Mme Nicole Bricq, rapporteure générale de la commission des finances. Évidemment, sur l’après 2012, on peut raconter ce que l’on veut !
Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. Ces mesures s’ajoutent à celles du collectif de septembre, qui représentaient déjà 11 milliards d’euros.
Vous accusez le Gouvernement de feindre d’ignorer qu’il s’agit d’un ajustement a minima et que 15 milliards d’euros seraient nécessaires. Mais le Gouvernement ne feint rien, madame le rapporteur général ! Il agit avec prudence,...
Mme Nicole Bricq, rapporteure générale de la commission des finances. Avec retard !
Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. ... en fonction des évolutions réelles de l’économie et en jouant sur tous les fronts.
Vous semblez préconiser une action forte et rapide, mais c’est le meilleur moyen de casser la faible croissance que nous connaissons aujourd’hui et de déstabiliser notre économie.
Mme Nicole Bricq, rapporteure générale de la commission des finances. Comment faites-vous, alors, pour arriver à 3 % en 2013 ?
Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. Selon vous, notre prévision de croissance de 1 % en 2012 est trop importante. Mais le groupe UMP la juge raisonnable et rappelle à ses collègues de la nouvelle majorité sénatoriale ce que le Gouvernement a prévu : 6 milliards d’euros de crédits « mis en réserve » dans le budget de 2012, qui seront, justement, utilisés si la croissance s’avérait plus faible l’année prochaine.
Je ne vais pas détailler vos propositions, madame le rapporteur général. Sur certaines, nous pouvons d’ailleurs nous retrouver : je pense, par exemple, aux jeunes entreprises innovantes.
Néanmoins, je constate que les 5 milliards de recettes supplémentaires provenant des mesures que vous avez proposées reposent entièrement sur des augmentations de prélèvements obligatoires.
Mme Nicole Bricq, rapporteure générale de la commission des finances. Mais ce ne sont pas les mêmes qui paient !
Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. Où sont les économies de dépenses ?
Mme Nicole Bricq, rapporteure générale de la commission des finances. Je ne suis pas ministre du budget !
Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. Je n’en vois aucune ! C’est d’ailleurs une notion qui paraît vous être totalement étrangère !
J’ai listé quelques-unes des mesures que vous préconisez : la remise à plat de la réforme des retraites avec un départ possible à soixante ans, la création d’emplois d’avenir, la création de 600 000 emplois verts, un plan pluriannuel de recrutement d’enseignants et de conseillers d’éducation, le rattrapage du pouvoir d’achat du SMIC et des minima sociaux, l’abandon de la révision générale des politiques publiques…
Des dépenses, toujours des dépenses, et aucune économie !
Mme Nicole Bricq, rapporteure générale de la commission des finances. C’est un meeting ?
Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. Enfin, quel est le contenu exact de l’accord que votre parti, le parti socialiste, vient de conclure avec les Verts ?
Mme Nicole Bricq, rapporteure générale de la commission des finances. J’avais compris que l’accord était plutôt un désaccord !
Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. Quelles en sont les véritables conséquences financières pour notre pays ? Et je ne place que sur le plan financier…
Vous refusez de diminuer les dépenses et de voter une règle d’or, mais vous proposez toujours la même solution : augmenter les impôts.
Et que propose votre candidat, François Hollande, dont vous vous recommandez ? Rien d’autre que ce que le parti socialiste annonce, à savoir une augmentation des impôts de 50 milliards d’euros sur cinq ans, dont la moitié serait affectée à la réduction de la dette.
Mais la vérité du chiffrage est beaucoup plus douloureuse : il est probable que, avec vous, on sera beaucoup plus proche de 126 milliards de nouvelles taxes sur cinq ans et que l’on dépassera les 250 milliards de dépenses supplémentaires entre 2012 et 2017. (Mme la rapporteure générale s’apprête à quitter l’hémicycle.)
Je constate que ce que je dis est tellement difficile à entendre pour vous que cela vous fait quitter l’hémicycle…
Mme Nicole Bricq, rapporteure générale de la commission des finances. Rassurez-vous, je vais revenir !
Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. Résultat : les impôts augmenteront sans régler la question de la dette, et les finances de la France et des Français se retrouveront dans le rouge.
La première victime de cette politique sera la famille, que vous percevez comme une vache à lait fiscale, avec la suppression du quotient familial et le rétablissement des droits de succession, par exemple, mais aussi une augmentation incontrôlée et non finançable des dépenses publiques, une multiplication des impôts sur les classes moyennes, une explosion de la dette, une fragilisation de notre tissu entrepreneurial et des emplois qui y sont liés.
Je vous le dis : si, demain, vous êtes au Gouvernement, c’est la faillite assurée de la France et des Français !
M. Serge Larcher. Ben voyons !
Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. Vous voulez, paraît-il, « réenchanter le rêve français ». La vérité, c’est que, derrière ce discours qui se veut enchanteur, vous nous préparez des lendemains qui déchantent ! (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)
M. le président. La parole est à M. François Marc.
M. François Marc. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, le Sénat entame aujourd’hui l’examen d’un projet de budget comportant 362 milliards d’euros de dépenses et 274 milliards d’euros de recettes.
En conséquence, en 2012, la France devra encore emprunter plus de 80 milliards d’euros pour faire face à ses dépenses courantes et, à la fin de l’année, l’endettement sera ainsi porté à 1 807 milliards d’euros, soit 87,4 % du PIB. Du jamais vu dans notre pays !
Cette dérive de nos finances publiques s’inscrit dans un contexte inquiétant de crise profonde de la finance de marché et d’un système bancaire gangrené par une spéculation sans limites.
À vrai dire, voilà déjà dix ans que l’état de crise s’est profondément installé dans les économies occidentales. Le 2 décembre 2001, la colossale faillite de la société américaine Enron secouait la finance mondiale. Une première bulle spéculative, celle de ce que l’on appelait la « nouvelle économie », explosait, avec toutes les conséquences que l’on sait.
Tirant les enseignements de ce déclenchement de crise, les économistes et les experts furent nombreux à pointer les dérives du capitalisme financier. L’un d’entre eux, Patrick Artus, économiste bien connu, titrait son ouvrage très remarqué : Le capitalisme est en train de s’autodétruire !
Durant cette décennie troublée, qu’a entrepris le gouvernement français pour parer aux effets pervers de cette dérive et entreprendre une meilleure régulation économique ? Très peu de choses à vrai dire !
Pourtant, les véhicules législatifs n’ont pas manqué aux gouvernements de droite en place depuis 2002 pour renforcer les outils d’incitations, de régulation et de contrôle. Je pense à la loi dite « de sécurité financière » en 2003, à la loi de transposition de la directive sur les marchés d’instruments financiers, dite directive MIF, en 2005, ou encore à la loi de modernisation de l’économie en 2008.
Lors de chacun de ces débats législatifs, j’ai, avec mon groupe, formulé de nombreuses propositions d’amendements pour durcir la régulation, restreindre les rémunérations éhontées des dirigeants ou fiscaliser plus durement les activités spéculatives. Peine perdue...
La vérité, c’est que la philosophie « libérale » des gouvernements en place ces dernières années s’est, dans les faits, accommodée d’une régulation a minima de la sphère financière. Dans ces conditions, la dérive s’est poursuivie, ici comme ailleurs, et de nouvelles bulles se sont constituées.
Le trading à haute fréquence et la cupidité des acteurs ont fait le reste et la crise s’est, comme on le sait, brutalement aggravée en 2008 !
Résultat de cette régulation a minima : depuis 2008, pour aider au rétablissement du système bancaire et atténuer les effets dévastateurs de cette crise du capitalisme financier, l’État s’est endetté encore un peu plus, cela sous l’œil de plus en plus critique des agences de notation.
L’enseignement à tirer est très clair à mes yeux : depuis toutes ces années, les gouvernements se sont endormis en laissant libre cours à la voracité des marchés. Ils se sont satisfaits, de façon coupable, du vœu pieux de l’« autorégulation » des financiers et des banquiers.
D’ailleurs, avant de partir pour Washington, Mme Christine Lagarde ne nous assurait-elle pas, ici même, au printemps dernier, que tout allait bien pour les banques françaises, qui n’avaient, selon elle, nul besoin d’être recapitalisées ? À travers la dégringolade accélérée de cet été, on a vu où menait cette vision pour le moins angélique et déconnectée de la réalité !
Si la crise financière a créé un état de défiance généralisé et gravement affecté l’état de nos finances publiques, appelées à la rescousse, elle n’est pourtant responsable que d’un tiers du très lourd déficit – de 87 milliards d’euros – présenté dans ce budget. Le déficit de la France est structurel pour deux tiers et conjoncturel pour un tiers. Le constat est donc accablant pour les gouvernements qui se sont succédé depuis 2002 !
Madame la ministre, vous nous disiez qu’il fallait retenir trente-cinq années de dérive, de laxisme ou d’incurie. Notez bien que, sur les 1 800 milliards de dette, 500 milliards s’expliquent par la politique menée en France depuis l’élection de Nicolas Sarkozy !
M. François Marc. En cinq années, nous aurons eu une dette supplémentaire de 500 milliards ! C’est considérable !
M. François Marc. Le coût de la dette devient progressivement le principal poste des dépenses du budget et les projections sont extrêmement préoccupantes.
Pourtant, depuis des années, nous vous alertons, avec mon groupe, sur l’inconséquence des choix fiscaux de la décennie. Au total, pas moins de 18,4 milliards de cadeaux fiscaux par an ! En cause : les réformes successives de l’impôt sur le revenu, la baisse des droits de mutation à titre gratuit, le crédit d’impôt sur les intérêts d’emprunt immobilier et j’en passe…
Madame la ministre, pourquoi ne pas reconnaître que cette politique de recettes a creusé le déficit et gonflé la dette ? Voilà des années que notre pays aurait dû sortir de l’économie d’endettement. Or la France se trouve actuellement dans une situation complètement insensée : ses conditions de financement réelles, le fameux « standing de créance », sont moins bonnes que celles des grandes entreprises privées internationales, comme Danone ou Coca-Cola ! C’est dire où nous en sommes...
Nos mauvais résultats ne trompent pas nos créanciers. Notre pays flirte avec la récession. En octobre, l’activité économique a reculé, industrie et services compris : ralentissement de l’investissement des entreprises, déficit commercial record de 73,1 milliards, baisse de la consommation des ménages...
Dans ce contexte, il semble évident que le Parlement examine un budget déjà obsolète. Mais nous sommes habitués à cette navigation à vue. Depuis quatre ans, à travers les collectifs budgétaires récurrents auxquels il recourt, le Gouvernement a pris la manie de se déjuger continuellement. Une fois de plus, on est dans l’improvisation la plus totale, avec des projets de lois de finances rectificatives qui se succèdent !
Cette politique fiscale aventureuse était annoncée comme porteuse de résultats prometteurs sur la croissance et l’emploi... Depuis 2002, en effet, les ministres successifs de l’économie garantissaient au Parlement que les baisses d’impôts seraient salutaires pour notre pays et sources de croissance additionnelle.
En septembre 2007, alors que François Fillon se disait être « à la tête d’un État en situation de faillite », le conseiller spécial de l’Élysée, Henri Guaino, faisait une déclaration qui illustre l’ensemble de la démonstration : « On ne peut pas rechercher l’équilibre des comptes publics en soi, sinon, il ne reste plus qu’à se jeter par la fenêtre. Les déficits génèrent de la croissance, qui permettra ensuite de les combler. » CQFD !
M. Philippe Marini, président de la commission des finances. Henri Guaino est un grand keynésien !
M. François Marc. Je répète : CQFD. Il faut créer du déficit, ce qui permet de stimuler de la croissance, laquelle permet ensuite de combler les déficits !
Mes chers collègues, avec cette politique fiscale désastreuse, on voit où nous en sommes rendus aujourd’hui. Seul résultat observable : la dette publique a bondi de près de 500 milliards d’euros, mais pas de croissance supplémentaire. Un vrai fiasco !
J’en viens à présent à la teneur de ce projet de budget pour 2012. Ses différentes composantes seront examinées dans le détail dans les prochains jours et nous manifesterons, à travers nos nombreux amendements, une ambition forte pour le rééquilibrage de la fiscalité, la recherche d’une plus grande équité, sans oublier les nécessaires réponses à apporter aux attentes des populations les plus fragilisées par la crise.
Dès lors, en cet instant, je m’en tiendrai à trois observations portant sur les collectivités locales, les entreprises et la fiscalité des ménages.
Mon premier sujet de préoccupation a trait à la désinvolture manifestée, dans ce budget, à l’égard des collectivités locales.
Depuis 1982, les collectivités locales se sont vu confier des compétences multiples par notre République, constitutionnellement décentralisée depuis 2004. Pour autant, la question des moyens des services publics de proximité décentralisés se pose de façon lancinante.
Si l’autonomie financière a, elle aussi, fait l’objet d’une inscription dans la Constitution en 2004, elle vient d’être totalement remise en question par la loi de finances pour 2010, qui porte réforme de la taxe professionnelle : désormais, régions et départements ne disposent quasiment plus d’aucune autonomie fiscale !
Comment l’État se soucie-t-il d’apporter la compensation nécessaire à cette perte d’autonomie ? La réponse ne manque pas d’inquiéter tous nos élus des territoires...
Ces dernières années, les collectivités ont largement contribué – à hauteur de près de 75 % – à l’investissement public en France. Vont-elles pouvoir poursuivre cet indispensable effort d’équipement et de soutien au développement local ? Rien n’est moins sûr !
Elles subissaient déjà les rigueurs du gel en valeur des concours financiers de l’État. Or ce budget pour 2012 entend les faire contribuer à hauteur de 200 millions d’euros à l’effort supplémentaire de réduction des dépenses. Pourquoi un tel acharnement ?
Vous nous indiquiez tout l’heure, madame la ministre, que les collectivités doivent participer à l’effort collectif. Mais j’attire votre attention sur le fait que les départements supportent aujourd’hui une charge supplémentaire « mécanique » de 1 milliard d’euros par an. Ils fonctionnent en effet à guichet ouvert, l’État fixant les conditions d’accès aux droits servis par les départements.
M. Albéric de Montgolfier. L’APA !
M. François Marc. Dans ces conditions, comment faire face ? Cet effort de 200 millions d’euros qui est imposé aux collectivités impacte directement la solidarité financière. Pourquoi pénaliser ainsi la péréquation, spécialement au regard du danger lié aux inégalités territoriales, déjà criantes ?
Plusieurs modifications s’imposent donc à nos yeux, et nous proposerons des amendements à cet égard.
Pour ce qui concerne les nouveaux mécanismes de péréquation horizontale, le Sénat, lors de l’examen de la mission « Relations avec les collectivités territoriales ; Avances aux collectivités territoriales », se devra d’adopter les amendements visant à permettre une meilleure égalité de traitement des territoires.
Pour les obligations de péréquation verticale, dont l’État ne peut se dessaisir, je proposerai d’abonder de 350 millions d’euros les dotations de solidarité aux territoires les plus démunis.
Il sera essentiel, par ailleurs, d’inscrire dans le présent projet de loi de finances nos ambitions, qu’il conviendra de chiffrer, pour ce qui concerne la réduction programmée des écarts de richesses entre collectivités, à l’instar de ce que prévoit le dispositif allemand.
Enfin, notre groupe soutiendra la proposition de la commission des finances visant à rejeter le prélèvement exceptionnel de 200 millions d’euros sur les collectivités.
Je souhaite évoquer à présent la situation faite aux PME dans notre pays.
Chacun le sait, durant ces dernières années, un sensible rééquilibrage de la fiscalité s’est opéré au détriment des ménages et en faveur des entreprises. Le rapporteur général de l’Assemblée nationale indiquait d’ailleurs récemment que les entreprises étaient les grandes gagnantes de la politique fiscale de ce gouvernement.
Permettez-moi de rappeler quelques faveurs octroyées depuis trois ans : 5 milliards à 6 milliards d’euros par an grâce à la réforme de la taxe professionnelle ; 1,4 milliard d’euros à la suite de la suppression de l’imposition forfaitaire annuelle ; 5,3 milliards d’euros, l’an prochain, en vertu du renforcement du crédit d’impôt recherche ; 3 milliards d’euros grâce à l’adoption d’une TVA à taux réduit dans la restauration ; et, enfin, montée en puissance de diverses niches fiscales adossées à l’impôt sur les sociétés.
Indépendamment des appréciations que l’on peut porter sur ce rééquilibrage de la fiscalité des entreprises au détriment des ménages, se pose la question du traitement réservé aux PME.
Je souhaite, mes chers collègues, attirer votre attention sur une dépêche parue aujourd’hui dans Le Figaro, un journal qui ne peut être taxé de gauchisme primaire, et intitulée : « France : le moral des TPE au plus bas ». On peut y lire ceci : « Le moral des patrons des très petites entreprises est au plus bas depuis dix ans. »
M. Philippe Marini, président de la commission des finances. Vous vous en réjouissez, bien sûr…
M. François Marc. Loin de là, monsieur le président de la commission !
En quoi la politique fiscale peut-elle favoriser le développement des PME ? La question est cruciale, car leur poids et leur rôle dans l’économie française est fondamental. Ces entreprises représentent plus de la moitié de l’emploi salarié, 42 % de la valeur ajoutée et sont essentielles pour l’insertion professionnelle des jeunes, dont nous avons beaucoup parlé aujourd’hui.
Si l’État souhaite réellement améliorer la situation de l’emploi, il doit résolument se tourner du côté des PME, car elles enrichissent l’économie réelle du pays.
Au printemps 2011, dans notre proposition de loi tendant à améliorer la justice fiscale, à restreindre le « mitage » de l'impôt sur les sociétés et à favoriser l'investissement, nous nous étions notamment penchés sur l’injustice fiscale entre entreprises. Malheureusement, aucune suite n’a été donnée à ce texte.
Aujourd’hui, la situation semble évoluer dans le bon sens. L’actualité est à la dénonciation des inégalités fiscales entre les grands groupes et les PME. Le Gouvernement a fini par les reconnaître, comme en témoigne la surtaxe d’impôt sur les sociétés, qui serait acquittée à titre provisoire par les grands groupes. J’aurai l’occasion de revenir, au cours de l’examen des articles, sur l’amélioration de l’égalité fiscale des entreprises en France, en reprenant l’idée majeure que nous avions évoquée dans notre proposition de loi.
En rester à cette avancée bien trop modeste et temporaire du projet de loi de finances ne peut nous suffire. Il est aujourd’hui essentiel d’enclencher une stratégie de croissance orientée et adossée au tissu des PME. C’est une vraie politique de l’innovation en France qui créera des emplois dans la durée. Pour retrouver son élan et son dynamisme, notre pays est tout à fait capable de se retrousser les manches. Encore faut-il qu’il valorise bien davantage ses PME par des choix fiscaux plus volontaristes.
Enfin, parce qu’il ne peut y avoir de croissance sans une meilleure justice fiscale, je veux aborder la question de l’iniquité de notre système fiscal et souligner la nécessité de sa réforme globale. Le constat est en effet accablant.
Madame la ministre, cet été, les experts du ministère de l’économie ont identifié, dans un rapport que vous connaissez bien, des niches fiscales et sociales représentant plusieurs dizaines de milliards d’euros et susceptibles d’être abrogées. Sans impact significatif sur l’économie française, la suppression de ces niches engendrerait des recettes très substantielles.
Pourquoi le Gouvernement ne suit-il pas ces préconisations dans ce projet de loi de finances ? À la place, il préfère des hausses d’impôts furtives, et aussi indolores que possible. L’exemple type en est le taux intermédiaire de TVA sur un certain nombre d’activités et produits.
Ne serait-il pas plus juste et plus pertinent de supprimer purement et simplement certaines niches fiscales, repérées comme économiquement inutiles ?
Au contraire, avec sa trentaine de taxes nouvelles, le projet de budget pour 2012 prévoit l’instauration d’un prélèvement de 1,1 milliard d’euros sur les mutuelles, une augmentation de 800 millions d’euros la CSG et une hausse des taxes sur les tabacs et l’alcool. Rien de très cohérent dans cette cascade de taxes sournoises ! Le système fiscal en sort de plus en plus complexe, illisible et injuste.
Solliciter davantage ceux qui ont le plus de moyens en s’appuyant sur une trajectoire lisible : voilà qui apporterait de la crédibilité à ce budget, tout en répondant au problème actuel des inégalités croissantes.
Le projet de budget qui nous est proposé pour 2012 tourne le dos à ces objectifs. Malgré des mesures d’affichage, l’effort reste très déséquilibré entre les ménages.
La taxe sur les très hauts revenus représentera 400 millions d’euros, alors que les ménages aisés continueront à bénéficier à plein du maintien des niches fiscales « officielles » annexées au projet de loi de finances pour 2012, qui leur permettront globalement de conserver pour eux 65,9 milliards d’euros !
Comme l’an dernier, les classes moyennes, les jeunes actifs et les femmes seront les grands perdants. En 2012, ils subiront l’effet concomitant du ralentissement de la croissance sur leurs salaires, de la baisse des budgets sociaux et éducatifs et de la poursuite de la remontée du chômage, particulièrement chez les jeunes.
Faut-il le rappeler, en 2013, les nouvelles hausses d’impôts du plan Fillon II pèseront, pour 86 % d’entre elles, sur les ménages.
Tout cela rappelle les inquiétantes conclusions du rapport du Conseil des prélèvements obligatoires, selon lequel les prestations sociales réduisent moins les inégalités de revenus que par le passé, tandis que l’impôt sur les ménages est devenu moins progressif et moins redistributif.
Ce projet de budget pour 2012 ne fait que confirmer la poursuite d’une politique fiscale injuste et inefficace.
Madame la ministre, mes chers collègues, ma conclusion ne surprendra donc personne : la politique fiscale dont la France a besoin ne saurait être un assemblage d’annonces de plusieurs cures d’amaigrissement sans véritable cohérence.
Le projet de loi de finances pour 2012 peut être l’occasion d’une remobilisation des Français au travers de la mise en place de mesures équitables et comprises par tous.
Force est de constater, madame la ministre, que votre texte est profondément éloigné de cette exigence. Soyez donc assurée que la majorité sénatoriale s’attachera, par les amendements qu’elle a déposés, à promouvoir une autre voie financière, plus ambitieuse pour la France et plus juste pour les Français ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste-EELV et du groupe CRC.)
M. le président. La parole est à M. Serge Dassault.
M. Serge Dassault. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, à mes yeux, ce qui est fondamental, c’est le retour à l’équilibre budgétaire. Or beaucoup omettent d’en parler, n’évoquant que la nécessité de réduire la dette. Certes, la diminution de la dette est fondamentale, mais elle ne pourra se produire que lorsque nous serons revenus à l’équilibre budgétaire. Celui-ci est, en effet, la condition impérative d’un arrêt de l’augmentation de la dette, et le fait de dégager un excédent budgétaire nous mettra en mesure de rembourser une partie du capital de la dette.
En résumé, tant que l’équilibre budgétaire ne sera pas atteint, la dette continuera à augmenter chaque année du montant du déficit, la charge de la dette s’accroissant de 3 milliards à 4 milliards d’euros par an, et cela à supposer que les taux restent constants…
Pour cette raison, l’objectif consistant à ramener le déficit à 3 % du PIB en 2013 et à l’équilibre en 2016 est un objectif majeur.
Depuis 1981, tous les gouvernements, de gauche comme de droite, ont multiplié aides, réductions de charges et allégements d’impôt, qu’ils ont financés par des emprunts.
Mme Nicole Bricq, rapporteure générale de la commission des finances. Pas tous !
M. Serge Dassault. Il faut le reconnaître, une telle politique n’est plus possible, car nous n’en avons plus les moyens. Ce n’est pas à l’État de payer les charges et les impôts à la place des contribuables et des entreprises. Car, ce faisant, il se prive de recettes et doit ensuite emprunter
Permettez-moi, madame la ministre, mes chers collègues, de vous soumettre quelques propositions.
Il est flagrant que, avec nos 35 heures, nous ne travaillons plus assez par rapport à nos concurrents. Sans doute est-ce très agréable de ne pas travailler, mais nous n’avons plus les moyens de financer les 35 heures ! D’autant qu’elles nous coûtent à tous – personne ne le dit – 24 milliards d’euros d’allégements de charges chaque année, et cela pour ne pas travailler… C’est tout de même un peu excessif !
J’estime donc qu’il faudrait revenir aux 39 heures légales payées 39, comme avant 1998 – quand personne ne demandait rien ! –, ce qui permettrait au passage de supprimer tous les allégements de charges qui n’existaient pas à l’époque.
Cette mesure est vitale, aussi bien pour réduire nos déficits que pour favoriser la reprise tant attendue de notre croissance, laquelle dépend essentiellement de nos exportations.
Mais il faut aussi reconnaître à cet égard que la valeur trop élevée de l’euro pénalise nos exportations vers la zone dollar. C’est pourquoi il conviendrait en outre de parvenir à dévaluer l’euro – mais ce n’est pas l’objet du débat de cette après-midi.
Chacun doit comprendre que les aides diverses accordées depuis 1997 par l’État sont difficilement compatibles avec la volonté de réduire nos déficits, même si chacun peut aussi trouver un intérêt à leur existence.
Il faudrait s’interroger non seulement sur les allégements de charges pesant sur les entreprises, mais aussi sur l’utilité de certains dispositifs qui coûtent très cher : les contrats aidés non marchands, dont l’efficacité n’est pas mesurable ; la prime pour l’emploi, dont on ignore les effets réels ; la réduction d’impôt pour les emplois à domicile, dont on ne sait pas s’ils contribuent vraiment à réduire le chômage et le travail au noir. Et pourquoi ne pas revenir au taux normal de TVA dans le secteur de la restauration, puisque l’application du taux réduit n’a pas produit la baisse des prix attendue ? On pourrait également, comme cela a été dit, aller plus loin dans la suppression des niches fiscales.
Quoi qu'il en soit, tout cela représenterait des économies appréciables.
J’ajoute que revenir à la situation de 1997, ce ne serait pas mener une politique de « rigueur » puisque les mesures que j’ai mentionnées n’existaient pas avant 1997 et que personne, alors, ne prétendait que nous étions dans la « rigueur »…
Je rappelle que ce n’est pas à l’État de payer des charges et des impôts à la place des contribuables et des entreprises. Ou alors, qu’il les supprime ! Ce serait plus simple !
La création d’une TVA sociale permettrait, en revanche, de réduire les charges pesant sur les salaires, mais seulement en partie.
Je propose aussi de mettre en place un « coefficient d’activité » : il permettrait de réduire les charges au titre de la maladie et de la famille pour les entreprises de main-d’œuvre en les reportant sur les entreprises de services, les importateurs et les délocalisateurs. Notre production nationale s’en trouverait favorisée.
Je soutiens, enfin, une augmentation de la réserve de participation, dont le montant pourrait devenir égal à celui des dividendes distribués. Cette mesure augmenterait le pouvoir d’achat des salariés sans alourdir le coût de la production. J’applique ce principe au sein de Dassault Aviation depuis plus de vingt ans : nous distribuons chaque année aux salariés trois à quatre mois de salaire sous forme de participation.
En tout cas, toute augmentation de dépenses serait catastrophique, de même que l’arrêt de nos centrales nucléaires.
Telles étaient, madame le ministre, mes chers collègues, les propositions dont je voulais vous faire part.
J’insiste en particulier sur la nécessité d’un retour aussi rapide que possible aux 39 heures, qui représenterait une économie de 24 milliards d’euros. Ce supplément de travail serait en outre salutaire pour les entreprises. Et, surtout, qu’on ne touche pas à nos centrales nucléaires, qui ne posent aucun problème ! (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)