Mme Bariza Khiari, auteur de la question. Exactement !
M. Simon Sutour. … ce que nous pouvons nous apporter réciproquement. En effet, nous avons besoin du Sud !
Eu égard à nos relations historiques, géographiques, culturelles, économiques et environnementales, l’exigence de construire davantage sur le long terme dans un monde multipolaire s’impose à nous.
Limiter la coopération à la dépollution, à la création d’autoroutes de la mer, à l’élaboration d’un plan énergie solaire, comme a pu le faire jusqu’à présent l’Union pour la Méditerranée, dont le Président de la République, Nicolas Sarkozy, a été l’initiateur en 2008, a été une mauvaise réponse au succès limité du processus de Barcelone tel qu’il avait été mis en place par Jacques Delors en 1995, au point que lorsque l’on compare ces deux démarches, on s’aperçoit que le processus de Barcelone, malgré ses imperfections, était un projet européen complet, fixant, contrairement à l’UPM, des exigences en matière de droits fondamentaux. Il n’ignorait pas des questions politiques telles que l’immigration, le conflit israélo-palestinien ou encore la lutte contre le terrorisme.
L’échec de l’UPM – ce terme est malheureusement approprié après l’annulation de son congrès qui devait se tenir à Barcelone le 21 novembre dernier et la démission récente, le 26 janvier, de son secrétaire général, M. Ahmad Massa’deh – est un revers retentissant pour le Président de la République. En mêlant, comme souvent, précipitation et inconstance, il a réussi à « abimer » une bonne idée.
M. Jacques Blanc. C’est lui qui l’a eue !
M. Simon Sutour. Il est d’ailleurs admis, désormais, que l’UPM n’est plus qu’une instance de coordination de projets. Quel manque d’ambition sur un sujet majeur pour notre avenir !
J’ajouterai, sans chercher à polémiquer, que, dès le départ, ce projet était mal engagé. Les critiques formulées à l’époque de son lancement par les pays du nord de l’Europe et, ici même, par les sénateurs socialistes étaient pleinement justifiées.
En effet, d’emblée, l’initiative de M. Sarkozy avait été lourdement critiquée par l’Allemagne et d’autres pays européens, qui tenaient alors à s’assurer que la nouvelle organisation ne viendrait pas concurrencer l’Union européenne ou le processus de Barcelone.
Plus au Sud, les différences d’interprétation entre les versions anglaise et française de la Déclaration de Paris ont donné lieu à des querelles sur la participation ou non de la Ligue arabe aux réunions de l’UPM. Des désaccords sont aussi apparus sur la question de la gouvernance ; pour l’heure, ils ne sont toujours pas résolus et ne sont vraisemblablement pas près de l’être.
À Bruxelles, l’Union européenne s’est immédiatement sentie mise à l’écart. Le processus de Barcelone était un projet de l’Union européenne, coordonné par la Commission européenne, alors que l’UPM est avant tout un projet intergouvernemental né sur l’initiative de certains États membres. La Commission européenne et les États du nord de l’Europe ont été réticents à mettre en place un nouveau mécanisme. Le Parlement européen s’est lui-même à de nombreuses reprises montré très critique sur ce projet.
Au-delà des discours du Président de la République et de quelques bonnes intentions, force est de constater que, sur le plan institutionnel, l’UPM renforce l’intergouvernementalisme et fait primer les intérêts nationaux sur l’intérêt supérieur commun.
Cette logique est récurrente depuis 2007. Elle est la source de nombreux échecs sur le plan diplomatique. En voulant à tout prix occuper le devant de la scène, la France perd irrésistiblement de son influence dans le monde, au contraire de l’Allemagne.
Enfin, un projet d’une telle envergure ne peut pas faire l’économie d’un volet politique et esquiver, comme l’a fait l’UPM, les questions de la promotion de la démocratie, des droits de l’homme ou de l’avenir d’Israël et de la Palestine.
Aujourd’hui, l’heure est venue de dresser un bilan des expériences passées et de réaffirmer l’objectif historique du rapprochement des deux rives de la Méditerranée. Il n’y a pas d’autre voie que le renforcement des liens entre le nord et le sud de la Méditerranée si nous ne voulons pas devenir une région périphérique. En restant séparés, l’Union européenne et les pays du nord de l’Afrique et du Proche-Orient prendraient le risque d’être définitivement marginalisés dans le cadre de la mondialisation.
Nos économies sont très complémentaires : ce qui manque au Nord, notamment en matière énergétique, se trouve au Sud ; ce qui manque au Sud dans les domaines des technologies ou de l’agroalimentaire, le Nord le possède.
Je parle ici de codéveloppement, avec pour objectif prioritaire l’amélioration des conditions d’existence dans un ensemble prospère. La résorption des disparités sociales et économiques entre les deux rives est prioritaire. C’est un enjeu majeur pour notre avenir.
Les échanges doivent également concerner les champs social, médical, culturel, environnemental, éducatif. Nous avons trop ignoré les sociétés civiles des pays du Sud. L’Europe est frileuse, au contraire de la Chine et des États-Unis, qui s’engagent massivement sur le continent africain, au Proche-Orient et au Moyen-Orient.
Il reste donc beaucoup à faire. S’il faut être ambitieux et relancer le plus rapidement possible les relations euro-méditerranéennes, il n’en demeure pas moins qu’il faut aussi faire preuve de pragmatisme et d’humilité : nous en manquons souvent.
L’Europe doit reprendre l’initiative afin de mettre en place une alliance forte entre les deux rives de la Méditerranée. L’échec d’une telle ambition pèserait lourd en termes de conflits, de ralentissement économique, de tensions sociales, de problèmes environnementaux. Sa réussite, au contraire, permettrait de fonder une aire de civilisation partagée et dynamique, ce qui aiderait profondément non seulement l’Europe à résoudre ses propres problèmes, à renforcer sa voix et son poids dans le monde, à améliorer sa croissance, mais aussi les pays du sud et de l’est de la Méditerranée à progresser dans la voie du développement économique et démocratique. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. Yvon Collin.
M. Yvon Collin. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, la récente démission du secrétaire général de l’Union pour la Méditerranée, qui s’inscrit certes dans le contexte particulier de la chute des dirigeants égyptien et tunisien, illustre les difficultés récurrentes d’une organisation née dans la douleur et se trouvant bien souvent au bord de l’enlisement. Aujourd’hui, on peut dire que la paralysie guette l’Union pour la Méditerranée.
Grâce à l’initiative opportune de notre collègue Bariza Khiari, nous avons l’occasion de nous interroger sur l’avenir de ce grand partenariat entre les pays riverains de la Méditerranée.
La question est simple : l’Union pour la Méditerranée est-elle condamnée ? Ce n’est pas sûr, mais il est clair pour tout le monde que se profile pour le moins, hélas ! sa mise entre parenthèses.
Il est bien évident que nous sommes tenus par l’évolution de la transition démocratique qui s’opère en Égypte et en Tunisie, deux pays particulièrement mis en avant au sein de l’Union pour la Méditerranée.
Certes, la nouvelle donne politique, si elle place l’Union pour la Méditerranée au point mort, a le mérite de remettre en débat la question des droits de l’homme, qui avait été évacuée à l’époque de sa création.
On peut d’ailleurs se demander si l’enthousiasme manifeste des anciens présidents Ben Ali et Hosni Moubarak pour le projet d’union n’était pas motivé par l’espoir de trouver dans cette institution le moyen de sanctuariser leurs régimes autoritaires. Le processus de Barcelone fixait des exigences en matière de droit fondamentaux, mais pas l’Union pour la Méditerranée.
Profitons en tous cas de cette période de latence, en quelque sorte, pour méditer sur les points de blocage apparus bien avant le réveil des peuples de cette région.
En effet, le projet lancé par le Président de la République en 2008 a connu, dès ses débuts, des moments difficiles, qui expliquent aussi l’inertie actuelle. L’idée de Nicolas Sarkozy était noble, il faut bien le dire : qui ne rêve pas de voir s’établir dans cette région « un espace de paix, de stabilité et de prospérité pour les peuples des deux rives » ?
Mais il a manqué, à l’origine, une véritable concertation avec l’ensemble de nos partenaires de l’Union européenne, qui aurait sans doute permis de lever bien des crispations en amont et de mieux susciter par la suite un authentique élan collectif de tous les États membres en direction des pays du Sud riverains de la Méditerranée.
Je ne vais pas refaire l’histoire, mais, dans sa présentation, le projet français consacrait l’échec du processus de Barcelone. Il a fallu déployer beaucoup d’énergie pour venir à bout des tensions intra-européennes, franco-allemandes en particulier. Il est vrai qu’une partie des pays de l’Union européenne regardent vers l’Est, tandis que les autres sont tournés vers le Sud.
Pour autant, aucun des États membres ne doit ignorer que la Méditerranée est au cœur de toutes les grandes problématiques des décennies à venir. Qu’il s’agisse de l’accès à l’eau et à l’énergie, de la préservation de l’environnement, de la question des migrations ou de la paix, tous ces défis lient les destins des pays des deux rives de la Méditerranée…
Par ailleurs, il est utile de rappeler que l’instauration d’une véritable dynamique économique régionale centrée sur la Méditerranée, dans laquelle l’Europe a naturellement un pied, constituerait un contrepoids aux puissances émergentes.
J’ajouterai même qu’il serait souhaitable d’aboutir à la création d’un espace de coopération économique permettant d’orienter les délocalisations d’entreprises – lorsqu’elles sont inéluctables, bien sûr – vers cette zone plutôt que vers la Chine, par exemple. Cela permettrait de constituer une sorte de stabilisateur de l’immigration. Je profite d’ailleurs de cette occasion pour demander, madame le ministre, que la question des migrations relève de l’Union pour la Méditerranée, ce qui n’est pas le cas jusqu’à présent. Le drame humanitaire qui se joue sur la petite île italienne de Lampedusa concerne bien les deux rives de la Méditerranée.
Pour toutes ces raisons, mes chers collègues, il me semble que la relance de l’Union pour la Méditerranée est plus que nécessaire. Mais elle mériterait cette fois-ci un dialogue et une préparation à vingt-sept, d’autant que trois présidences successives de l’Union européenne seront assurées par des États du nord et de l’est de l’Europe.
Dès aujourd’hui, il est important que le Gouvernement français prenne des initiatives pour convaincre nos partenaires restés sceptiques depuis 2008 et qui, c’est vrai, n’ont pas facilité la mise en place de la gouvernance de l’Union pour la Méditerranée.
Si nous obtenons ce nouveau souffle, il restera toutefois une épine, et non des moindres : celle de la définition du champ géographique de l’Union pour la Méditerranée. Le périmètre actuel a sa cohérence, bien sûr, puisque les membres, hormis ceux de l’Union européenne, doivent être riverains de la Méditerranée, mais ce qui est parfait sur la carte l’est beaucoup moins, nous le savons, sur le plan politique.
La présence au sein de la même enceinte des chefs d’État ou de gouvernement d’Israël, de la Syrie, du Liban ou de l’Autorité palestinienne n’est pas de nature à faciliter les choses. La tenue du dernier sommet de l’UPM, sans cesse ajourné, est suspendue à la reprise des négociations israélo-palestiniennes. Pour contourner cet obstacle, il faudra sans doute fonctionner sur la base d’ensembles sous-régionaux.
Malgré toutes ces difficultés, mes chers collègues, malgré le délitement de sa configuration politique, l’Union pour la Méditerranée a tout de même réussi à concrétiser quelques projets sur les plans techniques et financiers. Je pense en particulier au plan solaire Transgreen, à la constitution du Fonds INFRAMED, premier pas vers celle d’une Banque de la Méditerranée. À cet instant, je voudrais souligner le travail actuellement effectué par notre ancien collègue Pierre Laffitte dans le cadre d’une mission destinée à créer un réseau spécifique pour développer l’innovation en Euroméditerranée. Nous attendons avec impatience ses conclusions.
Tous ces projets méritent bien sûr de continuer leur cheminement malgré les soubresauts politiques qui agitent la région. Cela devrait être possible, dans la mesure où ils sont mis en œuvre par la société civile.
Mes chers collègues, au droit du détroit de Gibraltar, seulement quatorze kilomètres séparent le continent européen de la rive sud de la Méditerranée. La France et d’autres pays européens partagent une histoire commune avec plusieurs pays du Maghreb et du Proche-Orient. Le plus souvent, la relation fraternelle a pris le pas sur les ressentiments. De part et d’autre de la Méditerranée, il me semble que nous avons tous conscience d’une communauté de destins, mais, sur l’échelle du développement, trop de différences nous éloignent. C’est pourquoi le groupe du RDSE est favorable à la relance du processus. Toutefois, nous souhaitons que, dans cette démarche, notre diplomatie se montre plus habile et plus visionnaire qu’elle ne l’a été jusque-là. Les sujets qui fâchent doivent pouvoir être abordés. Oui, nous voulons la construction d’un espace dont tous les membres partagent notre goût de la démocratie et notre souci du respect des droits de l’homme, afin d’aller dans le sens de l’histoire. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)
M. le président. La parole est à M. Jean Bizet.
M. Jean Bizet. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, le projet d’Union pour la Méditerranée, lancé trois ans avant que n’éclate ce « printemps des peuples arabes » dont on parle aujourd'hui, anticipait sur l’histoire. La Méditerranée se réveille, et ce projet en portait implicitement l’intuition. Nous ne pouvons reprocher au Président de la République de l’avoir pensé.
Avouons-le, le schéma initial a dû rapidement être amendé. Il se présentait au départ comme celui d’une structure qui aurait eu vocation à rassembler les pays riverains de la Méditerranée et à travailler étroitement avec l’Union européenne. Cependant, ce schéma a évolué en faveur d’une plus grande association avec l’ensemble de l’Union européenne et, en juillet 2008, lors de sa création, l’UPM regroupait les vingt-sept États membres de l’Union et les pays des rives sud et est de la Méditerranée, à l’exception de la Lybie, qui a refusé de participer à la nouvelle organisation. La Syrie mérite une mention toute particulière – je le dis en présence du président du groupe d’amitié sénatorial France-Syrie –, car ce pays a bien besoin d’un tel partenariat.
L’UPM s’intégrait ainsi dans la politique de voisinage de l’Union européenne, évitant les divisions ou les doublons, mais le risque existait de subordonner le développement de l’Union pour la Méditerranée aux caractéristiques de la négociation communautaire. Le danger était alors de revenir à ce qui existait déjà, à savoir le processus de Barcelone, en retrouvant les obstacles qui avaient conduit à sa stagnation.
Aujourd’hui, force est de constater que les résultats espérés ne sont pas au rendez-vous. Pour autant, faut-il porter un jugement définitif au bout de si peu de temps ? Rappelons-nous que de nombreux obstacles se sont présentés, à commencer par la crise de Gaza, dès le mois de janvier 2009, et que les attentes suscitées par ce projet étaient immenses.
Outre le contexte politique difficile en Méditerranée et les conflits non réglés, les questions d’organisation interne ont mobilisé l’attention de l’UPM et ont absorbé une part de son énergie initiale, peut-être au détriment de la conduite des projets. Il faut surtout reconnaître que l’opération « Plomb durci » menée par Israël a ruiné les premiers efforts de conciliation. L’élection du secrétaire général, en 2010, a été tardive et laborieuse, et se solde aujourd’hui par la démission de l’intéressé. Mais n’oublions pas la désignation de personnalités de qualité en tant que secrétaires généraux adjoints chargés des différents projets et le fait que, pour la première fois dans un organisme international, un secrétaire général adjoint israélien côtoie un secrétaire général adjoint palestinien.
En outre, on ne saurait négliger le clivage qui existe, au sein de l’Union européenne elle-même, entre les États membres qui estiment que l’Est est prioritaire en matière de politique de voisinage et ceux qui placent leur espoir dans un réveil prochain de la Méditerranée et demandent donc qu’on consacre à cette région l’essentiel de l’effort. Ce clivage a des répercussions sur les questions budgétaires et sur le « calibrage » de l’effort que l’Union européenne pourrait consentir pour la rive sud de la Méditerranée.
Aujourd’hui, si les réunions ministérielles marquent le pas, les réunions techniques se poursuivent et les travaux de l’Assemblée parlementaire de l’UPM progressent. Toutefois, nous savons que le deuxième sommet de l’UPM, initialement prévu en novembre 2010 à Barcelone, a dû être reporté.
Ainsi, l’UPM traverse une zone de turbulences parce qu’elle reste une institution fragile et encore très jeune, réunissant des pays qui, pour certains, sont divisés par un conflit qui dure depuis plusieurs décennies. Cela ne retire pourtant rien à la valeur de l’intuition initiale.
Il serait justifié, à la lumière des événements récents, de faire montre d’un nouveau volontarisme et de revenir à l’intuition de départ, celle d’une coopération plus souple, fondée sur la réalisation en commun de projets concrets, mieux adaptés à la Méditerranée.
Cette forme de coopération sui generis doit pouvoir s’écarter tant des méthodes et des habitudes de l’Union européenne que de la lourdeur de procédures réunissant quarante-trois pays. Dans son format actuel, l’UPM comprend en effet quarante-trois membres, et il est permis de trouver ce chiffre imposant. Cependant, cette situation est sans doute inévitable quand il s’agit d’élaborer une politique régionale. Ce qui importe, c’est de rester flexible dans la réalisation de projets concrets, car la liste des domaines de coopération est imposante, elle aussi.
En retenant six axes de coopération, l’UPM a fait preuve d’un grand optimisme. Ces six axes – la dépollution et les autoroutes de la mer, le plan solaire, l’université, la formation professionnelle, le soutien aux PME et la protection civile – doivent être mis en œuvre de manière souple, en fonction du contexte actuel et surtout des financements possibles. Peut-être pourrait-on se concentrer, au moins dans un premier temps, sur deux ou trois priorités : par exemple la gestion de l’eau et la sécurité alimentaire.
L’ambition des premiers jours a fait naître de très grandes attentes chez nos partenaires méditerranéens, ce qui crée aujourd’hui ce sentiment d’insatisfaction, d’impatience, voire de déception. Il ne s’agit évidemment pas de renoncer à l’ambition initiale ; aujourd'hui plus que jamais, cette ambition reste absolument valable, mais il convient de trouver, avec pragmatisme, les meilleurs moyens pour redonner l’élan nécessaire à la coopération en Méditerranée.
L’Europe ne doit pas se cacher non plus qu’en cette période de crise économique et au moment où se prépare –difficilement – le prochain cadre financier pour la période 2013-2020, elle ne peut assumer seule – j’insiste sur ce point – la charge financière d’une politique qui répondrait à l’immensité des besoins.
Cela me conduit à suggérer quelques pistes pour redonner des chances au processus.
Tout d’abord, il convient de reconnaître que l’UPM n’a pas pour vocation de régler les conflits méditerranéens, même si elle peut, évidemment, y contribuer. Il n’y a, sur ce point, aucune ambiguïté.
Ensuite, il faut relancer la coopération en se concentrant sur quelques domaines d’action. L’UPM gagnerait, selon moi, à limiter à deux ou trois le nombre de domaines où elle entend agir dans un premier temps.
J’ajouterai qu’il faut définir plus clairement les priorités de la politique européenne de voisinage : l’UPM doit être munie d’une feuille de route et d’un budget clairs, ce qui suppose au minimum une vision partagée par les Vingt-Sept.
Ne pourrait-on, par ailleurs, s’appuyer davantage sur l’Assemblée parlementaire de l’UPM ? Ses travaux se sont poursuivis selon un rythme et un calendrier normaux, et cette assemblée s’est donné les moyens de fonctionner depuis sa création en 2004, offrant une réelle dimension parlementaire au processus de Barcelone.
Enfin et surtout, il faudrait envisager de nouvelles méthodes de fonctionnement, plus légères, et rechercher de nouveaux types de financement pour concrétiser les ambitions annoncées.
Ce n’est pas le moment de renoncer à ce projet, peut-être trop ambitieux, mais nécessaire. À l’heure où les attentes de nos voisins méditerranéens sont devenues immenses, grâce aux espoirs qu’ont fait naître la révolution du jasmin et celle du Nil, à l’heure où la Méditerranée revient dans l’histoire, si l’Europe renonce et se résigne, d’autres viendront occuper la place que nous aurons laissée vide. J’imagine que nul d’entre nous dans cette assemblée, quelle que soit sa sensibilité politique, ne souhaiterait que l’Union européenne se replie sur elle-même.
Madame la ministre, je voudrais que tous les hommes et les femmes épris d’humanisme et conscients de nos responsabilités à l’égard de cette région du monde – et Dieu sait si cette assemblée en compte ! – puissent vous soutenir dans ce grand dessein. (Applaudissements sur les travées de l’UMP et de l’Union centriste, ainsi que sur certaines travées du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à M. Roland Courteau.
M. Roland Courteau. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, mon intervention sera relativement brève, beaucoup de choses ayant déjà été dites par Bariza Khiari et Simon Sutour ou devant l’être par Jean-Pierre Sueur. Je bornerai donc mon propos à deux ou trois points bien précis.
En préambule, qu’il me soit permis de souligner, pour m’en réjouir, que, sur la rive sud de la Méditerranée, « la liberté souffle en tempête » et que « la démocratie s’est changée en lame de fond », comme l’a écrit un éditorialiste de la presse nationale. Après la Tunisie et l’Égypte, l’effervescence gagne d’autres pays voisins. Les droits de l’homme progressent et se répandent de façon irrésistible. Les combattants de la liberté étaient, et sont encore, dans les rues, au nom des valeurs qui sont les nôtres. Ils méritent notre admiration et notre soutien.
J’ai eu l’occasion, au cours des derniers mois et même des dernières semaines, de me rendre dans plusieurs pays de la rive sud de la Méditerranée pour le compte de l’Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques, l’OPECST, au titre de la réalisation d’une étude intitulée « Les pollutions en Méditerranée : état et perspectives à l’horizon 2030 ». L’Union pour la Méditerranée, madame la ministre, aurait sur ce thème vraiment beaucoup de grain à moudre dans les tout prochains mois ! Je soumettrai les conclusions de cette étude en mai prochain à l’OPECST.
Plus précisément, cet espace, qui regroupe 60 % des pays pauvres ou très pauvres en eau, est en effet appelé à subir les conséquences du changement climatique dans l’espace d’une génération, quoi que l’on fasse d’ici là. L’affaiblissement de la pluviométrie pourrait avoir des effets particulièrement dévastateurs dans ces régions, qu’un fort développement démographique au regard de ressources naturelles relativement limitées aggravera encore.
Rappelons que, selon les dernières projections de l’Institut national d’études démographiques disponibles, entre 2000 et 2025, la population des pays des rives sud et est de la Méditerranée passera de 235 millions à 327 millions d’habitants.
Dans un tel contexte, l’Union pour la Méditerranée a suscité de nombreux espoirs, en particulier parce qu’elle laissait entrevoir la possibilité d’un développement stabilisé de cette zone, notamment grâce à une coopération plus active avec l’Union européenne.
Que sont devenus, madame la ministre, les espoirs nés du sommet de Paris de juillet 2008 ?
Jusqu’ici, c’est-à-dire jusqu’aux événements de Tunisie et d’Égypte, l’Union pour la Méditerranée suscitait peu d’intérêt dans nombre de pays d’Europe du Nord, bien qu’ils en soient membres. Je ne donnerai qu’un seul exemple à cet égard : deux agences de développement seulement, l’allemande et la française, sont implantées dans cette région du monde, et maintiennent d’ailleurs un fort volume d’activité.
On peut aussi comprendre, compte tenu de l’évolution de la situation au Proche-Orient, que cette région connaisse une crispation politique très forte. Mes récents et courts séjours en Tunisie et en Égypte me l’ont d’ailleurs confirmé.
Pour autant, est-il inéluctable que les rencontres ministérielles prévues dans le cadre de l’Union pour la Méditerranée sur des sujets techniques aient été très souvent reportées ou stérilisées du fait de cet antagonisme politique, alors que, dans le cas du sommet ministériel sur l’eau, les participants s’étaient mis d’accord sur l’essentiel ?
J’évoquerai maintenant la sécurité des personnes et des biens face aux catastrophes naturelles.
En décembre 2007, toujours dans le cadre des travaux de l’Office parlementaire des choix scientifiques et technologiques, j’ai présenté un rapport intitulé « Tsunamis sur les côtes françaises : un risque certain, une impréparation manifeste », portant sur l’évaluation des risques de tsunamis sur les côtes françaises, donc en Méditerranée.
Je dois reconnaître que, concernant la mise en place d’un centre national d’alerte, mes préconisations relatives à la Méditerranée occidentale ont bien été prises en compte par les ministères intéressés, puisque le Centre national d’alerte en Méditerranée sera opérationnel en 2012. Toutefois, un tel centre, comme je le précisais dans mon rapport, devrait avoir vocation à devenir une structure régionale et à concerner l’ensemble des pays riverains de la Méditerranée occidentale, dont ceux de la rive sud. Qui plus est, il sera indispensable de prévoir un centre d’alerte pour la Méditerranée centrale, ainsi que pour la Méditerranée orientale. Tous les pays riverains, sur l’ensemble du bassin, sont concernés. Il y a des enjeux de sécurité, bien évidemment, mais aussi des enjeux économiques, géostratégiques et scientifiques.
L’Union pour la Méditerranée serait tout à fait dans son rôle si elle intervenait dans ce domaine ; pourtant, rien ne se passe. Or la Commission océanographique intergouvernementale, qui dépend de l’UNESCO, a fait savoir que tous les océans et toutes les mers de la planète devraient être pourvus de centres d’alerte avant décembre 2010. Je le répète, dans ce domaine comme dans bien d’autres, l’Union pour la Méditerranée aurait du grain à moudre. Malheureusement, rien ne bouge…
Pour conclure, permettez-moi de vous poser plusieurs questions, madame la ministre.
Quel est le bilan d’activité du secrétariat général installé à Barcelone ? Quelles leçons peut-on tirer des progrès effectués par le biais des rencontres mensuelles des ambassadeurs des pays membres ? Surtout, quelles sont les perspectives pour l’Union pour la Méditerranée ? Si son développement, comme on le pressent, doit dépendre de la résolution d’un conflit qui dure depuis soixante-trois ans, elle devra se mettre en état de veille ou disparaître.
Pour écarter cette perspective, quelles actions la France pourrait-elle mener, conjointement avec ses partenaires de l’Union européenne ? L’Union européenne dispose de fonds de coopération non négligeables, dont l’emploi pourrait être une incitation à progresser ensemble dans la construction de cet espace euro-méditerranéen : le sommet de Paris a reconnu la nécessité de celle-ci et les événements récents en rappellent l’urgence. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)