur le schéma national des infrastructures de transport (suite)

MM. Jean-Paul Emorine, président de la commission de l'économie ; Louis Nègre, président du groupe de suivi sur le schéma national des infrastructures de transport.

Suspension et reprise de la séance

PRÉSIDENCE DE M. Roland du Luart

13. Saisine du Conseil constitutionnel

14. Renvoi pour avis

15. Débat sur le schéma national des infrastructures de transport (suite)

Orateurs inscrits

MM. Bruno Retailleau, Jacques Mézard, Mme Mireille Schurch, MM. Jean Boyer, Michel Teston, Mme Marie-Hélène Des Esgaulx, MM. Christian Poncelet, Daniel Soulage, Jean-Jacques Mirassou, Pierre Bernard-Reymond.

M. Thierry Mariani, secrétaire d'État chargé des transports.

Débat interactif et spontané

MM. Antoine Lefèvre, le secrétaire d'État.

Mme Michèle André, M. le secrétaire d'État.

MM. Jacques Blanc, le secrétaire d'État.

M. Yves Krattinger, Mme Nathalie Kosciusko-Morizet, ministre de l'écologie, du développement durable, des transports et du logement.

MM. Philippe Leroy, le secrétaire d'État.

Mmes Évelyne Didier, la ministre.

MM. Daniel Reiner, le secrétaire d'État.

MM. Raymond Vall, le secrétaire d'État.

M. Gérard Bailly, Mme la ministre.

MM. Yves Daudigny, le secrétaire d'État.

Mme Élisabeth Lamure, M. le secrétaire d'État.

MM. Martial Bourquin, le secrétaire d'État.

MM. Gérard Dériot, le secrétaire d'État.

Mme Mireille Schurch, M. le secrétaire d'État.

MM. Raymond Couderc, le secrétaire d'État.

MM. Claude Bérit-Débat, le secrétaire d'État.

MM. Dominique de Legge, le secrétaire d'État.

MM. Jacques Berthou, le secrétaire d'État.

MM. Philippe Paul, le secrétaire d'État.

Mme Renée Nicoux, M. le secrétaire d'État.

MM. Roland Ries, le secrétaire d'État.

MM. Jean-Paul Emorine, président de la commission de l'économie ; le président.

16. Ordre du jour

compte rendu intégral

Présidence de M. Roger Romani

vice-président

Secrétaires :

M. Jean-Noël Guérini,

M. Daniel Raoul.

M. le président. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à neuf heures trente.)

1

Procès-verbal

M. le président. Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.

Il n’y a pas d’observation ?…

Le procès-verbal est adopté sous les réserves d’usage.

2

Demande de retour à la procédure normale pour la discussion d’une convention

M. le président. Par courrier en date du 9 février 2011, M. Yvon Collin, président du groupe du Rassemblement démocratique et social européen, a demandé que le projet de loi autorisant la ratification des statuts de l’Agence internationale pour les énergies renouvelables, dite IRENA, inscrit à notre séance du mercredi 16 février, soit examiné en séance publique selon la procédure normale et non selon la procédure simplifiée.

Acte est donné de cette demande.

Dans la discussion générale, le temps attribué aux orateurs des groupes politiques sera d’une heure. Le délai limite pour les inscriptions de parole est fixé à ce soir, dix-sept  heures.

Il n’y a pas d’opposition ?...

Il en est ainsi décidé.

3

Dépôt d’un rapport

M. le président. M. Dominique Latournerie, président de la Commission nationale des accidents médicaux, a transmis au Sénat, en application de l’article L. 1142-10 du code de la santé publique, le rapport pour 2009-2010 de la Commission nationale des accidents médicaux.

Acte est donné du dépôt de ce document, qui a été transmis à la commission des affaires sociales et sera disponible au bureau de la distribution.

4

Communication du Conseil constitutionnel

M. le président. M. le président du Conseil constitutionnel a informé le Sénat, le lundi 14 février 2011, que le Conseil d’État a adressé au Conseil constitutionnel, en application de l’article 61-1 de la Constitution, une décision de renvoi d’une question prioritaire de constitutionnalité (2011-121 QPC).

Le texte de cette décision de renvoi est disponible au bureau de la distribution.

Acte est donné de cette communication.

5

Modification de l’ordre du jour

M. le président. La liste des questions orales qui seront examinées lors de la séance du 8 mars 2011 pourrait être complétée avec les questions nos 1201 de M. Jean-Pierre Chauveau, 1204 de M. Guy Fischer, 1205 de Mme Nicole Bricq, 1206 de M. Thierry Repentin, 1207 de Mme Anne-Marie Escoffier, 1209 de M. Aymeri de Montesquiou, 1210 de M. Jean-Marc Todeschini, 1211 de M. Alain Gournac, 1212 de M. Jean-Jacques Mirassou et 1213 de Mme Catherine Procaccia.

Il n’y a pas d’opposition ?...

Il en est ainsi décidé.

6

Questions orales

M. le président. L’ordre du jour appelle les réponses à des questions orales.

gestion du patrimoine immobilier de l’état à l’étranger

M. le président. La parole est à M. Richard Yung, auteur de la question n° 1165, adressée à Mme la ministre d’État, ministre des affaires étrangères et européennes.

M. Richard Yung. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, ma question concerne la gestion du patrimoine immobilier de l’État à l’étranger.

Notre pays entretenant une activité diplomatique depuis plus de trois cents ans, son patrimoine immobilier à l’étranger est devenu considérable : ce dernier comprend les ambassades, les résidences des ambassadeurs, les consulats, les résidences des consuls généraux, les centres culturels, les instituts français, soit environ 1 500 biens répartis dans 160 pays, pour une valeur estimée entre 4,5 milliards d’euros et 5 milliards d’euros.

La politique actuelle du Gouvernement consiste à vendre une partie de ce que l’on pourrait appeler les « bijoux de famille ». Dans certains cas, cette solution peut s’avérer judicieuse et je n’y suis pas absolument opposé. Par exemple, la vente de l’hôtel particulier de la rue Monsieur et de l’ensemble immobilier de l’avenue Kléber va permettre de financer la rénovation de l’immeuble du Quai d’Orsay et, probablement, une partie de l’acquisition des nouveaux locaux de la rue de la Convention. Une très belle opération a également été réalisée à Tokyo, permettant de financer la construction de la nouvelle ambassade et la rénovation de la résidence de l’ambassadeur.

Mais, dans d’autres cas, des biens historiques sont vendus uniquement en raison de leur grande valeur financière. Cette pratique appelle deux remarques : d’une part, ces biens sont des outils de diplomatie essentiels – la résidence d’un ambassadeur est un lieu où s’effectue le travail de la diplomatie française – ; d’autre part, comme le sait tout bon père de famille, une fois les immeubles vendus, il faut louer et, après quelques années, en fonction du niveau des loyers, on a « croqué le magot » !

Monsieur le ministre, pouvez-vous faire le point sur la politique immobilière de l’État à l’étranger ?

La création d’une agence foncière de l’État à l’étranger a été souvent évoquée ; j’ai cru comprendre que cette solution avait « du plomb dans l’aile » et que le ministère des affaires étrangères envisageait un accord avec une filiale de la Caisse des dépôts et consignations. Pouvez-vous nous en dire davantage sur la manière dont l’État envisage de financer ces opérations ?

Enfin, je déplore le manque de transparence – pour ne pas dire l’obscurité – qui entoure ces opérations. Le Quai d’Orsay a beaucoup de mal à dialoguer avec les élus que nous sommes. Sans aller jusqu’à instaurer un dialogue, nous souhaiterions au moins être informés des plans du ministère des affaires étrangères dans ce domaine.

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Henri de Raincourt, ministre auprès de la ministre d’État, ministre des affaires étrangères et européennes, chargé de la coopération. Monsieur Yung, permettez-moi de vous répondre, au nom de Mme la ministre d’État, que le ministère des affaires étrangères et européennes gère à l’étranger un patrimoine d’une très grande diversité, comme vous l’avez d’ailleurs rappelé : ce dernier comprend environ 1 500 biens immobiliers, répartis dans 160 pays, dont la valeur était estimée à 4,76 milliards d’euros à la fin de 2010. Une partie de cet ensemble est constituée d’immeubles de haute valeur historique, et tous les statuts juridiques y sont représentés : pleine propriété, bail emphytéotique, simple jouissance ou location.

L’entretien de ce parc immobilier à l’étranger et les nouvelles opérations d’investissement constituent une charge lourde dans le contexte budgétaire actuel.

Le ministère s’est engagé dans une politique de valorisation plus systématique de ce patrimoine. En particulier, il ouvre à la location les espaces de réception dans nos ambassades, encaissant ainsi des recettes destinées à contribuer à l’entretien de son parc immobilier.

Les opérations de rationalisation de ce patrimoine doivent être bien sûr poursuivies : il faut regrouper les services dispersés, mutualiser des locaux, céder des biens devenus inutiles, mettre en sécurité nos sites. Toutefois, il n’est pas sain de faire assurer l’entretien de nos immeubles en fonction des seuls produits de cession disponibles, ce qui est contraire à toute gestion immobilière efficace.

De plus, les évolutions récentes de la politique immobilière de l’État ont mis en lumière l’inadaptation des procédures et des instruments budgétaires existants à une gestion dynamique et efficace du patrimoine immobilier de l’État à l’étranger. Le conseil de modernisation des politiques publiques du 4 avril 2008 avait retenu le principe de la mise à l’étude de la création d’une nouvelle entité chargée de la gestion de tous les immeubles de l’État à l’étranger. La création de cette agence, à laquelle vous faisiez vous-même référence, monsieur le sénateur, paraît aujourd’hui inappropriée, au regard des contraintes d’ordre juridique et de la difficulté rencontrée pour la doter des moyens financiers nécessaires à l’exercice de ses missions.

Aussi, Mme la ministre d’État a fait engager une négociation avec la Société de valorisation foncière et immobilière, la SOVAFIM, société anonyme à capitaux publics créée en 2006, pour étudier différentes possibilités de délégation de maîtrise d’ouvrage sur quelques grosses opérations immobilières à l’étranger. Cette formule souple et pragmatique paraît aujourd’hui plus efficace que celle de la constitution d’un opérateur ad hoc dont la nécessité n’est plus ressentie, dès lors que la SOVAFIM offre une solution de rechange efficace.

M. le président. La parole est à M. Richard Yung.

M. Richard Yung. Monsieur le ministre, je reste sur ma faim, parce que vous n’avez pas procédé à la description générale de la politique immobilière de l’État à l’étranger. Nous souhaiterions que vous nous présentiez une vision d’ensemble des opérations envisagées dans les prochains mois et les prochaines années, car celles-ci sont certainement planifiées.

Ces questions foncières touchent beaucoup les communautés françaises à l’étranger, parce que le consulat ou la résidence de l’ambassadeur représentent, pour elles, l’équivalent de la mairie ou de la préfecture. Cet aspect ne doit pas être le critère principal d’évaluation, mais il doit également être pris en compte. En tant qu’élus, nous sommes parfois surpris d’apprendre, en ouvrant le journal, que la résidence du consul général va être vendue : c’est le cas à Hong-Kong, alors qu’il s’agit d’une des plus belles villas de cette ville !

Je vous demande donc instamment, monsieur le ministre, de faire réaliser par vos services un descriptif d’ensemble de la politique immobilière du ministère des affaires étrangères !

manque de petits abattoirs en lorraine

M. le président. La parole est à Mme Gisèle Printz, auteur de la question n° 1157, adressée à M. le ministre de l’agriculture, de l’alimentation, de la pêche, de la ruralité et de l’aménagement du territoire.

Mme Gisèle Printz. Monsieur le ministre, ma question porte sur le manque préoccupant de petits abattoirs en Lorraine.

En effet, l’annonce de la fermeture de la chaîne d’abattage des agneaux de l’abattoir Charal à Metz a retenti le mois dernier comme un coup de tonnerre. Cette fermeture oblige les éleveurs du nord de la Lorraine à parcourir des dizaines de kilomètres supplémentaires, chaque semaine, au risque de mettre leur diversification en péril. La situation est d’autant plus préoccupante que, d’après la direction de Charal, l’abattage des porcs est lui aussi condamné à disparaître dans un avenir proche.

Actuellement, les éleveurs mosellans peuvent encore se tourner vers l’abattoir de Sarrebourg. Mais ce dernier est excentré et connaît des problèmes de modernisation et de mise aux normes. Les éleveurs de Moselle craignent donc qu’il ne soit plus possible, à moyen terme, de procéder localement à l’abattage du petit bétail. Or il n’est pas rentable de se déplacer sur plusieurs centaines de kilomètres pour tuer un porc ou un mouton.

La situation est préoccupante. De réelles menaces pèsent sur la vente et la transformation des produits locaux en circuit court. La valorisation des spécialités du terroir est également touchée. Des filières entières sont menacées, et l’abattage clandestin risque d’être encouragé.

Le manque de structures de proximité risque aussi de poser des problèmes pour l’abattage rituel du mouton dans le cadre de l’Aïd el-Kebir.

Des solutions existent. Nos voisins allemands disposent par exemple de petites tueries adossées à certaines boucheries. Au Canada, des abattoirs mobiles sont installés sur des semi-remorques et accompagnés d’un camion frigorifique pour le refroidissement des carcasses.

Le ministre de l’agriculture, en septembre dernier, à Rennes, a déclaré que l’agriculture française devait être une agriculture diversifiée, ce qui supposait « des circuits de commercialisation renouvelés, en particulier le développement des circuits courts ».

Monsieur le ministre, le Gouvernement entend-il mettre en œuvre un plan garantissant dans chaque secteur géographique le maintien d’au moins un abattoir de proximité pour le petit bétail ? Compte-t-il encourager et soutenir la mise en œuvre de solutions alternatives, à l’instar de celles qui existent à l’étranger ?

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Henri de Raincourt, ministre auprès de la ministre d'État, ministre des affaires étrangères et européennes, chargé de la coopération. Madame la sénatrice, je vous prie tout d’abord de bien vouloir excuser l’absence de mon collègue Bruno Le Maire, qui se trouve en ce moment même au Parlement européen.

Vous avez interrogé le ministre de l’agriculture sur les mesures que le Gouvernement entend mettre en place afin de garantir le maintien d’au moins un abattoir de proximité dans chaque secteur géographique. Vous souhaitez par ailleurs savoir si la mise en œuvre de solutions alternatives peut être envisagée.

L’analyse qui peut être faite de la situation dans certaines zones du territoire montre que certains abattoirs connaissent des difficultés économiques en raison notamment du faible tonnage abattu. Pour autant, ces structures contribuent à la fois au maintien de l’activité agricole dans ces zones, à la valorisation des produits du terroir et à la transformation des produits dans les circuits courts.

Conscient de ces difficultés, qui demandent la conciliation d’impératifs économiques et de logiques d’aménagement du territoire, Bruno Le Maire a lancé un audit des abattoirs portant sur les aspects économique et sanitaire du dossier. Cet audit s’inscrit dans une logique plus large d’identification de l’ensemble des pistes de renforcement de la compétitivité de nos filières d’élevage.

À cet égard, nous ne devons pas éluder la question de la capacité de nos abattoirs à affronter la concurrence. Nous le savons, c’est l’une des raisons de l’écart de compétitivité que nous enregistrons avec l’Allemagne. Au demeurant, cet impératif de compétitivité n’est en rien exclusif du maintien d’un réseau efficace d’abattoirs de proximité. Bien au contraire !

Par ailleurs, afin d’alimenter la réflexion, le ministre de l’agriculture a demandé différentes études au conseil général de l’alimentation, de l’agriculture et des espaces ruraux, dont les conclusions sont attendues pour le mois de mai 2011.

Cette démarche a pour but de parvenir à la définition de bassins de production cohérents et à la réalisation d’un diagnostic stratégique des filières d’élevage par bassin, un éclairage spécial étant fait sur le maillon composé de l’abattage et de la découpe. Elle doit permettre de mieux appréhender les enjeux stratégiques locaux et la réalité de l’activité économique de production et d’abattage à une échelle pertinente.

Enfin, à la suite de la suppression du plan d’équipement en abattoirs, un Observatoire national des abattoirs réunissant l’ensemble des acteurs de la filière a été créé. Il a vocation à constituer un lieu d’analyse, de réflexion et de prospective dans les domaines économique et sanitaire. Il devra suivre les évolutions des principaux paramètres de l’activité d’abattage, définir des orientations et formuler des avis.

C’est donc, madame la sénatrice, une réflexion d’ensemble qui est conduite sur l’évolution future de notre réseau d’abattage, au service de l’avenir de nos filières d’élevage.

M. le président. La parole est à Mme Gisèle Printz.

Mme Gisèle Printz. Je vous remercie de votre réponse, monsieur le ministre. Je la transmettrai aux éleveurs et j’espère, même si je n’en suis pas tout à fait certaine, qu’elle satisfera leurs demandes. Quoi qu’il en soit, la réalisation d’audits et la création d’un observatoire me semblent être une bonne chose pour appréhender le problème dans son ensemble.

libéralisation des droits de replantation et avenir de la viticulture

M. le président. La parole est à M. Robert Tropeano, auteur de la question n° 1169, adressée à M. le ministre de l'agriculture, de l'alimentation, de la pêche, de la ruralité et de l'aménagement du territoire.

M. Robert Tropeano. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je souhaite obtenir quelques informations sur la libéralisation des droits de plantation, qui devrait intervenir dans l’Union européenne au 1er janvier 2016.

Actuellement, le secteur du vin dispose d’un outil de gestion de la production reconnu par le droit communautaire : les droits de plantation. Le potentiel de production est ainsi encadré par un système de gestion des droits de plantation, en France depuis 1936 et au sein de l’Union européenne depuis les années soixante-dix. Ce système permet d’assurer un équilibre entre l’offre et la demande en conditionnant le droit à la plantation à l’existence de débouchés commerciaux.

Dans la pratique, plusieurs dizaines de milliers d’hectares ont été attribuées aux producteurs au cours des deux dernières décennies. Sous l’influence de l’ancienne commissaire européenne à l’agriculture, il a été décidé de libéraliser la réglementation applicable à ce secteur pour le rendre plus compétitif, notamment par la suppression des droits de plantation et des limites de production pour les vins sans indication géographique.

Or les conséquences néfastes risquent d’être nombreuses : surproduction, baisse des prix pour les producteurs, remise en cause des efforts qualitatifs, pertes d’emplois et « délocalisation » des vignobles qui ruinerait des milliers de viticulteurs et modifierait les paysages viticoles.

Les inquiétudes dans le secteur des appellations d’origine sont légitimes au regard de l’écart entre les superficies délimitées et les superficies plantées, en France et dans l’Union européenne. Dans le cas spécifique de la France, avec la disparition de tout mécanisme de régulation, la superficie plantée pourrait passer de 464 800 hectares à 1 670 200 hectares.

Les inquiétudes de ce secteur portent aussi sur les plantations qui pourraient être effectuées à proximité des aires des appellations, avec un risque de détournement de notoriété, et des vignobles qui pourraient être créés de toutes pièces dans certains pays de l’Union européenne, voire dans certains départements non viticoles en France.

Un répit de deux ans avant la fin du régime des droits de plantation a déjà été accordé, repoussant l’échéance de la fin de 2013 à la fin de 2015.

Depuis l’adoption de ce texte et dans la perspective de la réforme de la politique agricole commune et de la politique de qualité, un travail important a été fait pour convaincre la Commission, le Parlement européen et les États membres de la nécessité de maintenir dans notre filière un instrument de régulation de la production. À ce jour, seule l’Allemagne, par la voix de la chancelière Angela Merkel, a pris une position forte sur ce sujet. La Commission, de son côté, reste opposée à la régulation de la production et souhaiterait exclure la viticulture de la liste des sujets abordés dans la réforme de la politique agricole commune. Le Parlement européen a relayé ces inquiétudes.

Au-delà de la position connue du Gouvernement, et confirmée par le Président de la République lors de ses vœux au monde agricole en janvier dernier, je souhaiterais savoir avec précision comment, concrètement, le Gouvernement entend agir au niveau européen pour constituer un front des pays favorables au maintien d’un instrument de régulation dans ce secteur.

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Henri de Raincourt, ministre auprès de la ministre d'État, ministre des affaires étrangères et européennes, chargé de la coopération. Monsieur le sénateur, vous avez interrogé Bruno Le Maire sur les conséquences de la suppression programmée des droits de plantation et sur les démarches qui pourraient être conjointement engagées avec l’Allemagne pour amener la Commission européenne et nos partenaires européens à revenir sur cette décision.

La suppression du régime des droits de plantation a été décidée lors de la réforme de l’organisation commune du marché vitivinicole, à la fin de 2008, dans le cadre de la libéralisation proposée par la Commission européenne. Elle visait à mettre fin à l’intervention publique dans la gestion de l’offre de produits agricoles et à favoriser une adaptation de l’offre en fonction des signaux du marché et de la demande.

Dans le cadre des négociations, les principaux pays producteurs, dont la France, avaient alors obtenu le maintien de ce régime jusqu’au 31 décembre 2015, avec la possibilité, pour les États membres qui le souhaitaient, de maintenir l’interdiction de plantation sur leur territoire jusqu’au 31 décembre 2018.

Quel est aujourd’hui le risque ?

Le risque, au bénéfice de cette dérégulation, c’est de voir des plantations réalisées essentiellement dans les secteurs les plus compétitifs avec un phénomène de déprise dans d’autres zones géographiques. Le risque, c’est aussi de créer durablement des déséquilibres de marché par des plantations – et donc des productions – massives de tel ou tel cépage, en fonction de la mode du moment.

Or une plantation représente un engagement à long terme. Ces risques ne sont donc pas acceptables.

C’est pourquoi, comme vous l’avez rappelé, monsieur le sénateur, le Président de la République a réaffirmé, lors de ses vœux au monde agricole le 18 janvier dernier en Alsace, l’opposition de la France à la suppression des droits de plantation et son attachement au maintien d’un dispositif de régulation indispensable pour garantir la santé économique du secteur vitivinicole.

C’est également la conclusion du rapport parlementaire que Mme Catherine Vautrin, député, a réalisé à la demande de Bruno Le Maire et a remis à ce dernier au mois d’octobre 2010.

Dans ce contexte, le ministre de l’agriculture met tout en œuvre pour convaincre nos partenaires de l’importance, pour les filières agricoles, du maintien d’instruments de régulation adaptés aux réalités nouvelles des marchés agricoles.

À cet égard, la signature, le 14 septembre dernier, d’une position commune franco-allemande sur l’avenir de la politique agricole commune montre que nos idées progressent. Alors qu’elle a contribué à ramener l’idée de régulation au cœur du débat européen, cette position constitue un point d’appui essentiel dans la démarche portée par la France en faveur du maintien des droits de plantation.

M. le président. La parole est à M. Robert Tropeano.

M. Robert Tropeano. Je vous remercie de cette réponse, monsieur le ministre. Vos préoccupations rejoignent tout à fait les nôtres. Je ne manquerai pas de faire part de vos propositions et des mesures que vous comptez prendre aux viticulteurs de mon département, des viticulteurs qui sont très préoccupés par leur avenir et celui de la filière viticole.

protection des consommateurs en matière de produits financiers

M. le président. La parole est à M. Christian Cambon, auteur de la question n° 1071, adressée à Mme la ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

M. Christian Cambon. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, ma question concerne la protection des consommateurs en matière de produits financiers.

La crise financière de 2008 a en effet soulevé avec une acuité toute particulière la problématique de la protection offerte aux consommateurs souscripteurs de produits financiers dont le contenu exige des connaissances de plus en plus pointues.

La crise des subprimes et l’accablante affaire Madoff ont particulièrement bien éclairé les conséquences dramatiques pour les épargnants, singulièrement pour les petits épargnants, d’une absence de transparence et d’information dans ce domaine.

Aussi apparaît-il nécessaire de veiller à améliorer l’arsenal des mesures de défense des consommateurs en la matière.

Dans le point 41 du plan d’action élaboré dans le cadre du sommet du G20 de Séoul est inscrit le renforcement de la protection du consommateur, en particulier par l’information, la transparence et l’éducation, mais également par la protection contre les fraudes et abus, ainsi que par la mise en place de recours.

L’organisation Consumers International, qui rassemble 220 membres dans 110 pays, a lancé un appel aux dirigeants du G20 en faveur de la création d’un groupe d’experts sur le sujet. Ce groupe pourrait, lors du prochain sommet du G20, présenter des recommandations en vue de l’adoption d’un socle de mesures internationales destinées à améliorer, à l’échelon mondial, la protection des consommateurs de produits financiers.

Par ailleurs, Mme Christine Lagarde a récemment reconnu l’urgence de la situation, estimant que nous subissions les conséquences de l’inventivité du secteur financier. Le 8 février dernier, elle a également déclaré devant le Comité consultatif du secteur financier que la protection des consommateurs serait un axe de travail de la présidence française du G20. À cette occasion, elle a promis l’identification, lors de la réunion du G20 Finances d’octobre 2011, de principes communs de protection du consommateur.

À ce titre, je me permets de rappeler les propositions énoncées par l’organisation Consumers International. Cette dernière ambitionne de mieux garantir l’accessibilité bancaire, la sécurité des dépôts et l’homogénéité des produits. De plus, les associations de consommateurs doivent être davantage impliquées dans la gouvernance financière. Enfin, les régulateurs financiers des pays du G20 doivent faire un effort commun en vue d’une meilleure coordination.

Compte tenu du rôle que la France jouera en 2011 en présidant le G20, une initiative de sa part en la matière serait particulièrement opportune.

Aussi, monsieur le secrétaire d'État, pourriez-vous nous indiquer dans quelle mesure la protection des consommateurs dans ce domaine sera bien à l’ordre du jour des prochains travaux du G20 et quelles pistes sont actuellement privilégiées pour apporter des réponses concrètes dans ce domaine ? Il y va de la crédibilité de la gouvernance financière internationale mais aussi de la confiance nécessaire entre les épargnants et les grandes entreprises mondiales afin que les flux financiers, qui permettent d’alimenter l’économie mondiale, puissent se remettre à tourner à un bon régime.

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État.

M. Frédéric Lefebvre, secrétaire d'État auprès de la ministre de l'économie, des finances et de l'industrie, chargé du commerce, de l'artisanat, des petites et moyennes entreprises, du tourisme, des services, des professions libérales et de la consommation. Monsieur Cambon, vos préoccupations rejoignent celles que Mme Christine Lagarde a eu l’occasion d’exprimer à plusieurs reprises – vous avez d'ailleurs cité certains de ses propos –, comme les miennes d’ailleurs.

Vous suggérez à juste titre que l’année 2011, qui sera celle de la présidence française du G20, soit consacrée à tirer les leçons de la crise financière, s’agissant notamment de la situation des consommateurs et de la protection de ces derniers.

C’est une façon de souligner à quel point, contrairement à ce que j’entends parfois, le G20 peut être au cœur des préoccupations quotidiennes de nos compatriotes, et non pas simplement un outil de gouvernance éloigné, relié à des préoccupations uniquement mondiales. Comme vous l’avez très bien rappelé en citant l’affaire Madoff et un certain nombre d’autres événements que tout le monde a en tête, la crise des subprimes a été l’élément déclencheur de la crise économique que nous avons vécue et de laquelle nous sortons avec un peu de difficulté, comme beaucoup d’autres pays, notamment européens.

Le 8 février, Christine Lagarde, lors de l’installation du Comité consultatif du secteur financier est allée dans votre sens en disant que l’année 2011 devait être un rendez-vous à ne pas manquer pour les consommateurs de produits financiers. C’est la raison pour laquelle elle souhaite faire de cette protection des consommateurs un axe de travail de la présidence française du G20, qui s’inscrit dans le prolongement du sommet de Séoul au cours duquel les chefs d’État et de gouvernement des pays du G20 ont donné mandat au Conseil de stabilité financière et à l’Organisation de coopération et de développement économiques, l’OCDE, pour travailler à des engagements en cette matière.

Je précise donc, afin de répondre à votre préoccupation, que, lors du G20 Finances des 18 et 19 février prochain, Christine Lagarde proposera à ses homologues que la réunion du G20 Finances d’octobre 2011 soit l’occasion de dégager des principes communs de protection des consommateurs.

À l’occasion de cette réunion de l’automne, elle organisera, en lien avec l’OCDE, une conférence de haut niveau sur la protection des consommateurs de produits financiers à laquelle seront conviés les ministres des finances de l’ensemble des pays du G20.

Dans le cadre de mes responsabilités gouvernementales et compte tenu de la priorité que j’attache à la protection des consommateurs, je suivrai bien entendu ces travaux ; vous pouvez compter sur notre pays pour être une fois encore en avance – il l’est toujours en ce domaine par rapport aux autres pays, comme on le voit aujourd’hui encore dans les négociations européennes sur la directive –, s’agissant de l’application des dispositifs de protection des consommateurs en la matière.

M. le président. La parole est à M. Christian Cambon.

M. Christian Cambon. Je tiens à remercier M. le secrétaire d’État de la précision de ses réponses. Je sais toute l’importance qu’il attache à la protection des consommateurs. Je crois, comme cela a été évoqué tout à l’heure, que la confiance est nécessaire ; elle doit être ressentie ainsi par les épargnants.

J’insiste également sur la nécessité de revoir les systèmes d’alerte des régulateurs financiers, qui n’ont malheureusement pas fait preuve d’une particulière efficacité, l’Organisation internationale des commissions de valeurs, l’OICV, ayant aussi montré ses propres limites. Les projections qui seront faites de ces nouvelles règles seront donc très importantes pour restaurer le lien de confiance entre les épargnants et le monde économique, lequel a bien besoin de l’épargne de chacune et de chacun.

lutte contre les mauvaises pratiques de la grande distribution

M. le président. La parole est à M. Claude Biwer, auteur de la question n° 1134, adressée à Mme la ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

M. Claude Biwer. Monsieur le secrétaire d’État, permettez-moi d’attirer votre attention sur les conclusions de deux avis rendus le 7 décembre 2010 par l’Autorité de la concurrence, qui visent à dénoncer certaines mauvaises pratiques de la grande distribution alimentaire entravant la concurrence.

Ces avis mettent notamment l’accent sur l’insuffisance de concurrence, jugée préoccupante dans certaines zones géographiques, y compris urbaines, sur certaines entraves au marché qui s’observent dans la manière dont les enseignes lient à elles les magasins dits indépendants et, enfin, sur le développement du management catégoriel qui consiste à déléguer à une marque l’animation d’un rayon, ce qui peut favoriser certains industriels au détriment des PME.

Voilà de nombreuses années que je m’intéresse à ce problème : j’ai ainsi demandé à plusieurs reprises la création d’une mission parlementaire sur ce sujet, proposition d’ailleurs restée sans suite.

Je constate que les méthodes n’ont pas beaucoup évolué depuis toutes ces années ; et si elles changent, c’est toujours au détriment des fabricants ou des producteurs : ces derniers n’ont en effet pas le retour qu’ils sont en droit d’attendre sur le prix des produits.

Monsieur le secrétaire d’État, quelles mesures le Gouvernement compte-t-il mettre en place pour porter remède à cette situation préjudiciable à la fois aux consommateurs, que vous soutenez régulièrement ainsi que vous venez de le préciser, et aux producteurs ? Va-t-il suivre les recommandations de l’Autorité de la concurrence ou laisser le soin au Parlement de légiférer sur ce thème ?

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État.

M. Frédéric Lefebvre, secrétaire d'État auprès de la ministre de l'économie, des finances et de l'industrie, chargé du commerce, de l'artisanat, des petites et moyennes entreprises, du tourisme, des services, des professions libérales et de la consommation. Monsieur Biwer, prenons, si vous le voulez bien, les deux avis de l’Autorité de la concurrence l’un après l’autre.

Concernant tout d’abord la gestion du foncier commercial et les contrats d’affiliation des magasins indépendants aux différents groupes de distribution alimentaire, l’Autorité de la concurrence, comme vous l’avez rappelé, juge préoccupante l’insuffisance de concurrence dans certaines zones géographiques, y compris urbaines, et pointe certaines entraves au marché qui s’observent dans la manière dont les enseignes lient à elles les magasins dits indépendants.

Il s’agit notamment de la relative rareté du foncier éligible à une activité commerciale à dominante alimentaire, des clauses de non-concurrence et des droits de priorité pouvant aller jusqu’à cinquante ans introduits parfois dans les contrats de vente et d’achat de terrains, et, enfin, de l’étanchéité entre les différents réseaux de distribution liée à une relation de quasi-exclusivité entre les groupes et leurs affiliés.

Le Gouvernement – je ne vous le cache pas – est particulièrement sensible à cet avis.

En effet, en cette période de marges de manœuvre budgétaires restreintes, les mesures renforçant la concurrence entre opérateurs constituent l’un des moyens d’augmenter le pouvoir d’achat des consommateurs et, de surcroît – vous l’avez souligné –, de protéger les acteurs les plus fragiles.

Plusieurs axes, identifiés par l’Autorité de la concurrence, notamment, seront expertisés en lien avec les professionnels concernés. Il s’agit de faire coïncider la durée des différents contrats, d’encadrer les clauses de non-réaffiliation et de non-concurrence post-contractuelles, et d’encadrer les droits de priorité au profit des groupes de distribution.

Concernant le management catégoriel, l’Autorité de la concurrence, dans son avis, rappelle que les « capitaines de catégorie » sont principalement des conseillers des distributeurs et n’ont a priori pas de pouvoir décisionnaire sur leur politique commerciale. Toutefois, pour éviter que ces nouvelles formes de collaboration ne posent problème, l’Autorité formule plusieurs recommandations et appelle à la préparation d’un code de bonnes pratiques.

Le management catégoriel est un phénomène récent qui a commencé à se développer au cours des trois dernières années et n’a suscité jusqu’à présent aucune plainte.

Par ailleurs, comme l’a souligné l’Autorité de la concurrence, les dispositions du code de commerce sur les abus de position dominante et les ententes horizontales paraissent suffisantes pour prévenir les risques potentiels d’éviction et d’entente qui pourraient être soulevés par les contrats de management catégoriel. J’ai ainsi demandé à la Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes, la DGCCRF, d’être vigilante dans le cadre notamment de ses enquêtes sur les pratiques commerciales restrictives de concurrence.

Enfin, j’appuie tout à fait la décision de Catherine Vautrin, présidente de la commission d’examen des pratiques commerciales, la CEPC, prise lors de la réunion du 15 décembre 2010, de lancer un groupe de travail sur le projet d’élaboration d’un code de bonnes pratiques. J’ai demandé à la DGCCRF d’y participer. Ce code de bonnes pratiques est de nature à répondre à un grand nombre des préoccupations que vous avez exprimées à l’instant.

Comme vous le savez – je l’ai d’ailleurs répété la semaine dernière lors de mon audition devant la commission de l’économie, du développement durable et de l’aménagement du territoire –, ma méthode d’action pour protéger les consommateurs se fonde, autant que faire se peut, sur le dialogue avec les acteurs économiques. Je considère que l’assignation ne doit arriver qu’en dernière limite.

Vous avez fait référence à la question des négociations commerciales qui peuvent exister entre distributeurs et fournisseurs. J’ai eu l’occasion, au cours d’une réunion que Bruno Lemaire et moi-même présidions, en présence de producteurs, de distributeurs et d’industriels, de rappeler les principes de la loi : le Gouvernement n’hésitera pas, quand il y a déséquilibre significatif, abus de la puissance d’achat ou pratiques contribuant à ce déséquilibre significatif – le déférencement brutal en est un exemple –, à assigner ceux – la plupart des acteurs ont signé des accords – qui ne respecteraient pas les bonnes pratiques auxquelles ils se sont engagés.

Vous pouvez compter sur la fermeté du Gouvernement pour faire appliquer la loi de modernisation de l’économie, ou LME, et l’esprit de cette dernière, en recourant à tous les outils qui sont aujourd’hui à sa disposition. Le principe est donc le respect des bonnes pratiques et, si nécessaire, l’assignation.

M. le président. La parole est à M. Claude Biwer.

M. Claude Biwer. Monsieur le secrétaire d’État, vos propos m’ont rassuré quant à vos intentions, dont je ne doutais d’ailleurs pas.

Mon intervention n’avait d’autre objectif que de vous aider à trouver la bonne formule. Mieux vaut souvent un bon accord qu’un mauvais procès. Je souhaiterais, s’agissant de cette filière un peu difficile à maîtriser, qu’il soit tenu compte des préoccupations s’exprimant aux deux extrémités de la chaîne, du producteur au consommateur. Ce n’est pas facile, je le sais, mais nous devons être unis en vue d’atteindre cet objectif.

accueil des gens du voyage

M. le président. La parole est à M. Hervé Maurey, auteur de la question n° 1166, adressée à M. le ministre de l'intérieur, de l'outre-mer, des collectivités territoriales et de l'immigration.

M. Hervé Maurey. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, ma question porte sur la loi n° 2000-614 du 5 juillet 2000 relative à l’accueil et à l’habitat des gens du voyage.

Cette loi tente de concilier la liberté de circulation des quelque 150 000 personnes ayant en France un mode de vie itinérant avec la légitime préoccupation des élus locaux quant au respect des espaces publics et privés.

Aux termes de cette loi, les maires sont responsables de la mise en œuvre du schéma départemental d’accueil des gens du voyage et de la réalisation et de l’entretien des aires d’accueil, sauf s’ils ont fait le choix de transférer la compétence au niveau intercommunal.

Toutes les communes de plus de 5 000 habitants doivent ainsi avoir une aire d’accueil. Certaines communes de moins de 5 000 habitants sont également tenues par cette obligation dès lors qu’elles ont été identifiées par le schéma départemental.

Le législateur a donc fait le choix de confier cette lourde responsabilité aux communes, lesquelles doivent supporter le coût important de cet accueil en termes d’investissement et d’entretien, même si elles peuvent bénéficier de subventions de l’État. Le coût à la charge des communes est d’autant plus pesant que ces équipements font malheureusement l’objet de nombreuses et régulières dégradations. Pour répondre aux impératifs de sécurité, d’hygiène et de décence, les collectivités doivent donc régulièrement engager des travaux de remise en état.

Ces coûts sont d’autant plus difficiles à supporter et à justifier auprès des citoyens que le contexte budgétaire contraint oblige les élus à recourir à des arbitrages et, par là même, à renoncer à certains projets.

Au-delà de l’aspect financier, le fait d’imposer cette charge aux communes semble contraire au principe de subsidiarité : les gens du voyage étant par définition nomades, il ne me semble pas justifié de faire peser cette responsabilité sur les seules communes.

Régulièrement sollicité par les élus, j’ai, dès mon élection il y a un peu plus de deux ans, déposé une question écrite sur ce sujet. N’ayant eu de réponse ni à celle-ci ni à la relance effectuée le 14 mai 2009, j’ai déposé en juin 2009 une proposition de loi qui a notamment été cosignée par mon collègue Philippe Richert, devenu depuis ministre chargé des collectivités locales. Cette proposition de loi vise à réaffirmer la responsabilité de l’État dans le financement des aires d’accueil, leur installation et leur entretien. Je souhaiterais connaître la position du Gouvernement quant à cette proposition de loi dont l’objet est de rendre à l’État une compétence qui relève, à mon sens, pleinement de sa responsabilité.

M. le président. La parole est à Mme la ministre.

Mme Marie-Luce Penchard, ministre auprès du ministre de l'intérieur, de l'outre-mer, des collectivités territoriales et de l'immigration, chargée de l'outre-mer. Monsieur le sénateur, je vous prie d’excuser l’absence de M. Brice Hortefeux, qui m’a chargé de vous apporter la réponse du Gouvernement.

La loi du 5 juillet 2000 relative à l’accueil et à l’habitat des gens du voyage prévoit que les communes participent à l’accueil des personnes dont l’habitat traditionnel est constitué de résidences mobiles.

Toutes les communes qui figurent au schéma départemental d’accueil des gens du voyage, c’est-à-dire toutes celles de plus de 5 000 habitants et, le cas échéant, certaines communes de moins de 5 000 habitants, sont obligées de mettre à disposition des gens du voyage une ou plusieurs aires d’accueil aménagées et entretenues.

Les dépenses d’acquisition, d’aménagement et de fonctionnement de ces aires constituent des dépenses obligatoires pour les communes ou les établissements publics qui, selon le schéma départemental, doivent en assumer les charges.

Les communes inscrites au schéma départemental ont disposé d’un délai de deux ans à compter de la publication du schéma pour réaliser les investissements nécessaires et bénéficier d’une subvention de l’État à hauteur de 70 % de la dépense « subventionnable » pour les aires permanentes et au taux maximal de 100 % du montant des dépenses engagées dans les conditions requises, pour les aires de grands passages.

Le délai a été successivement reporté jusqu’au 31 décembre 2008. Les demandes de financement ont augmenté sensiblement à la veille de cette échéance.

Ces subventions ne sont naturellement pas exclusives d’autres sources de financement puisque la loi du 5 juillet 2000 précitée prévoit que la région, le département et les caisses d’allocations familiales peuvent accorder des subventions complémentaires pour la réalisation de ces aires d’accueil.

Selon les dernières données disponibles, le taux de réalisation des aires permanentes d’accueil s’établit, à la fin de l’année 2009, à 48 % des prévisions des schémas départementaux. Ainsi, au 31 décembre 2009, 19 936 places avaient été ouvertes dans 840 aires permanentes d’accueil. Ont été financées 67 % des places en aires d’accueil inscrites aux schémas, pour un montant total de 260 millions d’euros en investissement ; et 132 millions d’euros ont aussi été consacrés à l’entretien via une aide financière aux gestionnaires.

Par ailleurs, en raison de sa transversalité et de sa territorialité, la politique d’accueil et d’habitat des gens du voyage peut être mise en œuvre au niveau intercommunal. L’intercommunalité permet de mutualiser les coûts d’investissement et de fonctionnement. Les dispositions de l’article 2 de la loi de 2000 ont facilité le recours à cette possibilité puisque les communes figurant au schéma départemental d’accueil des gens du voyage ainsi que les communes où ces aires doivent être réalisées peuvent transférer à un EPCI à fiscalité propre la compétence dont elles définissent le contenu : aménagement et gestion des aires d’accueil des gens du voyage, ou aménagement seul, ou gestion seule.

Enfin, les conflits qui peuvent résulter des dégradations consécutives à l’occupation des aires relèvent d’une procédure de droit commun. Lorsque de tels faits sont constatés, le maire dispose de la possibilité de porter plainte devant le juge judiciaire pour faire prévaloir l’intérêt de la commune.

Au regard de l’ensemble de ces éléments, le Gouvernement n’envisage pas de modifier les dispositions législatives relatives à l’accueil et à l’habitat des gens du voyage actuellement en vigueur.

M. le président. La parole est à M. Hervé Maurey.

M. Hervé Maurey. Madame la ministre, vous avez bien voulu me rappeler le dispositif législatif applicable en la matière, lequel ne m’était pas totalement inconnu… Vous avez évoqué la participation financière des communes : leur rôle est bien plus lourd que cela, puisque ces dernières assument la responsabilité de l’accueil des gens du voyage.

De même, vous avez mentionné les subventions de l’État, lesquelles pourraient représenter 70 % des dépenses : je peux vous dire – je parle d’expérience – que le plafonnement des dépenses rend ce taux extrêmement théorique. Dans les faits, ce niveau n’est jamais atteint.

Je voudrais exprimer le regret que le Gouvernement n’envisage pas de faire évoluer la législation sur ce point. En effet, les problèmes posés par ceux qu’on appelle les nomades est une question qui dépasse la compétence des communes et même des intercommunalités. Vous avez également fait allusion à un transfert éventuel de compétence à l’intercommunalité. Je sais bien qu’une telle possibilité existe, mais cet échelon n’est, me semble-t-il, pas le bon : le problème relève de la solidarité nationale.

Je le répète, je regrette que le Gouvernement n’entende pas faire évoluer des dispositions législatives qui ont pourtant montré leurs limites au cours des dix dernières années, et qu’il ne souhaite pas assumer cette responsabilité qui, à mon sens, lui incombe en premier lieu.

assaisnissement collectif dans les impasses privées

M. le président. La parole est à M. Jean-Claude Merceron, auteur de la question n° 1148, adressée à M. le ministre auprès du ministre de l'intérieur, de l'outre-mer, des collectivités territoriales et de l'immigration, chargé des collectivités territoriales.

M. Jean-Claude Merceron. Madame la ministre, ma question porte sur les difficultés techniques et financières auxquelles les communes peuvent être confrontées dans le cadre de la réalisation de leur réseau d’assainissement collectif sur les impasses privées.

En effet, le Conseil d’État considère qu’une canalisation située sous une voie privée desservant plusieurs propriétés constitue une extension du réseau public dès lors qu’elle peut permettre le raccordement de plusieurs propriétés existantes.

Il ressort également des dispositions de l’article L. 2224-10 du code général des collectivités territoriales relatif au zonage d’assainissement que les communes sont tenues d’assurer la collecte des eaux usées domestiques dans les zones d’assainissement collectif.

L’article L. 2321-2 du code général des collectivités territoriales répertorie, quant à lui, parmi les dépenses obligatoires de la commune, celles qui sont relatives au système d’assainissement collectif, mentionnées au II de l’article L. 2224-8.

Toutefois, l’extension du réseau collectif au niveau des impasses privées, inscrites dans des zones d’assainissement collectif, est parfois particulièrement difficile à réaliser, voire impossible, pour des raisons techniques – pente, absence de maîtrise du foncier – ou de coût.

Madame la ministre, dans de telles circonstances, les communes peuvent-elles, à l’instar des immeubles susceptibles d’être exonérés de l’obligation de raccordement en application des dispositions de l’article L. 1331-1 du code de la santé publique et de l’arrêté du 19 juillet 1960, complété par celui du 28 février 1986, être exonérées de l’obligation d’assurer la collecte des eaux usées domestiques recueillies par des systèmes d’assainissement individuels et peuvent-elles ou sont-elles tenues de modifier, fût-ce au titre de ces seules impasses, leur plan de zonage d’assainissement ?

M. le président. La parole est à Mme la ministre.

Mme Marie-Luce Penchard, ministre auprès du ministre de l'intérieur, de l'outre-mer, des collectivités territoriales et de l'immigration, chargée de l'outre-mer. Monsieur le sénateur, je vous prie d’excuser l’absence de M. Brice Hortefeux, retenu ce matin.

En réponse à votre question précise, permettez-moi de vous indiquer qu’il ressort du code général des collectivités territoriales que « les communes assurent le contrôle des raccordements au réseau public de collecte, la collecte, le transport et l’épuration des eaux usées, ainsi que l’élimination des boues produites. » Cette compétence est exercée dans le cadre d’un zonage délimité par la commune elle-même.

Par ailleurs, l’article L. 162-6 du code de la voirie routière précise que « les lois et règlements relatifs à l’hygiène des voies publiques et des maisons riveraines de ces voies sont applicables aux voies privées, ouvertes ou non à la circulation publique, en ce qui concerne l’écoulement des eaux usées et des vidanges ainsi que l’alimentation en eau. Toutes les parties d’une voie privée dans laquelle doit être établi un égout ou une canalisation d’eaux sont grevées d’une servitude légale à cet effet ».

Enfin, le premier alinéa de l’article L. 1331-1 du code de la santé publique prévoit le raccordement obligatoire des immeubles, dans un délai de deux ans à compter de leur mise en service, aux réseaux publics de collecte « disposés pour recevoir les eaux usées domestiques et établis sous la voie publique à laquelle ces immeubles ont accès soit directement, soit par l’intermédiaire de voies privées ou de servitudes de passage ».

Ces dispositions combinées font obligation aux communes d’assurer la collecte des eaux usées domestiques émanant des immeubles situés sur des voies privées dès lors que ces voies sont incluses dans une zone d’assainissement collectif.

Néanmoins, le deuxième alinéa de l’article L. 1331-1 du code de la santé publique renvoie à un arrêté interministériel le soin de déterminer les catégories d’immeuble pour lesquelles un arrêté du maire, approuvé par le préfet de département, peut accorder des exonérations à l’obligation de raccordement. À cet égard, l’arrêté du 19 juillet 1960 relatif aux raccordements des immeubles aux égouts prévoit que peuvent être exonérés de cette obligation « les immeubles difficilement raccordables, dès lors qu’ils sont équipés d’une installation d’assainissement autonome recevant l’ensemble des eaux usées domestiques ».

Dès lors, des possibilités d’exonération existent, mais elles sont strictement encadrées afin de ne pas porter atteinte à l’objectif général de raccordement. Les conditions d’exonération sont en effet de deux ordres et doivent être interprétées de manière cumulative. En premier lieu, l’immeuble en question doit présenter un caractère « difficilement raccordable », ce qui implique que la preuve de ce caractère puisse être apportée par le maire lorsqu’il décide d’accorder une exonération. En second lieu, il doit être équipé d’une installation d’assainissement autonome, c’est-à-dire s’inscrire dans le cadre de l’assainissement non collectif.

Enfin, je rappelle que l’article L. 1331-3 du code de la santé publique permet à la commune de percevoir le remboursement des travaux entrepris pour la partie publique des branchements auprès des propriétaires de la voie privée en cause ou des immeubles qui en sont riverains. Le remboursement est dû à raison de l’intérêt de chacun des propriétaires à la réalisation des travaux.

M. le président. La parole est à M. Jean-Claude Merceron.

M. Jean-Claude Merceron. Madame la ministre, j’espère que votre réponse permettra aux collectivités territoriales, en particulier vendéennes, de trouver des solutions, afin d’éviter tout contentieux inutile.

plan de prévention des risques technologiques concernant le dépôt d'explosifs de la commune de saint-crespin-sur-moine

M. le président. La parole est à Mme Catherine Deroche, auteur de la question n° 1168, adressée à Mme la ministre de l'écologie, du développement durable, des transports et du logement.

Mme Catherine Deroche. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, je souhaite attirer l’attention de Mme la ministre de l’écologie, du développement durable, des transports et du logement sur la mise en œuvre du plan de prévention des risques technologiques, le PPRT, du dépôt d’explosifs situé à Saint-Crespin-sur-Moine en Maine-et-Loire et exploité par la société Nitro Bickford.

Le zonage du PPRT a été acté par la commune en janvier 2007 et l’arrêté préfectoral prescrivant l’élaboration de ce PPRT a été signé le 25 septembre 2007. Depuis, l’avancement des travaux suit son cours, sous l’autorité du préfet. Entre l’automne 2009 et le printemps 2010, une solution a été cherchée entre la société Nitro Bickford, les élus de la commune de Saint-Crespin et l’association des riverains concernés par l’obligation de travaux sur leurs locaux situés en zone d’aléas moyen et faible. À cet égard, il convient de souligner que le dépôt s’est installé postérieurement à l’installation des riverains.

La société Nitro Bickford a confirmé la faisabilité technique de la réduction du risque à la source au moyen d’une nouvelle division du dépôt d’explosifs, en passant de deux dépôts de quarante tonnes à quatre dépôts de vingt tonnes. Cependant, pour des raisons économiques, elle a renoncé à la mise en œuvre de ce projet.

À la fin du mois de juin 2010, les services de l’État ont annoncé l’arrêt de la période de concertation.

En octobre 2010, le projet de PPRT a reçu un avis défavorable unanime des conseillers municipaux et communautaires concernés. En revanche, le 2 novembre 2010, le comité local d’information et de concertation a donné un avis favorable au projet.

Actuellement, nous sommes dans une situation de blocage. Dans le cas présent – refus du PPRT par une collectivité et possibilité de division du risque à la source –, ne serait-il pas plus pertinent que l’État travaille à l’indemnisation de cette réduction du risque auprès de l’entreprise plutôt qu’à celle des travaux incombant aux propriétaires impactés, par l’intermédiaire du crédit d’impôt ?

Cette solution aurait l’avantage de satisfaire à la fois les riverains, les établissements recevant du public concernés, les trois communes intéressées et les entreprises, d’autant que la zone de dangerosité est d’aléa moyen, voire faible. De surcroît, une telle réduction du périmètre serait beaucoup plus satisfaisante sur le plan environnemental, ce qui est bien l’essentiel.

J’aimerais également savoir si, dans l’esprit des initiatives parlementaires qui ont été prises, à l’instar de celle du député Roland Blum, qui a déposé dernièrement une proposition de loi visant à élargir le fonds de prévention des risques naturels majeurs, dit « fonds Barnier », aux risques technologiques majeurs, on ne pourrait pas utiliser ce fonds pour aider les entreprises à agir sur l’origine des risques et leur réduction.

M. le président. La parole est à Mme la ministre.

Mme Marie-Luce Penchard, ministre auprès du ministre de l'intérieur, de l'outre-mer, des collectivités territoriales et de l'immigration, chargée de l'outre-mer. Madame la sénatrice, la ministre de l’écologie, du développement durable, des transports et du logement, Nathalie Kosciusko-Morizet, m’a chargée de vous indiquer qu’elle avait pris connaissance avec intérêt de votre question relative aux plans de prévention des risques technologiques.

Cette question porte sur deux aspects : d’une part, la possibilité de financer des mesures de réduction du risque à la source auprès de la société Nitrobickford pour son dépôt d’explosifs de Saint-Crespin-sur-Moine, au lieu de financer les travaux chez les riverains ; d’autre part, l’utilisation du Fonds de prévention des risques naturels majeurs pour financer des mesures de réduction du risque à la source par les entreprises.

Concernant votre première demande, je rappelle que les plans de prévention des risques technologiques sont mis en œuvre seulement après que toutes les mesures normales de prévention des risques ont été appliquées par les exploitants des installations à risque. L’examen par l’Inspection des installations classées de l’étude de dangers de l’établissement Nitrobickford a montré que tel était bien le cas en l’occurrence.

Les plans de prévention des risques technologiques peuvent prévoir la prescription de deux types de mesures pour la protection des riverains contre les risques résiduels : des mesures de renforcement du bâti pour résister aux effets d’un éventuel accident – ces travaux doivent être réalisés par les propriétaires et peuvent donner lieu à un crédit d’impôt – ou des mesures foncières, telles que l’expropriation ou le délaissement. Ces mesures font l’objet d’un cofinancement entre l’État, les collectivités territoriales percevant la contribution économique territoriale et les exploitants à l’origine du risque.

En substitution aux mesures foncières, la loi prévoit également la possibilité, validée par la Commission européenne, que l’État et les collectivités territoriales participent au financement de mesures exceptionnelles de réduction du risque, allant au-delà des mesures s’imposant à l’exploitant en application de la réglementation des installations classées, sous réserve que leur coût soit inférieur à celui des mesures foncières que cela permet d’éviter de prendre. Tel n’est pas le cas en l’occurrence. Il ne paraît dès lors pas possible que l’État participe à un tel financement, qui serait à la fois non conforme à la loi et contestable au regard des règles européennes sur les aides d’État.

Pour autant, le ministère de l’écologie, du développement durable, des transports et du logement ainsi que l’ensemble des parties prenantes ont identifié depuis quelques mois la difficulté associée au dispositif de financement des travaux.

La loi Grenelle 2 de juillet dernier a permis le relèvement du crédit d’impôt accordé par l’État à 40 % du montant des travaux. Les représentants des industriels et des élus avaient donné leur accord pour accompagner ce crédit d’impôt à hauteur de 20 % chacun, permettant ainsi une prise en charge à concurrence de 80 % de leur coût des travaux à la charge des riverains.

Dans le contexte budgétaire que vous connaissez, la loi de finances initiale pour 2011 a ramené ce crédit d’impôt à 30 % du coût des travaux, mais en élargissant l’assiette aux propriétaires bailleurs, ce qui permettra une meilleure protection des locataires. Des discussions ont été engagées avec les industriels et les élus pour étudier la possibilité d’une contribution complémentaire de leur part, dans l’esprit de celle qu’ils envisageaient à la suite de la loi Grenelle 2, quand le taux du crédit d’impôt s’élevait à 40 %.

Concernant votre seconde demande, la loi ne prévoit pas le recours au Fonds de prévention des risques naturels majeurs pour répondre aux problématiques liées aux risques technologiques. Ce fonds est actuellement sollicité de manière très importante au titre des priorités en matière de prévention des risques naturels, en particulier la prévention des risques d’inondation, le plan « digues » lancé à la suite de la tempête Xynthia de 2010 ou le plan « séisme Antilles », et ne peut donc supporter, financièrement, une extension de son champ d’application.

M. le président. La parole est à Mme Catherine Deroche.

Mme Catherine Deroche. Je vous remercie, madame la ministre, de ces explications, qui ont déjà été données aux communes. Néanmoins, celles-ci estiment qu’une division du dépôt d’explosifs est possible. Le coût annoncé par l’entreprise serait supérieur à celui de l’indemnisation, mais des incertitudes demeurent à cet égard. Nous allons donc continuer à travailler sur ce dossier.

gratuité des tronçons franciliens des autoroutes A 10 et A 11

M. le président. La parole est à M. Bernard Vera, auteur de la question n° 1177, adressée à Mme la ministre de l'écologie, du développement durable, des transports et du logement.

M. Bernard Vera. Madame la ministre, la question de la gratuité des tronçons franciliens des autoroutes A 10 et A 11 n’est pas récente. À de nombreuses reprises, j’ai interpellé les ministres chargés des transports sur ce sujet.

Les enjeux sont en effet de taille pour les usagers et pour les communes du sud francilien. Alors que les premières sections à péage des autoroutes franciliennes ne commencent qu’à une cinquantaine de kilomètres du centre de l’agglomération parisienne, la section à péage de l’autoroute A 10 débute, elle, à seulement vingt-trois kilomètres de la capitale.

Or l’offre de transports publics est notablement insuffisante dans ce secteur géographique pour permettre aux Franciliens de se rendre quotidiennement sur leur lieu de travail. Ils sont donc contraints d’utiliser leur véhicule personnel pour leurs déplacements professionnels et subissent ainsi une injustice. En effet, emprunter cette section à péage de l’autoroute engendre pour eux une charge financière importante, s’élevant en moyenne à 700 euros par an, que les autres usagers de l’Île-de-France n’ont pas à supporter.

Le coût représenté par l’usage de cette section à péage dissuade les automobilistes de l’emprunter, ce qui a pour conséquence un transfert du trafic routier correspondant vers le réseau secondaire, entraînant la saturation de celui-ci.

Les études menées par les collectivités territoriales démontrent que, afin d’échapper au péage, une partie importante du trafic quitte le réseau autoroutier de l’A 10 et de l’A 11 à l’entrée de l’Île-de-France, pour emprunter le réseau secondaire, notamment la route nationale 20. Cela provoque d’insupportables nuisances pour les populations riveraines et pose de sérieux problèmes en matière de sécurité, d’environnement et de coût pour les collectivités locales, lesquelles sont contraintes d’investir davantage afin d’aménager et d’entretenir un réseau constamment saturé.

Avec la mise en œuvre du projet Paris-Saclay, qui se situe en bordure de cette autoroute, les problèmes de transports et de saturation du réseau secondaire vont encore s’aggraver, cette autoroute étant la seule infrastructure desservant le sud de la région.

Pour toutes ces raisons, l’association d’usagers et de riverains « A l0 gratuite », ainsi que de nombreux élus locaux, n’ont eu de cesse d’interpeller le Gouvernement en vue de trouver une solution satisfaisante pour l’ensemble des acteurs concernés.

Une réunion s’est finalement tenue au secrétariat d’État aux transports le 20 octobre dernier en présence de Mme Nathalie Kosciusko-Morizet, aujourd’hui ministre de l’écologie, du développement durable, des transports et du logement. Plusieurs pistes ont été évoquées et mises en débat, aucune proposition n’a été écartée. Cette rencontre s’est conclue sur l’engagement d’établir une feuille de route fixant les modalités de travail d’une table ronde réunissant toutes les parties concernées.

Madame la ministre, pouvez-vous m’indiquer de quelle manière le Gouvernement entend donner les prolongements nécessaires à cette rencontre afin de mettre un terme au plus tôt à l’injustice subie quotidiennement par des milliers de salariés franciliens ?

M. le président. La parole est à Mme la ministre.

Mme Marie-Luce Penchard, ministre auprès du ministre de l'intérieur, de l'outre-mer, des collectivités territoriales et de l'immigration, chargée de l'outre-mer. Monsieur le sénateur, la question de la gratuité de la section « terminale » de l’autoroute A 10 est bien connue de Nathalie Kosciusko-Morizet, qui m’a demandé de vous faire part de la réponse suivante.

La ministre de l’écologie, du développement durable, des transports et du logement a souhaité que je vous rappelle d’abord quelques éléments du contexte.

L’État a fait le choix de concéder à la société Cofiroute la construction, l’entretien et l’exploitation de l’autoroute A 10. Le péage acquitté par les usagers est la contrepartie du financement privé des ouvrages routiers concédés et son produit constitue la seule ressource dont disposent les sociétés d’autoroutes pour rembourser les emprunts contractés et pour assurer l’exploitation et la maintenance de ces ouvrages.

La section concernée fait bien partie de la concession Cofiroute. Elle est donc soumise à paiement d’un péage, et ce pour tous les usagers.

Mme Marie-Luce Penchard, ministre. Pour les usagers locaux, des solutions existent actuellement, qui sont conformes au droit du péage, lequel impose un principe d’équité entre tous les utilisateurs de l’autoroute. Il s’agit notamment des formules d’abonnement, particulièrement avantageuses, mais je pense également au succès rencontré par la gare de bus « autoroutière » implantée sur le territoire de votre commune, exemple remarquable d’une intermodalité bien pensée et adoptée par les usagers.

La rencontre du 20 octobre dernier, à laquelle participait Mme Kosciusko-Morizet dans le cadre de ses fonctions antérieures, a permis de mettre sur la table quelques idées simples : amélioration du dispositif d’abonnement grâce a un abondement des collectivités locales et développement de l’offre de transports en commun ou de covoiturage. Le concessionnaire met d’ailleurs en place des parkings à cette fin à Dourdan, à Ablis et à Allainville.

Il a par ailleurs été convenu qu’une étude de trafic serait conduite par Cofiroute afin de mesurer plus concrètement les flux affectant la zone concernée. La méthodologie sera présentée aux partenaires par les services du ministère de l’écologie, du développement durable, des transports et du logement le 16 février prochain. Les résultats de cette étude seront connus au deuxième trimestre de cette année.

Ces résultats seront partagés avec les élus locaux afin de mieux caractériser les actions concrètes à mettre en place, non pour faciliter l’usage de l’autoroute, mais pour améliorer l’offre de transports au profit des habitants du sud des Yvelines et de l’Essonne.

M. le président. La parole est à M. Bernard Vera.

M. Bernard Vera. Madame la ministre, je vous remercie de votre réponse, que j’ai écoutée avec attention.

Je suis à la fois inquiet et optimiste.

Je suis inquiet, car depuis dix ans les différents ministres chargés des transports ne cessent de répéter les propos que je viens d’entendre, sans que malheureusement cela ait jamais permis de déboucher sur des solutions satisfaisantes.

La perspective de la mise à contribution des collectivités territoriales soulève de très fortes oppositions, car celles-ci assurent déjà l’entretien du réseau secondaire affecté par la non-gratuité du tronçon francilien de l’autoroute A 10, au détriment des nécessaires investissements dans les transports publics. En outre, le simple passage de deux lignes de bus sur l’autoroute de Dourdan à Massy via la gare autoroutière de Briis-sous-Forges coûte chaque année 150 000 euros de frais de péage aux collectivités territoriales.

Par ailleurs, la société Cofiroute dispose de moyens suffisants pour faire face à la demande des usagers. Dans ses rapports annuels, la Cour des comptes a maintes fois recommandé à l’État de revoir ses relations avec les sociétés concessionnaires au profit de ces derniers. Cofiroute, comme les autres sociétés concessionnaires, bénéficie d’une très généreuse délégation de service public.

Pour autant, je veux rester résolument optimiste, car, comme vous venez de l’indiquer, une nouvelle réunion se tiendra demain matin à la Direction générale des infrastructures, des transports et de la mer afin de faire le point sur les différents éléments du dossier et de convenir des prochaines échéances.

Madame la ministre, je souhaite vivement que ces discussions débouchent rapidement sur des hypothèses de travail concrètes et efficaces. C’est également le vœu tant de l’association des usagers et des riverains que des élus locaux, dont je partage les légitimes revendications. Je veux les assurer de ma totale détermination dans ce dossier.

services d'aide à domicile

M. le président. La parole est à M. René-Pierre Signé, auteur de la question n° 1010, adressée à M. le ministre du budget, des comptes publics, de la fonction publique et de la réforme de l'État, porte-parole du Gouvernement.

M. René-Pierre Signé. Ma question porte sur la remise en cause des exonérations de cotisations patronales dans le secteur des services à la personne, qu’il faut maintenant distinguer des services d’aide à domicile.

Ce secteur regroupe un ensemble d’activités indispensables pour de très nombreuses familles en France. Les services à la personne permettent notamment à des personnes âgées, en perte d’autonomie, handicapées ou malades de vivre chez elles le plus longtemps possible, grâce à l’apport d’une aide quotidienne.

Une telle remise en cause par le Gouvernement des exonérations de cotisations patronales dont bénéficient les services à la personne laisse malheureusement présager d’autres décisions du même type au détriment des associations et des centres sociaux qui offrent des services à domicile.

Ces mesures de réduction des exonérations, si elles devaient être généralisées, auraient des effets désastreux sur les services proposés et sur ceux qui en bénéficient – en général des personnes âgées –, fragilisant leur médiocre budget et les obligeant à supporter le coût d’un soutien qui leur paraît indispensable et qui l’est bien souvent. Elles pourraient aussi amener les personnes concernées à renoncer à des soins qui leur permettaient de reculer la date redoutée de l’hospitalisation.

Ces récents choix budgétaires, madame la ministre, effectués dans un contexte économique déjà difficile, sont mal perçus dans un secteur qui souffre déjà financièrement, notamment du fait de la professionnalisation nécessaire des salariés, et risquent d’entraîner des suppressions d’emplois, voire de structures.

Afin d’éviter une telle situation, un geste du Gouvernement est fortement attendu.

M. le président. La parole est à Mme la ministre.

Mme Marie-Luce Penchard, ministre auprès du ministre de l'intérieur, de l'outre-mer, des collectivités territoriales et de l'immigration, chargée de l'outre-mer. Monsieur le sénateur, je vous prie de bien vouloir excuser l’absence de François Baroin, qui m’a demandé de vous répondre sur cette question précise des services à la personne.

Le Gouvernement a eu l’occasion d’expliquer à de nombreuses reprises les raisons de cette réforme.

C’est une réforme indispensable au vu de nos objectifs en matière de finances publiques, puisque la suppression de l’abattement de quinze points et de la franchise de charges pour les organismes agréés représente une économie centrale pour le budget de l’État en 2011, de 460 millions d’euros. Elle participe donc pleinement de notre stratégie de réduction des déficits.

C’est une réforme juste et équilibrée puisqu’elle ne remet pas en cause les exonérations destinées aux personnes fragiles – personnes handicapées, personnes dépendantes, personnes âgées, parents d’enfants handicapés –, qui relèvent de textes distincts. Le coût de ces dispositifs d’exonération totale de charges, qui trouvent leur justification dans la situation particulière des personnes concernées, s’élève à 1,6 milliard d’euros. Non concernés par la réforme, ils sont intégralement préservés.

Enfin, pour l’ensemble des ménages qui ont recours aux services à la personne, le Gouvernement ne touche pas aux avantages fiscaux – crédit et réduction d’impôt de 50 % –, qui représentent près de 4 milliards d’euros : ces avantages n’ont pas été soumis au « rabot » de 10 %. Le maintien de ces dispositifs fiscaux permet de garantir que le travail déclaré reste plus intéressant que le travail au noir.

Sachez encore que, pour les organismes agréés – qu’ils soient privés ou publics, comme les centres sociaux ou les associations –, toutes les prestations effectuées auprès de personnes âgées ou handicapées restent exonérées de charges à 100 %. Les autres activités ou les prestations effectuées auprès de publics non fragiles bénéficieront des allégements généraux de charges, qui compensent en grande partie le surcoût lié à la réforme.

Monsieur le sénateur, les aides au secteur des services à la personne ont progressé de 50 % en cinq ans, et représentent en 2011 plus de 6,6 milliards d’euros : le soutien à ce secteur reste donc massif et à la hauteur des enjeux que vous indiquez.

En ce qui concerne le cas particulier des organismes situés en zone de revitalisation rurale, ou ZRR, le Gouvernement a été particulièrement à l’écoute des parlementaires sur ce sujet lors des débats sur le projet de budget pour 2011 et attentif à la situation particulière de ces territoires et des structures qui y sont implantées. Il a décidé d’écarter la réforme qui prévoyait la suppression des exonérations de charges. Les zones de revitalisation rurale continueront donc de bénéficier des dispositifs de soutien existants, ce qui correspond à un effort très important, d’environ 120 millions d’euros.

M. le président. La parole est à M. René-Pierre Signé.

M. René-Pierre Signé. Madame la ministre, je vous rappelle que les sénateurs avaient voté le maintien de l’abattement de 15 % sur les cotisations sociales dues par les particuliers employeurs. À la suite de ce vote, le ministre du budget avait demandé une seconde délibération, ce qui avait permis à la majorité de supprimer cet abattement. Cette mesure est censée déboucher sur une économie de 460 millions d’euros, ce qui est dérisoire au regard des enjeux. Parallèlement, 460 millions d’euros ont été alloués aux chômeurs de longue durée : vous creusez un trou pour en boucher un autre, reprenant ainsi à votre compte une pratique inaugurée par un certain personnage que je ne nommerai pas, ne voulant pas être désobligeant…

Vous prétendez que les personnes les plus lourdement handicapées ne seront pas touchées, mais la grille AGGIR –autonomie gérontologie groupe iso-ressources – a été modifiée et il faut désormais, pour bénéficier des aides, être vraiment complètement handicapé. Or beaucoup de gens sont dépendants sans pour autant être lourdement handicapés, et ce sont précisément ces personnes qui sont intéressées par le maintien à domicile, cette solution n’étant pas envisageable pour les handicapés les plus lourds. Rester à domicile, cela signifie retarder l’hospitalisation, qui est la perspective la plus redoutée et la plus redoutable : on sait bien que, en général, on entre dans un service de long séjour hospitalier pour ne plus en sortir.

À l’heure où le Président de la République évoque la mise en place d’une cinquième branche, la branche dépendance, la mesure en question est d’autant plus malvenue. Au titre d’une politique de rigueur qui ne dit pas son nom, vous retirez au secteur de l’aide à domicile 460 millions d’euros qui permettaient le maintien de personnes dépendantes dans leur logement : cela ne va pas dans le sens de la sollicitude que vous affichez à l’égard de cette population !

Telles sont les raisons pour lesquelles je m’élève contre cette mesure, dont les conséquences doivent être bien évaluées : il convient d’en mesurer le prix, madame la ministre, et non simplement le coût.

pollution de l'eau du robinet par l'aluminium

M. le président. La parole est à Mme Anne-Marie Payet, auteur de la question n° 1056, adressée à Mme la secrétaire d'État auprès du ministre du travail, de l'emploi et de la santé, chargée de la santé.

Mme Anne-Marie Payet. Ma question porte sur la pollution de l’eau du robinet par le sulfate d’aluminium.

Élément métallique le plus abondant dans l’écorce terrestre, l’aluminium est présent presque partout aujourd'hui : dentifrices, conditionnement des boissons, déodorants… À doses régulières, cette substance serait très néfaste pour la santé. De nombreux spécialistes recommandent de ne pas utiliser les produits qui en contiennent, notamment les capsules de café, les pansements gastriques, etc.

Sauf à Paris, où l’on utilise depuis trente ans le traitement ferrique, les distributeurs d’eau potable ajoutent des sels d’aluminium afin de rendre l’eau plus claire. Selon Guy Berthon, ancien directeur de recherches au laboratoire de chimie du CNRS, « l’aluminium ne sert à rien dans l’organisme humain. Pire, à fortes doses ou à doses régulières, il est toxique. […] En trouver dans l’eau du robinet, c’est criminel. »

La norme de 200 microgrammes d’aluminium par litre d’eau fixée par l’Organisation mondiale de la santé, l’OMS, est discutable : elle ne constitue qu’une référence de qualité, non une limite ; en l’absence de contrôle, les compagnies des eaux se permettent souvent de la dépasser, sans être tenues d’en informer le consommateur.

Selon l’Agence française de sécurité sanitaire des aliments, l’AFSSA, en 2007, 2,7 millions de Français ont bu une eau dont le taux de sels d’aluminium était supérieur à cette norme. Le danger, selon Guy Berthon, est que « si une partie est éliminée naturellement par les urines ou la barrière intestinale, une autre passe à travers ce mur de briques qu’est l’intestin grêle et se retrouve dans le sang puis le cerveau. Là, l’aluminium se dépose, durcit et ne peut plus repartir. »

Certaines études ont mis en évidence le lien entre une eau potable trop chargée en aluminium et certains cas de démence dont les symptômes rappellent ceux de la maladie d’Alzheimer. En 1976, déjà, des cas de démence, de douleurs articulaires, de décalcification des os, d’anémie étaient apparus chez des insuffisants rénaux sous dialyse.

L’aluminium est également présent sous forme d’hydroxyde dans les vaccins, dont il est censé renforcer l’action.

Eu égard à ces éléments, je vous demande de bien vouloir me faire connaître les mesures que le Gouvernement entend prendre afin de remédier à cette situation.

M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d'État.

Mme Nora Berra, secrétaire d'État auprès du ministre du travail, de l'emploi et de la santé, chargée de la santé. Madame la sénatrice, une évaluation actualisée des risques sanitaires liés à l’exposition de la population française à l’aluminium a été rendue en novembre 2003, à la demande de la direction générale de la santé, la DGS, par l’Agence française de sécurité sanitaire des aliments, l’Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé et l’Institut de veille sanitaire. Ces instances d’expertise ont examiné l’ensemble des études disponibles sur le sujet.

Selon ce rapport, « si certains effets observés chez des sujets exposés professionnellement et chez des hémodialysés liés à une exposition chronique à l’aluminium peuvent être actuellement considérés comme avérés (encéphalopathie, troubles psychomoteurs, atteinte du tissu osseux sous forme d’ostéomalacie et atteinte du système hématopoïétique sous la forme d’une anémie hypochrome), dans d’autres cas et en l’état actuel des connaissances, il apparaît que pour d’autres effets initialement suspectés (c’est le cas de la maladie d’Alzheimer), une relation causale ne peut être raisonnablement envisagée ».

En 2008, les experts confirmaient qu’aucun élément scientifique ne permettait de remettre en cause les conclusions de ce rapport. S’agissant de l’eau de boisson, la directive du 3 novembre 1998 relative à la qualité des eaux destinées à la consommation humaine a fixé pour le paramètre « aluminium » une valeur de 200 microgrammes par litre dans les eaux de consommation. Ce paramètre est un indicateur de fonctionnement des installations de traitement et non pas un paramètre de santé faisant l’objet d’obligations plus strictes.

Cette position est conforme aux éléments mentionnés dans le rapport relatif aux directives de qualité pour l’eau de boisson de l’Organisation mondiale de la santé – 1994 et 2004 –, qui précise d’ailleurs que, sur la base de ce seuil, « les données épidémiologiques et physiologiques dont on dispose ne permettent pas d’attribuer un rôle étiologique à l’aluminium dans la maladie d’Alzheimer ».

Bien que l’eau de boisson constitue moins de 5 % des apports quotidiens d’aluminium par voie alimentaire en France, les agences régionales de santé, en lien avec les exploitants des installations de production d’eau, veillent à ce que la référence de qualité de 200 microgrammes par litre soit respectée dans les eaux distribuées. L’examen des résultats d’analyses compilés dans la base de données nationale sur la qualité des eaux de consommation pour l’année 2007 permet d’indiquer que plus de 97 % des contrôles sont conformes.

En cas de dépassement de cette référence de qualité, les mesures correctives nécessaires pour rétablir la qualité de l’eau distribuée sont mises en œuvre à la demande du préfet et le contrôle sanitaire renforcé.

Vous l’aurez compris, madame la sénatrice, il n’apparaît pas nécessaire de renforcer la réglementation quant à ce paramètre qui est déjà recherché dans les eaux brutes et les eaux distribuées au robinet du consommateur.

M. le président. La parole est à Mme Anne-Marie Payet.

Mme Anne-Marie Payet. Je remercie Mme la secrétaire d’État de sa réponse, qui m’étonne cependant quelque peu. En effet, des études ont montré que, même pour une faible dose – 100 microgrammes par litre, par exemple –, le risque de développer la maladie d’Alzheimer augmente de 50 % !

Je rappelle aussi que l’usage de sels d’aluminium pour le traitement de l’eau est dénoncé par de nombreux chercheurs, qui s’inquiètent de l’effet neurotoxique de l’aluminium sur l’organisme.

De surcroît, d’autres traitements de l’eau existent. La Ville de Paris a ainsi remplacé le sulfate d’aluminium par le chlorure ferrique.

Mme Anne-Marie Payet. Un floculant biologique à base de graines de moringa peut également être employé. Puisque des solutions de rechange plus sûres existent, pourquoi ne pas inciter les distributeurs d’eau potable à y recourir ?

Mme Marie-Thérèse Hermange. Absolument !

inscription de certaines professions médicales et paramédicales à un ordre professionnel

M. le président. La parole est à Mme Marie-Thérèse Hermange, auteur de la question n° 1160, adressée à Mme la secrétaire d'État auprès du ministre du travail, de l'emploi et de la santé, chargée de la santé.

Mme Marie-Thérèse Hermange. Madame la secrétaire d’État, ma question porte sur l’obligation d’inscription de certaines professions médicales et paramédicales à un ordre professionnel alors que les personnels salariés concernés, dans leur grande majorité, ne veulent pas d’une telle organisation, qui leur paraît quelquefois coûteuse. Ces structures réclament une cotisation de 75 euros pour ce qui concerne les infirmiers et les masseurs-kinésithérapeutes, et de 288 euros s’agissant des pédicures-podologues.

Aujourd’hui, près de 470 000 professionnels paramédicaux demeurent non inscrits à leurs ordres respectifs, certains faisant l’objet de poursuites judiciaires, alors que le code de la santé publique donne déjà des bases légales à leur profession. Par ailleurs, les employeurs de ces personnels sont exposés au risque d’être poursuivis par l’ordre pour exercice illégal de la profession.

Le rôle de recensement des professionnels assumé auparavant par les directions départementales des affaires sanitaires et sociales, les DDASS, et les directions régionales des affaires sanitaires et sociales, les DRASS, revient aujourd’hui aux agences régionales de santé, les ARS.

Enfin, dans les établissements hospitaliers publics, les instances disciplinaires fonctionnent bien, et ce depuis longtemps. Il n’est donc pas besoin d’un niveau disciplinaire supplémentaire.

Je souhaiterais connaître votre position, madame la secrétaire d’État, sur la proposition de dispenser les professionnels exerçant à titre salarié de s’inscrire à l’ordre dont ils relèvent en principe.

M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d'État.

Mme Nora Berra, secrétaire d'État auprès du ministre du travail, de l'emploi et de la santé, chargée de la santé. Madame la sénatrice, permettez-moi de centrer ma réponse sur le cas des infirmiers, parce qu’il se pose en ce moment même et qu’il est particulièrement révélateur.

En 2007, le ministre de la santé, Xavier Bertrand, et les parlementaires avaient répondu favorablement à la demande de nombreuses associations d’infirmiers, qui réclamaient depuis longtemps la création d’un ordre infirmier.

Depuis, on constate que cet ordre n’a pas réussi à convaincre les infirmiers de son utilité. En effet, seulement 10 % des infirmiers français se sont inscrits à ce jour, et les cotisations ne rentrent pas.

Au cours des derniers mois, le Gouvernement et les parlementaires ont consenti de nombreux efforts de concertation et ont incité l’Ordre national des infirmiers à privilégier une démarche d’apaisement, propre à susciter l’inscription du plus grand nombre.

Le Gouvernement et les élus se sont ainsi plusieurs fois exprimés au sujet du montant de la cotisation –75 euros –, qui apparaissait prohibitif, notamment pour les infirmiers salariés. Roselyne Bachelot-Narquin s’est plusieurs fois prononcée, au cours des deux dernières années, en faveur d’une modération du montant de cette cotisation et a même introduit dans la loi portant réforme de l’hôpital et relative aux patients, à la santé et aux territoires une possibilité de modulation de celle-ci. Xavier Bertrand avait soutenu en 2007 la création d’un ordre infirmier, mais il avait lui-même demandé que la cotisation soit d’un montant « symbolique ».

Or un montant de 75 euros n’est pas symbolique, chacun en convient. Mais l’Ordre national des infirmiers, qui est indépendant, n’a pas souhaité le réduire, même pour les salariés, pour lesquels cette instance présente un intérêt moindre.

Je le regrette d’autant plus que, aujourd’hui, du fait de la faiblesse du nombre de cotisants et de choix de gestion qui peuvent sembler inappropriés, la situation financière de l’Ordre national des infirmiers apparaît très délicate. À cet égard, je tiens d’ailleurs à rappeler que le ministère de la santé n’est pas garant des emprunts contractés par l’Ordre national des infirmiers et n’y est pas non plus partie, cet ordre étant un organisme de droit privé, totalement indépendant de l’État.

Je souhaite donc que l’Ordre national des infirmiers présente des propositions de sortie de la crise qu’il traverse, pour ses adhérents, et surtout pour les salariés.

J’ai confiance en nos infirmières et infirmiers, y compris celles et ceux qui n’ont pas adhéré à l’Ordre à ce jour. Je souhaite les voir tous continuer à exercer librement et sereinement leur métier, au bénéfice de nos concitoyens.

M. le président. La parole est à Mme Marie-Thérèse Hermange.

Mme Marie-Thérèse Hermange. La question des ordres professionnels pour les personnels paramédicaux se pose depuis les années quatre-vingt au moins et a trouvé quelque écho au Sénat.

Aujourd'hui, le montant de la cotisation à l’Ordre national des infirmiers est prohibitif pour certains professionnels. J’espère que la sortie de crise que vous appelez de vos vœux, madame la secrétaire d’État, ne se fera pas au détriment des employeurs…

Par ailleurs, vous ne vous êtes pas exprimée sur les masseurs-kinésithérapeutes et les podologues : peut-être pensez-vous que leur cas pourra être plus facilement réglé une fois qu’une solution aura été trouvée pour les infirmiers ?

Nous sommes souvent interpellés sur ce sujet, et je ne manquerais pas de revenir vers vous, madame la secrétaire d'État, si la crise ne se dénouait pas dans les prochains mois.

traitement des feuilles maladie papier par les mutuelles étudiantes

M. le président. La parole est à Mme Catherine Procaccia, auteur de la question n° 1172, adressée à Mme la secrétaire d'État auprès du ministre du travail, de l'emploi et de la santé, chargée de la santé.

Mme Catherine Procaccia. Ma question porte sur le fonctionnement des régimes obligatoires de sécurité sociale pour les étudiants. Je rappelle que ceux-ci ont le choix entre s’affilier à la SMEREP ou à la LMDE. Il apparaît que ces deux organismes, en particulier le second, au sujet duquel j’ai été saisie par plusieurs étudiants, offrent des services très limités, dans la mesure où il n’y a pas de télétransmission via la carte Vitale.

Plusieurs problèmes sont à souligner.

Le premier d’entre eux tient à la lenteur des remboursements pour les feuilles maladie papier, le délai atteignant souvent deux mois, voire plus.

Un deuxième problème est lié à l’impossibilité d’obtenir une information sur un remboursement ou sur une absence de remboursement, que ce soit par téléphone, tous les correspondants étant toujours occupés – je puis en témoigner, pour avoir personnellement essayé en vain une dizaine de fois d’entrer en contact avec un interlocuteur –, ou par mail, aucune réponse n’étant jamais faite aux questions laissés sur le site internet.

Par ailleurs, le délai d’attente pour la réédition d’une carte Vitale perdue varie entre six et douze mois.

Enfin, on observe une attitude trop administrative en cas de perte de dossiers. Ainsi, lorsqu’elle a égaré des documents originaux qui lui ont été adressés, la LMDE refuse d’effectuer le remboursement sur la base de photocopies et renvoie l’étudiant concerné chez son praticien pour que celui-ci établisse une nouvelle feuille de soins !

Signalons qu’aucun de ces problèmes n’existe avec la télétransmission. En l’absence de carte Vitale, l’étudiant doit faire l’avance complète des frais et attendre le remboursement pendant de longs mois, en espérant que la LMDE ne perdra pas la feuille de soins ! Cela bloque de surcroît tout remboursement par l’assurance complémentaire maladie, celle-ci exigeant la présentation du décompte original du régime de base avant d’y procéder. Cette situation est particulièrement préjudiciable lorsqu’il s’agit de frais optiques ou dentaires, qui sont toujours élevés.

Alors que les enquêtes révèlent que nos étudiants sont mal suivis sur le plan médical et peinent à se soigner, faute de moyens – Le Parisien a publié hier encore un long article sur ce sujet –, cette mauvaise gestion des dossiers fragilise les plus démunis d’entre eux, qui, sachant qu’ils devront attendre le remboursement des frais pendant deux ou trois mois, préfèrent renoncer aux soins.

Madame la secrétaire d’État, que comptez-vous faire pour remédier à ces dysfonctionnements dans la gestion manuelle des feuilles de maladie ? Peut-on imposer à la LMDE de prendre des mesures urgentes pour respecter les règles minimales en matière de service public, comme la fixation d’un délai limite pour répondre aux questions posées par les étudiants sur les remboursements de soins ou l’amélioration des points d’accueil, une attente de deux ou trois heures étant actuellement courante ?

Enfin, il serait souhaitable que soit nommé, dans chacune des mutuelles, un médiateur dont les coordonnées soient facilement accessibles sur les sites internet.

M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d'État.

Mme Nora Berra, secrétaire d'État auprès du ministre du travail, de l'emploi et de la santé, chargée de la santé. Madame la sénatrice, vous appelez mon attention sur les difficultés que peuvent rencontrer les étudiants dans leurs relations avec leur régime de sécurité sociale.

Ces difficultés, notamment en matière de délais de remboursement, étaient en grande partie liées à la mise en place de la carte Vitale avec photographie, qui avait eu d’importantes conséquences sur le fonctionnement des mutuelles.

La procédure qui régissait jusqu’alors l’obtention de la carte Vitale était source de dysfonctionnements : un jeune ne pouvait faire sa demande de carte Vitale qu’au moment de son inscription au régime de sécurité sociale. Compte tenu de la complexité de la procédure, les remboursements prenaient du retard, le temps que l’étudiant rassemble les pièces qui lui étaient demandées.

Ces difficultés de mise en œuvre et les retards qu’elles entraînaient ont eu pour conséquence une forte augmentation du nombre de feuilles de soins papier, puisqu’il ne peut y avoir de télétransmission de feuilles de soins électroniques en l’absence de carte Vitale. Il en est résulté un accroissement du délai pour le remboursement de ces feuilles et une augmentation du nombre de réclamations.

Désormais, les cartes Vitale sont délivrées aux jeunes dès qu’ils atteignent l’âge de 16 ans, donc avant leur affiliation aux mutuelles d’étudiants. Ce changement devrait permettre d’éviter le recours aux feuilles de soins papier, ainsi que les retards de remboursement. La principale source de dysfonctionnements devrait donc disparaître, et les délais de remboursement diminuer.

Toutefois, d’autres facteurs expliquent également les difficultés qui entourent le fonctionnement des régimes de sécurité sociale étudiante.

Par exemple, malgré la mise en place d’une procédure de mutation inter-régimes en partie automatisée, la nature même du régime « étudiant », régime de passage qui impose à chaque étudiant de choisir chaque année sa mutuelle, est source de difficultés opérationnelles, que les modalités de gestion devront prendre davantage en compte.

En effet, les droits ne peuvent être ouverts qu’après que l’établissement d’enseignement a fait connaître à la mutuelle et à la caisse primaire d’assurance maladie de rattachement le choix fait par l’étudiant.

Par ailleurs, la mobilité des jeunes, qui changent fréquemment d’adresse ou de lieu d’études, et les nouveaux programmes incluant des séjours à l’étranger aggravent les difficultés de gestion des mutuelles d’étudiants.

Pour améliorer cette situation, la convention d’objectif et de gestion entre l’État et la Caisse nationale de l’assurance maladie des travailleurs salariés prévoit de forts engagements en matière de qualité de service, notamment en termes de délais de remboursement des soins de santé, d’accueil téléphonique, de délais de réponse aux réclamations. Ces engagements concernent tant les mutuelles délégataires du régime obligatoire que les caisses primaires d’assurance maladie.

Toutes ces évolutions devraient permettre d’éviter dans l’avenir les nombreux dysfonctionnements que vous soulignez, madame la sénatrice.

M. le président. La parole est à Mme Catherine Procaccia.

Mme Catherine Procaccia. Madame la secrétaire d'État, vous m’indiquez que les difficultés constatées sont liées à la mise en place de la carte Vitale avec photographie, mais voilà plus de quatre ans que cet outil a été créé !

Par ailleurs, vous soulignez que les étudiants peuvent changer de mutuelle chaque année : pourquoi ne pas modifier les règles, afin que l’affiliation à une mutuelle étudiante vaille pour la durée des études ? Il n’y a pas de raison de renouveler la procédure chaque année ; il suffit de vérifier que l’étudiant est toujours inscrit dans un établissement d’enseignement supérieur.

En conclusion, je suis quelque peu déçue de cette réponse, madame la secrétaire d’État, car elle correspond exactement à celle que m’a faite la LMDE : je constate que cet organisme est plus prompt à répondre aux parlementaires qu’à ses affiliés, qui lui téléphonent et lui envoient des mails en vain…

pérennité du régime minier

M. le président. La parole est à M. Jean-Marc Todeschini, auteur de la question n° 1153, adressée à M. le ministre du travail, de l'emploi et de la santé.

M. Jean-Marc Todeschini. Madame la secrétaire d’État, la mission d’information sur l’avenir du régime de sécurité sociale minier, constituée à la demande du Gouvernement en mai 2010, a récemment présenté ses conclusions.

Cette mission d’information était chargée de proposer des solutions afin d’accélérer la convergence du régime spécial minier avec le régime général. Son rapport, présenté par M. Yves Bur, est loin de faire l’unanimité, si ce n’est contre lui ! Et pour cause : M. Bur propose en réalité rien de moins qu’une liquidation pure et simple du régime spécial minier, en préconisant la renonciation aux principes fondamentaux de la médecine minière, à savoir la gratuité, la qualité et la proximité des soins.

La proposition de maintenir les dispositions du décret du 31 décembre 2009, que nous avons déjà maintes fois dénoncées, constitue par exemple une véritable provocation à l’égard des affiliés du régime, qui vont voir disparaître la gratuité de nombreuses prestations, comme les transports ou les cures.

Dans le même esprit, alors que le bassin houiller lorrain a déjà subi l’an passé la fermeture de près de la moitié des centres de soins, les préconisations du rapport visent à affaiblir les organismes régionaux du régime minier.

Ces propositions démontrent une grande méconnaissance des réalités et des besoins des populations dans les bassins miniers. Les élus locaux ne s’y sont d’ailleurs pas trompés. De nombreuses communes du bassin houiller et ferrifère de Moselle ont adopté des motions condamnant le rapport Bur, le plus souvent à l’unanimité des membres des conseils municipaux.

Les défenseurs des droits des mineurs voient en effet dans les conclusions de ce rapport une véritable insulte à la mémoire minière et à tous ceux qui ont payé un lourd tribut au redressement de la France après-guerre : certains mineurs ont perdu la vie, la majorité d’entre eux ont développé de nombreuses affections graves et invalidantes.

En suivant les conclusions de ce rapport, vous ne manqueriez pas, madame la secrétaire d’État, de susciter l’indignation de tous ceux qui n’acceptent pas de voir progressivement remis en cause les acquis sociaux d’une population particulièrement fragile, au nom de la lutte contre les déficits sociaux.

Il paraît au contraire essentiel de continuer à défendre aujourd’hui ces principes fondamentaux de la médecine minière que sont la gratuité, l’équité et la proximité. Ces derniers doivent perdurer et être garantis jusqu’à la fin du régime, lequel s’éteindra naturellement dans quelques années.

Toute autre décision non concertée ne pourra être interprétée que comme l’expression d’un véritable et incompréhensible acharnement, venant renforcer un sentiment d’abandon déjà très prégnant dans le bassin houiller mosellan.

C’est pourquoi, madame la secrétaire d’État, j’aimerais que vous nous fassiez part aujourd’hui publiquement de votre intention d’opposer une fin de non-recevoir aux recommandations provocatrices et injustes du rapport de M. Bur. J’aimerais tout particulièrement connaître la position du Gouvernement concernant l’abrogation du décret n° 2009-1787 du 31 décembre 2009.

M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d'État.

Mme Nora Berra, secrétaire d'État auprès du ministre du travail, de l'emploi et de la santé, chargée de la santé. Monsieur le sénateur, je vous prie de bien vouloir excuser M. Xavier Bertrand, ministre du travail, de l'emploi et de la santé, qui m’a chargée de vous transmettre sa réponse.

Le 21 décembre dernier, M. Yves Bur a effectivement remis à M. Xavier Bertrand le rapport que lui avait demandé Mme Roselyne Bachelot-Narquin sur l’avenir du régime de sécurité sociale minier.

Monsieur le sénateur, le ministre du travail ne partage pas votre avis sur le rapport de M. Bur, dont il tient au contraire à souligner la qualité. Il en retient pour sa part les trois idées centrales suivantes.

Premièrement, l’offre de soins du régime minier est indispensable et doit être préservée. Elle est notamment très implantée dans des bassins défavorisés et sous-équipés, dans le Nord et l’Est.

Deuxièmement, pour préserver cette offre de soins, il faut agir. Cela signifie réformer le régime et la gestion de l’offre. La situation financière est très délicate, comme le montre le rapport. En plusieurs endroits, les difficultés financières menacent la pérennité des établissements gérés par le régime. Il faut avoir le courage de regarder la réalité en face.

Troisièmement, il n’est pas question de remettre en cause les acquis du régime minier, en particulier la gratuité des soins, et les acquis du statut minier pour les personnels du régime. Ces principes seront pleinement pris en compte dans les solutions qui seront préconisées.

Par conséquent, M. le ministre engagera, comme il l’a annoncé le 21 décembre, une concertation sur la base du rapport du député Yves Bur, en y associant tant les organisations syndicales du régime que les élus locaux. Leur avis sera précieux sur ce sujet important.

M. le président. La parole est à M. Jean-Marc Todeschini.

M. Jean-Marc Todeschini. Je remercie Mme la secrétaire d’État de m’avoir fait part de la réponse de M. Xavier Bertrand.

On nous annonce une vaste concertation, mais je peux d’ores et déjà affirmer que l’ensemble des élus locaux, y compris ceux de l’UMP, ont une position différente de celle du Gouvernement ! Je ne suis pas hostile par principe à une telle concertation, associant les élus locaux, les organisations syndicales et les ressortissants du régime, mais je sais trop bien que, en général, « modernisation » signifie « fermetures et restrictions »… Il sera de plus en plus difficile aux personnes concernées d’accéder aux soins si les structures de soins ferment, dans la mesure où elles ne peuvent consulter que des praticiens agréés ! Pour cette population, le facteur éloignement joue beaucoup, comme on a déjà pu le voir par le passé. J’espère que l’on entendra les acteurs de terrain !

deuxième plan maladies rares

M. le président. La parole est à M. Marc Laménie, auteur de la question n° 1173, adressée à M. le ministre du travail, de l'emploi et de la santé.

M. Marc Laménie. Ma question concerne les délais et les conditions de mise en œuvre du deuxième plan consacré à la prise en charge des maladies rares.

Un premier plan, voté en 2004 pour la période 2005-2008 et doté de plus de 100 millions d’euros, a permis des avancées significatives dans les domaines de la recherche et du soin. L’année 2009 a été consacrée à l’élaboration du bilan de ce premier dispositif et à l’établissement, par l’équipe du professeur Tchernia, de propositions, regroupées selon sept thèmes, sur la recherche, l’information et le soin. Ces propositions ont été remises aux ministres chargés de la santé et de la recherche le 21 juillet 2010.

Le Gouvernement s’est engagé sur l’élaboration rapide d’un nouveau plan. Cependant, un certain nombre d’associations de malades ont fait part de leurs inquiétudes, s’agissant en particulier des délais.

Madame la secrétaire d’État, à l’approche de la quatrième Journée internationale des maladies rares, prévue le 28 février prochain, je souhaiterais avoir des précisions sur la mise en place de ce deuxième plan, ainsi que sur les actions s’y rapportant et les crédits mobilisés.

M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d'État.

Mme Nora Berra, secrétaire d'État auprès du ministre du travail, de l'emploi et de la santé, chargée de la santé. Monsieur le sénateur, depuis la remise des propositions de l’équipe du professeur Tchernia, le ministère de la santé a entrepris un important travail de mise en forme du deuxième plan « maladies rares » à partir de celles-ci.

Le ministère a également engagé une concertation approfondie avec les acteurs, notamment les associations de patients atteints de maladies rares. Les principales associations ont été reçues par le cabinet de M. Xavier Bertrand et par le mien. Nous avons recueilli leurs observations sur le futur plan national « maladies rares ».

Je tiens à vous rassurer quant au calendrier, monsieur le sénateur : les travaux menés permettront la parution du plan avant la fin du mois de février.

Le nouveau plan capitalisera sur les points forts et les crédits du premier plan. Il renouvellera ainsi l’ambition en matière de lutte contre les maladies rares grâce à une enveloppe de mesures nouvelles.

Le plan se décline autour de trois axes : améliorer la qualité de la prise en charge des patients atteints de maladies rares ; développer la recherche sur les maladies rares ; amplifier les coopérations européenne et internationale.

En ce qui concerne le contenu et les objectifs principaux de ce plan, monsieur le sénateur, il s’agira notamment de faire évoluer les procédures et les critères d’évaluation des centres de références en matière de maladies rares, de mieux répartir les financements entre ceux-ci, de développer leur coordination, d’intensifier la rédaction des protocoles nationaux de diagnostic et de soins, de faire progresser le recueil des données épidémiologiques relatives aux maladies rares en s’appuyant sur une banque nationale de données, de développer les liens avec les acteurs du champ médicosocial et de créer une structure nationale d’impulsion pour la recherche sur les maladies rares.

Vous pouvez donc être rassuré, monsieur le sénateur, et les associations de malades avec vous, quant au respect des engagements pris par le Gouvernement en matière de prise en charge des maladies rares.

M. le président. La parole est à M. Marc Laménie.

M. Marc Laménie. Madame la secrétaire d’État, je vous remercie sincèrement de votre réponse, qui témoigne de l’engagement du ministère sur le sujet.

Je me félicite de ce que vous soyez à l’écoute de l’ensemble des acteurs, en particulier des associations de patients. Je vous remercie des propositions que vous venez de présenter. Votre action s’inscrit, à l’instar de la recherche, dans une démarche de long terme.

construction du centre hospitalier universitaire en guadeloupe

M. le président. La parole est à M. Jacques Gillot, auteur de la question n° 1174, adressée à M. le ministre du travail, de l'emploi et de la santé.

M. Jacques Gillot. Madame la secrétaire d'État, comme vous le savez, la Guadeloupe se situe dans une région du globe à forte intensité sismique. Les événements qui ont touché Haïti l’an dernier nous ont amenés à prendre conscience avec encore plus d’acuité de l’impérieuse nécessité de tout entreprendre pour réduire l’incidence de ce risque inhérent à notre situation géographique.

C’est notamment dans cette optique que s’inscrit la reconstruction du centre hospitalier universitaire de Pointe-à-Pitre en conformité avec les normes parasismiques. La surface globale de cet établissement sera de 80 000 mètres carrés, pour une capacité de 770 lits.

Aux termes des premières estimations, les crédits nécessaires à la réalisation de ce programme de reconstruction du CHU, validé au titre du plan Hôpital 2012, s’élèveraient à 610 millions d’euros.

La déconcentration des activités de soins de suite et de réadaptation vers d’autres établissements permettrait de ramener ce projet à 714 lits, pour un coût estimé à 590 millions d’euros, une priorité étant accordée aux activités de médecine, chirurgie, gynécologie-obstétrique.

Néanmoins, il existe à ce jour de fortes inquiétudes quant au bouclage effectif de l’enveloppe financière nécessaire à la reconstruction du CHU.

Madame la secrétaire d’État, compte tenu de l’importance de cet équipement, nécessaire à la prise en charge dans de bonnes conditions des besoins de la population en matière de soins, j’apprécierais que vous me confirmiez l’engagement de l’État de financer la reconstruction du CHU à un niveau garantissant le bouclage du plan de financement des travaux, à hauteur de 590 millions d’euros, sachant que la part apportée par l’établissement est estimée à 90 millions d’euros.

Par ailleurs, dans le cadre des états généraux de l’outre-mer, a été prévue la mise en place d’un cursus complet des études médicales à l’université des Antilles et de la Guyane, l’UAG. Courant juillet 2009, le ministre de la santé avait confirmé la volonté de l’État d’assurer l’implantation en Guadeloupe d’un campus « santé » à proximité immédiate du futur CHU, regroupant des activités complémentaires de soins, d’enseignement et de recherche.

C’est d’ailleurs dans ce contexte qu’a été constitué, sous l’égide de la préfecture de Guadeloupe et en lien avec l’UAG, le conseil régional et le conseil général, un comité de pilotage chargé de l’élaboration d’un dossier unique entre la Guadeloupe, la Martinique et la Guyane pour la mise en place de ce cycle complet des études médicales. Ce dossier doit être présenté au ministre de l’enseignement supérieur et de la recherche et au ministre de la santé avant la fin de l’année 2011, afin que la conférence des effectifs de juin 2012 puisse prendre en compte cette opération. Le projet pédagogique est ainsi en cours de finalisation et sera présenté lors de la conférence interrégionale du 7 avril prochain.

Madame la secrétaire d’État, compte tenu de l’impérieuse nécessité, pour l’université des Antilles et de la Guyane, de disposer d’outils favorisant un enseignement supérieur de qualité, pouvez-vous me préciser quelles dispositions le Gouvernement entend prendre pour assurer la réalisation effective de ce campus « santé » en Guadeloupe ?

M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d'État.

Mme Nora Berra, secrétaire d'État auprès du ministre du travail, de l'emploi et de la santé, chargée de la santé. Monsieur le sénateur, vous avez appelé mon attention sur construction du centre hospitalier universitaire de Pointe-à-Pitre, en Guadeloupe.

La reconstruction de cet établissement en conformité avec les normes parasismiques a donné lieu à une aide de l’État pour l’acquisition d’un terrain de dix-neuf hectares en 2008, dans la perspective de l’inscription de cette opération dans le plan Hôpital 2012. Ce projet fait partie du protocole de fin de conflit signé en mars 2009.

Le plan santé outre-mer du mois de juillet 2009 prévoit la mise aux normes parasismiques des hôpitaux, donc du CHU. Le programme technique détaillé a été adressé par le CHU à la direction générale de l’offre de soins, la DGOS, au mois de février 2010. En septembre 2010, le comité des risques financiers présidé par la DGOS a préconisé la distinction d’une tranche ferme et d’une tranche optionnelle.

Un courrier de la directrice de la DGOS en date du 23 décembre 2010 a confirmé la demande d’une tranche ferme centrée sur le plateau technique et anticipant, en matière de capacités d’hospitalisation, le développement de l’activité ambulatoire. La tranche ferme et la tranche opérationnelle porteront le total des investissements à un maximum de 770 lits et places, pour 80 000 mètres carrés de surface dans œuvre.

Par ailleurs, ce courrier rappelle que les délibérations des collectivités territoriales sur les travaux de viabilisation sont attendues. Une réunion tenue le 3 janvier 2011 et des échanges techniques ont permis d’avancer dans la définition de chacune des tranches et dans l’évaluation de la part apportée par l’établissement.

La proposition du CHU, instruite par l’agence régionale de la santé, l’ARS, est actuellement examinée par l’administration centrale. La décision de financement de l’État suivra le bouclage définitif de cette phase technique.

Par ailleurs, le Comité interministériel de l’outre-mer du 6 novembre 2009 a retenu, au titre des grands projets structurants, la création d’un cursus complet de formation médicale aux Antilles. Les étudiants en médecine peuvent d’ores et déjà suivre sur place les trois premières années d’études. Actuellement, ils rejoignent les universités de métropole à partir de la quatrième année.

L’objectif est donc d’organiser l’enseignement aux Antilles pour les années suivant la troisième année. Le président de l’université des Antilles et de la Guyane, les préfets, les recteurs, les ARS, les élus territoriaux collaborent à l’élaboration d’un projet qui n’est pas encore finalisé, et donc qui n’a pas été présenté aux ministres chargés de la santé et de l’enseignement supérieur. C’est avec le plus grand intérêt que ce dossier sera examiné le moment venu.

M. le président. La parole est à M. Jacques Gillot.

M. Jacques Gillot. Madame la secrétaire d'État, je vous remercie de votre réponse.

Cela étant, nous aurions souhaité un signal fort, propre à rassurer les professionnels de santé et les étudiants. Pour l’heure, nous demeurons inquiets.

M. le président. Mes chers collègues, nous allons interrompre nos travaux pour quelques instants.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à onze heures trente, est reprise à onze heures quarante.)

M. le président. La séance est reprise.

avenir des maisons d'arrêt

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Michel, auteur de la question n° 1180, adressée à M. le garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés.

M. Jean-Pierre Michel. Je souhaite demander à M. le garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés, quelles sont ses intentions s’agissant de l’avenir des maisons d’arrêt et, plus généralement, de la carte judiciaire.

Le 26 juillet 2010, votre prédécesseur, monsieur le garde de sceaux, a annoncé la fermeture d’un certain nombre de maisons d’arrêt. Cette décision hâtive, qui n’est assortie d’aucune vue d’ensemble, ne prend en considération ni l’aménagement et l’équilibre territoriaux ni les conséquences économiques et sociales d’une telle mesure, notamment pour les personnels. Elle ne tient pas compte non plus de l’état réel des établissements concernés et des possibles rénovations.

Par conséquent, je souhaiterais savoir, monsieur le ministre, si vous êtes enclin à mettre en œuvre un moratoire et à engager une concertation générale sur la fermeture de certains établissements pénitentiaires, ainsi que sur les contours d’une future carte judiciaire. Je désirerais également connaître vos intentions en ce qui concerne plus précisément la maison d’arrêt de Lure, située en Haute-Saône, dans mon département. Cette ville sous-préfecture connaît un contexte très difficile puisque, depuis une dizaine d’années, elle ne cesse de perdre des services publics. En particulier, au 1er janvier de cette année, son tribunal de grande instance a été supprimé.

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Michel Mercier, garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés. Monsieur le sénateur, comme vous l’avez rappelé, le 26 juillet dernier, mon prédécesseur, Mme Alliot-Marie, a annoncé la fermeture d’un certain nombre d’établissements pénitentiaires sur le territoire national, dans le cadre de la restructuration du parc immobilier pénitentiaire.

Cette restructuration vise à assurer des conditions dignes de détention et à garantir la mise en œuvre des prescriptions de la loi pénitentiaire adoptée en novembre 2009 par le Parlement.

Par ailleurs, ce nouveau programme immobilier permettra d’augmenter les capacités d’hébergement de l’administration pénitentiaire, en vue d’améliorer le taux de mise à exécution des peines d’emprisonnement prononcées par les juridictions pénales et d’assurer l’encellulement individuel des détenus, conformément à la volonté du législateur.

Ainsi, dès la fin de l’année 2017, 14 000 nouvelles places remplaceront environ 9 000 places vétustes. La France sera alors dotée de plus de 70 000 places de prison, dont plus de la moitié auront été ouvertes après 1990. Par ailleurs, le Président de la République a annoncé la création de 5 000 places supplémentaires.

Dans ce cadre, la situation des établissements actuels a fait l’objet d’une première étude ayant conduit, en juillet 2010, à l’annonce de quarante-cinq propositions de fermeture d’établissement.

Ces propositions font aujourd’hui l’objet d’un nouvel examen dans le cadre d’une large concertation avec les personnels de l’administration pénitentiaire, mais aussi avec les élus locaux.

La maison d’arrêt de Lure est bien évidemment concernée par cette réévaluation.

L’expertise menée par les services de l’administration pénitentiaire a porté sur le chiffrage du coût des travaux de mise en conformité du bâtiment, de gros entretien, d’amélioration fonctionnelle, notamment avec la création de douches en cellule, et de mise aux normes au regard de la loi pénitentiaire, en particulier en ce qui concerne l’encellulement individuel et la création d’une unité de vie familiale.

Le coût de cette remise à niveau est estimé à plus de 4,5 millions d'euros. En outre, les travaux devraient être réalisés en site non exploité, ce qui nécessiterait la réaffectation du personnel et des détenus dans un autre établissement pendant une durée évaluée à un an.

Comme vous l’aurez compris, monsieur le sénateur, je n’ai pas encore pris de décision à l’heure actuelle. Je mesure bien l’attachement à ces établissements des personnels, qui ont construit leur vie sur leur lieu d’affectation, mais aussi des élus locaux, les emplois liés à la présence d’une maison d’arrêt et la « cantine » des détenus représentant un poids économique non négligeable.

Je compte prendre une décision à la fin du présent semestre. C’est donc à cette échéance que je pourrai vous indiquer quel sera l’avenir de la maison d’arrêt de Lure. En tout état de cause, je ne manquerai pas, auparavant, de m’entretenir avec les élus locaux et éventuellement de me rendre sur place, sachant très bien l’importance d’un tel établissement dans la vie locale.

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Michel.

M. Jean-Pierre Michel. Monsieur le ministre, je vous remercie de votre réponse, qui témoigne du bon sens que l’on vous reconnaît en général. Je constate que vous n’oubliez pas que vous avez été chargé auparavant, au sein du Gouvernement, de l’aménagement des territoires ruraux. Tout cela est donc plutôt de bon augure, mais nous verrons quelle sera finalement votre décision.

Je rappelle tout de même que, pour le Grand-Est de la France, il était prévu de supprimer un certain nombre de petites maisons d’arrêt et de construire de très gros établissements. Or, on le sait très bien aujourd'hui, ces derniers sont difficiles à gérer ; c’est dans de telles structures que surviennent le plus de suicides et d’agressions et que les personnels pénitentiaires subissent le plus de pressions. Je crois donc que le maintien de petits établissements, comme celui de Lure, a tout son intérêt.

J’observe d'ailleurs que le bureau Veritas a certifié en juin 2010 la conformité de la maison d’arrêt de Lure aux règles pénitentiaires européennes. En outre, d’après ce que l’on en sait, la récente visite du Contrôleur général des lieux de détention n’a pas été catastrophique… Je crois donc possible d’aménager cette maison d’arrêt.

À cet égard, je souligne qu’il existe des projets – je porte moi-même l’un d’entre eux – visant à créer des centres pénitentiaires aménagés pour accueillir certains types de détenus, notamment ceux qui sont atteints de troubles mentaux légers ou souffrent d’addictions, par exemple. De tels détenus ne sont pas à leur place dans les grands établissements, où ils gênent. À Lure, ils pourraient trouver un accueil adapté, en lien d'ailleurs avec l’hôpital psychiatrique de la région, dont je préside le conseil d’administration.

adoption des enfants haïtiens

M. le président. La parole est à M. Alain Milon, auteur de la question n° 1176, adressée à M. le garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés.

M. Alain Milon. Monsieur le garde des sceaux, l’article 27-1 de la Convention de La Haye du 29 mai 1993 prévoit que, lorsqu’une adoption ne rompant pas le lien de filiation préexistant a été prononcée dans l’État d’origine de l’enfant, elle peut être convertie en une adoption produisant cet effet, à la double condition que l’État d’accueil le prévoie et – en substance – que le représentant légal de l’enfant ait donné un consentement libre et éclairé à cette conversion.

En 2001, la France a repris cette disposition à l’article 370-5 du code civil, afin que tous les enfants adoptés à l’étranger soient susceptibles de bénéficier de la protection maximale qu’accorde l’adoption plénière. Ce texte exige, pour la conversion d’une adoption étrangère équivalente à une adoption simple en adoption plénière, un consentement exprès à une rupture complète et irrévocable du lien de filiation préexistant.

Il n’est pas discuté que l’adoption en Haïti équivaut à une adoption simple de droit français, donc qu’un acte de consentement indépendant de celui qui est fourni dans le cadre de la procédure haïtienne doit être présenté aux tribunaux français en vue de la conversion.

Entre 2001 et 2009, selon le service de l’adoption internationale, le SAI, du ministère des affaires étrangères, 4 199 enfants haïtiens ont été adoptés par des Français, de sorte que l’on peut estimer à plusieurs milliers les adoptions haïtiennes ainsi converties au vu d’actes reçus par des notaires ou, plus rarement, par des juges de paix.

Durant toutes ces années, ni le SAI ni ses prédécesseurs n’ont averti les familles adoptives d’avoir à faire légaliser ces actes qui, comme ils ne sont pas nécessaires à l’obtention du visa, voire sont obtenus après l’arrivée de l’enfant en France, ne passaient pas par les autorités diplomatiques ou consulaires françaises.

Apparemment, les tribunaux et les cours d’appel, dans leur ensemble, ne se sont pas non plus préoccupés de l’exécution de cette formalité.

Au début de l’année 2010, le responsable du SAI a fait passer aux tribunaux, puis confirmé par une simple lettre adressée à un procureur de la République local, une information selon laquelle les « autorités haïtiennes » seraient « opposées » à ces conversions.

Seules preuves avancées de cette opposition, les juges de paix se seraient vu interdire de recevoir ces consentements, sans qu’il soit précisé ni quand ni par qui, et le commissaire du Gouvernement de Port-au-Prince aurait interdit à ses services, en septembre 2009, de légaliser les consentements reçus par des notaires.

Malgré les demandes qui lui ont été faites, le SAI n’a fourni aucun document d’origine haïtienne susceptible de confirmer cette information, dont on peut s’étonner d’ailleurs qu’elle n’ait pas fait l’objet d’une communication officielle au ministre de la justice et des libertés, vu sa gravité évidente.

Depuis quelques mois, les procureurs de la République, s’appuyant sur cette seule information, donnent à peu près systématiquement des avis défavorables aux conversions demandées, sous les prétextes les plus divers mais, de plus en plus souvent, au seul motif du défaut de légalisation des actes en cause.

Pourtant, dans la plupart des cas, ces actes sont antérieurs, parfois de plusieurs années, à l’interdiction alléguée, de sorte que celle-ci ne peut être la cause de l’absence de cette formalité.

Monsieur le garde des sceaux, pouvez-vous confirmer que l’absence de légalisation des actes de consentement, dont la finalité est seulement d’authentifier la signature de leur rédacteur et en aucun cas d’en approuver le contenu, interdit radicalement la conversion ? Dans ce cas, estimez-vous admissible que les tribunaux aient négligé leurs contrôles au point d’avoir accordé illégalement des milliers de conversions sans consentement légalisé depuis 2001 ?

En tout cas, comment envisagez-vous de contribuer à mettre fin à la disparité impressionnante de jurisprudence, non seulement dans l’espace mais aussi dans le temps, qui est actuellement constatée et qui est susceptible de s’aggraver après l’arrivée de plusieurs centaines d’enfants par convoi spécial à la fin de 2010, certains tribunaux refusant au second enfant d’une famille ce qu’ils ont accordé au premier au vu de dossiers parfaitement identiques, au risque de créer entre les enfants une disparité de statuts certainement peu conforme à leur intérêt ?

M. le président. La parole est à M. le garde des sceaux.

M. Michel Mercier, garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés. Monsieur le sénateur, sur cette délicate question de la conversion des jugements d’adoption simple haïtiens en adoptions plénières, il me paraît important de rappeler deux points.

Tout d’abord, Haïti n’est pas signataire de la Convention de La Haye du 29 mai 1993 sur la protection des enfants et la coopération en matière d’adoption internationale.

Ensuite, le consentement libre et éclairé des parents qui confient leur enfant à l’adoption est exigé tant pour l’adoption simple que pour l’adoption plénière. Bien sûr, dans le cas de cette dernière, la rupture complète et irrévocable du lien de filiation préexistant qui en résulte impose une parfaite compréhension par les parents de naissance des conséquences de cet acte. C’est pourquoi, de manière générale, pour pouvoir convertir une adoption simple en adoption plénière, les juges doivent s’assurer de la réalité et du caractère éclairé de ce consentement.

En ce qui concerne la légalisation, la Cour de cassation a rappelé, par un arrêt du 4 juin 2009, que le non-respect de l’exigence de légalisation suffit pour refuser de reconnaître tout effet en France à un acte étranger. Depuis la fin de l’année 2009, le site internet du ministère des affaires étrangères et européennes informe les adoptants du refus des autorités haïtiennes de légaliser les consentements donnés en vue de l’adoption plénière, qui, comme vous le soulignez, monsieur le sénateur, n’existe pas en droit haïtien.

Il n’est bien sûr pas envisageable que les autorités françaises passent outre la volonté du Gouvernement haïtien à l’égard de ces enfants en légalisant elles-mêmes ces actes. Je vous rappelle que ce sont les relations de confiance existant entre l’État haïtien et la France qui ont permis l’arrivée en urgence en France d’enfants haïtiens en décembre dernier.

Pour ma part, j’ai rappelé aux procureurs généraux, par une dépêche du 22 décembre 2010, ces exigences imposées par le droit international public et la Cour de cassation, afin que des réquisitions adaptées soient prises sur l’ensemble du territoire français.

M. le président. La parole est à M. Alain Milon.

M. Alain Milon. Monsieur le garde des sceaux, je vous remercie de votre réponse technique à une question qui ne l’était pas moins…

Je comprends cette réponse, bien entendu, mais les familles qui ont reçu un enfant à Haïti sont aujourd'hui complètement déboussolées. Surtout, elles vivent très mal la façon dont elles sont traitées par les tribunaux, où, bien souvent, elles ont le sentiment d’être considérées comme des « voleuses d’enfants ». Il serait utile de faire le nécessaire pour améliorer les choses à cet égard.

M. le président. La parole est à M. le garde des sceaux.

M. Michel Mercier, garde des sceaux. Nous veillerons à ce que l’accueil de ces familles soit amélioré.

M. le président. Mes chers collègues, l'ordre du jour de ce matin étant épuisé, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à quatorze heures trente.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à midi, est reprise à quatorze heures trente, sous la présidence de M. Gérard Larcher.)

PRÉSIDENCE DE M. Gérard Larcher

M. le président. La séance est reprise.

7

Débat d’orientation sur la prise en charge de la dépendance et la création d’un cinquième risque

M. le président. L’ordre du jour appelle la discussion du débat d’orientation sur les conclusions de la mission commune d’information sur la prise en charge de la dépendance et la création d’un cinquième risque.

Après avoir entendu le président et le rapporteur de la mission commune d’information, puis les orateurs et la réponse de Mme le ministre des solidarités et de la cohésion sociale, qui tracera peut-être les perspectives du futur, nous procéderons à un débat interactif et spontané, dont la durée a été fixée à une heure trente par la conférence des présidents.

Mission commune d’information

M. le président. La parole est à M. le président de la mission commune d’information.

M. Philippe Marini, président de la mission commune d’information sur la prise en charge de la dépendance et la création d’un cinquième risque. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, je tiens tout d’abord, au nom de la mission commune d’information sur la prise en charge de la dépendance et la création du cinquième risque, à remercier le président du Sénat d’avoir proposé à la conférence des présidents l’organisation du présent débat, qu’il nous fait d’ailleurs l’honneur de présider. Il confirme ainsi la capacité d’anticipation du Sénat, sur ce sujet comme sur beaucoup d’autres.

Dès 2007, dans l’enceinte du palais du Luxembourg, le Président de la République a exprimé son souhait que le Parlement soit saisi d’un projet de loi sur la dépendance. La Sénat, soucieux de prendre toute sa part à ce débat, a alors constitué une mission commune d’information composée à parts égales de membres de la commission des affaires sociales et de membres de la commission des finances.

Nous avons tenu de multiples séances de travail, auditionné un grand nombre d’acteurs et accompli, je parle sous le contrôle de nos collègues, des travaux très pluralistes. Nous avons par ailleurs effectué plusieurs déplacements de travail et de documentation dans divers pays, au sein et à l’extérieur de l’Europe, afin d’observer le fonctionnement des systèmes de protection contre le risque de dépendance. Nous avons ainsi pu élaborer un rapport d’étape, publié en juillet 2008, qui dressait un panorama complet de la prise en charge de la dépendance et des enjeux essentiels auxquels notre pays est aujourd’hui confronté, et le sera plus encore dans les années à venir. Plusieurs questions se posent à nous.

Premièrement, comment prendre en compte le vieillissement de la population et assurer la meilleure prise en charge possible des personnes en perte d’autonomie ?

Deuxièmement, quels financements mobiliser pour relever un tel défi et comment répartir les moyens entre solidarité nationale et prévoyance individuelle ?

Troisièmement, quelle gouvernance construire pour ce nouveau risque qui ne pouvait, par nature, être pris en compte dans l’architecture de la sécurité sociale en 1945 ?

Le rapport d’étape qu’Alain Vasselle et moi-même avons présenté en 2008 a, me semble-t-il, été un élément important du débat qui a cheminé depuis lors et nos orientations, souvent soutenues, parfois critiquées, ont été au cœur des discussions.

Alors que le Président de la République et le Gouvernement ont lancé le débat national sur la dépendance, il était justifié d’achever les travaux de la mission, qui n’a plus d’existence juridique depuis le 31 janvier.

L’essentiel des analyses et propositions que nous avions formulées en 2008 a été validé. En revanche, les finances publiques ont évolué dans le mauvais sens. La situation financière des administrations publiques est, hélas ! beaucoup plus dégradée après la crise qu’elle ne l’était sur la base des comptes de 2007. Ainsi, pour ne prendre qu’un exemple, nous avions préconisé d’utiliser les excédents de la branche famille de la sécurité sociale. Or, aujourd’hui, les excédents ont disparu et nous devons même faire face à un déficit substantiel !

Madame la ministre, vous avez bien voulu nous réserver vos réflexions lors de la dernière séance de la mission commune d’information. Nous ne nous doutons guère qu’au cours de cette phase de lancement du débat national, vous vous garderez soigneusement de vous prononcer sur les orientations privilégiées par la mission. Sinon, vous ne joueriez en effet pas totalement le jeu du débat. Nos échanges d’aujourd’hui pourront cependant nous permettre d’approfondir la discussion, d’élargir la connaissance de ce difficile sujet et de bien mettre en évidence notre objectif, qui est d’assurer une prise en charge de qualité, équitable et soutenable, au sens de la soutenabilité financière, de la perte d’autonomie des personnes âgées.

Permettez-moi d’évoquer les aspects financiers des propositions de notre mission commune d’information auxquels, vous le comprendrez, je suis particulièrement attaché.

Mes chers collègues, nous nous devons de rechercher les moyens les plus efficaces d’articuler solidarité nationale et prévoyance individuelle. Nos propositions sont axées sur un partenariat public-privé. La mission considère en effet que la prise en charge de la dépendance doit continuer à reposer en premier lieu sur un socle solidaire large. Il n’est pas question, dans notre esprit, d’organiser une quelconque privatisation progressive de la prise en charge des personnes âgées dépendantes.

M. Guy Fischer. C’est pourtant ce que l’on dit !

M. Philippe Marini, président de la mission commune d’information. Eh bien, c’est une profonde erreur, car de tels propos ne sont pas fidèles aux propositions de la mission !

Nous observons simplement que la situation actuelle des finances publiques, et leur évolution prévisible, ne permettra sans doute pas d’augmenter massivement le niveau des ressources publiques consacrées au cinquième risque, même s’il est nécessaire, et nous faisons des propositions en ce sens, de trouver des sources de financement complémentaire par rapport à ce qui existe actuellement.

Certains nous disent, et je voudrais, mes chers collègues, vous inviter à lutter contre cette tendance, que l’effort à accomplir ne serait pas si considérable que cela…

M. Jean Desessard. C’est exact !

M. Philippe Marini, président de la mission commune d’information. … car le nombre des personnes dépendantes ne va pas exploser brutalement au cours des prochaines années.

M. Guy Fischer. C’est vrai !

M. Philippe Marini, président de la mission commune d’information. On trouve, en particulier du côté gauche de cet hémicycle, des représentants d’une école assez « minimisante », si j’ose ainsi m’exprimer. Mais il faut bien admettre que de tels propos ne sont pas nécessairement erronés.

M. Guy Fischer. Dont acte !

M. Yves Daudigny. C’est bien de le reconnaître !

M. Philippe Marini, président de la mission commune d’information. Dans une vision à court terme, ils sont même assez pertinents, mais ils négligent deux éléments fondamentaux.

En premier lieu, notre objectif n’est pas de proposer un emplâtre pour que la situation tienne quelques années de plus. Nous cherchons au contraire à définir des solutions de financement pérennes pour les prochaines décennies, qui verront arriver à l’âge de la dépendance potentielle les générations du baby-boom. Nous sommes confrontés à un enjeu de société, ce qui suppose d’inspirer confiance sur le long terme et de trouver des règles du jeu aussi durables que possible.

En second lieu, la prise en charge de la perte d’autonomie n’est pas le seul domaine où les besoins en ressources sont appelés à croître. Je rappelle que le déficit de l’assurance maladie devrait avoisiner les 14 milliards d’euros en 2011. En outre, rien ne nous permet d’affirmer que les besoins en soins diminueront à l’avenir.

C’est à l’aune de l’ensemble de ces éléments que nous pensons, en toute sincérité, que la prévoyance individuelle doit venir compléter le socle de solidarité.

Dans ce cadre, l’une des propositions les plus commentées de la mission commune d’information, celle qui a retenu un peu l’attention des médias, tend à permettre de conditionner le versement de l’allocation personnalisée d'autonomie, l’APA, à une prise de gage sur le patrimoine des personnes âgées au moment de leur entrée en dépendance. Cette suggestion suscite parfois des incompréhensions et favorise des commentaires qui me paraissent éloignés de l’esprit de nos travaux.

Les critiques que l’on entend le plus souvent sont de deux ordres : d’une part, le gage conduirait des personnes âgées modestes à renoncer au bénéfice de l’APA pour préserver l’héritage de leurs enfants ; …

M. Guy Fischer. C’est vrai !

M. Philippe Marini, président de la mission commune d’information. … d’autre part, le gage constituerait une rupture d’égalité entre les personnes qui meurent de la maladie d’Alzheimer et vivent donc une période de dépendance et celles qui décéderaient des suites d’un cancer ou d’une maladie cardio-vasculaire.

Je tiens d’abord à rappeler les contours exacts de la proposition de la mission commune d’information.

Tout d’abord, la prise de gage ne concernerait que la fraction de patrimoine dépassant un seuil que nous imaginons pouvoir être fixé entre 150 000 euros et 200 000 euros, ...

M. Guy Fischer. C’est plus qu’annoncé !

M. Philippe Marini, président de la mission commune d’information. ... ce qui exclurait les patrimoines modestes.

En 2008, lorsque nous avions proposé ces seuils, le patrimoine médian des personnes âgées de 70 ans et plus s’élevait à 150 000 euros. Depuis lors, le niveau des patrimoines a pu se modifier et il conviendrait, à l’issue du débat national, de reconsidérer le seuil de déclenchement de cette disposition. Il n’en reste pas moins que, en aucun cas, on ne peut affirmer que nous risquons de porter atteinte aux droits des personnes les plus modestes.

D’abord, la nature de la prise de gage est très loin de celle du recours sur succession : le choix est fait en toute clarté au moment de la mise en place du plan d’autonomie. Les héritiers ne sont donc pas pris par surprise après le décès. Par ailleurs, le montant du gage, plafonné à 20 000 euros quelle que soit la durée de la période de dépendance, ne représente qu’une part très faible de la valeur de la succession.

J’en viens à la comparaison entre la dépendance et d’autres affections graves. Il convient de rappeler que la prise de gage que nous proposons ne concernerait en aucun cas les dépenses de soins : elle serait réservée aux dépenses couvertes par l’APA, de sorte qu’il ne saurait y avoir de rupture d’égalité entre catégories de malades. De plus, la prise de gage ne concernerait que l’APA à domicile et non l’APA versée aux personnes accueillies en établissement d’hébergement pour personnes âgées dépendantes, EHPAD. J’insiste sur cet élément qui figure déjà de manière claire dans les conclusions du rapport d’étape de 2008. Les sommes versées au titre de l’APA aux personnes âgées dépendantes en EHPAD sont soumises au recours sur succession si ces personnes bénéficient de l’aide sociale à l’hébergement.

À travers cette mesure, notre intention est non seulement de maîtriser la dépense publique, mais aussi et surtout de mettre en œuvre une solidarité intergénérationnelle. Est-il anormal que, dans une famille disposant d’un patrimoine significatif, une petite partie de celui-ci puisse être mobilisée pour permettre la prise en charge la plus adaptée aux besoins d’un parent qui entre en dépendance et traversera une période difficile nécessitant l’appel à la solidarité de ses enfants, voire de ses petits-enfants ? Il nous semble qu’il s’agit là d’une mesure profondément équitable. Indépendamment même des modalités financières qui l’accompagneront, celle-ci traduit une certaine vision de la société et des rapports entre générations.

Je souhaite évoquer maintenant les nouvelles sources de financement qui pourraient être mobilisées pour faire face au développement des besoins en matière de prise en charge de la dépendance.

Dans le rapport d’étape de 2008, afin d’alléger le reste à charge des familles, nous proposions certains transferts entre les différents tarifs des EHPAD – le rapporteur reviendra certainement sur ce sujet, qui est crucial – et nous imaginions de financer cette mesure en utilisant les excédents de la branche famille de la sécurité sociale. Aujourd’hui, cette branche est à son tour devenue déficitaire. Il nous faudra donc trouver des ressources complémentaires.

Plusieurs propositions ont été formulées par les différentes personnalités que nous avons auditionnées : d’aucuns suggèrent d’étendre l’assiette de la contribution solidarité autonomie, d’autres de créer une seconde journée de solidarité, d’autres encore d’aligner le taux de CSG payé par les retraités sur celui des actifs…

Pour les membres de la mission, chacune de ces pistes doit être analysée avec prudence dans le contexte actuel de sortie de crise et de niveau déjà élevé des prélèvements obligatoires. Toutefois, les deux premières devraient être expertisées avec un soin particulier. Nous estimons même que la solution la plus réaliste serait la création d’une seconde journée de solidarité.

M. Bruno Sido. Tout à fait !

M. Guy Fischer. C’est lâché !

M. Philippe Marini, président de la mission commune d’information. Cette nouvelle journée de solidarité pourrait rapporter environ 2,3 milliards d’euros, ce qui est loin d’être négligeable.

M. Bruno Sido. Certes !

M. Philippe Marini, président de la mission commune d’information. Surtout, cela accroîtrait le volume d’heures travaillées dans l’économie et favoriserait sa compétitivité ! (Sourires ironiques sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)

M. Guy Fischer. C’est sûr !

M. Philippe Marini, président de la mission commune d’information. Cela favoriserait le commerce extérieur et aurait un effet positif sur la croissance.

Mme Raymonde Le Texier. Cela va sans dire !

M. Guy Fischer. On est tous d’accord !

M. Philippe Marini, président de la mission commune d’information. Il s’agirait également d’un élément de solidarité qui permettrait à la Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie, la CNSA, de doubler à peu près ses ressources et de mieux contribuer au financement des départements. Nous connaissons tous ce sujet : même si elle n’a pas de fondement législatif, la règle de partage équitable des dépenses entre l’État et les départements est pour nous un objectif dont il faudra se rapprocher. Pour ce faire, nous ne voyons pas de meilleure solution que les deux propositions que je viens de formuler : une nouvelle journée de solidarité et le gage patrimonial.

J’en viens à présent aux aspects relatifs à l’assurance.

La position de notre mission commune d’information diffère de celle de nos collègues députés. Ceux-ci ont proposé de créer une assurance dépendance obligatoire à compter de l’âge de 50 ans. La solution est séduisante : une telle assurance obligatoire mutualiserait le risque. Néanmoins, ce dispositif présente à nos yeux des difficultés telles qu’il ne peut pas être sérieusement envisagé.

Tout d’abord, dans notre pays, jusqu’à présent, les assurances obligatoires sont réservées à la protection des tiers.

Ensuite, mettre en œuvre une assurance obligatoire dans le domaine de la dépendance imposerait de répondre à des questions d’une redoutable complexité. Par quels moyens contrôler le respect de l’obligation d’assurance ? Quelles sanctions appliquer en cas de défaut d’assurance ? Quelles seraient les prérogatives déléguées aux organismes d’assurance en matière de refus de garantie, de tarifs, de sélection médicale ?

Enfin et surtout, à notre sens, une telle solution serait hypocrite. Comment, dans le même temps, déclarer qu’il n’est pas opportun d’augmenter les prélèvements obligatoires et proposer de créer un système d’assurance qui s’impose à tous ? Quelle différence existe-t-il réellement entre ces deux mesures ?

M. Bruno Sido. Cela se discute !

M. Philippe Marini, président de la mission commune d’information. Notre préférence va à la généralisation de la base assurantielle fondée sur une adhésion volontaire.

M. Philippe Marini, président de la mission commune d’information. Cela suppose des incitations fiscales à la souscription, dans le cadre d’un redéploiement de la dépense fiscale de ce secteur.

En la matière, les solutions sont nombreuses. Je me contenterai de les évoquer. Il est possible de prolonger l’assurance-vie, de la faire déboucher sur un élément de couverture du risque de dépendance, de greffer cette couverture sur des produits existants, par exemple, sur des produits d’entreprise comme le plan d’épargne retraite collectif, le PERCO, qui est proposé aujourd'hui par un très grand nombre d’entreprises.

Enfin, et c’est un élément nouveau, il nous semble que l’utilisation des contrats complémentaires santé comme vecteur de diffusion de la couverture de la perte d’autonomie s’intègre également dans l’approche multisupport que préconise la mission commune d’information. Aujourd’hui, 93 % de la population est couverte par un tel contrat. Je rappelle aussi que, d’ores et déjà, les mutuelles de la fonction publique offrent depuis 1996, à plus de 3 millions de nos concitoyens, une couverture dépendance en inclusion automatique à leur contrat de complémentaire santé et prévoyance. Sous réserve d’un examen approfondi des modalités d’un tel développement, en liaison avec les organismes mutualistes et assurantiels, il nous semble que nous pourrions progresser dans cette voie.

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, vous trouverez dans le rapport de la mission commune d’information d’autres analyses que je ne détaillerai pas ici. Nous sommes face à un sujet crucial et nouveau en matière de couverture des risques sociaux. Il s’agit d’un domaine dans lequel l’État comme les départements partagent une responsabilité.

Nous connaissons la situation financière des départements et savons que les difficultés auxquelles ils sont confrontés sont notamment induites par la progression des charges payées au titre de l’APA. Par ailleurs, les situations peuvent différer d’un département à l’autre. Par conséquent, même si la base des dépenses à la charge des communes est définie par la loi à l’échelon national, il n’est pas inutile de développer dans chaque département des éléments d’action sociale reflétant la réalité du terrain.

Nous savons enfin – notre collègue de Dordogne nous le confirmait pendant nos travaux – que pour certains départements vieillissants et ruraux, les soins à domicile, la prise en charge de la dépendance des personnes âgées, constituent un vrai secteur d’activité, source de vrais emplois qui, sans le défi social que nous devons relever, n’auraient sans doute jamais été créés.

M. Bruno Sido. Tout à fait !

M. Guy Fischer. Nous en reparlerons !

M. Philippe Marini, président de la mission commune d’information. De ce point de vue, l’implication des assemblées locales est un élément crucial. C’est pourquoi la mission souhaite une gouvernance partagée et un partage égal des financements entre l’État et les départements. (Applaudissements sur les travées de lUMP et de lUnion centriste.)

M. le président. La parole est à M. le rapporteur.

M. Alain Vasselle, rapporteur de la mission commune d’information sur la prise en charge de la délinquance et la création d’un cinquième risque. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, l’organisation du présent débat confirme – si besoin était – le rôle de vigie que joue le Sénat sur les sujets de société les plus importants.

En créant une mission d’information dès 2007, la Haute Assemblée s'est penchée la première, de manière approfondie, sur la prise en charge de la perte d’autonomie et les moyens de faire face au vieillissement de la population.

M. Guy Fischer. Nous sommes les meilleurs !

M. Jean-Louis Carrère. Les plus âgés, surtout ! (Rires.)

M. Alain Vasselle, rapporteur de la mission commune d’information. Il y a deux ans, comme l’a rappelé Philippe Marini, après la publication de notre rapport d’étape, nous pensions que le Parlement serait rapidement appelé à légiférer. Il n’en a rien été. Le vrai débat, c’est celui que le Gouvernement a décidé de lancer en prenant le temps de la concertation. Mme la ministre, en s’inscrivant dans la ligne des propositions tracée par le Président de la République, a donc mis en place des groupes de travail chargés de réfléchir sur ce sujet.

M. Guy Fischer. Pour 2013 !

M. Alain Vasselle, rapporteur de la mission commune d’information. Lors des six mois à venir, je ne doute pas, madame la ministre, que les travaux du Sénat et de l’Assemblée nationale enrichiront la réflexion de ces groupes de travail.

Finalement, le retard pris sur ce chantier est peut-être un mal pour un bien. En effet, si nous avions statué sur ce sujet dès 2008, nous n’aurions pu prendre en considération les effets de la crise économique et financière et il est fort probable que nombre de propositions seraient restées lettre morte, ce qui n’aurait pas manqué de créer une certaine désillusion.

En outre, il serait de mauvaise foi de considérer que rien n’a été fait dans le domaine de la prise en charge de la perte d’autonomie. Bien au contraire, le secteur de la dépendance a connu de très importantes réformes, dont celle de la tarification des établissements d’hébergement pour personnes âgées dépendantes, les EHPAD, que nous avions introduite dans la loi de financement de la sécurité sociale pour 2009, les membres de la commission des affaires sociales s’en souviennent certainement. Sont aussi à considérer tous les apports concernant la gouvernance du secteur médico-social, intégrés dans la loi portant réforme de l’hôpital et relative aux patients, à la santé et aux territoires, ou loi HPST, que vous avez défendue pied à pied devant le Sénat, madame la ministre Roselyne Bachelot, en dépit des états d’âme que suscitaient certaines dispositions du texte. La raison a toutefois fini par l’emporter et, aujourd’hui, les agences régionales de santé, les ARS, ont leur place dans le paysage institutionnel.

M. Guy Fischer. Vous ne les aimez pas ! (Sourires.)

M. Alain Vasselle, rapporteur de la mission commune d’information. Nous devrions rapidement constater les retombées – que nous espérons positives – de leur action.

Le Sénat qui fut, hier, le premier à formuler des propositions est, aujourd’hui, le dernier à présenter des conclusions complémentaires. Compte tenu des suggestions formulées par d’autres instances, notamment celles de la mission d’information de l’Assemblée nationale, il nous est apparu utile et pertinent d’actualiser et de compléter nos travaux.

Notre objectif n’était pas de proposer une réforme clé en mains, c’eût certainement été très prétentieux de notre part, d’autant que nous ne disposions pas de tous les éléments pour se faire. Notre objectif était plutôt de dégager des orientations, d’affirmer des préférences et d’écarter certaines solutions ne nous paraissant pas acceptables. Ainsi en est-il de la création d’une assurance obligatoire, proposée par la mission de l’Assemblée nationale, qui, à nos yeux, présente plus d’inconvénients que d’avantages. Je constate d’ailleurs que cette idée est étrangère à ce Gouvernement, comme elle l’était à ceux qui l’ont précédé. La création d’une cinquième branche de la sécurité sociale, qui était défendue par quelques parlementaires – ils n’étaient pas légion –, n’a jamais été retenue ni par le Gouvernement de M. Jospin, ni par Martine Aubry lorsqu’elle était en charge de la solidarité, ni par les gouvernements qui se sont succédé.

Le présent débat a pour objet de nous permettre d’approfondir les différentes dispositions présentées par la mission commune d’information. Pour actualiser les propositions que nous avions formulées en 2008, nous avons tenu compte de trois éléments importants.

En premier lieu, les marges de progrès en matière de qualité de la prise en charge des personnes dépendantes sont encore grandes. Le problème du reste à charge en établissement, en particulier, n’est toujours pas réglé. Il varie de manière considérable. Alors qu’il s’établit en moyenne, pour les établissements publics, entre 1 400 et 1 500 euros par mois, il s’élève à 2 200 euros et peut même atteindre 5 500 euros par mois dans des établissements médico-sociaux privés. Ces différences de prix s’expliquent en partie par la localisation géographique, le coût du foncier étant très élevé en Île-de-France ou dans d’autres régions.

En deuxième lieu, la question du financement de la prise en charge de la dépendance reste entière dans un contexte financier et budgétaire extrêmement contraint. Dans ces conditions, certaines hypothèses de financement que nous envisagions sont devenues caduques, notamment, Philippe Marini l’a rappelé, l’utilisation des excédents de la branche famille ou encore la mobilisation du Fonds de réserve pour les retraites, le FRR, qui, nous le savons, servira à financer les déficits de la branche vieillesse jusqu’en 2018.

Mme Christiane Demontès. Il n’existe plus !

M. Guy Fischer. Vous l’avez siphonné !

M. Philippe Marini, président de la mission commune d’information. Pour la réforme des retraites !

M. Alain Vasselle, rapporteur de la mission commune d’information. En troisième et dernier lieu, le poids des dépenses consacrées à la prise en charge des personnes âgées dépendantes s’accroît très fortement dans le budget des départements et met ceux-ci dans une situation particulièrement difficile. En effet, la participation des départements avoisine 70 %, contre 30 %, voire 25 %, au titre de la solidarité nationale.

Face à ces différents constats, un grand nombre des propositions formulées par le rapport d’étape de 2008 demeurent pleinement d’actualité.

Je n’évoquerai que brièvement les questions financières, qui ont été parfaitement présentées voilà quelques instants par Philippe Marini. J’ajouterai simplement que nous gagnerions sans doute à évoquer de manière globale la question du vieillissement de la population et de ses conséquences. Il y a quelques mois, nous avons examiné l’importante réforme des régimes de retraite. Dans peu de temps, nous statuerons sur la prise en charge de la dépendance. Nous n’échapperons pas, par ailleurs, à des réformes dans le secteur de l’assurance maladie, compte tenu de son déficit préoccupant : 14 milliards d’euros, comme l’a rappelé Philippe Marini. À un moment donné, il serait certainement utile de nous interroger sur l’effort global qui nous paraît devoir et pouvoir être fait pour répondre au défi du vieillissement.

Ce débat n’est pas médiocre et ne justifie aucun catastrophisme. L’allongement de la durée de la vie est une bonne nouvelle pour notre société qui a, en outre, la chance d’avoir un taux de natalité relativement élevé. Les conséquences économiques et financières du vieillissement de la population sont loin d’être entièrement négatives. En effet, les personnes âgées ont moins besoin d’épargner, contribuent pour une part importante à la consommation de notre pays, viennent en aide à leurs enfants et petits-enfants. Je vous renvoie à un rapport du Haut Conseil pour l’avenir de l’assurance maladie, qui a montré que la corrélation entre vieillissement et dépenses d’assurance maladie était complexe et pas aussi automatique que l’on veut bien le dire parfois.

Je crois donc, mes chers collègues, que nous devons réfléchir sereinement aux moyens de financer de manière équitable, et soutenable pour nos finances publiques, les besoins nouveaux liés au vieillissement. À cet égard, les propositions de la mission sont équilibrées et reposent sur une articulation nécessaire entre solidarité nationale et prévoyance individuelle.

En 2008, la mission s’était engagée clairement en faveur d’un financement mixte public-privé de la prise en charge de la dépendance, souhaitant garantir un socle élevé de solidarité complété par le développement de garanties assurantielles. L’aggravation de la situation des finances publiques intervenue depuis lors ne fait que conforter ce choix.

La gestion du cinquième risque ne pourra se faire, je l’ai évoqué tout à l’heure, en décalquant les schémas mis en place au lendemain de la Seconde Guerre mondiale.

De la même manière, notre choix de distinguer la compensation du handicap et la prise en charge de la dépendance des personnes âgées conserve sa pertinence. Il existe en effet des différences objectives entre le handicap, qui revêt un caractère aléatoire et accidentel – je parle sous le contrôle de Bernadette Dupont, qui très au fait de ces questions –, légitimant un très large recours à la solidarité nationale, et la dépendance, qui constitue un risque prévisible. En outre, une prise en charge de la dépendance exactement calquée sur les modalités mises en œuvre pour le handicap entraînerait un quasi-triplement de l’allocation personnalisée d’autonomie et serait budgétairement insoutenable.

Notre collègue Jacques Blanc a attiré mon attention sur le fait que les personnes handicapées de plus de 60 ans sont doublement pénalisées. Je rappelle que lorsqu’une personne handicapée atteint l’âge de 60 ans – 62 ans demain –, elle peut opter pour le maintien de la prestation de compensation du handicap – ou de l’ancienne allocation compensatrice pour tierce personne, pour ceux qui la perçoivent encore –, ou pour l’allocation personnalisée d’autonomie. De surcroît, et je parle sous le contrôle d’un président de conseil général, elle reçoit la visite d’une équipe médico-sociale qui ajuste le plan d’aide en fonction de l’évolution de son niveau de handicap ou de dépendance.

Il nous apparaît essentiel de maintenir des actions de prévention de la dépendance. C’est d’ailleurs l’une des raisons pour lesquelles nous ne sommes pas favorables à la suppression du quatrième groupe iso-ressources, ou GIR 4, proposée par les députés. Une telle proposition peut apparaître séduisante dès lors que les personnes en GIR 4 ont un niveau de dépendance encore peu important, mais la suppression de certaines interventions, à domicile ou en établissement, pourrait avoir des effets négatifs en termes de prévention et accélérer le passage de certaines personnes âgées à un niveau de dépendance plus lourd.

En ce qui concerne la prise en charge à domicile, il nous apparaît essentiel de rendre fiable la grille AGGIR – autonomie gérontologie groupes iso-ressources – afin de permettre une évaluation plus objective de la perte d’autonomie et de mieux prendre en compte la maladie d’Alzheimer et les pathologies apparentées. Ces mesures sont indissociables de l’instauration d’un véritable partenariat public-privé – j’insiste sur ce point – qui doit aboutir à l’élaboration de référentiels communs d’évaluation des besoins et d’attribution des prestations entre financeurs publics et privés. À ce titre, un groupe de travail animé par la CNSA a formulé une dizaine de propositions en ce sens, et a suggéré la création d’une commission nationale du partenariat public-privé.

La proposition de la mission de relever les plafonds d’aide de façon ciblée pour les personnes isolées et les patients atteints de maladies neuro-dégénératives ou de pathologies de type Alzheimer reste d’actualité. Nous proposons que soit revalorisé périodiquement le montant des plans d’aide.

La mission d’information estime également que la définition du cadre juridique de l’aide à domicile doit relever d’une approche plus globale et plus précise. En particulier, la coexistence d’un régime d’autorisation et d’un régime d’agrément qualité pour les services d’aide à domicile est difficilement compréhensible pour les usagers et les services. Cette dualité de procédures ne permet pas une régulation rationnelle du secteur. C’est la raison pour laquelle nous souhaitons la suppression du régime d’autorisation.

Dans le domaine de la prise en charge en établissement, la maîtrise du reste à charge reste un axe de réflexion prioritaire. Nous faisons deux propositions.

D’une part, les dépenses d’animation-service social ainsi qu’une part accrue des charges d’agents de service pourraient être transférées sur la partie dépendance.

D’autre part, l’intégralité du financement des aides-soignants devrait être basculée vers le tarif soins. Autrement dit, la part de cette dépense que supportent actuellement les départements serait prise en charge par l’assurance maladie. Bien entendu, il faudra veiller que cette dernière reçoive une juste compensation pour éviter de creuser encore davantage son déficit global.

Nous proposons également de mettre en place parallèlement un tarif dégressif de l’APA. Cela permettrait de réduire la dépense pour les personnes disposant de revenus élevés et qui ne supportent pas de reste à charge. Le gain global pour les personnes hébergées en établissement atteindrait 1,2 milliard d’euros, soit une diminution moyenne de près de 200 euros par mois du reste à charge.

Dans la mesure où, comme je l’ai dit à l’instant, l’assurance maladie verrait a contrario ses charges accrues, il faudrait lui assurer des ressources nouvelles. Dans le domaine de l’efficience de la dépense, d’importants progrès restent donc à accomplir.

Le Parlement a voté, en 2008, une importante réforme de la tarification des EHPAD, laquelle, madame la ministre, n’est pas encore entrée en vigueur, le décret d’application n’étant toujours pas publié, ni approuvé d’ailleurs. J’espère que vous ne prendrez pas prétexte du débat national pour retarder la mise en œuvre d’une réforme adoptée voilà deux ans dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2009.

M. Guy Fischer. Calcul électoral !

M. Alain Vasselle, rapporteur de la mission commune d’information. Nous n’aimerions pas vivre une situation analogue à celle que nous avons connue en matière d’identification des médecins hospitaliers prescripteurs, lorsque nous avions attendu plusieurs années la sortie du décret d’application.

M. Alain Vasselle, rapporteur de la mission commune d’information. Par ailleurs, une source non négligeable d’économies réside dans les possibilités offertes par les reconversions de lits. Faut-il le rappeler, c’est dans la loi HPST que fut intégrée la fameuse notion de « fongibilité asymétrique » ?

En outre, la mission souhaite la mise en place de référentiels de coûts d’hébergement, qui gagneraient, à terme, à devenir opposables. Mes chers collègues, il est à craindre que certains établissements médico-sociaux privés – d’aucuns vont encore dire que je leur fais un procès d’intention ! – n’essaient de se refaire une santé, si je puis m’exprimer ainsi, en faisant évoluer à la hausse les faux frais d’hébergement, les tarifs dépendance et soins étant, quant à eux, encadrés.

J’en viens à la question de la gouvernance.

Si celle-ci a été très largement réglée dans le cadre de la loi Hôpital, patients, santé et territoires, nous souhaitons tout de même une modification de la loi organique, pour permettre au Parlement de se prononcer sur l’ensemble des recettes et des dépenses du secteur médico-social, y compris les ressources propres de la CNSA et le complément que la caisse apporte sur ces mêmes ressources à l’objectif national des dépenses d’assurance maladie pour le secteur médico-social, ou ONDAM médico-social.

Nous devrions également pouvoir nous prononcer sur l’ensemble de l’objectif global de dépenses. Si une révision constitutionnelle se révélait nécessaire, nous pourrions prendre appui sur le projet de loi constitutionnelle, que le Gouvernement souhaite déposer prochainement et dont la presse se fait en ce moment l’écho, …

M. Guy Fischer. En juin ou juillet !

M. Alain Vasselle, rapporteur de la mission commune d’information. … pour inscrire dans la Constitution la trajectoire de réduction de nos déficits publics.

Nous proposons aussi de réaffirmer le principe de parité de financement de l’APA entre l’État et les conseils généraux. Le Sénat a toujours plaidé en faveur de cette répartition égalitaire. Pour ce faire, Philippe Marini l’a rappelé tout à l’heure, l’une des voies envisageables est la création d’une seconde journée de solidarité.

J’évoquerai maintenant la question de la péréquation de l’APA entre les départements, à laquelle notre collègue Bruno Sido tient comme à la prunelle de ses yeux.

M. Bruno Sido. Tout à fait !

M. Alain Vasselle, rapporteur de la mission commune d’information. Nous proposons de supprimer la référence au nombre de bénéficiaires du RMI, …

M. Bruno Sido. Bien sûr !

M. Alain Vasselle, rapporteur de la mission commune d’information. … pour la remplacer par un critère de revenu par habitant, et de substituer la notion de « potentiel financier » à celle de « potentiel fiscal ».

Nous entendons nous engager dans la voie de l’expérimentation, préoccupation à laquelle notre collègue Éric Doligé est très sensible. C’est en effet lors d’un déplacement que nous avons effectué dans le département du Loiret que nous est venue cette idée : permettre à certains départements d’expérimenter, sur une base volontaire, une gestion déléguée des crédits d’assurance maladie des EHPAD, ce qui présenterait l’avantage de ne plus avoir qu’une autorité unique et d’agir plus efficacement qu’aujourd’hui sur le reste à charge en EHPAD.

La mission considère que la CNSA devrait être confortée en tant qu’agence rassemblant l’ensemble des acteurs de la prise en charge de la perte d’autonomie.

M. Bruno Sido. Très bien !

M. Alain Vasselle, rapporteur de la mission commune d’information. Dans le cadre du partenariat public-privé que nous appelons de nos vœux, la mission avait proposé la création d’un comité ad hoc au sein de la caisse, dans lequel siégeraient les représentants des assurances, des mutuelles et des institutions de prévoyance. Si cette suggestion n’a pas été suivie d’effet, nous observons avec satisfaction que le groupe de travail piloté par la CNSA sur l’évaluation des situations de perte d’autonomie s’est déclaré favorable à la création d’une commission nationale du partenariat public-privé, que j’ai évoquée au début de mon propos.

Mes chers collègues, je vous prie de bien vouloir m’excuser d’avoir été un peu long. Mais le rapport d’information est tellement riche en propositions…

M. Bruno Sido. Excellent rapport !

M. Alain Vasselle, rapporteur de la mission commune d’information. … et le travail d’expertise que nous avons effectué si approfondi…

Mme Isabelle Debré. Très beau travail !

M. Alain Vasselle, rapporteur de la mission commune d’information. … qu’il m’a semblé utile de m’y attarder quelques minutes. Je ne doute pas un seul instant que chacun saura tirer les fruits de ce travail, notamment le Gouvernement, qui, je l’espère, nous présentera des propositions dès le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2012, voire au-delà si nous n’avions pas pu faire tout le chemin nécessaire pour répondre à l’attente de nos concitoyens. (Applaudissements sur les travées de l’UMP et de l’Union centriste.)

Orateurs inscrits

M. le président. J’indique au Sénat que, compte tenu de l’organisation du débat décidée par la conférence des présidents, les temps de parole dont disposent les groupes pour cette discussion sont les suivants :

Groupe Union pour un mouvement populaire, 33 minutes ;

Groupe socialiste, 26 minutes ;

Groupe Union centriste, 10 minutes ;

Groupe communiste républicain et citoyen et des sénateurs du Parti de Gauche, 10 minutes ;

Groupe du Rassemblement démocratique et social européen, 8 minutes ;

Réunion administrative des sénateurs ne figurant sur la liste d’aucun groupe, 3 minutes.

Dans la suite du débat, la parole est à M. Bernard Cazeau. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)

M. Bernard Cazeau. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, le rapport d’information fait au nom de la mission commune d’information sur la prise en charge de la dépendance et la création d’un cinquième risque, et qui sert de socle à nos débats, retranscrit assez bien l’atmosphère sereine et constructive ayant présidé à nos travaux.

Au final, nous avons à mon sens affiché une certaine indépendance d’esprit, à la fois par rapport aux formations politiques dont nous sommes issus, par rapport au Gouvernement qui cherche, du moins le prétend-il, à définir sa doctrine sur le sujet, et par rapport à l’Assemblée nationale avec laquelle nous avons des divergences sur plusieurs points fondamentaux. Peut-être est-ce là la preuve que nous recherchons, au bénéfice de nos concitoyens, une vérité utile !

Il faut dire que l’enjeu est considérable, et ce à plusieurs titres.

C’est un enjeu humain, parce que la dépendance est synonyme de fragilité sanitaire et psychologique pour celui qui la traverse, synonyme d’une peine dont toute la société doit avoir conscience.

C’est un enjeu sociétal, car la structure familiale et les rapports intrafamiliaux sont transformés par le vieillissement accéléré d’une partie de la population.

C’est un enjeu social, dans la mesure où le grand âge équivaut à la mise en danger des personnes et des familles les plus modestes.

Bref, nous sommes non seulement dans un débat technique, mais aussi devant une question de société, dans l’acception la plus noble du terme.

Parlons, d’abord, de l’évolution démographique et des dépenses afférentes.

Les perspectives dressées par l’INSEE laissent envisager une progression de 25 % du nombre de personnes âgées de plus de 75 ans à l’horizon 2025. C’est important, mais ce n’est pas bouleversant ! Notons encore que la part des plus de 80 ans dans la population, ceux dont la probabilité d’être dépendants est la plus élevée, ne progressera que de 1 % d’ici à 2025.

En revanche, il est indéniable que les perspectives portant sur la période 2025-2055 sont plus préoccupantes, puisqu’à cette date la population française comptera 15 % de personnes âgées de plus de 75 ans, contre 8 % aujourd’hui, conséquence de l’arrivée aux âges élevés des générations du baby-boom.

En clair, nous allons vivre, au cours des vingt prochaines années, la même évolution démographique que celle que nous avons connue depuis les années soixante-dix, mais que nous avons su absorber tout en créant des droits nouveaux pour les personnes dépendantes. L’obstacle n’est donc nullement infranchissable ; il n’y a pas de tsunami à l’horizon.

S’ajoute à cela une question importante et difficilement prévisible, celle de la prévalence de la dépendance selon l’âge.

On ne peut en effet projeter dans l’avenir les observations actuelles concernant l’âge moyen de survenue de la dépendance. Avoir 85 ans n’aura pas la même signification dans quinze, vingt ou trente ans qu’aujourd’hui, du fait du recul probable de l’âge moyen de la dépendance.

Les projections en termes de coûts attestent d’ailleurs pleinement du caractère maîtrisable des évolutions en cours.

Les dépenses en faveur de l’autonomie devraient en effet passer de 1,17 % à 1,55 % du PIB au cours des quinze prochaines années. Autrement dit, il conviendrait de dégager un milliard d’euros supplémentaires par an pour maintenir la qualité actuelle des prises en charge et stabiliser le coût résiduel à la charge des usagers.

La prise en charge annuelle atteindrait alors 32 milliards d’euros à l’horizon 2025, montant qui correspond, d’ailleurs, pour 80%, à des créations d’emplois dans le secteur de l’aide à domicile et les établissements d’accueil. Nous parlons de plus d’un million d’emplois dans la prochaine décennie, contre 600 000 actuellement.

Dans la période économique que nous connaissons, marquée par la stagnation et la désindustrialisation, n’est-ce pas un objectif motivant et primordial pour la société française ? N’est-ce pas une lueur d’espoir pour les millions de salariés qui ne trouvent pas d’emploi ?

Nous sommes donc d’accord, à ceci près que nous nous refusons à sombrer dans un certain catastrophisme quant au diagnostic démographique et financier.

Un autre point d’accord concerne la gouvernance du système, qu’il convient de stabiliser et de simplifier sans pour autant remettre en cause la pertinence des acteurs actuels.

Il convient de conforter et de clarifier le rôle de la CNSA, ainsi que les nombreux circuits financiers contribuant au financement de la dépendance.

Dans le domaine de la programmation médico-sociale, il faut donc remettre de l’ordre, réintroduire de la stabilité et de la logique. À cet égard, la perspective de faire des départements les véritables responsables de la politique médico-sociale est tout à fait bienvenue et devrait, à notre sens, être étudiée de manière approfondie.

Dernier point d’accord entre nous, la nécessité de régler les grandes lacunes du fonctionnement actuel.

Il y a d’abord la répartition inacceptable du financement de l’allocation personnalisée d’autonomie. Comme cela a été dit, il n’est plus tolérable de laisser se creuser l’écart entre solidarité nationale et solidarité locale. La répartition paritaire des coûts entre État et conseils généraux doit redevenir la règle.

Il convient aussi de définir un outil d’évaluation de la dépendance plus complet que l’actuelle grille AGGIR. Nous constatons tous, sur le terrain, que les instruments de mesure ne sont aujourd'hui pas toujours performants et qu’ils n’évitent pas certains écueils. Aussi, loin d’envisager, comme cela a pu être écrit, la suppression du GIR 4, nous devons moderniser l’évaluation médico-sociale. Dans mon département, l’expérimentation, avec la CNSA, du SMAF, système de mesure de l’autonomie fonctionnelle qui nous vient du Québec, donne de très bons résultats.

Il importe enfin de diminuer le reste à charge des résidents en maison de retraite en rénovant l’actuel système de tarification.

Le plan Solidarité-Grand-Âge a eu une vertu importante, celle de moderniser les conditions d’accueil en EHPAD. Mais il a eu une autre conséquence plus fâcheuse : l’accroissement des tarifs d’hébergement payés par les résidents, dans le cadre des conventions tripartites. Aujourd’hui, ce sont 1 500 à 2 000 euros que les personnes hébergées doivent débourser pour être accueillies en EHPAD, soit des montants sans commune mesure avec les revenus de l’immense majorité des familles.

Sans laisser penser que les enfants pourront se dispenser des frais d’hébergement de leurs parents, nous soutenons que des améliorations doivent être apportées. La perspective d’une réforme de la tarification provoquant le transfert d’un milliard d’euros de dépenses des résidents vers l’assurance maladie est intéressante. Elle pose toutefois le problème, monsieur le rapporteur, du déséquilibre actuel des comptes de la sécurité sociale.

M. Alain Vasselle, rapporteur de la mission commune d’information. Ce que je n’ai pas ignoré !

M. Bernard Cazeau. Mes chers collègues, j’en viens à nos points de désaccords, qui tiennent essentiellement à la question du mode de financement du droit à l’autonomie.

M. le président et M. le rapporteur de la mission commune d’information savent bien que de nouvelles recettes sont indispensables, mais les pistes qu’ils suggèrent ne sont pas satisfaisantes à nos yeux.

J’écarte, d’emblée, la création d’une seconde journée de solidarité, tant la première fut un fiasco mémorable. Du reste, seuls les salariés seraient touchés par une telle décision ; ce n’est pas la peine de leur en demander plus ! Je ne parle pas non plus d’une extension des prises en charge au titre du régime général de la sécurité sociale, tant le niveau de déficit est abyssal et structurel.

La perspective d’excédents éventuels de la branche famille a fondu avec la crise. L’éventualité d’une cinquième branche, alors que les quatre autres sont en déficit, n’est pas non plus très crédible à court terme.

Vient alors la réponse de la majorité, qui constitue pour nous une impasse : celle du financement individuel de la couverture dépendance. Ce financement individuel prendrait deux formes : la prévoyance personnelle sous forme de produits d’assurance et le gage sur héritage.

Nous considérons que les assurances individuelles sont injustes, car elles sont réservées à une certaine catégorie de revenus. De plus, nous le savons toutes et tous, l’assurance privée conduira à une sélection des clients, ainsi qu’à des coûts dérivés importants. Méditons, à cet égard, l’exemple américain : la gestion privée de l’assurance-maladie conduit à ce que 15 % des dépenses concernent non pas les soins, mais la rémunération des compagnies d’assurance.

M. Alain Vasselle, rapporteur de la mission commune d’information. Comment cela se passe-t-il pour la complémentaire santé ?

M. Bernard Cazeau. Outre-Atlantique, en matière de dépendance, l’assurance privée individuelle n’est pas fonctionnelle, et les seniors américains aspirent à une prise en charge publique.

M. Philippe Marini, président de la mission commune d’information. On peut faire mieux que les Américains !

M. Bernard Cazeau. Pourquoi pas !

M. Alain Vasselle, rapporteur de la mission commune d’information. Nous n’avons jamais dit qu’ils étaient nos modèles...

M. Bernard Cazeau. Selon nous, les compagnies d’assurance n’ont rien à faire dans la couverture des risques liés à la dépendance.

En ce qui concerne le rétablissement d’une forme, certes optionnelle, de recours sur succession, nous considérons que le caractère volontaire du gage n’enlève rien à la rupture d’universalité qu’il constitue. Il y aura bien, demain, deux catégories de bénéficiaires de l’APA, selon le mode de récupération successorale choisi.

La question des seuils est, elle aussi, très problématique, car elle vise très directement les propriétaires de résidence principale, du petit pavillon périurbain à la fermette des zones rurales ; rappelons ici que 75 % des retraités sont propriétaires de leur logement.

Enfin, quelle égalité y aura-t-il entre ceux qui, avec 20 000 euros de gage, perdront 15 % de leur patrimoine et ceux, les plus riches, qui n’en perdront qu’une infime fraction ?

M. Philippe Marini, président de la mission commune d’information. On peut relever le seuil !

M. Bernard Cazeau. De surcroît, cette mesure ne réglerait rien à court terme, puisque les gains espérés n’interviendront qu’avec un long décalage. Monsieur Marini, dans mon département, nous sommes encore en train de récupérer des successions datant de la prestation spécifique dépendance, tant les procédures sont complexes et les conseillers en patrimoine astucieux !

M. Jean Desessard. Il n’a pas tort !

M. Bernard Cazeau. C’est bien dans l’approche financière du dossier que nous divergeons. Celui-ci mérite, selon nous, d’être envisagé sous l’angle de la solidarité nationale.

M. Philippe Marini, président de la mission commune d’information. Vous êtes d’accord sur les dépenses, mais pas sur les ressources !

M. Bernard Cazeau. Nous ne sommes pas là face à un obstacle insurmontable pour les finances publiques ; nous sommes face à la nécessité de définir des priorités politiques et sociales.

M. Jean Desessard. Exactement !

M. Bernard Cazeau. Les pistes de financement existent : le persistant paquet fiscal, dont le seul volet « successions » prive chaque année l’État de 2 milliards d’euros de recettes ; le cadeau fait aux grosses entreprises dans le cadre de la suppression de la taxe professionnelle, qui oblige l’État à payer aux collectivités ce qu’elles percevaient auparavant des sociétés imposées sur leurs territoires. Vous savez bien, monsieur Marini, en tant que rapporteur général de la commission des finances, que le financement paritaire de l’APA coûte trois fois moins que la réforme de la taxe professionnelle en régime de croisière !

M. Philippe Marini, président de la mission commune d’information. Il est vrai que cette réforme est chère !

M. Bernard Cazeau. D’autres voies, encore, sont à explorer, qui mobiliseraient une fiscalité spécifique d’un niveau globalement faible, à l’assiette large et évolutive, et susceptible de progresser au gré des besoins.

Les Français sont prêts à faire face à cette solidarité nouvelle. Ils ne veulent ni assurance ni recours sur succession ; vous pouvez le vérifier ! Ils veulent une réforme porteuse de progrès et d’humanité. Ils veulent une gestion de proximité et une garantie pour l’avenir de leurs parents et grands-parents.

Tout cela est possible, c’est une question de volonté politique. C’est donc à cet élan nouveau et à la mise en pratique de la justice sociale que je vous invite ! (Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG. – M. Yvon Collin applaudit également.)

M. le président. La parole est à M. Philippe Adnot.

M. Philippe Adnot. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, le temps de parole qui m’est imparti se limitant à trois minutes, je me dispenserai des formules de politesse et vous demanderai de bien vouloir excuser le caractère lapidaire de mon propos.

M. Adrien Gouteyron. Ce sera dense !

M. Philippe Adnot. Si vous souhaitiez quelques précisions, je vous les apporterai hors de l’hémicycle, faute de temps.

Un débat sur la dépendance ! Cette idée n’est tout de même pas banale ... On fait un peu comme si ce sujet n’avait pas été maintes fois exploré, comme si on en ignorait les données, alors qu’il existe, dans chaque département, un schéma gérontologique.

Madame la ministre, l’heure n’est plus aux colloques, aux interrogations, à la réflexion sur la dépendance. Nous savons tout sur ce sujet ! L’heure est désormais à l’action.

M. Yvon Collin. Eh oui !

M. Philippe Adnot. Pour agir, nous devons poser quelques principes. Le premier de ces principes est que la solidarité nationale doit financer le handicap, la dépendance et le revenu de solidarité active, le RSA. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)

M. Guy Fischer. C’est le bon sens !

M. Philippe Adnot. L’écart entre le financement qui incombe aux départements et la participation de l’État ne cesse de se creuser, et l’on fait supporter par les plus faibles les charges les plus lourdes. Or, plus le nombre de personnes âgées et de chômeurs est élevé et plus ces charges sont lourdes !

M. Guy Fischer. C’est injuste !

M. Philippe Adnot. Un autre principe est que ces charges ne doivent pas incomber aux collectivités locales ; elles relèvent de la solidarité nationale. Il s’agit non pas de résoudre le problème de quelques-uns, mais de respecter le principe républicain de solidarité, et nous devons tous nous y consacrer !

Par ailleurs, il est important de sauvegarder le principe de la responsabilité des familles, qui doivent être les premières sollicitées. Dans la société actuelle, on oublie que la famille est, au premier chef, responsable des aînés et des enfants. Cela signifie qu’il faudra prévoir une participation de leur part, soit immédiate, soit différée.

Il faut conserver un ticket modérateur à la charge des départements pour inciter à la bonne gestion et au contrôle de l’effectivité. La prise en compte de la dépendance par la nation doit se faire par rapport à une dépense moyenne par GIR, au niveau des plans d’aide, afin d’éviter un certain laxisme en ce qui concerne le classement des dépendances.

Madame la ministre, je ne serais pas choqué que l’on accorde une prime aux départements qui sont les plus rigoureux dans le contrôle de l’effectivité. Certaines statistiques mettent en évidence des différences de situation pour le moins édifiantes. Dans certains départements, une personne sur deux âgées de plus de 75 ans est dépendante, soit trois fois plus que la moyenne, et les plans d’aide y sont deux fois supérieurs à la norme. Si l’on doit compenser les dépenses des départements, mieux vaut le faire sur des moyennes de strates, et ne pas encourager les gestionnaires laxistes.

En matière de financement, nous devons faire preuve de lucidité. Évoquer la création d’un cinquième risque avant de s’être mis d’accord sur des cotisations nouvelles relève du non-sens. Il y va de l’acceptabilité du système ! L’assurance doit d’abord permettre aux familles d’assumer leurs responsabilités. Ce mode de financement ne peut donc être envisagé qu’avec prudence pour la prise en charge de l’autonomie.

Contrairement à ce qu’a dit Charles Guené, l’État ne peut pas se retrancher derrière sa situation budgétaire pour ne rien faire. De quelle marge d’action peuvent disposer des départements désormais privés de la capacité de lever l’impôt ? On ne peut se cacher derrière cet argument illusoire...

Je soutiens, pour ma part, la solution défendue par M. Sido, qui consiste à retrancher deux journées de RTT, car elle permet d’apporter une réponse immédiate à des problèmes auxquels il faut en tout état de cause remédier rapidement.

M. Guy Fischer. Il ne faut pas tout mélanger !

M. Philippe Adnot. Par ailleurs, cette solution ne coûterait rien au budget de l’État, à l’équilibre duquel nous sommes tous attentifs, et serait la marque de la solidarité de l’ensemble de la société française. Or il est de notre devoir d’être solidaire !

M. Guy Fischer. Ce sont toujours les salariés qui paient ! C’est une fausse bonne solution !

M. Philippe Adnot. Ce système permettrait d’avancer en attendant de trouver la solution idéale. Nous ne pouvons plus attendre : nous devons agir vite et de façon globale. Le temps des colloques est révolu, madame la ministre ! (Applaudissements sur certaines travées du RDSE et du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Michel Baylet.

M. Jean-Michel Baylet. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, nous vivons de plus en plus longtemps : on peut s’en réjouir ! La France devrait compter, selon les prévisions de l’INSEE, 4 millions de personnes âgées de plus de 80 ans en 2020, et 11 millions en 2050.

Malheureusement, l’allongement de la durée de la vie s’accompagne souvent d’une perte d’autonomie, ce qui nous impose de réfléchir aux moyens d’accompagner aux mieux nos aînés, de répondre à leurs besoins, et de leur permettre de vivre dans le respect et la dignité. Nous sommes donc confrontés à un véritable enjeu de société, à un défi social considérable.

« Je créerai une cinquième branche de la protection sociale pour consacrer suffisamment de moyens à la perte d’autonomie et garantir à tous les Français qu’ils pourront rester à domicile s’ils le souhaitent ». Ces propos, vous le savez, ont été tenus par le Président de la République en 2007, lorsqu’il annonçait la mise en œuvre d’une « grande politique de la fin de vie ». Il aura tout de même fallu patienter quatre ans avant que le débat ne soit enfin engagé !

La question qui se pose désormais est simple : quelle politique mettre en place, et avec quels moyens, pour assurer la prise en charge de la perte d’autonomie, qui frappe de plus en plus souvent certains de nos concitoyens ?

Sur un tel sujet, les radicaux attendent un texte ambitieux et respectueux des valeurs humanistes qui sont au cœur de notre pacte républicain. Hélas ! les dernières déclarations du Président de la République remettent en cause les promesses de création d’une cinquième branche de la protection sociale fondée sur la justice sociale et la solidarité nationale, création qu’il appelait pourtant de ses vœux en 2007, à grand renfort de tambours et trompettes.

Madame la ministre, vous envisagez d’intégrer dans le processus les mutuelles, les compagnies d’assurance et les organismes de prévoyance. Ce choix, regrettable, est également préconisé par le rapporteur de la mission commune d’information du Sénat, M. Alain Vasselle. Quant au député Valérie Rosso-Debord, elle va bien au-delà puisqu’elle propose, dans son rapport, de rendre obligatoire dès l’âge de 50 ans la souscription d’une assurance contre la perte d’autonomie, dispositif voué à se substituer progressivement à l’allocation personnalisée d’autonomie.

Nous déplorons ces différentes orientations. Ainsi, à cause des déficits abyssaux de nos finances publiques – une situation très bien décrite par Philippe Marini ! –, nos concitoyens devraient recourir aux assurances privées ! Je considère, pour ma part, que la prise en charge de la perte de l’autonomie ne doit pas s’inscrire dans une logique assurantielle qui, nous le savons, aggraverait les inégalités entre les plus aisés et les plus modestes. Or tel n’est pas, je l’imagine, le but que vous recherchez !

En revanche, je suis favorable à la proposition de M. le rapporteur, lequel préconise l’instauration d’un mécanisme de gage patrimonial optionnel, différent du recours sur succession mis en œuvre dans le cadre de la prestation spécifique dépendance, certains d’entre nous s’en souviennent. Limité à 20 000 euros, ce gage ne concernerait que les personnes choisissant de bénéficier de l’allocation à taux plein et dont la valeur du patrimoine est supérieure à 150 000 ou 200 000 euros – le seuil reste à fixer –, c’est-à-dire déjà assez élevée. L’économie ainsi dégagée pourrait donc être redéployée par les conseils généraux afin d’améliorer la situation des personnes âgées dépendantes les plus démunies.

En effet, nous le savons, l’enjeu financier est considérable. Les départements sont véritablement asphyxiés par le financement de l’APA. Rappelons-le, le poids de cette prestation était, pour 2010, de 5,5 milliards d’euros, le nombre de ses bénéficiaires ayant quasiment doublé depuis 2002, c’est-à-dire depuis que la prestation spécifique dépendance a été remplacée par l’allocation personnalisée d’autonomie.

Certes, les conseils généraux sont, du fait de leur proximité avec les administrés, les plus aptes à évaluer les situations individuelles et à coordonner les actions avec les principaux partenaires. Toutefois, leurs ressources fiscales désormais inexistantes et la rigueur implacable de l’État, qui a déjà gelé les dotations, ne leur permettent plus de faire face à leurs dépenses en général, notamment à celles qui sont liées à I’APA. En outre, les transferts massifs de compétences qui ont été effectués n’ont pas été accompagnés, pour les départements, des compensations nécessaires qu’il aurait pourtant été indispensable et juste de leur verser.

Mes chers collègues, ce désengagement organisé de l’État est inacceptable. En effet, lors sa création, la Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie était censée financer l’APA pour moitié, mais sa part a chuté de 50 % en 2002 – seule année, je le rappelle, où les engagements ont été tenus – à moins de 30 % aujourd’hui ! Les conseils généraux sont donc contraints de pallier les carences de l’État ; l’urgence est patente.

Madame la ministre, comment comptez-vous les aider à sortir de l’impasse financière dans laquelle la récente réforme de la fiscalité locale les a placés ? J’ai déjà eu l’occasion de m’exprimer sur ce sujet en décembre dernier, lors de l’examen de trois propositions de loi identiques et relatives à la compensation des allocations individuelles de solidarité versées par les départements, textes déposés par les sénateurs de l’opposition. Je vous avais alors alertée sur l’urgence d’octroyer aux conseils généraux les ressources financières nécessaires pour assumer les compétences que la loi leur attribue. En vain !

La mission sénatoriale préconise – utilement – le partage de la charge de I’APA selon une règle de stricte égalité entre l’État et les départements. Je m’en félicite, car ce serait le juste retour du respect des engagements pris.

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre des solidarités et de la cohésion sociale. Aucun engagement n’a été pris !

M. Jean-Michel Baylet. Dans le même ordre d’idée, il serait également souhaitable que les décisions en matière d’action sociale soient également partagées, car les conseilleurs, voire les décideurs, ne sont pas toujours les payeurs.

En tout état de cause, la prise en charge de la dépendance ne doit pas se limiter au seul aspect financier. Elle doit être envisagée dans sa globalité, notamment, et même surtout, dans sa dimension humaine. Je pense tout particulièrement à la place primordiale des aidants, dont je tiens à saluer le dévouement. La prise en charge des personnes âgées repose fortement sur ces 3,5 millions de non-professionnels qui, il est vrai, sont souvent des membres de la famille. Les aidants ont besoin d’être accompagnés, soutenus et reconnus. Ils sont, vous le savez, confrontés non seulement à des difficultés financières, mais aussi à des épreuves psychologiques, à des responsabilités qui affectent leur vie familiale, sociale ou professionnelle et qui les mènent parfois à un certain isolement social.

Madame la ministre, les radicaux de gauche, comme le groupe du RDSE, ont à cœur la mise en place d’une réforme de la dépendance, réforme que nous souhaitons de grande ampleur, à la hauteur de ses enjeux financiers et surtout humains. Ne nous y trompons pas : oui, il faut une réforme, mais pas n’importe laquelle, et certainement pas une réforme qui s’appuierait encore et toujours sur les mêmes : les collectivités locales d’un côté, les Français les plus faibles de l’autre.

Soyez donc assurée, madame la ministre, que nous serons à la fois attentifs et vigilants quant aux modalités et au contenu d’une grande loi relative à la prise en charge de la dépendance, loi que nous appelons de nos vœux. (Applaudissements sur les travées du RDSE, M. le président de la mission commune d’information et M. Jean-Pierre Fourcade applaudissent également.)

M. le président. La parole est à M. Guy Fischer.

M. Guy Fischer. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, depuis 2008 que le combat… le débat, voulais-je dire… (Rires.)

M. le président. C’est la même chose !

M. Philippe Marini, président de la mission commune d’information. Le débat est un combat !

M. Adrien Gouteyron. Lapsus révélateur !

M. Bruno Sido. Chassez le naturel, il revient au galop !

M. Guy Fischer. Vous lisez en moi, chers collègues ! (Sourires.)

Depuis 2008 que le débat et la réflexion sur ce que votre majorité appelle « la prise en charge de la dépendance » a commencé au Sénat, notre conviction de fond a peu évolué…

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. Pour la faire évoluer, c’est dur !

M. Guy Fischer. … et nous demeurons plus que jamais attachés à un principe pour nous essentiel : apporter une réponse solidaire, juste et nationale aux besoins de nos concitoyens.

Cette exigence de justice sociale est d’autant plus importante pour nous que le Président de la République et son Gouvernement s’attachent méthodiquement à mettre à bas ce qui fonde notre République : son caractère social.

Les récentes prises de position du chef de l’État sur ce dossier le confirment. Il entend franchir avec la dépendance une nouvelle étape vers l’instauration d’une société assurantielle. Or un tel modèle de société se situe à l’exact opposé du pacte social qui unit nos concitoyens depuis 1946, c’est-à-dire depuis la mise en œuvre du programme du Conseil national de la Résistance.

Avant de poursuivre cette démonstration, il m’apparaît important de préciser certains concepts fondamentaux qui justifient notre opposition au projet que préparent conjointement le Gouvernement, les parlementaires de sa majorité et les représentants du patronat, des assurances privées et des groupes bancaires.

Tout d’abord, nous ne souhaitons pas que l’on appréhende le débat qui s’annonce sous l’angle restrictif de la « dépendance ». Nous préférons à ce terme l’expression « prise en charge des besoins liés à la perte d’autonomie ».

Vous comprendrez bien que la différence entre ces deux dénominations n’est pas uniquement de nature sémantique. L’expression que nous retenons correspond en effet à une approche globale des besoins des personnes en situation de perte d’autonomie, situation qui peut survenir progressivement, du fait du vieillissement, ou brutalement, à la suite d’un accident ou d’une maladie invalidante.

Pour nous, la perte d’autonomie est la résultante multifactorielle de situations qui jalonnent la vie de tout individu. Ces situations, prévisibles ou non, peuvent mener à une perte d’autonomie physique, psychologique ou cognitive et avoir des répercussions matérielles, sociales et familiales. Elles peuvent être cumulatives, porter atteinte à la dignité, voire à la poursuite de l’existence.

Les personnes qui souffrent d’une perte d’autonomie peuvent se retrouver dépendantes de leurs proches, au premier rang desquels les membres de leur famille, ou de personnes intervenant dans un contexte professionnel. Pour atténuer le risque de dépendance, il est impératif que nous construisions, en amont, une politique publique et solidaire.

L’autre divergence fondamentale que nous avons avec le Gouvernement porte sur le champ de ce que devrait recouvrir la perte d’autonomie. Nous l’avions indiqué en 2008, nous l’avons réaffirmé dans notre contribution au rapport de la mission commune d’information sur la prise en charge de la dépendance et la création d’un cinquième risque, en janvier dernier : nous souhaitons une prise en charge universelle des besoins résultant de la perte d’autonomie. Autrement dit, nous ne voulons pas que ce débat débouche sur des dispositions légales qui écarteraient les personnes en situation de handicap. Bien qu’il s’agisse là de deux manifestations distinctes de la perte d’autonomie pouvant appeler des réponses matérielles et humaines différentes, l’exigence reste la même : éviter que l’autonomie perdue ou en voie de l’être ne se traduise par une destruction, même partielle, du lien social.

La prise en charge de la perte d’autonomie n’a de sens que si elle place au cœur de ses ambitions la satisfaction des besoins propres à chacun de nos concitoyens. Et nous soutenons que le motif invoqué par le Gouvernement pour écarter aujourd’hui l’intégration des besoins liés au handicap dans la prise en charge de la perte d’autonomie est uniquement d’ordre économique.

Madame la ministre, alors que vous participiez aux manifestations célébrant les cinquante ans de l’Union nationale des associations de parents et amis de personnes handicapées mentales, l’UNAPEI – je tiens d’ailleurs à saluer cette fédération pour son travail et ses cinquante ans de combat –, vous avez affirmé : « La réforme se limitera donc aux personnes âgées dépendantes. Dans un contexte budgétaire tendu, c’est là la garantie que cette réforme ne se traduira pas par un recul des droits pour les personnes handicapées, recul qui aurait pu résulter d’une convergence vers le bas. » Autrement dit, pour vous, il ne pourrait y avoir de réformes tendant à renforcer les droits de toutes et de tous ; voilà un bel aveu !

Nous considérons pour notre part que la perte d’autonomie, qu’elle soit due à l’âge ou consécutive à un handicap, doit faire l’objet d’une même prise en charge. C’est d’ailleurs cette conviction qui nous a conduits, dès 2008, à refuser la dénomination de « cinquième risque » utilisée alors.

Cette appellation, issue du secteur assurantiel, à qui vous entendez livrer le marché de la dépendance, n’est pas appropriée à la perte d’autonomie. Pour le groupe CRC-SPG, la vie, ses évolutions, les éventuelles dégradations des conditions d’existence ne sont pas des risques assurantiels ; ce sont des besoins à satisfaire. La référence au risque n’est donc pas neutre : elle s’inscrit dans votre volonté de substituer l’assurance à la solidarité, de faire croire que la seule prévention possible reposerait sur la conclusion de contrats d’épargne ou d’assurance pouvant, le cas échéant, permettre le financement au moins partiel des besoins liés à cette situation. Or la dépendance, pour reprendre votre vocable, n’est ni un risque en soi, ni un risque pour la société.

Tout d’abord, la perte d’autonomie pourrait être considérablement limitée si nous construisions une politique solidaire, une véritable politique de prévention mobilisant toutes les énergies et toutes les solidarités en amont. Cela passe notamment par le développement du concept de design universel ou d’architecture pour tous : l’espace public doit faire l’objet d’une réappropriation par tous les publics. Concrètement, il faut pour cela créer et promouvoir des équipements, des architectures, des environnements simples d’emploi et adaptés au plus grand nombre possible d’utilisateurs. Cela implique de revenir sur l’ensemble des dérogations relatives au bâti et de faire de l’accessibilité pour tous un principe incontournable, un préalable à toute nouvelle construction ou à tout projet pouvant accueillir du public.

Mes chers collègues, si les assurances sont très intéressées par le pactole que pourrait constituer votre conception de la prise en charge de la dépendance, elles ne veulent pas entendre parler du handicap, et ce pour une simple et bonne raison : elles estiment ne rien avoir à y gagner, contrairement à ce qui se passe avec le vieillissement.

En 2008, la Fédération française des sociétés d’assurance, la FFSA, comptait 2 007 600 assurés versant 387,6 millions d’euros de cotisations au titre d’un contrat pour lequel la dépendance était la garantie principale et elle payait 112,4 millions d’euros de rente, soit une différence de 275,2 millions d’euros. En 2009, 2 024 200 assurés versaient 403,1 millions d’euros de cotisations pour 127,7 millions d’euros de rente versés, soit une différence de 275,4 millions d’euros.

Le 8 février dernier, Nicolas Sarkozy annonçait devant le Conseil économique, social et environnemental : « […] je demande à chacun d’entre vous d’examiner toutes les autres options possibles, de n’écarter d’emblée aucune solution, y compris celle de l’assurance, pour des a priori idéologiques. » Derrière cette déclaration se dissimule en réalité l’affirmation, d’emblée, précisément pour des raisons idéologiques, du transfert de la dépendance du champ de la solidarité au domaine marchand.

M. Philippe Marini, président de la mission commune d’information. Les idéologies ne sont pas toujours mauvaises !

M. Guy Fischer. Notez, mes chers collègues, la contradiction suivante : celui qui déclare ne vouloir écarter aucune piste pour des motifs idéologiques en repousse précisément une : celle de la solidarité nationale !

M. Bruno Sido. Pas du tout !

M. Guy Fischer. C’est pourtant cette piste, et elle seule, qui peut garantir, à l’ensemble de nos concitoyens, un traitement équitable et de nature à répondre à tous leurs besoins.

M. Bruno Sido. C’est excessif !

M. Guy Fischer. C’est pourquoi, pour notre part, nous proposons le principe d’un financement assumé par ces deux piliers que sont la sécurité sociale et le financement public.

Nous suggérons, tout d’abord, de repenser en profondeur le financement de la sécurité sociale et de réformer considérablement les cotisations sociales, afin que celles-ci soient calculées en fonction à la fois de la masse salariale versée par l’entreprise, du niveau de qualification et de la qualité de l’emploi. Cette modulation entraînera immanquablement une modification des comportements des employeurs, favorable à l’emploi et aux rémunérations.

Le financement que nous proposons doit également s’accompagner d’une réforme fiscale conforme à l’idée que nous nous faisons d’une fiscalité juste et redistributive. Il n’est en effet pas acceptable, comme le préconisent les partisans d’une taxation du patrimoine des classes moyennes ou modestes ou de l’instauration d’une seconde journée de solidarité, que ce financement pèse indistinctement sur tous les ménages.

À l’opposé de cette logique, nous voulons créer une contribution supplémentaire portant sur les revenus financiers des entreprises, des banques et des assurances, ainsi que sur les ménages les plus riches. Une telle contribution permettrait de dégager, sur la base des profits réalisés en 2009, près de 40 milliards d’euros pour l’assurance maladie, 25 milliards d'euros pour la retraite et 16 milliards d'euros pour la famille, étant entendu que la part du financement supportée par la sécurité sociale devrait provenir, selon nous, de l’assurance maladie. La dernière étape de cette réforme fiscale résiderait dans la suppression progressive de la CSG, couplée à une réforme des tranches de l’impôt sur le revenu.

Les sommes ainsi dégagées seraient destinées, pour la part issue de la sécurité sociale, au paiement des prestations et, pour les ressources tirées de la fiscalité, au financement d’un pôle public national structuré de manière départementale, chargé non seulement de financer, mais également d’imaginer de manière cohérente une vaste politique d’élaboration de structures d’accueil, de formation, de professionnalisation et de création d’emplois qualifiés en nombre dans le domaine des services d’aide à la personne, en partenariat avec le monde associatif.

Bien que favorables au maintien du caractère national des prestations en cause, garantie d’une égalité territoriale et d’une solidarité nationale entre nos concitoyens, nous n’écartons pas pour autant les départements, qui doivent continuer à jouer un rôle incontournable. Si l’échelon national est plus adapté à la définition des critères servant à l’attribution des prestations, le département doit demeurer le niveau opérationnel de proximité.

Or, on le constate bien aujourd’hui eu égard aux difficultés que rencontrent les départements dans le cadre de la distribution des allocations individuelles de solidarité, notamment l’APA, l’État ne joue plus son rôle. Nous entendons lui permettre d’assurer, grâce à de financements nouveaux, une véritable compensation, à l’euro près, des sommes engagées par les départements.

Madame la ministre, monsieur le président et monsieur le rapporteur de la mission commune d’information, tels sont, exposés de manière nécessairement synthétique, les éléments de réflexion et de proposition que les membres du groupe CRC-SPG entendaient vous livrer et soumettre prochainement à débat, en associant l’ensemble des acteurs intéressés par ce sujet. Ces propositions sont à l’opposé de celles que vous formulez et que, croyez-le bien, nous combattrons. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Jacques Jégou.

M. Jean-Jacques Jégou. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, les nombreux textes relatifs au domaine social que nous avons eu à examiner l’automne dernier – projet de loi organique relatif à la gestion de la dette sociale, projet de loi portant réforme des retraites, projet de loi de financement de la sécurité sociale et projet de loi de finances – ont mis en évidence, avec acuité, les difficultés de financement auxquelles notre régime de sécurité sociale est aujourd’hui confronté.

Or, comme j’ai eu l’occasion de l’indiquer, les mesures qui ont été alors prises, certes nécessaires, sont loin de solder le passé et de sécuriser l’avenir, d’autant que notre système de sécurité sociale doit faire face à un autre défi, objet de notre débat aujourd’hui : le vieillissement de la population. Cette évolution démographique emportera, en effet, des conséquences fortes en termes de dépenses de santé, de pensions de retraite et de dépenses liées à la prise en charge de la dépendance.

L’effort public consacré à la prise en charge de la perte d’autonomie est déjà aujourd’hui non négligeable : plus de 20 milliards d’euros par an. Des progrès importants ont été réalisés, qu’il s’agisse de la mise en place de l’allocation personnalisée d’autonomie ou de plans pluriannuels – plan Vieillissement et solidarités, plan Solidarité-Grand Âge – ; ils ont permis une amélioration, tant qualitative que quantitative, de l’offre de soins et d’hébergement.

Néanmoins, la tâche est encore considérable ; je pense en particulier au reste à charge des familles qui demeure, dans de nombreux cas, très élevé.

Le défi auquel nous sommes confrontés aujourd’hui en matière de prise en charge des personnes âgées dépendantes relève cependant quelque peu, pardonnez-moi l’expression, de la quadrature du cercle : comment continuer à garantir à nos concitoyens une base solide de prestations financées par la solidarité nationale dans un contexte budgétaire aussi contraint, marqué, par ailleurs, par la compétition accrue entre les économies, qui empêche d’augmenter les cotisations sociales pesant sur le travail ?

La mission sénatoriale d’information privilégie un financement mixte public-privé de la prise en charge de la dépendance. Cette voie me paraît, en effet, la plus raisonnable, compte tenu de la situation des finances publiques de notre pays. Par ailleurs, comme l’a souligné notre collègue Alain Vasselle, rapporteur de la mission, les différents risques couverts par les actuelles branches de la sécurité sociale donnent déjà lieu aujourd’hui à des financements complémentaires. Il conviendra néanmoins de prévoir une aide pour l’assurance des personnes aux revenus modestes.

La mission sénatoriale d’information suggère d’autres pistes de réflexion : mise en place d’un gage sur le patrimoine pour l’APA à domicile ; création d’une seconde journée de solidarité, que les orateurs précédents ont évoquée ...

Compte tenu de l’ampleur des dépenses actuelles – et que dire de celles qui s’annoncent –, de la dégradation des comptes sociaux et de l’effet différé de certaines réformes proposées – ainsi, la mise en place d’une assurance ne produira des effets qu’à moyen terme –, des recettes nouvelles devront être affectées à la prise en charge de la perte d’autonomie.

Cependant, le poids de cet effort ne saurait, à mes yeux, peser sur les seules générations actuelles d’actifs. Au moment où la réforme des retraites a principalement sollicité ces derniers – j’ai déjà eu l’occasion de le souligner –, il convient d’engager une réflexion sur l’augmentation de l’effort contributif des retraités aux dépenses liées au vieillissement de la nation.

Le niveau de vie moyen des retraités s’est considérablement amélioré depuis les années soixante-dix. Si l’on prend en compte les revenus du patrimoine, les placements financiers et immobiliers et les loyers non versés – les retraités sont souvent propriétaires –, leur niveau de vie moyen paraît même légèrement supérieur à celui des actifs. De ce fait, certains avantages fiscaux dont ils bénéficient, notamment le taux réduit de CSG sur les pensions, pourraient être aujourd’hui révisés.

J’avais déposé un amendement allant dans ce sens lors de l’examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2011. Cet amendement tendait à préserver les « petites » pensions : je proposais que le taux de la CSG ne soit relevé que pour les contribuables imposés au taux de 6,6 %. Les personnes exonérées de CSG sur leurs pensions, ou bénéficiant du taux réduit de 3,8 %, n’étaient pas concernées. Cette mesure aurait conduit à un surcroît de recettes de près de 1,7 milliard d’euros.

Cette piste ne pourra pas être écartée éternellement, car il me semble particulièrement légitime de demander un effort à toute la population, à l’heure où le Parlement vient d’accepter non seulement d’utiliser de manière anticipée le Fonds de réserve pour les retraites, mais aussi de prolonger de quatre années la durée de vie de la Caisse d’amortissement de la dette sociale, autrement dit, de reporter sur les générations futures une charge qu’il souhaitait pleinement assumer voilà encore cinq ans.

La sécurisation des recettes de notre système de sécurité sociale représente un enjeu majeur qui doit être concilié non seulement avec les impératifs de compétitivité économique de notre pays, mais aussi avec un devoir d’équité, dans le cas présent d’équité entre les générations. Celle-ci conditionne en partie l’acceptation du système.

Le débat sur la prise en charge de la dépendance ne se réduit certes pas, et heureusement, à des considérations financières, mais ces dernières constituent néanmoins l’un des paramètres incontournables du problème à résoudre. Si le calendrier annoncé par le Gouvernement n’est pas modifié, c’est par des mesures d’ordre financier que le débat parlementaire débutera, dans le cadre de l’examen des projets de loi de finances et de financement de la sécurité sociale pour 2012.

M. Guy Fischer. Exactement !

M. Jean-Jacques Jégou. Bien sûr, le débat reste ouvert et toutes les pistes de réforme doivent être étudiées. Néanmoins, des choix importants devront être rapidement effectués. Madame la ministre, compte tenu de la proximité d’une élection majeure, je crains que nous ne puissions guère progresser avant 2012. (Applaudissements sur les travées de lUnion centriste et de lUMP.)

M. Guy Fischer. Nous en reparlerons en 2013 !

M. le président. La parole est à M. Bruno Sido.

M. Bruno Sido. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, la France vieillit ! Un Français sur trois sera âgé de plus de 60 ans en 2050, contre moins d’un sur cinq aujourd’hui. Plus de 15 % de la population sera âgée de plus de 75 ans ; le nombre de personnes âgées dépendantes devrait connaître une augmentation de 1 % par an jusqu’en 2040 ; chaque année, 80 000 personnes supplémentaires dépassent l’âge de 80 ans. Ces faits sont le revers de la médaille du baby-boom et de l’allongement continu de l’espérance de vie.

Vivre plus longtemps, en meilleure forme, et rester chez soi jusqu’à un âge avancé est non pas un problème mais, au contraire, une immense chance.

L’allocation personnalisée d’autonomie représente une belle avancée sociétale. Je pense que nous sommes tous d’accord sur ce point.

Sur cette question majeure, je considère qu’il est de la responsabilité de la représentation nationale, avec le concours du Gouvernement, de rechercher et de trouver une solution partagée, qui soit le fruit d’un accord transcendant les clivages habituels entre la gauche et la droite, entre la majorité et l’opposition.

Se fixer pour objectif la mise en place d’un consensus est primordial : c’est la condition sine qua non pour refonder le pacte républicain de solidarité entre les générations.

En matière de prise en charge de la perte d’autonomie, il est indispensable de prendre suffisamment de hauteur par rapport aux contingences politiques quotidiennes. En rassemblant la majorité, l’opposition, le Gouvernement et les acteurs clés de la dépendance que sont les conseils généraux, nous nous donnons collectivement les moyens de réussir à déterminer des solutions pérennes, qui engagent bien au-delà du jeu démocratique des alternances politiques.

Comme l’a clairement relevé notre collègue Alain Vasselle dans le cadre de la mission commune d’information sur la prise en charge de la dépendance et la création d’un cinquième risque, le statu quo n’est tout simplement pas tenable. Les pistes de réflexion sont multiples.

Je me félicite que, malgré les difficultés économiques, nous ayons trouvé jusqu’à présent les moyens financiers d’honorer cette obligation morale que les enfants, que nous sommes tous, ont envers leurs parents. Cet acte de solidarité entre les générations est à la base du « vivre ensemble » : quelle mère de famille compte le temps et les efforts qu’elle consacre à ses enfants ? Quel père n’a pas constamment à l’esprit la réussite et l’avenir de ses enfants ?

De mon point de vue, la question de la dépendance n’est donc pas une affaire d’argent. L’objectif est d’ordre sociétal.

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. Tout à fait !

M. Bruno Sido. Ensuite, seulement, il nous revient de trouver les moyens matériels à mettre en œuvre pour assurer la pérennité d’un acquis menacé.

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. Exactement !

M. Bruno Sido. L’APA représente un coût de 22 milliards d’euros par an, dont 17 milliards d'euros sont supportés par l’assurance maladie et l’État et 5 milliards d'euros sont à la charge des conseils généraux.

Alors que le Président de la République a lancé le grand débat national sur la dépendance, les départements ont vocation à participer à cette concertation d’envergure. Force est de le constater : l’APA pèse fortement sur les finances locales et va même – M. Adnot l’a souligné – au-delà de ce qu’elles peuvent supporter.

Comme le rappelait la Cour des comptes dans un rapport paru à l’automne 2009 : « ce sont souvent les départements les plus pauvres, ceux qui disposent des recettes fiscales les moins dynamiques, qui doivent en même temps faire face aux charges les plus importantes ».

L’écart entre les sommes versées directement par les départements et celles qui leur sont transférées par l’État au titre de la solidarité nationale s’établit aujourd’hui à plus de 4 milliards d’euros. Cette situation, que le Gouvernement connaît, a des conséquences sur l’ensemble des politiques départementales.

Je tiens à cet égard à remercier M. le Premier ministre de la qualité de son écoute. Je lui sais gré d’avoir commandé à Pierre Jamet un rapport, devenu incontournable, qui a permis d’établir un diagnostic aujourd’hui partagé.

Madame la ministre, nous serons à vos côtés lors du débat que vous organiserez d’ici à juin prochain, et auquel les départements prendront toute leur part.

Si l’APA semble stabilisée – en fonction du vieillissement naturel de la population, bien entendu –, la prestation de compensation du handicap voit actuellement s’envoler le nombre de ses bénéficiaires et ses coûts. Les réponses à apporter devront aussi tenir compte de ce constat pour s’inscrire dans la durée, tant il vrai que dépendance et handicap sont étroitement imbriqués.

J’en viens à mes propositions. Je fais partie de ceux qui souhaitent le recours à une seconde journée de solidarité. Certes, c’est une contrainte, mais elle est nécessaire pour trouver les moyens de nous occuper convenablement de nos parents et pourrait rapporter plus de 2 milliards d’euros chaque année, comme l’a indiqué M. Marini. Je ne doute pas que cet effort sera accepté, s’il est équitablement réparti. De fait, les familles, aujourd’hui, sont éclatées : les enfants sont souvent établis loin du domicile de leurs parents et ne peuvent s’occuper d’eux au quotidien – c’est un changement important qui est intervenu dans notre société au cours des dernières décennies – ; le soin d’assurer une présence aux côtés des parents doit donc être confié à d’autres personnes et représente, très légitimement, un coût.

En d’autres termes, en acceptant de travailler une journée de plus dans l’année, nous aiderons nos parents à rester autonomes le plus longtemps possible. Encore faudra-t-il s’assurer, et j’insiste sur ce point, que les crédits destinés aux personnes âgées aillent, dans leur intégralité, aux personnes âgées…

Mme Raymonde Le Texier. Vous avez raison d’insister !

M. Bruno Sido. À cette fin, la gouvernance de la Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie devra être revisitée.

En ce qui concerne l’augmentation de la CSG, je suis favorable à un alignement des taux, sans distinction.

Le mode assurantiel représente aussi une partie de la solution : pourquoi ne pas envisager la souscription d’une assurance volontaire obligatoire, labellisée par la CNSA, qui garantirait un socle de prestations ? À ce jour, près de 5 millions de Français ont déjà souscrit une assurance dépendance. Bien sûr, pour ceux qui n’ont ni revenus suffisants ni patrimoine, la solidarité nationale doit jouer, comme c’est le cas aujourd’hui avec l’aide sociale.

Qu’en est-il du recours sur succession ? Quoi que l’on en pense, cette option se heurte à de multiples obstacles. Je n’en évoquerai qu’un : les personnes âgées dont le patrimoine est restreint risquent d’être nombreuses à refuser l’aide dont elles ont pourtant besoin afin de ne pas amoindrir leur succession. D’un point de vue humain, cette question est donc très complexe. Je n’insiste pas en cet instant, mais il faudra y revenir. Toutes ces orientations méritent d’être étudiées avec objectivité et lucidité, sans tabou.

Monsieur le président, madame le ministre, mes chers collègues, j’ai le sentiment qu’il n’existe pas de solution unilatérale. Si nous voulons répondre au défi de la dépendance, qui est aussi pluriel que le vieillissement est singulier, il est important de considérer l’intérêt, les attentes et les besoins de chacun. Au regard des pistes proposées, la solution devra être globale et l’effort partagé.

À l’occasion de ce débat, il nous est demandé de réfléchir, dans une optique de nouvelle gouvernance, à ce que seront, dans un futur proche, les bases de nos aides sociales et les moyens de leur financement : autant de questions qui méritent que nous dépassions notre quant à soi pour nous engager dans la création de ce nouveau champ de solidarité collective. Le débat sur la dépendance nous offre l’opportunité de renforcer notre cohésion nationale et de garantir à nos enfants un avenir plus serein. (Très bien ! et applaudissements sur les travées de lUMP.)

M. le président. La parole est à M. Yves Daudigny.

M. Yves Daudigny. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, avant même l’examen des orientations présentées aujourd’hui, il me paraît nécessaire de procéder à une mise en perspective préalable du débat sur la prise en charge de la perte d’autonomie, que vient de rouvrir le Président de la République.

Trois questions se posent, en effet, et la portée de la réforme annoncée dépend des réponses qui y seront apportées.

En premier lieu, pourquoi relancer ce débat maintenant ? Il y a en effet près de quatre ans que l’actuel Président de la République déclarait, haut et fort, à Bercy, le 29 avril 2007, vouloir créer pas moins qu’un « droit opposable à la prise en charge de la dépendance ». Puis, nous n’en avons plus du tout entendu parler. De même, le projet de loi que l’ancien ministre du travail, des relations sociales et de la solidarité avait annoncé vouloir déposer n’a finalement pas été présenté avant son départ du Gouvernement, en janvier 2009. Le rapport qui nous est présenté aujourd’hui rappelle utilement, dans sa page 7, la chronologie de ces quatre années « blanches ».

Pour quelle raison, après tout ce temps écoulé – la mission commune d’information sénatoriale ne s’était d’ailleurs plus réunie depuis le 8 décembre 2008 –, assistons-nous au brusque déploiement d’une véritable machine de guerre, dès après la conférence de presse du 16 novembre 2010 ?

M. Philippe Marini, président de la mission commune d’information. C’est une guerre très pacifique !

M. Yves Daudigny. On nous annonce le lancement d’un débat national, la publication d’un décret portant création d’un comité interministériel sur la dépendance, la mise en place de quatre groupes thématiques réunissant l’ensemble des acteurs – et pas moins de cinquante personnes par groupe –, l’engagement de débats interrégionaux, la création d’un site internet de recueil de contributions citoyennes, la saisine du Conseil économique, social et environnemental...

M. Philippe Marini, président de la mission commune d’information. Pourquoi redoutez-vous de ce débat ?

M. Yves Daudigny. Deuxième cause d’étonnement, le calendrier de la réforme annoncée est fixé avant même que ne le soient ses objectifs !

Le rendez-vous législatif serait la discussion du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2012, à l’automne prochain. Est-ce mieux dire que le Gouvernement, en fait de réforme de la prise en charge de la perte d’autonomie, n’envisage que des mesures financières d’ajustement ?

M. Guy Fischer. Voilà !

M. Yves Daudigny. Il y aurait là, pour le moins, comme un paradoxe, une distorsion frappante, au regard de l’ampleur du débat national engagé, qui porte sur la place des seniors dans la société. Mais il est vrai que le discours du 8 février 2011 a modifié ce dispositif, en annonçant la présentation, avant l’été prochain, d’un projet de loi spécifique préparé par le Gouvernement. Que croire ?

Depuis 2007, le Président de la Réplique manie en effet l’ambiguïté, alternant, au fil de ses déclarations, son intention de créer, un jour, une « cinquième branche de la protection sociale » et, le lendemain, un « cinquième risque de sécurité sociale », quand il ne se réfère pas à ces deux notions distinctes dans un même discours, alors que le recours à une loi organique serait, pour cela, indispensable. Il ne l’ignore pas, bien sûr, puisqu’il a lui-même écarté cette hypothèse.

Mme Raymonde Le Texier. C’est la politique de Gribouille !

M. Yves Daudigny. Troisième source d’étonnement, pourquoi ce ton et ce vocabulaire de dramaturge : « un déficit de financement colossal », « l’un des problèmes les plus douloureux auxquels nos familles seront confrontées », « un sujet aussi grave », « apporter une réponse à l’angoisse de la dépendance »...

M. Guy Fischer. Il fait dans le catastrophisme !

M. Yves Daudigny. Le projet de réforme sera-t-il limité, comme l’a voulu le Président de la République, aux seules personnes âgées en perte d’autonomie, à l’exclusion, singulièrement, des personnes handicapées laissées sur le bord de la route ?

Mme Bernadette Dupont et M. Paul Blanc. C’est faux !

M. Guy Fischer. Bien sûr que si !

M. Yves Daudigny. Cette communication anxiogène vise-t-elle indirectement à déstabiliser plus encore ce qui reste de financement solidaire de notre système de protection sociale ?

Dans le premier cas, ce discours ne correspond pas à la réalité de l’évaluation démographique et financière des besoins à venir, lesquels ne prendront la forme – les constats sont ici partagés – ni du « tsunami gris » ni de la « bombe à retardement » qui sont parfois brandis.

Si l’exercice prospectif est rendu difficile par plusieurs incertitudes quant à l’évolution du mode de vie des femmes – et des conséquences qui en résulteront sur leur espérance de vie –, de la médecine ou du contexte financier, nous savons, en revanche, que la courbe de l’évolution des âges n’est pas celle de la dépendance, que l’incapacité survient de plus en plus tard, essentiellement après 85 ans, et dure de moins en moins longtemps, soit quatre ans en moyenne. Nous savons également – et nous sommes, là aussi, en accord avec la mission –, que l’évolution qui porterait les 1 % de PIB d’ores et déjà consacrés au financement de la dépendance à 1,5 % à l’horizon de 2030 est parfaitement supportable.

Reste alors la seconde hypothèse, celle d’une fragilisation telle des financements de la sécurité sociale qu’il ne sera nul besoin, comme s’en est d’ailleurs défendu par avance le Président de la République, il y a quelques jours, devant le Conseil économique, social et environnemental, de privatiser une sécurité sociale moribonde, dont le Gouvernement réduit constamment le taux de couverture.

M. Guy Fischer. Parce qu’il veut la démanteler !

M. Yves Daudigny. À ces trois questions, trois réponses, en forme de suggestions, laissent entrevoir, au-delà des discours compassionnels, un joli coup de billard à trois bandes pour le Gouvernement.

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. Qu’est-ce qu’on est intelligent !

M. Yves Daudigny. Et d’une : il satisfait dans l’immédiat son calendrier électoral.

Et de deux : il pourrait, par le biais du rendez-vous d’ores et déjà fixé à la discussion du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2012, établir un apparent équilibre de l’assurance maladie par un transfert de la part de l’ONDAM consacrée à la dépendance et peut-être aussi, du même coup, satisfaire à la réserve d’interprétation posée par Conseil constitutionnel dans sa décision du 10 novembre 2010 sur la loi organique relative à la gestion de la dette sociale. En interdisant au Gouvernement de puiser dans les ressources destinées à la sécurité sociale pour abonder le remboursement de la dette transférée à la Caisse d’amortissement de la dette sociale, la CADES, cette décision impose pratiquement, cette année, le recours aux prélèvements obligatoires dont vous ne voulez pas.

Et de trois : « grâce » à la dépendance, le Gouvernement pourrait imposer l’ouverture encore plus large de la prise en charge des risques sociaux au secteur privé commercial et à la concurrence.

Je ne crois pas, pour ma part, au flou savamment entretenu sur le contenu et l’ampleur de la réforme annoncée…

M. Guy Fischer. On cherche à nous enfumer !

M. Yves Daudigny. Je suis bien convaincu qu’elle est, pour l’essentiel, déjà écrite, de même que la stratégie en est fixée, comme l’était par avance celle de la réforme des retraites. Je ne crois pas à la sincérité de l’organisation de ce grand débat, dont nous voyons bien qu’il est mis au service de convictions profondément individualistes !

Ce n’est pas le moindre des paradoxes, à cet égard, d’entendre le Président de la République se féliciter de ce que la France a mieux absorbé les effets de la crise que d’autres pays européens, grâce à l’existence d’un système de protection sociale solidaire qui en a amorti une partie des effets. Or c’est en contradiction absolue avec les principes mêmes de ce système protecteur que s’esquissent les grandes lignes du projet de réforme, que nous retrouvons dans les orientations liminaires du rapport de la mission commune d’information, à savoir : le rôle donné à la prévoyance individuelle pour la prise en charge de la perte d’autonomie ; la perspective de réinstaurer le gage patrimonial ; enfin, la distinction opérée entre les personnes âgées et les personnes handicapées.

Les constats et plusieurs propositions de ce rapport, cela a été dit, recueillent cependant notre accord : le maintien du GIR 4 dans le dispositif de l’APA, l’exclusion du recours à l’assurance obligatoire – ouf ! –; l’affirmation du principe de parité de financement de l’APA entre l’État et les conseils généraux. La majorité sénatoriale a rejeté une proposition de loi relative à la compensation des trois allocations de solidarité, que j’avais défendue à cette même tribune le 9 décembre dernier. Elle y revient aujourd’hui, tant mieux, même si ce n’est que très partiellement !

Bien sûr, nous serons également très attentifs à la décision que rendra le Conseil constitutionnel, si le Conseil d’État décide de le saisir de la question prioritaire de constitutionnalité qui lui a été récemment transmise par le tribunal administratif de Montreuil sur ce problème de compensation.

Mais nous ne pouvons suivre la mission d’information sur la question de la convergence. Le monde du handicap vit mal, et à juste titre, sa mise à l’écart d’un projet de réforme relatif à la perte d’autonomie. La barrière d’âge produit des écarts profondément inéquitables de prise en charge ! Elle constitue clairement une discrimination, humainement indéfendable et juridiquement contestable, en particulier au regard du droit européen qui prohibe toute distinction par l’âge dans l’attribution des prestations sanitaires et sociales. Je le rappelle, l’article L. 114-1-1 du code de l’action sociale et des familles, issu de la loi du 11 février 2005, énonce un droit à compensation « quels que soient l’origine et la nature de [la] déficience, [l’]âge et [le] mode de vie » ; au-delà de l’affirmation du droit, la loi prévoyait une mise en œuvre réaliste, car étalée dans le temps.

Certaines problématiques, nous le savons, sont communes aux deux catégories de population. Ainsi, les règles en matière d’accessibilité des lieux publics, issues de la loi de 2005 pour l’égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées, profitent surtout, dans les faits, aux personnes âgées. Il en va de même des règles d’accessibilité dans le domaine de l’habitat ou de l’urbanisme : les personnes âgées vivent le plus souvent à domicile ; c’est seulement à partir de 96 ans que plus de 50 % d’entre elles se retrouvent dans des institutions.

La convergence sans confusion – car personne n’imagine, aujourd’hui ni demain, une allocation unique qui se substituerait à l’APA et à la PCH – est techniquement possible et financièrement supportable, dans un cadre solidaire rétabli et progressif.

S’agissant du recours à la prévoyance individuelle, nous savons que les coûts de gestion sont supérieurs à ceux de la sécurité sociale. Nous savons que les assurances commerciales trient les risques. Nous savons que les primes peuvent fortement varier et que les assurés paient beaucoup plus aux assureurs qu’ils ne paieraient en prélèvements obligatoires. Nous savons que les prestations forfaitaires servies ne sont pas adaptées aux besoins. Nous savons que nombre d’assurés ont tout perdu avec la chute des fonds de pension. (Mme Raymonde Le Texier et M. Jacky Le Menn approuvent.)

Cela devait être rappelé !

Selon Cynthia Fleury, c’est « supercherie […] de faire croire que le meilleur agent de protection de l’individu, c’est l’individu lui-même. Alors que l’on sait que l’individu sans structures collectives de défense devient plus vulnérable. »

L’enjeu est bien celui de notre contrat social, issu des Jours heureux, le programme du Conseil national de la résistance.

Permettez-moi, mes chers collègues, de citer une dernière phrase : « C’est dans le sort qu’elle réserve, dans la place qu’elle donne, dans la considération qu’elle porte aux plus humbles, aux plus vulnérables, aux plus fragiles, aux plus innocents des siens que se mesure la valeur morale et humaine d’une société ». Cette phrase est du Président de la République !

Madame la ministre, ce sont vos propositions, construites ou non sur une action collective, construites ou non sur la solidarité nationale, qui confirmeront ou détruiront la crédibilité de ces propos. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

(M. Jean-Claude Gaudin remplace M. Gérard Larcher au fauteuil de la présidence.)

PRÉSIDENCE DE M. Jean-Claude Gaudin

vice-président

M. le président. La parole est à M. Bernard Fournier.

M. Bernard Fournier. Monsieur le président, madame le ministre, mes chers collègues, nous abordons aujourd’hui au Sénat un des débats les plus importants de ces prochaines années. Portant sur une question de société, c’est aussi un débat moral très attendu par nos concitoyens, parce qu’il concerne – ou concernera – la plupart d’entre nous un jour ou l’autre.

Sur un tel sujet, nous pouvons et nous devons éviter les clivages politiques, socioprofessionnels ou générationnels. Faisons en sorte, ou essayons de faire en sorte que ce débat garde son caractère humaniste. La dépendance ne concerne-t-elle pas pour beaucoup, malheureusement, une étape de la vie qui devrait être belle, cette période de transmission du témoin à nos enfants, de transmission de nos valeurs…

Il est de notre devoir, de notre responsabilité de parlementaires d’anticiper les grandes évolutions de nos sociétés et d’y apporter des solutions.

Le thème de la dépendance se retrouvera naturellement, au cours des prochaines années, dans la plupart des politiques publiques menées par les gouvernements, qu’ils soient de droite ou de gauche. Bien sûr, c’est une question de santé publique, une question de société, mais aussi une question familiale, économique, urbaine.

La dépendance est tout simplement le résultat de l’allongement de la durée de la vie et de sa principale conséquence, le vieillissement de la population française.

Nonobstant les progrès considérables de la médecine, il faudra trouver des réponses adaptées pour tous ces Français qui connaissent une perte d’autonomie importante et qui ne peuvent pas toujours compter sur leur famille.

Un tiers des Français – cela a été dit – aura plus de soixante ans en 2035. Onze millions d’entre eux auront plus de quatre-vingts ans en 2050. Si, bien sûr, ces données démographiques constituent une très bonne nouvelle pour notre pays, c’est l’ensemble de notre modèle économique et social qui va s’en trouver bouleversé.

Cette évolution fondamentale, il nous faut dès maintenant l’accompagner. En effet, seule une personne âgée sur cinq est aujourd’hui en mesure de financer sur ses seuls revenus son hébergement en maison de retraite.

Pour toutes ces raisons, le Président de la République et le Gouvernement ont souhaité que la prise en charge de la perte d’autonomie soit un chantier majeur en 2011. Dans son discours de politique générale du 24 novembre 2010, le Premier ministre a annoncé une grande concertation nationale sur la protection sociale, ayant pour objectif principal de traiter la question de la dépendance, dont le coût est estimé à 21 milliards d’euros par an.

Au-delà de ces différentes remarques sur le plan sociétal et humain, il nous appartient de trouver des financements viables et pérennes.

Nous le savons, cette réforme intervient dans un contexte financier dégradé. Malgré la sortie de crise, la situation demeure fragile. L’état de nos finances publiques est préoccupant et nous sommes tous conscients que la maîtrise de nos déficits est une impérieuse nécessité.

Il nous faudra donc faire preuve d’imagination, d’inventivité, et surtout il nous faudra trouver de nouveaux financements si nous voulons mettre en place une prestation universelle de compensation de la perte d’autonomie.

En somme, nous avons trois impératifs : ne pas accroître nos déficits ; ne pas taxer plus le travail en augmentant les charges sociales et ne pas laisser aux familles toute la charge financière de la dépendance.

L’un des enjeux du cinquième risque est celui du financement des prestations individuelles et du « reste à charge » pour les usagers. Le recours à la prévoyance collective ou individuelle a été évoqué par le Président de la République comme un financement complémentaire aux financements émanant des solidarités nationale et familiale, ainsi que de la participation directe de l’usager.

Nous devrons aussi être très attentifs à la place du conseil général, qui, depuis la loi du 13 août 2004 relative aux libertés et responsabilités locales, est devenu le chef de file de l’action sociale en faveur des personnes âgées et des personnes handicapées. Dans mon département, le conseil général vient de voter un budget avoisinant 200 millions d’euros pour 2011 en faveur de ces publics, soit pratiquement 30 % du budget total.

M. Pierre Jamet, directeur général des services du conseil général du Rhône, qui a remis son rapport sur les finances départementales, le 22 avril 2010, au Premier ministre, a mis en exergue les difficultés croissantes des départements pour absorber dans leur budget la montée en charge des prestations sociales, avec la diminution inversement proportionnelle de leurs recettes.

Pour répondre à cette urgence, la loi de finances rectificative pour 2010 a mis en place un fonds exceptionnel de soutien aux départements en difficulté, abondé à hauteur de 150 millions d’euros.

Aujourd’hui, nous ne partons pas de rien.

L’excellent rapport sur la prise en charge de la dépendance et la création du cinquième risque, rédigé, au nom de la mission commune d’information, par notre collègue Alain Vasselle, nous rappelle très précisément toutes les mesures qui ont été prises depuis des années. Mais il dresse aussi le constat de l’accroissement significatif et nécessaire de l’effort public en direction des personnes âgées dépendantes.

Depuis 2008, M. le rapporteur les a soulignées, de nombreuses évolutions très positives ont eu lieu. Je pense en particulier au plan de relance de l’économie, qui a permis d’accélérer la création de nouvelles places dans les structures d’accueil. Je pense au plan Alzheimer, mais aussi à la réforme de la tarification des EHPAD ou encore à la réforme de la gouvernance du secteur médico-social, avec la création des agences régionales de santé.

N’ayant pas le temps d’évoquer toutes les mesures préconisées dans le rapport de la mission commune d’information, je voudrais conclure mon intervention en insistant sur celles qui, à mes yeux, sont les plus pertinentes.

Tout d’abord, il m’apparaît effectivement indispensable d’accentuer la politique de prévention de la perte d’autonomie et d’améliorer l’évaluation des besoins, la « solvabilisation » des personnes âgées en perte d’autonomie, ainsi que la gestion de l’APA.

Des efforts doivent être fournis pour assurer et développer le maintien à domicile. C’est d’ailleurs un souhait qu’expriment de nombreuses personnes âgées : elles désirent conserver le plus longtemps possible le cadre de vie dans lequel elles ont leurs habitudes, leurs repères, leurs souvenirs. Nous devrons donc être très attentifs, à terme, au décrochage qui peut survenir entre l’effectif des personnes dépendantes et celui des aidants à domicile, ce décrochage pouvant avoir une influence sur les possibilités de maintien à domicile.

Par ailleurs, je soutiens le principe d’une organisation et d’un financement de la prise en charge de la dépendance reposant sur un partenariat entre les secteurs public et privé. Je suis opposé à une assurance obligatoire, mais favorable à une assurance facultative, contractée sur la base du volontariat.

M. Alain Vasselle, rapporteur de la mission commune d’information. Très bien !

M. Bernard Fournier. La prise en compte de la dépendance ne doit pas reposer sur la seule puissance publique ; elle doit tendre vers un juste équilibre entre la solidarité nationale, la prévoyance, la solidarité familiale et la responsabilité individuelle. C’est pour cela, aussi, que l’idée de la création d’une deuxième journée de solidarité peut avoir beaucoup de sens.

Enfin, il est aussi important d’affirmer le principe de parité de financement de l’APA entre l’État et les conseils généraux.

En conclusion, je me félicite que le Président de la République et les membres de la mission commune d’information aient très clairement rappelé qu’ils ne souhaitaient pas « diluer le handicap dans la dépendance ».

Ces débats vont se poursuivre dans les prochains mois, au Parlement, mais aussi dans nos territoires. D’ailleurs, dès après-demain, M. le président du Sénat se rendra dans mon département de la Loire pour que nous échangions autour du sujet de la dépendance. Nous vous ferons donc part, madame le ministre, des observations et des propositions que nous pourrons recueillir dans nos territoires respectifs. (Applaudissements sur les travées de lUMP. – Mme Valérie Létard applaudit également.)

M. le président. La parole est à Mme Valérie Létard.

Mme Valérie Létard. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, à partir du constat juste et équilibré dressé par nos collègues Alain Vasselle et Philippe Marini, il nous faut, en abordant ce sujet sensible de la prise en charge de la dépendance, essayer de nous poser les bonnes questions.

À mon sens, celles-ci sont au nombre de trois. Comment respecter le libre choix des personnes âgées entre domicile et établissement ? Comment concilier l’équité et la proximité ? Comment partager justement le coût financier de cet effort ?

Première question : comment respecter le libre choix des personnes âgées ?

C’est un engagement pris, dès 2007, par le Président de la République. C’est une question de respect et de dignité. Mais, il ne faut pas se le cacher, c’est aussi une inflexion à donner pour orienter une partie plus importante de nos efforts sur le développement de l’offre à domicile – soins infirmiers à domicile, accueils de jour, hébergements temporaires –, plutôt que de se concentrer sur la seule poursuite de créations massives de structures d’hébergement.

Ce choix a plusieurs conséquences, que je listerai rapidement.

S’agissant du renforcement de notre effort en matière de prévention, le rapport de notre collègue Valérie Rosso-Debord contient des pistes intéressantes.

S’agissant du maintien impératif du groupe iso-ressources 4, le GIR 4, dans le dispositif de l’APA et son amélioration, je partage complètement l’analyse de la mission sénatoriale. Supprimer ce niveau d’entrée dans l’aide reviendrait à fragiliser l’ensemble du système, car nous prendrions ainsi le risque d’accroître les hospitalisations accélérées et, donc, les dépenses de santé.

S’agissant de l’effort important nécessaire pour former les personnels à prendre en charge des personnes très dépendantes à domicile, il faut poursuivre le plan de développement des métiers et formations du secteur médico-social que j’avais déjà soutenu en 2008. Je persiste à penser que c’est une des clés de la réussite de notre politique en faveur des personnes âgées, qu’elles restent à leur domicile ou qu’elles intègrent un établissement.

Enfin, il faut repenser l’articulation entre le domicile et l’établissement pour aller vers des plateformes de services couvrant tout le parcours des personnes, afin d’éviter les ruptures de prise en charge.

Deuxième question, fondamentale elle aussi, comment concilier équité et proximité ?

Comme devant la maladie, nous ne sommes pas tous égaux devant le vieillissement. Cela implique que ce risque relève d’abord de la solidarité nationale, et une société solidaire doit aider à prendre en charge cet aléa collectivement, d’où la proposition de la CNSA en octobre 2007 de créer un droit universel à une compensation personnalisée pour l’autonomie.

Ce droit doit donner accès à une évaluation des besoins d’aide, à un plan de compensation et au versement d’une prestation personnalisés. Pour ma part, je reprends complètement à mon compte ces propositions et c’est sur ces bases qu’il nous faut, à mon sens, construire la réforme.

En pratique, cela implique trois déclinaisons logiques.

Premièrement, nous acceptons une péréquation afin d’assurer cette aide à toutes les personnes âgées, de manière équivalente en tout point du territoire. Les départements ruraux pauvres ou urbains pauvres doivent être assurés du soutien financier nécessaire. Il faut réfléchir à la manière dont nous répartirons la charge entre l’État, les départements, les usagers et revoir la clé de répartition de l’APA.

Deuxièmement, nous acceptons la nécessité d’établir une équité entre les plus riches et les plus pauvres en fonction de la capacité financière de chacun. Dans cette optique, il est d’ailleurs légitime d’encourager les personnes disposant de revenus suffisants à recourir au système assurantiel.

Troisièmement, nous nous fixons comme un des objectifs majeurs de la réforme de réduire le reste à charge des résidents en établissement, en agissant sur la prise en charge des aides-soignantes et de l’animation.

Dernière question enfin, quels choix financiers pour assurer cette prise en charge ?

Il est difficile d’évaluer précisément le besoin de financement – M. Alain Vasselle avançait le chiffre d’un milliard d’euros par an. Mais, contrairement à l’assurance maladie, et grâce au mode de fonctionnement de la CNSA et des départements, nous partons d’une situation saine, car les besoins à couvrir ne s’accompagnent d’aucun endettement ou passif à apurer.

Du côté des économies possibles, on pourrait certes choisir de revenir au recours sur succession de la prestation spécifique dépendance, la PSD. D’une manière ou d’une autre, ce serait une fausse économie et je n’y suis pas favorable. On peut en revanche s’interroger sur le bien-fondé de l’aide fiscale à l’hébergement en EHPAD. Ces 300 millions d’euros pourraient être plus utilement affectés.

Mais le compte n’y sera pas sans envisager d’autres recettes.

La plus simple, à l’assiette la plus large et au taux le plus faible, est la contribution sociale généralisée, la CSG. 0,1 point de CSG représente 1,3 milliard d’euros. Toutefois, je n’ignore pas la difficulté à agir sur ce levier dans le contexte financier actuel.

La piste de la seconde journée de solidarité, que vous avez rappelée, est très intéressante et il faut la creuser. (Bravo ! sur plusieurs travées du groupe socialiste.)

Mais commençons par la piste que le groupe de l’Union centriste avait proposée dès 2004, c'est-à-dire l’élargissement de cette journée de solidarité aux non-salariés sur la base du taux appliqué aux cotisations des salariés : cela représenterait une recette de 750 millions d’euros.

Troisième piste, pourquoi ne pas réfléchir, à l’occasion de la refonte de la fiscalité sur le patrimoine, à l’affectation d’une fraction des droits sur les successions au financement de la dépendance : 1 % représenterait 2 milliards d’euros ?

Dernière piste, enfin, pourquoi ne pas réaménager la dégressivité de l’aide en GIR 1, afin de concentrer l’aide sur les personnes qui en ont le plus besoin ?

M. Yves Daudigny. C’est répartir la pénurie !

Mme Valérie Létard. On le voit, les curseurs à faire bouger sont multiples et l’objectif est à notre portée. Il demande réflexion, mais surtout souci d’équité…

M. Guy Fischer. C’est plutôt l’inégalité qui prévaut !

Mme Valérie Létard. … et de justice sociale et un nécessaire consensus de tous les acteurs permettant d’aboutir à un compromis satisfaisant pour tous, la solidarité nationale restant le cœur du dispositif. (Applaudissements sur les travées de lUnion centriste et de lUMP.)

M. le président. La parole est à M. Jean Desessard.

M. Jean Desessard. Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le rapporteur, chers collègues, la mission nous a éclairés sur les chiffres. La perte d’autonomie concerne aujourd’hui 12 % des plus de soixante-quinze ans ; 600 000 personnes vivent en établissement d’hébergement pour personnes âgées dépendantes, EHPAD. La perte d’autonomie coûte aujourd’hui 21 milliards d’euros par an et coûtera 8 milliards de plus dans quinze ans. Nous sommes tous d’accord !

Ainsi, le besoin de financement serait de 0,5 point de PIB supplémentaire à l’horizon 2025. Mais nous n’avons pas la même lecture des conséquences.

M. Jean Desessard. Chers collègues, arrêtons le catastrophisme. La compensation de la perte d’autonomie n’est pas un problème insurmontable à l’échelle des problèmes planétaires.

Cela menace-t-il l’environnement mondial, problème numéro un aujourd’hui ? Non !

Cela crée-t-il des tensions sur les ressources naturelles ? Non !

Cela crée-t-il des tensions d’approvisionnement des ressources alimentaires ? Non !

Cela pose-t-il des problèmes pour les générations futures ?

M. Jean Desessard. Non ! Notre collègue Guy Fischer l’a dit, ce n’est pas un risque pour la société. C’est un problème de financement. Eh oui ! Et ce problème de financement pose le problème de la solidarité nationale,…

M. Jean Desessard. … celui de la redistribution des richesses. (Marques d’approbation sur les travées du groupe socialiste.)

M. Guy Fischer. Voilà des paroles sensées !

M. Jean Desessard. Et comment résoudre le problème de la redistribution des richesses ?

M. Guy Fischer. En prenant aux riches !

M. Jean Desessard. Le problème, c’est que notre société est de plus en plus inégalitaire.

La première des inégalités est celle de l’espérance de vie, particulièrement celle de l’espérance de vie en bonne santé.

M. Guy Fischer. C’est vrai !

M. Jean Desessard. Nous avons déjà eu l’occasion d’en parler longuement lors du débat sur les retraites. Dégradation de l’environnement, épidémies de cancer, mal-être au travail : nos conditions de vie se détériorent, surtout pour les plus précaires d’entre nous.

M. Alain Vasselle, rapporteur de la mission commune d’information. Qu’avez-vous fait quand vous étiez au pouvoir ? Qu’a fait M. Jospin ?

M. Jean Desessard. L’autre grande inégalité se trouve dans les écarts de richesses. En ce qui concerne les personnes âgées, ce n’est pas en faisant baisser les pensions de retraite que les choses vont s’arranger.

M. Alain Vasselle, rapporteur de la mission commune d’information. Ce que nous n’avons pas fait !

M. Jean Desessard. Si ! De fait !

M. Alain Vasselle, rapporteur de la mission commune d’information. Non, nous n’en avions pas besoin !

M. Jean Desessard. Si ! De fait !

M. Alain Vasselle, rapporteur de la mission commune d’information. Nous avons sauvé la retraite par répartition pour éviter que les retraites ne diminuent !

M. Jean Desessard. Alors, dans ce contexte marqué par la précarité, à la question : « Comment assurer à tout citoyen ayant perdu son autonomie une vie dans un cadre matériel décent, permettant de maintenir les liens familiaux et sociaux, avec des solutions qu’il ou elle a librement choisies ? », je réponds : en organisant un service public de la compensation de la perte d’autonomie.

Avec tambours et trompettes – ou plutôt tambours et tromperies –, …

M. Guy Fischer. C’est mieux !

M. Jean Desessard. … le Président de la République prétend ouvrir le débat alors que les bases de discussion sont déjà fermées. D’ores et déjà, il a exclu le débat sur la convergence en faisant le choix de ne traiter que de la perte d’autonomie des personnes âgées. D’ores et déjà, il a laissé entendre que les compagnies d’assurance auront un rôle à jouer dans la « cinquième protection ».

M. Guy Fischer. C’est vrai !

M. Jean Desessard. Mais, pour nous, la compensation de la perte d’autonomie ne doit pas devenir un marché juteux pour le privé.

Premièrement, il faut absolument élargir l’APA et aller plus loin car, au-delà de la dépendance, la question de l’hébergement reste entière et non traitée.

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. Demain, on rase gratis !

M. Jean Desessard. En effet, 80 % des personnes accueillies en maison de retraite doivent faire appel aux ressources de leurs proches, qui, évidemment, n’ont pas tous les moyens d’assumer une telle charge. Cette situation est devenue intolérable, et cela a été dit sur toutes les travées de notre assemblée.

Deuxièmement, nous souhaitons une meilleure formation aux métiers de la dépendance. Actuellement, ces métiers sont trop peu attractifs et les salaires trop faibles.

Moins d’un aidant à domicile sur cinq est diplômé aujourd’hui. Il est urgent d’offrir des services de qualité à domicile et en établissement.

M. Alain Vasselle, rapporteur de la mission commune d’information. Là dessus, nous sommes d’accord !

M. Jean Desessard. Les écologistes sont pour le soutien à domicile des personnes âgées mais également pour le développement de solutions intermédiaires, alternatives aux maisons médicalisées et impersonnelles, notamment grâce à l’économie sociale et solidaire et au tiers secteur. Il faut encourager l’ouverture de structures à taille humaine, la vie en petite communauté, tout cela sans but lucratif et à tarifs abordables pour les personnes dépendantes et leurs familles.

Il faut également aider davantage les aidants familiaux, trop souvent isolés et ayant des difficultés à allier leur vie professionnelle avec la mission d’aidant.

Troisièmement, il faut de la prévention, encore de la prévention et toujours de la prévention !

J’ai eu l’occasion de le dire lors de l’examen de la mission « Santé » du projet de loi de finances : la prévention est essentielle, et pourtant si peu financée.

Il faut informer les personnes vieillissantes et les suivre. Il faut aussi adapter l’environnement aux seniors, rendre la ville plus lente et le logement plus facile à vivre. L’urbanisme doit avoir pour visée une ville plus douce, plus accessible aux personnes âgées, aux personnes à mobilité réduite.

Un exemple : en 2004, les chutes constituaient 84 % des 20 000 accidents de la vie courante survenus chez les plus de soixante-cinq ans. Il est possible de limiter ces accidents dont les conséquences sont parfois dramatiques.

Certes, financer un grand plan pour l’habitat des seniors, former des aidants, investir dans des structures adaptées et diverses pour répondre aux besoins de chacun, cela coûte de l’argent et vous allez nous ressortir l’argument selon lequel on ne peut se permettre de prendre en charge la compensation de la perte d’autonomie vu l’état des finances publiques.

M. Alain Vasselle, rapporteur de la mission commune d’information. Nous ne disons pas cela !

M. Jean Desessard. Notons que l’augmentation de ces besoins ne va pas croître indéfiniment, car la prise en charge des baby-boomers en situation de dépendance ne se prolongera pas au-delà de 2040.

Mais, au-delà de ces éléments, je pense que la compensation de la perte d’autonomie crée de l’emploi – et cela a été dit, même sur les travées de la droite –…

Mme Isabelle Debré. Très bien !

M. Jean Desessard. … et il s’agit d’emplois socialement utiles, non délocalisables et non polluants. Le must !

M. Paul Blanc. Bravo !

M. Jean Desessard. Alors que l’on recherche justement des solutions en matière d’emplois, là, nous avons la solution.

De toute façon, prendre en charge nos aînés n’est pas une option.

C’est pourquoi j’affirme ici que les écologistes sont pour un droit universel à la compensation de la perte d’autonomie et, au-delà du seul enjeu des moyens, pour une écologie des seniors insérant véritablement les personnes âgées dans la vie sociale et citoyenne.

La compensation de la perte d’autonomie est un problème de redistribution des richesses, de solidarité. La solution réside dans une refonte de la fiscalité, plus juste et plus équitable.

Pour nous, monsieur le rapporteur, qu’il soit obligatoire ou optionnel, nous ne sommes pas pour le système assurantiel.

En conclusion, je rappellerai que, pour nous, la dépendance pose la question cruciale de la solidarité nationale. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

Mme Isabelle Debré. Que d’excès !

M. le président. La parole est à M. Jean-Paul Fournier.

M. Jean-Paul Fournier. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, sur le fond, comme l’a dit le Président de la République, ce qui nous rassemble aujourd’hui n’est pas un débat simplement technique. C’est effectivement bien plus que cela. C’est l’une de ces marques qui traduisent l’état d’une société.

À ce titre, le rapport de la mission commune d’information nous rappelle que notre pays n’a pas à rougir de sa politique publique. Les plans successifs « vieillissement et solidarités » et « solidarité-grand âge » ont placé la France en tête des pays européens pour la prise en charge technique de la dépendance.

La volonté de solidarité est bien présente tant dans l’opinion publique que sur l’ensemble des travées de cet hémicycle. Encore faut-il qu’on sache anticiper les limites financières du système actuel, et surtout que l’on sache organiser le système autour de l’aidant et du médecin. Ce lien social est à la fois la clef de la qualité mais aussi celle de l’efficience économique.

Le remarquable rapport de la mission commune nous éclaire sur une situation d’une absolue complexité administrative et décrit précisément les perspectives statistiques et financières, à moyen et long termes.

Le débat ne devrait pas être seulement technique, mais il le sera inévitablement.

D’abord, sur la recherche d’une gouvernance simplifiée, tout ce qui revient à l’humain devrait être lisible. La clarté est nécessaire tant pour les familles que pour les professionnels. Actuellement, les administrations et les structures manquent de coordination entre elles, si bien qu’un médecin traitant ne sait plus à qui s’adresser quand un patient chronique se déstabilise. Alors, c’est la solution sans retour, celle des urgences de l’hôpital le plus proche.

Lors de l’hospitalisation, les bilans sont refaits sans réelle nécessité, et pour peu que le séjour se prolonge, le patient devient inapte au retour au domicile. Et c’est le placement dans un service de long séjour onéreux, où il finira sa vie. C’est le pire sur le plan humain, c’est aussi le pire sur le plan financier, sachant qu’une journée d’hospitalisation à domicile est facturée à la tarification à l’acte environ 200 euros alors que, en centre hospitalier ou en centre hospitalier général, c’est jusqu’à dix fois plus.

La gouvernance, sans nom et sans corps, est différenciée selon que l’on traite de l’hébergement, des soins ou de l’aide à la personne. Unifions, clarifions, donnons-nous un chef de file et soyons novateurs en créant un « guichet unique ».

Nous ne partons pas de rien. Les outils sont nombreux et de qualité : les centres locaux d’information et de coordination gérontologique, les CLIC, les établissements hospitaliers pour personnes âgées dépendantes, les EHPAD, les services de soins infirmiers à domicile, les SSIAD, les hospitalisations à domicile, les HAD, les maisons pour l’autonomie et l’intégration des malades d’Alzheimer, les MAIA, les services de maintien au domicile, les réseaux de soins palliatifs et les associations. Les départements, eux aussi, ont acquis une expertise.

Il émane du rapport un manque de lien et de coordination entre ces acteurs de terrain que le régime de la « grande cathédrale centralisée », termes employés par Mme la ministre, ne saurait instaurer.

En réalité, c’est bien sûr la refonte du financement que les conclusions de la mission ont déjà suscité des réactions relevant plus de la posture idéologique que de la raison.

Peut-on créer une cinquième branche sur le modèle des quatre autres ? Rationnellement, non ! Sauvons les branches existantes, mais ne chargeons pas la mule, elle marche déjà sur les genoux, si j’ose dire, tant du côté de l’entreprise que de celui du salarié.

Les travaux parlementaires concluent à la nécessaire participation du privé à la gestion du risque dépendance.

Qu’elle soit obligatoire, comme le préconisent nos collègues députés, et alors ce ne sera ni plus ni moins que la création d’une cinquième branche exclusivement financée par les particuliers, sans qu’en soient connus les moyens de contrôle !

Qu’elle soit volontaire, comme le suggère la mission sénatoriale, et, dans ce cas, nous restreignons l’assiette et augmentons les cotisations ou les primes. Mais alors Quid de ceux qui ne feront pas cet effort soit par manque de moyens, soit par négligence ou méconnaissance ! In fine, nous savons très bien que c’est la collectivité qui les prendra en charge.

Cette piste est néanmoins intéressante non seulement parce qu’il y a déjà cinq millions de cotisants mais aussi du fait de la mobilisation du secteur mutualiste. Particulièrement réactifs et visionnaires, ces acteurs sont à l’écoute de solutions moins onéreuses et s’inscrivent en partenaires de programmes spécifiques et novateurs, comme c’est actuellement le cas pour une expérimentation menée en Languedoc-Roussillon.

Pour compléter le dispositif de financement, nos collègues de la mission commune d’information préconisent la prise en gage avec un rendement de l’ordre du milliard d’euros couvrant l’augmentation annuelle de la dépense publique pour la dépendance ; c’est effectivement séduisant et équitable socialement.

Je rejoins toutefois les réserves émises par d’autres parlementaires sur ses effets pervers, pouvant aller jusqu’à la pression des familles pour conserver le patrimoine au détriment de la personne fragile, quand ce n’est pas le patient lui-même qui éviterait la prise en charge pour léguer l’intégralité de son patrimoine.

Dans tous les cas, il me semble souhaitable de réserver une place prépondérante à la solidarité nationale, ce qui est conforme aux positions de la mission, en complétant les ressources par urne fiscalité bien ciblée, comme celle sur les jeux d’argent en ligne, qu’il faut intégrer à la refonte de la fiscalité du patrimoine. Mes chers collègues, nos concitoyens tiennent à cette solidarité ; sachons les entendre ! (Applaudissements sur les travées de lUMP.)

M. le président. La parole est à M. Alain Houpert.

M. Alain Houpert. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, j’aborderai le sujet d’une manière différente de mes collègues et je proposerai – modestement ! – une solution pour faire des économies sur cette peste grise qu’est la dépendance, notamment sur le reste à charge des familles.

Courageux, le Président de la République a annoncé qu’il ouvrirait le chantier de la dépendance en 2011. Il s’agit de créer un cinquième risque, mobilisant la solidarité nationale pour financer l’accompagnement de nos aînés.

Outre les difficultés du bel âge, le développement de maladies, comme le syndrome d’Alzheimer, augmente la complexité d’un tel dossier.

Le Sénat s’est penché depuis longtemps sur la question. Un travail remarquable a ainsi été accompli par la mission commune d’information sur la prise en charge de la dépendance et la création d’un cinquième risque.

La prise en charge de la dépendance est un défi qui m’apparaît comme une opportunité pour notre société, mais également pour nos territoires. Financement de la dépendance et aménagement du territoire forment, tel Janus, les deux visages d’un même problème.

Je me permets donc de revenir sur deux aspects liant l’aménagement du territoire et le financement de la dépendance : il s’agit, d’une part, de la localisation des EHPAD en zone rurale, car on diminue le reste à charge en abaissant la part du foncier dans le coût de la prise en charge, et, d’autre part, de la prudence dont nous devons faire preuve en matière de recours sur succession, car une telle option, comme il en existe pour l’ASPA, l’allocation de solidarité aux personnes âgées, fera peser le financement de la dépendance sur les départements vieillissants.

La diminution du reste à charge par l’installation d’EHPAD sur des territoires à faible pression foncière, c’est l’assurance d’une dépendance moins chère et d’une meilleure valorisation des territoires ruraux.

Oui, il est légitime de mobiliser la solidarité nationale quand nombre de familles ne peuvent plus supporter le reste à charge. De fait, même en matière de dépendance, les cordons de la bourse ne sont pas élastiques. Pour proposer aux Français une réforme juste et audacieuse, il est indispensable de développer une vision compréhensive du sujet, sur les plans tant sociétal et médical qu’économique et territorial. En réalité, les dimensions économique et territoriale sont précisément liées, alors que, à ce jour, une conception trop administrative tend bien souvent à les opposer.

On ne pourra redonner vie aux années de nos aînés sans redonner vie à nos territoires. Au regard des 30 % que représente le foncier dans le coût d’une place en maison médicalisée, la ruralité offre une opportunité sans pareille pour pourvoir la France de nouveaux établissements, de surcroît à meilleur rapport qualité-prix. Il faudrait cependant sortir des schèmes traditionnels des CROSS, SROS, DDASS, DRASS et maintenant des ARS, qui concentrent les projets dans les centres urbains, au nom de la proximité familiale.

Malheureusement, la proximité familiale est un argument bien théorique au regard de la réalité de la dépendance. Non seulement les EHPAD placés en zone urbaine coûtent extrêmement cher et le reste à charge des familles reste trop élevé, mais, en plus, ces structures ne trouvent pas pour autant leur place dans une vie urbaine à la fois absorbante et anonyme.

Oui, le foncier est trop cher en ville ; non, les plus modestes n’ont pas accès à ces structures d’accompagnement. Oui, la ville est absorbante ; non, les familles n’ont pas davantage le temps de visiter leurs aînés en cours de semaine. Oui, la ville est anonyme ; non, cet anonymat ne nous permettra pas de réduire de risque de maltraitance.

La ruralité, et c’est un rural qui le dit, offre – osons le dire ! – un cadre de vie mieux adapté pour traiter la dépendance. La ruralité laisse le temps au temps ; elle donne aussi à chacun l’espace suffisant pour respirer. Le sommeil y est meilleur et la vie plus équilibrée. Moins d’obstacles encombrent les promenades. Et surtout, à la campagne, il n’y a point d’anonymat ; nul n’est oublié de la société.

M. Guy Fischer. Vive la campagne !

M. Alain Houpert. Lorsqu’un aîné n’ouvre plus ses volets un beau matin, on n’attend pas deux semaines pour prendre des nouvelles.

M. Alain Houpert. Alors que la dépendance est difficile à accepter, tant pour les aînés que pour leurs proches, la vie à la campagne commence par redonner une dignité à chacun. Favoriser un cadre de vie plus humain permettra notamment de diminuer le sentiment de culpabilité des familles ; il faut améliorer la vie en EHPAD pour que les placements en EHPAD ne s’apparentent pas à des commencements d’abandon.

Redonner vie à nos aînés en redonnant vie à nos territoires, telle peut être l’ambition d’une prise en charge nationale de la dépendance. Oui, l’angoisse de la dépendance, c’est la peur de la chute dont on ne peut se relever. Si la crainte de la dépendance est réelle, une chute en appelle néanmoins une autre, que nous emprunterons à La Fontaine : « Adieu donc ! Fi du plaisir que la crainte peut corrompre », arguerait ainsi le rat des champs que je suis. Alors ne faut-il pas rechercher la quiétude des campagnes loin du tracas que causent les villes ? D’autant plus que ces dispositions créeraient de l’emploi féminin, qui fait souvent défaut en milieu rural.

Il faut également faire preuve de prudence dans les recours sur succession, car une telle option, comme il en existe pour l’ASPA, ferait peser le financement de la dépendance sur les départements vieillissants.

En effet, on constate que, au travers de mécanismes comme l’ASPA, les aides accordées aux personnes âgées sont, in fine, répercutées sur des biens immobiliers, généralement situés dans des départements vieillissants.

On peut alors légitimement redouter que la multiplication de biens à vendre dans ces territoires ne fasse qu’accélérer leur déclin en faussant le marché à la baisse. Or la baisse du marché aura elle-même pour conséquence de diminuer les recettes de conseils généraux.

Avant que ces mécanismes ne soient généralisés ou étendus, je crois que la question de l’équité territoriale devrait faire l’objet d’expertises, de modélisations. Il faut donc faire preuve de prudence sur le recours sur succession.

Pour conclure brièvement, je tenais à souligner l’impact que peuvent avoir sur l’aménagement des territoires les modalités de financement que nous retiendrons pour le financement de la dépendance. Je crois que c’est bien « l’esprit maison » que d’en tenir compte. Puisque les progrès de la médecine, dont je suis l’un des modestes praticiens, ont donné des années à nos vies, redonnons de la vie à nos années ! (Applaudissements sur les travées de lUMP.)

M. le président. La parole est à Mme la ministre.

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre des solidarités et de la cohésion sociale. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, quel beau débat ! C’est avec un grand plaisir et une grande attention que je vous ai toutes et tous écoutés.

La qualité des échanges montre combien la question de la dépendance des personnes âgées concerne l’ensemble d’entre nous. Vous l’avez tous souligné dans vos allocutions. La diversité des points de vue nous indique, quant à elle, à quel point les enjeux sont multiples et les pistes variées.

Je ne rejoins pas Philippe Adnot quant à l’inutilité du débat. Les différentes solutions qui ont été mises en exergue montrent bien que le débat, qui a été jusqu’à présent confiné dans des cercles d’experts, a besoin de se poursuivre afin que nos compatriotes puissent s’en approprier les termes.

Le Président de la République, s’exprimant il y a quelques jours devant le Conseil économique, social et environnemental, a résumé l’enjeu en quelques mots : « La réflexion doit être collective et la réponse aussi. »

La qualité de ce débat, on la doit aussi, cher Alain Vasselle, à votre excellentissime rapport. (Exclamations amusées sur les travées de lUMP.)

M. Alain Vasselle, rapporteur de la mission commune d’information. Merci !

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. Le mot « excellent » ne me paraissait pas suffisant ! (Nouveaux sourires.)

On la doit également aux travaux de la mission sénatoriale présidée par Philippe Marini, travaux dont je veux saluer aujourd’hui la pertinence et la profondeur.

Le Sénat a depuis longtemps pris la mesure de l’enjeu que représente la perte d’autonomie des personnes âgées. En choisissant de créer une mission commune d’information sur la prise en charge de la dépendance et la création du cinquième risque, vous avez tous souligné l’importance de mener une réflexion profonde et collective sur ce thème d’envergure.

Au moment où le Gouvernement engage un grand débat national, votre rapport dresse un panorama complet des enjeux humains, organisationnels et financiers de la construction de ce cinquième risque et esquisse de nombreuses pistes de réformes. Soyez-en remerciés.

Beaucoup de choses très intéressantes ont été dites depuis le début de l’après-midi et je voudrais revenir sur certaines d’entre elles.

Le constat est unanime : le vieillissement de notre pays n’est pas un problème, mais au contraire une immense chance, celle de vivre plus longtemps en meilleure forme et de rester chez soi jusqu’à un âge avancé, comme Bernard Fournier, Bruno Sido et Valérie Létard l’ont très bien indiqué.

L’allongement de l’espérance de vie est l’un de nos plus spectaculaires et de nos plus extraordinaires acquis. Chaque année, nous gagnons un trimestre d’espérance de vie, et même quatre mois l’an dernier ! Ainsi, l’espérance de vie à la naissance est passée, pour les hommes, de 70,2 ans en 1980 à 78,1 ans en 2010 et, pour les femmes, de 78,4 ans à 84,8 ans.

Nous vivons non seulement de plus en plus longtemps, mais surtout de plus en plus longtemps en bonne santé. Les progrès de la médecine et l’amélioration de nos conditions de vie l’ont largement permis.

Ce vieillissement est une chance.

Une chance pour chacun de nous, car il nous offre la possibilité de réaliser plus longtemps nos désirs et nos projets : la possibilité d’être ce pivot familial autour duquel enfants, petits-enfants et arrière-petits-enfants se réunissent ; la possibilité d’observer le monde qui change et d’œuvrer à ces mutations.

Une chance pour notre société, car il implique plus de temps pour s’engager dans le tissu associatif ou pour aider, y compris financièrement, les enfants et petits-enfants.

Nous devons donc envisager le vieillissement de façon positive.

Je voudrais maintenant évoquer le champ de la réforme pour répondre à MM. Fischer et Daudigny, et peut-être d’autres encore, qui s’inquiétaient que la réforme ne prenne pas en compte l’autonomie des personnes handicapées.

La réforme vise bien la prise en compte de la dépendance des personnes âgées. Nous n’avons pas retenu à ce stade l’autonomie, très justement revendiquée, des personnes handicapées, car la dépendance des personnes âgées est structurellement et philosophiquement très différente de la recherche d’autonomie des personnes handicapées : confondre les deux questions présenterait des risques majeurs.

J’ai d’ailleurs rencontré les représentants de toutes les grandes institutions représentatives des personnes handicapées sur ce sujet. Je me suis notamment rendue devant le Conseil national consultatif des personnes handicapées. La grande majorité de ces institutions étaient très défiantes quant à une possible confusion des deux sujets dans le débat. Elles sont tout à fait d’accord pour que l’autonomie des personnes handicapées soit abordée dans d’autres enceintes, tout en restant bien évidemment extrêmement vigilantes quant à la défense de leurs droits.

J’ai néanmoins souhaité que les représentants du Conseil national consultatif des personnes handicapées participent à chacune des quatre commissions qui ont été instituées au sein du ministère. J’ai indiqué que, bien entendu, la problématique des personnes handicapées vieillissantes faisait partie intégrante de notre débat actuel.

À cet égard, nous menons un travail très important concernant l’accessibilité et l’évaluation des besoins, des structures et des services. Tous les progrès qu’enregistrera notre société en ces matières bénéficieront bien évidemment aux personnes en situation de handicap tout comme l’accessibilité de nos villes aux personnes en situation de handicap a participé à améliorer la vie de tous.

Je veux insister sur le fait que la dépendance n’est pas une fatalité et qu’une politique active de prévention peut la faire reculer. Bernard Fournier l’a d’ailleurs indiqué.

Le rapport de la mission sénatoriale fait sur ce sujet plusieurs propositions, comme l’avait fait auparavant le rapport de la commission des affaires sociales de l’Assemblée nationale. Certains d’entre vous ont souligné à juste titre l’importance de cette dimension.

Je crois beaucoup au rôle de la prévention, trop souvent oublié. Lorsque j’étais ministre de la santé, j’ai veillé à ce que ce volet essentiel soit pris en compte dans les différents plans de santé publique que j’ai lancés tel le plan AVC ou le plan Alzheimer. Ainsi, j’ai souhaité que la prévention soit l’un des dispositifs cardinaux de la création des agences régionales de santé.

Tous les spécialistes en gérontologie l’affirment. Une étude menée aux États-Unis montre aujourd’hui que, si aucune mesure de prévention n’était mise en œuvre, le nombre des malades doublerait d’ici à 2050, alors que, si l’âge de début de la maladie pouvait être reculé de cinq ans, ce nombre serait réduit de moitié. Cela démontre bien l’enjeu de la prévention !

Essayons également de ne pas « fabriquer » des personnes dépendantes. Par exemple, aliter une personne âgée pendant dix jours peut lui faire perdre jusqu’à 20 % de sa masse musculaire, ce dont elle ne se remettra pas.

La prévention nécessite aussi une meilleure articulation de la prise en charge en institution – hôpital, EHPAD – et à domicile. À ce titre, nous savons bien qu’il y a des moments cruciaux dans la prévention de la perte d’autonomie. Un certain nombre d’entre vous sont des soignants et le savent. Vous connaissez, par exemple, ce moment du retour à domicile après une hospitalisation ou celui de l’entrée à l’hôpital. Il faut faire en sorte que les besoins de soutien ponctuels soient immédiatement satisfaits si l’on veut éviter une perte irréversible d’autonomie.

Au-delà de l’aspect médical, la prévention met en jeu d’autres facteurs de risques liés aussi bien aux comportements individuels qu’au cadre de vie et plus généralement à l’environnement urbain et social.

Plusieurs choses concrètes peuvent être faites : sensibiliser la personne âgée au risque de fragilité lié à une alimentation non équilibrée, au manque d’activité physique et cognitive, à l’isolement social ; mieux repérer les situations de risques imminents. Le médecin traitant, le pharmacien, l’infirmière et l’aide-soignante ont un rôle important à jouer, tout comme les aidants familiaux et professionnels, qui sont en contact quotidien avec la personne âgée.

On peut prévenir la fragilité, la traiter ou au moins la stabiliser avant qu’elle ne débouche sur la perte d’autonomie.

On peut aussi agir sur le cadre de vie des personnes âgées, à commencer par le logement, qui est le premier lieu de risque. Comme je l’ai déjà dit vendredi dernier en visitant un ensemble de logements dédiés aux personnes âgées en Meurthe-et-Moselle : les chutes provoquent chaque année 10 000 décès environ et des dizaines de milliers de cas de traumatismes et de lésions aux conséquences graves. C’est donc beaucoup plus que le nombre d’accidents de la route.

Pour cela, nous devons mener une véritable politique publique d’adaptation du logement. Vivre à domicile n’est pas synonyme de confinement. La mobilité et l’accessibilité en sont des vecteurs essentiels. C’est pourquoi il est nécessaire d’améliorer l’accessibilité des espaces privés et publics et, plus globalement, l’environnement socio-urbain : aménagements, mobilier urbain, déplacements, services de proximité.

Je souhaite que le débat national aborde aussi toutes ces questions.

Un constat partagé, une précision sur le champ de la réforme, l’importance de la prévention ne doivent pas nous faire occulter le fait que l’allongement de l’espérance de vie s’accompagne du spectre de l’accroissement du nombre des personnes âgées dépendantes et des maladies associées au grand âge.

Le vieillissement pose donc à notre société un défi et les enjeux en sont profondément humains.

Les premières difficultés sont celles que rencontrent les personnes dépendantes et leurs familles. Chacun imagine les bouleversements que représente la dépendance sur les vies et les liens affectifs.

Je ne suis donc pas d’accord avec vous, monsieur Desessard, lorsque vous dites que le problème est exclusivement financier. Quand on est confronté à la perte d’autonomie d’un proche – un père ou un mari, par exemple –, je peux vous garantir que la première chose que l’on a à affronter est la destruction du lien familial. C’est ce père ou cette mère qui ne vous reconnaît plus. C’est cet être que vous aimez qui ne vous distingue plus.

M. Roland Courteau. C’est vrai !

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. Il existe bien entendu des difficultés d’ordre matériel dès lors qu’une nouvelle organisation doit être mise en place. Comment trouver un établissement adapté ou des personnels qualifiés en cas de maintien à domicile ?

Cela étant, les difficultés sont également psychologiques, parce que la dépendance entraîne une modification des rôles, l’appropriation d’une nouvelle place. L’époux ou le père dont je m’occupe est-il encore pleinement mon mari ou mon père ?

Il est d’ailleurs intéressant, lorsque l’on interroge les Français, de constater que la question du reste à charge n’est pas leur première préoccupation. Leurs craintes portent davantage sur l’impact de la dépendance sur leur vie quotidienne et surtout la charge psychologique et émotionnelle qu’elle représente.

Notre société doit non seulement trouver des solutions pour les personnes âgées, mais aussi pour leurs proches. Combien de femmes – on parle toujours des aidants, mais je tiens à mettre ce mot au féminin –, après avoir élevé leurs enfants et mis parfois leur carrière de côté, se retrouvent confrontées à la dépendance de leurs parents ou de leurs beaux-parents, à l’âge où elles auraient voulu, enfin, profiter de la vie et s’occuper d’elles !

Mme Christiane Demontès. En travaillant jusqu’à soixante-sept ans !

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. Cette dimension a peut-être été absente du débat.

Je parle des femmes car, je le répète, ce sont elles qui constituent la grande majorité des aidants. C’est pourquoi je souhaite que cet aspect de la question soit également abordé dans le débat sur la dépendance.

Les questions financières sont bien entendu présentes.

M. Guy Fischer. Quand même !

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. Le reste à charge, notamment en établissement et pour les personnes les plus dépendantes, peut être important.

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. Nombre d’entre vous l’ont rappelé, je pense notamment à Jean-Jacques Jégou.

Rappelons que le tarif d’hébergement moyen en établissement est de l’ordre de 1 750 euros par mois et peut être nettement plus élevé en région parisienne. Il doit être comparé au montant moyen de la retraite, qui est de 1 400 euros par mois, d’environ 1 000 euros pour les femmes, lesquelles représentent les trois quarts des résidents.

Ce défi, s’il se pose aujourd’hui, il se posera encore plus demain. Alain Vasselle le rappelle dans son rapport en citant une statistique de l’INSEE : « Les plus de soixante-quinze ans doubleraient quasiment d’ici 2050 pour représenter 15,6 % de la population française, contre 8 % aujourd’hui ».

C’est pour répondre à tout cela que le Président de la République a souhaité l’ouverture d’un grand débat sur la dépendance, qu’il m’a chargée de conduire. Comme il l’a dit lui-même, il y a urgence à se pencher sur cette question, car plus nous attendons, plus les problèmes seront difficiles à résoudre.

De ce point de vue, nous avons un devoir d’anticipation.

Néanmoins, nombre d’entre vous l’ont rappelé, nous ne partons pas de rien.

En effet, notre société consacrera, en 2011, 25 milliards d’euros à la prise en charge de la dépendance, dont 5 milliards d’euros par les départements. L’engagement de l’État est donc fort.

Quant aux départements, ce sont eux qui versent l’APA. Cette allocation bénéficie aujourd’hui à 1 174 000 personnes pour un montant moyen de 500 euros par mois et permet de financer, par exemple, une aide ménagère.

Je n’ignore pas, monsieur Baylet, les difficultés financières que rencontrent certains départements, en particulier les plus pauvres, ceux qui disposent des recettes fiscales les moins dynamiques et qui doivent en même temps faire face aux charges les plus importantes. Ce sera l’un des enjeux de la réforme. J’ai noté que quatre présidents de conseil général et au moins deux vice-présidents étaient intervenus au cours de ce débat.

Je ne résiste pas au plaisir – ou à la cruauté – de rappeler à ceux qui plaident pour la prise en charge de l’APA à parité entre les départements et l’État que Michel Mercier avait déposé un amendement en ce sens, lequel avait été rejeté par le gouvernement de Lionel Jospin, représenté par Élisabeth Guigou. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste.)

Je ne me livre pas souvent à un exercice de cruauté, mais en l'occurrence, je n’ai pu résister. (Sourires sur les travées de lUMP.)

Mme Isabelle Debré. Il fallait le rappeler !

M. Paul Blanc. Eh oui !

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. Néanmoins, je crois que nous pouvons aborder ce débat avec sérénité, puisque l’effort de notre collectivité est déjà élevé.

Nous ne partons pas de rien, car, comme l’a rappelé Jean-Paul Fournier, les outils sont nombreux et de qualité. Si l’on parle souvent des départements, n’oublions pas non plus les communes, qui déploient également de nombreux outils de proximité. On peut énumérer les CLIC, les EHPAD, les SSIAD, la HAD, les MAIA, les services de maintien à domicile – restauration, ménage, téléalarme –, les réseaux de soins palliatifs et toutes les animations menées par les associations.

Nous ne partons pas de rien, car nous pouvons nous appuyer sur de nombreux rapports particulièrement éclairants, comme le vôtre, cher Alain Vasselle, élaboré avec Philippe Marini et plusieurs de vos collègues, ou celui de la députée Valérie Rosso-Debord.

À cet égard, mesdames, messieurs les sénateurs, je veux rendre hommage à vos propositions étayées, astucieuses et innovantes. Vous avez ainsi suggéré de relever les plafonds d’aide de façon ciblée pour les personnes isolées et les patients atteints de maladies neurodégénératives ou encore d’établir une échelle dégressive de versement de l’APA en établissement.

M. Alain Vasselle, rapporteur. C’est vrai, vous avez bien lu le rapport !

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. Le débat national nous dira si vos propositions seront retenues. En tout cas, il est certain qu’elles rejoignent nos priorités communes, notamment le libre choix ou la réduction des restes à charge.

Vous avez par ailleurs proposé d’accroître l’efficience de la dépense de soins en établissement.

M. Alain Vasselle, rapporteur. Tout à fait !

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. Des marges existent en effet. Comme cela a été évoqué, le coût de l’accueil en EHPAD peut aller de un à trois selon les départements pour certaines catégories d’âge.

Je le répète, l’efficience de la dépense de soins en établissement peut être améliorée en agissant dans trois directions : la généralisation des forfaits globaux, la résorption des écarts de coût par la mise en place d’une convergence des tarifs de soins, la reconversion de lits de court séjour en lits d’EHPAD. C’est le sujet du décloisonnement, fil rouge de la loi HPST, laquelle a posé le cadre de la reconversion des lits d’hôpitaux et créé les ARS.

Je souhaite que cet objectif soit l’une de leurs priorités.

Quel modèle voulons-nous construire ?

Les questions qui se posent à nous sont nombreuses et, si je me réfère à l’extrême diversité des solutions qui ont été proposées, les réponses seront certainement multiples.

Faut-il faire prévaloir la solidarité nationale, la solidarité familiale, la prévoyance individuelle ou collective ?

Certains préconisent d’augmenter les prélèvements sociaux, par exemple la CSG des retraités. Jean-Jacques Jégou a constaté que le niveau de vie moyen de ces derniers s’était considérablement amélioré depuis les années 1970 et était même supérieur à celui des actifs. (M. Jean Desessard proteste.)

D’autres proposent la mise en place d’une seconde journée de solidarité – Valérie Létard a parlé avec beaucoup de pertinence de cette question – ou a minima d’étendre cette journée aux professions qui en sont aujourd’hui exclues, comme les professions libérales. Mais j’ai entendu aussi l’opposition résolue de Bernard Cazeau sur ce sujet.

D’autres proposent plutôt un recours sur succession, soit par un gage individuel, soit via une hausse de la fiscalité sur la transmission du patrimoine. C’est également Valérie Létard qui propose d’affecter une fraction des droits sur les successions au financement de la dépendance.

C’est vrai que la question peut être posée : est-il normal qu’une personne disposant d’un patrimoine élevé soit entièrement prise en charge par la solidarité nationale ?

Mme Nicole Bricq. Ce n’est pas la question !

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. N’est-ce pas courir le risque que nos concitoyens se privent, dans ce cas, de certaines prestations ?

Dans le même temps, on ne peut ignorer que les restes à charge importants conduisent déjà les personnes et leurs familles à mobiliser une partie de leur épargne ou de leur patrimoine. De fait, le recours sur succession existe déjà.

Votre mission a proposé que le gage patrimonial soit limité à l’APA à domicile. Je m’interroge, car je me demande si cela ne risquerait pas d’inciter certaines personnes qui pourraient rester chez elle à entrer en établissement.

D’autres encore suggèrent de développer la prévoyance individuelle, en donnant une place plus grande aux mutuelles, comme cela existe déjà dans la prise en charge des dépenses de santé et en matière de retraite complémentaire.

Les Français comprennent bien, dans ces deux domaines, le recours aux mutuelles. Serait-ce complètement choquant d’imaginer la même chose pour la dépendance, c’est-à-dire une solution qui combine la solidarité nationale, restant le socle de la prise en charge, et la prévoyance ? C’est la voie qui a été choisie par nos voisins en Europe.

Et renforcer la solidarité nationale, n’est-ce pas prendre le risque d’affaiblir les solidarités familiales en justifiant les égoïsmes ?

Plusieurs pistes s’offrent à nous. Nous pouvons, nous devons, les examiner ensemble. Sans doute, comme nombre d’entre vous l’ont exprimé, la solution que nous retiendrons sera-t-elle une solution mixte. Votre mission a d’ailleurs proposé la mise en place d’un partenariat public-privé. Je note que plusieurs d’entre vous y sont favorables – je pense à Jean Jacques Jégou.

Cependant, je le répète, à ce stade du débat, aucune piste n’est privilégiée par le Gouvernement. Il ne s’agit pas d’un débat en trompe-l’œil ; il n’y a pas de projet caché !

Nos discussions sont très ouvertes ; elles sont guidées par un certain nombre de principes intangibles, qui resteront notre ligne de conduite.

Le premier principe, évoqué par Valérie Létard au début de son propos, est le libre choix, pour les familles et pour les personnes en perte d’autonomie, entre le maintien à domicile et la prise en charge par des structures adaptées à leurs besoins. En aucun cas, ce choix ne doit se faire par défaut.

Au cours du débat, nous devrons alors nous interroger : comment favoriser le maintien à domicile, que la très grande majorité d’entre nous veut privilégier ? Dans certaines situations, est-ce toujours raisonnable ? Comment faire pour que ce ne soit pas un choix contraint ? Mais aussi, comment faire baisser le reste à charge en établissement, difficilement supportable pour beaucoup de nos concitoyens ? Alain Houpert a proposé une solution innovante, à savoir que les EHPAD soient installés sur des territoires à faible pression foncière, permettant ainsi d’alléger les coûts d’hébergement et une meilleure valorisation des territoires ruraux.

Mme Sylvie Goy-Chavent. Très bonne idée !

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. Il est bien évident que la dimension territoriale fait également partie du débat.

Deuxième principe intangible : une vigilance étroite sur la qualité des prises en charge. Cette exigence est une évidence, mais il convient sans doute de la rappeler.

La palette d’offres dont nous disposons est l’un des points forts du système actuel, mais elle peut très certainement évoluer encore, pour permettre, à volume égal de financement, une amélioration de la prise en charge pour les personnes les plus lourdement dépendantes.

Pour garantir la qualité de nos prises en charge, nous devrons, par ailleurs, concilier deux exigences : assurer une prise en charge de proximité, au plus près des besoins – c’est le rôle des conseils généraux, mais cela peut susciter des inégalités d’un territoire à l’autre – et garantir, dans le même temps, une équité de traitement sur tout le territoire, sans verser pour autant dans la gestion centralisée et technocratique.

Troisième principe : un principe de responsabilité quant au financement. Il n’est pas question, comme nous l’avons fait dans d’autres secteurs de la protection sociale, de reporter la charge sur les générations futures, au risque d’alourdir la dette.

Cela ne signifie pas, bien au contraire, que les pouvoirs publics se désengagent, ni que nous allons privatiser l’assurance maladie. Soyez complètement rassuré, monsieur Ficher ! Cette année, comme je vous le signalais, 25 milliards d’euros seront mobilisés.

Le Président de la République a également écarté une autre voie : celle qui consisterait à taxer davantage le travail.

Pour le reste, le débat est ouvert. Des pistes de financement sont évoquées, dont la prévoyance individuelle. Pourquoi l’écarter d’emblée, alors que 5 millions de nos concitoyens ont souscrit de tels contrats ?

Bien sûr, il nous faudra répondre à des urgences criantes. Vous avez évoqué la situation de certains départements ; on peut aussi évoquer celle des classes moyennes modestes, qui n’ont pas accès aux aides destinées aux plus défavorisés, et qui, pour autant, n’ont pas les moyens d’assumer des restes à charge importants. Il nous faut apporter très rapidement des solutions à ces situations.

Mais il s’agit aussi et surtout de construire un modèle pour les trente prochaines années, et cette élaboration ne saurait se réduire à des aspects strictement financiers.

Ce sont les contours de notre société, ce projet commun, ce bien-vivre ensemble que nous allons définir. Ce modèle devra être pensé pour s’adapter aux ruptures de tendance dans les modes et les techniques de prise en charge, ainsi qu’aux changements de courbes, notamment démographiques.

Vous le savez, le Président de la République a évoqué une « cinquième protection » pour la prise en charge de la dépendance. Cela n’implique pas nécessairement la constitution d’une nouvelle branche de la sécurité sociale.

Comme cela a été évoqué dans le débat, je précise que la création d’une cinquième branche de la sécurité sociale peut relever d’une simple loi ; l’analyse juridique conduite par mes services a établi qu’une loi organique n’était pas nécessaire.

Une chose est certaine : le cinquième élément de la protection sociale sera différent des quatre branches actuelles de la sécurité sociale.

Nous devons faire de l’innovation sociale, bâtir quelque chose d’original. À nous donc d’imaginer au cours de ces prochains mois quelle sera, demain, la prise en charge de la perte d’autonomie des personnes âgées.

Le débat qui s’engage, je le dis à Yves Daudigny, doit être le plus ouvert possible, dans les quatre groupes de travail que j’ai lancés, dans les vingt-six régions où se tiendra un colloque interdépartemental, dans les quatre débats interrégionaux et sur le site internet.

Je souhaite enfin, à la suite de certains d’entre vous, que sur un tel sujet nous puissions éviter les clivages politiques, socioprofessionnels ou générationnels, et faire que ce débat sur la dépendance soit une opportunité pour renforcer notre cohésion nationale. Mesdames les sénatrices, messieurs les sénateurs, vous en avez donné un bel exemple cet après-midi ! (Applaudissements sur les travées de lUMP et de lUnion centriste.)

8

Demande de constitution d'une commission spéciale sur un projet de loi

M. le président. M. le président du Sénat a reçu, transmis par le Premier ministre, le projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale, relatif à la bioéthique. Ce texte a été déposé et publié sous le numéro 304.

En application de l’article 16, alinéa 2 bis, du règlement, M. Jean-Pierre Bel, président du groupe socialiste, a saisi M. le président du Sénat d’une demande de constitution d’une commission spéciale sur ce projet de loi.

Cette demande va être affichée et notifiée au Gouvernement et aux présidents des groupes politiques et des commissions permanentes.

Cette demande sera considérée comme adoptée sauf si, avant la deuxième séance qui suit cet affichage, soit à l’ouverture de la séance du jeudi 17 février, le président du Sénat était saisi d’une opposition par le Gouvernement ou le président d’un groupe.

9

Débat d'orientation sur la prise en charge de la dépendance et la création d'un cinquième risque (suite)

M. le président. Nous reprenons le débat d’orientation sur les conclusions de la mission commue d’information sur la prise en charge de la dépendance et la création d’un cinquième risque.

Débat interactif et spontané

M. le président. Nous allons maintenant procéder au débat interactif et spontané, dont la durée a été fixée à une heure trente par la conférence des présidents.

Chaque sénateur peut intervenir pour deux minutes maximum. La mission commune d’information ou le Gouvernement, s’ils sont sollicités, pourront répondre.

La parole est à Mme Muguette Dini.

Mme Muguette Dini. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, je souhaite évoquer la question, importante pour la prise en charge de la perte d’autonomie des personnes âgées, des services à la personne et du régime fiscal et social qui leur est applicable.

La loi de finances pour 2011 a supprimé deux exonérations spécifiques de cotisations sociales à la charge de l’employeur : d’une part, l’abattement forfaitaire de 15 points précédemment accordé aux particuliers employeurs cotisant sur l’assiette réelle ; d’autre part, la franchise de cotisations patronales dans la limite du SMIC dont bénéficiaient les prestataires agréés ou déclarés intervenant auprès de publics dits « non fragiles ».

Ces mesures ont donné lieu à un débat passionné dans notre assemblée et n’ont été acceptées qu’à la suite d’engagements très précis du Gouvernement sur leur absence d’impact sur les publics fragiles.

De fait, les exonérations de cotisations sociales pour ces publics sont maintenues, tant pour les structures agréées que pour les particuliers. Toutefois, les représentants des services d’aide à domicile entendus par la mission soulignent les effets indirects négatifs de la suppression des exonérations de cotisations sociales. Elle pourrait conduire, d’une part, à un renchérissement des coûts horaires de prise en charge des publics « non fragiles » de l’ordre de 3 à 4 euros de l’heure et, d’autre part, à une réduction éventuelle de la demande de services de la part de ces publics.

Si tel est le cas, une fraction plus importante des coûts fixes de gestion de l’opérateur de soins, dont la clientèle est constituée à la fois de publics fragiles et de publics non fragiles, sera répercutée sur les populations les plus en difficulté.

Quelles dispositions envisagez-vous de prendre, madame la ministre, pour évaluer très précisément les effets des mesures prises en loi de finances, afin qu’elles ne pénalisent en rien les interventions auprès des publics fragiles, au moment même où nous réfléchissons aux moyens d’améliorer la prise en charge des personnes dépendantes ?

M. le président. La parole est à Mme la ministre.

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre des solidarités et de la cohésion sociale. Je tiens à rappeler l’effort financier massif consenti par l’État pour développer les services à la personne : le coût des aides au secteur des services à la personne, qui représente 6,5 milliards d’euros par an, a augmenté de 40 % depuis 2006. On ne saurait donc parler, comme certains, d’une réduction des exonérations !

Dans le cadre du chantier de la réduction des niches fiscales et sociales, nous avons suivi les préconisations de la Cour des comptes qui indiquaient que, la montée en puissance du secteur étant maintenant assurée, il fallait recentrer les aides sur les publics prioritaires.

Nous avons donc fixé certaines priorités, madame Dini, vous l’avez rappelé : ne pas toucher aux personnes les plus fragiles – les personnes âgées de plus de soixante-dix ans, les personnes dépendantes, les personnes handicapées – ayant besoin d’un employé à domicile. Le dispositif propre d’exonération pour ces publics, plus favorable, sera quasiment inchangé.

Nous avons voulu préserver un équilibre global sur le secteur : nous ne remettons pas en cause le crédit et la réduction d’impôt de 50 %, qui seront exonérés de la diminution forfaitaire des niches fiscales. Cet avantage fiscal va compenser, pour les particuliers, la moitié du surcoût lié à la suppression des exonérations spécifiques.

L’impact pour les employeurs sera limité. Le coût moyen pour un particulier employeur de la suppression des exonérations sera de 380 euros par an pour un volume de cinq à six heures hebdomadaires déclarées à 1,1 SMIC, soit 190 euros après crédit ou réduction d’impôt. C’est moins de 16 euros par mois. L’incidence pour les employeurs sera d’autant plus limitée que, pour les salariés concernés par la suppression de l’abattement de 15 %, il devient alors possible de bénéficier des allègements dits « Fillon ».

Un bilan de ces dispositions sera établi, je m’y suis engagée. Je suis à la disposition du rapporteur, Alain Vasselle, qui a souhaité qu’une analyse soit réalisée.

M. le président. La parole est à M. Jacky Le Menn.

M. Jacky Le Menn. Je souhaite revenir sur deux points soulevés dans l’excellent rapport d’information, au demeurant fort intéressant.

Premièrement, je suis satisfait que, contrairement à la proposition qui figurait dans le rapport d’information de la députée Valérie Rosso-Debord, la mission du Sénat n’ait pas retenu la suppression du GIR 4. La ficelle est un peu grosse : près de 500 000 personnes sont concernées, pour un coût moyen de 200 à 230 euros ; ce seraient donc 100 millions d’euros qui passeraient par pertes et profits. En outre, on oublie de mentionner que les difficultés de financement se reporteraient sur l’assurance maladie, à travers la prise en charge médicale et paramédicale de ces personnes.

Deuxièmement, en revanche, pour ce qui est du recours sur succession, on assiste à un véritable retour en arrière. La PSD concernait 120 000 à 130 000 personnes ; l’APA, Mme la ministre vient de le rappeler, 1 174 000 personnes. Il existe bien un véritable problème.

À cet égard, je retiens les propos de notre collègue Alain Houpert au sujet de l’incidence d’un tel mécanisme sur les départements. Afin de conserver un petit héritage, les personnes concernées risqueraient de privilégier le transfert en établissement. Ce serait un formidable retour en arrière et la prise en charge correcte des personnes dépendantes maintenues à domicile risquerait de se dégrader même si les propositions subtiles contenues dans le rapport peuvent nous faire croire le contraire. Une telle mesure mettrait nos concitoyens en difficulté : nous ne saurions y souscrire.

M. le président. La parole est à Mme la ministre.

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. Effectivement, monsieur le sénateur, la proposition de supprimer le GIR 4 figurait dans le rapport de l’Assemblée nationale. Il s’agissait de concentrer l’effort sur le GIR 1 et le GIR 2, au motif que c’est dans ces catégories que le reste à charge est le plus lourd pour les familles et les soins les plus nécessaires. Néanmoins – j’ai beaucoup insisté dans mon propos liminaire sur la prévention –, je pense que vous avez tout à fait raison, monsieur Le Menn, et que ce serait un mauvais calcul de supprimer la prise en charge du GIR 4.

Je m’avance un peu – je suis évidemment tenue à la réserve –, mais je le déclare de façon claire : pour ma part, je veux que l’on continue de prendre en charge le GIR 4. De toute façon, si tel n’était pas le cas, ce serait financièrement une mauvaise opération.

M. le président. La parole est à M. le rapporteur.

M. Alain Vasselle, rapporteur de la mission commune d’information. Je n’interviendrai pas sur le GIR 4, car notre rapport était très clair sur ce sujet. En outre, Mme la ministre vient de donner la position du Gouvernement à cet égard. Mon intervention portera, cher collègue, sur le gage.

Le gage ne doit pas être assimilé au recours sur succession, et ce pour plusieurs raisons.

Tout d’abord – Philippe Marini l’a très bien expliqué dans la discussion générale –, il s’agit d’un choix effectué en toute connaissance de cause par la personne confrontée au problème de la dépendance lorsqu’elle établit sa demande d’aide.

Ensuite, le montant est forfaitaire et n’a pas de caractère confiscatoire sur l’ensemble du patrimoine de la personne bénéficiaire. Il ne remet pas en cause le caractère universel de l’APA.

Enfin, il faut prendre en considération le seuil. Nous proposons de le fixer aux environs de 150 000 euros ; pour ma part, je plaide pour un montant compris entre 200 000 euros et 250 000 euros. L’un résulte de l’analyse de la situation telle que nous la connaissons, l’autre est personnel.

En 2003, la valeur moyenne du patrimoine des personnes âgées en perte d’autonomie était estimée à 120 000 euros. Actualisé à la valeur de 2008, ce patrimoine est estimé à 150 000 euros. La principale critique formulée contre le recours sur succession était son caractère dissuasif pour les bénéficiaires potentiels de la prestation, les personnes possédant un petit patrimoine ne voulant pas que l’on touche au patrimoine qu’elles se sont constitué au cours de leur vie professionnelle, qu’elles souhaitent transmettre à leurs enfants. En fixant ce seuil à un niveau élevé, nous évitons ce risque.

J’en viens à l’élément d’appréciation plus personnel. Pour ma part, je considère que la valeur du patrimoine sur l’ensemble du territoire national varie très sensiblement suivant le département. Elle n’est pas la même selon que l’on vit dans la région Île-de-France, en Corrèze ou en Lozère, c'est-à-dire dans un département très rural.

Il me semble – et je l’ai dit à Éric Doligé, qui mène actuellement une réflexion sur les problèmes de l’évolution des normes – qu’il y aurait lieu de proposer un dispositif dont le montant varierait suivant la région ou le département de résidence. Tel est déjà le cas pour les aides publiques accordées pour le logement social. Trois zones ont été définies : la zone 1, la zone 2 et la zone 3. La zone Île-de-France bénéficie de plafonds d’aides différents, supérieurs au département picard ou aux départements de régions très rurales comme la région centre ou la région Bretagne.

Telles sont, monsieur le président, les précisions supplémentaires qu’il me paraissait utile d’apporter pour notre débat.

M. le président. La parole est à M. Jacques Blanc.

M. Jacques Blanc. Je tiens d’abord à remercier M. le rapporteur d’avoir évoqué un dossier qui me préoccupe.

Vous avez déclaré, madame le ministre, tout comme M. le rapporteur, que le problème de la dépendance était distinct de celui des personnes handicapées. Il s’agit de situations différentes, qu’il ne faut pas confondre et qu’il ne faut pas réunir dans une voie unique de prise en charge.

Pour ma part, je considère qu’il est important que les personnes handicapées sachent que si, dans leur vieillesse, à leur handicap s’ajoutait un problème de dépendance, elles pourraient bénéficier des modalités de prise en charge de la dépendance. Offrir une telle perspective aux personnes handicapées me paraît être une réponse très forte, de nature à les rassurer.

Par ailleurs, notre collègue a évoqué la capacité des zones rurales à accueillir des établissements pour personnes dépendantes. À cet égard, il me semble important de revenir sur la question du domicile de secours, comme nous l’avions fait au moment de la loi pour l’égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées il y a maintenant longtemps, car une personne handicapée qui conserve son domicile de secours d’origine permet le développement d’institutions d’accueil dans des communes ou des départements ruraux.

La situation est la même pour les établissements pour personnes âgées et pour les personnes dépendantes. Il faudra donc aborder le problème du domicile de secours, lequel doit demeurer le domicile de secours d’origine.

M. le président. La parole est à Mme la ministre.

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. Je tiens d’abord à saluer Jacques Blanc pour son implication dans tous les domaines concernant les personnes en situation de handicap. C’est l’un des combats de votre vie, monsieur le sénateur, et je me doutais que vous m’en parleriez. (Sourires.)

J’ai bien compris que vous ne souhaitiez pas, et nous partageons la même philosophie sur ce sujet, monsieur le sénateur, que l’on confonde les deux problématiques. Cela dit, les personnes en situation de handicap sont partie prenante à notre débat car elles sont un véritable laboratoire de l’innovation sociale et, à ce titre, elles ont beaucoup à nous apporter dans le traitement de la dépendance des personnes âgées.

Nous pourrions d’ailleurs imaginer une maison commune, qui pourrait être construite en plusieurs phases et nous demander si les solutions que nous préconisons pour les personnes âgées dépendantes ne pourraient pas être compatibles avec les problématiques du handicap.

Vous avez par ailleurs évoqué, monsieur le sénateur, à la suite d’Alain Houpert, les constructions d’EHPAD dans les zones rurales et le problème du domicile de secours. J’accepterais volontiers de faire procéder à une évaluation sur ce sujet – le département d’origine de la personne au titre de l’action sociale est toujours la collectivité versante – afin de mesurer les bénéfices que nous pourrions tirer du transfert des politiques sociales au département de résidence de la personne dépendante, même s’il ne me semble pas que cette question pose de difficultés importantes.

Enfin – je répondrai sur ce point à la fois à M. Houpert et à vous, monsieur Blanc –, il faut être très prudent en matière de construction d’EHPAD, en particulier dans les territoires ruraux, car certains établissements sont déjà sous-occupés. Nous devons veiller à ne pas répéter les erreurs que nous avons commises dans le secteur sanitaire. À l’échelon national, nous sommes actuellement en surcapacité, même si les situations sont bien sûr très différentes selon les départements. Soyons donc très prudents !

M. le président. La parole est à M. Guy Fischer.

M. Guy Fischer. La presse, madame la ministre, s’est récemment fait l’écho, dans le cadre du débat sur la dépendance, des prix très élevés pratiqués par les établissements accueillant des personnes âgées.

Dans certains établissements, il semblerait que les prix oscillent entre 2 000 euros et 4 000 euros par mois, voire plus, soit des montants qui, très souvent, ne peuvent pas être supportés par les résidents. C’est le problème du reste à charge d’une manière générale.

On sait que ces tarifs, qui sont la conséquence des prix à la journée, sont appelés à croître au fur et à mesure que se développera la formation des personnels. La professionnalisation est naturellement capitale, car elle permettra à la fois l’amélioration des conditions de travail des personnels et celle des conditions de vie des résidents. Toutefois, il ne faudrait pas que ce processus ait pour effet secondaire d’écarter des établissements d’accueil certaines personnes en raison de leurs faibles revenus, les obligeant alors à un maintien à domicile peu compatible avec leur état de santé et leur niveau de dépendance.

Certes, le problème du nombre de places à créer dans les EHPAD est important, mais les déficits doivent être pris en charge en milieu rural, comme dans les quartiers populaires des grandes agglomérations, où l’on est confronté à ces problèmes.

Madame la ministre, nous voudrions savoir comment réduire les coûts de journée sans diminuer le taux d’encadrement actuel, indispensable pour la sécurité et le confort des résidents.

M. le président. La parole est à Mme la ministre.

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. Je tiens tout d’abord à rassurer Guy Fischer : le taux d’encadrement dans les EHPAD n’a pas diminué. Grâce à différents plans, il est même en train d’augmenter. On recrute ainsi environ 10 000 personnels nouveaux par an dans les EHPAD. Par ailleurs, un programme de médicalisation des EHPAD est en cours. Grâce à ces mesures, qui ne nous mènent peut-être pas aussi loin que nous pourrions le souhaiter, ni aussi vite, on ne peut pas parler, je le répète, de recul de l’encadrement dans les EHPAD, bien au contraire.

Par ailleurs, je remarque que, dans son rapport, Alain Vasselle a évoqué la mise en place de référentiels des coûts d’hébergement opposables afin de garantir que la diminution du reste à charge bénéficie bien aux personnes et à leurs familles.

M. Alain Vasselle, rapporteur de la mission commune d’information. Tout à fait !

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. Sur ce sujet, une information des familles me paraît tout à fait essentielle. En effet, les familles se trouvent très isolées lorsqu’elles ont à prendre la décision de placer un proche dans un établissement. Nous devons donc travailler à un accompagnement social des familles et améliorer le référencement des EHPAD.

Aujourd'hui, le choix, lorsqu’il n’est pas fait par défaut, dépend de l’éloignement de l’établissement et de son coût. Or aucun de ces deux paramètres ne renseigne très précisément sur la qualité de la prise en charge et sur l’adéquation des services apportés par l’établissement à la situation de la personne dépendante. Nous devons mener une réflexion sur ce thème et rendre disponible, y compris sur internet, un certain nombre de renseignements permettant d’aiguiller les malades et surtout leurs familles, car ce sont elles en général qui prennent les décisions.

Enfin, vous avez évoqué un sujet très important, monsieur le sénateur, à savoir la formation des personnels. J’ai souhaité que les conseils régionaux soient associés à la réflexion sur la dépendance ; on a parlé du pivot que constitue le conseil général à travers l’APA. Les communes et les intercommunalités, qui installent des services à domicile, ainsi que le secteur médico-social et les institutions gérées par le conseil régional seront également appelés à réfléchir sur ces formations.

J’ai d’ailleurs noté avec intérêt que trois régions, gérées par vos amis politiques, monsieur le sénateur, développaient des pôles gérontologiques, dont la région des pays de la Loire. Cette démarche me paraît extrêmement intéressante, car elle permet d’associer l’enseignement, la recherche et l’animation économique au traitement de la dépendance.

En tout cas, les questions de formation doivent être au premier rang des préoccupations des conseils régionaux.

M. le président. La parole est à Mme Isabelle Debré.

Mme Isabelle Debré. Madame la ministre, permettez-moi tout d’abord de vous dire que je partage pleinement votre sentiment sur ce débat, qui est riche et digne. C’est tout à l’honneur de la Haute Assemblée que d’échanger et de faire des propositions sur des sujets de société aussi importants que la dépendance.

Permettez-moi de revenir sur la question évoquée par notre collègue Alain Vasselle. Effectivement, l’article 63 de la loi de financement de la sécurité sociale de 2009 a institué une tarification à la ressource, proche dans son esprit de la tarification à l’activité, la T2A, mise en œuvre dans le secteur sanitaire.

L’objectif de cette réforme est d’attribuer les moyens aux établissements de manière plus équitable.

La mise en place de forfaits globaux et la convergence des tarifs de soins constituaient deux des principales mesures d’efficience préconisées par la mission. La tarification à la ressource devait entrer en vigueur le 1er janvier 2010, mais les dispositions réglementaires permettant de la mettre en œuvre n’ont toujours pas été prises.

Madame la ministre, pouvez-vous nous indiquer à quelle date le décret sera publié ?

M. le président. La parole est à Mme la ministre.

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. Vous ne m’avez pas lâchée sur le sujet, chère Isabelle Debré ! (Sourires.)

Mme Isabelle Debré. M. le rapporteur Alain Vasselle non plus ! (Nouveaux sourires.)

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. En effet, votre excellent rapporteur Alain Vasselle m’avait posé la même question, et je ne lui avais pas répondu.

Il est vrai que le décret relatif à la tarification dans les établissements d’hébergement pour personnes âgées dépendantes, les EHPAD, a fait l’objet de multiples discussions. D’ailleurs, les pouvoirs publics ont été amenés à le modifier à maintes reprises, et nous avons déjà eu un grand nombre de versions du texte, chaque nouvelle lecture donnant lieu à des concertations importantes avec les acteurs du secteur.

Le projet initial a connu plusieurs changements lors de son examen par la section sociale du Conseil d'État. Par exemple, le dernier texte maintenait le caractère optionnel du forfait intégral. En effet, la généralisation du tarif intégral nécessitait de pouvoir s’appuyer sur des données précises et complètes – cela fait encore défaut – sur le montant à transférer entre l’enveloppe soins de ville et celle du médico-social, en contrepartie de l’intégration des honoraires des généralistes et des prestations de biologie et de radiologie dans les forfaits intégraux des établissements.

Il s’agit de redéployer des crédits entre l’assurance maladie et le reste de la prise en charge, ce qui n’est pas simple.

Un groupe de travail a été constitué entre la Caisse nationale de l’assurance maladie des travailleurs salariés, la CNAMTS, et la Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie, la CNSA, les différents acteurs campant chacun sur leurs positions pour ne pas devoir prendre en charge des dépenses indues. Le groupe continue ses travaux et a soulevé un certain nombre de difficultés, par exemple pour le suivi des données de consommation médicale des résidents en EHPAD.

Par conséquent, cher Alain Vasselle, si le décret n’a pas été publié, c’est parce que je ne disposais pas des données chiffrées nécessaires. Et même si vous m’avez invitée à ne pas user de cette facilité, monsieur le rapporteur, je suggère de profiter de notre débat pour affiner la réflexion afin de pouvoir publier le décret dans les meilleurs délais…

M. le président. La parole est à M. Yvon Collin.

M. Yvon Collin. Je souhaiterais tout d’abord formuler un vœu.

Madame la ministre, vous venez de lancer une grande consultation nationale sur la dépendance pour que tous ceux qui le souhaitent puissent s’exprimer. Dès le mois d’avril, des débats doivent avoir lieu dans les régions. Le Conseil économique, social et environnemental doit également se pencher sur la question.

J’espère, et c’est mon vœu, que la réforme sera le fruit d’une véritable concertation – toutes les conditions pour en garantir le succès sont, me semble-t-il, réunies –, et non une décision imposée, comme a pu l’être la réforme des retraites.

Avec la majorité de mes collègues du RDSE, particulièrement attachés au respect des valeurs humanistes et au principe de solidarité, j’estime que la perte d’autonomie de nos aînés doit être prise en charge par la collectivité, au nom de la solidarité nationale.

Madame la ministre, nombreux sont celles et ceux qui espéraient beaucoup des promesses faites par le Président de la République voilà quatre ans.

Mme Françoise Laborde. Ça, c’est sûr !

M. Yvon Collin. À l’époque, il était effectivement question de la mise en place d’une cinquième branche. Vous l’avez d’ailleurs évoquée dans votre propos. Pouvez-vous y revenir ? Qu’en est-il précisément aujourd'hui ?

En effet, les récentes déclarations du Président de la République laissent entendre, sans doute un peu trop clairement, que la solidarité nationale n’est plus à l’ordre du jour et qu’il serait envisagé de confier cette branche au secteur assurantiel. Pouvez-vous nous assurer, ici et maintenant, que la solidarité nationale prendra en charge ce cinquième risque ?

Madame la ministre, ne craignez-vous pas que la privatisation de la prise en charge de la dépendance ne signifie l’institution d’un système à plusieurs vitesses ?

M. Guy Fischer. Ce n’est pas moi qui l’ai dit ! (Sourires.)

M. Yvon Collin. Vous comprendrez qu’une telle option n’ait pas nos faveurs… (Applaudissements sur les travées du RDSE et du groupe socialiste. – M. Guy Fischer applaudit également.)

M. le président. La parole est à Mme la ministre.

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. Je tiens à rassurer M. Collin : la solidarité nationale reste le socle de la prise en charge de la dépendance.

Aujourd'hui, la solidarité nationale prend en charge la dépendance à hauteur de 23 milliards d’euros ; ce sera sans doute 25 milliards d’euros cette année. Il reste environ entre 5 milliards et 6 milliards d’euros – il est relativement difficile d’analyser les montants en question du point de vue de la comptabilité publique – à la charge des familles.

La solidarité nationale est assurée à hauteur de 80 % par l’État, via un certain nombre d’exonérations de l’assurance maladie ainsi que certaines sommes mobilisées par la Caisse nationale d’assurance vieillesse, et à hauteur de 20 % par les collectivités territoriales.

À ce stade de la discussion, il ne m’appartient pas de trancher le débat sur la création d’une cinquième branche et sur la gouvernance de la Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie. Je vous indique simplement que la création d’une cinquième branche ne signifierait pas automatiquement sa privatisation !

À mon sens, l’idée d’une cinquième protection chemine ; l’interrogation porte davantage sur la structure à retenir. En l’occurrence, le débat est largement ouvert. Faut-il, comme le suggèrent les grandes centrales syndicales – j’ai rencontré un certain nombre d’acteurs concernés par le sujet –, prendre en charge la dépendance au sein de la branche maladie, en lui conférant une certaine autonomie, un peu sur les modèles des accidents du travail et maladies professionnelles ? C’est une piste.

Actuellement, certaines branches relèvent de la solidarité nationale. Et ce n’est pas parce que l’on créerait une cinquième branche qu’elle passerait obligatoirement sous la coupe des assurances privées !

M. le président. La parole est à Mme Catherine Deroche.

Mme Catherine Deroche. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, le recours à une assurance privée, obligatoire ou plutôt facultative, est une des solutions de financement possibles.

Ma question concerne les assurances dépendance souscrites dans le cadre d’un contrat individuel, ces contrats ayant vocation à assurer une aide financière en cas de survenance d’un état éventuel de dépendance.

Au cours d’une réunion récente organisée en présence de maires de mon département sur le thème de la dépendance, des élus ont évoqué un problème quant à l’interprétation de la notion de dépendance par les compagnies d’assurance.

En effet, il semblerait que, actuellement, certaines compagnies tiennent essentiellement compte du degré de perte d’autonomie physique des demandeurs dans l’accomplissement de leurs actes quotidiens.

Or l’altération des facultés mentales nécessite la plupart du temps une présence indispensable, voire continue d’intervenants, et mériterait donc la mise en œuvre de l’assurance dépendance pour garantir le financement de tels services.

Les conditions à remplir pour percevoir la rente étant très nombreuses et strictes, certaines personnes se retrouveraient ainsi dans l’obligation de continuer à verser des cotisations au titre de leur contrat dépendance, sans pouvoir bénéficier pour autant de la rente attendue par la souscription dudit contrat.

Actuellement, dix variables dites « discriminantes » sont utilisées pour le calcul du GIR.

Madame la ministre, ne vous semble-t-il pas nécessaire d’exiger à l’avenir que soient très clairement précisées les obligations pesant sur les sociétés d’assurances, s’agissant notamment des critères à définir pour l’attribution de cette rente dépendance ? La mission a formulé des préconisations en ce sens, notamment par la labellisation des contrats.

M. le président. La parole est à Mme la ministre.

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. Madame la sénatrice du Maine-et-Loire, chère Catherine Deroche, vous avez évoqué un problème qui revient effectivement très souvent dans les débats.

Ne l’oublions pas, 5 millions de nos compatriotes ont souscrit un contrat d’assurance dépendance. Ce n’est donc pas une solution marginale ! (M. Yves Daudigny s’exclame.) Certes, parmi ces 5 millions de contrats, 15 000 seulement donnent lieu à des prestations.

M. Yves Daudigny. C’est bien de le reconnaître !

M. Guy Fischer. C’est du racket !

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. Monsieur Guy Fischer, la fiabilité d’un système d’assurances ne se mesure pas à un instant donné ; c’est une dynamique ! Les prises en charge et les prestations augmenteront évidemment sans que les prestations augmentent pour autant. Les calculs actuariels ne peuvent donc pas se faire de cette manière. C’est comme si vous constatiez le versement des cotisations des primes d’assurance auto au début de l’année et ne considériez que les seuls remboursements d’accidents versés au 1er janvier ! Ce n’est pas ainsi que les calculs s’effectuent en régime assurantiel. Mais c’est une autre histoire…

Effectivement, nombre de souscripteurs de contrats d’assurance sont inquiets. Ils ont le sentiment que le dispositif n’est pas suffisamment lisible, et ils ne s’estiment pas assez bien renseignés sur le degré de dépendance leur permettant de percevoir les prestations.

Si des personnes sont encouragées à souscrire un contrat d’assurance dépendance, ce qui est positif, il faut aussi qu’elles puissent obtenir des garanties. Il faudrait également mettre en place une procédure de labellisation des contrats d’assurance. Si les contrats offerts sur le marché peuvent évidemment obéir à une logique commerciale propre, chacun d’eux devrait comporter un socle commun de nature à définir l’étendue minimale de la garantie quant au niveau de la dépendance et au montant de la rente.

Le processus de labellisation devrait également permettre de déterminer les modalités communes et minimales de la garantie, le type de prestation fournie, l’indexation, la revalorisation des prestations, la sélection médicale éventuelle, ainsi que les délais de carence et de franchise.

Aujourd'hui, une commission nationale est en train de s’établir sous l’égide de la CNSA, avec un certain nombre de partenaires spécialistes du secteur. Elle pourrait formuler un certain nombre de préconisations précises. D’ailleurs, c’est un travail qu’il conviendrait également de faire dans d’autres secteurs de l’assurance.

Je profite de l’occasion qui m’est offerte pour aborder un autre problème, que M. Vasselle soulève dans son rapport.

La garantie de portabilité des contrats pour les souscripteurs qui souhaitent changer d’assureur est évidemment un sujet très complexe, mais qui intéresse un certain nombre de personnes.

Aujourd'hui, il n’y a pas de véritable solution « clé en mains » pour différentes raisons : l’absence de définition commune de la dépendance – vous avez évoqué ce point, chère Catherine Deroche –, la difficulté d’estimer l’engagement de l’assureur, tous sujets sur lesquels nous devons avancer.

Dans son rapport, M. Alain Vasselle envisage la mise en réduction des garanties comme solution alternative à la portabilité des droits.

Je vous avoue qu’une telle option m’apparaît avant tout comme un pis-aller. Un souscripteur qui deviendrait dépendant devrait faire appel à plusieurs assureurs pour être indemnisé à hauteur de ses cotisations, ce qui semble difficile au vu de ce que seraient alors ses capacités physiques et psychiques.

M. le président. La parole est à Mme Bernadette Dupont.

Mme Bernadette Dupont. Je souhaite simplement, en tant que membre de la mission commune d’information dépendance, confirmer les propos de notre excellent rapporteur : nous nous sommes effectivement penchés sur la prise en charge des personnes handicapées. Je tiens à rassurer mes collègues qui ont abordé ce point.

Nous sommes plusieurs ici, à des titres divers, à nous intéresser au problème du handicap, ce dont je ne peux que me réjouir tant la question est d’importance. Il fallait donc qu’elle soit soulevée au cours du débat.

À ce titre, je remercie Mme la ministre d’avoir annoncé que les institutions s’occupant des personnes handicapées, notamment le CNCPH, seraient représentées au sein des quatre commissions gouvernementales afin que le problème soit suivi. Nous serons vigilants sur la prise en charge par la solidarité nationale des personnes handicapées vieillissantes.

M. le président. La parole est à Mme la ministre.

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. Je remercie Bernadette Dupont de sa vigilance et de l’humanité dont elle fait preuve dans le traitement de tous ces problèmes.

M. le président. La parole est à Mme Jacqueline Alquier.

Mme Jacqueline Alquier. Les évaluations catastrophiques figurant dans le rapport remis par le Sénat sur les éventuelles dépenses à venir doivent d’abord être nuancées : il existe de grandes incertitudes en raison de l’impact des progrès de la médecine sur l’évolution de l’état de santé des personnes vieillissantes. Les enquêtes montrent aujourd’hui qu’une seule personne sur six deviendra dépendante. Vous avez parlé d’une chance.

Au demeurant, ce bel optimisme et ces évaluations ne doivent pourtant pas nous empêcher de réfléchir sur le contenu et sur le sens d’une réforme portant sur un sujet aussi sensible que la prise en charge de la dépendance, véritable choix de société s’inscrivant dans le cadre de la solidarité nationale.

À la télévision, le Président de la République, pressé, annonce un large débat et décide, en même temps, sans plus attendre, la mise en place d’un cinquième risque largement ouvert à l’assurantiel. Où est le respect de la concertation, de la valeur de ce débat ? Mme la ministre vient d’ailleurs de réaffirmer sa volonté de mettre en place le cinquième risque, même si elle a nuancé ensuite ses propos dans sa réponse à M. Colin : cinquième branche, cinquième risque, il nous manque des explications.

Parallèlement à l’exagération dramatique des enjeux démographiques et financiers, vous répondez frileusement aux besoins des familles et à la demande de financement des départements. Face à vos désengagements, comment vous croire ? L’augmentation des charges pour les emplois à domicile met en difficulté financière les associations organisatrices des services, l’APA n’est pas compensée pour les départements à hauteur des engagements initiaux, etc.

Pourtant, dans mon département, alors que les services d’aide à domicile connaissent une crise économique majeure, qu’il convient de prendre en compte afin d’éviter au mieux les licenciements et les pertes d’emploi, je vous précise que les heures inscrites dans les plans d’aide APA engendrent plus de 1 000 équivalents temps plein.

Madame la ministre, pourquoi ne pas axer votre réflexion sur une meilleure prévention ? Attribuer des moyens à cette politique pourrait faire reculer l’entrée dans la dépendance et ainsi favoriser d’importantes économies, sans parler des promesses d’emploi, si nécessaires dans nos territoires ruraux, qui en découleraient.

C’est une piste que vous avez en effet relevée, mais qui, à ce stade, semble peu explorée. Nous attendons des propositions précises en ce sens.

M. le président. La parole est à Mme la ministre.

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. Madame la sénatrice, vous venez de soulever une question extrêmement intéressante. Je l’ai dit, nous construisons un modèle pour trente ans. Il ne s’agit donc pas seulement de résoudre des problèmes urgents. Or nous avons bien du mal à imaginer des scénarios sur une si longue durée.

C’est d’ailleurs la raison pour laquelle le groupe de travail confié à Jean-Michel Charpin et à un certain nombre d’experts doit réaliser les projections non seulement en prolongeant les courbes, mais aussi en imaginant les ruptures.

Certains d’entre vous ont affirmé que 15 % de la population serait concernée par la dépendance. D’autres ont avancé le chiffre de 20 %. C’est donc une bonne nouvelle : la majorité d’entre nous ne sera pas en situation de dépendance… (Sourires.) Pour autant, le problème de la dépendance doit être traité, car il est très lourd à la fois pour la personne elle-même, mais aussi pour son entourage. Finalement, tout le monde sera un jour concerné directement ou indirectement.

Quoi qu’il en soit, nous ne pouvons pas non plus faire l’économie de penser que ce domaine connaîtra des révolutions techniques et médicales. Rappelez-vous qu’il y a soixante ans, lorsque les grands traitements de la tuberculose ont été découverts, le territoire national était parsemé de sanatoriums : ils ont fermé du jour au lendemain ! Il n’est pas exclu que l’on trouve demain un vaccin contre la maladie d’Alzheimer, qui fournit les grosses cohortes des personnes dépendantes en établissement. Ce n’est pas un rêve impossible, car de nombreuses équipes de très haut niveau travaillent sur ces sujets. Dans quinze ans, dans vingt ans, dans vingt-cinq ans, un vaccin sera peut-être mis au point, des médicaments extrêmement performants seront probablement mis sur le marché. Cette hypothèse n’est pas complètement fantasmatique. Il est donc important que le modèle que nous allons construire soit souple et capable de s’adapter à de nouvelles donnes.

Madame la sénatrice, vous m’avez également interrogée sur la question importante des services à domicile. On ne peut pas parler d’un mauvais état généralisé Il y a simplement des situations extrêmement variées. C’est la raison pour laquelle j’ai demandé aux grandes fédérations, comme l’ADMR, l’ADESSA ou l’UNA, de me donner une liste exacte des associations concernées. Nous devons améliorer le suivi statistique de ce secteur. Les causes du mauvais état de certaines associations et de certains services sont très diverses : impact de la crise économique, coûts élevés dans certaines zones rurales en raison des frais de déplacement, mais aussi, comme l’a démontré le récent rapport de l’IGAS et de l’IGF, problèmes de mauvaise gestion et d’allocation des ressources pas forcément optimale. Tous ces points seront discutés dans les prochains mois.

Les services à domicile constituent un élément-clé du maintien des personnes dépendantes à domicile. Nous devons donc améliorer le mode d’allocation des ressources ainsi que le mode de tarification. Deux projets sont sur la table : celui de l’Assemblée des départements de France et celui préconisé par l’IGAS, qui propose de créer deux tarifications différentes selon le type d’activité réalisée au domicile du bénéficiaire, à savoir, un tarif d’aide à la personne pour des prestations nécessitant des compétences spécifiques et un tarif d’aide à l’environnement moins élevé pour les besoins d’aide ménagère.

Ce sujet est un excellent thème pour le débat sur la dépendance.

M. le président. La parole est à M. Bruno Retailleau.

M. Bruno Retailleau. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, le débat que nous avons aujourd'hui est intéressant. Je remercie Roselyne Bachelot-Narquin de sa maîtrise du dossier et des pistes qu’elle a tracées devant nous, pistes sur lesquelles nous pouvons facilement tomber d’accord au-delà de nos clivages.

Je soulignerai deux défis importants pour la dépendance. Le premier porte sur la question du libre choix des personnes âgées et des familles. Le second porte sur la question du financement.

Pour ce qui concerne le libre choix, il me semble qu’il faudra sortir du face à face entre le domicile ou l’accueil en structure d’hébergement collectif.

Bien sûr, le premier choix des personnes âgées se porte sur le maintien à domicile. Il faut tout faire pour développer cette option. Cela passera nécessairement par des solutions d’hébergement temporaire, des allers-retours entre la formule du maintien à domicile et celle des structures collectives.

Madame la ministre, je souhaite attirer votre attention sur la divergence qu’il a pu y avoir entre les places autorisées par des préfets successifs et celles qui le sont aujourd’hui par l’ARS. Dans mon département, 328 places avaient été autorisées par arrêté préfectoral et 222 places en établissement médicalisé existent. Il y a donc un hiatus. Je ne vous demande pas de réponse aujourd’hui ; je souhaite simplement vous alerter sur ce point.

Pour ce qui concerne le défi du financement, comme un certain nombre de collègues conseillers généraux l’ont indiqué, il me semble que le socle de la prise en charge de la dépendance doit rester celui de la solidarité nationale. Je ne pense pas qu’il n’y ait qu’une seule et unique bonne réponse. Cela dit, une seconde journée de solidarité me paraît être une bonne piste. Un tel choix irait dans le bon sens, y compris pour préserver la compétitivité de la France et dégager de nouvelles ressources immédiates.

Pour finir, je dirai un mot des départements, qui sont en train de s’épuiser dans le service des trois grandes prestations sociales universelles, notamment dans celui de la dépendance. L’APA n’a jamais été intégralement compensée. Dans mon département, cette allocation devait être compensée pratiquement à hauteur de la moitié. Aujourd’hui, elle l’est du tiers. N’oublions pas et n’oubliez pas, madame la ministre, cette donnée ! Les départements peuvent encore faire face, mais très vite ils ne le pourront plus. Je vous remercie de bien vouloir en tenir compte.

M. le président. La parole est à Mme la ministre.

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. Monsieur le sénateur, les dépenses publiques en faveur des personnes âgées dépendantes ont subi de considérables augmentations. On ne peut pas parler de « diète » en ce qui concerne les crédits mobilisés.

Depuis dix ans, l’ONDAM médico-social en faveur des personnes âgées a été augmenté de 260 %. Pour les personnes handicapées, seconde composante de l’ONDAM médico-social, l’objectif a considérablement progressé puisqu’il a augmenté de 90 %. C’est bien que notre société se soit mobilisée autour de la prise en charge de la dépendance. L’ensemble de l’ONDAM médico-social au cours de cette période a augmenté de 145 %. Il faut le signaler.

Il est vrai qu’avec les ARS, cher Bruno Retailleau, le secteur médico-social est passé à une autre logique. Évidemment, des consignes ont été données pour que des interlocuteurs clairement désignés soient mis en place dans ce secteur. La commission médico-sociale permet de réunir les donneurs d’ordre pour qu’ils échangent et coordonnent leurs actions. Mais nous avons quitté la logique qui prévalait jusque-là, où les porteurs de projets – des associations locales, parfois des parents, des élus locaux – répondaient à des demandes souvent très ponctuelles. Je rends d’ailleurs hommage à ces porteurs de projets, qui ont créé le tissu médico-social pour les personnes âgées et les personnes handicapées dans notre pays.

En tout état de cause, il est bien évident que cette logique a montré ses limites sur les territoires. Nous constatons un certain nombre de dysfonctionnements. Je pense, notamment, aux établissements dont les caractéristiques et la maquette de places ne correspondent pas aux besoins. Nous sommes donc passés à l’appel à projet, ce qui déroute certains interlocuteurs, mais a permis de lever la fantastique hypocrisie des plans très alléchants, prévoyant de nombreuses places, et jamais financés et donc peu efficients.

Actuellement, une autre logique prévaut donc, à laquelle les acteurs du secteur vont très bien s’habituer.

M. le président. La parole est à M. Martial Bourquin.

M. Martial Bourquin. Madame la ministre, le vieillissement de la population, qui soulève la question de la dépendance dont nous débattons depuis plus plusieurs heures, peut aussi être envisagé comme une chance pour notre société et pour l’humanité puisqu’il signifie que l’on vit plus longtemps. Mais c’est aussi une chance pour l’emploi.

Cette société que nous voulons plus humaine, plus sociale en quelque sorte, doit permettre au système de santé d’offrir à chacun la possibilité de vieillir dans les meilleures conditions possibles. Or ce système de santé est bien mal en point à l’heure actuelle.

Nous devons également réfléchir sur la solvabilisation du gisement d’emplois qui se présente. Comment financer cette nouvelle charge pour la société ? Ne nous cachons pas qu’il existe entre nous un clivage important quant à la façon de répondre à cette question. Deux réponses sont possibles : la solidarité ou la marchandisation.

Vous avez affirmé tout à l'heure, madame la ministre, que la solidarité resterait le socle de notre système et que les assurances ne viendraient qu’en complément. Pour ma part, je pense que, avant d’envisager ce qui constitue une sorte de marchandisation du cinquième risque, nous devrions plutôt envisager toutes les sources possibles de financement.

À cet égard, je suis étonné que l’on n’aborde pas la question du chômage, alors que notre pays compte aujourd'hui 4 millions de personnes à la recherche d’un emploi.

Or des chômeurs qui retrouvent un travail, ce sont des rentrées en plus pour la sécurité sociale, ainsi que pour les finances publiques. Dès lors, je suis surpris que l’activation des dépenses de chômage ne soit pas davantage considérée comme une politique structurante : en créant ces nouveaux emplois liés à la dépendance, en formant, avec les régions, ceux qui les occuperont, nous activerions les dépenses de chômage.

Par ailleurs, il existe une autre ligne de clivage entre nous, madame la ministre. Nous, nous ne pouvons nous dissimuler que l’échelle des inégalités s’est étendue : il y a une vingtaine d’années, l’écart allait de 1 à 30 ; aujourd'hui, il va de 1 à 400.

M. Roland Courteau. Eh oui ! C’est un constat !

M. Martial Bourquin. Une fiscalité plus juste, pour financer la solidarité dans notre société, est tout à fait indispensable. Or nous allons vers une explosion des inégalités. De grâce, ne faisons pas comme si cette réalité n’existait pas !

Telles sont les quelques réflexions que je voulais apporter à ce débat.

M. Roland Courteau. Très bien !

M. le président. La parole est à Mme la ministre.

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. Monsieur le sénateur, l’activation des dépenses de chômage est une priorité du Gouvernement.

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. C'est pour cette raison que nous augmentons le nombre des contrats aidés et que l’insertion par le travail se trouve au cœur du dispositif du RSA. Au travers de ce dernier, nous avons voulu que les chômeurs soient véritablement incités à se réinsérer dans un parcours professionnel. Ainsi, 665 000 titulaires du RSA « activité » touchent un complément de revenu de 170 euros par mois, en moyenne.

Il y a donc une véritable volonté du Gouvernement d’activer les dépenses de chômage.

Toutefois, il faut que ces professions liées à la dépendance soient non pas embrassées par défaut, mais choisies de manière délibérée. Ce sont des métiers difficiles. Aussi devons-nous fournir aux personnels qui s’engagent dans l’accompagnement de la dépendance une véritable formation et leur garantir des parcours professionnels.

C’est d'ailleurs ce que je me suis efforcée de faire quand j’étais ministre de la santé en appliquant le système LMD – licence, master, doctorat – aux professions de santé et en parachevant cette réforme pour le métier d’infirmière.

De même, il nous faut réfléchir à la création de passerelles entre les métiers médico-sociaux et ceux du sanitaire, ainsi qu’à l’émergence de nouvelles professions, en particulier autour de la logistique liée à la prise en charge des personnes âgées dépendantes.

Nous avons, par conséquent, en la matière, un important travail de réflexion à mener, qui fait intégralement partie du débat sur la prise en charge de la dépendance.

En tout cas, monsieur le sénateur, ainsi que vous l’avez souligné, ce défi peut constituer un gisement d’emplois très important.

M. le président. La parole est à Mme Gisèle Printz, qui, compte tenu de l’heure, posera la dernière question. (Mme Nicole Bricq ainsi que d’autres sénateurs du groupe socialiste protestent.)

Mme Gisèle Printz. Mon propos concerne la formation des métiers relatifs à la dépendance.

Avec le vieillissement de la population, le nombre de personnes dépendantes devrait augmenter de 30 % à 50 % d’ici à 2040. Les femmes étant davantage touchées que les hommes par ce phénomène, la question de la dépendance liée à l’âge est un problème qui les intéresse tout particulièrement.

D’une manière générale, si la prise en charge de ces personnes s’appuie aujourd’hui beaucoup sur la solidarité familiale au travers de l’aide apportée par les proches, celle-ci pourrait diminuer à l’avenir, en raison, notamment, de l’augmentation de l’âge moyen des personnes dépendantes et de ruptures plus fréquentes au sein des couples.

Le principal défi à relever sera de développer les métiers de la dépendance, qui connaissent aujourd’hui un déficit d’image, encouragé malheureusement par le regard que porte la société sur les personnes âgées. Cette situation doit changer ! Des milliers d’emplois devront être créés dans ce secteur d’ici à quelques années. Il ne faut surtout pas le négliger, car il constitue un vivier d’emplois nouveaux.

Le chèque emploi-service universel a simplifié les démarches administratives pour l’emploi d’un travailleur à domicile, mais il ne peut s’appliquer indifféremment à tous, car il n’est pas adapté aux seniors dépendants.

Nombre de personnes ayant bénéficié de ce dispositif, notamment des femmes, ont occupé des emplois alors qu’elles sortaient d’une période de précarité ou de chômage de longue durée. Toutefois, je crois que l’on ne se trouve pas dans les meilleures dispositions pour s’occuper de quelqu’un qui est vulnérable lorsqu’on est soi-même en situation de fragilité et qu’on manque de confiance en soi.

Tout le monde ne peut pas s’occuper de personnes dépendantes : même pour des emplois a priori peu qualifiés, comme celui d’aide ménagère, il faut une formation. En effet, pour pouvoir intervenir chez une personne très fragilisée, même si c’est seulement pour y faire le ménage, il faut savoir réagir à des situations compliquées, parler à l’intéressée avec psychologie, voire lui apporter des soins d’urgence.

M. le président. Veuillez conclure, ma chère collègue.

Mme Gisèle Printz. Madame la ministre, quelles mesures le Gouvernement entend-il mettre en œuvre pour répondre aux besoins en matière de formation spécifique aux métiers liés à la prise en charge de la dépendance ?

M. le président. La parole est à Mme la ministre.

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. Madame la sénatrice, je regrette que Valérie Létard ne soit plus présente, car je pense qu’elle mérite qu’on lui rende hommage pour avoir lancé en 2008 un « plan métiers », qui donne lieu à des expérimentations dans trois régions : l’Alsace, le Centre et le Nord-Pas-de-Calais.

Ces expérimentations concernent : l’observation des emplois et des formations du secteur médico-social et sanitaire ; le soutien à la professionnalisation des demandeurs d’emploi, et nous retrouvons là la problématique qui vient d’être soulevée par M. Bourquin ; l’amélioration du tutorat ; la qualification des personnes en cursus partiels ; le soutien à la gestion prévisionnelle des emplois et des compétences.

À l’issue d’une première phase de ces expérimentations, nous avons procédé à leur évaluation. Leurs grands axes seront repris et approfondis dans le cadre des orientations nationales des formations sociales qui sont en cours d’élaboration et que je présenterai le 23 mars prochain.

M. le président. Nous en avons terminé avec le débat d’orientation sur les conclusions de la mission commune d’information sur la prise en charge de la dépendance et la création d’un cinquième risque. (Protestations sur les travées du groupe socialiste.)

Mme Nicole Bricq. Nous n’avons pas pu poser toutes nos questions, alors que nous avions levé la main !

M. le président. Quatre sénateurs du groupe socialiste et quatre sénateurs de l’UMP ont interrogé Mme la ministre. Vous le savez, je suis extrêmement vigilant à cet égard.

Mme Nicole Bricq. Justement, je sais que ce n’est pas dans vos habitudes. Mais un débat interactif d’une heure trente était prévu et cette durée n’a pas été respectée. Ce n’est pas correct !

M. le président. Nous avons déjà largement dépassé l’heure prévue pour la fin de ce débat ! Il aurait fallu faire preuve d’un peu plus de concision dans les questions !

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Débat sur le schéma national des infrastructures de transport

M. le président. L’ordre du jour appelle le débat sur le schéma national des infrastructures de transport, organisé à la demande du groupe du RDSE.

La parole est à Mme la ministre.

Mme Nathalie Kosciusko-Morizet, ministre de l'écologie, du développement durable, des transports et du logement. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, je suis honorée de me trouver devant vous pour évoquer le projet de schéma national des infrastructures de transport, ou SNIT.

Ce projet de schéma occupe une place essentielle parmi les missions de mon ministère, et cela pour deux raisons.

Tout abord, il est une application directe du Grenelle de l’environnement et de ses engagements, tels qu’ils sont définis par la loi du 3 août 2009. L’année 2011 est celle de la maturité et de la réalisation du Grenelle : le SNIT en sera l’une des pièces maîtresses.

Ensuite, ce dossier est essentiel parce que le SNIT sera la feuille de route de l’État en matière d’investissements dans le domaine des infrastructures de transport, et cela bien au-delà de 2011 : c’est un document appelé à durer.

Il était donc naturel et nécessaire que les élus, qui ont en la matière des choix à faire, puissent délibérer des orientations et des ambitions de ce schéma.

Mesdames, messieurs les sénateurs, avant que le débat ne commence, permettez-moi de dire quelques mots du SNIT et de son contenu.

Ce schéma doit concerner le développement, la modernisation et l’entretien des réseaux d’infrastructures de l’État. Il doit aussi œuvrer à la réduction des impacts de ces réseaux sur l’environnement. Enfin, il doit préciser la façon dont l’État entend soutenir les collectivités territoriales dans le développement de leurs propres réseaux.

Le 12 juillet 2010, mon prédécesseur au ministère de l’écologie, Jean-Louis Borloo, diffusait un avant-projet de schéma, qui avait fait l’objet d’une première concertation au sein du Comité national du développement durable et du Grenelle de l’Environnement, le CNDDGE.

Puis, l’Autorité environnementale, organisme indépendant chargé de donner un avis sur la manière dont l’État intègre dans ses projets la problématique environnementale, a été saisie du dossier. Elle a rendu son avis le 22 septembre 2010.

Les ministres ont été alors auditionnés par les commissions parlementaires concernées ; c’est ainsi que j’ai été entendue le 1er février dernier par la commission de l’économie de votre assemblée, à la demande de son président, M. Emorine.

Enfin, le document étant en consultation libre sur le site internet du ministère, il a suscité de très nombreuses réactions se sont produites, de la part d’élus, d’acteurs économiques ou de simples particuliers.

Thierry Mariani et moi-même, lorsque nous avons pris nos fonctions, avons souhaité que l’avant-projet puisse tenir compte des concertations en cours et des avis formulés. Nous proposons aujourd'hui un texte consolidé, qui répond, me semble-t-il, à cette exigence.

Il s'agit d’un document de stratégie de 192 pages, qui rassemble une soixantaine de mesures, toutes conçues pour agir directement sur les performances du système de transport et son empreinte environnementale. Il s'agit de projets de développement de portée nationale, dont la réalisation, après évaluation de leur pertinence au regard des orientations du Grenelle, paraît souhaitable à un horizon de vingt à trente ans.

Parmi ces projets figurent : vingt-huit projets de développement ferroviaire représentant un linéaire de l’ordre de 4 000 kilomètres de lignes nouvelles ; dix projets de développement portuaire destinés à contribuer à la performance du transport maritime et à développer, pour les pré-acheminements et post-acheminements, le report modal de la route vers la voie d’eau ou vers le rail ; trois projets de voies d’eau à grand gabarit ; enfin, vingt-huit projets routiers.

Ces projets représentent en tout une dépense qui est estimée sur trente ans à quelque 260 milliards d’euros, dont 166 milliards d’euros au titre du développement.

La nouvelle version du schéma, mise en ligne le 27 janvier dernier, conserve les grandes orientations de la précédente, mais privilégie les choix du Grenelle. C’est ainsi qu’elle réaffirme notamment la priorité donnée aux modes de transport alternatifs à la route que sont le ferroviaire, les transports en commun en site propre, le fluvial, le maritime. Les besoins liés à la route ne sont pas ignorés pour autant. Le schéma propose une réponse intégrée, dans laquelle l’ensemble des modes de transport, et singulièrement la route, trouvent leur place en fonction de leur spécificité et de leur domaine de pertinence.

L’action n’est évidemment pas identique selon qu’on se trouve en milieu urbain ou en milieu rural. Et elle n’est pas non plus la même selon qu’il existe ou non une alternative à la route.

Cette nouvelle version confirme aussi que la modernisation et, plus généralement, l’optimisation des infrastructures existantes doivent être au cœur de la politique de l’État en matière d’infrastructures. En effet, l’existant, c’est aujourd’hui le quotidien des Français. Dans un pays comme le nôtre, qui bénéficie déjà d’un réseau d’infrastructures très dense, c’est d’abord en agissant sur l’existant que l’on améliore la performance du système. Cela n’exclut évidemment pas le développement du système, de manière à répondre à des situations particulières d’enclavement ou de congestion, à des exigences de sécurité.

En entrant un peu dans le détail de ce nouveau document, on voit qu’il intègre la stratégie d’ensemble de la version initiale. Cette stratégie, qui n’était en effet pas contestée, s’articule autour des quatre grands axes que sont l’optimisation du système de transport existant pour limiter la création de nouvelles infrastructures, l’amélioration des performances du système de transport dans la desserte des territoires, l’amélioration des performances énergétiques du système de transport et, enfin, la réduction de l’empreinte environnementale des infrastructures et équipements de transport.

Il faut aussi relever que le nouveau document replace clairement la politique de l’État dans son contexte national et international, notamment en précisant comment cette stratégie s’inscrit dans le contexte européen. Des cartes ont ainsi été ajoutées, qui montrent de quelle manière les principaux projets de développement, en particulier dans le domaine ferroviaire, contribuent à répondre à la demande de déplacements au niveau européen.

Le texte a été renforcé pour mieux mettre en évidence la nécessaire complémentarité des différents modes dans les réponses à apporter. Cette nouvelle version met plus en avant le caractère multimodal et intégré de la politique proposée.

Il clarifie aussi – c’était une demande forte de très nombreux sénateurs – le contenu de la politique de modernisation que l’État se propose de mettre en œuvre dans les domaines ferroviaire et routier.

Le nouveau document revisite les projets de développement. Il n’a pas été modifié en tout, mais des inflexions sensibles ont été introduites.

De nouveaux projets ont ainsi été retenus qui ne figuraient pas dans la version initiale. C’est le cas, par exemple, de l’amélioration des liaisons Paris-Brest et Paris-Quimper, avec un objectif de trois heures de temps de parcours, et des liaisons entre la Lorraine et la vallée du Rhône. C’est aussi le cas de la prolongation de la ligne à grande vitesse Provence-Alpes-Côte d’Azur vers l’Italie ou encore, dans le domaine fluvial, du chantier multimodal de Strasbourg-Lauterbourg.

Des projets ont aussi été retirés. C’est le cas du projet de contournement autoroutier de Tours, qui présente de réelles difficultés d’insertion dans un environnement humain et naturel extrêmement sensible et pour lequel d’autres solutions devront être recherchées.

Par ailleurs, les projets routiers dits « coups partis », déclarés d’utilité publique avant le Grenelle de l’environnement et dont la réalisation s’inscrit dans la nécessaire continuité de l’action publique, projets qui ne figuraient pas dans la première version de l’avant-projet, ont été intégrés à la version consolidée, dans un souci de clarté.

La version initiale ne mentionnait pas le coût de nombreux projets de développement. La nouvelle version, plus précise, indique, à quelques exceptions près, l’estimation actuelle de tous les projets retenus.

Les calculs effectués montrent que la mise en œuvre complète de tout ce qui figure dans l’avant-projet de schéma nécessiterait un effort important de financement, excédant les crédits publics actuellement dédiés à cette politique. Nous ne le cachons pas et sommes conscients que des choix devront être faits.

Ce schéma, dès aujourd’hui, va pouvoir jouer son rôle. II va nous permettre de répondre aux besoins de mobilité de nos territoires et de leurs populations, tout en faisant évoluer l’ensemble du système dans la direction que nous souhaitons, celle d’une mobilité plus collective, moins énergivore, moins consommatrice d’espaces agricoles et de milieux naturels, d’une mobilité qui préserve et crée des dizaines de milliers d’emplois en France.

Quel est l’agenda du SNIT ?

Nous allons continuer la concertation dans le cadre du CNDDGE, conformément à ce que prévoit la loi Grenelle 1.

Je l’ai dit, le document a été mis en ligne sur le site internet du ministère, et une consultation du public est engagée. Tous ceux qui le souhaitent ont ainsi la possibilité de s’exprimer et de contribuer à l’élaboration de ce qui deviendra la feuille de route de l’État pour les prochaines années.

Nous avons déjà recensé plusieurs centaines de réactions, ce qui montre que le sujet, en dépit de son aspect plutôt technique et parfois rebutant malgré nos efforts pour le rendre attractif, éveille l’intérêt des citoyens.

De nombreuses remarques et observations de parlementaires ont déjà été prises en compte dans l’élaboration de cet avant-projet. Nous sommes en effet très attentifs, avec Thierry Mariani, aux travaux que mène actuellement Louis Nègre, au nom de la commission, en tant que président du groupe de suivi sur le SNIT.

Une fois la phase de consultation achevée et les dernières mises au point effectuées, il est prévu de saisir le Conseil économique, social et environnemental.

J’aurai évidemment l’occasion, comme je le fais aujourd’hui, de revenir débattre devant la représentation nationale de ce dossier majeur.

Je dirai alors, comme je vous le dis aujourd’hui, que ce projet me paraît à la fois cohérent et équilibré. Il va dans la bonne direction et il inscrit notre système de transport dans une véritable dynamique de développement durable. (Applaudissements sur les travées de lUMP et de lUnion centriste.)

M. le président. La parole est à M. Raymond Vall, pour le groupe RDSE, auteur de la demande.

M. Raymond Vall. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, je souhaite remercier tout d’abord le président Jean-Paul Emorine, qui a accepté ma demande de création d’un groupe de travail interne sur le schéma national des infrastructures de transport. .

Je le remercie aussi d’avoir désigné mon collègue Louis Nègre pour présider ce groupe de travail. Vous savez combien celui-ci a travaillé sur ce dossier. Je le remercie de s’être déplacé sur certains territoires, dont la Gascogne au sens large : il a ainsi pu constater un certain nombre de choses, sur lesquelles je vais revenir.

Je remercie enfin Yvon Collin, président du groupe RDSE, d’avoir demandé l’inscription de ce débat à l’ordre du jour de la Haute Assemblée : elle me paraissait s’imposer.

Mes chers collègues, je garde encore en mémoire toute l’émotion que j’ai ressentie lorsque j’ai pris connaissance, un matin de juillet, de la première version du SNIT. J’ai en effet découvert une sorte de caricature de l’esprit du Grenelle, une diabolisation de tout ce qui a trait au routier, une sorte d’utopie, celle d’un retournement de l’histoire qui, d’un seul coup, mènerait l’humanité vers des déplacements et des échanges réduits à la fois en volume et en vitesse.

En juillet 2010, le Gouvernement nous a en effet proposé une première version du SNIT, qui devait être examinée à la fin décembre 2010. Ce document a donné lieu à de nombreuses réactions, comme l’a souligné Mme la ministre, et suscité bien des interrogations.

Nous avons ensuite découvert, tout récemment, la version définitive, amendée, en janvier 2011. Cette version retient un certain nombre de remarques formulées par le président Louis Nègre lui-même. Elle contient en particulier une page 118, où figure un titre qui va fonder mon intervention : « Le renforcement de l’accessibilité des territoires dont les populations souffrent d’enclavement ». C’est, à mon sens, l’un des sujets majeurs qu’aborde ce document.

Bien sûr, la lecture de la dernière version du SNIT fait d’abord apparaître qu’il correspond à une stratégie privilégiant les modes de transports alternatifs à la route et à l’aérien dans un cadre intégré et multimodal, au sein duquel tous les modes ont néanmoins leur place et leur rôle à jouer.

Il décline une soixantaine d’actions visant à orienter les politiques des gestionnaires d’infrastructures, en termes d’exploitation, d’entretien et de modernisation des réseaux. Il est clair qu’il reflète un choix de projets de développement fondé sur une grille d’évaluation multicritères normalement construite en concertation avec les acteurs du Grenelle.

Il représente 166 milliards d’euros d’investissements, hors Grand Paris, dans le développement des infrastructures de transport, dont plus de 90 % dans les modes alternatifs à la route et à l’aérien.

Une fois ce constat effectué, le débat peut et doit continuer, car les interrogations, les insuffisances et les inquiétudes demeurent très nombreuses et sont encore loin d’être levées. Je ne m’en suis pas caché au cours des différents entretiens, en l’état, cet avant-projet de SNIT reste inacceptable à mes yeux.

Avec plusieurs de mes collègues du groupe de travail, nous n’avons cessé de le souligner : dans de nombreux registres essentiels, la version présente du SNIT est à compléter, à repenser ou, dans le meilleur des cas, à préciser.

Louis Nègre s’est fait l’interprète de ces différentes remarques. Il a agi avec beaucoup de tact, voire de pudeur, mais il a sincèrement rapporté une inquiétude qui demeure et qui devra être prise en compte dans les travaux d’élaboration qui doivent se poursuivre.

À l’issue du Grenelle de l’environnement, l’État s’était engagé à exploiter, entretenir, moderniser et développer son réseau d’infrastructures de transports de manière à le rendre plus performant tout en intégrant trois enjeux : contribuer à la diminution de 20 % des gaz à effet de serre d’ici à 2020, contribuer à la préservation des milieux naturels et de la biodiversité, participer à l’objectif d’améliorer de 20 % l’efficacité énergétique de l’Union européenne d’ici à 2020.

Le SNIT est ainsi, théoriquement, destiné à concrétiser la politique de l’État en matière d’infrastructures de transport, en cohérence avec les orientations environnementales prévues depuis 2007. II s’agit donc de faire en sorte que, tout en répondant aux besoins de mobilité et aux exigences de compétitivité et de performance inhérents à la compétition économique mondiale, le système de transport relevant de la compétence de l’État participe aux objectifs portés par le Grenelle.

Avec le projet de schéma actuel, nous sommes encore bien loin de satisfaire à ces objectifs puisque, en filigrane, la viabilité et la pertinence de ce projet de SNIT sont peu convaincantes, particulièrement en termes de faisabilité et d’équilibre financier.

Je m’explique : le ferroviaire et les transports collectifs urbains absorbent plus des trois quarts de l’effort financier inscrit dans le SNIT. Or ces deux secteurs sont, par nature, les plus déficitaires, mais néanmoins les plus subventionnés parmi l’ensemble des modes de déplacement.

L’ambition des transferts modaux de transports, tels qu’ils sont affichés dans le SNIT, pose donc l’incontournable question du déficit public puisqu’ils visent à minorer un mode routier abondamment taxé et dégageant un solde bénéficiaire, au profit d’autres modes largement moins rentables. Cette équation est totalement occultée dans le projet de SNIT. Il est pourtant certain qu’elle est incontournable en l’état actuel des finances publiques.

Au terme de ces premiers constats, je me permettrai, madame la ministre, de concentrer l’essentiel de mes observations sur les problématiques soulevées par le projet de SNIT qui ont déjà ému nombre de mes collègues et qui me paraissent difficilement acceptables.

Elles se rapportent toutes, peu ou prou, à la question des infrastructures routières, à celle de la ruralité, à celle de l’aménagement du territoire, à celle du développement économique et, comme l’a fort justement souligné notre collègue Michel Teston à plusieurs reprises, au droit au transport et à la mobilité pour tous les citoyens.

Sur tous ces points, la dernière version du SNIT ne peut être acceptée.

Je veux, ici, tordre le cou à une mystification. Le ministère a répondu au président Louis Nègre que les projets d’aménagement et de modernisation des routes nationales existantes relevaient des programmes de modernisation des itinéraires routiers, ou PDMI, dont l’enveloppe s’élève à 1 milliard d'euros par an. On ne peut que rester sceptique ! Comment, en effet, pourrait-on imaginer une programmation annuelle ou quinquennale des crédits de l’État qui ne soit pas en cohérence avec la planification établie par le SNIT ?

M. Yves Daudigny. Excellente question !

M. Raymond Vall. Cela signifie que tout itinéraire dont l’aménagement n’est pas retenu dans le document de planification qu’est le SNIT n’a pas vocation à recevoir des crédits d’État dans le cadre des PDMI. Du reste, c’est totalement légitime : il s’agit de bonne gestion de la part de l’État, le long terme commandant le court terme, la programmation s’inscrivant dans la planification.

Mes chers collègues, chacun d’entre nous, instruit par l’expérience, aura compris ce qui en résulte. Si vous souhaitez que des travaux d’amélioration des routes nationales dont dépendent votre économie locale, votre démographie et votre désenclavement soient entrepris et que ceux-ci ne sont pas pris en compte dans le SNIT, adressez-vous directement aux collectivités locales, même si cela relève de la compétence de l’État !

M. Jacques Mézard. Très bien !

Mme Nathalie Kosciusko-Morizet, ministre. Ce n’est pas vrai !

M. Raymond Vall. Je peux étayer encore ma démonstration.

Mes chers collègues, vous connaissez tous cette première liste de routes nationales sélectionnées pour être assujetties à l’éco-redevance que vont acquitter les entreprises de poids lourds. Eh bien, ces itinéraires, qui sont pourtant reconnus d’intérêt structurant et qui généreront des recettes fiscales nouvelles, n’étant pas concernés par le SNIT, se retrouvent ipso facto exclus de tout investissement significatif pour les vingt ou trente prochaines années. C’est ce que j’appelle la double peine en matière d’aménagement du territoire !

Tout cela est accablant et part d’une interprétation réductrice et partiale de la lettre et de l’esprit du Grenelle de l’environnement. L’article 10 de la loi de programmation relative à la mise en œuvre du Grenelle de l’environnement pose en effet comme principe que l’augmentation des capacités routières doit être limitée au traitement des points de congestion, des problèmes de sécurité ou des besoins d’intérêt local.

Quelle interprétation en a le Gouvernement ? Il refuse d’inscrire dans le SNIT des projets d’aménagement de routes existantes qui ne répondent qu’à des problèmes de desserte du territoire, de sécurité, de congestion, de nuisances ou d’intégration environnementale. Le message gouvernemental est clair : il s’agit de réserver strictement le SNIT aux aménagements induisant de « nouvelles fonctionnalités » et modifiant à grande échelle les comportements, au travers de nouveaux trafics ou de reports modaux.

Cette interprétation du Grenelle me paraît pour le moins erronée et abusive. Le Gouvernement instrumentalise le Grenelle ! J’y reviendrai d’ailleurs en prenant l’exemple de ma Gascogne d’origine, notamment la RN20 en Ariège et la RN21 dans le Gers. Il n’est qu’à se reporter à la page 118 de l’avant-projet consolidé du SNIT pour s’apercevoir que, avec cet alibi du Grenelle de l’environnement, ces axes qui relèvent pourtant de la compétence de l’État, sont laissés aujourd'hui dans une situation inacceptable, ainsi qu’a pu le constater Louis Nègre.

On peut s’interroger, comme l’a fait Michel Teston : Quelle cohérence y a-t-il ? Avec cet avant-projet, n’est-on pas aux antipodes du diagnostic sur les territoires enclavés établi par la DATAR en 2003 ? La ruralité est la grande absente, elle est sacrifiée, et cela en contradiction avec les ambitions explicitement formulées lors du comité interministériel d’aménagement et de développement des territoires du 11 mai 2010.

Cet avant-projet de SNIT est une dénégation de l’engagement solennel du Président de la République, que vous connaissez certainement, madame la ministre, pris dans son discours de Morée du 9 février 2010, qui constitue le point d’ancrage sur lequel s’appuie l’espoir de la ruralité. Je n’en citerai qu’une phrase : « Autant j’étais contre le "tout autoroute" ou le "tout route" comme on a pu l’avoir pendant des années dans le pays ; autant passer à l’excès inverse de l’interdiction de tout projet, c’est condamner des départements et des territoires à une mort qui ne correspond en rien à leurs aspirations et à leur avenir. » (Très bien ! sur les travées de lUMP.)

À ce stade de ma démonstration, je souhaite mettre l’accent sur le fait que nous avons voté un certain nombre de textes qui prévoyaient une péréquation, mais que nous l’attendons toujours !

Dans ces mêmes territoires sacrifiés, des contributions énormes ont déjà été demandées aux collectivités pour les TGV et les routes nationales. Comment imaginer que l’on va continuer ainsi ? Sur une enveloppe globale de 260 milliards d'euros, les collectivités territoriales dépenseront plus que l’État, puisque celui-ci ne contribuera au SNIT qu’à hauteur de 86 milliards d'euros. La répartition est la suivante : 37 % pour les collectivités territoriales contre 32,2 % pour l’État, le tout pour satisfaire à des objectifs marquant l’abandon des efforts antérieurs fournis dans la bataille du désenclavement territorial. Comment peut-on accepter ce marché de dupes ?

Pour mieux illustrer mes propos, j’évoquerai de nouveau cette portion du Sud-Ouest que je représente ici, tout en sachant que mon analyse locale est transposable à bien d’autres territoires métropolitains.

Entre les axes Bordeaux-Toulouse et Langon-Pau, un vaste territoire, qui s’étend jusqu’aux Pyrénées, n’a d’autre artère structurante nord-sud que ce bout de RN21. Louis Nègre a pu constater que, sur soixante kilomètres, il n’y avait aucune possibilité de dépassement !

M. Louis Nègre, président du groupe de suivi sur le schéma national des infrastructures de transport. C’est vrai !

M. Raymond Vall. Comme je l’avais fait remarquer avec un peu d’humour, madame la ministre, c’est sans doute la même route qu’a dû emprunter d’Artagnan pour monter à Paris ! (Sourires.) Certes, le temps des attelages est révolu, mais cette route demeure la plus accidentogène de France et, si l’on n’y rencontre plus de brigands de grand chemin, on peut néanmoins y trouver la mort !

M. Yvon Collin. C’est pire !

M. Raymond Vall. Ainsi, on déplore 65 morts en quatre ans sur le tronçon Limoges-Tarbes.

Il est vrai qu’un certain nombre de routes nationales figurent dans la liste dressée à la page 118 de l’avant-projet consolidé. Toutefois, madame la ministre, il reste un point essentiel, et la commission de l'économie ainsi que le groupe de suivi en sont convenus : si votre volonté d’agir en faveur du désenclavement n’est pas confirmée par des crédits permettant enfin d’engager les études nécessaires, comme le souligne ce document avec une subtilité qui m’inquiète (Mme la ministre s’exclame.) – de ce point de vue, l’écriture de la page 118 est un véritable chef-d’œuvre ! – et si les études ne figurent pas dans la loi de finances, une fois de plus, nous aurons raté ce rendez-vous ! Et, une fois de plus, la ruralité sera condamnée ! Quelle autre interprétation pourrions-nous en faire ?

En conclusion, je dirai que l’avant-projet consolidé du schéma national des infrastructures de transport qui a été présenté au mois de janvier dernier a eu au moins le mérite de mobiliser un certain nombre de mes collègues, au premier rang desquels Jean-Paul Emorine, président de la commission de l'économie, et Louis Nègre, président du groupe de suivi, et de faire remonter un certain nombre de messages, qui sont, madame la ministre, autant de messages de désespoir.

Croyez bien que mon émotion n’est pas feinte, madame la ministre, lorsque je m’exprime sur ce sujet avec quelque passion, songeant que certains territoires, en dépit de l’état dans lequel ils se trouvent, vont devoir attendre trente ans avant de bénéficier d’un certain nombre d’améliorations et espérer pouvoir survivre. Je vous en conjure : écoutez notre appel et soyez attentive à l’ensemble du territoire français. Toutes les zones qui le composent ont le droit d’exister ! (Très bien ! et applaudissements sur les travées du RDSE, du groupe socialiste, de l’Union centriste et de l’UMP.)

11

Souhaits de bienvenue à M. le président du Sénat de Roumanie

M. le président. Mes chers collègues, il m’est particulièrement agréable de saluer en votre nom la présence, dans notre tribune d’honneur, de M. Mircea Dan Geoana, président du Sénat de Roumanie. (Mme la ministre, Mmes et MM. les sénateurs se lèvent et applaudissent.)

Le président Geoana effectue, avec plusieurs de ses collègues, une visite du Sénat de la République française. Il est accompagné par notre collègue Jean Bizet et rencontrera demain d’autres personnalités de la Haute Assemblée.

Je l’assure, ainsi que ses collègues, de notre considération, de notre estime et de notre joie de les voir à la tribune d’honneur. (Applaudissements.)

12

Débat sur le schéma national des infrastructures de transport (suite)

M. le président. Dans la suite du débat sur le schéma national des infrastructures de transport, la parole est à M. le président de la commission de l’économie.

M. Jean-Paul Emorine, président de la commission de l'économie, du développement durable et de l'aménagement du territoire. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, le débat qui nous réunit aujourd’hui, sur l’initiative du groupe du RDSE, me donne l’occasion de rappeler le grand intérêt de la commission de l’économie pour la question des transports et les travaux qu’elle a menés sur le schéma national des infrastructures de transport.

Grâce à l’implication de son rapporteur, Bruno Sido, la commission de l'économie s’est d’abord beaucoup investie lors de l’examen de la loi de programmation relative à la mise en œuvre du Grenelle de l’environnement, dite « Grenelle 1 », dont les articles 16 et 17 ont fixé justement le cadre légal de ce schéma.

À la suite de la publication, au mois de juillet dernier, de l’avant-projet du SNIT, le bureau de notre commission a jugé utile de mettre en place un groupe de suivi du SNIT, composé de huit sénateurs, représentant l’ensemble des groupes politiques. Ce groupe est présidé par Louis Nègre et comprend également nos collègues Jean Boyer, Francis Grignon, Jean-Jacques Mirassou, Bruno Retailleau, Mireille Schurch, Michel Teston et Raymond Vall.

Le groupe de suivi a auditionné la direction générale des infrastructures, des transports et de la mer, organisé une table ronde avec le secteur routier et autoroutier, puis effectué deux déplacements au mois de décembre 2010, l’un dans le Gers, à l’invitation de notre collègue Raymond Vall, pour étudier le dossier de la RN21 dans ce département, l’autre dans les Hautes-Alpes pour examiner le dossier de l’A51 aux côtés du sénateur Pierre Bernard-Reymond. (Applaudissements sur les travées de lUMP.)

Le groupe de suivi a également pris l’initiative d’envoyer, à la fin du mois de décembre dernier, une lettre à l’ensemble des sénateurs pour leur demander leurs observations sur l’avant-projet de SNIT. À ce jour, une quinzaine de contributions écrites ont été reçues. Elles ont été une source précieuse d’informations et de réflexion pour le groupe de suivi.

Je tiens d’ores et déjà à remercier les membres du groupe de suivi de la qualité et du sérieux de leurs travaux. Ceux-ci se poursuivront jusqu’aux mois de mai et juin prochains, date à laquelle, vous l’avez annoncé, madame la ministre, le Parlement devrait débattre du projet de SNIT avant son adoption en conseil des ministres.

Parallèlement aux travaux du groupe de suivi, la commission de l'économie a organisé des auditions, dont certaines ont été ouvertes aux groupes d’études « montagne », « littoral et mer » ou encore « énergie ». Ainsi, M. Jean-Louis Borloo est venu le 6 octobre 2010 présenter la philosophie générale de l’avant-projet de SNIT. Puis, le 19 janvier dernier, Mme Michèle Pappalardo, responsable du commissariat général au développement durable, a présenté les principales conclusions du rapport environnemental relatif à cet avant-projet. Ce document est essentiel puisqu’il évalue a priori l’impact de tous les projets inscrits au SNIT sur l’environnement, notamment leur contribution aux objectifs ambitieux du Grenelle en matière de lutte contre le réchauffement climatique.

Enfin, madame la ministre, nous vous avons auditionnée le 1er février dernier sur l’ensemble des thématiques qui relèvent de votre ministère, mais surtout sur l’avant-projet consolidé du SNIT, présenté quelques jours plus tôt, qui contient des avancées notables par rapport à la version initiale du mois de juillet dernier.

Je ne souhaite pas allonger davantage mon propos, car notre collègue Louis Nègre nous présentera dans quelques instants les conclusions provisoires du groupe de suivi.

Je suis convaincu que les nombreux orateurs inscrits aujourd’hui garderont à l’esprit que l’intérêt général ne se réduit pas toujours à la somme des intérêts particuliers.

M. Yvon Collin. Ce n’est pas une raison pour les sacrifier !

M. Jean-Paul Emorine, président de la commission de l'économie. Bien entendu, il est légitime de défendre les projets qui concernent nos territoires, mais il faut également veiller à leur bilan social, économique et environnemental, surtout dans un contexte de fortes tensions pour les finances publiques. (Applaudissements sur les travées de lUMP et de lUnion centriste. – M. Raymond Vall applaudit également.)

M. le président. La parole est à M. Louis Nègre, président du groupe de suivi sur le SNIT.

M. Louis Nègre, président du groupe de suivi sur le schéma national des infrastructures de transport. Monsieur le président, madame le ministre, mes chers collègues, comme l’a rappelé le président Emorine, j’ai été nommé président du groupe de suivi sur le SNIT, et c’est à ce titre que je vous présente nos conclusions provisoires.

Notre réflexion a été alimentée par l’ensemble des observations de nos collègues. Toutefois, compte tenu du temps qui m’est imparti aujourd’hui et de la communication que j’ai déjà faite en commission, je ne citerai, à titre d’exemple, que les deux dossiers emblématiques pour lesquels la commission s’est déplacée et centrerai mon propos sur les problématiques générales de ce document.

Le SNIT, madame le ministre, est un document stratégique remarquable et remarqué, qui inscrit pleinement nos infrastructures dans le développement durable. Il est caractérisé par deux éléments forts : d’une part, il intègre la mutation écologique du Grenelle ; d’autre part, il est soumis à concertation.

Il constitue donc, par rapport au CIADT – comité interministériel d’aménagement et de développement du territoire – de 2003, une démarche particulièrement innovante que nous saluons comme il se doit.

La consultation engagée depuis juillet a d’ailleurs déjà porté des fruits, même si, madame le ministre, comme vous l’avez dit, il faut poursuivre dans cette direction. En effet, l’avant-projet consolidé de janvier demeure perfectible.

J’articulerai mon intervention autour de deux questions : quelles sont les avancées de cet avant-projet consolidé par rapport à la version initiale de juillet ? Quelles sont les limites qui demeurent dans le nouveau document ?

Je distingue trois avancées dans l’avant-projet consolidé.

En premier lieu, le SNIT aborde enfin la question récurrente des coûts des différents réseaux. L’enveloppe globale de 170 milliards d’euros passe ainsi à 260,5 milliards d’euros, du fait de l’addition des projets de régénération, de modernisation et de développement.

Cela dit, Réseau ferré de France, RFF, considère que ces estimations financières sont trop optimistes. Le SNIT table, pour les vingt-cinq prochaines années, sur des dépenses de 15 milliards d’euros s’agissant de la modernisation du réseau ferré, hors Île-de-France et hors projet du Grand Paris, contre 25 milliards d’euros selon RFF. De même, le Gouvernement estime à 25 milliards d’euros le coût de la maintenance du réseau, quand RFF envisage plutôt une enveloppe de 40 milliards d’euros. Ces estimations de RFF ne donnent qu’un ordre de grandeur, mais elles illustrent parfaitement la difficulté d’apprécier les coûts de maintenance et de rénovation des réseaux existants.

De cela découle la première préconisation du groupe de suivi : pour mieux définir les orientations, nous considérons que le Gouvernement doit présenter un schéma des besoins de rénovation de tous les réseaux existants, assorti d’un diagnostic précis et d’un échéancier des coûts.

Ce diagnostic existe déjà en matière ferroviaire, même s’il doit être actualisé et affiné.

En matière fluviale, un audit a été demandé par le Parlement, mais n’a toujours pas été réalisé à ce jour, alors même, par exemple, que l’écluse fluviale de Port 2000 apparaît comme un dossier particulièrement pertinent.

S’agissant du secteur routier, l’objectif principal – et légitime – du document est le transfert modal. Toutefois, étant donné que ce secteur concentre, je le rappelle, 90 % du transport de marchandises, il doit faire l’objet de la même attention que les autres réseaux. Nous demandons donc, madame le ministre, un diagnostic du réseau routier existant. Nous souhaiterions que ce diagnostic soit réalisé par un organisme extérieur indépendant et qu’il dresse un échéancier des coûts de rénovation pour toute la durée du SNIT, afin d’éviter que ne se reproduise pour le secteur routier le malheureux destin du réseau ferroviaire.

En deuxième lieu, l’avant-projet consolidé explicite la clef de financement entre l’État, les collectivités territoriales et les autres acteurs pour chaque mode de transport. Le groupe de suivi constate que les collectivités territoriales seront le premier financeur du SNIT, à hauteur de 37,2 %, contre 32,8 % pour l’État. Pour cette raison, nous préconisons, madame le ministre, une concertation approfondie et organisée avec les principaux décideurs locaux concernés par le SNIT d’ici aux mois de mai ou de juin, au moins au niveau régional.

Le groupe de suivi demande également une hiérarchisation des projets.

L’avant-projet consolidé reconnaît d’ailleurs clairement que 70 % à 80 % seulement des mesures prévues dans le SNIT seront effectivement réalisées. Il existe des projets plus structurants et prioritaires que d’autres, notamment, monsieur le président de la commission, parmi les nombreux projets de LGV – ligne à grande vitesse –, où le coût du kilomètre peut être vingt fois plus cher que la régénération d’un kilomètre de voie ferrée.

Au vu de la situation alarmante de ce secteur, j’en appelle personnellement, madame le ministre, à un Grenelle du ferroviaire, afin de définir ensemble un plan volontariste et ambitieux, mais réaliste,

qui nous permettra d’atteindre – c’est bien le but –concrètement les objectifs de transfert modal voulu par le Grenelle de l’environnement.

M. Jean-Pierre Vial. Très bien !

M. Louis Nègre, président du groupe de suivi. En troisième lieu, afin d’apaiser les inquiétudes des élus concernés, les projets routiers qui bénéficient d’une déclaration d’utilité publique sont dorénavant regroupés dans une nouvelle annexe. C’est une bonne chose. Toutefois, le groupe de suivi souhaite que l’on suive le même raisonnement pour les projets de modernisation et de régénération ferroviaires que réalise de son côté RFF, afin qu’il soit possible d’avoir une vue d’ensemble de ces deux secteurs.

J’en viens à présent aux difficultés relevées par notre groupe de travail et auxquelles le nouveau document n’apporte pas de réponse.

Tout d’abord, nous constatons que les projets de développement portuaire et d’interconnexion avec le réseau fluvial manquent d’ambition pour relancer le fret ferroviaire.

M. Jean-Pierre Vial. Absolument !

M. Louis Nègre, président du groupe de suivi. Les projets portuaires stricto sensu ne représentent que 2,7 milliards d’euros, soit 1 % des dépenses globales.

Compte tenu de l’importance cruciale des ports pour le transfert modal des marchandises, notamment le transport massifié, il est peu vraisemblable que ce schéma donne à ces ports, par ailleurs régulièrement bloqués par des grèves (Exclamations sur les travées du groupe socialiste.), et manquant d’hinterland, l’impulsion nécessaire pour rattraper, voire dépasser les ports de l’Europe du Nord. Je vous rappelle, chers collègues qui venez de vous émouvoir de mon propos, qu’aujourd’hui le premier port français ne s’appelle ni Marseille ni Le Havre, mais Anvers !

Par ailleurs, le groupe de suivi présente, en complément du développement des ports, trois propositions pour relancer le fret ferroviaire.

Premièrement, il convient de suivre les préconisations exposées dans le rapport d’information de notre excellent collègue Francis Grignon, en particulier l’embranchement des ports avec le canal Seine-Nord Europe ; la nécessité d’un tel investissement, madame le ministre, n’est pas discutable.

Deuxièmement, il est indispensable de disposer d’une évaluation des externalités négatives engendrées par le transport routier de marchandises, tant au niveau français que sur le plan européen. Cette évaluation, réalisée par un organisme extérieur, est nécessaire pour sortir par le haut du débat sans fin sur les coûts réels respectifs de la route et du fer.

M. Jean-Pierre Vial. Très bien !

M. Louis Nègre, président du groupe de suivi. Troisièmement, le schéma doit montrer comment les projets, tels que la liaison Lyon-Turin, et, à terme, la traversée centrale des Pyrénées, s’inscrivent dans le réseau de transport transeuropéen. À nos yeux, ce dernier est insuffisamment rappelé dans le SNIT, malgré les efforts que l’on peut percevoir dans l’avant-projet consolidé.

Ensuite, une deuxième difficulté réside dans le fait que l’aménagement et la modernisation des routes nationales existantes sont insuffisamment pris en compte par le SNIT,…

MM. Raymond Vall et Jacques Mézard. C’est vrai !

M. Louis Nègre, président du groupe de suivi. …alors que, madame le ministre, la majorité des contributions des meilleurs experts de nos territoires, c’est-à-dire les sénateurs, traitent de ce sujet.

M. Jacques Mézard. Très bien !

M. Louis Nègre, président du groupe de suivi. Nous nous félicitons à nouveau des orientations « grenelliennes » du SNIT – orientations que nous soutiendrons totalement –, mais nous proposons de prendre davantage en compte l’aménagement du territoire…

M. Louis Nègre, président du groupe de suivi. … en adoptant une interprétation plus équilibrée des critères du Grenelle.

Le Gouvernement a, selon nous, une lecture très stricte, voire trop stricte des critères de congestion, de sécurité ou d’intérêt local.

Le SNIT est fondé sur une véritable révolution copernicienne des objectifs (Exclamations amusées sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.), au point que le secteur routier n’y mobilise même pas 10 % des crédits !

M. Louis Nègre, président du groupe de suivi. Soit, madame le ministre, mais il serait toutefois souhaitable que ce document stratégique accorde aussi toute sa place à la notion de désenclavement (Applaudissements sur les travées de lUMP et de lUnion centriste, ainsi que sur quelques travées du groupe socialiste. – M. Raymond Vall applaudit également.),…

M. Louis Nègre, président du groupe de suivi. …surtout lorsqu’il n’existe pas de desserte alternative – pour reprendre les termes figurant dans le SNIT –, comme c’est le cas, ainsi que l’a très bien expliqué Raymond Vall, avec la route nationale 21 dans le Gers, où, sur des dizaines de kilomètres, il est impossible aux véhicules de se dépasser. Dans ce genre de situation, on a l’impression d’être au XXe siècle plutôt qu’au XXI!

Le groupe de suivi demande donc très concrètement que le Gouvernement engage, dès la prochaine loi de finances, des crédits d’études pour établir les cahiers des charges des onze projets de désenclavement routier visés par le Gouvernement dans la nouvelle fiche ROU 6 de l’avant-projet consolidé.

Un mot, enfin, sur le projet emblématique de l’A51. Je me suis rendu sur le terrain, madame le ministre. Comme dirait Mme Élisabeth Guigou, il faut absolument faire quelque chose ! (Sourires.)

M. Marc Daunis. Enfin une bonne référence ! (Nouveaux sourires.)

M. Louis Nègre, président du groupe de suivi. Il me semble nécessaire d’achever, comme l’autorise la loi Grenelle 1, cet itinéraire autoroutier dont la réalisation est largement engagée, de manière à décharger, avec la fin concomitante de l’A 48, l’axe rhodanien, épine dorsale de l’économie française et même de l’économie européenne.

Je crois donc nécessaire de définir le plus rapidement possible un plan d’action concret d’achèvement de cet axe d’aménagement du territoire. Pour se convaincre de cette nécessité, il suffit de se demander comment il serait possible, si un accident grave se produisait un jour dans le sillon rhodanien, d’alimenter tout le Nord de la France et de l’Europe.

Enfin, une dernière difficulté est liée au fait que l’évaluation environnementale du SNIT comporte de nombreuses limites. À la lecture du rapport environnemental, on ne sait pas clairement si la France parviendra, grâce au SNIT, à atteindre les objectifs ambitieux du Grenelle.

Comment mesure-t-on, par exemple, les effets, territoire par territoire, des nouvelles infrastructures ? Ou encore quelles sont les solutions de substitution possibles pour les grands projets d’infrastructures ?

Nous souhaitons donc, madame le ministre, au-delà de ce premier débat, poursuivre la réflexion afin que toutes ces questions essentielles soient traitées dans les mois à venir. (Applaudissements sur les travées de lUMP et de lUnion centriste. – M. Raymond Vall applaudit également.)

M. le président. Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à vingt et une heures trente.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à dix-neuf heures trente, est reprise à vingt et une heures trente-cinq, sous la présidence de M. Roland du Luart.)

PRÉSIDENCE DE M. Roland du Luart

vice-président

M. le président. La séance est reprise.

13

Saisine du Conseil constitutionnel

M. le président. M. le président du Sénat a été informé, par lettre en date du 15 février 2011, par le président du Conseil Constitutionnel que celui ci a été saisi d’une demande d’examen de la conformité à la Constitution, par plus de soixante députés et plus de soixante sénateurs, de la loi d’orientation et de programmation pour la performance de la sécurité intérieure.

Acte est donné de cette communication.

Le texte de cette saisine du Conseil constitutionnel est disponible au bureau de la distribution.

14

Renvoi pour avis

M. le président. J’informe le Sénat que la proposition de loi, adoptée par l’Assemblée nationale, portant dispositions particulières relatives aux quartiers d’habitat informel et à la lutte contre l’habitat indigne dans les départements et régions d’outre-mer (n° 267), dont la commission de l’économie, du développement durable et de l’aménagement du territoire est saisie au fond, est renvoyée pour avis, à sa demande, à la commission des affaires sociales.

15

Débat sur le schéma national des infrastructures de transport (suite)

M. le président. Nous reprenons le débat sur le schéma national des infrastructures de transport.

Orateurs inscrits

M. le président. J'indique au Sénat que la conférence des présidents a décidé d’attribuer un temps d’intervention de quinze minutes aux groupes UMP et socialiste, de dix minutes aux groupes UC, CRC-SPG et RDSE, et de cinq minutes à la réunion administrative des sénateurs ne figurant sur la liste d'aucun groupe.

Dans la suite du débat, la parole est à M. Bruno Retailleau.

M. Bruno Retailleau. Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le secrétaire d'État chargé des transports, mes chers collègues, je tiens tout d’abord à remercier Raymond Vall de son heureuse initiative, qui nous permet, depuis cet après-midi, de débattre du schéma national des infrastructures de transport, le SNIT.

Je veux dire à notre collègue Louis Nègre que l'ensemble des membres du groupe de suivi sur le SNIT, qu’il a présidé et auquel j’ai participé, soutiennent avec force les conclusions qu’il a présentées tout à l’heure.

Je ferai deux remarques générales et deux observations particulières.

La première remarque concerne l’orientation générale du SNIT. Celui-ci répond à l’aspiration de notre société à toujours plus de mobilité, mais aussi à la volonté politique de basculer progressivement vers des modes de transport alternatifs à la route, avant tout, et à l’aérien.

Cette volonté, si elle est parfaitement légitime, ne doit pas occulter le principe de réalité. Les études sur l’attractivité du site France le montrent : parmi les points forts de notre pays, sont systématiquement citées ses infrastructures. Or, Louis Nègre le rappelait tout à l’heure, 90 % des transports de marchandises empruntent la route.

Pour le moment, nous n’avons pas réussi à faire basculer significativement une part importante des marchandises sur d’autres modes moins énergivores. C’est une donnée dont il nous faut tenir compte, tout comme il importe de ne pas oublier la dimension rurale de notre pays.

Madame la ministre, monsieur le secrétaire d'État, il est toujours plus pratique et facile de privilégier un transport plus collectif et moins énergivore quand on habite de grands centres urbains. Mais la France, ce sont aussi les territoires ruraux. Et, ces dernières années, la population y a crû trois fois plus vite que dans les villes. Bien souvent, pour beaucoup de néoruraux, avant de pouvoir prendre le train, il faut d’abord prendre la voiture !

Ma deuxième remarque générale concerne le problème des financements.

L’enveloppe consacrée au SNIT s’élève aujourd'hui à 260 milliards d'euros. Il faut le noter, la part des collectivités territoriales excède la part de l’État sur des réseaux qui relèvent pourtant de la compétence de celui-ci. J’en conclus, mes chers collègues, que la France ne sait plus financer de grands investissements.

Je tiens à dire ici que je regrette la privatisation des sociétés d’économie mixte concessionnaires d’autoroutes. Nous étions d’ailleurs un certain nombre, à droite comme à gauche, à nous y opposer. (M. Michel Teston acquiesce.) On a voulu, comme on dit, « faire un coup ».

M. Daniel Reiner. Ce fut une décision catastrophique !

M. Claude Bérit-Débat. Et on ne peut plus revenir en arrière !

M. Bruno Retailleau. Aujourd'hui, cette privatisation nous prive de recettes importantes.

De même, la vision par trop concurrentielle prônée par Bruxelles nous a fait perdre le bénéfice du mécanisme de péréquation fondé sur l’adossement, sans lequel il nous est désormais très difficile de mutualiser les capacités d’investissement. Alors que 260 milliards d'euros représentent un montant énorme, il est tout de même regrettable que le SNIT ne soit pas l’occasion d’instituer des modes de financement durables plutôt qu’un système où chaque demande s’apparente à une lettre au père Noël !

J’en viens aux deux observations particulières que je souhaite formuler.

La première concerne le projet d’autoroute A831, à l’aboutissement duquel, je le sais, madame la ministre, vous veillez personnellement. Ce projet figure désormais dans l’annexe II : c’est une bonne chose. Mais je m’interroge sur la portée de ce document : n’est-ce qu’une manière courtoise de signifier aux élus que les projets « DUPés » ne sont pas prioritaires ?

Le dossier de l’A831 est juridiquement parfait. Il a été « purgé » tant par le Conseil d'État que par la Commission européenne. Il ne pose aucun problème politique et recueille un très large consensus. Même la LPO, la Ligue de protection des oiseaux, s’est assurée de son exemplarité d’un point de vue écologique. Le Président de la République s’est engagé par écrit sur un certain nombre de points. Je vous saurais donc gré de bien vouloir nous donner votre vision de l’avenir sur ce projet d’A831 commun aux régions Poitou-Charentes et Pays-de-la-Loire.

La deuxième observation particulière porte sur le franchissement de la Loire, autre dossier interrégional majeur, touchant le Grand Ouest, les régions Bretagne et Pays-de-la-Loire. Celui-ci répond à une double problématique.

Il s’agit, d'une part, de la nouvelle plateforme aéroportuaire de Notre-Dame-des-Landes. Aucun projet de plateforme ne saurait être viable sans être associé à un système multimodal mêlant le ferroviaire et la route. Or la Loire est de plus en plus perçue comme une grande barrière à franchir. Si nous voulons que l’aéroport de Notre-Dame-des-Landes soit un succès, il faudra l’« alimenter » non seulement par le rail, mais aussi par la route.

Il s’agit, d'autre part, de l’autoroute des Estuaires, projet beaucoup plus vaste reliant Dunkerque, au nord, à Bayonne, au sud et, plus largement, les îles Britanniques à la péninsule Ibérique.

Le Premier ministre a commandé aux préfets des régions concernées un certain nombre d’études pour examiner différents scénarios. Les retours sont positifs. Il est notamment envisagé de construire des ponts levants urbains, ce qui ne nécessite pas des centaines de millions d’euros d’investissement. Il faudra que l’État se positionne. Nous sommes nombreux à souhaiter, à droite comme à gauche – je pense à Daniel Raoul –, que le franchissement de la Loire figure bien parmi les projets prioritaires de l’État et qu’à ce titre il soit inscrit dans le SNIT.

Madame la ministre, je vous remercie de porter à ces questions la plus grande attention. (Applaudissements sur les travées de lUMP et de lUnion centriste. – M. Raymond Vall applaudit également.)

M. le président. La parole est à M. Jacques Mézard.

M. Jacques Mézard. Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, je tiens tout d’abord à remercier Raymond Vall d’avoir permis que se tienne ce débat.

Le SNIT s’inscrit dans la déclinaison du Grenelle de l’environnement et des articles 16 et 17 de la loi du 3 août 2009 de programmation relative à la mise en œuvre du Grenelle de l’environnement.

Pour nous, ce devait être l’occasion de penser la problématique des transports à l’aune du développement durable, de dégager une prospective à l’échéance du quart de siècle sur l’évolution des transports, avec une évaluation financière, de mettre en place une politique volontariste sur l’évolution des modes de transport, d’améliorer les performances énergétiques et de contribuer à la réduction des émissions de gaz à effet de serre.

Pour nous, un axe ne saurait être sacrifié parce qu’il est fondamental pour l’équilibre de la nation : c’est l’amélioration des performances du système de transport dans la desserte du territoire ; je veux dire : de tous les territoires, au profit de tous les citoyens. Si l'intérêt général ne saurait être la somme des intérêts particuliers, il ne saurait pas davantage laisser des pans entiers du territoire sur le bord de la route.

L’avant-projet de SNIT – c’est positif – se caractérise par une approche globale de ces infrastructures, du maritime au fluvial, du ferroviaire à l’aérien et, avec discrétion, à la route.

Au-delà des phénomènes de mode, des discours bien-pensants sur le développement durable, qui, par certains côtés excessifs, font penser à des sermons, c’est notre société de demain qui est en jeu, car le mode de déplacement, c’est la vie sociale et individuelle, l’accès à l’école, à l’université, à l’hôpital, et surtout à l’emploi.

Nous avons un débat national pour un schéma national, lequel, en conséquence, doit prendre en compte les problématiques de l’ensemble des territoires, ce qui n’est plus le cas ces dernières décennies, avec de fait l’abandon de la planification et donc le délitement de la politique d’aménagement du territoire. Le mauvais côté de la décentralisation, c’est l’élargissement du fossé entre les territoires, entre communes et départements riches, d’un côté, et communes et départements impécunieux, de l’autre, entre régions à fort potentiel économique et régions sans industrie.

Nous connaissons tous la conséquence de l’absence d’une réelle péréquation financière : c’est dans les collectivités locales où le potentiel fiscal est le plus faible que l’impôt local est généralement le plus lourd.

Le SNIT doit favoriser le développement de nos territoires, non accroître les inégalités.

De la même manière, il est essentiel que les transports de demain soient accessibles à nos concitoyens les moins favorisés. Le TGV, c’est bien, mais non au transport à trois vitesses sociales ! Il est plus facile d’avoir une vision environnementaliste, voire écologiste des modes de déplacement quand on habite les arrondissements huppés de Paris, sans crainte des fins de mois, en faisant un peu de musculation grâce au Vélib’. Moi, je pense à ceux qui s’entassent dans le RER autant qu’à ceux qui, dans nos départements ruraux, n’ont d’autre solution que de dépenser leur SMIC pour faire rouler leur automobile. (Marques d’approbation sur les travées du groupe socialiste.)

M. Jean-Luc Fichet. Exactement !

Mme Renée Nicoux. Très bien !

M. Jacques Mézard. Je n’ai pas pour habitude, dans ces débats nationaux, de « prêcher pour ma paroisse ». C’est donc à titre exceptionnel que j’évoquerai le cas du territoire que j’ai l’honneur de représenter,…

M. Jacques Blanc. Le Cantal !

M. Jacques Mézard. … pour démontrer que ce qui est en jeu, cher Jacques Blanc, c’est purement et simplement la survie de plusieurs départements ruraux, particulièrement enclavés, où la déprise démographique devient une spirale infernale, où l’idée même de privilégier les modes de transport alternatifs à la route et à l’aérien dans un cadre intégré et multimodal peut faire hurler non de rire, mais de désespoir.

Ce ne sont pas les cinq opérations constituant, dans l’avant-projet, les réponses aux enjeux d’équité territoriale et de désenclavement, ignorant d’ailleurs le Massif central, qui peuvent nous satisfaire, même si la page 118, chère à Raymond Vall, représente un progrès.

Je vais vous soumettre un cas pratique, madame la ministre.

La ville d’Aurillac est considérée comme l’une des préfectures les plus enclavées de France. Deux arrondissements souffrent très directement : Aurillac et Mauriac.

J’ai lu avec intérêt l’évolution de l’avant-projet, et particulièrement la fiche « Renforcer l’accessibilité des territoires dont les populations souffrent d’enclavement ».

Mais connaissez-vous vraiment la situation de ces territoires ? Je vais vous la décrire : une unique liaison aérienne, six jours sur sept, mais pas au mois d’août, avec des retards constants, souvent en raison de créneaux non libres. Certes, cette liaison bénéficie du soutien financier de l’État pour la ligne d’aménagement du territoire, mais les collectivités locales doivent ajouter chaque année 1,2 million d’euros pour financer un aller-retour qui coûte néanmoins plus de 500 euros... Mieux vaut se rendre à Tunis ou à New York : cela coûte souvent dix fois moins cher ! (Sourires.)

M. Raymond Vall. À Tunis, ce n’est pas sûr ! (Nouveaux sourires.)

M. Jacques Mézard. Une seule route nationale, la RN 122, finit en cul-de-sac à Figeac, dans le département voisin du Lot. C’est une nationale à deux voies qui, aujourd’hui, se caractérise par des passages à 30 kilomètres à l’heure et 50 kilomètres à l’heure, qui reste souvent à sens unique pendant des mois entre Aurillac et Massiac, le chef-lieu du canton de notre ami Alain Marleix, et ce pour cause d’éboulements. Pour cette route nationale, le programme de modernisation des itinéraires routiers, le PDMI, n’a retenu qu’une seule opération de quelques kilomètres à la sortie d’Aurillac, et en sollicitant le concours des collectivités, contrairement aux engagements formels pris par l’un de vos prédécesseurs lors du transfert d’une partie des routes nationales aux départements. Les promesses n’engagent décidément que leurs destinataires !

L’avant-projet sommaire d’itinéraire, enfin réalisé, prévoit une vingtaine d’opérations. Au rythme actuel, il faudra entre un demi-siècle et un siècle pour obtenir une route nationale à deux voies, avec une vitesse autorisée de 90 kilomètres à l’heure et des passages à 70 kilomètres à l’heure : voilà ce qui nous est promis... pour le siècle suivant !

Madame la ministre, monsieur le secrétaire d’État, comment voulez-vous développer un territoire dans ces conditions ? Comment voulez-vous maintenir la population, attirer des créateurs d’entreprise, des étudiants, des médecins ?

« Toute préfecture doit être située à moins de 45 minutes de l’autoroute » : l’abandon de cet objectif est catastrophique ! Je regrette que Mme Voynet ne soit pas présente parmi nous ; je lui répéterai ces propos de visu. En effet, certains élus écologistes se réjouissent de cet abandon et considèrent qu’il convient de ne pas améliorer le réseau routier. Pourtant, les transports en commun, eux aussi, ont besoin d’un réseau routier de qualité !

Vous me direz, madame la ministre : si l’aérien et la route sont peu accessibles, prenez le train !

Je vais donc vous faire la description, non pas « d’un train de sénateur 2011 », mais d’un train d’un autre âge : celui qui était empreint de modernité... quand les radicaux étaient au pouvoir, dans les années 1900. Depuis, nous avons perdu le pouvoir et les choses vont de mal en pis ! (Sourires.)

En 2011, comment rejoindre Paris par le train quand on habite à Aurillac ?

Rappelons qu’en 2003 M. Bussereau, ministre des transports, nous a supprimé le train de nuit et que, en 2004, ce fut la suppression du dernier train direct sans changement. En février 2011, il faut au minimum six heures et deux minutes, avec au moins un changement de train, pour aller d’Aurillac à Paris !

Et pourtant, il y a quarante ans, dans les années soixante et soixante-dix, il fallait seulement cinq heures et demie pour accomplir le même itinéraire, grâce au train rapide Le Capitole, qui offrait d’excellents horaires. Est-ce cela, l’aménagement du territoire version Ve République ?

Je suis allé consulter les horaires de 1905, sous le gouvernement de M. Rouvier, un excellent président du Conseil. Le train de nuit partait à 20 heures 47 de Paris, pour arriver à 8 heures 5 à Aurillac. En 2011, il faut aller chercher un train de nuit en autocar pour, ensuite, à partir de Figeac, rejoindre Paris : la durée du trajet de nuit est de neuf heures quarante minutes ! Quel magnifique progrès en deux républiques et 105 ans ... (Sourires et applaudissements sur les travées du RDSE et du groupe socialiste. – M. Bruno Retailleau applaudit également.)

Madame la ministre, pour finir d’enfoncer le clou, je vous invite à consulter la page du site www.developpement-durable.gouv.fr, pour y relire la convention signée entre l’État et la SNCF en décembre 2010, par laquelle l’État s’engage à verser une compensation annuelle de 210 millions d’euros pendant trois ans en faveur de 40 liaisons ferroviaires dites « d’équilibre du territoire » ; notre secteur géographique en est totalement absent, et l’annexe 1 « Desserte de nuit » – c’est agréable de voyager de nuit par le train ! – fait sombrer dans l’obscurité la quasi-totalité du Massif central.

Est-ce compatible avec le SNIT ? Où est la cohérence de l’État ? Nous sommes las des discours distillés à chaque visite ministérielle par d’éminents représentants de l’État qui atterrissent en Falcon ou en hélicoptère de l’ETEC.

Voulez-vous enfin entendre l’exaspération qui monte de nos territoires délaissés, de cette France qualifiée, souvent péjorativement, de « profonde », alors qu’elle a toujours constitué le cœur de la nation par la ferveur de son attachement à l’essence de notre République ?

M. Roland Courteau. Très bien !

M. Jacques Mézard. Madame la ministre, maintenant que le chef de l’État vous fait obligation de rester en France, venez donc passer quelques jours de vacances à Aurillac ! (Sourires.) Je vous y invite au nom de l’ensemble de nos concitoyens, qui seront honorés de vous recevoir. Mais, de grâce, faites l’aller Paris-Aurillac en voiture, sans chauffeur, et le retour Aurillac-Paris en train.

M. Thierry Mariani, secrétaire d’État. Avec changement ? (Nouveaux sourires.)

M. Jacques Mézard. Je ne doute pas que, après, vous appréhenderez différemment ce schéma national qui nous tient tant à cœur ! (Bravo ! et vifs applaudissements sur les travées du RDSE et du groupe socialiste, ainsi que sur plusieurs travées de l’Union centriste et de l’UMP.)

M. le président. La parole est à Mme Mireille Schurch.

Mme Mireille Schurch. Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, de la discussion relative au Grenelle de l’environnement à la présentation de la résolution sur l’avenir du fret ferroviaire, les sénateurs du groupe CRC-SPG n’ont eu de cesse de rappeler les principes qui, à leurs yeux, doivent guider toute réflexion sur des infrastructures de transports tournées vers l’intérêt général.

Dans un souci d’équité territoriale, il s’agit de garantir l’égal accès à la mobilité, et cela par une politique volontariste d’aménagement équilibré, garantissant un désenclavement et un maillage du territoire national dans son ensemble. Dans cette optique, et parce qu’il est une clé de valorisation de l’atout réseau et du report modal, nous pensons qu’il faut sauver le fret ferroviaire, lequel doit être déclaré d’intérêt général.

M. Roland Courteau. Très bien !

Mme Mireille Schurch. Le projet de schéma national des infrastructures de transport, document de planification, est présenté comme « un changement drastique de stratégie, une rupture majeure en ce qu’il privilégie résolument le développement des modes de transport alternatifs à la route ». C’est un exercice certes difficile, mais nécessaire, tant sont fortes les interactions entre les infrastructures de transport, l’attractivité des territoires, leur développement économique et social et l’urbanisme.

On peut, dès lors, se réjouir de l’existence de ce document et souligner, pour s’en réjouir, l’accent mis sur le développement des transports collectifs urbains et interurbains, ainsi que l’évaluation des effets sur l’environnement, même s’il reste à en préciser les outils.

Toutefois, la méthode et le financement des projets inscrits au SNIT suscitent encore des interrogations.

Cet avant-projet consolidé se présente comme un outil révolutionnaire, puisque le mot « rupture » est cité plusieurs fois. Un consensus ne peut que s’établir devant cette volonté d’« optimiser le système de transport existant », d’« améliorer les performances », de « réduire l’empreinte environnementale ».

Pourtant, le SNIT fait une double impasse. D’abord, il ne dit rien sur ce qui était envisageable, mais qui n’a pas été retenu. Il ne dit rien non plus de la façon dont seront opérés les choix, année après année.

Le diagnostic sur la situation actuelle du transport en France est quasiment inexistant : le réseau est-il adapté aux différentes demandes de transport, en qualité ou en quantité ? Depuis le début de ce débat, vous l’avez compris, la qualité du réseau actuel a fait l’objet de nombreuses interrogations... L’évaluation des besoins en mobilité est-elle suffisante ? Quelles sont les forces et les faiblesses de ce réseau ? Bien d’autres questions se posent encore...

Cet avant-projet met en avant une vision segmentée du territoire et du réseau d’infrastructures national. Dans l’Allier, par exemple, il n’est pas pertinent, au vu du transit de marchandises constaté, d’envisager des aménagements de la RCEA, la route Centre-Europe Atlantique – sur laquelle circulent 8 000 camions par jour ! – sans penser, dans le même temps, à la requalification d’un réseau ferré sur l’axe transversal est-ouest de la France, inexistant à ce jour dans les cartographies que vous nous présentez. Nous débattons actuellement du projet de mise à 2X2 voies de cet axe ; dans dix ans, nous débattrons de sa mise à 2X3 voies, car le nombre de camions aura encore augmenté...

Plutôt que de permettre une complémentarité, ce projet risque de mettre les territoires et les infrastructures en compétition. En effet, comme l’a dit M. Nègre, les ressources disponibles sont finies et insuffisantes pour tous les projets candidats. Seuls 60 % à 70 % des projets seront-ils sans doute réalisés, et encore...

De plus, si l’avant-projet recense uniquement les nouvelles opérations, que deviennent les autres ? Sont-elles abandonnées ou reléguées aux seuls PDMI ? De même, quid des programmes engagés qui restent inachevés ?

Si je me réjouis de voir inscrite au SNIT la réalisation de l’antenne de Vichy-Gannat, l’A719, au titre de l’équité territoriale et du désenclavement, je trouve en revanche incohérent que n’y figure pas la desserte nord et nord-ouest de Vichy, que l’État s’était engagé à financer dans le cadre d’un partage équitable avec les collectivités. Qu’en sera-t-il de ce projet, et de beaucoup d’autres, s’ils ne sont pas inscrits au SNIT ?

Au-delà de l’absence de cohérence horizontale, entre approches territoriale et multimodale, on peut aussi relever un manque de cohérence verticale. L’absence d’articulation entre les schémas régionaux, nationaux et européens donne la sensation d’un schéma « hors sol ». Je vous remercie à cet égard, madame la ministre, d’avoir bien voulu adjoindre, comme je l’avais demandé, la cartographie européenne.

Si certaines précisions ont été apportées dans la version consolidée, les engagements et fléchages financiers restent flous. Le SNIT n’ayant pas de valeur prescriptive, quelle garantie peut-il apporter pour l’avenir ?

Sur les 260 milliards d’euros que représente le schéma dans son ensemble, 32,2 % seraient à la charge de l’État et 37,2 % à la charge des collectivités locales. Pourtant, comment ne pas voir que les collectivités locales sont désormais en plein désarroi financier, à la suite de la suppression de la taxe professionnelle ?

L’effort demandé aux collectivités territoriales est plus important que celui de l’État, mais aussi des entreprises, qui tirent pourtant bénéfice d’un réseau de transport performant. La suppression de la taxe professionnelle a rompu le lien entre les entreprises et les territoires. Il serait important de remédier à ce non-sens et de faire participer les entreprises à cet effort national.

J’en viens maintenant aux insuffisances.

Elles portent tout d’abord sur les efforts en faveur du report modal et du fret ferroviaire, ainsi que sur les exigences de désenclavement des territoires.

Il ne suffit pas de décréter le report modal ; il faut se donner les moyens de le réaliser.

Alors qu’il est affirmé dans le Grenelle que le réseau routier français n’augmenterait plus, le schéma proposé prévoit une extension du réseau autoroutier de près de 10 %, soit près de 900 kilomètres supplémentaires.

De plus, si les projets routiers sont tous financés et à réaliser à brève échéance, il n’a encore été prévu, pour les projets ferroviaires, ni financement ni échéance de réalisation.

Selon l’Autorité environnementale, le scénario proposé par le SNIT, comparé à celui dit « au fil de l’eau », n’entraînerait qu’une baisse de 3 % du trafic routier, une hausse de 9 % du trafic ferroviaire et une quasi-stabilité des voies navigables. Cela nous semble insuffisant en termes de report modal.

Dans le même temps, la part modale du ferroviaire poursuit son recul ; le plan Fret de la SNCF consacre l’abandon du wagon isolé et crée, à ce stade, des situations d’irréversibilité.

Que dire de la taxe sur les poids lourds, qui se fait toujours attendre, malgré la récente évolution de la directive Eurovignette, et fait d’ores et déjà l’objet de pressions pour être utilisée en faveur d’infrastructures routières ? Le SNIT pourrait confirmer son fléchage en faveur des modes alternatifs à la route.

Par ailleurs, l’autorisation des camions de 44 tonnes et la volonté d’expérimenter ceux de 25,25 mètres de long pour 60 tonnes persistent, alors même que l’Observatoire énergie et environnement des transports vient de rendre un avis argumenté défavorable.

Si la moitié des investissements est, sur le papier, consacrée au développement du rail, il s’agit principalement de créations de LGV entre Paris et la province, avec une prédominance nord-sud.

Le Gouvernement retient la lettre du plan Fret d’avenir de la SNCF, qui est limité aux autoroutes ferroviaires, au transit, et qui délaisse le lotissement et l’aménagement du territoire.

La priorité donnée au ferroviaire s’inscrit dans une logique de métropolisation du territoire national. Comment apprécier la cohérence entre la promotion du rail à l’échelle nationale et la fermeture de certaines lignes – de trop de lignes – et l’abandon d’infrastructures comme les gares de triage à l’échelle locale ?

M. Roland Courteau. Bonne question !

Mme Mireille Schurch. Le choix de la grande vitesse, tant ferroviaire que routière, ne peut être la seule réponse à la nécessité d’un maillage du territoire. C’est pourquoi je partage une des conclusions du groupe de suivi, celle qui incite le Gouvernement à présenter un schéma des besoins de rénovation des réseaux existants, comportant un diagnostic précis et un échéancier des coûts.

Dans un souci de transparence, une meilleure argumentation des choix opérés permettrait de mieux expliciter certaines options et d’éclairer les collectivités territoriales au sujet de la nature, du coût et du calendrier des projets sur lesquels elles devront s’engager.

Par exemple, pourquoi ne pas inscrire le doublement de la LGV Paris-Lyon avant 2020, tant ce projet paraît urgent ? Il concernerait en effet l’irrigation d’un grand nombre de territoires du Grand Centre et de l’Auvergne jusqu’alors complètement ignorés par la grande vitesse.

Par ailleurs, les opérations inscrites au sein des contrats de projets et des PDMI, décidées lors des CDIAT ou encore déclarées d’utilité publique, pas plus que celles figurant dans les sept directives territoriales d’aménagement – qui, elles, ont pourtant valeur prescriptive – ne sont mentionnées dans ce document. Il serait opportun qu’elles apparaissent dans le schéma.

Nous l’avons souligné à maintes reprises, le report modal n’est crédible que s’il est accompagné d’une étude des coûts externes du transport routier, et je me félicite que M. Nègre l’ait rappelé ; une telle étude devrait donc être prévue dans l’avant-projet.

Enfin, nous demandons plus de précisions sur le financement : quel sera le rôle de l’Agence de financement des infrastructures de transport de France ? Quelles sont les pistes de financements envisageables ou envisagées ?

Pour toutes ces raisons, et dans le prolongement de « l’Appel des 365 », il faut organiser un véritable débat national associant tous les acteurs. En effet, une fenêtre d’expression sur le site internet du ministère ne nous semble pas se situer à la hauteur des enjeux politiques et financiers que représente le SNIT. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

M. le président. La parole est à M. Jean Boyer.

M. Jean Boyer. Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, au sein du groupe de l’Union centriste, nous sommes peu nombreux, mais nous n’en sommes que d’autant plus enclins à partager : c’est la raison pour laquelle je consacrerai mes cinq minutes de temps de parole à des observations de caractère général, tandis que mon collègue Daniel Soulage, homme du Sud-Ouest, évoquera plus particulièrement les difficultés de transport dans cette dernière région.

Madame le ministre, le débat d’aujourd’hui est d’une grande importance.

Premièrement, en effet, les transports touchent au lien social, dans les zones urbaines comme dans les zones rurales. Ils constituent un levier majeur pour le désenclavement de nos territoires. Madame le ministre, je vous le dis très modestement, en tant que sénateur d’un département de la France profonde, la Haute-Loire, je pense connaître ce sujet : c’est la France rurale, c’est la « France d’en bas » ! C’est celle qui met cinq heures pour venir du Puy à Paris, et je fais là écho à ce qu’a décrit voilà quelques instants notre collègue du Cantal.

Toutefois, madame la ministre, cette situation ne date pas d’aujourd’hui, il faut le reconnaître.

Si nous avons des avantages dans cette France rurale, nous subissons également les inconvénients de l’enclavement.

Deuxièmement, un bon réseau de transport, interconnecté avec d’autres réseaux européens, constitue indiscutablement un avantage compétitif non négligeable pour le développement de notre économie. Notre pays doit être ouvert, comme vous l’avez dit, monsieur Nègre.

Même si l’organisation des transports de proximité relève de la compétence régionale – il faut rendre à César ce qui lui appartient ! –, il est indispensable que l’État dessine une feuille de route claire et consacre à ce domaine un important programme d’investissements, afin d’optimiser au mieux nos réseaux routier et ferroviaire, dont la longueur fait des envieux en Europe et dans le monde, mais dont la qualité – concédons-le avec objectivité – n’est plus jalousée.

En effet, certaines de nos infrastructures de transport sont aujourd’hui dans un état préoccupant et restent insuffisamment performantes.

À l’heure où le pétrole est cher et où certains axes routiers sont saturés par le transport de marchandises, nous accusons un retard très sensible en termes de capacités de fret ferroviaire, notamment par rapport à l’Allemagne.

Madame le ministre, vous le savez, en 1950, le rail assurait le transport de près de 70 % des marchandises en France, contre 10 % aujourd’hui. Entre 2002 et 2009, les volumes ont baissé de près de 50 %, alors qu’en Allemagne ils ont augmenté dans le même temps de 50 % !

M. Roland Courteau. Voilà la différence !

M. Jean Boyer. Il faut mettre sur le rail non seulement des wagons, mais aussi un état d’esprit.

Si mon temps de parole était plus long, je vous parlerais des véhicules innovants polyvalents, capables de récolter les produits agricoles dans les champs et dans les forêts et de se déplacer ensuite sur rail.

En outre, à l’heure où le commerce mondial de marchandises nourrit la croissance des pays exportateurs, nous ne valorisons pas notre ouverture exceptionnelle sur trois mers et un océan. Les ports français sont quelque peu à la traîne par rapport aux autres ports européens et connaissent des dysfonctionnements inacceptables.

Je fais ici référence aux grèves de dockers, même si je respecte toutes les sensibilités, tous les moyens d’exprimer des revendications. Au cours de mon existence, j’ai moi-même été syndicaliste : je peux donc comprendre les grèves des dockers. Toutefois, il est indispensable de maintenir le cap de la réforme portuaire de 2008, dans le cadre d’un dialogue social constructif.

Mais je vais m’avancer vers ma conclusion, car je vois que, à la différence des trains qui relient la Haute-Loire à Lyon, à la tribune, le temps passe vite ! (Sourires.)

Je tiens cependant à préciser que, face à ce diagnostic, les membres du groupe de l’Union centriste accueillent favorablement le projet de schéma national des infrastructures de transport ainsi que l’enveloppe très importante, de 166 milliards d'euros, qui lui est consacrée sur vingt ans.

Nous soutenons particulièrement la priorité accordée au fret ferroviaire, qui doit servir le désenclavement des bassins de production, en les reliant aux métropoles nationales, européennes et mondiales, via une bonne desserte des ports fluviaux et maritimes et des aéroports.

Monsieur le président, je sens que vous n’allez pas tarder à me demander de conclure. (Sourires.)

M. le président. Ce serait en effet une bonne idée ! (Nouveaux sourires.)

M. Jean Boyer. Les membres du groupe de l’Union centriste sont très attachés à l’exécution des projets envisagés. Nous souhaitons ardemment que ce schéma ne vienne pas s’ajouter, comme c’est trop souvent le cas, quel que soit le gouvernement, aux dossiers qui dorment dans les tiroirs, alourdis d’études compliquées, et qui, ainsi, n’aboutissent jamais à rien de concret.

Madame le ministre, je sais que la situation financière de la France est difficile, mais il faut fixer des priorités et prendre les décisions déterminantes pour l’avenir, car c’est bien l’avenir qui est en jeu. Merci de nous comprendre ! (Applaudissements sur les travées de lUnion centriste et de lUMP, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

M. le président. La parole est à M. Michel Teston.

M. Michel Teston. Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, je tiens tout d’abord à remercier nos collègues du groupe RDSE, qui ont souhaité l’organisation de ce débat en séance publique.

Les problématiques dont nous parlons aujourd’hui sont en effet suffisamment importantes pour être débattues dans ce cadre, et pas seulement en groupe de suivi et en commission.

Le schéma national des infrastructures de transport, prévu aux articles 16 et 17 de la loi du 3 août 2009 de programmation relative à la mise en œuvre du Grenelle de l'environnement, a pour objet de mettre en œuvre la politique des transports de demain.

Pour le groupe socialiste, ce schéma doit être la concrétisation du droit à la mobilité. D’ailleurs, lors des débats sur ce projet de loi, j’avais défendu un sous-amendement qui visait à intituler ce schéma « schéma de la mobilité durable ».

En effet, un schéma autour des infrastructures de transport ne peut faire l’économie d’une réflexion sur les services que rendent ces dernières.

Je partirai d’un constat simple : les inégalités territoriales se creusent. Dans certains territoires, il est difficile d’accéder à un hôpital, au lycée, à un bureau de poste ou encore à un cinéma. Dans une perspective d’égal accès de tous aux services essentiels, les transports sont un outil fondamental de solidarité entre les territoires. La liberté, constitutionnellement reconnue, d’aller et de venir ne peut être exercée pleinement que sur un territoire suffisamment doté en infrastructures de transport.

Durant de longues années, les pouvoirs publics ont abandonné cette partie de l’aménagement du territoire, ce qui explique un aussi criant besoin de transports.

Malgré les actions volontaristes menées par les collectivités locales et une prise de conscience des services de l’État, force est de constater que nous n’avons pas une politique cohérente et globale des transports. La question est donc de savoir si ce schéma national des infrastructures de transport répond à une telle attente.

Il est présenté comme un document de planification, tous modes confondus, c’est-à-dire comme un document stratégique, ce qu’il n’est pas réellement. En réalité, le schéma flèche un certain nombre de projets, souvent de manière imprécise, en oublie d’autres et suscite des interrogations sur les priorités, le financement des opérations – est-il crédible ? – et la concertation qui doit précéder sa mise au point.

Tout d’abord, les priorités ne sont pas clairement définies.

À mon sens, concernant le ferroviaire, elles doivent être les suivantes.

Toutes les régions devront, à terme, être desservies par des lignes à grande vitesse ou des lignes classiques aménagées pour des vitesses élevées, de manière à réduire les disparités de temps de parcours.

Les transports en commun en site propre méritent d’être confortés.

La régénération des lignes d’équilibre du territoire, ainsi que des petites lignes utilisées par les trains express régionaux, les TER, et les trains de fret est une priorité à court et moyen termes.

M. Roland Courteau. Exactement !

M. Michel Teston. Le caractère d’intérêt général du fret ferroviaire, et pas seulement du wagon isolé, doit être reconnu afin de garantir la desserte de tout le territoire national, en particulier de celle du Massif central.

La question de l’acceptabilité sociale de l’intensification du fret ferroviaire sur certaines lignes classiques passe par la sécurisation de ces lignes, mais aussi par des mesures destinées à atténuer l’impact des nuisances sonores.

Pour les territoires non desservis par le rail ou pour lesquels la desserte ferroviaire ne peut être améliorée, les aménagements ne peuvent être que routiers. À ce sujet, il convient de rappeler que, en 2003, la DATAR avait identifié plusieurs aires géographiques, parmi lesquelles le sud de l’Ardèche, qui se trouvaient à l’écart des grands réseaux de communication et qui justifiaient que des engagements financiers spécifiques soient pris pour les désenclaver.

Sur ce dernier point, des évolutions ont eu lieu entre l’avant-projet initial du schéma et l’avant-projet consolidé dont nous disposons aujourd’hui.

Toutefois, la version consolidée ne répond aux attentes des populations concernées que par des artifices rédactionnels dont le seul but est de calmer les élus des territoires qui ont protesté, en particulier ceux du groupe de suivi sénatorial.

M. Michel Teston. Je prendrai l’exemple de la desserte de l’Ardèche du Sud. Il est fait état, à la page 117, d’aménagements sur la RN102 qui ne figuraient pas dans la version initiale. On est bien loin, toutefois, de la demande du territoire qui porte, notamment, sur la réalisation d’ouvrages de franchissement du Rhône et du canal du Rhône, afin d’assurer une connexion directe avec l’autoroute A7 au péage de Montélimar-sud.

Je réitère donc ma demande d’inscription du projet de franchissement du Rhône et du canal du Rhône au sud du Teil dans le schéma national des infrastructures de transport.

Certains collègues ont d’ores et déjà souligné d’autres oublis de cet avant-projet consolidé, et je ne doute pas que, dans la suite du débat, notamment lors du débat interactif et spontané, d’autres absences seront encore relevées.

Le transport fluvial ne doit pas être oublié puisqu’il constitue, certes à un degré moindre que le fret ferroviaire, un moyen de réduire la place du mode routier dans le transport de marchandises.

J’en viens au financement.

Sur les 260 milliards d’euros de dépenses, tous modes confondus, la part attendue des collectivités territoriales pour financer des infrastructures appartenant à l’État s’élève à 97 milliards d’euros, soit plus de 37%, alors que celle de l’État atteint un peu moins de 33%.

M. Guy Fischer. On n’a jamais vu cela !

M. Michel Teston. Jamais un tel niveau de participation n’aura été demandé aux collectivités territoriales.

M. Roland Courteau. Jamais, en effet !

M. Michel Teston. Il leur est même réclamé une participation à la modernisation des 9 800 kilomètres de routes restées dans le domaine public de l’État. Comment ne pas réagir, alors que celui-ci s’est déjà désengagé du secteur routier en transférant des routes nationales aux départements lors de l’acte II de la décentralisation, tout en attribuant des compensations somme toute modestes ?

Dans ce contexte, on était en droit d’attendre que l’État finance seul le réseau restant dans son patrimoine !

D’une manière générale, quelle crédibilité peut-on accorder à cet avant-projet consolidé, alors que l’État, dont le déficit cumulé est abyssal, ne mène aucune politique de relance efficace pour y remédier ?

M. Guy Fischer. Ce n’est pas sérieux !

M. Michel Teston. Comment les collectivités territoriales pourront-elles contribuer, alors que leur marge nette d’autofinancement est toujours plus réduite du fait d’importants transferts de charges dans le domaine du fonctionnement et à la suite de la récente réforme de la fiscalité directe locale ? (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)

M. Guy Fischer. L’État les asphyxie !

M. Michel Teston. Faisant le constat des moyens limités de l’AFITF, l’Agence de financement des infrastructures de transport de France, on mesure bien l’erreur politique, que dis-je ? la faute politique commise par l’État, qui s’est privé des recettes de la rente autoroutière en vendant les actions qu’il détenait dans les sociétés d’autoroutes. (Applaudissements sur les mêmes travées.)

M. Bernard Piras. Et voilà !

M. Guy Fischer. C’est un véritable scandale d’État !

M. Michel Teston. Quant à la modernisation et au développement du réseau ferroviaire, comment y faire face, alors que l’État ne fait aucun effort d’imagination pour trouver une solution permettant de réduire la dette colossale de RFF, qui dépasse aujourd'hui 28 milliards d’euros ?

Mes chers collègues, le risque est donc grand que ce schéma ne reste lettre morte, à l’instar des mesures du CIADT de 2003, faute de réelles inscriptions financières.

M. Michel Teston. J’en viens à la nécessaire concertation.

Le projet de schéma doit faire l’objet d’un large débat au Parlement, bien évidemment, mais, à ce débat, doivent également participer les collectivités territoriales, d’autant qu’elles sont lourdement sollicitées financièrement, ainsi que les forces vives du territoire, les acteurs économiques, sociaux, associatifs.

Monsieur le secrétaire d'État, pouvez-vous nous indiquer précisément comment va se dérouler la concertation ?

Nous attendons des réponses claires à nos questions.

Pour les raisons précédemment exposées, et parce qu’il ne concrétise pas le droit à la mobilité, le schéma, dans sa forme actuelle, ne nous paraît pas répondre aux immenses attentes en matière d’infrastructures de transport. (Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

M. le président. La parole est à Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. (Applaudissements sur les travées de lUMP.)

Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. Ce débat sur le schéma national des infrastructures de transport, que nous attendions avec impatience, est, pour la représentation nationale, une occasion unique de s’exprimer sur des axes structurants pour la compétitivité de notre pays et le bien-être de nos concitoyens.

La nouvelle version de l’avant-projet, publiée au mois de janvier dernier, n’a pas substantiellement évolué par rapport à celle du 26 juillet 2010. Ses quatre axes sont réaffirmés, le cadre financier est mieux explicité et les engagements portant sur le mode routier ont été reconduits.

Je partage cette orientation dans la mesure où les projets sont ciblés, répondent à des préoccupations bien identifiées et légitimes de désenclavement territorial, de sécurité et de décongestion. Le mode routier demeure de toute façon marginal, recueillant moins de 8 % des investissements envisagés. Le report modal est donc une réalité.

De même, je souscris totalement à la stratégie selon laquelle la priorité doit être accordée à l’optimisation des réseaux existants avant toute extension éventuelle. Nous le savons, le réseau ferroviaire se révèle très vétuste en Île-de-France ainsi que sur certaines autres lignes, et le taux de renouvellement du linéaire routier est encore insuffisant. Se focaliser sur le seul développement des LGV serait un mauvais calcul économique, car plus la réfection du réseau existant est reportée, plus elle coûte cher. Et laisser se déliter un réseau dense, c’est aussi prendre le risque de créer de réelles incompréhensions chez nos concitoyens.

Compte tenu de mes attributions à la commission des finances, j’aborderai directement les perspectives financières et la soutenabilité budgétaire du schéma.

L’amélioration de notre réseau de transport est une nécessité économique et écologique, afin de favoriser la mobilité, la fluidité des échanges et les modes de transport moins polluants. Mais il est une priorité encore plus grande : le redressement de nos comptes publics. Nous devons avoir bien conscience que notre pays est un peu « sur la corde raide » et qu’il n’a plus les moyens, aujourd’hui pas plus que demain, de financer un programme d’infrastructures aussi extensif que nous pourrions le souhaiter. Il faut donc garder à l’esprit cette contrainte budgétaire, aussi désagréable soit-elle, et faire preuve de responsabilité dans nos ambitions.

Tout compris, donc en incluant les investissements de modernisation et de régénération, les projets du SNIT représenteraient 260,5 milliards d’euros ; près du tiers de cette somme serait à la charge de l’État. Cependant, a priori, il ne s’agit pas d’une évaluation en coûts complets, intégrant les charges de personnel et de fonctionnement. De même, elle ne comprend pas le Grand Paris, dont les modalités de financement sont distinctes.

En outre, quel est le traitement des partenariats public-privé dans cette évaluation ? Plus précisément, la part relevant de l’État inclut-elle les loyers qu’il versera aux titulaires des contrats ? À défaut, cela implique de relever le montant de 85,5 milliards d’euros mentionné dans le SNIT. Les partenariats public-privé ont de nombreux avantages, notamment celui d’atténuer la contrainte budgétaire infra-annuelle, mais ils ne sont évidemment pas gratuits.

Néanmoins, en se fondant sur l’hypothèse de l’avant-projet, la dépense budgétaire pour l’État s’élèverait en moyenne chaque année à 3,42 milliards d’euros sur vingt-cinq ans. L’avant-projet visant une période de vingt à trente ans, j’ai retenu une durée intermédiaire, mais j’ai bien noté que, tout à l’heure, Mme la ministre a plutôt évoqué une période de trente ans. Quoi qu’il en soit, le montant est largement supérieur aux capacités actuelles de l’AFITF, dont le budget pour 2011 est de 2,23 milliards d’euros. Selon un calcul approximatif effectué en fonction des données de 2011, il est en revanche couvert par le budget de l’AFITF et les autres dépenses d’intervention et d’investissement de l’État au titre du programme 203 sur les infrastructures et services de transports.

Il reste que les projections financières du SNIT posent immanquablement la question de la pérennisation et du volume des ressources de l’AFITF, donc du rendement de la future taxe sur les poids lourds et de l’augmentation de la redevance domaniale. La table ronde sur la taxe sur les poids lourds que la commission des finances organise demain permettra, je l’espère, de lever quelques interrogations.

Le budget de renouvellement du réseau assumé par RFF doit passer, quant à lui, à 1,8 milliard d’euros en 2012, et il augmentera sans doute encore à l’avenir. Mais quelle en sera l’incidence sur les péages acquittés par la SNCF après 2012 ?

Le débat sur le réseau ferroviaire souhaitable à long terme est bien lié à la difficile équation du modèle économique de la SNCF et de RFF. Or celui-ci est actuellement compromis, même si l’on peut espérer qu’il ne s’agit que d’une transition difficile.

Pour conclure ces trop brèves observations, je constate que l’estimation du bilan financier du SNIT se veut honnête et prudente. S’il n’affiche pas, même de façon sommaire, les modalités de financement correspondantes, s’il n’assure pas le lien entre les projets d’infrastructures et les ressources financières adéquates, il a le mérite d’ouvrir le débat à partir de la vision de l’État. (Applaudissements sur les travées de lUMP, ainsi que sur quelques travées de lUnion centriste.)

M. le président. La parole est à M. Christian Poncelet. (Applaudissements sur les travées de lUMP.)

M. Christian Poncelet. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, mon intervention portera sur le désenclavement, tant de fois invoqué aujourd'hui à cette tribune, plus particulièrement sur celui de la Lorraine et du département des Vosges.

J’évoquerai d’abord la gare de Vandières, puis la RN66.

Si nous avons obtenu, et je m’en réjouis, que le TGV-Est desserve trois gares vosgiennes – Épinal, Saint-Dié et Remiremont – jusqu’au cœur du massif, il nous faut poursuivre le désenclavement ferroviaire de la Lorraine par la construction de la gare d’interconnexion TER-TGV de Vandières, pour diminuer les ruptures de charge, notamment pour les habitants du sillon lorrain et de la périphérie de la Lorraine.

M. Daniel Reiner. Très bien !

M. Christian Poncelet. Aujourd'hui, la gare TGV de Louvigny est reconnue par tous les experts comme étant une erreur. Elle heurte même le bon sens, chacun peut le constater sur place.

La construction de la gare d’interconnexion de Vandières a reçu l’avis favorable du commissaire enquêteur, le 30 décembre 2009. Le dossier a ensuite été transmis au Conseil d’État. L’attente dure depuis plus d’un an. C’est un peu long !

Pourriez-vous confirmer au Sénat, monsieur le secrétaire d'État, que les travaux concernant cette opération, inscrite au contrat de projets État-région, pourront être entrepris très prochainement, étant observé que leur financement est assuré, à hauteur de 80 %, par délibérations des 22 et 22 décembre 2006 du conseil régional de Lorraine, qui en assure la maîtrise d’ouvrage ?

M. Daniel Reiner. Je le confirme !

M. Christian Poncelet. Je tiens en cet instant à rappeler que, en France, les collectivités locales contribuent aujourd'hui à hauteur de 72 % à l’investissement public.

M. Bernard Piras. Exactement !

M. Christian Poncelet. Si, demain, elles ne peuvent plus intervenir, prenons garde !

M. Roland Courteau. C’est bien de le préciser !

M. Christian Poncelet. Dans le même temps, il nous faut constater que le désenclavement routier de la Lorraine vers le sud, assuré par la RN66, est inachevé.

Cet important axe de liaison entre le sud de l’Alsace et la Lorraine, à travers le massif vosgien, qui a reçu l’accord des départements concernés, en particulier ceux du Haut-Rhin et des Vosges, et qui est très emprunté par le trafic local, connaît aussi un trafic de transit particulièrement dense. À ce titre, il a été classé itinéraire sous l’appellation E512.

Pour remédier aux nombreux désagréments causés dans les agglomérations situées sur cet axe routier par la traversée d’importants flux de véhicules, estimés à 13 000 par jour en moyenne, dont de nombreux poids lourds, il a été décidé de l’aménager en créant la déviation du Thillot, inscrite au quatrième contrat de projets État-région 2000-2006. Comme vous pouvez le constater, la décision n’est pas récente !

Lors d’une réunion tenue au mois de janvier 2009, les représentants de la direction régionale de l’équipement ont précisé que les études réalisées au stade de l’avant-projet sommaire concernant cette déviation étaient terminées et que le dossier avait été transmis pour approbation à l’administration centrale.

M. Jean-Louis Borloo s’était alors engagé, par lettre en date du 22 juin 2009, à faire approuver le dossier d’avant-projet au cours de l’année 2010 et à poursuivre les études nécessaires au dossier d’enquête d’utilité publique le plus rapidement possible. Puis, au mois de décembre suivant, il a émis un avis favorable sur l’approbation des études préalables, et il a confirmé le lancement de l’enquête publique pour la fin de 2010. Alors que l’année 2011 est bien entamée, nous ne voyons rien venir…

Pour ce dossier, comme pour celui de la gare de Vandières, on est conduit à s’interroger, au regard des procédures en cours. Alors que l’avant-projet sommaire a été approuvé en mars 2010, l’enquête publique, contrairement aux engagements pris par les responsables des services de l’État, tant à l’échelon local que national, n’a pas débuté.

M. Bernard Piras. Et alors ?

M. Christian Poncelet. L’Autorité environnementale, qui a par ailleurs approuvé ce projet, a recommandé, dans un avis en date du 12 janvier 2011, l’examen de solutions de rechange susceptibles, selon elle, d’améliorer la sécurité et la fluidité des trafics sur la RN 66-E 512. Cette appréciation en opportunité ne relève pas de la compétence de cette autorité, qui avait approuvé ce projet de liaison lorsqu’il lui a été soumis. Il faudra mener à son terme cette opération engagée, je le rappelle, en janvier 2005. J’indique que cette recommandation de l’Autorité environnementale, émise hors compétences, a surpris notre administration, aux niveaux central et régional.

J’attache un grand intérêt, vous le savez, aux questions environnementales ; mais, en l’espèce, on est en droit de se demander si la multiplication de ces recommandations n’est pas excessive et si ces retards ne sont pas motivés par l’insuffisance des crédits disponibles.

M. Bernard Piras. Pas possible !

M. Michel Teston. Très bonne question !

M. Guy Fischer. C’est la vérité !

M. Christian Poncelet. Agir ainsi revient à discréditer, à la fois, les services de l’administration et les responsables politiques, aux échelons national et local.

Au surplus, il apparaît que le contournement de la RN 66-E 512 ne figurerait plus à l’avant-projet du schéma national des infrastructures de transport. Dès lors, il vous appartient, madame la ministre, monsieur le secrétaire d’État, de nous préciser quand et comment la déviation du Thillot sur la RN 66-E 512, engagée dans les conditions que j’ai rappelées, pourra se poursuivre.

M. le président. Mon cher collègue, il faut songer à conclure !

M. Christian Poncelet. J’en termine, monsieur le président.

J’attends avec impatience et bon espoir toute réponse à ces interrogations, tout en précisant que, dans une enquête publiée le 26 mars 2010 par la revue Le moniteur des travaux publics, les Lorrains ont classé l’aménagement de la RN 66-E 512 parmi les quatre projets d’infrastructure les plus importants à engager en Lorraine. Gérard Longuet, président de l’Agence de financement des infrastructures de transport de France, l’AFITF, peut le confirmer !

Madame la ministre, monsieur le secrétaire d’État, je vous remercie d’avance de prendre bonne note de ces observations et de me répondre rapidement ! (Applaudissements sur les travées de lUMP, ainsi que sur diverses travées de lUnion centriste, du RDSE et du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à M. Daniel Soulage.

M. Daniel Soulage. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, monsieur le président de la commission de l’économie, monsieur le président du groupe de suivi du SNIT, mes chers collègues, un nouvel objectif a été donné au volet routier du SNIT, à savoir « renforcer l’accessibilité des territoires dont les populations souffrent d’enclavement ».

Cet objectif figurait déjà, en 2008, dans les préconisations du rapport d’information de notre délégation sénatoriale à l’aménagement du territoire. Ce rapport, intitulé, je vous le rappelle, Pour une politique de désenclavement durable, concluait en effet : « La France a tout à gagner à engager cette politique de désenclavement, c’est-à-dire une politique fondée sur le lien fort entre les infrastructures et les projets de chacun des territoires ».

Je remercie vivement le président de la commission, Jean-Paul Emorine, qui a favorisé la tenue de ce débat, Louis Nègre, dynamique et efficace président du groupe de suivi du SNIT, ainsi que son collègue Raymond Vall, membre actif de ce groupe, qui a demandé l’organisation de ce débat, d’avoir attiré l’attention du Gouvernement sur la nécessité absolue de prendre en compte l’aménagement des territoires ruraux dans le SNIT.

Parmi les grandes liaisons d’aménagement du territoire intégrées dans le projet du SNIT, je souhaite attirer votre attention sur le cas de la RN 21. Mon intervention s’inscrit dans la ligne de celle de mon collègue, voisin et ami, Raymond Vall.

La RN 21 est un « équipement routier du siècle dernier », comme l’a qualifiée Louis Nègre, lorsqu’il l’a découverte au début de décembre 2010. Située à mi-chemin de l’autoroute A 10, Paris-Bordeaux, et de l’autoroute A 20, Paris-Toulouse, elle dessert un territoire grand comme deux fois la Belgique, sans aucune autre liaison autoroutière Nord-Sud.

La route nationale 21 relie Limoges à Tarbes et Lourdes ; elle traverse cinq départements ruraux – la Haute-Vienne, la Dordogne, le Lot-et-Garonne, le Gers et les Hautes-Pyrénées –, trois régions – le Limousin, l’Aquitaine et Midi-Pyrénées – et vingt-deux agglomérations dont Limoges, Périgueux, Bergerac, Villeneuve-sur-Lot, Agen, Auch et Tarbes. Il faut six heures et quart pour aller de Limoges à Tarbes, à une vitesse moyenne de soixante-deux kilomètres à l’heure et, malgré cette faible vitesse, cet axe connaît un taux d’accidents supérieur à la moyenne nationale, avec plus d’une centaine d’accidents corporels par an. L’indice de gravité de ces accidents est également supérieur à la moyenne nationale.

Sachant qu’une route à deux fois deux voies est trois à quatre fois moins accidentogène qu’une route large à deux voies, l’élargissement à deux fois deux voies de cet itinéraire permettrait d’épargner chaque année, au minimum, huit ou neuf vies humaines et trente-cinq blessés graves.

La concession de l’élargissement à deux fois deux voies de la RN 21 de Limoges aux Pyrénées permettrait aussi d’éviter la saturation des rocades bordelaise et toulousaine. Il suffit en effet de passer de temps en temps sur ces rocades et d’y rester bloqué pendant des heures pour se rendre compte de la signification du mot « saturation ».

La connexion intermodale de cet axe avec la future traversée « ferroutière » des Pyrénées centrales désengorgerait également les frontières océanique et méditerranéenne de Biriatou et du Perthus, par où transitent d’ores et déjà près de 20 000 camions par jour. En effet, la RN 21, qui se situe sur le plus court chemin de Paris à Madrid, a vocation à constituer le volet routier de l’axe n° 16 du réseau transeuropéen de transport Paris-Madrid-Algésiras.

Mais qu’en est-il de ce projet par rapport aux critères du Grenelle de l’environnement et aux objectifs du SNIT ?

L’association Euro 21 regroupe les chambres de commerce et d’industrie des cinq départements traversés par cet axe routier et travaille en relation étroite avec les chambres de commerce d’Aragon et l’association Eurosud Transport, qui milite pour la traversée centrale des Pyrénées en ferroutage. Cette association a fait réaliser une « étude socio-économique et d’opportunité de la mise à deux fois deux voies de la RN 21 ». Elle a confié cette étude au cabinet Egis Mobilité, filiale de la Caisse des dépôts et consignations, qui avait déjà réalisé les études préalables des schémas régionaux d’infrastructures de transport d’Aquitaine et de Midi-Pyrénées.

Les conclusions de ce cabinet indépendant sont très positives au regard des quatre axes du Grenelle de l’environnement.

En effet, le projet Euro 21 est complémentaire du réseau ferroviaire existant, car il sera en connexion intermodale avec la future traversée « ferroutière » des Pyrénées centrales et avec les gares TGV d’Agen et de Limoges ; c’est l’axe 1.

Axe 2, il renforcera la multipolarité des régions et participera ainsi à la revitalisation des territoires fragilisés de l’est de l’Aquitaine et de l’ouest de Midi-Pyrénées.

Axe 3, il permettra de mieux organiser les déplacements dans les aires métropolitaines de Bordeaux et de Toulouse.

Axe 4, il améliorera le bilan des nuisances induites par la traversée de vingt-deux agglomérations et préservera la qualité de vie des riverains de la route nationale.

En ce qui concerne les objectifs du SNIT, le projet Euro 21 répond aux quatre enjeux.

L’enjeu de la sécurité est satisfait par la division par trois ou par quatre des accidents corporels. L’enjeu de la congestion trouve une réponse avec l’absorption d’une partie des transits nord-sud des rocades bordelaise et toulousaine et des axes littoraux franco-ibériques. Enfin, les enjeux de l’équité territoriale et du désenclavement des quatre départements de l’est de l’Aquitaine – Dordogne et Lot-et-Garonne – et de l’ouest de Midi-Pyrénées – Gers et Hautes-Pyrénées –, restés à l’écart des dynamiques régionales, seront relevés par l’amélioration de l’accessibilité aux pôles de services, le renforcement de la logistique des entreprises de production, le développement des plates-formes multimodales, l’encouragement du tourisme, l’élargissement des bassins d’emplois et l’augmentation du PIB des territoires desservis.(Marques d’impatience sur les travées du groupe socialiste.)

Enfin, en raison de sa rentabilité économique et sociale, ce projet intéresse deux concessionnaires qui pensent pouvoir réaliser cette infrastructure sans recourir aux financements de l’État et des collectivités locales.

D’ores et déjà, plus de vingt parlementaires, soit plus des trois quarts des parlementaires concernés, se sont mobilisés, toutes tendances confondues, aux côtés des chambres consulaires pour demander l’inscription de l’Euro 21 au SNIT et le lancement, par l’État, des études nécessaires à la consultation des concessionnaires et au dossier support du débat public.

M. le président. Veuillez conclure, mon cher collègue !

M. Daniel Soulage. Monsieur le secrétaire d’État, je compte sur le soutien que vous apporterez à ce projet. (Applaudissements sur les travées de lUnion centriste et de lUMP, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

M. le président. Vous avez été prolixe, mon cher collègue !

M. Bernard Piras. Une minute cinquante-quatre de dépassement ! Et nous, on doit arrêter !

M. le président. Monsieur Piras, vous n’avez pas la parole !

M. Bernard Piras. Mais je la prends ! Si j’attendais que vous me la donniez, je ne l’aurais jamais !

M. le président. La parole est à M. Jean-Jacques Mirassou, et à lui seul.

M. Jean-Jacques Mirassou. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, l’avant-projet consolidé du schéma national des infrastructures de transport a nécessité un important travail collectif qu’il convient de saluer. Cependant, en l’état, cet avant-projet n’est pas de nature à atteindre les objectifs tels qu’ils sont définis dans l’avant-propos et l’introduction du document.

En effet, indépendamment de la qualité du diagnostic, qui recense les demandes des différents acteurs à travers l’Hexagone, et des conclusions auxquelles il aboutit, la logique adoptée par ce texte reflète un mauvais choix. En effet, le SNIT aurait dû, avant tout, exprimer et concrétiser une ambition de portée nationale, s’agissant non seulement de son volet économique, mais également des grandes infrastructures qu’elle suppose. Il aurait dû présenter, à la clé, une hiérarchisation des priorités, en relation étroite avec les considérations environnementales telles qu’elles sont définies dans les textes 1 et 2 du Grenelle de l’environnement.

Or, contrairement à ce qui est annoncé, ce SNIT ne formule ni ces objectifs ambitieux ni les moyens stratégiques et a fortiori financiers qui auraient dû présider à sa conception.

M. Roland Courteau. Très bien !

M. Jean-Jacques Mirassou. Le risque est donc grand de déboucher sur un schéma cantonné au rôle de cahier de doléances.

Pis, les différents échanges qui ont eu lieu antérieurement dans cette enceinte l’ont démontré, rien ne permet d’avoir des assurances en ce qui concerne le plan de financement des infrastructures à réaliser. D’ailleurs, elles n’existent même pas pour la simple remise à niveau des équipements existants. (Marques d’approbation sur les travées du groupe socialiste.) Je pense, notamment, au réseau ferré, dont chacun d’entre nous, dans sa région, connaît l’état de délabrement !

M. Guy Fischer. Eh oui !

M. Jean-Jacques Mirassou. Il est par ailleurs curieux de constater, sur le plan rédactionnel, que l’avant-projet évoque à plusieurs reprises, avec un artifice un peu coquin, le soutien apporté par l’État aux collectivités territoriales, alors que, dans le même temps, le même document précise que, sur les 260 milliards d’euros d’investissement, 37 % seront financés par ces mêmes collectivités locales – c’est donc un montant supérieur à celui correspondant à l’engagement de l’État –, et ce hors compétences ! On est donc en droit de se demander qui soutient qui !

M. Roland Courteau. Bonne question !

M. Jean-Jacques Mirassou. En tout état de cause, de manière beaucoup plus prosaïque, les meilleures intentions du monde trouveront leurs limites lorsque les uns ou les autres ne pourront plus payer. Indépendamment de l’État, dont on sait où il en est, je pense bien sûr avant tout aux collectivités locales, qui sont régulièrement accusées d’être dépensières par le Président de la République et qui ont pourtant déjà consenti de gros efforts lors de l’acte II de la décentralisation. C’est la raison pour laquelle ce projet, déconnecté d’un financement adéquat et pérenne, risque d’être simplement un exercice de style, entaché de virtualité.

M. Guy Fischer. Il a raison !

M. Jean-Jacques Mirassou. Vous me permettrez, pour terminer – c’est devenu un rite, chacun l’a fait ! –, d’évoquer deux dossiers qui concernent le département que je représente, la Haute-Garonne : il s’agit, d’une part, de la RN 126, qui relie Toulouse à Castres et, d’autre part, de la création d’un nouvel axe ferroviaire transpyrénéen.

Le débat public concernant la RN 126 a mis en évidence de nombreuses options, soutenues par la population et les acteurs locaux. Cependant, après un débat intéressant et fastidieux, faisant fi des nombreuses observations émises, le précédent ministre a tenté d’imposer « par le haut » – j’espère que ses successeurs n’y réussiront pas plus que lui ! – la construction d’une autoroute Toulouse-Castres. Un tel projet, je le dis solennellement, est éminemment contestable, pour plusieurs raisons.

Tout d’abord, contrairement aux objectifs évoqués tout à l’heure, il piétine consciencieusement certaines dispositions du Grenelle de l’environnement, qui préconisent de « limiter la consommation des terres agricoles ». Or ce tracé autoroutier dévorerait la bagatelle de 350 hectares de terres agricoles, classées comme les plus fertiles du département !

M. Roland Courteau. C’est scandaleux !

M. Jean-Jacques Mirassou. En outre, les risques d’inondation rendent la conception de cette infrastructure d’une très grande complexité technique.

Pour autant, personne en Haute-Garonne, encore moins au sein du conseil général, n’oserait nier le besoin de désenclavement des bassins de Castres et de Mazamet. Ce désenclavement implique une voie rapide permettant de rejoindre la métropole régionale. Cela compléterait d’ailleurs les efforts déjà consentis par le département, notamment s’agissant du contournement de Verfeil.

Cela étant, le département est fermement opposé à la perspective d’une voie à péage, qui entacherait l’infrastructure d’une perte de crédibilité et, en même temps, pénaliserait l’usager, ce dernier étant également le contribuable. De surcroît, cette solution n’améliorerait que très faiblement le temps de parcours.

Je voudrais également évoquer les relations entre l’Espagne, plus précisément l’Aragon, et la France, justifiant un franchissement central des Pyrénées, ainsi que les relations partenariales exemplaires qui existent entre le conseil régional de Midi-Pyrénées, les conseils généraux des Hautes-Pyrénées et de la Haute-Garonne et la communauté urbaine de Toulouse.

Ces relations ont permis de trouver un accord sur un nouvel itinéraire reliant Toulouse à Saragosse et passant par la ville de Lannemezan qui serait équipée d’une gare multimodale. Une étude économique engagée à ce propos par la région Midi-Pyrénées et le département des Hautes-Pyrénées permet véritablement d’analyser les éléments économiques et touristiques qui justifieraient l’adoption de ce projet.

Monsieur le secrétaire d’État, sur ces deux dossiers, et avant que ne soit finalisé le SNIT, vous ne pourrez pas faire l’impasse sur une véritable concertation avec tous les acteurs concernés. C’est le passage obligé pour permettre à ce schéma d’acquérir, au moins à l’échelon régional, un minimum de crédibilité. Sur le plan national, vous l’avez compris, beaucoup reste à faire pour qu’il réponde aux ambitions affichées.

Autant dire que nous attendons avec beaucoup d’impatience votre nouvelle copie ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste, du groupe CRC-SPG, ainsi que sur plusieurs travées de lUnion centriste.)

M. le président. La parole est à M. Pierre Bernard-Reymond. (Applaudissements sur les travées de lUMP.)

M. Pierre Bernard-Reymond. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, monsieur le président de la commission de l’économie, mes chers collègues, après avoir remercié M. le président du groupe de suivi d’avoir bien voulu se déplacer en Isère et dans les Hautes-Alpes dans le cadre de sa mission, j’évoquerai dans les cinq petites minutes qui me sont imparties le trop fameux dossier de l’A 51.

Ce projet a une logique.

Lorsque les automobilistes, qui rouleront demain à l’électricité, à l’hydrogène, au pétrole bleu ou avec un carburant que nous ne connaissons pas encore, se rendent de Genève à Marseille ou de Lyon à Nice – ce ne sont tout de même pas des métropoles négligeables – en évitant la vallée du Rhône trop encombrée, ils empruntent une autoroute jusqu’à Grenoble. Cependant, avant d’en retrouver une autre au sud de Gap, en direction de la Méditerranée, ils doivent franchir cent kilomètres d’une route de montagne, la RN 85, sur laquelle la vitesse moyenne ne saurait être supérieure à cinquante kilomètres à l’heure dans le meilleur des cas.

M. Bernard Piras. Pas d’accident de ce fait !

M. Pierre Bernard-Reymond. Il vient à l’esprit de tout le monde, ou presque, que la dernière pièce manquante du puzzle doit impérativement être placée.

Ce chaînon manquant est conforme au Grenelle de l’environnement, dont j’approuve les orientations – j’ai voté les deux lois qui ont été tirées de ces travaux – et que j’ai appliqué par anticipation dans mon ancienne gestion municipale.

Ainsi, un paragraphe de l’article 10 de la loi du 3 août 2009 de programmation relative à la mise en œuvre du Grenelle de l’environnement, dite Grenelle 1, stipule que « les projets permettant d’achever les grands itinéraires autoroutiers largement engagés seront menés à bonne fin dans les meilleurs délais et dans le respect de normes environnementales conformes au développement durable ».

Je doute qu’il existe en France d’autres projets autoroutiers qui correspondent aussi précisément à cette définition que l’A 51 !

La volonté du législateur est claire et l’abandon de l’A 51 au schéma national des infrastructures de transport n’est donc pas conforme à la loi.

M. Bernard Piras. C’est une bêtise !

M. Pierre Bernard-Reymond. Par ailleurs, trois critères ont été retenus pour autoriser des travaux routiers.

Premier critère, l’encombrement : l’idée de cette autoroute est née de la nécessité d’alléger le trafic de la vallée du Rhône. Peut-on trouver ailleurs en France, hormis en région parisienne, un axe plus chargé que celui de la vallée du Rhône ?

Deuxième critère, la sécurité : sur la RN 85, au pied de la descente de Laffrey, sur le territoire de la commune de Vizille, cinq accidents de cars ont fait cent trois victimes, et il ressort du recensement des points dangereux sur les routes nationales que le tronçon entre Gap et Grenoble est celui qui en recèle la plus grande densité.

Troisième critère, les besoins locaux : cette région est une poche de sous-développement dans ce territoire du sud-est français plutôt prospère. Notons-le, 80 % de l’économie des Hautes-Alpes repose sur le tourisme, 93 % des touristes viennent par la route, et ce n’est pas la politique de la SNCF dans cette zone qui pourra inverser la tendance. Or cette région a besoin de créer des emplois pérennes et de se diversifier. Elle ne peut le faire sans désenclavement !

S’agissant de la faisabilité technique, une commission internationale présidée par un professeur de l’École polytechnique de Lausanne a fait justice des craintes et interrogations qui se sont fait jour à une certaine époque.

Quant au problème financier, je ne crois pas aux hypothèses qui sont avancées sur le montant nécessaire de la participation de l’État.

Lançons l’enquête publique, interrompue en 1997 par M. Jean-Claude Gayssot, lançons les appels d’offres, discutons de la durée de concession, et nous verrons qui a raison !

Enfin, il n’existe pas vraiment d’autres options. Dans le meilleur des cas, il faut deux heures et quinze minutes pour relier Gap à Grenoble en chemin de fer. Compte tenu du relief, on ne pourra jamais gagner plus d’un quart d’heure.

M. Pierre Bernard-Reymond. Il ne faut donc pas s’étonner qu’en 2003 les Hautes-Alpes aient été le seul département classé par la Délégation interministérielle à l’aménagement du territoire et à l’attractivité régionale, la DATAR, au niveau 4, ce qui en fait le département le plus enclavé de France.

Quant à l’amélioration de la route nationale, ce sont vos services eux-mêmes, monsieur le secrétaire d’État, qui la jugent impossible, et ils ont raison si j’en crois le relief et la géotechnie des lieux.

Je voudrais donc que vous invitiez Mme la ministre de l'écologie, du développement durable, des transports et du logement à venir se rendre compte sur place. J’estime que lorsque l’on s’apprête à prendre une décision aussi lourde, il est indispensable d’en mesurer les conséquences sur le terrain.

Je cite l’ancienne direction départementale de l’équipement de l’Isère : « Sur la base du diagnostic effectué, aucune hypothèse d’aménagement lourd de la RN 85 ne peut raisonnablement être envisagée. […] Les gains en termes de temps de parcours seront faibles, voire nuls. […] L’aménagement de la RN 85 n’entraîne aucun report de trafic significatif ».

Tel est le jugement sans appel qu’ont exprimé les services dans un rapport élaboré dans le cadre du débat public sur ce projet, débat ayant abouti à la conclusion qu’il fallait construire cette autoroute.

Proposer comme contrepartie à l’abandon de l’autoroute l’amélioration de la RN 85, dont le tracé a été dicté par les diligences, voire par les éléphants d’Hannibal, appelée aujourd'hui Route Napoléon, et se trouvant pratiquement dans l’état où l’a laissée l’empereur et pour cause, est une supercherie, un marché de dupes et, pour tout dire, une offense à tous ceux qui connaissent cette route.

L’ensemble de ces arguments a été parfaitement compris par de très hautes personnalités qui soutiennent ce projet, notamment les présidents des deux assemblées, certains membres du Gouvernement, d’anciens ministres, le maire de Marseille, de très nombreux parlementaires, tous les sénateurs du groupe d’études sur le développement économique de la montagne. Il est soutenu également par les élus locaux, ainsi que par la majorité des populations concernées.

Dès lors, d’où vient l’opposition du Gouvernement ? J’aimerais en connaître les vraies raisons.

M. Yves Daudigny. Il faut changer de gouvernement !

M. Pierre Bernard-Reymond. Je n’en vois qu’une : certains écologistes ont fait de ce projet un dossier emblématique, une question idéologique. Dans un moment de faiblesse ou d’ignorance, ou par la volonté de dégager coûte que coûte un consensus, on a sacrifié l’avenir d’une région.

Mais les Alpes du Sud ne sont pas une marchandise ! Ce territoire ne demande pas la charité, ne réclame pas l’assistance et ne peut pas se résoudre à n’être qu’une réserve de biodiversité, une zone de recréation, une vaste maison de retraite ou un parc à loups. Il refuse simplement de mourir à petit feu.

Les Alpes du Sud veulent qu’à l’occasion de la dernière grande et indispensable structuration du réseau autoroutier du Sud-Est français, les moyens leur soient donnés de participer dignement au développement durable de la France et de l’Europe.

Certains écologistes en font une question de principe ? Nous en faisons, nous, une question de survie. Il faut choisir, monsieur le secrétaire d’État ! (Bravo ! et applaudissements sur les travées de lUMP et de lUnion centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État.

M. Thierry Mariani, secrétaire d'État auprès de la ministre de l'écologie, du développement durable, des transports et du logement, chargé des transports. Monsieur le président, monsieur le président de la commission, monsieur le président du groupe de suivi, mesdames, messieurs les sénateurs, je tiens tout d’abord à saluer l’initiative prise par le groupe RDSE, M. Raymond Vall en particulier, quant à l’organisation de ce débat.

Les interventions, franches, claires et de qualité, illustrent par leur diversité et leur richesse combien le schéma national des infrastructures de transport est un dossier important pour les territoires et populations que vous représentez.

Je retiens d’abord de ces interventions un sentiment positif, celui que le travail de refondation accompli sur la version précédente de l’avant-projet n’a pas été inutile. La nouvelle version apporte des réponses à plusieurs interrogations que la précédente soulevait. M. Jacques Blanc a raison de le rappeler, puisque nous avons notamment tenu compte de ses remarques.

C’est ce que je retiens tout particulièrement des interventions des présidents Jean-Paul Emorine et Louis Nègre, que je tiens à remercier de leur engagement, ainsi que de celui de la commission de l’économie et du groupe de suivi, dans la démarche d’élaboration du schéma.

Je retiens aussi de ces interventions que ce qui est proposé aujourd'hui continue, sur un certain nombre de sujets, à susciter des interrogations, peut-être des inquiétudes, voire de l’incompréhension.

Avant de revenir brièvement sur les propos de chacun des orateurs, je souhaite réitérer le souci que Nathalie Kosciusko-Morizet et moi-même partageons d’être à votre écoute. Pour autant, nous le savons bien, il est impossible de satisfaire tout le monde. Si la politique nationale doit tenir compte des demandes locales, il convient aussi de tracer des perspectives, d’arrêter des orientations, de faire des choix.

Ce que nous vous proposons aujourd’hui nous semble offrir un bon équilibre, cohérent avec les orientations du Grenelle de l’environnement et permettant d’éviter l’écueil qui nous interdirait complètement d’aménager des routes ou des aéroports et imposerait le développement du transport ferroviaire comme la réponse unique à tous les besoins de mobilité.

M. Thierry Mariani, secrétaire d'État. Monsieur le président Emorine, je vous réitère mes remerciements pour votre implication et celle de votre commission dans l’amélioration du projet de SNIT. Les observations qui ont été formulées dans ce cadre ont déjà permis de faire progresser le projet, ce dont je me félicite.

Monsieur le président Nègre, je me réjouis que le groupe de suivi que vous présidez considère que la nouvelle version de l’avant-projet de schéma répond déjà à une grande partie de ses préoccupations.

S’agissant des pistes d’amélioration que vous évoquez, j’en ai pris bonne note. La version consolidée de l’avant-projet de schéma me semble toutefois répondre à la préoccupation exprimée d’une prise en compte équilibrée de la route, notamment dans ses fonctions de désenclavement de certains territoires qui sont situés à l’écart des grands axes de communication ou qui ne peuvent s’appuyer sur le développement des modes alternatifs pour améliorer leur desserte.

J’ai pris bonne note de votre demande de diagnostic des besoins de rénovation du réseau routier national. Sur le principe, je n’y suis bien sûr pas opposé, mais je pense que cette démarche doit être mise en place indépendamment du schéma.

Je tiens à vous le dire clairement, ainsi qu’à M. Raymond Vall, ce n’est pas parce que la modernisation d’un axe existant ne figure pas dans la carte du SNIT qu’elle ne bénéficiera pas de financements. Comme Mme la ministre a eu l’occasion de l’indiquer, le SNIT met précisément l’accent sur la modernisation des réseaux de transport avant même leur développement.

Un sénateur de l’UMP. Pensez aux Hautes-Alpes !

M. Thierry Mariani, secrétaire d'État. Je reviendrai à la fin de mon intervention sur ce sujet, que je ne peux pas oublier, eu égard à la plaidoirie que je viens d’entendre !

Enfin, monsieur Nègre, vous évoquez la nécessité de clarifier les priorités, notamment dans le domaine ferroviaire, compte tenu des coûts qui sont en jeu et du fait que tout ne pourra certainement pas être réalisé sur la période considérée. Ce souci de hiérarchisation, que je comprends bien, rejoint d’ailleurs les préoccupations exprimées par Mme Marie-Hélène Des Esgaulx.

Il est exact que, sur les fondements de l’évaluation financière faite, et bien qu’il ne s’agisse à ce stade que d’ordres de grandeur, les dépenses qu’une mise en œuvre du schéma est susceptible de générer dépassent les moyens aujourd’hui mobilisés par l’ensemble des partenaires pour le financement des infrastructures.

Cela rend-il le travail réalisé inutile ? Je ne le crois pas. Avec la nouvelle version de l’avant-projet, nous avons voulu être transparents sur le chiffrage des dépenses que pourrait occasionner la mise en œuvre complète de ce schéma. Pour autant, il s’agit d’un document d’impulsion et d’orientation générale. Ce n’est pas, et ce ne doit pas être, un document de programmation. Il identifie les projets et les mesures dont la réalisation apparaît prioritaire pour l’État dans les trente prochaines années pour faire progresser le système de transport, le rendre plus performant et l’inscrire dans une dynamique de développement durable. Ces priorités ne forment pas un bloc monolithique et leur mise en œuvre ne relève pas du tout ou rien.

Mettre en œuvre l’ensemble des projets et mesures qui figurent au schéma serait évidemment idéal. Cependant, les projets relèvent de processus de concrétisation et de décision complexes. Les glissements de délais, les retards sont habituels, nous le savons tous dans cet hémicycle.

Dans les faits, la mise en œuvre effective du schéma va dépendre de la mobilisation de chaque partenaire. C’est cette mobilisation qui déterminera la vitesse de mise en œuvre du schéma et, dans vingt ou trente ans, le niveau de concrétisation atteint. Si l’on ne concrétise que 70 % ou 80 % du schéma, je crois que l’on aura déjà bien progressé. En outre, 70 % à 80 % des dépenses, c’est financièrement accessible.

Nous disposons ici d’un vivier d’opérations qui, prises isolément et au regard des évaluations menées, font sens par rapport aux besoins à la fois de mobilité de nos concitoyens et de transformation de notre système de transport. Chaque opération, qu’elle soit ferroviaire, fluviale ou routière, est utile et contribue à apporter un élément de réponse.

Pour conclure sur ce point, je rappelle que le schéma s’inscrit dans un processus d’amélioration continue. Sa mise en œuvre fera l’objet d’un suivi et le document sera révisé régulièrement comme la loi le prévoit, une fois tous les cinq ans.

Monsieur Nègre, vous évoquez également le manque d’ambition du schéma dans les projets de développement portuaire et d’interconnexion avec le réseau fluvial. J’en prends bonne note et nous allons regarder ce point plus en détail. Je souligne toutefois que le schéma concerne les seules infrastructures de l’État et de ses établissements publics et que les équipements décentralisés n’ont pas vocation à y figurer.

S’agissant de l’évaluation environnementale, il est bien prévu que l’évaluation faite dans le cadre de la version initiale de l’avant-projet doit être améliorée. La nouvelle évaluation portant sur la version consolidée de l’avant-projet et répondant, notamment, aux remarques de l’autorité environnementale sera mise en ligne dans les prochains jours. Si nous ne l’avons pas faite plus tôt, c’est qu’il fallait attendre de disposer de l’avant-projet consolidé pour la réaliser. Je pense que vous allez trouver dans cette nouvelle version l’essentiel des réponses aux questions que vous avez soulevées.

Madame Des Esgaulx, vous m’avez également interrogé au sujet des effets sur la hauteur des péages de la politique de régénération intensive engagée sur le réseau ferroviaire. La trajectoire financière définie dans le cadre du contrat de performance entre l’État et Réseau ferré de France, RFF, prévoit que la poursuite de l’équilibre économique de l’infrastructure devra se faire par la maîtrise des dépenses de RFF plus que par l’augmentation de ses recettes. Toutefois, la remise à niveau du réseau doit permettre de réduire les coûts d’entretien courant sur celui-ci et, donc, le transfert futur d’une partie des crédits aujourd’hui consacrés à l’entretien vers le renouvellement.

Messieurs Vall et Soulage, j’ai bien entendu les regrets que vous avez exprimés en ce qui concerne la place de la route dans le projet de schéma et votre souhait de voir la RN 21 renforcée pour améliorer la desserte des territoires qu’elle traverse. Je pense que la version consolidée de l’avant-projet du SNIT répond à vos préoccupations. La route y trouve toute sa place même si nous conservons l’orientation générale du Grenelle de l’environnement d’une priorité à donner aux autres modes.

S’agissant de la RN 21, la nouvelle version consolidée indique clairement que cette voie fait désormais partie des routes prioritairement concernées par la politique de modernisation de l’État. Dans ce cadre, une mise à deux fois deux voies de l’infrastructure est tout à fait possible dès lors que cette dernière répond à des besoins réels de mobilité. La RN 21 sera aménagée progressivement, dans le cadre des programmes de modernisation des itinéraires routiers, les PDMI, qui succèdent aux volets routiers des contrats de plan État-région.

Aujourd’hui, les priorités portent sur l’aménagement de la section Villeneuve-sur-Lot – Agen et sur l’achèvement de la déviation de Bergerac, en faveur desquels le PDMI Aquitaine prévoit respectivement 35 millions d’euros et 5 millions d’euros.

Il est clair que l’engagement des collectivités locales aux côtés de l’État sera déterminant pour faire aboutir ce dossier. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste.)

M. Claude Bérit-Débat. C’est un euphémisme !

M. Thierry Mariani, secrétaire d'État. Vous évoquez aussi la traversée ferroviaire centrale des Pyrénées, qui vous tient à cœur. Le projet figure dans l’avant-projet consolidé. Comme vous le savez, le 20 octobre 2009, un groupement européen d’intérêt économique, GEIE, a été créé entre les deux gestionnaires d’infrastructures ferroviaires concernés côtés français et espagnol afin d’engager les études nécessaires. Les choses avancent bien, le comité de pilotage du GEIE s’étant réuni le 2 février dernier pour entériner le programme des études à conduire.

J’ajoute que mon homologue espagnol, que j’ai rencontré récemment, m’a rappelé que ce projet de percée centrale des Pyrénées était, pour lui, une priorité.

Monsieur Poncelet, j’ai bien noté votre demande d’aller vite concernant la RN 66, singulièrement la déviation du Thillot. Nous partageons ce souci. L’avis rendu par l’autorité environnementale sur le projet de dossier d’enquête publique préalable à la déclaration d'utilité publique met en évidence des faiblesses sérieuses, qui risquent tout simplement d’empêcher la réalisation de l’opération le moment venu. Dans l’intérêt du projet, il est nécessaire de reprendre le dossier et de combler les lacunes identifiées. Nous avons demandé à nos services de le faire le plus rapidement possible. J’y veillerai personnellement, sachant combien ce projet vous tient à cœur.

Enfin, s’agissant de la gare de Vandières, vous nous avez signalé que vous attendiez la décision du Conseil d’État depuis un an. Tout finit par arriver, puisqu’il vient de rendre un avis favorable. (Applaudissements sur diverses travées de lUMP et du groupe socialiste.) Cette notification doit intervenir de manière officielle prochainement. Je sais également que c’est un projet qui est financé à 80 % par la région. Donc, plus rien ne s’oppose au lancement des travaux. Je pense que vous devriez y trouver satisfaction.

M. Christian Poncelet. Merci, monsieur le secrétaire d'État !

M. Thierry Mariani, secrétaire d'État. Monsieur Bernard-Reymond, j’ai bien entendu votre message. Je le comprends, car je connais votre engagement pour le projet de l’A 51 et pour le développement du territoire des Hautes-Alpes. Pour des raisons différentes, mais comme Louis Nègre, j’ai emprunté cet itinéraire, notamment pendant certaines campagnes régionales, et j’ai pu appréhender la réalité de la desserte actuelle en termes de confort, surtout en plein hiver.

Dans ce contexte, Nathalie Kosciusko-Morizet vous a proposé de trouver d’autres solutions pour améliorer la desserte des Hautes-Alpes.

M. Pierre Bernard-Reymond. Nous n’en voulons pas !

M. Thierry Mariani, secrétaire d'État. J’ai bien compris, monsieur le sénateur, que vous n’en vouliez pas. Une proposition est faite, mais nous restons très ouverts sur le choix des solutions alternatives. Le document du SNIT n’est pas définitif, vous le savez. Je vous recevrai d'ailleurs, à votre demande, avec d’autres élus, le 3 mars prochain, et nous essaierons ensemble de voir quelles solutions peuvent être trouvées sur ce projet, pour lequel, je le sais, vous êtes particulièrement mobilisé.

Monsieur Teston, vous nous avez fait part de votre attachement à l’amélioration de la RN 102. Je pense que la version consolidée de l’avant-projet de schéma répond à vos préoccupations. En effet, la RN 102, compte tenu de son importance particulière dans la desserte de l’Ardèche, y est explicitement mentionnée comme étant l’un des axes prioritairement concernés par la politique de modernisation de l’État.

Vous soulignez la nécessité de réaffirmer dans le SNIT le droit au transport et à la mobilité pour tous ; je pense que le document le fait déjà.

Monsieur Mirassou, j’ai déjà évoqué la nouvelle traversée des Pyrénées, je n’y reviendrai pas. Le prolongement de la ligne à grande vitesse Paris-Toulouse vers Narbonne est clairement inscrit dans l’avant-projet consolidé, par un engagement après 2020, conformément à ce qui est inscrit dans la loi du 3 août 2009 de programmation relative à la mise en œuvre du Grenelle de l’environnement.

Vous considérez, par ailleurs, que le projet d’achèvement de la mise à deux fois deux voies de la liaison entre Castres et Toulouse par mise en concession autoroutière n’est pas satisfaisant au regard des actions entreprises par les collectivités territoriales, notamment par le conseil général de la Haute-Garonne. Ce projet a donné lieu à un débat public à la fin de 2009 et au début de 2010. À l’issue de ce débat, sur le fondement du bilan dressé par la Commission nationale du débat public, la CNDP, qui montrait qu’un large consensus se dégageait autour du principe de réalisation de ce projet, la décision a été prise de le poursuivre.

Monsieur Boyer, je me félicite que cette version consolidée du schéma donne satisfaction aux membres du groupe de l’Union centriste.

Le schéma national des infrastructures de transport vise en effet à mettre au cœur de la politique de l’État en matière de transport l’intermodalité et, dans ce cadre, le fret ferroviaire, le transport maritime et fluvial. Il s’agissait de l’une des ambitions fortes du Grenelle de l’environnement. C’est l’esprit dans lequel nous avons pris en compte vos remarques et celles de vos collègues ces dernières semaines.

Madame Schurch, monsieur Mézard, je ne crois pas que l’on puisse affirmer que le Massif central est oublié dans l’avant-projet consolidé de schéma. Des projets tels que les lignes à grande vitesse Paris-Orléans-Clermont-Lyon, le barreau Est-Ouest concernant la liaison Rennes-Nantes vers Clermont-Lyon, qui concernent directement le Massif central, figurent dans ce schéma.

M. Jacques Mézard. Achetez une carte, ce n’est pas chez nous !

M. Thierry Mariani, secrétaire d'État. En matière de projets routiers de développement, figurent également au schéma l’A 719 Vichy-Gannat, la Route Centre Europe atlantique, la RCEA, entre l’A 6 et l’A 71, la RN 88 entre Albi et l’A 75.

M. Jacques Mézard. Ce n’est pas chez nous, venez voir sur place !

M. Thierry Mariani, secrétaire d'État. Le débat portait sur la question de savoir si le Massif central était oublié.

M. Jacques Mézard. Votre réponse est scandaleuse !

M. Thierry Mariani, secrétaire d'État. Dans la fiche ROU 6 de l’avant-projet consolidé, on indique clairement que la RN 88 entre Le Puy-en-Velay et l’A75, la RN 122 dans le Cantal et dans le Lot, la RN 102 en Haute-Loire et en Ardèche font partie des axes à moderniser en priorité.

Monsieur Retailleau, je ne reviendrai pas sur la question de l’adossement ni sur celle du financement, que j’ai déjà évoquées. Je souhaite vous rassurer sur l’A 831. Le projet d’autoroute A 831 entre Fontenay-le-Comte et Rochefort figure aujourd’hui dans la version consolidée de l’avant-projet de schéma. Ce projet fait partie des « coups partis », c’est-à-dire des opérations routières déclarées d’utilité publique pour lesquelles il a été décidé que leur réalisation relevait de la nécessaire continuité de l’action publique. Aujourd’hui, l’État et les collectivités doivent définir ensemble les suites à donner aux recommandations faites par la Ligue pour la protection des oiseaux, la LPO, dans le travail de meilleure intégration de ce projet dans son environnement, dont nous connaissons tous la sensibilité.

S’agissant du franchissement routier de la Loire au niveau de Paimbœuf, dont vous souhaitez l’inscription au schéma, ce projet a clairement une dimension locale et doit être porté par les collectivités locales. Il n’a, dans tous les cas, pas vocation à figurer au schéma national. L’État a engagé une étude avec l’ensemble des acteurs concernés pour examiner les améliorations et aménagements d’infrastructures qui permettront d’assurer une desserte routière optimisée de l’aéroport depuis et vers les territoires situés au sud de la Loire.

Cette étude est complémentaire de celles qui sont conduites par les collectivités locales pour un nouveau franchissement de la Loire et de l’étude de parti d’aménagement sur le périphérique de Nantes qui va être lancée dans le cadre du PDMI.

Monsieur le président, je vous prie de m’excuser d’avoir dépassé mon temps de parole d’une minute quarante-cinq secondes. J’ai essayé de répondre à l’ensemble des orateurs, mais nous aurons l’occasion de revenir sur différents points au cours du débat. (Applaudissements sur les travées de lUMP.)

M. le président. Monsieur le secrétaire d'État, vous avez l’absolution ! (Sourires.)

Débat interactif et spontané

M. le président. Mes chers collègues, nous allons maintenant procéder au débat interactif et spontané, dont la durée a été fixée à deux heures par la conférence des présidents.

Chaque sénateur peut intervenir pour deux minutes au maximum. Le Gouvernement, s’il est sollicité, pourra répondre.

La parole est à M. Antoine Lefèvre.

M. Antoine Lefèvre. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, la version consolidée du SNIT apporte plusieurs éléments d’information qui nous faisaient défaut. L’un d’entre eux concerne le coût de rénovation des réseaux existants et les investissements nécessaires en matière de régénération.

Dans ce cadre, je souhaite évoquer, tout d’abord, la RN 2, épine dorsale de mon département de l’Aisne. Cette route nationale Paris-Bruxelles-Route Charlemagne souffre d’un sous-investissement chronique depuis plusieurs dizaines d’années malgré la multitude de décisions ministérielles témoignant de l’intérêt porté au devenir de cette route nationale 2.

Aujourd’hui, justice est en partie rendue, car l’actuel PDMI Picardie consacre les deux tiers des crédits régionaux à la modernisation de la partie sud de Laon de cet axe.

Certes, des avancées existent, mais il convient aussi de gérer le nord de Laon qui dessert la Thiérache, le département du Nord, ainsi que la liaison avec la Belgique.

J’ai bien compris que la partie nord de la RN 2 n’avait pas vocation à figurer explicitement dans le SNIT, qui recense les projets de développement dont la réalisation introduit de nouvelles fonctionnalités. Pour autant, étant donné que le SNIT intègre désormais le coût de rénovation des réseaux existants et les investissements recensés en matière de régénération, il me semblerait utile, monsieur le secrétaire d’État, que le SNIT détaille également la liste des axes prioritaires au titre de ces rénovations et modernisations. Qui plus est, le SNIT a prévu de prendre en compte les territoires transfrontaliers, ce qui est le cas du département de l’Aisne.

Le second volet de mon intervention concerne la question du ferroviaire et plus précisément du fret. Aujourd’hui, comme cela a été rappelé, 90 % du fret se fait par la route. Or c’est un sujet majeur pour la réduction des rejets carbonés et, sur ce plan, monsieur le secrétaire d’État, le dossier ne semble pas prendre la voie du progrès.

En effet, le fort relèvement des tarifs du fret ferroviaire réorientent les entreprises vers l’acheminement routier. Je m’interroge sur l’avenir de cette filière, d’autant que la suppression, décidée unilatéralement par la SNCF, du transport en wagon isolé pénalise les entreprises.

Avec mon collègue Yves Daudigny ici présent, nous avons engagé, dans une zone d’activités de 150 hectares que nous gérons ensemble, plus d’un million d’euros pour réaliser un embranchement fer afin d’attirer les entreprises tout en étant « grenello-compatible ».

Nos collectivités sont donc bien au rendez-vous. Pouvez-vous, monsieur le secrétaire d'État, nous éclairer sur la volonté du Gouvernement dans le domaine du fret ferroviaire qui, comme l’a suggéré notre collègue Louis Nègre, mériterait l’organisation d’un véritable Grenelle du fret ferroviaire ? (Très bien ! et applaudissements sur les travées de lUMP.)

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État.

M. Thierry Mariani, secrétaire d'État. Monsieur le sénateur, la RN 2 a fait l’objet par le passé d’aménagements importants, notamment entre Paris et Laon. Nous avons déjà répondu à votre question ici-même : la poursuite de l’aménagement de cette route relevant prioritairement de problématiques régionales, la RN 2 n’a pas à figurer dans le SNIT.

Une mission d’expertise a été diligentée afin de déterminer les travaux qu’il conviendrait de réaliser pour la partie de cet axe située au nord de Laon. Le rapport est attendu sous peu. Dès que celui-ci nous sera communiqué, nous aurons l’occasion, si vous le souhaitez, d’évoquer de nouveau cette question ensemble.

Dans tous les cas, la poursuite de l’aménagement de la RN 2 devrait se faire dans le cadre des programmes de modernisation des itinéraires routiers. Je l’ai déjà dit lors du débat sur le SNIT, ce n’est pas parce qu’un projet ne figure pas au SNIT qu’il est oublié. Les PDMI sont là pour les différentes opérations.

D’ores et déjà, je tiens à vous dire que, dans le PDMI de la région Picardie, pour la période 2009-2014, 104,9 millions d’euros sont prévus pour la modernisation de la RN 2. Cela représente un effort très important qui, je n’en doute pas, se poursuivra au-delà de cette génération de PDMI. Un tel investissement montre bien que vos préoccupations ont été écoutées.

En ce qui concerne la question du fret ferroviaire, l’abandon du wagon isolé par la SNCF nous pose effectivement problème. Je souscris à votre demande d’organiser une table ronde ou des discussions sur l’évolution du fret ferroviaire, car il est vrai que le volume de ce dernier a baissé ces dernières années. Même si l’activité économique ralentie explique en partie ce phénomène, il n’en reste pas moins que le fret ferroviaire doit redevenir à l’avenir l’une de nos priorités. Nous avons pris un retard que nous devons absolument combler rapidement.

M. le président. La parole est à Mme Michèle André.

Mme Michèle André. Monsieur le secrétaire d'État, François Mitterrand faisait parfois remarquer que la géographie fait l’histoire. Cette réflexion s’applique parfaitement aux tracés de nos lignes ferroviaires à grande vitesse sur le territoire national. Elles ont fait du Massif central une « tache blanche », alors que le sillon Rhône-Alpes est saturé, rendant indispensable la recherche d’une solution de rechange dans les meilleurs délais.

Par ailleurs, il faut aussi pouvoir circuler de l’Est vers la façade atlantique par le nord du massif, et pas seulement par la Route Centre Europe Atlantique, la RCEA, qui est saturée et dangereuse, comme l’a très bien démontré notre collègue Mireille Schurch.

Un projet de ligne Paris-Orléans-Lyon vise à desservir l’Allier et Clermont-Ferrand. Annoncé lors du Grenelle de l’environnement, il est attendu avec impatience, parfois avec scepticisme, par les Auvergnats. Pour se rendre à Clermont-Ferrand, ceux-ci doivent aujourd'hui, pendant les travaux de la gare de Lyon, partir de la gare de Bercy et emprunter des voitures Téoz qui ne sont plus de première jeunesse et accumulent les retards.

Monsieur le secrétaire d'État, pouvez-vous m’assurer que, dès la fin des travaux, les voyageurs partiront bien de nouveau de la gare de Lyon pour rejoindre Clermont-Ferrand ? Par ailleurs, me confirmez-vous le lancement des études LGV que je viens de citer, et bien sûr leur financement par l’État, dans le délai annoncé, voire avant, comme le répète de temps en temps sur place votre collègue ministre de l’intérieur ?

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État.

M. Thierry Mariani, secrétaire d'État. Madame André, vous évoquez la ligne Paris – Orléans - Clermont-Ferrand – Lyon. Des études ont été lancées pour examiner l’avenir de cette ligne. Je ne peux aujourd'hui vous confirmer la gare d’arrivée, mais je suis à votre disposition pour vous communiquer les résultats de ces études dès qu’elles seront achevées. En tout état de cause, le débat public est prévu cette année et la Commission nationale du débat public a déjà été saisie. Nous arriverons certainement à trouver rapidement une solution au problème que vous évoquez.

M. le président. La parole est à M. Jacques Blanc.

M. Jacques Blanc. Monsieur le secrétaire d'État, nous avons organisé dans le cadre du groupe d’études sur le développement économique de la montagne du Sénat une réunion sur les problèmes du désenclavement, avec le directeur général des infrastructures, des transports et de la mer, M. Bursaux, et de M. Nègre. Nous nous sommes félicités de la présence du président du groupe de suivi.

Dans le projet que vous nous présentez, un chapitre est consacré au renforcement de l’accessibilité des territoires dont les populations souffrent d’enclavement. C’est donc bien un objectif que vous affirmez.

Il est vrai qu’il reste encore un certain nombre de dossiers : je pense au problème de l’A 51, évoqué par Pierre Bernard-Reymond, ou aux difficultés, rappelées par Jacques Mézard, qui subsistent dans le Cantal ou dans l’Ariège.

Pour ce qui concerne le département de la Lozère, je relève que la RN 88 figure désormais dans le SNIT. Cette liaison a fait l’objet d’un contrat de développement durable qui associe les régions Rhône-Alpes, Auvergne, Languedoc-Roussillon, Midi-Pyrénées et l’ensemble des départements. Tous les élus sont mobilisés.

Une telle mesure n’a pas été prise par opposition au transport ferroviaire. En effet, nous sommes également mobilisés pour la desserte de Clermont-Ferrand par la ligne de voyageurs à destination de Nîmes et par la ligne de fret allant à Neussargues et Saint-Chély-d’Apcher, où un investissement important d’Arcelor-Mittal nécessite incontestablement une régénération de la ligne de transport de marchandises.

S’il ne faut pas opposer la route et le train, le désenclavement et la vie de ces territoires et, par conséquent, le développement durable, réclament tout de même des dessertes routières. Cet objectif est en partie pris en compte par cet avant-projet qui a été amélioré.

Je remercie le groupe qui a organisé ce débat, le président Emorine et M. Nègre de nous permettre d’exprimer notre volonté d’un aménagement du territoire équilibré.

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État.

M. Claude Bérit-Débat. Mais M. Blanc n’a pas posé de question !

M. Jacques Blanc. Si, sur la RN 88 !

M. Thierry Mariani, secrétaire d'État. Monsieur Bérit-Débat, je peux vous assurer que M. Jacques Blanc s’est montré extrêmement pressant sur ce dossier depuis un certain temps !

Monsieur Blanc, je me souviens de débats agités, mais votre opiniâtreté a fini par porter ses fruits puisque, comme vous avez pu le constater, la RN 88 figure désormais dans le SNIT. Sur ce point, vous êtes donc satisfait.

La version consolidée de l’avant-projet s’efforce effectivement de clarifier les choses en ce qui concerne l’engagement de l’État quant à la modernisation des infrastructures nationales des territoires, en particulier des zones de montagne, qui souffrent d’enclavement.

Le document indique clairement que la RN 88, entre Le Puy-en-Velay et l’A75, fait partie des routes prioritairement concernées par l’effort de modernisation de l’État.

J’ajoute que la modernisation de la ligne Béziers-Neussargues est également inscrite dans le SNIT.

Vos efforts ont finalement été couronnés de succès sur ces deux dossiers. De toute façon, je suis certain que si vous n’étiez pas satisfait, vous sauriez vous rappeler à notre souvenir !

M. Jacques Blanc. Merci, monsieur le secrétaire d'État !

M. le président. La parole est à M. Yves Krattinger.

M. Yves Krattinger. Madame la ministre, le magasin mondial de pièces détachées du groupe PSA, implanté à Vesoul, fournit les usines de montage et les magasins de pièces détachées dans le monde entier et achemine les pièces détachées dans toutes les succursales des marques du groupe en Europe de l’Ouest. Toute pièce commandée avant seize heures est livrée avant neuf heures le lendemain matin.

Le site de Vesoul emploie 4 000 salariés et reçoit quotidiennement 1 000 camions qui font des rotations. Vous pouvez vous imaginer sans peine les flux de camions sur les routes nationales qui se croisent à Vesoul. On nous promet la mise à deux fois deux voies de ces routes depuis des dizaines d’années. Le Comité interministériel d'aménagement du territoire, le CIAT, de décembre 1999 l’avait d’ailleurs décidé pour la RN 19 de Langres à Vesoul et vers Delle, et avait déterminé la clé de financement.

Une première convention a permis de réaliser plus de 250 millions d’euros d’investissements entre 2000 et 2011. En juillet 2006, un protocole complémentaire a été signé entre l’État, les régions et les départements concernés. Il prévoit une autoroute à l’ouest de Vesoul et une route à deux fois deux voies à l’est de Vesoul. Seule une part très insuffisante de ces opérations a été intégrée dans le PDMI en cours. Dans le projet de SNIT, le tronçon Langres-Vesoul est inscrit, mais sans qu’un calendrier soit fixé, alors que le flux des camions ne cesse d’augmenter.

La convention signée en 2006 prévoyait l’achèvement de la liaison en 2018. Pouvez-vous me confirmer les conditions et la date de réalisation de cette infrastructure ?

M. le président. La parole est à Mme la ministre.

Mme Nathalie Kosciusko-Morizet, ministre de l'écologie, du développement durable, des transports et du logement. Monsieur le sénateur, je peux témoigner que la liaison Langres-Vesoul fait l’objet de l’attention personnelle du Président de la République, qui m’a lui-même fait remarquer l’existence du centre de pièces détachées que vous mentionnez.

C’est notamment d’ailleurs la présence de ce centre qui vaut aujourd'hui à la voie Langres-Vesoul d’être inscrite au SNIT.

D’autres élus se sont également mobilisés à ce sujet, parmi lesquels Alain Joyandet et Luc Chatel.

À l’évidence, la liaison Langres-Vesoul fait l’objet d’une attention toute particulière. Vous l’avez dit, un certain nombre de crédits sont d’ores et déjà engagés.

Vous souhaiteriez que la réalisation se fasse plus rapidement. La route ayant été identifiée comme prioritaire, nul doute qu’elle sera mise en avant lors des renégociations des différents plans de financement.

Il est aujourd'hui trop tôt pour que je puisse vous apporter des précisions. Nous l’avons indiqué, le SNIT est non pas un plan de programmation pluriannuel, mais une projection à horizon 2020. Ce sont donc les plans de financement pluriannuels qui fourniront le détail des opérations.

En tout cas, je le répète, la route Langres-Vesoul fait partie des priorités ; elle est même très singulièrement signalée.

M. le président. La parole est à M. Philippe Leroy.

M. Philippe Leroy. Monsieur le secrétaire d'État, le SNIT est un document important, novateur en matière d’aménagement du territoire, qui s’inscrit dans la droite ligne des grands aménagements d’infrastructures du siècle dernier et nous place, grâce au Grenelle de l’environnement, dans la perspective d’un XXIe siècle moderne.

Je vous félicite de ne pas avoir opposé les différents modes de transports entre eux. Vous avez, au contraire, élaboré une synthèse, ce qui est très important, je tiens à le souligner.

Permettez-moi d’évoquer la situation de la Lorraine. Je rappelle que le sillon mosellan est en réalité le nord du sillon rhodanien. Ce continuum permet de passer du sud au nord de l’Europe. En Lorraine, nous sommes particulièrement concernés par les engorgements constants de l’autoroute A 31.

Dans le schéma tel qu’il existe aujourd'hui, vous avez pris en compte une partie de l’A 31 dans sa traversée de la Lorraine. Vous avez malheureusement laissé de côté le tronçon Metz-Thionville, qui continuera à subir d’importants bouchons. Nous devons réfléchir à cette question, car il n’est pas facile de trouver de solution de rechange. On a traité le sillon en oubliant un tronçon !

Par ailleurs, je tiens à vous remercier d’avoir inscrit au PDMI l’aménagement de l’A 30, qui est un bon débouché du sillon mosellan et le chemin vers le Luxembourg. Mais pourquoi ne pas porter sur la carte cette portion de l’A 30 améliorée ?

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État.

M. Thierry Mariani, secrétaire d'État. Monsieur le sénateur, vous qui êtes président du conseil général de la Moselle, je vous sais attentif au projet de l’A 31 bis sur sa section Thionville-Luxembourg. Je me souviens d’ailleurs que nous avons déjà en partie discuté de ce projet dans mon bureau voilà trois semaines.

La nouvelle version de l’avant-projet de schéma retient dorénavant le principe d’une mise à deux fois trois voies de l’A 31 sur sa section Thionville-frontière Luxembourgeoise, qui ne figurait pas explicitement dans le texte initial. La nature exacte de l’aménagement à réaliser sera à préciser dans le cadre de la concertation qui devra être menée autour de ce projet et qui devra évidemment associer le Luxembourg. Comme vous pouvez le constater, vos remarques ont été écoutées.

Concernant l’inscription au schéma de la liaison A 30-RN 52, sachez que nous sommes attentifs au bon fonctionnement de l’axe Thionville-Longwy constitué par l’A 30 et la RN 52 ; en particulier, nous n’ignorons pas les besoins liés à l’opération d’intérêt national Esch-Belval.

Les aménagements qui seraient éventuellement à réaliser en lien avec l’opération Esch-Belval sur cet axe ne relèvent pas de la catégorie des projets de portée nationale, qui seuls, je le répète, ont vocation à figurer au SNIT. S’ils sont justifiés, ils se feront dans le cadre des programmes de modernisation des itinéraires routiers, qui succèdent au volet routier des contrats de plan État-région.

M. le président. La parole est à Mme Évelyne Didier.

Mme Évelyne Didier. Madame la ministre, le passé industriel et militaire de la Lorraine en a fait une région dont les infrastructures permettent une multimodalité désormais recherchée, notamment pour ses vertus environnementales. Ainsi, 27 % des marchandises entrent et sortent de la région par la voie ferroviaire ou la voie fluviale, contre 9 % sur le plan national.

La ligne ferroviaire Longuyon – Conflans-Jarny – Pagny-sur-Moselle a même été créée après la guerre de 1870 au nord du département de la Meurthe-et-Moselle afin de relier Longwy à Nancy. La ligne a été mise à double voie en 1902.

Aujourd’hui, le tronçon Longuyon-Onville est connecté avec l’artère fret nord-est et le réseau belge via Athus et assure notamment un trafic journalier de huit TER et de vingt-six trains de fret.

La ligne Conflans-Jarny – Hagondange, quant à elle, relie l’axe éco-fret Dunkerque-Lorraine au sillon lorrain et offre un trafic journalier de dix-huit trains de Transport express régional, TER, et de douze trains de fret. Cet axe permet ainsi de délester le sillon lorrain déjà saturé et d’offrir des voies alternatives en cas de travaux ou d’accidents. Il permet par ailleurs de desservir toute une partie du territoire située à l’ouest du sillon lorrain.

Des travaux de réfection et de renouvellement ont été entrepris ces dernières années, témoignant de la nécessité de conserver ces lignes. Toutefois, il me semble que l’on néglige aujourd’hui la réflexion qui devrait être la nôtre sur le développement du trafic en matière de fret et sur l’amélioration du niveau de service des trains de voyageurs. Pourtant, il s’agirait d’éviter des reports excessifs sur les axes routiers, notamment l’axe principal Nancy-Thionville.

L’arrivée du TGV Est a conduit à un remaniement des horaires et des cadencements dans toute la région. Ces bouleversements doivent nous conduire à utiliser au mieux toutes les lignes existantes. Celles-ci remplissent des rôles complémentaires et font la solidité de l’ancrage du chemin de fer en Lorraine.

Bien entendu, de telles considérations ne permettent pas de faire abstraction de la question de l’augmentation des infrastructures tant pour la route que pour le rail. Mais il me semble que si le SNIT intègre de manière satisfaisante la question routière – je ne suis pas tout à fait d’accord avec certaines interventions précédentes –, il n’en est pas de même du réseau ferré. Mieux utiliser le réseau existant, ce qui suppose de considérer que sa rénovation est la priorité des priorités, serait moins coûteux pour la collectivité.

Madame la ministre, comment comptez-vous garantir un meilleur équilibre entre les infrastructures routières et ferroviaires ? Comment pensez-vous revaloriser la ligne Hagondange – Conflans-Jarny, ainsi que la gare de triage de Conflans-Jarny, qui constituent un patrimoine remarquable qu’il serait pertinent de sortir d’une sous-exploitation devenue chronique compte tenu des éléments que je viens d’indiquer ?

M. le président. La parole est à Mme la ministre.

Mme Nathalie Kosciusko-Morizet, ministre. Madame la sénatrice, je voudrais avant toute chose vous faire une réponse générale.

Oui, nous souhaitons mieux utiliser l’existant ! Cela passera par de plus en plus de travaux sur le rail. D’ailleurs, leur nombre, même si cela n’est pas toujours reconnu – la SNCF ne communique probablement pas assez bien sur le sujet –, a beaucoup augmenté ces deux dernières années et continuera à augmenter. À supposer qu’il y ait de bonnes raisons à un retard, il faut savoir que c’est l’une des causes des retards de trains cette année.

Mieux utiliser l’existant, c’est également optimiser la circulation sur les voies. Tel est l’enjeu du grand projet sur lequel Thierry Mariani et moi-même travaillons actuellement. Je pense ainsi au cadencement, qui permettra des horaires de passage plus réguliers, une meilleure organisation de la circulation et, du coup, une optimisation des voies existantes.

Madame la sénatrice, avec Thierry Mariani, nous nous sommes tournés désespérément vers les fonctionnaires et les représentants de l’État qui nous accompagnent pour tâcher de répondre précisément à vos questions. En dépit de leur très grande qualité, je pense notamment au directeur général des transports et de l’intermodalité, cela m’est impossible.

Mesdames, messieurs les sénateurs, nous ne disposons pas ici des éléments concernant toutes les lignes et toutes les gares. Sachez cependant que si vous souhaitez nous adresser un courrier pour obtenir des informations plus précises, nous sommes à votre disposition.

Sachez également que nous tâchons de recevoir tous les parlementaires qui souhaitent aborder les questions d’infrastructures, car nous sommes conscients de votre grand intérêt pour ces sujets.

Je le répète, si vous n’êtes pas satisfaits de la précision de nos réponses et si vous souhaitez obtenir des informations plus précises et écrites – Thierry Mariani et moi-même le comprendrions fort bien –, nous sommes à votre disposition avec nos collaborateurs pour faire suite à ce débat, qui, je n’en doute pas, se prolongera dans nos bureaux.

M. le président. La parole est à M. Daniel Reiner.

M. Daniel Reiner. Monsieur le secrétaire d'État, l’avant-projet de SNIT contient la confirmation de quelques grands projets pour la Lorraine. Je voudrais donc vous poser une question et faire deux remarques sur le sujet.

Ma question est la suivante : quel est l’avenir du schéma national des infrastructures de transport ? En d’autres termes, j’aimerais savoir si les collectivités territoriales seront consultées sur les propositions qui y sont inscrites et de quelle manière elles pourront donner leur avis. Même si cette question a déjà fait l’objet d’une réponse, je pense qu’une précision s’impose.

J’en viens à mes deux remarques.

Tout d’abord, ce projet consacre l’abandon définitif de l’A 32, ce qui nous réjouit. Au regard des engagements écologiques pris par notre pays, prévoir deux autoroutes l’une à côté de l’autre était en effet un non-sens.

Cela étant, l’engorgement de l’actuelle A 31, et Dieu sait qu’il est souvent évoqué – j’en ai même parlé récemment un mardi matin –, entre Nancy et la frontière luxembourgeoise reste une préoccupation majeure. Le choix d’aménager cet axe en deux fois trois voies apparaît donc comme une bonne solution.

La construction d’un axe entre Toul et Dieulouard pour désengorger Nancy fait également l’unanimité. Reste que ce qui était inacceptable avec l’A 32 l’est tout autant avec le projet A 31 bis. On ne peut imaginer la construction d’une nouvelle autoroute entre le sud de Toul et Dieulouard ! Celle-ci porterait atteinte à un écosystème fragile, celui des rives de la Moselle, et rendrait la vie impossible aux habitants de villages qui seraient pris en étau entre deux autoroutes. La raison voudrait que l’on aménage la RD 611, par exemple, en voie rapide. Le conseil général y est totalement favorable, ainsi que les populations locales. En outre, cette solution générerait vraisemblablement des économies.

Ensuite, je veux appeler l’attention sur la liaison Saône-Moselle.

La loi Grenelle 1 dispose explicitement que le débat public portera sur le projet Saône-Moselle et abordera de façon complémentaire la connexion fluviale entre la Saône et le Rhin.

Étrangement, l’actuel projet de SNIT leur confère un même degré de priorité. Si l’on ajoute à cela le fait que la plate-forme portuaire multisites multimodale de Lorraine sur la Moselle, à savoir Thionville-Metz-Frouard, n’est plus inscrite – j’ai rappelé tout à l’heure l’importance du transport fluvial en Lorraine –, vous comprendrez la légitime surprise et l’incompréhension des Lorrains.

Je souhaite donc que le Gouvernement précise sa pensée sur l’avenir du projet Saône-Moselle.

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État.

M. Thierry Mariani, secrétaire d'État. Monsieur le sénateur, vous m’interrogez sur la consultation des collectivités locales au sujet des propositions contenues dans le SNIT.

Le document est déjà consultable sur internet. Les collectivités locales, les associations et les particuliers peuvent donc faire part de leurs observations en ligne. Quant aux collectivités locales qui ont des projets bien précis, je le répète, les services du ministère sont à leur disposition pour écouter leurs suggestions.

M. Daniel Reiner. Vous ne solliciterez pas directement les collectivités territoriales ?

M. Thierry Mariani, secrétaire d'État. Non, monsieur le sénateur, nous n’allons pas écrire à chaque collectivité. Le document est déjà public. Les collectivités territoriales et les associations peuvent donc faire leurs observations sur le site internet, sans oublier les particuliers, qui n’hésitent pas – je me souviens notamment d’un projet dans le Sud-Ouest – à envoyer massivement des mails lorsqu’ils veulent nous faire connaître, vous vous en doutez, leur désapprobation.

Par ailleurs, l’A 32 est effectivement abandonnée, et j’ai bien noté votre satisfaction à cet égard. J’ai en outre pris acte de votre opposition au nouveau projet d’autoroute.

En ce qui concerne le canal Saône-Moselle, le SNIT reprend explicitement les dispositions de la loi Grenelle et le comité de pilotage a été mis en place.

M. le président. La parole est à M. Raymond Vall.

M. Raymond Vall. Monsieur le secrétaire d’État, tout d’abord, je veux vous remercier d’avoir ajouté une fiche sur le désenclavement.

Ensuite, concernant les routes qui ont un certain nombre de potentialités de deux fois deux voies ou de traitements ponctuels, pourriez-vous prendre l’engagement de prévoir un budget d’études dès lors qu’elles ont été inscrites au SNIT ?

En effet, il faut savoir que, lorsque nous trouvons des partenaires prêts à faire des propositions, ceux-ci ne peuvent pas les concrétiser faute d’un cahier des charges et d’un projet d’études. Quant aux collectivités territoriales, elles ne peuvent pas intervenir, car il n’y a pas de possibilité de passer outre le monopole d’études.

Lorsque des axes routiers sont inscrits au SNIT, parce qu’il n’existe pas de voie ferrée ou d’autre réponse à apporter à la population, un budget d’études devrait être prévu, auquel nous pourrions même participer. Ou alors, débloquez le monopole de ces études pour que nous puissions avancer !

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État.

M. Thierry Mariani, secrétaire d'État. Monsieur le sénateur, la réponse est positive. Un important programme d’études a été prévu dans le budget de cette année. Par exemple, pour la RN 21, des crédits sont déjà inscrits au PDMI.

Pour que les projets se concrétisent, les études doivent être lancées rapidement, me dites-vous. Rassurez-vous, pour la plupart des projets, surtout quand il n’y a pas de solution de rechange, nous disposons des crédits pour mener ces études.

M. le président. La parole est à M. Gérard Bailly.

M. Gérard Bailly. Madame la ministre, depuis que nous avons entamé ce débat, ni le massif ni le département du Jura n’ont été mentionnés. D’ailleurs, ils ne figurent pas dans le schéma national des infrastructures de transport. Je me demande si nous faisons encore partie de la France ! Peut-être devrions-nous plutôt être rattachés à la Suisse ?

Même la route nationale 5 ne figure pas dans le SNIT ! Des travaux ont pourtant été programmés en 2000, mais ils ne sont toujours pas exécutés à ce jour, onze ans après. Où en sommes-nous en ce qui concerne ce projet ?

Il est question depuis plus de six ans de l’accès au plateau et de la déviation de Poligny. Là non plus, rien n’avance ! Ce désenclavement routier par la nationale 5 doit figurer dans le schéma.

J’évoquerai également la ligne à grande vitesse Rhin-Rhône. Elle doit partir d’Alsace, desservir Besançon, Dijon, mais sans passer par Dole. Les voyageurs ne pourront donc plus prendre de TGV à la station Dole-TGV ! Certes, la branche sud est bien inscrite dans le SNIT, mais compte tenu des discussions dont elle fait l’objet ces dernières semaines, il semblerait qu’elle soit hypothétique et susceptible d’être repoussée dans le temps.

Donc, rien n’est prévu pour le désenclavement du Jura, ni par la route ni par voie ferroviaire, la ligne TGV semblant bien compromise !

Pourriez-vous m’indiquer, madame la ministre, si cette branche sud du TGV, qui relie vraiment l’Europe du Nord à l’Europe du Sud, va faire partie des lignes prioritaires ? À défaut, il s’agirait d’un TGV Rhin-Seine, et pas du tout d’un TGV Rhin-Rhône, comme on le nomme pourtant tous les jours.

Enfin, quels sont vos projets pour désenclaver le Jura ?

M. le président. La parole est à Mme la ministre.

Mme Nathalie Kosciusko-Morizet, ministre. Nous ne méconnaissons pas l’importance de la RN 5, dont l’aménagement a vocation à se poursuivre dans le cadre des programmes de modernisation des itinéraires routiers. Je ne reviens pas sur l’argumentaire qui a été développé, mais ce n’est pas parce qu’un projet ne figure pas au SNIT qu’il ne se réalisera pas.

Concernant la branche sud, le Premier ministre lui-même s’est déplacé le 31 janvier dernier à Auxonne, à la fois pour se féliciter de la branche qui avait été accomplie et pour réaffirmer l’engagement de l’État sur la poursuite du projet qui, comme vous le soulignez vous-même, donne son sens à l’ensemble.

Des études complémentaires ont été nécessaires sur la branche sud. Elles sont engagées et doivent être finalisées avant l’été. À l’issue de celles-ci, la feuille de route sera établie, en concertation avec les collectivités territoriales concernées.

N’ayez pas d’inquiétude ! Certains de vos collègues, plus soucieux pour leur projet, vous regardent avec incompréhension : votre projet a donné lieu à un déplacement du Premier ministre et à un engagement public, et vous doutez encore !

M. le président. La parole est à M. Yves Daudigny.

M. Yves Daudigny. Monsieur le secrétaire d’État, le département de l’Aisne parle ce soir à deux voix convergentes et partageant les mêmes objectifs. J’appuie donc à cet instant les arguments déjà présentés par mon collègue Antoine Lefèvre.

Concernant la route nationale 2, je voudrais souligner l’engagement financier, aux côtés de l’État, des collectivités territoriales – conseil général de l’Aisne, conseil régional de Picardie – à hauteur de 38,8 millions d’euros. Cet engagement financier, contraire à toute logique de compétences, a été accepté sans réserve au vu de l’intérêt général supérieur du département.

Monsieur le secrétaire d’État, j’ai du mal à comprendre votre argumentation concernant le refus d’inscription. Les objectifs affichés pour le SNIT plaident bien pourtant pour une inscription de la route nationale 2, qu’il s’agisse d’optimiser le système de transport existant en garantissant un haut niveau de sécurité, en limitant la création de nouvelles infrastructures, ou encore d’améliorer les performances de ce système de transport dans la desserte des territoires et l’accessibilité de ceux-ci pour les populations et les acteurs économiques.

Vous l’avez compris, notre département serait rassuré par l’inscription au SNIT de cette route nationale 2 qui dessert notamment l’aéroport de Roissy-Charles-de-Gaulle, de Paris jusqu’à la frontière belge.

En parallèle, je le souligne avec force également, les entreprises de l’Aisne attendent le maintien de l’activité de fret à des conditions économiques acceptables, ou alors sera-t-il nécessaire de solliciter la Société nationale des chemins de fer belges, la SNCB, pour les desservir dans cette région qui, vous le savez, est proche de la Belgique ?

Monsieur le secrétaire d’État, quels espoirs pouvez-vous donner aux habitants et aux acteurs économiques de l’Aisne ?

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État.

M. Thierry Mariani, secrétaire d'État. Monsieur le sénateur, la RN 2 a fait l’objet dans le passé d’aménagements importants, notamment entre Paris et Laon. Nous ne méconnaissons pas le problème de la RN 2. Votre collègue Antoine Lefèvre est intervenu voilà quelques minutes sur le même sujet.

Aujourd’hui, je le répète, la poursuite de son aménagement relève prioritairement de problématiques régionales. Pour les raisons que j’ai évoquées tout à l’heure, elle n’a donc pas à figurer, comme tous les dossiers s’inscrivant dans une problématique régionale, au schéma national des infrastructures terrestres.

Une mission d’expertise a été diligentée afin de déterminer les travaux qu’il conviendrait de réaliser sur cet axe pour sa partie située au nord de Laon. Le rapport est attendu sous peu et nous aurons donc l’occasion d’en reparler.

Dans tous les cas, la poursuite de l’aménagement de la RN 2 devra se faire dans le cadre des programmes de modernisation des itinéraires routiers, les fameux PDMI. Je rappelle que le PDMI de la région Picardie prévoit d’ores et déjà, sur la période 2009-2014, près de 105 millions d’euros pour la modernisation de la RN 2. Cela représente, vous en conviendrez, un effort important.

Comme l’illustre pleinement le dossier de la RN 2, ce n’est pas parce qu’un axe ne figure pas au SNIT qu’il est oublié.

M. le président. La parole est à Mme Élisabeth Lamure.

Mme Élisabeth Lamure. Monsieur le secrétaire d’État, dans ce tour de France des régions, je vous propose une halte à Lyon, ville célèbre pour ses bouchons. (Sourires.) Dans ce secteur, en effet, deux dossiers autoroutiers semblent se télescoper et créer un certain trouble.

Une bonne nouvelle, tout d’abord : la portion manquante de l’A 89 va être mise en service en 2012. Je me réjouis de l’aboutissement de cette section de quarante kilomètres, que j’avais défendue au Sénat en 2006 et qui a permis la continuité de l’axe Bordeaux-Genève.

Toutefois, ce maillon manquant ne va pas être raccordé directement à l’autoroute A 6 ; il faudra passer par une liaison routière, puis construire un barreau entre l’A 6 et l’A 46 pour gagner l’aéroport Lyon-Saint-Exupéry, Genève, les Alpes, les Hautes-Alpes. Mais le tracé de ce barreau A 6-A 46 n’est, semble-t-il, pas encore fixé, alors que se profile un nouveau projet, le contournement ouest de Lyon, dit COL, qui joue l’arlésienne depuis vingt ans.

Voilà quelques mois, le préfet du Rhône a annoncé la relance des études, avec deux hypothèses de contournement de Lyon : l’une partant de Villefranche-sur-Saône, l’autre, de Mâcon.

Or, soudainement, l’avant-projet du SNIT affiche l’hypothèse numéro un, mais précise un COL partiel de vingt-cinq kilomètres. Là où le bât blesse, c’est que ce tronçon se raccorde uniquement à l’A 89 et n’a pas de continuité.

Je voudrais exprimer ici les interrogations des nombreux élus du Rhône qui cherchent la cohérence des infrastructures autoroutières traversant le département et ne peuvent accepter de rester dans cette incertitude.

Mon propos n’est pas polémique, mais les collectivités locales ont besoin de réaliser leurs projets. Dans le secteur du Beaujolais-Val-de-Saône, point de départ de cette hypothèse de début du COL, des zones d’activité économique risquent d’être freinées devant l’incertitude de ces projets ou ex-projets de liaisons autoroutières.

Monsieur le secrétaire d’État, quelle est votre position sur l’aboutissement ou non du barreau A 6-A 46 ? Qu’en est-il du projet de contournement ouest de Lyon ? Est-ce utile d’inscrire au SNIT une portion de ce projet alors que sa poursuite n’est pas assurée ?

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État.

M. Thierry Mariani, secrétaire d'État. Madame Lamure, le barreau A 6-A 46, comme vous le savez, a été déclaré d’utilité publique par décret en date du 15 juillet 2009. Le projet, dorénavant dénommé A 466, est inscrit dans le contrat de plan 2009-2013 passé avec la société concessionnaire APRR. Le calendrier des études permet d’envisager une mise en service du barreau à l’horizon de la fin de l’année 2015.

S'agissant du contournement ouest de Lyon, que vous qualifiez d’arlésienne, l’analyse menée dans le cadre de l’élaboration du SNIT a montré que le projet n’avait pas nécessairement vocation à être réalisé jusqu’au sud de la grande agglomération lyonnaise. En effet, une réalisation partielle peut permettre d’atteindre à moindre coût l’objectif recherché, c'est-à-dire le délestage des grands axes autoroutiers traversant Lyon d’une partie de leur trafic afin d’y améliorer les conditions de circulation et de sécurité dont nous savons tous, vous l’avez rappelé, qu’elles sont mauvaises.

Différentes options de base adaptables et combinables entre elles peuvent à ce stade être envisagées selon les fonctionnalités recherchées. On peut citer une liaison soit entre l’autoroute A 89 et la future A 45, soit entre l’autoroute A 6 au Nord et l’autoroute A 89, ou bien encore, dernière hypothèse, entre la future A 45 et l’autoroute A 7 au Sud.

C’est la concertation qui permettra de définir les contours précis du projet. Elle pourra s’engager dès que l’orientation d’inscription partielle proposée à l’avant-projet aura été définitivement confirmée.

M. le président. La parole est à M. Martial Bourquin.

M. Martial Bourquin. Monsieur le secrétaire d’État, je vous poserai d’abord une question de méthode. Vous nous indiquiez tout à l’heure que le schéma national des infrastructures de transport serait accessible aux citoyens et à l’ensemble des collectivités sur Internet. Quand la contractualisation avec les collectivités territoriales interviendra-t-elle ? Un tel schéma nécessitera en effet un engagement financier très important et, inévitablement, une mutualisation. J’imagine mal un schéma, décidé par l’État, que les collectivités seraient simplement invitées à financer !

Ensuite, il importe pour un projet non seulement d’être inscrit dans le SNIT, mais également de disposer d’un plan pluriannuel d’investissements. Cela nécessite des études, comme l’a mentionné notre collègue Raymond Vall, des déclarations d’utilité publique, mais aussi des crédits de paiement selon un calendrier de réalisation.

Enfin, je rappelle que la politique des transports, tous modes confondus, est un élément essentiel de la politique industrielle. Tous les industriels que nous avons rencontrés dans les territoires, quelle que soit leur branche, ont demandé une relance du ferroutage.

Notre collègue Michel Teston a évoqué la pratique du wagon isolé. Il s’agit également et surtout de réaliser les travaux qui font cruellement défaut à une vraie politique de ferroutage. Par exemple, certains tunnels, qui ne sont pas aux normes européennes, ne permettent pas la circulation des conteneurs. Nous devrions disposer, là encore, de calendriers pour réaliser ces travaux. Au fil des années, certains d’entre eux sont inscrits, « désinscrits », réinscrits… Cette valse-hésitation ne permet pas de mettre en place une excellence française, le ferroutage !

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État.

M. Thierry Mariani, secrétaire d'État. Vous déplorez l’absence de contractualisation dans le SNIT. En effet, la contractualisation n’y figure pas. Je vous rappelle que ce schéma fixe de grandes orientations. Si nous avions voulu inclure l’ensemble des projets et leur mode de financement dans un seul document, un schéma général eût été quasiment impossible à réaliser. La contractualisation avec les collectivités territoriales interviendra ensuite, projet par projet.

J’ai clairement répondu tout à l’heure à la question de la disponibilité des crédits pour les études. Une programmation pluriannuelle des investissements sera effectuée par tranches de quatre ou cinq années.

Nous sommes tous d’accord sur la nécessité de développer le ferroutage. L’autoroute ferroviaire alpine est déjà opérationnelle et continuera de fonctionner. Cela paraît évident, mais je ne vous cache pas que les choses n’étaient pas gagnées d’avance. J’ai d’ailleurs eu une discussion à ce sujet voilà une semaine avec mon homologue italien. Ne l’oublions pas, pour mettre en œuvre un projet de ferroutage entre deux pays, il faut être deux ! Par ailleurs, la ligne de ferroutage Luxembourg-Perpignan fonctionne. Vous connaissez également le projet d’autoroute ferroviaire vers le Sud-Ouest, projet qui demeure l’une de nos préoccupations.

Enfin, j’ai longuement évoqué avec mon homologue italien la question des travaux sur le tunnel du Mont-Cenis. L’État français et l’État italien ont investi 180 millions d’euros dans ce projet. Cet investissement doit être utile. Or, à l’heure actuelle, les trains circulent au ralenti en raison d’un profond désaccord avec nos amis italiens sur un problème de normes.

M. le président. La parole est à M. Gérard Dériot.

M. Gérard Dériot. Permettez-moi, monsieur le secrétaire d'État, de vous interroger sur mon département, l’Allier, qui concentre deux des quatre axes routiers recensés dans le schéma national des infrastructures de transport comme étant les plus accidentogènes en France, à savoir la RN 79, dite la RCEA, et la RN 7.

Cette tragique situation – ces routes sont dangereuses et meurtrières – résulte du retard considérable pris par l’État depuis trente ans, sous tous les gouvernements.

Il est donc indispensable que des aménagements aient lieu sur ces axes, qui doivent être considérés comme de véritables priorités nationales.

Alors que le débat public sur la RCEA vient de se terminer, vous aurez à prendre position sur une éventuelle concession autoroutière, avec maintien des échangeurs et franchise de péage pour les usagers locaux. Sachez que la population du département est impatiente de voir ce dossier enfin aboutir.

Quant à la RN 7, la concession autoroutière étant hors de propos, il est nécessaire que l’État manifeste sa volonté d’avancer au plus vite.

Enfin, j’attire votre attention sur la nécessité de prévoir l’aménagement du contournement de l’agglomération de Vichy et, en particulier, le contournement nord-ouest. Sur ce sujet, l’État s’était déjà engagé, et il doit maintenant tenir parole.

Monsieur le secrétaire d’État, pouvez-vous me confirmer l’engagement sans faille de l’État et sa volonté de faire des trois seules routes nationales du département de l’Allier de réelles priorités nationales ?

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État.

M. Thierry Mariani, secrétaire d'État. Monsieur le sénateur, l’accélération et l’aménagement de la RCEA – ce dossier est également cher au président Emorine –, notamment le tronçon entre l’A 71 et l’A 6, par mise en concession a fait l’objet d’un débat public qui s’est déroulé du 4 novembre au 4 février. Il ressort de ce débat qu’il existe désormais un large consensus sur la mise à deux fois deux voies de cet axe. L’idée du recours à la concession est en revanche controversée et suscite des inquiétudes parfois fortes.

M. Gérard Dériot. Pas dans l’Allier !

M. Thierry Mariani, secrétaire d'État. Pas dans l’Allier, c’est vrai !

La Commission nationale du débat public doit maintenant établir un bilan de ce débat. Sur le fondement de ce bilan, Nathalie Kosciusko-Morizet et moi-même prendrons une décision sur les suites qu’il convient de donner à ce dossier. Le Gouvernement est convaincu de la nécessité d’améliorer les conditions de sécurité de cet axe, qui est effectivement l’un des plus accidentogènes.

L’État est attentif à la modernisation de la RN 7. Ainsi, 208 millions d’euros sont prévus à ce titre dans le cadre des PDMI. L’accélération de son aménagement a été envisagée par recours à la concession. Les études menées montrent en première approche que la mise en concession de la RN 7 entre Nevers et Balbigny est techniquement possible. Le projet pose toutefois d’évidents problèmes, notamment en termes d’acceptabilité, car il rend payant un itinéraire qui est aujourd'hui gratuit. Dès lors, il convient, avant de s’engager dans cette opération, de s’assurer qu’elle répond effectivement aux besoins des territoires et populations concernés.

Enfin, vous avez évoqué le contournement nord-ouest de Vichy. Le projet n’est pas oublié. Il en est aujourd'hui au stade des études préalables à la déclaration d’utilité publique. Pour les financer, des crédits à hauteur de 200 000 euros ont été ouverts en 2010. Ils seront abondés en 2011 pour les achever. L’ambition est d’avancer rapidement sur ce dossier. Une enquête publique pourrait avoir lieu en 2013. Les travaux devront être financés dans le cadre de la prochaine génération des PDMI.

M. le président. La parole est à Mme Mireille Schurch.

Mme Mireille Schurch. Monsieur le secrétaire d'État, tout d’abord, lors de la réunion de conclusion du débat public, M. le préfet de l’Allier a publiquement annoncé que François Fillon s’était engagé à ce que la RN 7 ne soit pas soumise à concession. Qu’en sera-t-il ?

Ensuite, s’agissant de la RCEA, nos concitoyens bourbonnais réclament très fortement la gratuité de cette route lorsqu’ils effectuent les trajets entre leur domicile et leur lieu de travail. Vous devrez prendre en considération ce point important dans votre décision.

Par ailleurs, la Voie Ferrée Centre Europe Atlantique figure dans le schéma consolidé. Toutefois, il manque dans notre schéma sur le fret ferroviaire un axe traversant la France d’Est en Ouest – les autoroutes ferroviaires vont du Nord au Sud –, qui serait qualifié d’autoroute ferroviaire, afin de délester la RCEA.

Ne pourrait-on étudier la possibilité d’une transversale afin de réduire le nombre de camions sur l’axe Est-Ouest grâce au ferroutage ou au fret ? Ne pourrait-on requalifier une voie ferrée, par exemple, puisqu’elle existe ?

Lorsque je demande si l’on ne pourrait pas prévoir l’électrification de l’axe Montluçon-Vierzon – il faut une heure trente pour parcourir cent vingt kilomètres –, on me répond non. Pourtant, du fait de la LGV, il va bien falloir irriguer tous ces territoires de façon convenable et optimiser les dessertes. L’électrification de cet axe me semblerait donc juste.

Enfin, pouvez-vous nous assurer que le cadencement n’entraînera pas une dégradation sur certaines lignes, comme c’est le cas en ce moment sur la liaison Paris-Montluçon, ce trajet durant désormais un quart d’heure de plus ?

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État.

M. Thierry Mariani, secrétaire d'État. Madame la sénatrice, nous portons une attention particulièrement forte au cadencement. J’ai rencontré Guillaume Pepy voilà quelques jours et je dois m’entretenir prochainement avec le président de RFF à ce sujet. Si le cadencement se mettait en place, il interviendrait le 11 décembre prochain. Les conséquences qu’il implique seraient considérables. En tout état de cause, je ne pourrai répondre à votre question de façon précise qu’après mon entretien avec RFF.

D’ores et déjà, sachez que le cadencement ne saurait se traduire par une dégradation du service public sur certaines grandes lignes. J’avoue avoir quelques inquiétudes ! Quelle serait l’utilité de construire des lignes à grande vitesse si, à l’occasion du cadencement, on devait perdre un quart d’heure gagné à grands frais précédemment ?

Sur la voie ferrée Est-Ouest, en réalité la liaison Lyon-Nantes, il s’agit de créer une ligne nouvelle. La question est de déterminer si elle sera mixte ou unique, autrement dit si elle sera dédiée uniquement au transport de voyageurs, ou bien au fret, ou aux deux ? Les études en cours nous permettront de définir sa nature.

Enfin, peut-être n’ai-je pas été assez clair sur la RN 7. Je le répète, les études menées montrent en première approche que la mise en concession de cet axe entre Nevers et Balbigny est techniquement possible. Toutefois, le projet pose d’évidents problèmes en termes d’acceptabilité, car il rend payant un itinéraire qui, à ce jour, est gratuit. Nous avons bien conscience que ce qui est possible techniquement ne l’est pas toujours politiquement ou aux yeux de la population.

M. le président. La parole est à M. Raymond Couderc.

M. Raymond Couderc. Monsieur le secrétaire d'État, entre Amsterdam et Madrid, il y a deux chaînons manquants dans les infrastructures ferroviaires à grande vitesse, l’un du côté espagnol, qui est cependant en train de se résorber, l’autre du côté français, entre Montpellier et Perpignan, qui en est, lui, au début des études. Je vous invite d’ailleurs à venir à Béziers visiter les lieux de la future gare TGV.

Le projet est, certes, inscrit dans le schéma national des infrastructures de transport. Il représente une grande avancée dans le domaine du transport alternatif à la route et, plus particulièrement, pour les échanges transfrontaliers de voyageurs et de marchandises.

Ce tronçon doit être resitué dans le contexte européen, dans la carte des projets prioritaires de réseaux de transport transeuropéens. Dès lors, il conviendrait que, au plus vite, compte tenu des délais de négociation nécessaires au bouclage des financements et des délais de réalisation, l’État sollicite l’Union européenne pour qu’elle participe au financement des études et de la construction de la liaison à grande vitesse Montpellier-Perpignan.

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État.

M. Thierry Mariani, secrétaire d'État. Monsieur le sénateur, la conclusion le 7 février dernier d’un protocole d’étape entre l’ensemble des partenaires concernés par le contournement Nîmes-Montpellier précisant la consistance définitive de l’opération va permettre le lancement de la phase finale de la procédure de dévolution du contrat de partenariat. L’objectif est de désigner l’attributaire pressenti à la fin de 2001 afin que les travaux puissent démarrer dès 2012. Le calendrier est donc respecté, il n’y a pas de problème.

Les études de définition de la nouvelle ligne Montpellier-Perpignan, qui vous tient à cœur, ont été engagées en 2010, l’objectif étant de lancer l’enquête publique d’ici à la fin de l’année 2015 et de réaliser la nouvelle infrastructure d’ici à 2020, conformément aux engagements pris dans le cadre du Grenelle de l’environnement.

En 2007, la France a soutenu ces deux projets auprès de l’Union européenne afin d’obtenir des subventions au titre du programme pluriannuel de réseau transeuropéen de transport. Seul le contournement Nîmes-Montpellier a bénéficié d’une subvention de 56 millions d’euros de l’Europe, réduite depuis à 48 millions d’euros en raison d’un décalage de calendrier.

La France est pleinement mobilisée pour convaincre la Commission de la nécessité d’une implication accrue sur ces lignes à forte dimension européenne dans le cadre des prochains programmes pluriannuels.

J’ajoute qu’une réunion a eu lieu la semaine dernière en Hongrie avec l’ensemble des ministres des transports et le commissaire européen chargé des transports. Les nouveaux critères pour les routes transeuropéennes de transport sont en cours d’élaboration. En tant que secrétaire d'État chargé des transports, j’ai demandé que la liaison que vous évoquez soit prise en considération et soit resituée dans l’axe Barcelone-Gênes.

Cet aspect vous concerne moins, mais cela permettra peut-être la prise en compte de la LGV PACA. En outre, cela permettra de remettre l’ensemble de la partie française du bassin méditerranéen au centre d’une Europe méridionale.

J’indique enfin que la Commission européenne prend en compte les ports – c’est un élément essentiel – pour la définition des nouveaux réseaux européens de transport prioritaires, lesquels seraient subventionnés. Cela renforcera nos chances de voir aboutir l’axe Barcelone-Marseille-Gênes, dont le tronçon Montpellier-Perpignan.

M. le président. La parole est à M. Claude Bérit-Débat.

M. Claude Bérit-Débat. À l’instar de mes collègues Raymond Vall et Daniel Soulage, je souhaite aborder le projet Euro 21, dont je ne comprends pas qu’il ne soit toujours pas inscrit au schéma national des infrastructures de transport. Je doute d’ailleurs qu’il y figure bientôt au vu de ce que vous avez indiqué dans votre intervention, monsieur le secrétaire d’État !

L’objectif de l’opération est la mise à deux fois deux voies de la RN 21 entre Limoges et Tarbes pour rallier l’Espagne.

Ce projet structurant à plusieurs égards a été lancé par l’ensemble des chambres consulaires des cinq départements et est soutenu par les cinq conseils généraux et les trois conseils régionaux concernés. En effet, comme l’a rappelé notre collègue Raymond Vall, la RN 21 passe par les régions Limousin, Aquitaine et Midi-Pyrénées.

D’abord, Euro 21 permettrait de sécuriser un tronçon particulièrement accidentogène. En effet, et cela a été souligné, la RN 21 traverse 332 agglomérations et l’on y compte malheureusement plus de cent accidents corporels par an. À cet égard, je trouve incompréhensible que l’on ne puisse pas encore disposer d’un barreau routier pour contourner par l’Est une agglomération comme celle de Périgueux.

Ensuite, d’un point de vue économique, le doublement des voies désenclaverait un vaste territoire en complétant le maillage autoroutier du Sud-Ouest. En outre, la combinaison des projets Euro 21 et de traversée centrale des Pyrénées renforcerait la multimodalité.

Surtout, le projet Euro 21 répond aux objectifs identifiés par les partenaires économiques concernés en termes de développement et de partenariat international entre la France et la péninsule ibérique.

Par ailleurs, le projet Euro 21 répond aux quatre axes du Grenelle de l’environnement.

Enfin, ce projet permettrait de mettre en place un axe européen qui faciliterait grandement les échanges et bénéficierait aux territoires concernés, comme l’ont montré plusieurs études.

Vous le voyez, monsieur le secrétaire d’État, les bonnes raisons de soutenir un tel projet ne manquent pas. Je souhaite donc avec force qu’il soit inscrit au schéma national des infrastructures de transport, et non pas simplement en annexe à la page 117, avec toutes les interrogations que suscitent les projets figurant sur cette page.

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État.

M. Thierry Mariani, secrétaire d'État. Monsieur le sénateur, je répéterai ce que j’ai indiqué tout à l’heure.

La nouvelle version consolidée montre clairement que la RN 21 fait partie des routes prioritaires concernées par la politique de modernisation de l’État.

Dans ce cadre, une mise à deux fois deux voies de l’infrastructure est tout à fait possible dès lors qu’elle répond à des besoins réels de mobilité. C’est d’ailleurs la règle : la deux fois deux voies sera mise en place chaque fois que cela sera possible.

La RN 21 sera aménagée progressivement dans le cadre de programmes de modernisation des itinéraires routiers, programmes qui, vous le savez, succèdent aux volets routiers des contrats de plan État-région.

Je le répète, les priorités portent aujourd'hui sur l’aménagement de la section Villeneuve-Agen, à hauteur de 35 millions d’euros, ainsi que sur l’achèvement de la déviation de Bergerac, à hauteur de 5 millions d’euros.

Encore une fois, l’engagement des collectivités locales aux côtés de l’État sera évidemment déterminant pour l’avancement de ce dossier.

Par exemple, nous n’ignorons pas l’intérêt de l’axe Limoges-Tarbes.

En outre, nous avons entamé des discussions avec mon homologue espagnol sur les études relatives au percement central des Pyrénées.

Aujourd'hui, avec la ligne Perpignan-Figueras, la partie méditerranéenne est achevée. Sur la partie basque, vous connaissez l’état d’avancement du dossier. Le gouvernement espagnol nous a très clairement indiqué que sa priorité à l’échelon européen était la traversée centrale. Nous continuerons nos discussions avec lui sur le dossier, en espérant que le projet sera retenu comme prioritaire au niveau européen.

M. le président. La parole est à M. Dominique de Legge.

M. Dominique de Legge. Monsieur le secrétaire d'État, en 1993, M. Balladur lançait le projet de ligne à grande vitesse pour la Bretagne. Il s’agissait de mettre Brest et Lorient à trois heures de Paris.

Il y a des bonnes nouvelles. D’abord, le marché vient d’être attribué. Ensuite, le temps de trajet entre Rennes et Paris diminue ; il était auparavant d’une heure trente, et je pense que nous arriverons à le faire passer à une heure vingt.

Cependant, il y a aussi des mauvaises nouvelles, comme l’abandon du pendulaire et le fait que le temps de trajet entre Rennes et Brest ou Rennes et Quimper est toujours de deux heures.

Des crédits d’étude ont-ils été formellement inscrits au schéma national des infrastructures de transport pour pouvoir envisager d’autres formules permettant des gains de temps ?

Je souhaite également évoquer la RN 164, projet lancé par le général de Gaulle en 1969. La route dite « centrale » représente deux cents kilomètres. En clair, depuis une quarantaine d’années, nous avons fait environ trois kilomètres par an ! Il reste encore quarante kilomètres... Cette route, c’est la route de l’agro-alimentaire.

Les sommes investies depuis quarante ans l’ont-elles été à fonds perdus ? Pouvez-vous au contraire me confirmer que la RN 164 est bien inscrite au PDMI ?

Enfin, je me réjouis de voir un axe ferroviaire entre Rennes et Nantes dans le cadre de la desserte de Notre-Dame-des-Landes. Toutefois, la priorité pour nous, c’est bien le désenclavement de l’extrême-ouest de la Bretagne. Aussi, même si le projet d’axe ferroviaire est essentiel, je ne voudrais pas qu’il fasse passer par pertes et profits les deux projets que je viens d’évoquer.

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État.

M. Thierry Mariani, secrétaire d'État. D’abord, les crédits de la RN 164 sont inscrits au PDMI. La version consolidée de l’avant-projet mentionne explicitement la RN 164 dans les infrastructures routières qui sont particulièrement concernées par la politique de modernisation de l’État et qui, dans ce cadre, ont vocation à être mises à deux fois deux voies sur l’ensemble de leur tracé.

Traduction concrète de cette volonté, l’actuel PDMI de la région Bretagne prévoit un investissement de 117 millions d’euros sur cet axe pour poursuivre sa version à deux fois deux voies. J’espère donc que rythme d’avancement des travaux, il est vrai peu satisfaisant d’après vos propos, s’améliorera.

Par ailleurs, l’avant-projet consolidé du schéma national des infrastructures de transport rendu public le 27 janvier dernier inscrit l’objectif global d’atteindre une durée de trois heures pour la desserte de Brest et de Quimper depuis Paris.

La réalisation de la ligne à grande vitesse entre les régions Bretagne et Pays-de-la-Loire, dont l’attributaire pressenti du contrat de partenariat public privé vient d’être désigné, apportera une contribution majeure à la réduction des temps de parcours vers Rennes et au-delà, de près de quarante minutes.

En complément, les lignes existantes Rennes-Brest et Rennes-Quimper font d’ores et déjà l’objet d’un important programme d’amélioration dans le cadre du contrat de projet 2007-2013, afin d’améliorer encore les temps de parcours.

Enfin, les études exploratoires ont été engagées en 2010, dans le cadre du contrat de projet État-région Bretagne, afin de préciser les conditions permettant d’atteindre cet objectif, par exemple en réalisant des sections de ligne nouvelle supplémentaires au-delà de Rennes.

La ligne Rennes-Nantes fait l’objet d’études exploratoires dans le contrat de plan État-région. Ces investissements permettront d’orienter, le cas échéant, le choix de réaliser de nouveaux investissements.

En tout état de cause, le principe de l’interconnexion ferroviaire de l’aéroport Notre-Dame-des-Landes, qui est situé sur cet axe, a été retenu dans le cadre de l’avant-projet consolidé du schéma national des infrastructures de transport.

M. le président. La parole est à M. Jacques Berthou.

M. Jacques Berthou. Monsieur le secrétaire d'État, je souhaite évoquer le contournement ferroviaire de l’agglomération lyonnaise, le CFAL.

Quatre faisceaux ont été proposés, et celui qui a été retenu par l’État ne fait absolument pas l’unanimité. L’ensemble des élus de l’Ain, toutes tendances confondues, qu’il s’agisse des sept parlementaires ou du conseil général, sont totalement opposés à ce tracé.

Nous n’avons eu de cesse de réclamer une étude comparative avec un tracé que nous avons proposé ! Il s’agit non pas d’un faisceau, mais bien d’un tracé très précis. Une telle étude vous aurait permis de voir que notre proposition était à la fois moins coûteuse et plus respectueuse de l’environnement.

Le tracé que nous proposons fait 6 kilomètres de moins, ne franchit pas par deux fois la RD 1084, ne traverse pas la rivière d’Ain et reste très éloigné des zones protégées. Nous ne comprenons pas que cela n’ait pas fait l’objet d’une étude comparative.

En outre, le tracé que nous vous proposons passe dans le parc industriel de la Plaine de l’Ain, près de la centrale nucléaire de Saint-Vulbas. C’est un parc énorme, en voie de développement, qui va accueillir des entreprises de très grande capacité. Personne ne comprendrait que le CFAL ne puisse pas passer dans une telle zone.

Monsieur le secrétaire d’État, pouvez-vous vous engager à réaliser au moins une étude comparative ? Vous avez évoqué ce soir de multiples projets qui nécessitent des financements. Notre proposition aurait, elle, le mérite de faire gagner près de 300 millions d’euros à l’État !

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État.

M. Thierry Mariani, secrétaire d'État. Le trajet définitif du CFAL au Nord a été décidé en 2009.

Il y a déjà eu quatre ans de débats sur ce tracé, dont je sais qu’il ne fait pas l’unanimité. Les études menées ont clairement établi que l’option retenue était la plus souhaitable.

Nous allons lancer la décision d’enquête d’utilité publique. Ce sera l’occasion d’arrêter le tracé définitif. (M. Jacques Berthou s’exclame.)

M. le président. La parole est à M. Philippe Paul.

M. Philippe Paul. Monsieur le secrétaire d'État, c’est le Finistérien qui s’exprime.

Ma question portera sur la liaison à grande vitesse Bretagne-Pays-de-la-Loire, et plus précisément sur l’objectif de rejoindre Paris en trois heures en train au départ de Brest ou de Quimper.

L’objectif des trois heures n’est pas récent ! Le schéma national des liaisons ferroviaires à grande vitesse, adopté en 1992, voilà bientôt vingt ans, l’évoquait déjà.

L’avant-projet consolidé du schéma national des infrastructures de transport nous a été présenté voilà à peine trois semaines.

Les médias ont aussitôt relayé l’information, non sans satisfaction : « La Bretagne est enfin inscrite au schéma national des infrastructures de transport ! » En effet, après avoir pris connaissance de cet avant-projet, j’ai pu constater une telle inscription.

Pour autant, la bonne surprise annoncée reste peu explicite et incite surtout à la prudence et à la vigilance.

Certes, et c’est un progrès, la Bretagne figure désormais parmi les principaux projets de développement ferroviaire.

Mais elle se situe au vingt-septième rang des vingt-huit projets annoncés parmi les projets à lancer après 2020, et ce sans aucune indication de longueur de ligne, de coût ou de date de concrétisation de cet objectif des trois heures !

Par conséquent, vous comprendrez mes interrogations sur la détermination du Gouvernement à faire aboutir ce dossier essentiel pour le développement de la Bretagne, en particulier du Finistère.

L’inscription au SNIT ne doit pas être une inscription « alibi », une inscription pour se donner bonne conscience et faire plaisir à la Bretagne et aux Bretons. Elle doit être l’expression d’un traitement équitable des territoires, au travers d’une prise en considération de la situation périphérique de la pointe Bretagne et de la nécessité de la rapprocher des principaux centres de décision et de consommation nationaux et européens.

Par ailleurs, la réalité des gains de temps annoncés entre Rennes et le Finistère pose question.

Si l’objectif des trois heures n’est pas atteint dans les années à venir, je redoute que le déséquilibre actuel entre l’ouest et l’est de la Bretagne ne s’accentue.

Aussi, monsieur le secrétaire d’État, comme il est encore temps, je vous demande d’intégrer de telles exigences dans le projet de schéma. L’objectif de placer la pointe Bretagne à trois heures de Paris en train en desserte régulière ne doit plus être une chimère ; il doit au contraire se traduire dans les faits dans les prochaines années. Il y va d’un aménagement équilibré de notre territoire national.

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État.

M. Thierry Mariani, secrétaire d'État. Monsieur le sénateur, je vous en remercie d’avoir noté que l’avant-projet consolidé du schéma national des infrastructures de transport rendu public le 27 janvier dernier inscrivait clairement – je pense que vos efforts sont satisfaits – l’objectif global d’une durée de trois heures pour la desserte de Brest et de Quimper depuis Paris.

Vous m’avez fait part de votre inquiétude parce que le projet si situait au vingt-septième rang. En réalité, il n’y a pas de hiérarchisation ou d’ordre de priorité des projets. Simplement, il fallait bien mettre une légende sur la carte. Et le projet numéro 27 pourrait tout aussi bien porter le numéro 1 !

De ce point de vue, soyez rassuré, vous n’êtes pas vingt-septième sur vingt-neuf. Tout dépendra ensuite de la rapidité des différents acteurs.

La réalisation de la ligne à grande vitesse Bretagne-Pays de la Loire, dont l’attributaire pressenti du contrat de partenariat public-privé vient d’être désigné – Eiffage –, apportera une contribution majeure à la réduction du temps de parcours vers Rennes et au-delà de près de quarante minutes.

En complément, les lignes existantes Rennes-Brest et Rennes-Quimper font d’ores et déjà l’objet d’un important programme d’amélioration dans le cadre du contrat de projets 2007–2013 afin de réduire encore le temps de parcours.

Enfin, des études exploratoires ont été engagées en 2010 dans le cadre du contrat de projets État-région Bretagne pour préciser les conditions permettant d’atteindre cet objectif, par exemple en réalisant des sections de lignes nouvelles supplémentaires au-delà de Rennes.

Vous le constatez, la Bretagne, cette fois, est parfaitement prise en compte. J’espère également vous avoir rassuré sur la numérotation, qui n’est qu’indicative et ne traduit donc pas un ordre de priorité.

M. le président. La parole est à Mme Renée Nicoux.

Mme Renée Nicoux. Comme d’autres avant moi, je déplore que le Massif central soit le grand oublié de ce SNIT. En matière ferroviaire, le seul projet pouvant être relevé est celui de la création du barreau LGV Poitiers-Limoges, avant 2020. S’il présente, certes, un intérêt pour la région Limousin, plus particulièrement pour sa capitale régionale, il ne répond pas au problème d’enclavement de certains départements, comme la Creuse.

Mon deuxième constat est celui de la non-inscription de manière explicite dans le SNIT de tout projet d’amélioration de la ligne Paris-Orléans-La Souterraine-Limoges-Toulouse, ou POLLT, projet pourtant demandé depuis plusieurs années par les élus et les associations d’usagers de ces territoires.

Cet axe constitue un outil majeur d’aménagement du territoire local, national et européen. Il contribue à desservir trente-deux départements, sept grandes villes et plus de 3 millions d’habitants. Pour répondre au besoin de desserte des territoires, conformément aux préconisations du Grenelle de l’environnement, cette ligne doit être inscrite au SNIT. En effet, elle a déjà fait l’objet de projets remis en cause à plusieurs reprises : en 1988, en 1995 et en 2003.

Madame le ministre a dit tout à l’heure que le SNIT était la feuille de route des futurs investissements de l’État pour les trente prochaines années. Nos régions attendent depuis plus de vingt-cinq ans. Nous ne pouvons pas patienter davantage. Le POLLT doit être une priorité pour le SNIT.

Autre projet intéressant le Massif central, le projet n° 20, connu sous le nom de POCL, devant relier Lyon à Paris en passant par Clermont-Ferrand. Il est présenté comme le doublement de la LGV Sud-Est. Ce projet est peu précis et ne permet pas d’envisager la manière dont sera organisée la desserte des territoires du Massif central. Il serait souhaitable d’en revenir au fameux « Y » renversé, qui avait fait l’objet d’une proposition voilà quelques années, afin que les deux lignes POCL et POLT aient une jonction permettant de desservir de façon correcte cette zone du Massif central.

Je souhaite, par ailleurs, attirer votre attention, monsieur le secrétaire d'État, sur la ligne Bordeaux-Lyon, qui nécessite des aménagements importants, notamment en termes d’électrification. Elle gagnerait alors en efficacité, puisque les déplacements transversaux seraient facilités tandis que d’autres lignes passant systématiquement par Paris seraient soulagées.

Cette ligne pourrait être une préfiguration de la future ligne LGV du projet ALTRO, permettant de relier les capitales régionales par une transversale allant de la côte Atlantique à Lyon et, au-delà, vers les capitales européennes.

M. le président. Veuillez conclure, je vous prie.

Mme Renée Nicoux. Que pouvons-nous espérer par rapport à la ligne Bordeaux-Lyon et au projet ALTRO ?

Je terminerai en évoquant le problème du financement de ces infrastructures.

Comment expliquer, aujourd’hui, à des territoires sous-équipés, enclavés et en difficulté financière qu’ils seront amenés, demain, à mettre la main à la poche tandis que d’autres ont, depuis de nombreuses années, bénéficié d’infrastructures coûteuses qu’ils n’ont pas eu à financer ? N’y a-t-il pas là une véritable inégalité entre les territoires ?

M. le président. Le temps imparti pour poser les questions est de deux minutes, et non de trois minutes trente !

La parole est à M. le secrétaire d'État.

M. Thierry Mariani, secrétaire d'État. Madame la sénatrice, vous me gâtez en cette fin de soirée ! Comme je ne disposais bien sûr d’aucune information sur ces questions, j’avoue que je vais avoir quelques difficultés à vous répondre au sujet de la ligne POLLT, de la ligne POCL et du « Y » renversé. Vous le comprendrez, j’essaierai de vous apporter ultérieurement des éléments d’information plus concrets, si vous voulez bien me confirmer ces points par écrit.

Quoi qu’il en soit, s’agissant de la ligne Paris-Orléans-Limoges-Toulouse, ou POLT, près de 250 millions d’euros ont d’ores et déjà été investis pour moderniser l’axe structurant du réseau ferré national qui constitue la ligne POLT. Ces travaux ont permis d’améliorer le niveau de performance offert par l’infrastructure. En outre, des études sont en cours dans le cadre des contrats de projets 2007–2013 de la région Centre pour définir un programme de suppression de passages à niveau afin d’améliorer la sécurité de cette ligne et de réduire encore les temps de parcours.

Ce que j’ai dit tout à l’heure sur le SNIT en ce qui concerne les axes routiers vaut également pour les axes ferroviaires. Ce n’est pas parce qu’un schéma ne figure pas au SNIT qu’il sera oublié pendant vingt ou trente ans. Cela signifie simplement qu’il n’entre pas dans les nouvelles fonctionnalités ou les nouveaux axes qui sont définis en respectant le Grenelle de l’environnement. Mais, à l’instar des PDMI pour l’entretien du réseau routier, on lance le programme qui est certainement le plus ambitieux au niveau de l’entretien du réseau ferroviaire. Soyez donc rassurée. Je le répète : ce n’est pas parce qu’une ligne ne figure pas au SNIT qu’elle sera oubliée.

Le débat public qui aura lieu à l’automne prochain sur le projet de ligne à grande vitesse, le POCL, offrira l’occasion de s’exprimer sur le prolongement de cette ligne vers Limoges via Châteauroux. Il convient toutefois de rappeler que cette branche ne figure pas dans la loi de programme relative à la mise en œuvre du Grenelle de l’environnement, contrairement à la ligne à grande vitesse Poitiers-Limoges.

Enfin, la ligne Bordeaux-Lyon relève, selon nous, d’une problématique interrégionale, et elle ne figure donc effectivement pas au SNIT.

M. le président. La parole est à M. Roland Ries.

M. Roland Ries. Je dispose de deux minutes pour revenir sur la question de l’appel à projets concernant les transports en commun en site propre, ou TCSP.

Je présenterai trois éléments d’analyse, poserai une question et formulerai une demande.

Premier élément d’analyse : l’enveloppe de 592 millions d’euros, à l’évidence, n’est pas suffisante. Louis Nègre, qui est d’accord avec moi sur ce point, le confirmera, même s’il ne peut pas le dire aussi directement. Nous avons estimé au GART que cette enveloppe aurait dû s’élever à plus de 1 milliard d’euros puisque le coût d’objectif global des projets est de 8 milliards d’euros. Le calcul est vite fait : nous sommes en dessous de la jauge. Par conséquent, les répartitions sont difficiles à faire.

Deuxième élément d’analyse : il existe une disproportion considérable entre l’Île-de-France et les autorités organisatrices régionales. Je donne un chiffre : à l’horizon de 2020, 2,5 milliards d’euros seront consacrés à l’ensemble du projet de TCSP de province, contre 4 milliards d’euros pour la région d’Île-de-France sur le seul exercice 2011 ! C’est un gros problème quand on sait que les villes de plus de 100 000 habitants représentent 1,8 fois plus d’habitants que l’aire urbaine francilienne. Disant cela, je me fais le porte-parole des autorités organisatrices de province.

Troisième élément d’analyse : les réactions des autorités organisatrices sont diverses. Celles qui ont eu à peu près ce qu’elles voulaient ne disent rien. Celles qui ont eu moins que ce qu’elles souhaitaient, dont Strasbourg, rouspètent un peu. Mais celles qui ont eu cinq fois ou dix fois moins que ce qu’elles demandaient hurlent ! Il y a quelques jours, au moment des explications sur l’appel à projets, Lyon s’est d’ailleurs exprimé dans ce sens, mais j’ai également reçu une lettre des responsables lillois et d’autres collectivités.

J’en viens à ma question. Comment entendez-vous répondre à la question centrale de l’assiette subventionnable prise en compte pour fixer les taux à 19 % ou à 20 % pour l’ensemble des collectivités ? Ce point ne me paraît pas très clair.

Quant à ma demande, elle est la suivante : il faudrait un troisième appel à projets avant 2014 afin de régler un certain nombre de problèmes relatifs à la liste complémentaire et aux projets qui sont encore dans les tiroirs.

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État.

M. Thierry Mariani, secrétaire d'État. J’ai déjà eu l’occasion de vous rencontrer à plusieurs reprises sur ce dossier, monsieur le président du GART, ainsi que Louis Nègre.

C’est la première fois que l’État s’investit de manière forte sur les transports en commun au niveau des collectivités. (M. Roland Ries s’exclame.) C’est toujours l’histoire de la coupe à moitié pleine ou à moitié vide ! Certes, il y avait déjà eu des participations, mais pas de manière aussi importante.

Certaines communes ou intercommunalités n’ont en effet pas reçu toute l’aide qu’elles espéraient. Je me permets néanmoins de rappeler que l’État a déjà investi sur les deux premiers appels à projets 1,3 milliard d’euros sur les 2,5 milliards prévus au titre du Grenelle de l’environnement d’ici à 2020. Nous sommes dans les temps, voire nettement en avance par rapport aux objectifs. Finalement, nous sommes victimes du succès du Grenelle de l’environnement : plus de communes que prévu, et nous nous en félicitons, ont engagé ce type d’investissement.

Vous m’interrogez sur la définition de l’assiette. C’est une très bonne question, à laquelle j’essaierai de répondre ultérieurement. Jusqu’à présent, vous le savez, le taux de subvention retenu est de 20 %. Il sera un peu moins élevé pour certains projets dans le deuxième appel d’offre et un peu plus élevé pour les projets éco-cités. Mais la moyenne tournera tout de même autour de 20 %. J’insiste sur ce point : les seuls critères retenus pour ces subventions sont d’ordre technique. Je m’inscris donc en faux contre les remarques du représentant de Lyon lors de la fameuse réunion à laquelle vous avez fait allusion, monsieur Ries. De mémoire, je crois me souvenir que sept des neuf premières villes ont une majorité de gauche, ce qui prouve qu’ont été retenus uniquement des critères techniques, et non pas des critères politiques. Si ma mémoire est bonne, la liste des projets commence ainsi : Rennes, Montpellier…, ou l’inverse. J’ajoute que le GART a été étroitement associé à la notation de ces différents projets, et, d’ailleurs, je me félicite du travail accompli.

En conclusion, il y aura bien sûr un troisième appel à projets. La question est de savoir quand il aura lieu, mais je n’y répondrai pas ce soir. Compte tenu du nombre de projets en suspens, il est néanmoins clair que cet appel à projets sera lancé le plus rapidement possible.

Pour terminer, si vous me le permettez, monsieur le président, puisqu’il s’agissait du dernier orateur, je souhaite remercier Raymond Vall, grâce à qui ce débat très intéressant a eu lieu. Je remercie également le président de la commission de l’économie, M. Emorine, Louis Nègre, ainsi que le groupe RDSE. J’ai essayé de répondre à la plupart des questions qui m’ont été posées. Néanmoins, si un autre débat spontané et interactif devait être organisé sur le thème des transports, je vous serais reconnaissant de m’informer par avance de certaines questions. Vous reconnaîtrez qu’il n’est pas évident de répondre à brûle-pourpoint sur la ligne POLLT, la ligne POCL, le « Y » renversé ou sur tel et tel canton. Je veillerai à ce que ceux qui n’ont pas obtenu de réponses ce soir les reçoivent par écrit.

M. le président. La parole est à M. le président de la commission de l’économie.

M. Jean-Paul Emorine, président de la commission de l'économie, du développement durable et de l'aménagement du territoire. Je souhaite remercier M. le secrétaire d'État de ses réponses, ainsi que le groupe RDSE de cette initiative, même si nous avons effectué un travail important en commission avec Louis Nègre et avec le groupe de suivi. Le débat de ce soir a été très intéressant. Chacune et chacun d’entre nous a pu faire part de ses réflexions sur le projet de schéma national des infrastructures de transport.

Monsieur le secrétaire d'État, dans la mesure où les collectivités sont invitées à financer à hauteur de près de 37 % ce projet de schéma, il m’apparaîtrait naturel que les préfets de région et de département puissent prendre des contacts avec les présidents de région et de département afin que ces derniers disposent d’un dossier plus substantiel. Certes, le site internet du ministère est sûrement très bien fait, mais la courtoisie voudrait que vous nouiez un contact un peu plus privilégié avec les collectivités locales. Tel était le simple souhait que je voulais formuler, monsieur le secrétaire d'État.

M. le président. Nous en avons terminé avec le débat sur le schéma national des infrastructures de transport.

Mes chers collègues, il serait sage à l’avenir que chaque intervenant ne pose qu’une seule question lors du débat spontané et interactif : l’interactivité s’en trouverait facilitée. Pour le président de séance, la situation n’est pas aisée : nous aurions dû lever la séance autour de minuit et il est une heure moins le quart. Quoi qu’il en soit, chacun a pu s’exprimer.

16

Ordre du jour

M. le président. Voici quel sera l’ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment fixée à aujourd’hui, mercredi 16 février 2011 :

De quatorze heures trente à dix-huit heures trente :

1. Scrutin pour l’élection d’un juge titulaire et d’un juge suppléant à la Cour de justice de la République.

2. Proposition de loi relative à l’installation de panneaux d’entrée et de sortie d’agglomération en langue régionale (n° 136, 2010-2011).

Rapport de Mme Colette Mélot, fait au nom de la commission de la culture, de l’éducation et de la communication (n° 293, 2010-2011).

3. Question orale avec débat n° 4 de Mme Bariza Khiari à Mme la ministre d’État, ministre des affaires étrangères et européennes, relative au bilan et à l’avenir de l’Union pour la Méditerranée.

Mme Bariza Khiari interroge Mme la ministre d’État, ministre des affaires étrangères et européennes sur le bilan et l’avenir de l’Union pour la Méditerranée.

Elle rappelle que l’UPM fut une promesse de campagne de Nicolas Sarkozy, un engagement présidentiel et surtout une priorité dans le cadre de la présidence française de l’Union européenne. Bien que le périmètre et le fonctionnement de l’UPM, tels qu’établis le 13 juillet 2008 soient fort éloignés du projet présidentiel initial, madame Bariza Khiari et le groupe socialiste du Sénat souhaitent savoir ce que la France propose, en sa qualité de coprésidente de cette institution intergouvernementale, pour sortir ce projet de l’ornière.

Depuis janvier 2009, les sommets de l’UPM sont suspendus à la reprise des négociations israélo-palestiniennes. Les raisons de l’enlisement actuel sont donc identiques à celles qui entravaient le processus de Barcelone, initié en 1995.

Au niveau européen, l’absence d’ambition et de vision commune dans la résolution des conflits régionaux de la rive sud (Sahara occidental, conflit chypriote, conflit israélo-palestinien) obère les possibilités d’avancement de ce projet.

Au niveau national, elle rappelle les liens consubstantiels de notre nation avec le Maghreb et souligne l’émotion et l’inquiétude de nombreux de nos concitoyens de toute origine, attachés au devenir de cette région. C’est pourquoi elle regrette le long silence des autorités françaises concernant la répression de la société civile au Maghreb.

Le silence des autorités françaises, à l’instar des tergiversations européennes, contribue à décrédibiliser notre parole et nos principes auprès de nos partenaires de la rive Sud.

Enfin, elle s’interroge sur le grand écart entre les discours fondateurs et la réalité d’une institution fantôme. C’est pourquoi elle souhaiterait connaître la date d’installation opérationnelle du secrétariat international de l’UPM, la définition de son statut juridique, l’état d’avancement des projets sectoriels, ainsi que la gouvernance prévue pour les coprésidences.

Par ailleurs, dans ces circonstances d’enlisement de l’Union pour la Méditerranée, elle souhaiterait savoir si la France, en sa qualité de co-présidente, entend promouvoir un nouvel agenda permettant de réellement relancer ce processus.

À dix-huit heures trente :

4. Proposition de résolution, présentée en application de l’article 34-1 de la Constitution, relative à l’institution d’une journée de l’Amérique latine et des Caraïbes en France (n° 159, 2010-2011).

5. Projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, autorisant la ratification des statuts de l’Agence internationale pour les énergies renouvelables (IRENA) (n° 285, 2010-2011).

Rapport de Mme Gisèle Gautier, fait au nom de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées (n° 289, 2010-2011).

Texte de la commission (n° 290, 2010-2011).

Personne ne demande la parole ?…

La séance est levée.

(La séance est levée le mercredi 16 février 2011, à zéro heure quarante-cinq.)

Le Directeur du Compte rendu intégral

FRANÇOISE WIART