fonctionnement de la justice

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Michel.

M. Jean-Pierre Michel. Ma question s’adresse à M. le garde des sceaux, qui n’est pas au banc du Gouvernement, ce qui est regrettable, d’autant plus qu’aucun texte sur la justice n’est actuellement en cours d’examen à l’Assemblée nationale…

Le procureur général près la Cour de cassation, à qui je veux rendre hommage ici, vient de partir à la retraite. Son départ entraîne plusieurs nominations aux hauts postes du parquet général, dont d’ailleurs celle de son remplaçant.

Le Conseil supérieur de la magistrature a auditionné les candidats au poste de procureur général près la Cour de cassation et devrait faire connaître son choix demain. Il procédera de la même manière tout au long de l’été pour les autres postes qui se libéreront en cascade.

Or on sait, d’après les confidences mêmes de membres du Conseil supérieur de la magistrature, que des pressions multiples s’exercent sur cette instance, y compris de la part de membres de l’exécutif. (Non ! sur les travées de lUMP.) C’est donc que quelqu’un ment, chers collègues !

Je vous poserai, monsieur le garde des sceaux, deux questions.

Premièrement, pourriez-vous demander que cessent à l’avenir ces pressions intolérables ?

Deuxièmement, pouvez-vous vous engager devant le Sénat à ce que les avis du Conseil supérieur de la magistrature soient suivis par l’autorité de nomination ? (Vives exclamations sur les travées de lUMP.) Cela serait d’abord une marque de respect à l’égard du nouveau Conseil supérieur de la magistrature, rénové après la réforme de 2008, et de ses membres. Cela constituerait ensuite une heureuse anticipation sur l’indispensable réforme du statut des membres du parquet, réclamée par l’ensemble du monde judiciaire et de nombreux parlementaires à la suite des différentes décisions de la Cour de justice de l’Union européenne.

Nous savons aujourd'hui que le statut du parquet ne peut plus être maintenu en l’état. Suivez donc les avis du CSM ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

M. le président. La parole est à Mme la ministre du budget, porte-parole du Gouvernement.

Mme Valérie Pécresse, ministre du budget, des comptes publics et de la réforme de l'État, porte-parole du Gouvernement. Monsieur le sénateur, permettez-moi de vous dire, au nom de Michel Mercier, garde des sceaux, et du Gouvernement dans son ensemble, que je juge intolérables les insinuations que vous venez de proférer en ce qui concerne le CSM et le Gouvernement. (Bravo ! et applaudissements sur les travées de lUMP.)

Le Conseil supérieur de la magistrature travaille dans la sérénité et en toute indépendance. Vous le savez, monsieur le sénateur, nous sommes dans un État de droit.

Or dans un État de droit, il y a une constitution. Cette dernière sera pleinement et totalement respectée par le Gouvernement. (Applaudissements sur les travées de lUMP et de lUnion centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

M. Yannick Bodin. Vous êtes coutumier du fait ! Vous ne respectez rien !

M. le président. Nous en avons terminé avec les questions d’actualité au Gouvernement.

Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux quelques instants.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à quinze heures cinquante-cinq, est reprise à seize heures quinze, sous la présidence de M. Bernard Frimat.)

PRÉSIDENCE DE M. Bernard Frimat

vice-président

M. le président. La séance est reprise.

4

Communication du Gouvernement

M. le président. Par lettre en date de ce jour, M. le Premier ministre a fait connaître à M. le président du Sénat que, en application du troisième alinéa de l’article 35 de la Constitution, le Gouvernement soumet à l’autorisation du Sénat la prolongation de l’intervention des forces armées en Libye.

Je vous rappelle que la conférence des présidents a décidé que cette demande d’autorisation ferait l’objet d’un débat et d’un vote le mardi 12 juillet 2011, à dix-huit heures.

5

Communication relative à une commission mixte paritaire

M. le président. J’informe le Sénat que la commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi de financement rectificative de la sécurité sociale pour 2011 est parvenue à l’adoption d’un texte commun.

6

Orientation des finances publiques pour 2012

Débat sur une déclaration du Gouvernement

M. le président. L’ordre du jour appelle une déclaration du Gouvernement, suivie d’un débat, sur l’orientation des finances publiques pour 2012.

La parole est à Mme la ministre.

Mme Valérie Pécresse, ministre du budget, des comptes publics et de la réforme de l'État, porte-parole du Gouvernement. Monsieur le président, madame la présidente de la commission des affaires sociales, monsieur le président de la commission des finances, monsieur le rapporteur général de la commission des finances, mesdames, messieurs les sénateurs, c’est pour moi un honneur de représenter le Gouvernement devant vous aujourd’hui et de poursuivre ainsi le dialogue que nous avons engagé hier sur nos finances publiques et qui sera appelé à se poursuivre tout au long des mois à venir.

Je sais, monsieur le président de la commission, monsieur le rapporteur général, que la commission des finances y tiendra, comme à son habitude, un rôle tout à fait central. Par avance, je me réjouis de ces échanges qui permettront, une fois encore, d’expliquer et de conforter notre stratégie budgétaire, dont les principes, à mes yeux, ont tout pour nous réunir.

Car nul ne l’ignore : le redressement de nos finances publiques est aujourd’hui une priorité absolue. Ensemble, depuis 2007, nous avons su faire face à la crise, en soutenant l’activité économique avec toute la détermination qu’exigeaient des circonstances exceptionnelles.

Avant tout, permettez-moi de saluer le rôle déterminant que vous avez joué tout au long d’une crise qui a vu le Gouvernement et le Parlement prendre, ensemble, toutes leurs responsabilités. Je veux également rendre un hommage particulier à Christine Lagarde et à François Baroin, qui ont conduit avec force et détermination la politique économique et budgétaire de notre nation en ces temps difficiles.

Les résultats sont là : la croissance est à présent repartie, apportant avec elle des recettes supplémentaires. Les conditions économiques sont réunies pour une réduction durable de nos déficits, qui s’appuie sur l’effort très important engagé depuis 2007 pour maîtriser les dépenses publiques.

La maîtrise des dépenses publiques est une nécessité qui ne souffre aucune hésitation. La zone euro, nous le savons, vit aujourd’hui sous le regard des observateurs du monde entier. Plus que jamais, la France se doit d’honorer les engagements qu’elle a pris vis-à-vis de ses partenaires européens. J’ajoute que la voix de notre pays sera d’autant plus forte et crédible que notre État aura respecté la parole donnée.

Sous l’impulsion du Président de la République, nous avons su faire les bons choix au bon moment. Fort de ces premiers résultats, le Gouvernement entend s’appuyer sur les acquis de sa politique économique et budgétaire pour poursuivre, avec résolution et persévérance, l’assainissement de nos finances publiques.

Nous le ferons dans un esprit de responsabilité, en maîtrisant nos dépenses publiques sans fragiliser la croissance. C’est la raison pour laquelle nos objectifs dessinent aujourd’hui une trajectoire claire et réaliste pour les trois années qui viennent. Dès 2013, nos déficits reviendront en dessous de la barre des 3 % du PIB ; ils franchiront celle des 2 % en 2014.

Mesdames, messieurs les sénateurs, je tenais à vous le dire aujourd’hui : vous pouvez compter sur moi pour honorer ces engagements avec votre appui. Notre politique budgétaire n’a de sens et d’efficacité que dans la continuité. Ensemble, nous tiendrons le cap de la bonne gestion, de la réforme de l’État et du redressement de nos finances publiques.

D’ores et déjà, notre stratégie porte ses premiers fruits, avec des résultats pour 2010 meilleurs que prévu. Je pense en particulier au déficit, évalué lors de la loi de finances initiale pour 2010 à 8,5 % du PIB et qui est désormais estimé à 7,1 %.

Ces bons résultats s’expliquent avant tout par la reprise de l’économie et le retour des créations d’emplois, qui ont été plus rapides et plus dynamiques encore que nous ne l’espérions.

Cela valide notre politique, fondée sur la conviction que nous pouvons et que nous devons réduire les déficits et, en même temps, stimuler la croissance. Cette dernière est en effet synonyme de recettes supplémentaires qui, dès lors que les dépenses publiques sont maîtrisées, viennent assainir un peu plus nos finances publiques.

J’ajoute que ces bons résultats trouvent également leur origine dans le coût réel de la réforme de la taxe professionnelle, qui s’est révélé moins élevé que prévu.

Enfin, je veux le souligner, nous devons cette réduction des déficits à l’effort collectif qu’ont consenti les pouvoirs publics et qui nous a permis de maîtriser comme jamais auparavant la progression de nos dépenses. Celles-ci ont augmenté de 0,6 % seulement en volume, contre une moyenne de 2,3 % sur la période 2002-2008.

L’État a pris sa part dans cet effort, en respectant strictement le plafond autorisé et la norme de dépense. Cette dernière, vous le savez, a été construite sur une base de progression limitée à la seule inflation.

Or l’inflation prévue pour 2010 devait s’élever à 1,2 %. C’est sur cette base que nous avons construit et exécuté notre budget. Toutefois, en réalité, l’inflation constatée a été de 1,5 %. Les dépenses de l’État ont donc progressé moins vite que le coût de la vie en 2010, avec, à la clef, une économie de près d’un milliard d’euros.

Nous avons donc respecté l’ensemble des normes que nous nous étions fixées. Hors programme d’investissements d’avenir et plan de relance de l’économie, la dépense s’établit à 352,5 milliards d’euros, pour un plafond fixé en loi de finances initiale à 352,6 milliards d’euros.

Ces efforts de maîtrise de la dépense ont été également particulièrement remarquables en matière sociale, singulièrement pour l’assurance maladie. Là encore, pour la première fois depuis 1997, l’objectif national de dépenses d’assurance maladie, fixé à 3 %, a été respecté.

Enfin, je veux le souligner devant la Haute Assemblée, les collectivités locales ont, elles aussi, fait preuve de responsabilité, en modérant leurs investissements et en apportant ainsi leur contribution à la stabilisation de nos dépenses publiques.

Le redressement de nos finances est donc engagé. Il l’est d’autant plus que, à la limitation de la hausse des dépenses, est venue répondre une nette progression des recettes budgétaires, qui ont augmenté de plus de 16 % par rapport à 2009.

J’ajoute enfin que, pour la cinquième année consécutive, la Cour des comptes a certifié les comptes de l’État, en émettant un avis favorable assorti de sept réserves.

Mme Nicole Bricq. Tout de même !

Mme Valérie Pécresse, ministre. Là encore, nous progressons, puisque, en 2009, neuf réserves avaient été émises. Cette évolution témoigne des progrès accomplis dans le sens d’une plus grande transparence des comptes publics.

Vous le voyez, mesdames, messieurs les sénateurs, notre stratégie s’est révélée payante, et c’est pourquoi le Gouvernement vous propose de continuer dans cette voie.

Nos objectifs sont clairs : ramener le déficit public dans la limite de 3 % du PIB dès 2013. Pour y parvenir, le chemin est bien balisé, puisque nous nous sommes fixé un calendrier extrêmement précis. Nous partons de près de 6 % en 2011 et nous réduirons progressivement le déficit à 4,6 % en 2012, à 3 % en 2013, avant d’atteindre 2 % en 2014.

En 2010, nous avons pris de l’avance. Nous sommes d’ores et déjà en mesure de réviser à la baisse notre prévision de déficit : celui-ci s’établirait désormais à 5,7 % à la fin de l’année 2011.

Dans ces conditions, le Gouvernement maintient naturellement son objectif de réduction du déficit public à 4,6 % du PIB en 2012. L’avance que nous avons prise compensera en effet la légère baisse de l’hypothèse de croissance pour 2012. Nous l’estimions à 2,5 %, nous l’avons révisée à 2,25 % dans le programme de stabilité que nous avons examiné ensemble au printemps dernier et qui, depuis lors, a été soumis à la Commission européenne.

Nos objectifs sont donc tout à la fois rigoureux et raisonnables. Nous allons maîtriser la dépense publique tout en préservant un cycle de croissance encore convalescent. Nous y parviendrons en poursuivant nos efforts dans la durée, ce qui nous permettra de conjuguer assainissement de nos dépenses publiques et soutien à l’activité économique. Cet équilibre est au cœur de notre politique : je veillerai à ce qu’il soit préservé.

Vous le voyez, mesdames, messieurs les sénateurs, nous respecterons les engagements de moyen terme que nous avons pris dans le cadre de la loi de programmation des finances publiques. C’est pourquoi le projet de loi de finances pour 2012 prendra pleinement en compte le rythme du budget triennal 2011-2013, dont il constitue la deuxième annuité.

Ce projet de loi de finances marquera toutefois une profonde rupture dans nos méthodes de travail. Les plafonds arrêtés pour 2012 le montrent : le budget pluriannuel constitue déjà un cadre strict pour nos dépenses. Le Gouvernement avait pris cet engagement. Vous pouvez constater qu’il est d’ores et déjà tenu, et je sais, mesdames, messieurs les sénateurs, que vos commissions y sont particulièrement sensibles.

Ainsi, à ce stade, les objectifs de dépenses globaux sont bel et bien respectés, de même que les plafonds par mission. Quelques ajustements ont été opérés – c’était inévitable – mais ils restent marginaux et limités.

Le respect de la programmation pluriannuelle est déjà, en lui-même, une décision politique extrêmement forte. Vous le savez, le budget de 2012 sera une étape importante dans le redressement de nos finances publiques,…

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Certes oui !

Mme Valérie Pécresse, ministre. … puisqu’il a été élaboré dans le respect de la double norme de dépense, dont vous me permettrez de rappeler les grands principes.

La première norme que nous nous fixons est, vous le savez, la norme dite « zéro valeur », à savoir la stabilisation, en euros courants, des crédits budgétaires et des prélèvements sur recettes au profit de l’Union européenne et des collectivités locales.

Hors dette et pensions, les dépenses de l’État ne doivent pas progresser d’une année sur l’autre. C’est pourquoi, en 2012 comme en 2011, elles ne doivent pas dépasser 275,6 milliards d’euros.

La seconde norme, dite « zéro volume », tient compte quant à elle de la dette et des pensions, qui sont toutes deux des obligations héritées du passé. Elle tient donc compte de l’évolution de ces dernières, mais limite l’augmentation annuelle globale des crédits à la seule inflation.

Cette norme est fixée pour 2012 à 363,3 milliards d’euros, soit le montant des dépenses prévues par la loi de finances initiale pour 2011, augmenté d’une inflation prévisionnelle de 1,75 %.

Comme chaque année, nous nous engageons à respecter ces deux normes. Concrètement, cela signifie que nous retiendrons la plus contraignante des deux comme base de construction du budget.

J’ajoute enfin que le non-remplacement d’un fonctionnaire partant à la retraite sur deux se poursuivra en 2012, ce qui se traduira cette année-là par 30 400 suppressions de postes, soit un effort comparable à ceux qui ont été accomplis les années précédentes.

Là encore, notre persévérance produit des résultats : combiné au gel du point de la fonction publique, le non-remplacement d’un fonctionnaire partant à la retraite sur deux permettra une réduction en valeur des dépenses de personnel pour la première fois en 2012, avec près de 250 millions d’euros d’économies à la clé. Il s’agit bien d’un tournant historique : nous récoltons aujourd’hui les premiers fruits de notre détermination à maîtriser les effectifs de l’État.

Je veux également ajouter – c’est un point essentiel à mes yeux – que nous devons ces résultats à l’engagement et au sens de l’intérêt général dont font preuve les fonctionnaires et les agents publics. Si nous parvenons désormais à faire mieux en dépensant moins, si nous avons réussi à améliorer la qualité de service dans l’ensemble des administrations, si nous sommes parvenus à réformer en profondeur le fonctionnement de l’État, c’est à eux que nous le devons. Ils jouent aujourd’hui un rôle décisif dans la maîtrise de nos dépenses publiques ; je tenais à le souligner.

Pour la parfaite information de la Haute Assemblée, je précise enfin que les dépenses de fonctionnement et d’intervention diminueront de 2,5 % en 2012. Nous franchirons ainsi une nouvelle étape vers notre objectif de réduction de 10 % de ces dépenses entre 2011 et 2013.

De plus, en 2012 comme en 2011, les concours de l’État aux collectivités locales seront stabilisés en valeur. Cette mesure concerne l’ensemble des concours, à l’exception de ceux du Fonds de compensation de la TVA, dont la progression obéit à une logique propre.

Ultime élément de notre politique d’assainissement des finances publiques, la progression des dépenses des administrations de sécurité sociale sera également contenue. Nous le devons notamment aux premiers effets de la réforme des retraites : une fois corrigée des revalorisations, l’évolution des prestations vieillesse est désormais maîtrisée, puisque celles-ci augmenteront de 1,8 % seulement en 2012, contre 2,8 % en 2010 et en 2011.

Le budget pour 2012 sera donc marqué par une très nette stabilisation des dépenses publiques. Quant aux recettes, elles évolueront conformément aux engagements du Gouvernement, qui sont parfaitement clairs.

Premier engagement, nous excluons toute hausse généralisée des impôts. En effet, les déficits ayant été creusés par l’augmentation incontrôlée des dépenses, accroître le poids des prélèvements obligatoires serait donner un signe de faiblesse et, l’expérience le montre, ouvrir la porte à de nouvelles dépenses. Or notre conviction est que l’État doit adapter son train de vie à ses moyens, et non l’inverse.

M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances. Très juste !

Mme Valérie Pécresse, ministre. Vous l’avez compris, nous refusons tout alourdissement d’une pression fiscale déjà élevée. C’est la raison pour laquelle la réforme de la fiscalité du patrimoine que vous venez d’adopter sera, à terme, neutre pour nos finances publiques.

Mme Nicole Bricq. À terme…

Mme Valérie Pécresse, ministre. Deuxième engagement, nous continuerons à supprimer les niches fiscales…

Mme Nicole Bricq. Lesquelles ? Combien ?

Mme Valérie Pécresse, ministre. … dont l’existence ne se justifie plus ou dont les effets bénéfiques se sont considérablement amoindris au fil du temps.

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Très bien !

M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances. Vous serez encouragée dans cette voie !

Mme Valérie Pécresse, ministre. Je le dis avec la plus grande fermeté : nous devons maîtriser les dépenses budgétaires, mais nous avons aussi le devoir de réduire la dépense fiscale. Plus que d’efficacité économique ou d’équilibre de nos finances publiques, c’est une question de justice fiscale. Aujourd’hui, nous demandons à tous les Français de faire des efforts et de contribuer au redressement des comptes du pays ; plus que jamais, nous devons veiller à garantir l’égalité devant l’impôt. Vous pouvez compter sur moi pour cela.

Monsieur le président, monsieur le président de la commission des finances, madame la présidente de la commission des affaires sociales, monsieur le rapporteur général, mesdames, messieurs les sénateurs, vous l’aurez compris, notre stratégie produit désormais tous ses effets. C’est pourquoi le Gouvernement vous propose aujourd’hui de tenir fermement le cap du redressement de nos finances publiques, qui est désormais devenu notre priorité nationale. (Applaudissements sur les travées de lUMP.)

M. le président. La parole est à M. le rapporteur général.

M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances. Monsieur le président, madame le ministre, mes chers collègues, en réalité, nous achevons cet après-midi une seconde session budgétaire.

Au cours des semaines passées, depuis le mois d’avril, nous avons discuté quatre rapports, examiné un collectif budgétaire et des propositions de résolution européenne, tenu plusieurs débats sur les perspectives de nos finances publiques.

Cela témoigne bien de l’évolution de notre méthodologie en matière de finances publiques : la loi de finances initiale comme la loi de financement de la sécurité sociale ne seront plus que des déclinaisons annuelles de programmations, elles-mêmes issues du programme de stabilité et de croissance, c'est-à-dire de la trajectoire de convergence que nous sommes tenus de suivre si nous voulons préserver notre souveraineté économique, en particulier les conditions de notre dette. C’est bien cela, mes chers collègues, qui doit guider nos appréciations.

Au demeurant, sur le même sujet, la commission des finances de l’Assemblée nationale a demandé au Gouvernement, au travers de la résolution sur les recommandations de la Commission européenne sur le programme de stabilité qu’elle a adoptée, « que, à l’avenir, un projet de loi de programmation des finances publiques soit déposé au moment où le programme de stabilité est transmis aux institutions communautaires et que son examen se déroule en parallèle de la procédure suivie au niveau communautaire ».

Nous devons nous attacher à formuler avec lucidité nos engagements pluriannuels : mieux nous le ferons, et plus nous préserverons notre souveraineté économique et nos marges de manœuvre budgétaires. Le paradoxe n’est qu’apparent : plus nous « collerons » aux plus vertueux de nos partenaires au sein de la zone euro et de l’Union européenne, et mieux nous préserverons nos acquis, notre protection sociale, les services publics auxquels nous sommes attachés.

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Eh oui !

M. Yvon Collin. Très bien !

M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances. Si nous nous laissions aller à de vaines promesses, au clientélisme, c’est alors que nous mettrions en péril notre modèle, notre crédibilité et nos marges de manœuvre.

Je voudrais maintenant en venir à la question essentielle qui nous est posée à tous : comment ramener le déficit public de 5,7 % du produit intérieur brut en 2011 à 4,6 % en 2012 ? En d’autres termes, comment réduire de 20 milliards d’euros en 2012 le déficit public ? Pour résumer simplement les choses, comment garantir à notre environnement international, à nos partenaires, aux investisseurs, que nous avons bien à la fois la volonté et la capacité de trouver ces 20 milliards d’euros au cours de l’année 2012 ?

Dans cette perspective, la première étape est assurément de respecter la loi de programmation des finances publiques. Sur ce point, nous pouvons porter, madame le ministre, une appréciation favorable, car les effets en 2012 des mesures des lois financières pour 2011 permettront de réaliser les trois quarts du chemin.

En tenant compte des dispositions figurant dans les deux collectifs, budgétaire et social, que nous avons votés en ce début d’été et qui l’un et l’autre dégradent un peu le solde, nous pouvons considérer que, pour atteindre la cible de 3 milliards d’euros en 2012, il reste à prendre des mesures nouvelles pour un montant de 870 millions d’euros au titre de cette même année. On peut penser que, à cette hauteur, l’exercice n’est pas insurmontable. Toutefois, cela suppose naturellement que toutes choses soient égales par ailleurs et que des facteurs de l’environnement économique ou le jeu des acteurs ne viennent pas perturber les paramètres de l’équation.

Or, madame le ministre, la conviction de notre commission est qu’il va falloir aller au-delà de ces 870 millions d’euros.

En effet, alors que le Gouvernement a retenu une hypothèse de croissance de 2,25 %, la commission des finances du Sénat estime qu’il serait plus prudent de se caler sur un taux de croissance potentiel de 2 %. D’ailleurs, votre prédécesseur avait accepté de faire figurer dans l’annexe de la loi de programmation des finances publiques une simulation sur la base d’un taux de croissance effectif de 2 %, et non de 2,25 % : il faut alors accroître l’effort structurel de 6 milliards d’euros.

En outre – c’est une dimension importante sur laquelle nous insistons nous aussi, madame le ministre –, la maîtrise de l’évolution des dépenses publiques est évidemment une question centrale. À cet égard, nous avons bien en mémoire l’objectif d’une croissance de 0,6 % des dépenses publiques fixé par la loi de programmation des finances publiques, sachant qu’elle a été en moyenne de 2,3 % sur les dix dernières années. L’objectif annoncé ne nous semble pas impossible à atteindre, mais si les dépenses devaient déraper et excéder cette norme, cela imposerait, pour éviter toute conséquence sur le solde, de réaliser un effort structurel supplémentaire de 5 milliards d’euros.

En avançant de tels chiffres, nous ne voulons pas apparaître maximalistes ; nous considérons que, dans un débat d’orientation des finances publiques, il faut d’abord bien préciser les ordres de grandeur. Selon nous, trois éléments doivent être pris en compte : il faut compléter les mesures nouvelles à prendre pour l’année 2012 dans le cadre de la programmation, adopter une hypothèse de croissance prudente, enfin veiller au respect des objectifs en matière de maîtrise des dépenses et corriger un éventuel dépassement par des mesures de recettes propres à garantir le maintien de la trajectoire de solde sur laquelle nous nous sommes engagés, avec un déficit budgétaire se limitant à 3 % du produit intérieur brut à la fin de l’année 2013.

Madame le ministre, une question de principe se pose donc : comment pouvons-nous ensemble respecter l’esprit de la règle d’équilibre proposée dans le projet de loi constitutionnelle actuellement en navette ?

Les considérations relatives à la croissance que je viens d’exprimer sont, j’y insiste, particulièrement importantes. Je rappelle d’ailleurs que le Fonds monétaire international suggérait, dans ses recommandations à la France en date du 14 juin dernier, que les hypothèses économiques soient établies par un organisme indépendant, de façon à améliorer leur crédibilité.

Je conclurai mon propos par quelques observations sur le volet « dépenses » du budget de l’État.

Tout d’abord, nous vous en donnons bien volontiers acte, madame le ministre, la norme des dépenses semble tenue. Le projet de loi de finances pour 2012 présentera des données respectant à la fois la stabilisation en volume des dépenses élargies et la stabilisation en valeur des dépenses hors charge de la dette et des pensions.

Toutefois, par rapport aux enveloppes fixées pour le seul budget général, nous constatons onze dépassements, pour un total de plus de 1 milliard d’euros, partiellement gagés par des économies anticipées sur les primes d’épargne logement, dépense dont on sait qu’elle peut facilement déraper.

Par ailleurs, nous observons que la masse salariale se réduira pour la première fois en 2012. Comme vous l’avez souligné, madame le ministre, nous commençons à toucher quelques petits dividendes de la politique menée avec continuité en matière de gestion des effectifs publics depuis 2002.

En outre, et c’est là notre principal souci, nous considérons que les économies sur les dépenses d’intervention et de fonctionnement ne sont pas vraiment au rendez-vous. Il apparaît que les objectifs n’ont pas été tenus en 2011, même en reprenant les modalités de calcul très favorables adoptées par le Gouvernement.

L’un de nos vœux, madame le ministre, est que l’on puisse enfin s’attaquer aux lignes de fuite de la dépense publique, non seulement dans le budget de l’État, mais également dans celui de ses opérateurs et des différents organismes rattachés, puisque nous n’avons pas su résister au phénomène de l’« agenciarisation » de l’État. Il s’agit aussi, en cette matière, des effets pervers des taxes affectées, dont le produit a augmenté de 7 % entre 2009 et 2011, alors que leur prolifération se poursuit d’année en année, à l’encontre de toute bonne méthode budgétaire. Au demeurant, les objectifs inscrits à cet égard dans la loi organique de 2001 relative aux lois de finances sont absolument identiques à ceux qui avaient été fixés dans l’ordonnance organique de 1959 ; force est de constater que nous nous en écartons de plus en plus.

La discussion du dernier projet de loi de finances rectificative nous a permis d’évoquer un exemple, parmi d’autres, des effets pervers engendrés par le dynamisme des taxes affectées : celui du Centre national du cinéma et de l’image animée, le CNC, contre lequel, je tiens à le souligner, la commission des finances n’a aucune espèce d’a priori défavorable. Nous espérons que le projet de loi de finances pour 2012 comportera bien une réforme du financement du CNC et, au-delà de ce simple exemple, nous préconisons, plus largement, que l’on fixe des plafonds aux recettes fiscales des opérateurs, l’excédent devant être reversé au budget général.

Mes chers collègues, c’est une évidence, 2012 sera l’année de tous les périls ; ce sera en même temps celle des grands débats et des grands choix.