Mme la présidente. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi de finances, après l’article 3.
Je suis saisie de deux amendements identiques.
L'amendement n° I-87 rectifié est présenté par M. Portelli.
L'amendement n° I-192 rectifié est présenté par MM. Mézard, Collin et Fortassin.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Après l’article 3
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. - La seconde phrase du dernier alinéa du 1° du I. de l’article 726 du code général des impôts est ainsi rédigée :
« L’imposition au titre des cessions susvisées est plafonnée à 5 000 euros par mutation. »
II. - La perte de recettes résultant pour l’État du I ci-dessus est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
Ces amendements ne sont pas soutenus.
L'amendement n° I-3, présenté par Mme Bricq, au nom de la commission des finances, est ainsi libellé :
Après l’article 3
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. - À l’article 730 ter, à la fin de l’article 746, à la première phrase du premier alinéa du II de l’article 750 et à la première phrase de l’article 750 bis A du code général des impôts, le taux : « 2,50 % » est remplacé par le taux : « 1,10 % ».
II. - Le I entre en vigueur à compter du 1er janvier 2012.
III. - La perte de recettes éventuelle pour l’État résultant de la baisse du taux de partage de 1,4 point est compensée à due concurrence par la création d’une taxe additionnelle aux droits visés aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
La parole est à Mme la rapporteure générale.
Mme Nicole Bricq, rapporteure générale de la commission des finances. Cet amendement vise à revenir sur un dispositif parfaitement injuste adopté tout récemment.
Pour financer l’allégement de 1,9 milliard d’euros de l’impôt de solidarité sur la fortune, le Gouvernement a choisi d’augmenter le droit de partage. Cela signifie qu’il fait payer par tout le monde une mesure qui profite à une minorité de Français !
J’observe que ce dispositif a été adopté peu après que l’on eut supprimé le bénéfice de la triple déclaration en cas de mariage. Ceux qui divorceront après s’être mariés sous le nouveau régime de déclaration fiscale subiront donc la double peine !
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Valérie Pécresse, ministre. Le Gouvernement est bien entendu défavorable à cet amendement. Nous avons déjà eu cette discussion au moment de la réforme de l’ISF. Celle-ci est financée par les Français qui ont un patrimoine, car il faut en avoir un pour être redevable du droit de partage !
Mme la présidente. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi de finances, après l'article 3.
L'amendement n° I-2, présenté par Mme Bricq, au nom de la commission des finances, est ainsi libellé :
Après l’article 3
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. – Le code général des impôts est ainsi modifié :
1° L’article 775 ter est rétabli dans la rédaction suivante :
« Art. 775 ter. – Il est effectué un abattement de 50 000 euros sur l’actif net successoral recueilli soit par les enfants vivants ou représentés ou les ascendants du défunt. »
2° L’article 779 est ainsi rédigé :
« Art. 779. – I. - Pour la perception des droits de mutation à titre gratuit, il est effectué un abattement de 50 000 euros sur la part de chacun des ascendants et sur la part de chacun des enfants vivants ou représentés.
« Entre les représentants des enfants prédécédés, cet abattement se divise d’après les règles de la dévolution légale.
« En cas de donation, les enfants décédés du donateur sont, pour l’application de l’abattement, représentés par leurs descendants donataires dans les conditions prévues par le code civil en matière de représentation successorale.
« II. – Pour la perception des droits de mutation à titre gratuit, il est effectué un abattement de 50 000 euros sur la part de tout héritier, légataire ou donataire, incapable de travailler dans des conditions normales de rentabilité, en raison d’une infirmité physique ou mentale, congénitale ou acquise.
« Un décret en Conseil d’État détermine les modalités d’application du premier alinéa.
« III. – Pour la perception des droits de mutation à titre gratuit, il est effectué en cas de donation ou, lorsque les dispositions de l’article 796-0 ter ne sont pas applicables, en cas de succession, un abattement de 5 000 euros sur la part de chacun des frères et sœurs. »
3° Le I de l’article 788 est rétabli dans la rédaction suivante :
« I. - L’abattement mentionné à l’article 775 ter se répartit entre les bénéficiaires cités à cet article au prorata de leurs droits légaux dans la succession. Il s’impute sur la part de chaque héritier déterminée après application des abattements mentionnés au I et au II de l’article 779. La fraction de l’abattement non utilisée par un ou plusieurs bénéficiaires est répartie entre les autres bénéficiaires au prorata de leurs droits dans la succession. »
4° L’article 790 C est rétabli dans la rédaction suivante :
« Art. 790 C. – Pour la perception des droits de mutation à titre gratuit entre vifs, il est effectué un abattement de 5 000 euros sur la part de chacun des neveux et nièces du donateur. »
5° L’article 790 G est abrogé.
II. – Le I entre en vigueur à compter du 1er janvier 2012.
La parole est à Mme la rapporteure générale.
Mme Nicole Bricq, rapporteure générale de la commission des finances. Cet amendement vise à revenir au statu quo ante s’agissant d’un dispositif coûteux et injuste de la loi en faveur du travail, de l’emploi et du pouvoir d’achat, dite loi TEPA : celui qui est relatif aux droits de mutation à titre gratuit.
Ainsi, la proportion de successions imposées passerait de 5 % environ aujourd’hui à quelque 25 %. Comme avant 2007, le quart des successions seraient imposées, à des taux n’ayant rien de confiscatoire.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Valérie Pécresse, ministre. Le Gouvernement est défavorable à cet amendement. Nous tenons à cette défiscalisation des successions. Ceux de nos concitoyens qui ont passé leur vie à constituer un capital et veulent le léguer à leurs enfants doivent pouvoir le faire sans acquitter de droits, pour autant qu’ils ne fassent pas partie des 5 % de Français disposant de patrimoines très importants.
Mme la présidente. La parole est à M. Albéric de Montgolfier, pour explication de vote.
M. Albéric de Montgolfier. Cet amendement va exactement à l’encontre de l’objectif de justice fiscale qui a été invoqué par Mme la rapporteure générale.
À cet égard, je rappelle que le taux de taxation des successions de plus de 1,8 million d’euros a été augmenté de 5 % dans le collectif du mois de juillet.
En revanche, la mesure présentée par Mme la rapporteure générale toucherait clairement la majorité des Français, d’autant qu’elle ne tient pas compte de la forte augmentation des prix de l’immobilier. Aujourd’hui, 50 000 euros ne représentent plus grand-chose sur le marché immobilier, que ce soit en province ou, a fortiori, en région parisienne. Avec un tel apport, il est impossible de financer une première acquisition. En revenant sur l’une des dispositions les plus populaires de la loi TEPA, on taxerait le patrimoine de la plupart des Français, ce qui serait extrêmement injuste.
Mme la présidente. La parole est à M. le président de la commission.
M. Philippe Marini, président de la commission des finances. Je voudrais abonder dans le sens de M. de Montgolfier.
La mesure que l’on nous propose cible vraiment les classes moyennes urbaines.
M. Philippe Marini, président de la commission des finances. En effet, 50 000 euros par part successorale, cela ne représente vraiment pas beaucoup de mètres carrés, même près des Buttes-Chaumont ! Abaisser ainsi le seuil d’imposition au titre des droits de succession serait une mesure assez violente ! Elle rapporterait chaque année de l’ordre de 2 milliards d’euros, prélevés sur les successions dont le montant est compris entre 50 000 et 153 000 euros par part… Mes chers collègues, que chacun prenne ses responsabilités !
Mme la présidente. La parole est à Mme Catherine Procaccia, pour explication de vote.
Mme Catherine Procaccia. Une telle disposition s’attaque aux familles, aux enfants qui perdent leurs parents ! (Protestations sur les travées du groupe socialiste-EELV et du groupe CRC.)
Avec 50 000 euros, on peut à peine acheter trente mètres carrés en région parisienne, et encore à condition de ne pas viser les beaux quartiers, où le prix du mètre carré est plutôt de l’ordre de 7 000 ou de 8 000 euros ! Et on nous dit qu’on veut aider les jeunes à s’installer !
M. Albéric de Montgolfier. Et on nous parle d’équité fiscale !
Mme Catherine Procaccia. Que vous vouliez revoir le seuil d’imposition des successions, soit, mais l’abaisser au chiffre dérisoire de 50 000 euros ne fera qu’encourager la fraude, qui sera le seul moyen de transmettre quelque chose à ses enfants !
Mme Marie-Noëlle Lienemann. Vous exagérez !
Mme la présidente. La parole est à M. Philippe Dallier, pour explication de vote.
M. Philippe Dallier. Je voudrais préciser certains ordres de grandeur…
En Seine-Saint-Denis, département où les prix ne sont pourtant pas parmi les plus élevés, il faut compter au moins 150 000 euros pour un appartement neuf de quarante mètres carrés. Dans l’ancien, les prix ne sont pas beaucoup plus bas, et les logements sont souvent dans un état très dégradé ! Avec 50 000 euros, on ne va donc pas loin…
Abaisser le seuil d’exonération à 50 000 euros par part successorale toucherait presque tout le monde. Il serait regrettable de prendre une telle décision. D’autres mesures de la loi TEPA ont pu paraître contestables et ont été contestées, mais celle-là doit absolument être maintenue !
Mme la présidente. La parole est à Mme Marie-France Beaufils, pour explication de vote.
Mme Marie-France Beaufils. J’avoue avoir du mal à comprendre pourquoi on veut absolument transformer ces 50 000 euros en mètres carrés ! (Exclamations sur les travées de l’UMP.)
Mme Catherine Procaccia. Mais c’est d’abord de l’immobilier qu’on transmet à ses enfants !
Mme Marie-France Beaufils. On ne peut pas raisonner comme cela, ce n’est pas sérieux !
Mme Catherine Procaccia. Mais si !
Mme Marie-France Beaufils. Ce qui est proposé, c’est d’abaisser le seuil à 50 000 euros par part successorale, or il est rare qu’une succession ne concerne qu’une seule personne ! Dans l’objet de l’amendement, il est rappelé que le patrimoine médian des Français s’établit à 117 000 euros. Dès lors qu’il y a au moins deux enfants, un tel patrimoine restera exonéré. Alors cessez de nous faire pleurer !
M. Philippe Dallier. On ne veut pas vous faire pleurer !
Mme Marie-France Beaufils. Votre objectif est surtout de défendre des patrimoines beaucoup plus importants, mais vous n’avez pas le courage de le faire ouvertement !
Mme la présidente. La parole est à Mme la rapporteure générale.
Mme Nicole Bricq, rapporteure générale de la commission des finances. Il est normal que ce débat enflamme le Sénat,…
M. Philippe Dallier. N’exagérons rien !
Mme Catherine Procaccia. Ce n’est pas un grand incendie !
Mme Nicole Bricq, rapporteure générale de la commission des finances. … car il met en évidence ce qui nous sépare et porte sur nos conceptions respectives de la société.
Mme Beaufils a rappelé à juste titre qu’il s’agissait de 50 000 euros par part successorale et que le patrimoine médian des Français s’élève à 117 000 euros. Dans la grande majorité des cas, un tel patrimoine restera exonéré si notre amendement est adopté. Avec deux enfants, un patrimoine d’un montant de 234 000 euros, aujourd’hui exonéré, sera taxé à 5,6 % au titre des droits de mutation à titre gratuit. Dans le même cas de figure, un patrimoine de 1 million d’euros sera taxé à hauteur de 16,6 %, contre 13,3 % aujourd’hui.
Par ailleurs, si vous avez le souci de défendre les familles, madame Procaccia, pour ma part j’ai aussi celui de protéger les conjoints survivants, qui sont le plus souvent des veuves : ils ne sont pas concernés par la mesure proposée par la commission.
Quant aux références immobilières que vous avez prises, je ferai observer que tout le monde n’habite pas le VIe ou le VIIe arrondissement de Paris !
M. Philippe Dallier. J’ai parlé de la Seine-Saint-Denis !
Mme Nicole Bricq, rapporteure générale de la commission des finances. Chacun sait que ces arrondissements sont hors marché, même pour les Parisiens fortunés, car les prix sont poussés vers le haut par la demande internationale : on peut observer ce phénomène dans toutes les grandes capitales. Ainsi, la vente sur plans d’appartements situés rue de Sèvres a été close au bout de quarante-huit heures !
Mme Catherine Procaccia. Je ne vous parle pas de la rue de Sèvres ! Je n’habite pas Paris !
Mme Nicole Bricq, rapporteure générale de la commission des finances. Non, mais vous vous référez à des prix qui sont ceux de ces quartiers de Paris.
Sur le fond, hériter d’un appartement dont le prix est supérieur au seuil d’exonération n’est tout de même pas inintéressant : on peut percevoir un loyer si on le loue ou en économiser un si on l’occupe, on peut aussi vendre à bon prix. Bref, que vous le vouliez ou non, un tel héritage procure une capacité contributive, et il n’est pas indécent de vouloir le taxer selon un barème progressif.
Nous tenons à cet amendement, qui relève sans doute d’une certaine conception de la société.
Mme Catherine Procaccia. C’est clair !
Mme Nicole Bricq, rapporteure générale de la commission des finances. Pour ma part, madame Procaccia, je crois à la responsabilité individuelle : doit-on forcément attendre d’être doté par ses parents ? Il me semble que l’on peut faire fructifier, par son travail, le capital public reçu, par exemple, de l’éducation nationale. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste-EELV.)
M. Albéric de Montgolfier. Vous devriez abaisser le seuil à zéro !
Mme la présidente. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi de finances, après l’article 3.
Mme Catherine Procaccia. Cela fait partie des mesures sur lesquelles nous pourrons communiquer… Les Français apprécieront !
Mme Nicole Bricq, rapporteure générale de la commission des finances. Ceux qui n’ont rien, oui !
Mme la présidente. L’amendement n° I-48, présenté par M. Foucaud, Mme Beaufils, M. Bocquet et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Après l’article 3
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. – L’article 885 U du code général des impôts est ainsi rédigé :
« Art. 885 U. – L’impôt est calculé selon le tarif suivant :
«
FRACTION DE LA VALEUR NETTE TAXABLE DU PATRIMOINE |
TARIF applicable (%) |
N’excédant pas 800 000 € |
0 |
Supérieure à 800 000 € et inférieure ou égale à 1 310 000 € |
0,55 |
Supérieure à 1 310 000 € et inférieure ou égale à 2 570 000 € |
0,75 |
Supérieure à 2 570 000 € et inférieure ou égale à 4 040 000 € |
1 |
Supérieure à 4 040 000 € et inférieure ou égale à 7 710 000 € |
1,30 |
Supérieure à 7 710 000 € et inférieure ou égale à 16 790 000 € |
1,65 |
Supérieure à 16 790 000 € |
1,80 |
« Les limites des tranches du tarif prévu dans le tableau du présent article sont actualisées chaque année dans la même proportion que la limite supérieure de la première tranche du barème de l’impôt sur le revenu et arrondies à la dizaine de milliers d’euros la plus proche. »
II. – Ces dispositions s´appliquent pour l´imposition du patrimoine au titre de l´année 2011.
La parole est à Mme Marie-France Beaufils.
Mme Marie-France Beaufils. Au mois de juillet dernier, le Gouvernement, dans le cadre de la réforme de la fiscalité du patrimoine, a procédé à une très sensible réduction du rendement de l’impôt de solidarité sur la fortune, passant notamment par une réorganisation du tarif de cette contribution essentielle à la justice sociale et fiscale.
Cette mesure est en complet décalage avec la situation dramatique des comptes publics telle que nous la découvrons aujourd’hui.
Vous appelez à l’effort et à la rigueur, alors même que, cet été, rien ne semblait devoir s’opposer à l’opération à laquelle nous avons assisté : vous avez mis hors champ de l’impôt de solidarité sur la fortune plus de 300 000 contribuables qui y étaient jusqu’à présent assujettis. Ces personnes disposent d’un patrimoine compris entre 800 000 et 1,3 million d’euros, ce qui doit représenter de cinq à dix fois le patrimoine moyen des Français.
Il y a donc des Français dont le pouvoir d’achat aura été préservé cette année, et ce sans qu’ils aient eu à fournir d’effort particulier, sinon celui de solder cet automne, grâce au délai ouvert par la discussion de la réforme, un ISF minoré.
La situation des comptes publics est telle qu’il nous faut revenir, me semble-t-il, sur cette mesure dont le coût fiscal est particulièrement élevé, puisqu’il avoisine, selon les documents les plus officiels, 1,9 milliard d’euros ! Que les divorcés, et singulièrement les femmes divorcées, aient payé la facture de ce cadeau fiscal éhonté nous donne au moins une autre bonne raison de le faire.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Nicole Bricq, rapporteure générale de la commission des finances. Cet amendement visant à revenir sur la réforme de l’ISF intervenue au printemps dernier recueille lui aussi mon assentiment, mais, comme je l’ai dit ce matin en commission, je lui préfère l’amendement n° I-50, qui me paraît meilleur et plus large, sous réserve de le rectifier pour lui enlever toute portée rétroactive. À cette condition, je souhaiterais donc, madame Beaufils, que vous acceptiez de retirer l’amendement n° I-48 à son bénéfice.
Mme la présidente. L’amendement n° I-50 présenté par M. Foucaud, Mme Beaufils, M. Bocquet et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Après l’article 3
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Les III et IV de l’article 1er de la loi n° 2011-900 du 29 juillet 2011 de finances rectificative pour 2011 sont abrogés.
Madame Beaufils, acceptez-vous de retirer l’amendement n° I-48 et de rectifier l’amendement n° I-50 dans le sens souhaité par Mme la rapporteure générale ?
Mme Marie-France Beaufils. Oui, madame la présidente.
Mme Nicole Bricq, rapporteure générale de la commission des finances. Merci !
Mme la présidente. L’amendement n° I-48 est retiré.
Je suis donc saisie d’un amendement n° I-50 rectifié, présenté par M. Foucaud, Mme Beaufils, M. Bocquet et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, et ainsi libellé :
Après l’article 3
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L’article 1er de la loi n° 2011-900 du 29 juillet 2011 de finances rectificative pour 2011 est abrogé.
La parole est à Mme Marie-France Beaufils, pour le présenter.
Mme Marie-France Beaufils. Il est défendu.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Nicole Bricq, rapporteure générale de la commission des finances. Cet amendement, qui tend, conformément à la volonté de la commission, à abroger la réforme de l’ISF, est à la fois clair, simple et lisible. L’avis est donc favorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. La parole est à Mme Marie-Noëlle Lienemann, pour explication de vote.
Mme Marie-Noëlle Lienemann. Je tiens à dire, au nom de mes collègues socialistes, que nous approuvons pleinement cette initiative. Notre pays ne peut se permettre, compte tenu de la situation de nos comptes publics, de perdre de 1,6 milliard à 1,9 milliard d’euros.
Il s’agit en outre d’une mesure particulièrement juste, car elle permettra de faire participer un certain nombre de nos concitoyens qui en ont les moyens au redressement des comptes publics.
On nous oppose souvent que des fortunes risquent de fuir à l’étranger. Or cet argument n’est pas fondé, car l’assiette de l’ISF est constituée pour l’essentiel de biens immobiliers situés en France, qui ne sont pas délocalisables. Son évolution résulte d’ailleurs d’un enrichissement sans cause, pour reprendre une formule de François Mitterrand, puisque les possesseurs de ces biens n’ont le plus souvent rien fait pour que leur valeur augmente.
Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre.
Mme Valérie Pécresse, ministre. Il ne me semble pas très heureux d’invoquer François Mitterrand à cet instant, madame Lienemann, car il y aurait beaucoup à dire sur son rapport à l’argent… (Protestations sur les travées du groupe socialiste-EELV.)
M. Richard Yung. Pourquoi ? Vous pouvez développer ?
Mme Nicole Bricq, rapporteure générale de la commission des finances. Ça dérape !
Mme Valérie Pécresse, ministre. J’ai eu vingt ans à l’époque de son second mandat, et ce que je voyais ne me donnait pas envie de voter à gauche, je vous l’assure ! (Exclamations sur les mêmes travées.)
M. Jean-Marc Todeschini. Nous pourrions parler du rapport à l’argent d’un autre président…
Mme Valérie Pécresse, ministre. L’impôt de solidarité sur la fortune, madame Lienemann, n’a pas été supprimé par le Gouvernement. Comme vous le savez, nous en avons relevé le seuil afin de tenir compte de la hausse des prix de l’immobilier, qui entraînait l’assujettissement à l’ISF de personnes non pas fortunées, mais simplement propriétaires, en Île-de-France ou dans une ville touristique, d’un appartement ou d’une maison.
Mme Marie-Noëlle Lienemann. Des biens d’une valeur de plus de 1 million d’euros !
Mme Valérie Pécresse, ministre. Je ne peux vous laisser dire des contre-vérités. Cette réforme est totalement équilibrée, puisque ce sont les titulaires des plus hauts patrimoines qui paieront pour la suppression de la première tranche de l’ISF.
M. Jean-Marc Todeschini. Quand ?
Mme Valérie Pécresse, ministre. À partir de cette année ! (Non ! sur les travées du groupe socialiste-EELV.)
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Pas du tout !
Mme Valérie Pécresse, ministre. Vous savez bien qu’il y a un décalage de trésorerie ! Nous avons évoqué ce sujet avec Mme Bricq à propos de la réforme de la fiscalité des dividendes qu’elle a proposée. Ce décalage est lié au fait que le bouclier fiscal, qui est fonction de l’impôt de l’année dernière, doit encore jouer cette année : on ne peut pas changer les règles du jeu en cours de route !
M. Jean-Marc Todeschini. Ce sont toujours les mêmes qui en profitent !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Cela représente 2 milliards pour les riches !
Mme Valérie Pécresse, ministre. Je ne doute pas que vous aimeriez le supprimer d’un trait de plume, quitte à faire fi des engagements pris par l’État à l’égard des contribuables !
Mme la présidente. La parole est à M. Philippe Dominati, pour explication de vote.
M. Philippe Dominati. Depuis que je suis parlementaire, je dépose chaque année, au cours de la discussion budgétaire, quatre amendements, dont l’un, radical, tendant à supprimer l’ISF.
Je ne l’ai pas fait cette année, me doutant que la discussion budgétaire serait suffisamment perturbée sans cela par un certain nombre d’initiatives et que le texte du projet de loi de finances issu des travaux du Sénat serait probablement modifié par l’Assemblée nationale.
Néanmoins, il n’est plus à démontrer que l’ISF n’est pas un impôt pertinent. Nombre de gouvernements de tendance socialiste ou social-démocrate, en Europe, ont d’ailleurs supprimé cette taxe ridicule. La France est l’un des derniers pays à la maintenir.
Contrairement à ce que vous affirmez, madame Lienemann, nombre de nos compatriotes redevables de l’ISF, notamment des entrepreneurs, ont quitté la France et résident désormais dans d’autres pays européens. L’assiette de l’ISF n’est pas seulement constituée de biens immobiliers.
Je regrette finalement de ne pas avoir déposé, cette année encore, d’amendement visant à supprimer l’ISF…
M. Jean-Marc Todeschini. Ça nous manque !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Il n’ose pas…
M. Philippe Dominati. Il va de soi que je ne voterai pas l’amendement n° I-50 rectifié.
Mme la présidente. La parole est à M. François Marc, pour explication de vote.
M. François Marc. Monsieur Dominati, les gouvernements socialistes qui avaient supprimé l’impôt sur la fortune l’ont rétabli ensuite. Dans un contexte de crise, il faut savoir faire appel à la solidarité de ceux qui peuvent contribuer davantage.
Madame la ministre, la France saigne et sa situation budgétaire est épouvantable. Or vous privez le budget national de 1,9 milliard de recettes : comment pouvez-vous justifier cela ?
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Par un tour de passe-passe !
M. François Marc. En tant que ministre du budget, vous avez la responsabilité d’équilibrer les comptes ! Il n’est pas acceptable de relever le seuil de l’ISF, c’est pourquoi nous devons revenir au dispositif qui était en vigueur avant le mois de juin dernier, comme nous le proposent les auteurs de l’amendement n° I-50 rectifié.
Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre.
Mme Valérie Pécresse, ministre. Monsieur Marc, vous reconnaissez – je le note avec satisfaction – que la perte de trésorerie liée à la réforme de l’ISF ne jouera que pour l’année 2012,…
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Mais c’est une année très importante !
Mme Valérie Pécresse, ministre. … et non pour les dix années à venir, comme l’a affirmé Mme Lienemann !
Cela signifie que, à partir de 2013, cette perte de trésorerie sera entièrement compensée. (M. François Marc manifeste son désaccord.)
M. Jean-Marc Todeschini. Mais non !
Mme Valérie Pécresse, ministre. En outre, les foyers les plus aisés devront supporter 1,9 milliard d’euros de prélèvements supplémentaires en 2012 : la hausse des prélèvements sociaux sur les revenus du patrimoine représentera un surcroît de recettes de 700 millions d’euros, versés par les 5 % de foyers les plus aisés ; le relèvement du taux marginal de l’impôt sur le revenu à 41 % produira 230 millions d’euros ; l’augmentation de 18 % à 19 % du taux du prélèvement forfaitaire libératoire devait rapporter 265 millions d’euros, mais puisque ce taux sera finalement porté à 24 %, la recette supplémentaire sera de 600 millions d’euros ; la contribution exceptionnelle sur les hauts revenus sera acquittée par 5 000 foyers fiscaux, pour un montant de 400 millions d’euros ; la réforme des plus-values immobilières, avec un doublement de la période de détention nécessaire à leur exonération, portée à trente ans, rapportera 310 millions d’euros pour les plus-values immobilières supérieures à 250 000 euros, qui représentent 15 % de l’ensemble…
Au total, je le répète, le Gouvernement demandera aux ménages les plus aisés de verser 2,2 milliards d’euros d’impôts supplémentaires en 2012. Cette somme fait largement plus que compenser la perte de trésorerie que vous évoquez !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Ces mesures compensent les cadeaux offerts aux plus riches ! L’opération est donc nulle !
M. Jean-Marc Todeschini. Et on prend une journée de salaire de plus à celui qui tombe malade !
Mme la présidente. La parole est à Mme Marie-France Beaufils, pour explication de vote.
Mme Marie-France Beaufils. Madame la ministre, les mesures que vous avez énumérées ne feront que compenser le cadeau que vous avait consenti aux contribuables les plus aisés en relevant le seuil de l’ISF ! Dans ces conditions, il s’agira d’une opération blanche !
Mme Marie-Noëlle Lienemann. Exact !