Mme Nicole Bricq, rapporteure générale de la commission des finances. Ce n’est pas le cas partout !
Mme Valérie Pécresse, ministre. Madame la rapporteure générale, c’est la Cour des comptes elle-même, institution désormais présidée par un éminent représentant de la gauche qui fait ce constat : entre 2005 et 2009, la présence des policiers sur le terrain a augmenté de 10 %.
Face à la crise, mesdames, messieurs les sénateurs, nous avons plus que jamais un devoir de vérité. Or la vérité, c’est que, dans l’un des pays les plus taxés au monde, la hausse générale des impôts n’a aucun avenir. Dans notre stratégie de désendettement, les recettes ne peuvent donc jouer qu’un rôle complémentaire. Et je suis convaincue que, en réalité, nul ne l’ignore au sein de la Haute Assemblée.
Certes, sur certaines travées, d’aucuns appellent de leurs vœux un « grand soir fiscal » qui verrait la fusion de l’impôt sur les revenus et de la CSG. Mais, pour utiliser vos propres termes, madame la rapporteure générale, encore faudrait-il d’abord « poser un grand nombre de questions méthodologiques » et « pratiques ». Parmi ces détails pratiques, figurent tout de même le maintien, ou non, du quotient familial…
M. Philippe Marini, président de la commission des finances. Bonne remarque !
Mme Valérie Pécresse, ministre. … ou encore les effets – ou l’absence d’effet – sur la progressivité de l’impôt et singulièrement sur les classes moyennes. En réalité, poser ces questions, madame la rapporteure générale, c’est déjà y répondre : votre « grand impôt sur les personnes » pèsera d’abord sur les familles et sur les classes moyennes.
Le Gouvernement, lui, a construit sa politique fiscale autour de principes clairs, au premier rang desquels se trouve l’équité. Je me réjouis que la commission des finances le reconnaisse, en se ralliant à la contribution exceptionnelle sur les très hauts revenus que nous créons dans le présent projet de budget et que, me semble-t-il, madame la rapporteure générale, vous souhaitez rendre perpétuelle. Mais, selon nous, ce ne sera pas nécessaire, car cette contribution parachève l’action menée au cours de cinq années pour renforcer la justice de notre système fiscal, à travers vingt-cinq mesures qui alourdissent la fiscalité pesant sur les ménages les plus aisés.
Les foyers les plus riches ont plus de revenus, plus de biens immobiliers et plus de patrimoine. Avec les mesures que nous avons prises cette année, ils seront taxés trois fois. Et ce seront aussi les détenteurs des patrimoines les plus importants qui supporteront le coût de la réforme de l’ISF.
M. François Marc. Ce n’est pas vrai !
Mme Valérie Pécresse, ministre. Aujourd’hui, je le dis à la majorité comme à l’opposition, les hauts revenus, surtout ceux du patrimoine, seront, lorsque le présent projet de budget aura été adopté, beaucoup plus taxés en France qu’en Allemagne ! La différence de taxation s’élèvera à 15 %.
M. François Marc. Il faudra le prouver !
Mme Valérie Pécresse, ministre. À l’inverse, l’impôt sur le revenu des classes moyennes est bien moins élevé dans notre pays qu’en Allemagne. Telle est notre conception de la justice, madame la rapporteure générale.
Mme Nicole Bricq, rapporteure générale de la commission des finances. Sauf que ce n’est pas vrai !
Mme Valérie Pécresse, ministre. La réforme fiscale, nous l’avons faite, et ce en engageant un effort sans précédent de réduction des niches fiscales et sociales.
Notre stratégie en la matière est très claire. Ces avantages fiscaux et sociaux mitent nos prélèvements obligatoires. Ils affaiblissent les recettes de l’État. Ils conduisent parfois à des situations aberrantes. Nous avons donc agi sur ces trois plans à la fois.
Premièrement, avec le plafonnement global des niches, nous avons donné un coup d’arrêt inédit à l’optimisation fiscale sur l’impôt sur le revenu.
Soyons très précis : en 2007 – mais c’était vrai aussi en 2000, et le Gouvernement à l’époque n’était pas de la même couleur politique –, un foyer qui gagnait 1 million d’euros pouvait, en ayant recours aux bonnes niches, n’acquitter aucun impôt sur le revenu. Avec le plafonnement global des niches, désormais, il payera au moins 300 000 euros, voire 320 000 euros avec la baisse du plafond adoptée à l’Assemblée nationale. La progressivité de l’impôt, c’est ce Gouvernement qui l’a restaurée !
Deuxièmement, avec le coup de rabot transversal sur les niches, nous avons réduit leur coût global pour les finances publiques. Là encore, il s’agit d’un effort sans précédent : ce coup de rabot s’établissait à 10 % l’an dernier, et cette année, nous allons continuer dans cette voie en proposant une nouvelle baisse de 15 %.
Mais je veux être très claire : ce gouvernement refusera toujours de remettre en cause les avantages fiscaux et sociaux qui soutiennent la croissance et qui renforcent la cohésion sociale. En période de crise, ce serait une faute ; c’est pourquoi les avantages fiscaux liés aux services à la personne sont exclus du rabot, tout comme l’investissement dans le logement social ultramarin.
Je le sais, mesdames, messieurs les sénateurs, certains ont affirmé, parfois même sur ces travées, qu’en supprimant des tombereaux de niches, on pourrait combler tous nos déficits.
Mme Nicole Bricq, rapporteure générale de la commission des finances. Personne n’a dit cela dans cette enceinte !
Mme Valérie Pécresse, ministre. Ce serait un véritable contresens, car certaines incitations fiscales et sociales sont parfaitement justifiées. Et, pour ne prendre qu’un seul exemple, je pense aux exonérations de charges sur les bas salaires, par exemple, qui ont permis d’amortir partiellement le coût des 35 heures. Nous avons d’ailleurs discuté de ce sujet voilà quelques jours.
C’est pourquoi nous ne supprimons que des niches inefficaces ou dont les effets ne justifient pas le coût pour les finances publiques.
Troisièmement, nous travaillons par conséquent dispositif par dispositif, afin de vous soumettre une refonte, un maintien ou une remise en cause des niches fiscales.
C’est pourquoi nous avons proposé à l’Assemblée nationale de mettre un terme, à compter de 2013, aux dispositifs dits « Scellier » et « Censi-Bouvard », qui représentaient une charge très importante pour l’État tandis qu’ils produisaient des effets limités sur l’investissement locatif.
Mme Nicole Bricq, rapporteure générale de la commission des finances. Il y a très longtemps que nous le disions !
Mme Valérie Pécresse, ministre. Certains rapports les dénonçaient même et les accusaient de provoquer une hausse artificielle des prix du marché immobilier.
De même, par souci d’efficacité, le projet de budget qui vous est aujourd’hui soumis rationalise le crédit d’impôt en faveur du développement durable, ou CIDD, et le prêt à taux zéro +, qui sera réservé à l’acquisition sociale à la propriété dans le neuf.
La modernisation de nos prélèvements obligatoires, mesdames, messieurs les sénateurs, passe enfin par l’essor d’une fiscalité nouvelle et originale : la fiscalité comportementale.
Ce projet de budget prévoit ainsi la création de taxes sur les boissons à sucres ajoutés, sur les alcools et sur les tabacs. Ce sont des taxes de santé publique, destinées à envoyer un signal à nos concitoyens afin de les inciter à modifier leurs comportements et à prévenir l’obésité, les maladies cardiovasculaires. La prévention en la matière consiste à pousser les Français à agir différemment le plus tôt et le plus en amont possible.
Dans la même optique, nous vous proposerons d’instituer une taxe sur les loyers exorbitants frappant certaines petites surfaces, singulièrement en Île-de-France, et ce pour changer le comportement des bailleurs. Voilà une fiscalité moderne !
C’est grâce à cette stratégie que la France avance sur le chemin du désendettement. Depuis trois ans, nous agissons, et le plan de retour à l’équilibre annoncé par le Premier ministre s’inscrit dans la droite ligne de cette stratégie, pour garantir le respect de nos engagements malgré les incertitudes économiques.
Ce plan repose d’abord sur des économies réalisées sur les dépenses, comme en témoigne le projet de budget qui vous est soumis aujourd’hui.
Il amplifie également les effets des réformes qui ont permis de mettre notre modèle social à l’abri de la crise ; je pense à la réforme des retraites, bien sûr, dont la mise en œuvre sera accélérée, mais également à celles de l’assurance-maladie et de l’hôpital, qui nous permettront de fixer l’ONDAM à un niveau plus bas encore.
Et parce que le désendettement est une cause d’intérêt national, ce plan demandera aux Français des efforts complémentaires, que nous avons soigneusement et scrupuleusement veillé à répartir équitablement.
C’est pourquoi, tant que nous n’aurons pas atteint le retour à l’équilibre, le Gouvernement imposera une contribution exceptionnelle à ceux qui peuvent verser des taxes plus élevées. Je pense aux grandes entreprises, qui devront acquitter un impôt sur les sociétés majoré de 5 %. Je pense également aux foyers les plus aisés, qui seront directement concernés par le gel des barèmes de l’impôt sur le revenu, de l’impôt sur la fortune et des droits de succession.
M. François Marc. Tout cela est provisoire !
Mme Valérie Pécresse, ministre. Ces mesures s’appliqueront tant que nous ne serons pas parvenus à un déficit de 3 %, puis à l’équilibre, monsieur le sénateur.
Face à la crise, nous continuerons à protéger les Français les plus fragiles. C’est la raison pour laquelle les produits d’alimentation, l’énergie et les biens et services destinés aux handicapés ne seront pas concernés par la création d’un deuxième taux de TVA réduit fixé à 7 %.
Vous le savez, ce gouvernement s’est toujours refusé à toute baisse des prestations sociales. Je le répète, nos filets de protection n’ont jamais été aussi solides. Ils le resteront : nos dépenses sociales continueront donc d’augmenter, contrairement à ce qui se passe dans les pays voisins, mais leurs modalités d’indexation seront revues pour qu’elles évoluent au même rythme que la création de richesse dans notre pays. Nous ne devons pas dépenser au-delà de la richesse créée.
Cette revalorisation, limitée à 1 %, comme la croissance en 2012, ne concernera ni les victimes d’accident du travail, ni les personnes invalides, ni les retraités. Autrement dit, les revenus de remplacement évolueront toujours au même rythme que les prix. L’accélération de la réforme des retraites que nous avons décidée permet en effet de geler ou de limiter les effets sur les pensions du faible taux de croissance de notre pays. La revalorisation susvisée ne touchera pas non plus les bénéficiaires des minima sociaux, soit 6 millions de Français. La revalorisation de 25 % du minimum vieillesse et de l’allocation aux adultes handicapés sera donc menée jusqu’à son terme, comme s’y était engagé le Président de la République.
Mesdames, messieurs les sénateurs, l’année 2012 marquera une étape décisive sur le chemin qui nous conduira à l’équilibre d’ici à 2016.
Le présent projet de budget prévoyait initialement une réduction du déficit de l’État de 15 %, le solde étant ramené à 80,8 milliards d’euros. Grâce au travail mené avec l’Assemblée nationale, le texte qui vous est soumis marque une nouvelle amélioration de 1 milliard d’euros, prévoyant un déficit de 79,7 milliards d’euros.
Au cours de l’examen de la première partie de ce texte, le Gouvernement vous présentera une série d’amendements. Ils traduiront, tout d’abord, les effets de la révision de la prévision de croissance : les recettes afficheront une baisse de 3,9 milliards d’euros, dont 2,7 milliards d’euros pour le seul impôt sur les sociétés et 0,8 milliard d’euros pour la TVA.
Nous reverrons également à la hausse de 400 millions d’euros la dotation de compensation de la réforme de la taxe professionnelle, pour l’ajuster en fonction des toutes dernières informations dont nous disposons.
Ces amendements traduiront aussi, par coordination avec le projet de loi de finances rectificative de fin d’année, les effets des mesures du plan que je viens de vous présenter. Ces dispositions permettront d’améliorer le solde budgétaire de 5,3 milliards d’euros et compenseront donc intégralement les conséquences du ralentissement de la croissance.
Au total, le solde de l’État sera même amélioré de près de l milliard d’euros par rapport au texte issu des travaux de l’Assemblée nationale, avec un déficit réduit à 78,8 milliards d’euros.
Cela témoigne, mesdames, messieurs les sénateurs, de la détermination de la France à préserver en toutes circonstances sa crédibilité. Aujourd’hui, c’est notre modèle social que nous défendons. C’est pourquoi chacun est appelé à prendre sa juste part de cet effort d’intérêt collectif.
Plus que jamais, l’heure est donc au sérieux et à la responsabilité.
Le sérieux, c’est regarder la vérité en face : ce n’est pas en créant des kyrielles de taxes ou en décrétant la fin des niches fiscales que nous ramènerons le déficit à zéro. C’est en poursuivant toutes ces réformes, différées depuis trop longtemps, et en agissant sur nos dépenses publiques pour cesser de vivre au-dessus de nos moyens que nous y parviendrons.
La responsabilité, c’est soutenir la croissance tout en continuant à avancer, étape par étape, sur le chemin du désendettement. Notre calendrier est le bon. Notre stratégie est la bonne. La France, quoi qu’il arrive, sera au rendez-vous de ses engagements. Ce projet de budget pour 2012 en apporte la démonstration. (Applaudissements sur les travées de l’UMP et sur certaines travées de l’UCR.)
M. le président. La parole est à M. le ministre. (Nouveaux applaudissements sur les mêmes travées.)
M. François Baroin, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Monsieur le président, monsieur le président de la commission des finances, madame la rapporteure générale, mesdames, messieurs les sénateurs, eu égard à l’actualité économique particulièrement chargée de ces dernières semaines, la présentation du projet de loi de finances pour 2012 prend une importance toute particulière.
Je ne reviendrai pas sur les mesures excellemment exposées avec force et conviction par Valérie Pécresse.
M. Jean-Claude Lenoir. Avec talent !
M. Philippe Marini, président de la commission des finances. Et avec clarté !
M. François Baroin, ministre. Personne ne remet en question cela.
Je voudrais simplement rappeler à mon tour, devant la Haute Assemblée, que les mesures présentées avec beaucoup de talent, donc, par Valérie Pécresse sont impératives car elles nous permettront de tenir nos engagements. C’est la colonne vertébrale, la martingale, le fil directeur – ou le fil d’Ariane – de la stratégie choisie par le Gouvernement depuis au moins deux ans, et singulièrement depuis la mise en œuvre de la réforme des retraites, de la politique de réduction méthodique des niches fiscales et sociales et de l’adaptation de notre politique budgétaire à l’évolution de l’activité économique internationale, qui touche naturellement notre pays.
Le Gouvernement fait preuve d’une grande vigilance et demeure à l’écoute de tous les messages, afin de pouvoir formuler les réponses pertinentes en faisant preuve de réactivité – c’est la force et l’atout de notre pays –, et ce dans la plus grande transparence vis-à-vis du Parlement et de l’ensemble des Français.
Nous sommes, Valérie Pécresse et moi-même, parfaitement conscients des difficultés du travail préalable en commission, et sommes naturellement très reconnaissants envers la représentation nationale d’avoir accepté de faire preuve de la même réactivité, compte tenu du contexte particulièrement turbulent dans lequel nous exerçons nos responsabilités. Quelles que soient nos divergences sur le fond, je tiens donc à saluer le travail accompli.
Je voudrais fournir quelques-uns des éléments de cadrage macroéconomique qui ont motivé les arbitrages présentés par le Président de la République et le Premier ministre, et que Valérie Pécresse et moi-même défendons devant votre assemblée.
Je dirai d'abord un mot de la zone euro, qui traverse – c’est peu de le dire – une période de très fortes turbulences, de très forte instabilité.
Si, en général, les mauvaises nouvelles sont davantage mises en lumière que les bonnes, je voudrais, pour ma part, insister sur les avancées obtenues récemment grâce à la coordination entre les chefs d'État et de gouvernement de la zone euro.
Vous le savez, un accord important a été conclu le 27 octobre. Les pays confrontés à des situations budgétaires problématiques se sont engagés dans des efforts sans précédent.
L’Espagne, par exemple, a fait preuve d’un volontarisme remarquable, en inscrivant une « règle d’or budgétaire » dans sa Constitution.
L’Italie a décidé de faire appel à la Commission européenne, à la Banque centrale européenne, BCE, et au Fonds monétaire international, FMI, pour certifier ses résultats sur une base trimestrielle. Elle a également fait le choix politique de confier la responsabilité gouvernementale à des personnalités qualifiées pudiquement de « techniciens », mais qui sont en réalité des personnes remarquablement expérimentées. Cela devrait contribuer au renforcement de la crédibilité de la mise en œuvre de réformes structurelles difficiles et exigeantes pour la population italienne.
Le même esprit anime, sous d’autres formes, le Portugal et l’Irlande, qui poursuivent leurs programmes de réforme sous le contrôle de leurs créanciers, dont les membres de la zone euro font partie.
La France ne déroge pas à cette nécessité de redresser ses comptes publics : je le réaffirme devant vous, nous nous sommes adaptés avec réalisme à la conjoncture, de manière à respecter nos engagements en termes de réduction des déficits. Nous l’avons fait le 24 août dernier, en raison du ralentissement constaté au deuxième trimestre ; nous le refaisons aujourd’hui, parce que le contexte international a encore évolué : aux États-Unis, la croissance peine à repartir ; en Europe, la conjoncture s’est détériorée dans tous les pays ; les grands pays émergents font face eux aussi à un ralentissement.
Ces efforts individuels s’accompagneront de la mise en œuvre d’un plan global de réponse à la crise en Europe.
Nous avons formulé une réponse à la crise grecque, en contrepartie d’engagements forts de ce pays. L’accord du 26 octobre prévoit notamment un nouveau plan d’aide de 100 milliards d’euros, ainsi que la participation du secteur privé, également à hauteur de 100 milliards d’euros. Le gouvernement d’union nationale a clairement réaffirmé son engagement de respecter cet accord ; nous nous en félicitons.
Nous avons également construit un « pare-feu » contre la contagion, en renforçant les moyens d’intervention du Fonds européen de stabilité financière, FESF. En dépit de l’évolution actuelle des marchés financiers, nous espérons que l’effet de levier généré par les nouveaux mécanismes sera trois ou quatre fois supérieur aux ressources disponibles. Nous souhaitons atteindre l’objectif des 1 000 milliards d’euros.
Je réaffirme la position défendue par la France dans les négociations : la solution la plus opérationnelle serait l’attribution d’une licence bancaire pour ce fonds européen. Toutefois, compte tenu des réserves allemandes sur ce point – vous les connaissez –, nous réfléchissons à d’autres mesures.
M. Philippe Marini, président de la commission des finances. Très bien !
M. François Baroin, ministre. La première est la mise en place de garanties à l'égard des obligations d’État émises par les pays en difficulté, qui suscitent actuellement la méfiance des marchés. Ce système de garantie par le FESF permettra une relance des transactions sur le marché secondaire.
La seconde est l’utilisation de l’effet de levier que j’ai évoqué, c'est-à-dire la multiplication d’une base x par trois ou peut-être par quatre, selon l’évolution des marchés.
C’est à partir de ces éléments que la feuille de route a été définie la semaine dernière, dans le cadre de l’Eurogroupe et du conseil Ecofin. Cette feuille de route a été confiée à M. Riegling, le directeur du FESF, qui a maintenant toute latitude pour parcourir le monde afin de trouver des partenaires prêts à investir dans ce fonds, en l’efficacité duquel nous croyons.
Avec nos partenaires de la zone euro, nous veillons enfin à garantir la solidité des banques européennes.
Vous le savez, l’Autorité bancaire européenne a fixé un ratio de fonds propres – 9 % en juin 2012, sur une base actualisée en septembre – qui a fait l’objet d’un très large consensus parmi les membres de la zone euro et, au-delà, parmi les vingt-sept membres de l’Union européenne réunis au sein du conseil Ecofin. Cela signifie que les fonds propres des banques européennes seront renforcés à hauteur de 106 milliards d’euros, dont 8,8 milliards d’euros pour les banques françaises.
Des engagements ont été pris et un calendrier a été fixé. C’est dans ce cadre que doivent s’inscrire les actions des établissements bancaires. Le Gouvernement sera très attentif à ce que les banques augmentent leurs fonds propres en réduisant les dividendes et bonus et non en réduisant leur degré d’implication dans l’économie, ce qui entraverait l’accès au crédit des entreprises et des particuliers.
Dans le même élan, le G20, sous présidence française, a pris la mesure des difficultés que nous traversons, et s’est engagé à mettre en œuvre un ensemble de mesures courageuses.
C’est la zone euro qui est actuellement mise à l’épreuve, mais – vous le savez bien, mesdames, messieurs les sénateurs – le problème est global. Les économies sont si imbriquées et interconnectées que, lorsqu’une zone s’enrhume, c’est l’ensemble de l’économie mondiale qui tousse. C’est vrai aujourd'hui, alors que l’épicentre de la crise mondiale est en Europe. Cela l’était également lorsque, entre 2007 et 2008, l’épicentre se trouvait aux États-Unis, avec d'abord la crise des subprimes puis, un an plus tard, la faillite de Lehman Brothers : ces événements eurent un impact mondial, entraînant une récession qui nécessita, dans tous les pays, une adaptation des politiques publiques afin d’en amortir les conséquences.
Les conclusions du sommet de Cannes sont à la hauteur de ces enjeux. Contrairement à ce qui s’était passé lors des sommets de Toronto et de Londres, à l’issue desquels un seul axe avait été défini – tout pour la consolidation budgétaire, ou au contraire tout pour la relance économique –, les chefs d’État et de gouvernement ont décidé de mettre en œuvre des politiques différenciées selon les marges de manœuvre dont chaque pays dispose, en s’appuyant sur un jugement objectif, réaliste et adapté à la situation de chacun d’entre eux.
Les pays affichant un excédent budgétaire ont accepté de prendre l’engagement de conduire une politique de relance. La Chine a fait évoluer ses positions, qui étaient initialement assez fermées ; il en a été de même du Canada ou d’autres pays excédentaires. À l’inverse, les pays affichant un déficit budgétaire ont pris l’engagement de poursuivre leurs efforts de consolidation budgétaire.
C’est l’acquis essentiel du sommet de Cannes : une initiative globale, cohérente, structurée, équilibrée et coordonnée à l’intérieur des différentes zones – puissances économiquement avancées ou émergentes – qui participeront au soutien de l’activité économique, afin d’éviter que le ralentissement ne se transforme en une récession dont les conséquences sociales seraient douloureuses.
Les pays du G20 se sont également engagés à réformer le système monétaire international. Dans ce domaine également, il faut souligner l’évolution des positions de la Chine.
Les pays du G20 se sont également engagés à renforcer les moyens du FMI en cas de besoin, afin que l’institution internationale puisse jouer son rôle de rempart contre les risques systémiques. Dans cet esprit, nous examinons des pistes très concrètes : une contribution bilatérale pour le FMI, l’utilisation des droits de tirages spéciaux par zone ou encore la possibilité de créer une entité spécifique au sein du FMI. Cela constitue une avancée significative.
J’achèverai ce tour d’horizon des grands enjeux internationaux par un point sur les évolutions constatées dernièrement sur les marchés financiers.
La situation sur les marchés financiers est complexe – je ne vous apprends rien. Les tensions sont présentes, et la France n’est pas épargnée. Toutefois, il est important, s'agissant de questions aussi techniques, de conserver une approche lucide et pragmatique.
La lucidité, c’est de constater que ces tensions agitent d’abord le marché secondaire, plus exposé aujourd’hui à la spéculation sur les taux. En revanche, sur le marché primaire, nos adjudications se déroulent dans des conditions satisfaisantes. Les taux des titres que nous émettons sont identiques à ceux qui prévalaient en avril dernier : il n’y a donc pas de défiance vis-à-vis de la France. L’adjudication de ce matin s’est déroulée normalement, et notre offre de titres a été sursouscrite.
Il est d’ailleurs important de ne pas confondre cet écart de taux – le spread – avec le niveau des taux. C’est bien ce dernier qui détermine la charge de notre dette. Or, je le redis, le niveau actuel de nos taux correspond toujours à des conditions de financement favorables.
Bien entendu, avec nos homologues allemands, nous suivons très attentivement l’évolution des marchés. Nous sommes en contact permanent : hier à midi, j’étais encore au téléphone avec Wolfgang Schäuble. Les interrogations existant sur l’évolution des spreads aux Pays-Bas, en Finlande ou en Autriche, rendent encore plus nécessaire la coordination de nos actions.
Nous prenons toutes nos responsabilités et sommes attentifs à l’exactitude des informations qui s’échangent au sujet de notre dette souveraine. Jeudi dernier – vous le savez –, l’agence de notation Standard and Poor’s a commis une « boulette », en diffusant une information erronée sur la notation française. J’ai aussitôt demandé aux autorités européennes et nationales compétentes d’enquêter sur les circonstances de cette erreur. Nous tirerons toutes les conséquences de cette enquête.
Tout le monde peut commettre des erreurs ; Standard and Poor’s a d'ailleurs reconnu la sienne. Toutefois, dans un contexte aussi turbulent, instable et incertain, les agences de notation ont une lourde responsabilité, puisque leurs décisions peuvent être lourdes de conséquences.
C'est pourquoi nous ne laisserons passer aucun message négatif qui mettrait en cause la sincérité de l’action entreprise par le Gouvernement et sa stratégie d’assainissement en profondeur de nos finances publiques, a fortiori s’il s’agissait d’altérer négativement, éventuellement de manière orchestrée, l’image que possède notre pays aux yeux des investisseurs. Ces derniers pourront nous maintenir leur confiance compte tenu de notre réactivité et de notre détermination à poursuivre nos efforts pour atteindre, quoi qu’il arrive, quelles que soient les évolutions de l’activité économique, nos objectifs intangibles en matière de déficit public. Valérie Pécresse a rappelé tout à l'heure les prochains rendez-vous : en 2013, 3 % de déficit, c'est-à-dire le niveau d’avant la crise ; en 2016, 0 % de déficit.
Nous entrons dans une nouvelle époque : nous tournons définitivement le dos au financement des politiques publiques par l’endettement, qui équivaut à faire payer aux générations futures le confort d’un modèle social que nous souhaitons certes préserver, mais qui a besoin d’autres financements.