Mme Maryvonne Blondin. Eh oui !
Mme Catherine Morin-Desailly. Or, pour ce commerce de détail, la rentabilité moyenne n’est que de 0,3 % du chiffre d’affaires. Ainsi, les libraires devront demain absorber sur leur marge la hausse de la TVA, ce qui représente un risque réel sur les millions de livres qu’ils ont en stock. Cela aboutira à diminuer la valeur de leur stock de 1,5 % et à faire passer leur bénéfice de 0,3 % du chiffre d’affaires en moyenne à moins de 0,2 %. La majorité des libraires se trouve donc menacée.
Nous attendons donc la concertation que vous avez annoncée, monsieur le ministre, et le travail commun que vous comptez mener avec les libraires. Nous solliciterons, si besoin est, l’examen d’une clause de revoyure dès le projet de loi de finances rectificative en faveur de ce secteur très spécifique.
J’ai bien entendu vos propos, comme ceux du Président de la République, lors du récent forum d’Avignon, et je crois important de rappeler qu’« investir la culture », thème retenu par le forum cette année, c’est aussi investir dans la culture.
Sous réserve de ces observations, le groupe de l’Union centriste et républicaine votera en faveur de l’adoption des crédits de la mission « Médias, livre et industries culturelles », ayant bien conscience que nous vivons des temps difficiles, où chacun doit prendre ses responsabilités. (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)
M. le président. La parole est à M. André Gattolin.
M. André Gattolin. Monsieur le président, monsieur le ministre, chers collègues, je concentrerai l’essentiel de mon intervention sur les crédits et les aides de l’État en faveur de la presse écrite proposés par le Gouvernement pour l’année 2012. Avant d’entrer dans le vif du sujet, permettez-moi, en préambule, de rappeler quelques fondamentaux qui sont, à mon sens, susceptibles d’éclairer nos débats.
Pourquoi aide-t-on la presse écrite ? La question est abrupte, mais elle n’en est pas moins nécessaire. Après tout, d’un point de vue un peu simpliste, on pourrait tout simplement considérer que, les entreprises de presse écrite relevant toutes du secteur privé, il n’y a pas, dans l’absolu, de raison de leur accorder des aides publiques.
De fait, c’est tout de même cette logique qui prévaut aujourd’hui en matière d’aides au secteur des médias. Les engagements directs ou indirects de l’État à l’égard de la presse écrite ne représentent en volume que le quart des engagements publics envers l’audiovisuel, ceux-ci s’orientant quasi essentiellement vers les chaînes publiques.
Si l’on se place d’un point de vue moins idéologique et plus historique au regard des pratiques de notre pays en matière de politique publique, que constate-t-on ? On constate que la presse écrite, depuis la Révolution française, a toujours fait l’objet d’aides de l’État, notamment d’aides postales, et que celles-ci se sont renforcées et diversifiées au XXe siècle, après l’adoption de la loi Brachard de 1935 et plus encore après la Libération.
Nous aidons la presse écrite, parce que sa richesse et son pluralisme constituent une condition sine qua non de l’existence d’une vie démocratique pleine et effective dans notre société. Bien que de statut privé, les titres de presse remplissent, dans leur diversité et par leur pluralisme, une mission de service public à l’endroit de nos concitoyens.
Le problème aujourd’hui est que la presse écrite, en particulier la presse d’information générale, va mal et même très mal. France-Soir s’apprête à quitter définitivement les kiosques, et près d’une demi-douzaine de quotidiens régionaux se portent mal aujourd'hui. Enfin, last but not least, le quotidien La Tribune vient d’être placé en redressement judiciaire : 160 emplois sont en jeu, dont 80 emplois de journalistes.
La question est fondamentale puisque l’on risque de voir disparaître des kiosques, dans les mois qui viennent, deux quotidiens nationaux parmi la petite dizaine de titres que compte notre pays. La presse économique quotidienne se compose aujourd'hui de deux titres, et l’un d’eux risque de disparaître, au grand dam de la liberté d’expression et du pluralisme.
On l’a peu noté, mais c’est pourtant un signal majeur de la dégradation de la qualité globale de notre système d’information : pour la première fois en France depuis la Libération, le nombre de titulaires de la carte de presse, autrement dit de journalistes professionnels, a diminué en 2010. Cette baisse n’est pas conjoncturelle, elle est tendancielle : il y a à peine 35 000 journalistes professionnels en France, contre dix fois plus aux États-Unis et plus du double en Allemagne. Rapportés à la population de chacun de ces deux pays, ces chiffres soulignent le déficit inquiétant dont souffre aujourd'hui la France dans le concert désormais mondialisé de l’information.
Le nombre de journalistes, tous médias confondus, officiant dans le domaine de l’information générale, politique et internationale a encore plus fortement chuté.
Ce qui coûte le plus dans une rédaction, c’est l’information internationale de qualité, c’est-à-dire le fait de disposer de correspondants en poste à l’étranger. C’est là, malheureusement, qu’ont lieu aujourd'hui de nombreuses réductions d’effectifs. C’est pourtant ce qui permet à nos concitoyens, avec l’AFP, de disposer d’informations indépendantes des flux de dépêches dispensés, souvent à bas prix, par les agences de presse anglo-saxonnes.
Pour faire face à la concurrence accrue qui se développe aujourd'hui entre les supports – de plus en plus nombreux, alors qu’il y a de moins en moins de journalistes –, on diffuse une information low cost, de seconde ou de troisième main, non seulement sur les réseaux, mais parfois aussi dans les colonnes de nos titres les plus prestigieux.
La presse écrite va mal. De quoi souffre-t-elle et comment peut-on mieux l’aider ?
Elle souffre, car ses deux principales ressources financières – la diffusion payée et la publicité – sont en net recul. Les recettes publicitaires de la presse, particulièrement celles de la presse d’information générale, déclinent structurellement en France depuis de nombreuses années, notamment du fait de l’apparition de nombreux titres gratuits, non seulement dans la presse, mais également à la télévision et à la radio, compte tenu de l’émergence d’internet au début des années 2000.
Au sein du secteur global des médias, la télévision tire plutôt bien son épingle du jeu, mais c’est la presse écrite qui paie les pots cassés.
À l’intérieur même du marché de la presse écrite, c’est la presse magazine thématique qui capte aujourd'hui la majorité des ressources publicitaires. Souvent en assez bonne santé financière, ces magazines spécialisés emploient relativement peu de journalistes et produisent globalement assez peu d’information générale. Ils bénéficient néanmoins du taux préférentiel de TVA à 2,1 % appliqué indistinctement à la presse.
Les quotidiens payants en France ne tirent en moyenne qu’à peine 30 % de leurs revenus de la publicité. C’est la principale raison pour laquelle un quotidien en France coûte si cher par comparaison au prix d’un magazine. Cela a naturellement un impact direct sur le niveau de diffusion des journaux en France.
La principale ressource de la presse écrite d’information générale, celle de la diffusion payée, ne cesse de se dégrader, mettant ainsi en danger certains fleurons de notre presse nationale.
Pour toutes ces raisons, il est indispensable de soutenir la presse, et plus particulièrement la presse d’information générale, mais il faut le faire avec plus de discernement qu’aujourd’hui.
En la matière, le projet de budget pour 2012 est bien pingre, notamment en matière d’aides directes, lesquelles sont en recul de 6,4 % par rapport à l’année passée. Surtout, dans ses actions et dans ses modes d’intervention, il est bien mal adapté à la nature et à l’ampleur des défis à relever.
On m’objectera que ce budget est en baisse, parce que s’achève cette année le plan de trois ans lancé à la suite des états généraux de la presse de 2008. Mais, dans un secteur de l’économie en très profonde mutation, a-t-on le droit de retirer notre soutien stratégique au moment où la situation empire ?
Pourquoi opère-t-on une coupe de 34 % des aides au portage, alors que cette aide a produit des effets si prometteurs ces deux dernières années ? Il reste pourtant tant à faire dans ce domaine, au moment où le réseau des diffuseurs de presse ne cesse de se réduire.
En matière de portage, la politique d’aide du Gouvernement s’inscrit dans une logique, à mon sens très dommageable, de « stop and go » : on lance, on arrête, on lance, on arrête... Je rappelle que l’action publique en faveur du portage a été initiée à la fin des années quatre-vingt-dix. Sur l’initiative de M. Le Guen, le Fonds d’aide à la modernisation de la presse quotidienne et assimilée d’information politique et générale a été créé dans le cadre de la loi de finances pour 1998. Ce fonds est alimenté par un prélèvement de 1 % sur certaines recettes publicitaires du secteur dit « hors médias ». La première année, ce prélèvement avait permis d’affecter près de 50 millions d’euros au fonds de modernisation de la presse de l’époque.
Depuis, j’ai certainement manqué un épisode. C’est pourquoi je souhaiterais, monsieur le ministre, que vous nous expliquiez ce qu’il est advenu de l’affectation budgétaire de cette ressource, qui, logiquement, n’a pu que croître au fil du temps, compte tenu de la progression des ressources observée dans le « hors médias » depuis quinze ans. Je peine à reconstituer l’emploi de cette ressource dans le projet de budget pour 2012, à un moment où l’on nous annonce une baisse de 8 % des aides à la modernisation de la presse.
Compte tenu de la situation financière très délicate de notre pays aujourd'hui, l’heure n’est évidemment pas aux dépenses exagérées, elle est aux investissements d’avenir. Ce qui pose problème dans le budget des aides à la presse pour 2012, c’est précisément son manque de vision stratégique d’ensemble, cohérente et équitable, sur la dépense publique engagée.
Il faut d’abord cesser la pratique malencontreuse du « stop and go » en matière d’aides à la modernisation de la presse. Des mécanismes d’aide plus ciblés, tenant réellement compte des difficultés spécifiques que rencontrent les différents secteurs de la presse, doivent être mis en place en se référant à leur utilité publique en matière de qualité et de diversité de la production journalistique. Cela suppose un effort nettement plus accentué au profit des titres d’information générale, producteurs d’une très forte valeur ajoutée journalistique.
Il faut ensuite davantage aider les entreprises de presse en fonction de la taille de leur rédaction, notamment en fonction de leurs efforts pour développer ou maintenir un réel réseau de correspondants à l’étranger.
Si une partie importante de l’avenir de la presse se joue aujourd'hui sur internet, notons cependant que les ressources dégagées actuellement, grâce à la diffusion payée et aux investissements publicitaires, restent faibles et encore très insuffisantes. Elles ne permettent pas d’équilibrer financièrement ce secteur : le chiffre d’affaires global de la presse sur internet s’élève actuellement à 100 millions d’euros, alors que les fournisseurs d’accès à internet et les opérateurs de téléphonie enregistrent un chiffre d’affaires de 8 milliards d’euros sur la partie digitale de cette activité.
Monsieur le ministre, je vous sais sensible à la protection des droits d’auteur et à la juste rémunération de la copie privée.
La production journalistique fait aujourd’hui l’objet d’un pillage en bonne et due forme, sans pratiquement aucune contrepartie financière. Il est donc urgent d’instaurer un prélèvement de 1 % sur l’abonnement à internet pour financer la création de contenus de presse sur le web.
Avant de conclure, j’aimerais dire qu’il ne nous paraît pas opportun, pour l’instant, de lancer six nouvelles chaînes TNT, le marché publicitaire étant de plus en plus restreint dans ce secteur.
Pour toutes ces raisons, les sénateurs et les sénatrices écologistes, comme leurs collègues socialistes, appellent à voter contre le budget des aides à la presse pour 2012 proposé par le Gouvernement.
M. le président. La parole est à M. Louis Duvernois.
M. Louis Duvernois. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, parler de l’audiovisuel extérieur, c’est insister sur la volonté de notre pays de s’inscrire dans un monde ouvert alors qu’il peut parfois donner l’impression d’une certaine frilosité.
Pour mémoire, la loi du 27 juillet 2010 relative à l’action extérieure de l’État, très largement inspirée par le Sénat, et dont j’ai été le rapporteur au nom de la commission de la culture, de l’éducation et de la communication, a relativisé, contre l’avis de nombre de parlementaires, l’apport de l’audiovisuel extérieur dans la diplomatie publique d’influence contribuant au rayonnement de la France à l’étranger.
En 2008, les pouvoirs publics affirmaient la volonté de réformer l’audiovisuel public extérieur, partant « du constat que la faiblesse de pilotage stratégique de l’État, ajoutée à la multiplicité des tutelles et des sources de financement, conduisait au manque flagrant de cohérence d’une stratégie de communication performante ».
Au cours des trois dernières années se sont succédé des crises à répétition dans les différents médias de l’audiovisuel extérieur, incitant le Parlement à se pencher à nouveau sur les structures opérationnelles mises en place. Il y a d’abord eu la crise sur le statut de TV5 Monde en 2008, puis, en 2010, celle de la fusion entre France 24 et Radio France Internationale et celle de la gouvernance de France 24, cette dernière crise ayant entraîné la démission très médiatisée de la directrice générale déléguée à l’audiovisuel extérieur de la France.
À la demande du Premier ministre, l’Inspection générale des finances a publié au mois de novembre 2011 un rapport sur l’audiovisuel extérieur de la France. L’IGF y révèle notamment des « zones d’incertitudes budgétaires » de 55 millions d’euros pour la période 2011-2013. AEF a en effet anticipé des ressources propres encore hypothétiques. En outre, il a supporté les charges effectives entraînées par la fusion entre France 24 et RFI, par le plan global de modernisation et le financement du plan de sauvegarde de l’emploi, et par la réduction des effectifs fondée sur le départ volontaire des personnels, sans licenciements secs. L’IGF considère aussi que « la gouvernance de l’ensemble du dispositif existant devrait être améliorée » et propose de désigner un ministère de tutelle, chef de file de l’audiovisuel public extérieur.
Comment comprendre, comme je l’ai exprimé lors d’un récent conseil d’administration d’AEF, où je représente le Sénat, que l’Institut français et l’Agence pour l’enseignement français à l’étranger, deux instruments majeurs de diplomatie culturelle et d’influence, relèvent du ministère des affaires étrangères et européennes et que ce ne soit pas le cas de la société nationale de programme en charge de l’audiovisuel public extérieur de la France ?
La tutelle administrative et financière d’AEF a été confiée au ministère de la culture pour éviter des conflits d’intérêts personnalisés au plus haut niveau. Le ministère des affaires étrangères doit retrouver le pilotage politique de l’ensemble du dispositif audiovisuel pour impulser les orientations stratégiques prises au nom de l’État, en concertation naturellement avec d’autres acteurs publics.
Monsieur le ministre, entendez-vous donner suite au souhait du ministère des affaires étrangères et européennes d’exercer la tutelle d’AEF, la situation actuelle étant l’héritage d’une configuration dirons-nous personnelle ayant conduit à l’incongruité que nous connaissons aujourd'hui ?
Les composantes filialisées ou partenaires d’AEF souhaitent par ailleurs être rassurées. France 24 est un opérateur d’influence prometteur. France 24 en langue arabe et Radio Monte-Carlo Doualiya ont occupé une place historique pendant les événements du printemps arabe. Radio France Internationale regagne des parts d’audience et TV5 Monde apparaît comme une chaîne ayant trouvé ses marques, mais elle est souvent incomprise en raison de sa singularité dans le paysage audiovisuel extérieur de la France.
Les objectifs prioritaires pour AEF ne sont-ils pas d’apporter à France 24 la certitude qu’elle pourra remplir sa mission publique en posant un regard spécifiquement français sur un monde en évolution et qu’elle pourra assurer, conformément à son cahier des charges, le rayonnement de la France et de la francophonie ?
AEF ne doit-il pas permettre à RFI de préserver une identité construite depuis de longues années par des équipes professionnelles aguerries, dans un climat de travail plus harmonieux ?
Ne doit-il pas enfin apporter une garantie de pérennité à TV5 Monde, cet opérateur multilatéral et généraliste apprécié par de nombreux téléspectateurs français, francophones et francophiles sur les cinq continents, et dont la France est, rappelons-le, le premier bailleur de fonds ?
TV5 Monde a été créée voilà vingt-sept ans, en 1984, avec un engagement fort de la France. La création en 2008 de France 24 et la volonté politique et stratégique ensuite manifestée par les pouvoirs publics de réunir les rédactions de France 24 et de RFI, choix validé à plusieurs reprises, rappelons-le, par la justice, posent à nouveau clairement la question de la place de l’opérateur francophone multilatéral au sein de la société holding AEF.
Des pistes de réflexion de l’Inspection générale des finances, qui ne constituent pas encore, à ce stade, des recommandations formelles, devraient enfin permettre à AEF de boucler un contrat d’objectifs et de moyens et d’identifier également des sources d’économies, lesquelles pourraient venir de TV5 Monde, un opérateur qu’AEF ne contrôle qu’à 49 %. Toutefois, cela ne manquerait pas de compliquer de nouveau les relations diplomatiques avec nos partenaires de TV5 Monde, de même qu’avec les États francophones, en faisant de ce média une variable d’ajustement du dispositif audiovisuel extérieur français.
L’Inspection générale des finances estime que la tutelle de TV5 Monde, répartie entre l’État et AEF, est ambiguë. La sortie de TV5 Monde d’AEF est donc une option envisagée, bien qu’elle semble contradictoire avec la mise en œuvre de mesures d’économies. Elle permettrait cependant d’ouvrir la piste d’un rattachement de TV5 Monde à France Télévisions, société fondatrice de TV5 Monde, qui est aussi la vitrine internationale du groupe en tant que chaîne généraliste, à l’heure où de plus en plus de parlementaires préconisent parallèlement le rattachement d’AEF à France Télévisions.
Le rapport de l’IGF dépasse donc très largement la simple recherche d’économies, les questions qu’il soulève relevant avant tout de décisions politiques. Tout affaiblissement de l’AEF et de TV5 Monde conduirait, à terme, à une perte d’influence globale de la France et de la francophonie dans le monde.
Je m’interroge également, monsieur le ministre, sur la raison d’une réduction de 8,3 % des financements publics consacrés à l’audiovisuel extérieur, à laquelle il convient d’ajouter plus de 1 million d’euros au titre des nouvelles mesures d’austérité gouvernementales, sur un budget total de 328 millions d’euros.
C’est la première fois depuis sa création que l’audiovisuel extérieur enregistre une diminution aussi sensible de ses crédits. En interne, on temporise, en affirmant que ces réductions budgétaires seraient également réparties entre RFI et France 24 et porteraient essentiellement sur les coûts de diffusion, un sujet déjà sensible entre France 24 et TV5 Monde, ces deux chaînes devant négocier, à l’international, sur les mêmes créneaux satellitaires et de câblodistribution.
Si l’on ajoute ces contraintes budgétaires durables à l’ambiguïté structurelle relevée par l’IGF, le risque est bien réel de voir surgir de nouvelles tensions avec les pays francophones partenaires de TV5 Monde, autres bailleurs de fonds de la chaîne multilatérale, au moment même où la France assure la présidence de la conférence ministérielle de TV5 Monde.
La préparation du premier contrat d’objectifs et de moyens d’AEF n’est-elle pas l’occasion de clarifier une configuration structurelle confuse et, en tout état de cause, potentiellement porteuse de relations conflictuelles, spécialement avec TV5 Monde ?
Nous sommes tous conscients de l’importance des enjeux géopolitiques et stratégiques de l’audiovisuel extérieur ainsi que de la nécessité de réunir les conditions de succès en termes de management et d’audience. Aussi, monsieur le ministre, comment entendez-vous, à l’aune de cette analyse, répartir dans le futur, de manière équitable et avec le souci de rechercher des synergies fonctionnelles, les dotations publiques investies auprès des opérateurs filialisés ou partenaires d’AEF, qui tous poursuivent des missions de service public ? (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)
M. le président. La parole est à M. Claude Domeizel.
M. Claude Domeizel. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, compte tenu de l’heure tardive, je vais essayer de ne pas utiliser tout le temps de parole qui m’est imparti. (Marques de satisfaction sur plusieurs travées du groupe socialiste-EELV.)
La hausse affichée de 2,1 % des crédits destinés à l’audiovisuel public peut sembler convenable dans ce contexte budgétaire de rigueur. Néanmoins, il ne faut pas se leurrer : cette présentation relève du trompe-l’œil ! La progression de ces crédits ne repose en effet que sur celle du produit des encaissements de redevance, qui s’élève à 4,2 %. Pour le reste, l’ensemble des dotations provenant d’une manière ou d’une autre de l’État accusent une baisse. C’est le cas notamment du remboursement des exonérations de redevance, désormais appelées « dégrèvements », mais aussi de la dotation budgétaire du programme « Contribution à l’audiovisuel et à la diversité radiophonique », qui diminue de 10,3 % hors inflation, soit une sacrée cure d’amaigrissement !
L’action n° 2 de ce programme, Passage à la télévision tout numérique, est désormais dotée de zéro euro ! L’équipement numérique ne serait en effet plus d’actualité, car le basculement vers la TNT serait désormais pleinement effectif. En réalité, il n’en est rien, notamment dans les départements et collectivités d’outre-mer. Avec zéro euro de dotation, de nombreux foyers seront privés de réception numérique, faute d’équipement adéquat et de moyens suffisants pour se le procurer.
De la part de la majorité gouvernementale, tout est prétexte pour saborder l’audiovisuel public : 20 millions d’euros ont été retirés à l’audiovisuel public et l’on prévoit de supprimer par voie d’amendement 28 millions d’euros de crédits qui devaient être reportés de 2011 à 2012. Au final, en lieu et place d’une hausse affichée de 55 millions d’euros, on aura vraisemblablement droit, en 2012, à une baisse des crédits de quelque 50 millions d’euros !
Vous l’aurez compris, mes chers collègues, je suis donc tout à fait favorable aux propositions de David Assouline, rapporteur pour avis de la commission de la culture, qui permettent au moins de réinjecter dans le secteur les millions d’euros supprimés en cours de navette. En revanche, je ne peux être qu’inquiet des deux amendements présentés par notre collègue Vincent Delahaye, qui tendent, pour l’un, à amputer de plus de 10 millions d’euros les crédits destinés à la chaîne franco-allemande Arte et, pour l’autre, à supprimer les 28 millions d’euros de report de dotation de 2011 de France Télévisions.
Nous continuons également à condamner l’irresponsable et dangereuse réforme menée en 2008 et 2009, qui a permis une reprise en main de l’audiovisuel public par le Gouvernement, et particulièrement la réforme du mode de nomination des présidents de ses différentes composantes, qui relève désormais de la seule volonté du Président de la République.
En revanche, pour la suppression de la publicité, c’est marche arrière toute, et nous ne pouvons que nous réjouir de cette demi-victoire.
Par ailleurs, qu’adviendra-t-il de la dotation publique lorsque la taxe de 0,9 %, prélevée sur le chiffre d’affaires des opérateurs de téléphonie et destinée à compenser les pertes de recettes publicitaires, aura été abrogée ? Si cette taxe devait être abrogée courant 2012, j’aimerais, monsieur le ministre, que vous nous rassuriez en garantissant que cette abrogation n’aura aucune incidence sur le financement du secteur public de l’audiovisuel.
En effet, alors que les négociations avec les partenaires sociaux sont souvent difficiles, le contexte budgétaire défavorable et le non-respect des termes du contrat d’objectifs et de moyens laissent mal augurer du développement harmonieux du groupe dans les prochains mois.
Je ne suis guère plus optimiste quant à l’avenir de la société Audiovisuel extérieur de la France. Je rappelle que, dès 2008, les sénateurs socialistes ont émis de très grandes réserves sur cette entité hybride, estimant qu’il aurait mieux valu renforcer les structures existantes, RFI et TV5, en les adossant à France Télévisions.
Le temps me manque pour évoquer les problèmes des autres sociétés de l’audiovisuel public que sont Arte France, Radio France et l’Institut national de l’audiovisuel. Toutes trois doivent faire face à différents tourments, et l’on vient encore de leur retirer quelques millions d’euros : 2 millions pour Radio France, 1 million pour Arte France et un autre million pour l’INA. J’ajoute que les personnels de l’Institut ont entamé un mouvement de grève en début de semaine ; ils ont été reçus jeudi par vos services, monsieur le ministre, et je souhaiterais connaître le résultat concret de cette rencontre.
Monsieur le ministre, vous l’aurez compris, les grandes réserves que j’ai émises sur les crédits attribués à l’audiovisuel public pour 2012, tout comme sur la politique que vous menez et sur les projets que vous nourrissez pour le secteur, ne permettront pas aux sénateurs du groupe socialiste-EELV de se prononcer en faveur de l’adoption des crédits du compte de concours financiers « Avances à l’audiovisuel public ». (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste-EELV et du groupe CRC, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Frédéric Mitterrand, ministre de la culture et de la communication. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, dotée de 4,6 milliards d’euros pour 2012, la mission « Médias, livre et industries culturelles » se veut réaliste et à même d’accompagner les objectifs du secteur. Il s’agit ainsi de mener des chantiers majeurs, comme la réforme des aides à la presse, les nouveaux contrats d’objectifs et de moyens de France Télévisions et d’Arte, ou encore la réforme de l’audiovisuel extérieur de la France.
Le budget de la culture et de la communication participe bien évidemment aux mesures d’économies supplémentaires de 1,5 milliard d’euros annoncées par le Premier ministre. L’effort dans le secteur des médias s’élève ainsi à 20 millions d’euros de crédits budgétaires et à 2 millions d’euros sur les taxes affectées. La contribution des organismes de l’audiovisuel public se répartit entre France Télévisions – 15 millions d’euros –, Radio France – 2 millions d’euros –, l’INA – 1 million d’euros –, AEF – 1 million d’euros – et Arte – 1 million d’euros. J’ai veillé à ce que la participation de ces organismes à l’effort national d’économies ne remette en cause – j’insiste sur ce point, madame Cukierman et monsieur Assouline – ni l’économie de leur contrat d’objectifs et de moyens ni la mise en œuvre de leurs missions.
Le secteur culturel et audiovisuel est par ailleurs concerné, comme la plupart des secteurs de notre économie, par le relèvement du taux réduit de TVA. Je veillerai à ce que nous soyons très attentifs aux effets de cette mesure sur les industries et entreprises concernées, et d’autant plus présents auprès d’elles. Je pense en particulier à la librairie, qui ne doit pas pâtir de cette hausse, car ses marges sont déjà faibles. Nous allons donc, chers Catherine Morin-Desailly et Jacques Legendre, accompagner la filière dans la mise en place du nouveau taux réduit. Je reviendrai ultérieurement sur les modalités de cet accompagnement.
Avant de répondre en détail à vos questions, je voudrais souligner que le projet de budget pour 2012 clôt une période de cinq années au cours de laquelle les efforts faits par l’État pour accompagner et moderniser ces secteurs ont été soutenus. Ainsi, entre 2007 et 2012, les crédits ont progressé de 1 milliard d’euros. Nous nous sommes consacrés à ces grands chantiers que représentent le passage à la télévision tout numérique, les états généraux de la presse, la réforme de l’audiovisuel extérieur de la France et la réforme de France Télévisions. Jamais un Gouvernement et sa majorité n’auront autant réformé et accompagné financièrement le secteur des médias au cours d’une législature.
Venons-en maintenant aux différents sujets que vous avez abordés, mesdames, messieurs les sénateurs.
En ce qui concerne tout d’abord la presse, nous accompagnerons étroitement en 2012 les mutations du secteur, afin de préserver et de favoriser son pluralisme, dans le cadre d’une gouvernance rénovée. Cette réforme de la gouvernance est indispensable pour consolider l’investissement réalisé par l’État en faveur de la presse depuis 2009.
En 2012, nous consacrerons 390 millions d’euros aux aides à la presse. Le plan exceptionnel mis en œuvre à l’issue des états généraux de la presse touche à sa fin : les crédits de soutien à la presse inscrits dans le projet de loi de finances pour 2012 amorcent donc une baisse. Mais je me suis mobilisé pour que ces crédits soient maintenus à un niveau acceptable pour tous. Ils demeurent ainsi à un niveau historiquement élevé, puisqu’ils sont nettement supérieurs, de plus de 40 %, aux crédits alloués avant mon arrivée à cette politique publique. Je me suis par ailleurs engagé auprès des éditeurs de presse à rester vigilant sur les impacts de ces évolutions.
S’agissant plus particulièrement de la baisse des aides au portage, je veux répondre à André Gattolin que cette évolution tient compte du développement même du dispositif, qui concerne désormais plus de 25 % des ventes totales, et qu’elle s’accompagne d’une modification de leur répartition entre aide au stock et aide au flux, conformément aux souhaits des éditeurs.
Le premier bilan qui peut être dressé aujourd’hui des états généraux de la presse est positif.
Tous les engagements de l’État ont été tenus, comme vous l’avez souligné, cher Claude Belot. Entre 2009 et 2011, plus de 580 millions d’euros de crédits complémentaires ont été consacrés à la presse. Cet effort s’est traduit par une hausse de plus de 60 % des crédits. Les mesures prises par l’État ont permis à la presse française de préserver ses équilibres économiques, alors qu’elle était confrontée à sa plus grave crise depuis l’après-guerre, et d’accélérer sa reconversion vers un modèle économique équilibré tenant compte des enjeux du numérique.
En particulier, en matière de portage, nous tenons notre objectif de créer une offre structurante. Ainsi, le nombre d’exemplaires portés a progressé de 50 millions en trois ans, pour atteindre 850 millions en 2010. Aujourd’hui, le portage à domicile représente plus du quart des ventes totales de la presse, contre 21 % en 2005.
Je tiens par ailleurs à souligner que la politique de conquête de nouveaux lecteurs initiée dans le cadre des états généraux de la presse est un vrai succès. L’opération d’abonnement « Mon journal offert » a ainsi permis d’amener, en deux ans, plus de 560 000 jeunes à la lecture de la presse quotidienne d’information générale, soit plus de 5 % des dix-huit–vingt-quatre ans. L’objectif d’abonner gratuitement 200 000 jeunes par an a donc été largement dépassé.
À la suite des états généraux de la presse, la gouvernance des aides sera profondément rénovée. C’est une réflexion que j’ai souhaité mener en lien étroit avec la profession et qui sera mise en œuvre à partir du 1er janvier 2012. Elle a pour objectif une gouvernance des aides à la presse écrite plus efficace pour les éditeurs et fidèle à ses principes fondamentaux.
Je voudrais ajouter, pour répondre à MM. Assouline et Gattolin, que la question du ciblage des aides, singulièrement pour la presse d’information politique et générale, est un principe directeur de l’intervention publique.
Je souhaiterais maintenant aborder deux questions essentielles : le défi du numérique et l’application du taux super réduit de TVA à la presse en ligne,…