M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Marie-Luce Penchard, ministre auprès du ministre de l'intérieur, de l'outre-mer, des collectivités territoriales et de l'immigration, chargée de l'outre-mer. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, il me revient ce soir de vous présenter, pour la troisième année consécutive, le budget de la mission « Outre-mer », au titre du projet de loi de finances pour 2012.
Je voudrais tout d'abord remercier les différents rapporteurs : MM. Doligé et Patient, pour la commission des finances, MM. Cointat et Desplan, pour la commission des lois, M. Larcher, pour la commission de l’économie, M. Vergoz, pour la commission des affaires sociales.
Avant de présenter le budget de la mission outre-mer, je crois bon de rappeler que l’année 2011 a permis la concrétisation à la fois de la loi pour le développement économique des outre-mer et des décisions du Conseil interministériel de l’outre-mer du 6 novembre 2009. Je me suis d'ailleurs récemment rendue dans plusieurs départements pour m’assurer de la réalité de l’application de ces mesures.
Le conseil des ministres du 26 octobre dernier, consacré en grande partie à l’outre-mer, a été l’occasion de rappeler ces avancées.
Revenons au budget pour 2012, car je voudrais répondre aux diverses interrogations qui sont formulées à son égard et le replacer dans son contexte.
Comme vous le savez, face à la crise que traverse notre pays, le Gouvernement a fait le choix d’une politique de vérité qui passe par la réduction des déficits publics.
Le ministère de l’outre-mer prend comme les autres sa part à cet effort collectif. Toutefois, j’ai veillé à préserver – monsieur Magras, je vous remercie de l’avoir rappelé – les priorités en faveur du logement, du développement économique, de l’emploi ainsi que de la continuité territoriale.
De même, le soutien apporté par l’État aux collectivités ultramarines dans leur politique d’aménagement du territoire et dans la prise en compte de leurs spécificités ne sera pas affecté. Je respecterai les engagements pris à leur égard.
Je mettrai en exergue trois observations.
Premièrement, ce budget permet de poursuivre en 2012 les principaux engagements pris pour l’application de la LODEOM et du CIOM car la contribution à l’effort national a été bâtie de manière ciblée et équilibrée.
Deuxièmement, le niveau des crédits de paiement mis à disposition de la mission « Outre-mer » se situe en 2012 à un niveau satisfaisant puisqu’il est quasi identique à celui de 2011.
Troisièmement, l’augmentation du taux réduit de TVA annoncée par le Premier ministre ne concernera pas les territoires ultramarins, où, vous le savez, cette taxe s’applique à un taux compris entre 0 % et 2,1 %. Cela répond au souci légitime de préserver les PME, qu’a souligné Mme Farreyrol.
À ce sujet, je fais également observer que l’avantage lié à l’abattement de 30 % de l’impôt sur les sociétés – portant, je le rappelle, sur les deux tiers du bénéfice – ne concerne en réalité que 7 % des entreprises. Monsieur Cornano, le problème ne se pose pas à Marie-Galante puisque la LODEOM permet qu’y soit maintenu un abattement de 100 %.
Au-delà de ces précisions, je voudrais mettre à profit cette intervention pour revenir sur la mise en application de la LODEOM et sur plusieurs mesures importantes du CIOM. Je crois, en effet, que rendre compte à la représentation nationale, non seulement des moyens d’une politique publique, mais aussi de ses conséquences concrètes, est un exercice salutaire.
S’agissant de la LODEOM, des interrogations ont été soulevées dans plusieurs rapports remis en 2010. Je voudrais leur apporter les réponses suivantes.
En 2011, les derniers décrets de la LODEOM ont été pris, notamment celui concernant la rénovation hôtelière. L’entrée en vigueur de l’ensemble de ces décrets a produit tout au long de l’année des effets positifs sur nos économies ultramarines.
Je pense, par exemple, à la prime « bagasse », qu’on oublie trop souvent, alors qu’elle a donné un nouveau souffle à la filière de la canne à sucre. La publication du décret a ainsi permis que plus de 50 millions d’euros soient versés aux planteurs de canne de la Réunion et de la Guadeloupe sur les campagnes 2010 et 2011 !
S’agissant de l’usine de Marie-Galante, monsieur Cornano, je rappelle que les élus ne se sont pas encore, pour l’heure, mis d’accord sur le type de restructuration à retenir pour le projet d’une usine bagasse-charbon et que l’État attend depuis des mois qu’ils adoptent une position à ce sujet.
Je pense aussi à la création des zones franches d’activité, destinées à favoriser le développement endogène des départements et régions d’outre-mer. Vous le savez, ces zones franches permettent aux entreprises des secteurs moteurs de l’économie de bénéficier d’un abattement de 80 % de l’impôt sur les sociétés ainsi que sur les taxes foncières sur les propriétés bâties et non bâties, voire d’un abattement de 100 % sur la contribution économique territoriale.
Quels sont les résultats ?
Dès 2010, cette mesure a contribué au développement des secteurs prioritaires, comme l’agro-alimentaire. Savez-vous que le montant des dépenses fiscales résultant de ces nouveaux dispositifs est aujourd’hui estimé à 75 millions d’euros et que plus de 4 200 entreprises en sont bénéficiaires ?
À titre d’exemple, plus de 330 entreprises de la Martinique en ont bénéficié, au titre de l’impôt sur les sociétés de l’exercice 2009, et 2 000 emplois ont été directement soutenus. Je citerai le cas de cette entreprise de construction de Fort-de-France qui a pu conserver ses 45 salariés grâce à une économie d’impôt de 150 000 euros.
Mesdames, messieurs les sénateurs, dans le cadre du plan de réduction des déficits, une nouvelle réduction des avantages fiscaux liés à une vingtaine de niches fiscales – dont fait partie la réduction d’impôt sur le revenu pour les investissements productifs outre-mer – est prévue pour cette année.
Cependant, comme l’année dernière, le Gouvernement a proposé de préserver l’avantage fiscal qui est rétrocédé à l’exploitant ultramarin. Cette décision est, bien sûr, destinée à préserver l’investissement outre-mer, ce qui est indispensable dans le contexte que nous connaissons.
S’agissant des mesures du CIOM, je n’y insisterai pas, car j’ai déjà eu l’occasion de les détailler à l’occasion d’une communication sur ce thème lors du conseil des ministres du 26 octobre dernier.
Nous en sommes à 442 millions d’euros en autorisations d’engagement, ce qui, monsieur le rapporteur Patient, est très loin des 13 millions d’euros que vous avez évoqués !
Vous avez été plusieurs à m’interroger sur l’évaluation de ces mesures. Je voudrais simplement vous rappeler qu’il existe maintenant une commission d’évaluation des politiques outre-mer, composée à parité de députés et de sénateurs, conformément à la décision prise lors de l’adoption de la LODEOM, qui fera l’objet d’un rapport d’étape en 2012. Cette commission doit désormais être saisie pour évaluer à la fois les décisions du CIOM ou les dispositions prises dans le cadre de la LODEOM.
Ce que je tiens à dire aujourd'hui devant la représentation nationale, c’est que le budget de l’outre-mer conservera en 2012 ses capacités d’intervention, en particulier sur les deux priorités que sont le logement et l’emploi.
L’engagement du Gouvernement pour le logement outre-mer, en particulier pour le logement social, est en constante augmentation depuis 2007.
Mesdames, messieurs les sénateurs, malgré un contexte budgétaire difficile, je le rappelle, les autorisations d’engagement de la LBU restent sanctuarisées à hauteur 274,5 millions d’euros. La LBU demeure, je le répète, le socle du financement du logement social outre-mer.
Quant à la défiscalisation du logement social, elle est un vrai succès. Ce n’est pas moi qui le dis : ce sont les bailleurs sociaux, qui l’ont souligné lors du congrès de l’Union sociale pour l’habitat du 27 septembre dernier. Modifier aujourd’hui les conditions de cette défiscalisation fragiliserait les bailleurs sociaux d’outre-mer, au moment même où la production s’accroît sensiblement. D’une certaine manière, remettre en cause la défiscalisation, c’est porter atteinte aux économies ultramarines.
Ainsi, deux mois avant la fin de l’exercice de 2011, les indicateurs à notre disposition au 31 octobre 2011 sont très encourageants pour le logement social.
Le point de programmation fait apparaître que 7 500 logements locatifs sociaux sont financés en 2011, contre 6 200 en 2010. L’augmentation sur cinq ans est de 53 %. Sur ces 7 500 logements, 4 200 sont financés par le recours à la défiscalisation, ce qui démontre que les outils de suivi existent. Cela confirme bien l’effet de levier que constitue la défiscalisation pour la LBU.
Ces chiffres montrent que, contrairement à certaines affirmations, c’est bien la LBU qui est le moteur de la production de logements sociaux, et non la défiscalisation.
Vous m’avez également interrogée sur la création du GIP destiné à régler le problème des titres fonciers. Après une mission de préfiguration sur le périmètre d’intervention du GIP, les collectivités régionales ont été consultées au mois d’octobre. Nous restons en attente de leur décision afin de poursuivre sur ce point.
Je rappelle en outre que la cession gratuite des terrains de l’État a été décidée non par la LODEOM en 2009 mais par un amendement adopté l’année dernière en loi de finances. Le décret a été rédigé et examiné par le Conseil d’État le 25 octobre 2011 ; il est en cours de signature au ministère de l’économie, et je serai amenée à le signer très prochainement.
Je voudrais aussi évoquer les nouveaux dispositifs de la loi relative à la lutte contre l’habitat indigne dans les départements et régions d’outre-mer. Cette loi a apporté une réponse globale à la question des occupants sans titre. Elle peut aussi accélérer le déblocage de plusieurs opérations d’aménagement, notamment en Martinique et en Guyane. L’action publique s’est donc adaptée pour mieux répondre à la diversité des situations d’insalubrité et de péril que l’on rencontre dans plusieurs territoires ultramarins.
Je relève, dans le même registre, le renforcement du volet outre-mer du prochain programme de l’Agence nationale pour la rénovation urbaine, l’ANRU, pour la période 2014-2020, au sein duquel la lutte contre l’habitat indigne occupera une place importante.
Je me félicite à cet égard de l’adoption, le 2 novembre dernier, d’un amendement autorisant la mobilisation du fonds Barnier dans la limite de 5 millions d’euros par an pour financer les frais de démolition dans les quartiers insalubres et confrontés à des risques naturels. Je vous informe que l’arrêté fixant les barèmes ainsi que la circulaire seront pris d’ici à la fin de l’année.
L’autre priorité de ce budget, cela ne vous surprendra pas, concerne l’emploi et la formation.
Les enveloppes supplémentaires dédiées au SMA sont en cohérence avec l’objectif de doublement du nombre de stagiaires. Les crédits de 2012 permettront de réhabiliter les infrastructures, de construire des bâtiments, de moderniser les moyens de formation et d’améliorer l’encadrement dont bénéficient ces jeunes.
En 2011, le SMA a offert 4 000 places de stage, soit 1 100 de plus qu’en 2010. À la fin de l’année 2012, nous devrions atteindre 5 000 places de stage. Le taux d’insertion, malgré la crise, s’est tout de même maintenu à un niveau remarquable puisqu’il a été de 75 % en 2010 et que l’on devrait atteindre 78 % en 2011. Nous continuerons en 2012 sur la base d’objectifs aussi élevés.
Monsieur Laufoaulu, nous n’oublions pas le SMA de Futuna : la réalisation du projet est décalée dans le temps, mais celui-ci n’est pas supprimé.
Par ailleurs, pour renforcer cette cohérence d’action, j’ai souhaité la création d’un conseil du SMA, constitué de vingt membres de haut niveau qui renforceront les liens avec tous les partenaires concernés par l’insertion des jeunes.
Mais la formation professionnelle de nos jeunes ne se résume pas au SMA, même si ses résultats sont excellents. L’emploi et la formation professionnelle sont également soutenus au travers de la contribution des entreprises bénéficiaires des zones franches, conformément à la disposition qui avait été votée au sein de la LODEOM.
Le fonds exceptionnel pour la jeunesse a ainsi collecté près de 2,5 millions d’euros au profit de l’outre-mer en 2010. Il favorise l’émergence de multiples projets permettant l’implication des jeunes dans des domaines aussi sensibles que l’accès aux soins ou encore l’insertion professionnelle par la valorisation des ressources locales, tant culturelles que naturelles.
En matière de formation, je voudrais rassurer M. Gillot : comme je m’y étais engagée l’année dernière, l’Institut de formation continue dans l’action sociale, l’IFCAS, n’est pas voué à disparaître puisqu’il bénéficie des crédits de fonctionnement dont il a besoin au titre de la scolarité pour 2012.
Quant aux projets de prévention de l’illettrisme, ils se multiplient sur le terrain, comme j’ai pu le constater récemment en Guyane et en Martinique.
J’ajoute que les contrats aidés font partie intégrante de notre politique de l’emploi outre-mer, même si les financements correspondants ne figurent pas au sein de la mission. Ils constituent, en effet, une réponse conjoncturelle à la crise que nous traversons.
À travers cette politique, le Gouvernement a bien pris en compte les besoins de nos concitoyens, de même que le taux de chômage élevé des départements d’outre-mer. Le nombre de contrats aidés a ainsi été porté à 52 270 pour 2011 contre 46 900 en 2010, soit une augmentation de près de 12 % par rapport à l’année passée. Ces contrats représentent aussi plus de 9 % du total national.
Je me souviens des interrogations, des questions d’actualité ou même des critiques formulées sur les enveloppes consacrées à cette politique. Nous constatons, huit mois plus tard, que cette politique de solidarité a profité en priorité à l’outre-mer.
S’agissant de la continuité territoriale et de la formation en mobilité, qui favorisent directement l’emploi, le dispositif d’aide prévu par la LODEOM est entré en vigueur dans l’ensemble des territoires.
Comme je m’y étais engagée, un premier bilan d’exécution a été réalisé et je peux d’ores et déjà vous affirmer que cette politique fonctionne. Sur les neuf premiers mois de l’année 2011, près de 100 000 unités de voyage ont été délivrées au titre de la continuité territoriale.
Souvenez-vous : l’objectif était de mieux contrôler ce dispositif et d’introduire des critères de ressources pour l’allocation des aides. Les résultats sont là et notre dispositif est beaucoup plus juste. Ce sont bien nos compatriotes dont les ressources sont les plus faibles qui sont ciblés en priorité. Ainsi, plus de 50 % des aides distribuées le sont au taux majoré, donc au bénéfice des titulaires des revenus les plus faibles, et 70 % des aides délivrées au titre de la mobilité étudiante le sont à des étudiants boursiers.
Dès lors, je persiste à dire que la mise en œuvre de la continuité dans l’ensemble des départements et territoires est plus large et plus équitable aux termes de ce nouveau dispositif.
M. Michel Vergoz, rapporteur pour avis. Il n’y a pas de continuité !
Mme Marie-Luce Penchard, ministre. La LODEOM avait prévu que les collectivités pourraient s’associer à cette démarche. Je tiens à souligner que, là où les régions ont joué le jeu de la complémentarité avec le dispositif de l’État, ce dispositif est particulièrement efficace puisque nous avons délivré plus de bons. Je pense en particulier à la Réunion, sous l’impulsion de Didier Robert, le président du conseil régional, qui a accepté ce partenariat avec nous.
Il est vrai que le bilan fait également apparaître des domaines où le dispositif est plus long à se mettre en place. Conformément à l’engagement que j’avais pris, je proposerai dans les prochains mois des mesures de correction, en particulier pour les collectivités du Pacifique.
Concernant les crédits du programme 138 consacrés à la compensation des exonérations de charges sociales, je voudrais rappeler que la réduction du coût du travail outre-mer est inscrite dans une politique désormais ancienne de compensation des handicaps structurels.
Elle vise à favoriser l’emploi durable et à réduire le travail dissimulé. Le rapport de l’Inspection générale des finances mentionne que plus de 36 000 emplois ont été créés en application de cette mesure, ce qui n’est pas négligeable.
Pour 2011, le montant versé aux organismes de sécurité sociale s’élève à 1 087 millions d’euros, correspondant à l’intégralité de leurs besoins de cette année et permettant la quasi-extinction de la dette antérieure. Donc, contrairement à ce qui a été indiqué, la dette n’augmentera pas : elle diminue. En outre, pour 2012, le montant inscrit dans le projet de loi de finances correspond aux besoins estimés par les organismes de sécurité sociale.
Je sais aussi que le développement économique et social des outre-mer passe par une politique d’investissement propre à chaque collectivité territoriale.
Ces investissements découlent en grande partie des programmations contractuelles entre l’État et les collectivités. Je pense notamment aux contrats de projet et aux contrats de développement, qui permettent d’accompagner des territoires. En particulier, un territoire comme Saint-Pierre-et-Miquelon, madame Claireaux, ne peut surmonter ses handicaps sans l’aide de l’État, qui apporte plus de 20 millions d’euros dans le seul contrat de développement.
À cet égard, l’année 2011 a été l’occasion de réviser à mi-parcours ces programmations, de les ajuster, de retirer les projets en panne et d’ajouter de nouvelles initiatives, le tout à enveloppe constante. Ce travail a été fait, et je crois qu’il a été bien fait, dans chacune des régions.
Le volume des crédits prévus pour le financement des contrats de projet et de développement des territoires permettra d’atteindre un taux d’exécution comparable à celui des contrats de projet en métropole, et supérieur à celui de la génération précédente.
En ce qui concerne la Nouvelle-Calédonie, la promesse du Premier ministre de maintenir l’engagement financier de l’État à hauteur de 370 millions d’euros pour le futur contrat de développement 2011-2015 a été tenue. Avec les montants complémentaires apportés par les opérateurs de l’État - l’ADEME, l’Association française des ingénieurs et techniciens de l’environnement, l’Office national de l’eau et des milieux aquatiques, l’Agence nationale de la recherche –, une enveloppe de 400 millions d’euros a au total été mobilisée par l’État.
Je rappelle l’engagement récent du Gouvernement en Nouvelle-Calédonie d’apporter 7 millions d’euros supplémentaires pour accélérer la mise en place d’un programme expérimental de relogement sur site et de requalification de l’habitat spontané dans la Province Sud. J’ai eu l’occasion de visiter le site concerné.
J’avais en effet été très sensible, l’an dernier, aux propos de Pierre Frogier, qui souhaitait que l’on réponde aux attentes d’une jeunesse nombreuse et en mal d’avenir. Je le remercie d’avoir rappelé l’engagement fort et constant de l’État au côté de la Nouvelle-Calédonie durant ces cinq dernières années.
S’agissant de la Province Sud, monsieur le sénateur, je mesure les charges que supporte aujourd’hui votre collectivité en raison de l’attractivité du Grand Nouméa et des problématiques sociales.
Je voudrais dire quelques mots sur le Fonds exceptionnel d’investissement, le FEI.
La volumétrie du FEI sera en augmentation en 2012. Cette volumétrie permettra de faire face à ces échéances et de programmer de nouvelles opérations, comme les investissements nécessaires à la filière de la pêche à Saint-Pierre-et-Miquelon que j’ai annoncés lors de mon dernier déplacement. Le FEI sera doté de 17 millions d’euros d’autorisations d’engagement et de 19 millions d’euros de crédits de paiement.
De façon plus spécifique, je voudrais mentionner des mesures relatives à certains territoires en particulier parce qu’elles répondent à un véritable besoin d’accompagnement.
En Polynésie française, la réforme de la dotation globale de développement économique, la DGDE, a connu sa première année d’application. Je crois, monsieur Tuheiava, que ce dispositif respecte l’autonomie de la Polynésie et met l’accent sur le développement du territoire, en assurant la transparence et le contrôle des fonds publics.
Toutefois, le contexte économique de l’archipel reste préoccupant, vous le savez bien, monsieur le sénateur. En effet, le retour de la confiance parmi les chefs d’entreprise et les investisseurs potentiels s’accommode mal de l’agitation idéologique qui tend à présenter la relation entre la France et la Polynésie française comme un rapport de colonisation auquel il conviendrait de mettre un terme.
Je souhaite également revenir sur la transformation de Mayotte en département, laquelle est devenue effective le 31 mars dernier, respectant ainsi la volonté exprimée par 95 % de la population de Mayotte et l’engagement pris par le chef de l’État.
Ce territoire connaît des tensions sociales sur le thème du pouvoir d’achat. Après une première phase de négociation, conduite par le préfet à ma demande, et à l’issue du déplacement que j’ai effectué le 14 octobre dernier, un protocole d’accord a été signé entre les distributeurs, une organisation syndicale et une association de consommateurs, permettant la baisse immédiate des prix de dix produits.
Le reste de l’intersyndicale n’a pas souhaité participer à cet accord, ce qui m’a conduite à prendre de nouvelles initiatives : j’ai envoyé sur place un expert des questions de concurrence, M. Stanislas Martin, chef de service de la DGCCRF, la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes. Son travail a permis d’objectiver le mode de formation des prix de quelques produits très importants pour les Mahorais, en particulier la viande de bœuf.
Sur ce fondement, j’ai demandé à mon ancien directeur de cabinet, ancien préfet de Mayotte, M. Denis Robin, de poursuivre la médiation. Les distributeurs ont alors proposé de faire de nouveaux efforts, en particulier sur la durée de validité des baisses de prix. C’est ce travail qui a conduit l’intersyndicale à suspendre son mouvement.
Il appartient maintenant à toutes les forces vives de Mayotte de faire redémarrer l’économie locale, qui est en souffrance. À cet effet, j’ai réuni à Paris, il y a quarante-huit heures, les principaux élus mahorais, toutes tendances confondues. J’ai clairement indiqué que l’État était prêt à débloquer immédiatement 50 millions d’euros sur les crédits de la mission « Outre-mer » ouverts en 2012 afin de stimuler la commande publique.
Pour contourner les problèmes de cofinancements publics qui bloquent souvent les projets, certaines opérations prioritaires et prêtes à démarrer au premier trimestre de 2012 seront financées, mesdames, messieurs les sénateurs, à 100 % par l’État.
Ce qui est important, c’est de donner très vite une impulsion significative afin, d’une part, de sauver les emplois menacés – il y en a plus de 2 000 – et, d’autre part, de réaliser des investissements publics utiles à la population. Je pense bien sûr à la réhabilitation des routes – il y a beaucoup à faire dans ce domaine –, à la construction de logements, à l’adduction d’eau potable, au traitement des déchets et, bien évidemment, à la construction de nouvelles écoles.
Nous redoublerons aussi d’effort pour développer la production locale et nous aiderons au cas par cas les entreprises en difficulté.
Enfin, nous poursuivrons bien entendu le processus de départementalisation, car il est le meilleur gage de la progression du pouvoir d’achat des Mahorais. Nous avons d’ailleurs acté avant-hier la mise en place d’une instance de suivi, qui se réunira au moins une fois par an pour faire le point des avancées, mais aussi sur les blocages.
Ainsi, dans la suite des deux lois que vous avez votées en fin d’année dernière, le Gouvernement prépare actuellement quatre ordonnances permettant le rapprochement du droit commun. L’une d’elles, particulièrement attendue parce qu’elle concerne la mise en place du RSA à Mayotte, a été présentée en conseil des ministres hier. Son financement est prévu dans le projet de loi de finances que vous examinez actuellement. En année pleine, ce sont près de 16 millions d’euros de revenus nets supplémentaires qui devraient être apportés à Mayotte au titre de la solidarité nationale.
Au total, l’ensemble des crédits d’État pour le territoire, monsieur Soilihi, s’élève à 714 millions d’euros en autorisations d’engagement et à 674 millions d’euros en crédits de paiement, soit une progression de 3,2 % des autorisations d’engagement et de 1,5 % des crédits de paiement.
Sachez, monsieur le sénateur, que, depuis 2007, la dépense de l’État par habitant a progressé sur ce territoire de 68 %, passant de 2 157 euros à 3 614 euros !
J’espère, mesdames, messieurs les sénateurs, vous avoir convaincus que Mayotte n’est pas le parent pauvre de la République, comme certains l’ont laissé entendre au plus fort de la contestation sociale !
M. Christian Cointat. Très bien !
Mme Marie-Luce Penchard, ministre. Mesdames, messieurs les sénateurs, la critique est légitime. Elle est même la raison d’être de l’opposition, voire de la majorité, et participe du débat démocratique auquel je suis profondément attachée. Toutefois, quel crédit accorder à ce déversement continu de critiques inégales et contradictoires ?
Nul ne conteste, surtout pas moi, les difficultés conjoncturelles et structurelles auxquelles font face nos outre-mer.
M. Michel Vergoz. Il y en a tout de même qui n’hésitent pas à le faire !
Mme Marie-Luce Penchard, ministre. Nul ne conteste que, en outre-mer, les retards de développement, le chômage, le coût de la vie, notamment, frappent durement nos concitoyens les plus fragiles.
M. Michel Vergoz. Enfin ! Enfin, vous le reconnaissez !
Mme Marie-Luce Penchard, ministre. Comment nous faire croire, pourtant, que l’État serait le seul à pouvoir relever ces défis ? Quelle part prennent les collectivités ultramarines alors même qu’elles sont les plus décentralisées de la République ? (Vives exclamations sur les travées du groupe socialiste-EELV.)
M. Michel Vergoz. Elles sont exsangues à cause des mesures que vous avez prises !
Mme Marie-Luce Penchard, ministre. Je ne remets pas en cause l’engagement des élus, mais je crois avant tout à la solidarité et à la collaboration de tous les niveaux d’administration.
Plus fondamentalement, ce qui nous sépare, c’est une certaine idée de l’outre-mer.
En effet, la crise va conduire, nous le savons tous, à une réduction des dépenses publiques.
Il ne faut pas refuser de prendre en compte les conséquences de la crise. Il faut au contraire s’en saisir, car elles constituent une chance d’évoluer, enfin, vers un autre modèle économique, qui ne reposerait plus uniquement sur les transferts publics, mais qui permettrait de tirer la croissance à partir des potentiels de nos territoires.
M. Michel Vergoz. Vous n’êtes tout de même pas, vous aussi, en train de nous dire que nous sommes des assistés ?