M. le président. La parole est à Mme Josette Durrieu, auteur de la question n° 1354, adressée à M. le ministre de l'intérieur, de l'outre-mer, des collectivités territoriales et de l'immigration.
Mme Josette Durrieu. Ma question s’adressant à M. le ministre de l’intérieur, je vous remercie, madame la ministre, de bien vouloir y répondre.
Je souhaite attirer votre attention sur le problème, lié à la réforme de l’intercommunalité dans les Hautes-Pyrénées, rencontré par trois communes qui sont des « enclaves historiques » et non de simples communes isolées. Si Luquet, Gardères et Séron constituent depuis le XIe siècle des « fragments » du Béarn et de l’actuel département des Pyrénées-Atlantiques, elles sont incluses à l’intérieur de la Bigorre et des Hautes-Pyrénées. Si le problème persiste, se poseront alors naturellement des difficultés en termes de continuité – ou de discontinuité – géographique.
Ma question est triple.
Premièrement, le schéma départemental proposé par le préfet des Hautes-Pyrénées en avril dernier maintient, comme c’est l’évidence, les trois communes intégrées au canton d’Ossun dans la communauté de communes de ce même canton.
Notons que, dans la mesure où cette dernière a été instituée en 1994, c'est-à-dire avant la loi de 1999, l'article L. 5214-1 du code général des collectivités territoriales autorise la discontinuité géographique.
Madame la ministre, quelle appréciation portez-vous sur ce point et cette situation juridique antérieure ?
Deuxièmement, le schéma départemental proposé par le préfet des Hautes-Pyrénées a été redéfini par le préfet des Pyrénées-Atlantiques par lettre en date du 19 avril dernier. Celui-ci réclame l’intégration des trois communes dans la communauté de communes Ousse-Gabas, située donc dans les Pyrénées-Atlantiques, au nom de la continuité géographique.
Je précise que la lettre du préfet des Pyrénées-Atlantiques faisait suite à une « instruction » de M. le ministre de l’intérieur, prise, elle aussi, sous la forme d’un simple courrier et qui traitait directement de ce problème.
Une instruction prise sous cette forme est-elle impérative ou simplement indicative ? De là découle une autre interrogation : quelle est la force juridique et réglementaire d’une telle décision ?
Troisièmement, les enclaves historiques sont des « exceptions » qui n’ont pas été prises en considération par la loi de décembre 2010, contrairement à ce qu’elle a prévu, par exemple, pour les zones de montagne.
Au demeurant, le législateur a insisté, lui aussi, sur la cohérence d’un territoire continu. Tant au cours des débats que dans le texte, il a également mis l’accent sur le critère de continuité physique, qui doit être apprécié avec discernement, terme ô combien important.
La prise en compte du critère géographique ne peut et ne doit en aucun cas bouleverser l'organisation d’un territoire.
Par ailleurs, les notions de « bassin de vie », de projet économique, d’organisation administrative et politique relèvent de considérations historiques et humaines qui s’imposent bien évidemment sur les considérations géographiques.
Les trois maires des communes concernées s’opposent fermement à la proposition du préfet des Pyrénées-Atlantiques, soutenus en cela par tous les élus des Hautes-Pyrénées.
Si la commission départementale de coopération intercommunale, la CDCI, des Hautes-Pyrénées approuve la solution préconisée par le préfet des Hautes-Pyrénées, c'est-à-dire l’affirmation du statu quo, qu’advient-il, madame la ministre, de la revendication du préfet des Pyrénées-Atlantiques consécutive aux instructions de M. le ministre de l’intérieur ?
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Marie-Luce Penchard, ministre auprès du ministre de l'intérieur, de l'outre-mer, des collectivités territoriales et de l'immigration, chargée de l'outre-mer. Madame la sénatrice, la question des communes en situation de discontinuité territoriale doit désormais être appréciée au regard des dispositions de la loi du 16 décembre 2010 de réforme des collectivités territoriales, qui prévoit l’élaboration d’un schéma départemental de coopération intercommunale, ou SDCI, ayant notamment pour objectifs la suppression des enclaves et des discontinuités territoriales.
Vous évoquez le cas particulier de la communauté de communes du canton d’Ossun, dont trois des communes membres – Séron, Luquet et Gardères – constituent une enclave du département des Hautes-Pyrénées au sein de celui des Pyrénées-Atlantiques.
À cet égard, il était prévisible que, à l’occasion de l’élaboration du projet de SDCI, le préfet des Pyrénées-Atlantiques propose le rattachement de ces trois communes à la communauté de communes Ousse-Gabas dont elles sont limitrophes.
Ce faisant, le préfet n’a fait que se conformer aux prescriptions de l’article L. 5210-1-1 du code général des collectivités territoriales, lesquelles ne prévoient aucune dérogation à l’objectif de suppression des enclaves et des discontinuités territoriales affectant des EPCI à fiscalité propre. L’achèvement de la carte intercommunale est, en effet, l’un des objectifs majeurs assignés aux SDCI.
Cet objectif a fait l’objet d’un très large consensus lors des débats parlementaires, et il a été admis que la situation était désormais mûre pour procéder à la recomposition d’intercommunalités qui se sont constituées il y a plusieurs années sur des périmètres parfois incohérents et peu propices à la mise en œuvre de compétences intégrées.
Si de telles intercommunalités, dérogeant au principe d’un territoire intercommunal contigu, ont pu être exceptionnellement autorisées, c’est parce qu’elles permettaient d’amorcer le processus de mise en place des intercommunalités, à l’époque encore marginal.
Ces considérations ne se justifient plus : c’est pourquoi il n’est plus envisageable, y compris dans le cas de situations « historiques », d’ouvrir des dérogations au principe suivant lequel les communautés de communes, les communautés d’agglomération, les communautés urbaines et les métropoles sont définies comme des EPCI regroupant plusieurs communes, d’un seul tenant et sans enclave.
Il faut, en effet, souligner que la suppression des discontinuités territoriales est liée à l’exercice de compétences qui ne pourraient être mises en œuvre avec efficacité sur un territoire discontinu.
Dans le cas qui nous intéresse, le préfet des Hautes-Pyrénées a été saisi pour avis le 2 mai 2011 par son homologue des Pyrénées-Atlantiques de la proposition de rattachement, formulée dans le cadre du SDCI des Pyrénées-Atlantiques, intéressant des communes et un EPCI de son département.
Le 21 avril dernier, devant les membres de la CDCI, le préfet des Hautes-Pyrénées avait d’ailleurs publiquement indiqué lors de la présentation du schéma départemental que, s’il ne lui appartenait pas de prendre l’initiative d’une telle rationalisation, ces enclaves se situant dans un département voisin, il lui paraissait logique que le préfet des Pyrénées-Atlantiques se saisisse de ce sujet et lui adresse une proposition de rattachement des trois communes, totalement enclavées, à un EPCI des Pyrénées-Atlantiques.
À compter de sa saisine, le préfet des Hautes-Pyrénées dispose d’un délai de trois mois pour se prononcer, après une nouvelle consultation de la CDCI, qui devrait se réunir en juillet. De plus, les communes concernées par ces modifications seront elles-mêmes consultées.
En tout état de cause, la CDCI des Pyrénées-Atlantiques et celle des Hautes-Pyrénées auront la possibilité de faire, à la majorité des deux tiers de leurs membres, des contre-propositions au projet de schéma de leur département respectif avant son adoption. Ces contre-propositions devront être conformes aux objectifs fixés par le législateur et ne pourraient déroger à la règle de continuité territoriale sans se voir annulées par le juge administratif.
Cela étant précisé, les solidarités historiques peuvent aussi s’exprimer autrement que par l’existence d’un EPCI à fiscalité propre : les communes ont en particulier la possibilité de s’associer pour faire vivre leur patrimoine culturel commun et réaliser des projets collectifs qui s’inscrivent dans la continuité de leur histoire partagée.
M. le président. La parole est à Mme Josette Durrieu.
Mme Josette Durrieu. Madame la ministre, je regrette infiniment cette réponse rigide et fermée, peut-être hâtive, qui ne prend absolument pas en compte la spécificité de ce que peuvent être des enclaves « historiques ».
La cohérence géographique ne s’impose pas à des élus à qui il revient, à un moment donné, d’avoir une maîtrise du développement de leurs territoires que je qualifierai de « volontariste ».
Dans cette réponse, vous ne prenez absolument pas en compte ce qui est essentiel, à savoir les projets de développement, que l’on taille délibérément en pièces dans le cadre d’une démarche particulièrement arbitraire.
Puisque vous-même faites référence à la cohérence, permettez-moi de vous dire qu’aucun de vos arguments n’a sa place dans un raisonnement cohérent.
La CDCI des Hautes-Pyrénées est appelée à se prononcer. Je suis convaincue que les deux tiers, sinon l’unanimité, des élus qui la composent rejetteront la proposition du préfet des Pyrénées-Atlantiques, donc celle de M. le ministre de l’intérieur, pour se ranger à la proposition initiale du préfet des Hautes-Pyrénées.
Au demeurant, madame la ministre, vous avez souligné qu’aucune dérogation ne serait acceptée, au nom de l’efficacité. Mais de quelle efficacité s’agit-il ? Quelle en est la nature ? Si je vous pose aussi ces questions, c’est parce qu’elles appellent selon moi un certain nombre de réponses susceptibles de sortir du simple cadre de l’aménagement du territoire pour rejoindre le terrain politique.
indemnisation des délégués intercommunaux
M. le président. La parole est à M. Claude Léonard, auteur de la question n° 1291, adressée à M. le ministre auprès du ministre de l'intérieur, de l'outre-mer, des collectivités territoriales et de l'immigration, chargé des collectivités territoriales.
M. Claude Léonard. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, au cours des dernières décennies, nous avons assisté, et c’est heureux, à un très large développement de l’intercommunalité : c’est ainsi que les communautés urbaines, les communautés d’agglomération et les communautés de communes, ou Codecom, regroupent désormais une écrasante majorité de nos communes et regrouperont, très bientôt, la totalité d’entre elles.
Mais, nous le savons tous, dans ce domaine, comme dans bien d’autres, chaque médaille a toujours son revers.
La multiplication des structures intercommunales a entraîné celle des réunions, qu’il s’agisse des conseils de communautés ou encore des réunions de commissions, venant s’ajouter, bien entendu, aux réunions des conseils municipaux et de leurs propres commissions, puisque les délégués sont d’abord des conseillers municipaux.
Voilà quelques années, le Sénat s’est honoré en recevant plusieurs centaines de femmes élues locales. Au cours des travaux qui ont eu lieu, s’il y a eu un regret formulé par nos collègues, c’est justement que le développement de l’intercommunalité ait entraîné une multiplication des réunions, qui, pour des élues femmes, sont encore plus chronophages que pour leurs confrères masculins.
Or, force est de le reconnaître, les délégués communautaires ne sont pas tous égaux en droits : ceux qui sont présidents ou vice-présidents d’un EPCI perçoivent à juste titre une indemnisation, à même de couvrir leurs frais de mission, leurs frais de déplacement et leurs temps d’absence. Mais tel n’est pas le cas pour les autres délégués communautaires, qui ne perçoivent aucune indemnisation.
D’où la question que je me permets de vous poser aujourd’hui, madame la ministre : ne serait-il pas opportun de mettre en place une indemnisation en faveur des délégués des Codecom non membres d’un exécutif communautaire, de manière que leurs frais de déplacement et leurs absences à titre professionnel puissent ainsi être pris en charge ?
Afin que cette indemnisation ne pèse pas sur le budget des communes ou des Codecom, je suggère que les crédits de la dotation particulière « élu local » soient majorés à due concurrence, ce qui ne devrait pas obérer outre mesure le budget de l’État : je rappelle, en effet, que le montant de ladite dotation représente à peine 65 millions d’euros et qu’elle n’est versée qu’aux communes de moins de 1 000 habitants à faible potentiel financier.
Croyez bien, madame la ministre, que les milliers de délégués communautaires seraient heureux de pouvoir entendre de votre part une réponse positive à la demande que je viens de formuler.
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Marie-Luce Penchard, ministre auprès du ministre de l'intérieur, de l'outre-mer, des collectivités territoriales et de l'immigration, chargée de l'outre-mer. Monsieur le sénateur Claude Léonard, je vous prie de bien vouloir excuser mon collègue Philippe Richert, retenu aujourd’hui et qui m’a demandé de vous répondre.
Bien que les fonctions électives soient par principe gratuites, les élus des établissements publics de coopération intercommunale, EPCI, peuvent percevoir des indemnités de fonction venant compenser les dépenses et les sujétions qui résultent de l’exercice de leur charge publique.
La loi du 12 juillet 2009 relative au renforcement et à la simplification de la coopération intercommunale a autorisé les présidents et vice-présidents des communautés urbaines, des communautés d’agglomération et des communautés de communes à percevoir des indemnités de fonction, fixées par délibération de l’organe délibérant selon un barème lié à la strate de population correspondant à l’EPCI.
Les conseillers communautaires des communautés urbaines et des communautés d’agglomération de plus de 100 000 habitants peuvent également percevoir une indemnité de fonction propre. Les conseillers communautaires des communautés urbaines et d’agglomération de moins de 100 000 habitants peuvent, quant à eux, bénéficier d’une indemnité de fonction incluse dans l’enveloppe constituée du total des indemnités de fonction susceptibles d’être allouées au président et aux vice-présidents de l’établissement.
Le législateur a exclu les délégués des communes auprès des communautés de communes du bénéfice d’une indemnité de fonction. Il a considéré que seuls les conseillers communautaires des communautés urbaines et des communautés d’agglomération devaient en bénéficier, compte tenu de leur charge de travail.
En compensation des sujétions et des responsabilités résultant de leur charge publique, les membres des conseils des communautés de communes, comme ceux des communautés urbaines et d’agglomération, bénéficient cependant d’un certain nombre de garanties et d’indemnisations. Ils peuvent ainsi bénéficier d’un droit propre à crédit d’heures et d’un droit à formation. Ils peuvent être compensés de la perte de revenus résultant de l’utilisation de leur droit d’absence et ils sont protégés d’éventuelles mesures discriminatoires de la part de leur employeur. Par ailleurs, l’organe délibérant de la communauté de communes peut prendre en charge les frais de transport et de séjour occasionnés par ses élus.
Le Gouvernement est conscient de la charge de travail que représente l’exercice du mandat des élus au sein des communautés de communes. Aussi a-t-il proposé, dans le projet de loi relatif à l’élection des conseillers territoriaux et au renforcement de la démocratie locale, d’ouvrir le bénéfice d’une indemnité de fonction aux conseillers des communautés de communes.
Il est proposé que le conseil de la communauté de communes puisse, par délibération, décider d’accorder des indemnités de fonction à ses délégués, sous réserve que leurs indemnités, plafonnées à 6 % de l’indice brut de la fonction publique, soient comprises dans l’enveloppe constituée des indemnités susceptibles d’être versées au président et aux vice-présidents.
Cette mesure ne créant pas de charge supplémentaire au budget des communautés de communes, il n’y a pas lieu de prévoir une prise en charge de cette indemnité de fonction par la dotation élu local.
M. le président. La parole est à M. Claude Léonard.
M. Claude Léonard. Madame la ministre, je vous remercie de votre réponse, qui est très technique.
Cette question, qui pouvait a priori paraître anecdotique, est devenue d’actualité à l’heure où l’on parle de regroupement des intercommunalités.
À partir de 2014, en effet, les élus devront se regrouper au sein d’intercommunalités plus importantes. Le travail à accomplir au sein des commissions et les enjeux à traiter seront alors bien plus considérables, et ces élus devront faire preuve d’une plus grande disponibilité. Les éléments de réponse que vous avez bien voulu me communiquer sont de nature à les rassurer.
statistiques sur la politique de sécurité intérieure
M. le président. La parole est à M. Jean-Paul Fournier, auteur de la question n° 1320, adressée à M. le ministre de l'intérieur, de l’outre-mer, des collectivités territoriales et de l'immigration.
M. Jean-Paul Fournier. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, le rôle central des maires dans la prévention de la délinquance et leur implication nécessaire dans l’œuvre de sécurité sont consacrés par les lois pour la sécurité intérieure, depuis bientôt dix ans.
La plupart des municipalités ont pris la pleine mesure de l’enjeu en consentant des programmes d’investissements matériels et humains de plus en plus importants, et en adhérant aux différentes structures de concertation et opérationnelles conçues par le législateur.
Que ce soit au travers du conseil local de sécurité et de prévention de la délinquance ou du conseil pour les droits et devoirs des familles, mais surtout par la nature et le montant des investissements en termes de matériel, de personnel des polices municipales et de réseaux de vidéoprotection, la sécurité n’est plus, de facto, la seule prérogative de l’État, même si, par ailleurs, la politique pénale le demeure.
Nous sommes à l’heure où l’évaluation des politiques publiques relève d’un devoir démocratique. Pour juger de l’efficacité des services, et mieux orienter les moyens et les contributions de l’État comme des collectivités locales, il semble opportun de disposer de données statistiques faisant clairement apparaître l’apport de chacun, police nationale, gendarmerie et police municipale, dans l’action collective. Ce n’est pas le cas aujourd’hui.
Soyons clairs ! Les maires ont besoin de connaître l’efficacité de leur propre politique, indépendamment de celle de leurs partenaires ; car il est clair, aussi, que du flou peut naître la dilution des responsabilités, dans un sens comme dans l’autre.
Madame la ministre, une réflexion peut-elle être engagée sur ce point ?
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Marie-Luce Penchard, ministre auprès du ministre de l'intérieur, de l'outre-mer, des collectivités territoriales et de l'immigration, chargée de l'outre-mer. Monsieur le sénateur Jean-Paul Fournier, vous interrogez le ministre de l’intérieur sur les politiques publiques en matière de sécurité. Claude Guéant, qui ne peut vous répondre directement ce matin, aura néanmoins l’occasion, très bientôt, de venir dans votre ville pour évoquer ce sujet essentiel de la sécurité.
La sécurité est une affaire qui concerne chaque citoyen, qui doit intéresser chaque élu et, à plus forte raison, chaque maire. Le maire occupe en effet une place toute particulière puisqu’il est à la fois l’incarnation de la démocratie locale et, comme notre tradition républicaine l’a voulu, le représentant de l’État, en exerçant en son nom des pouvoirs de police. Sans en revenir, monsieur le sénateur, à la Révolution française ou à la loi du 5 avril 1884, on peut dire que le maire est considéré depuis très longtemps comme un acteur central des politiques de sécurité.
Il s’agit ici non pas de livrer un exposé sur les pouvoirs de police du maire, mais tout simplement de redire, loin de l’approche idéologique dont on charge parfois inutilement ce sujet, la conviction du Gouvernement qu’une coopération étroite entre les communes et l’État, en matière de « production d’ordre public », est à la fois nécessaire et légitime.
Cette coopération se traduit de la manière la plus visible au travers de l’action des policiers municipaux qui sont, comme l’a rappelé le Président de la République, « l’un des trois piliers qui protègent les fondements de notre République ».
Pour leur permettre d’agir au mieux, la loi du 5 mars 2007 donne aux maires un rôle absolument déterminant.
Cette loi a pour objectif de détecter, le plus en amont possible, les comportements individuels ou familiaux marquant une éventuelle dérive violente, afin d’intervenir avant le basculement dans la délinquance. Pour des raisons évidentes de proximité avec les individus concernés, cette démarche ne peut être mise en œuvre efficacement qu’au plan local.
Certains d’entre vous, de toutes sensibilités politiques, et représentant des communes de toutes tailles, se sont pleinement emparés des possibilités d’action ainsi ouvertes : plus de 1 000 conseils locaux de sécurité et de prévention de la délinquance ont été mis en place ; 400 contrats locaux de sécurité et 50 stratégies territoriales de sécurité ont été signés ; une centaine de conseils pour les droits et devoirs des familles fonctionnent sur tout le territoire ; plus de 120 maires pratiquent le rappel à l’ordre et quelques dizaines se sont mis à la transaction, qui permet de réparer un dommage aux biens communaux par une participation financière ou un travail d’intérêt général.
Certains ont même été plus loin afin d’adapter au mieux les outils que nous leur proposions à la réalité de la délinquance. Je pense, en particulier, aux cellules de citoyenneté et de tranquillité publique développées dans la ville de Chateaurenard, dans les Bouches-du-Rhône.
Au-delà des données disponibles auprès de l’Observatoire national de la délinquance, je veux m’arrêter un instant sur les observatoires locaux de la délinquance, car cela me permettra de répondre en partie à votre interrogation sur l’analyse statistique de ce phénomène.
Expérimentés dans plusieurs villes de France, ils reposent sur un principe simple : une politique de sécurité et de prévention est d’autant plus adaptée et efficace qu’elle s’appuie sur une connaissance précise et actualisée des réalités du terrain. Leur objectif est donc de fournir aux acteurs locaux un suivi proactif de la situation sur un secteur donné afin d’éclairer leurs choix politiques.
D’après les premiers retours d’expérience, il apparaît que ces observatoires doivent chercher à être des outils ciblés et fiables, mais surtout complets, c’est-à-dire croisant l’ensemble des données disponibles sur la zone concernée : statistiques des forces de sécurité, signalements de la police municipale, données judiciaires, signalements des opérateurs locaux de transports, des bailleurs, des agents sociaux ou des établissements scolaires.
Ces observatoires relèvent donc d’une démarche partenariale, associant étroitement la ville à l’État. Je n’oublie pas non plus le besoin des maires d’être informés par les responsables locaux de la police et de la gendarmerie nationale, auxquels des instructions en ce sens sont régulièrement données.
Tels sont, monsieur le sénateur, les axes qui sont développés et les synergies qui peuvent encore se renforcer entre tous les échelons de la sécurité, État, régions, départements, sans oublier les communes, lesquelles sont au cœur de cet enjeu du quotidien que constitue la sécurité de nos concitoyens.
M. le président. La parole est à M. Jean-Paul Fournier.
M. Jean-Paul Fournier. Je vous remercie de votre réponse, madame la ministre.
Comme vous l’avez rappelé, les maires ont acquis une expertise en matière de sécurité. Ils sont aujourd’hui susceptibles d’initiatives innovantes pour l’intérêt général de leurs concitoyens.
Lors de la visite de M. Claude Guéant à Nîmes, lundi prochain, au cours de laquelle nous signerons le document créant le conseil pour les droits et devoirs des familles, j’aurai l’occasion de lui présenter un éventail de propositions.
Je lui suggérerai, notamment, la création d’un système d’information géographique partagé. Il est en effet important pour les collectivités et les maires que nous sommes de disposer d’un maximum d’informations, qu’elles émanent des mairies, de la police nationale, de la gendarmerie ou de la police municipale.