M. Roland du Luart, rapporteur spécial. Tout à fait !
M. Pierre Bernard-Reymond, rapporteur pour avis. Mais l’avenir est trop incertain et la situation européenne trop délicate pour ne pas considérer, prudemment, que ce budget pourrait être vu a posteriori comme un budget de transition.
S’agissant des points essentiels du programme 105, le ministère possède à l’étranger un parc immobilier ample et disparate, qu’il s’efforce de rationaliser.
Au 31 décembre 2009, ce parc immobilier représentait une surface utile de 1 900 000 mètres carrés. Face à l’impossibilité, pour des raisons fonctionnelles et juridiques, de créer une agence foncière de l’État, comme le projet en avait été un temps esquissé, le ministère a fait appel à la Société de valorisation foncière et immobilière, la SOVAFIM, société anonyme à capitaux exclusivement publics, qui a déjà mené des opérations sur le parc immobilier d’autres administrations. Comme l’a rappelé voilà quelques instants le rapporteur spécial M. Roland du Luart, la SOVAFIM expérimente actuellement trois programmes de rationalisation des implantations de l’État, à Madrid, Séoul et Abou Dhabi.
Il conviendra, à la fin de l’année prochaine, de juger de la perspicacité de ce choix et de s’efforcer de réduire certains écarts que l’on a pu constater entre les évaluations des biens et leurs prix de vente effectifs. S’il est très difficile d’évaluer à l’avance la valeur d’un bien, il faut néanmoins s’efforcer, compte tenu des caractéristiques du marché local, d’en faire une estimation aussi précise que possible.
Pour ce qui est des contributions internationales, elles comprennent, au titre du programme 105, les contributions obligatoires et la part incombant à la France dans le financement des opérations de maintien de la paix décidées par l’ONU. L’ensemble représente plus d’un tiers du programme.
Ces contributions obligatoires ont, en moyenne, progressé de 1,4 % par an et sont en hausse de 25 millions d’euros dans le projet de loi de finances pour 2012, l’essentiel étant consacré à la rénovation du siège de la Cour pénale internationale à La Haye, dont le coût avait été sous-estimé – cela montre au passage qu’il est difficile de faire des estimations, pour le ministère français des affaires étrangères comme pour d’autres institutions.
En sens inverse, les crédits affectés par la France au financement des opérations de maintien de la paix de l’ONU sont en baisse de 65 millions d’euros, grâce, d’une part, à la fin de la mission des Nations Unies en République centrafricaine et au Tchad et, d’autre part, à un taux de change euro-dollar plus favorable que prévu. Acceptons l’augure que cette parité reste favorable en 2012.
La part des OMP dans le programme 105 n’a cessé de croître depuis 2005, date à laquelle elle s’élevait à 25 % des crédits. Elle devrait s’établir à 31 % en 2011. Pour 2012, les perspectives dépendront du résultat des négociations budgétaires qui se tiendront à l’ONU en mai 2012 et qui détermineront le montant du budget des OMP pour la période courant à partir du 1er juillet 2012.
Le montant des contributions françaises devrait évoluer en fonction, bien sûr, de la redéfinition des mandats des opérations en cours au Soudan, la Mission des Nations unies au Soudan, la MINUS, pour laquelle un appel a été reporté au début de l’année 2012, la Mission des Nations unies et de l’Union africaine au Darfour, la MINUAD, et de celle de l’opération de soutien logistique de l’ONU à la Mission de l’Union africaine en Somalie, l’AMISOM.
Mais une inconnue demeure : l’instabilité chronique prévalant dans la Corne de l’Afrique pourrait, en effet, conduire à la création ou au renforcement d’OMP déjà existantes, telles que la MINUS.
Dans ce cas, les financements requis repartiraient à la hausse, ce qui ne manquerait pas de poser de délicats problèmes pour l’équilibre de ce budget.
Sous le bénéfice de ces observations très générales, compte tenu des efforts accomplis, de l’importance de notre diplomatie et de la gravité de la situation internationale, j’encourage mes collègues à voter ce budget. (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)
Mme la présidente. Je vous rappelle que le temps de parole attribué à chaque groupe pour chaque discussion comprend le temps d’intervention générale et celui de l’explication de vote.
Je vous rappelle qu’en application des décisions de la conférence des présidents aucune intervention des orateurs des groupes ne doit dépasser dix minutes.
Par ailleurs, le Gouvernement dispose au total de trente minutes pour intervenir.
Dans la suite de la discussion, la parole est à M. Michel Billout.
M. Michel Billout. Madame la présidente, monsieur le ministre d’État, mes chers collègues, ce budget, qui est le dernier de la législature, est, une fois encore, sur la voie du déclin. Bien que la tendance à la baisse des crédits se soit ralentie, il suit la pente entamée depuis vingt ans qui diminue peu à peu les moyens du ministère des affaires étrangères et européennes.
Cela est d’autant plus regrettable que ce budget est censé donner à notre pays les moyens nécessaires à la défense de ses valeurs, de sa langue, de sa culture, mais aussi de ses intérêts à travers le monde.
Le résultat est que l’action extérieure de la France est handicapée par un affaiblissement continu de notre réseau diplomatique et culturel. Pourtant, avec un budget réduit, l’efficience du travail réalisé dans nos représentations permanentes, nos ambassades, nos consulats, nos écoles, nos centres culturels, et à travers les programmes d’aide et de coopération, est remarquable.
Je veux à cet égard saluer la compétence et la grande qualité des fonctionnaires et des personnels de tous grades qui mettent œuvre au quotidien, et parfois dans des conditions difficiles, les grandes orientations de la politique étrangère de notre pays.
Cela étant dit, je partage bon nombre des critiques qui ont été émises par les rapporteurs et je veux formuler ici quelques remarques sur les crédits de la mission « Action extérieure de l’État ».
Avec un peu moins de 3 milliards d’euros de crédits de paiement et 2,914 milliards d’autorisations d’engagement, ce budget, à structure constante, affiche, par rapport à la loi de finances initiale pour 2011, une diminution de 2 % en autorisations d’engagement et de 1,4 % en crédits de paiement.
Force est de constater que la révision générale des politiques publiques, qui s’applique à tous les ministères, est beaucoup plus sévère pour les personnels du ministère des affaires étrangères.
Depuis 2006, environ 1 400 emplois ont été supprimés au sein du ministère. D’ici à 2013, 450 le seront encore ; sur quatre personnes partant à la retraite, trois emplois disparaîtront.
Le programme « Action de la France en Europe et dans le monde », qui finance une grande partie de l’administration centrale et le réseau des ambassades, est faible en dotations – 522 millions d’euros pour 162 chancelleries – et est particulièrement touché : les crédits diminuent de 0,8 % en autorisations de paiement et de 1,3 % en crédits de paiement par rapport à 2011. La dégradation se poursuit donc.
Vous admettrez, monsieur le ministre d’État, que les perspectives ne sont guère réjouissantes pour ces hommes et ces femmes qui se consacrent tant à notre diplomatie.
Je voudrais particulièrement relever la diminution de 14 % de notre contribution aux opérations de maintien de la paix. Je comprends qu’il s’agit de prévoir la fin de la mission des Nations unies à laquelle nous participons au Tchad et en République centrafricaine.
Mais parce que les crédits consacrés à ces opérations ont été souvent sous-estimés et que les conflits dans le monde ne sont pas sur le point de diminuer, je redoute que nous n’ayons plus à l’avenir les moyens de répondre aux demandes de maintien de la paix de l’ONU.
Je crains qu’elle ne soit le prétexte à privilégier désormais des opérations sous le seul drapeau de l’OTAN.
Enfin, le programme « Diplomatie culturelle et d’influence », dont l’intitulé traduit assez l’importance, connaît lui aussi des difficultés et des disparités dans la répartition des crédits. C’est ainsi, par exemple, que malgré ses besoins et le rôle déterminant qu’elle joue pour le rayonnement de notre langue, l’Agence pour l’enseignement français à l’étranger reçoit une subvention qui stagne.
Les seuls crédits qui progressent sont ceux du programme « Français à l’étranger et affaires consulaires », l’essentiel de cette progression s’expliquant d’ailleurs par l’approche des élections législatives.
Si un budget est en grande partie la traduction d’une politique, je considère alors, monsieur le ministre d’État, que les crédits qui vous sont alloués ne vous permettront pas d’assurer à notre pays sa capacité de rayonnement et d’influence, c’est-à-dire de tenir la place qui doit être la sienne.
Vous aviez vous-même, en d’autres temps, tiré la sonnette d’alarme et reconnu que si nous continuions dans cette direction, l’outil de notre influence et de notre diplomatie serait irrémédiablement cassé.
Aujourd’hui, vous faites preuve de davantage de pragmatisme et vous feignez de croire qu’il est malgré tout possible de faire mieux avec moins.
Pourtant, dans le contexte international actuel, avec la globalisation, la guerre financière et économique sans merci que se livrent les États, la singularité de notre pays, son influence politique et éthique pourraient être un contrepoids indispensable à la domination silencieuse des nouveaux maîtres du monde que sont devenus les marchés financiers.
M. Daniel Reiner. Il a raison !
M. Michel Billout. Puisque nous parlons là de la place et de l’influence de la France dans le monde, je voudrais profiter de l’occasion pour répondre au mauvais procès fait à une partie de la gauche par le parti présidentiel et des membres du Gouvernement.
Prétextant l’affirmation d’une nécessaire réforme démocratique du Conseil de sécurité de l’ONU, que nous pourrions souhaiter tous ici, la gauche a été accusée de vouloir abaisser la France en bradant l’un des principes fondamentaux de notre indépendance. Il y a eu, certes, des déclarations ambiguës et maladroites sur le statut de la France en tant que membre permanent du Conseil de sécurité.
Mais pour notre part, en tant que parlementaires communistes, il est tout à fait clair qu’il n’est pas question de remettre en cause unilatéralement notre siège de membre permanent du Conseil de sécurité avec les prérogatives qui s’y attachent actuellement. (Très bien ! et applaudissements sur les travées de l’UMP.)
De la même façon, nous nous opposons fermement à l’idée de proposer que ce siège soit attribué à l’Union européenne, si tant est que l’Europe soit d’ailleurs aujourd’hui capable de parler d’une seule voix en matière de politique extérieure.
M. Christian Cambon. Excellent !
M. Michel Billout. De mon point de vue, un tel abandon accentuerait précisément l’affaiblissement de notre pays et entamerait encore plus son indépendance déjà gravement mise à mal par l’alignement et le suivisme atlantiste qui, trop souvent, inspire les grandes orientations du Président de la République dans ce domaine.
Cette posture est d’ailleurs encore plus affirmée depuis que nous avons pleinement réintégré le commandement militaire de l’OTAN au détriment de notre autonomie stratégique.
Cependant, je reconnais volontiers, monsieur le ministre d’État, que depuis votre retour aux affaires, vous avez donné un nouveau souffle à notre politique étrangère. (Applaudissements sur plusieurs travées de l’UMP.)
M. Christian Cambon. Excellent !
M. Michel Billout. Mais, en même temps, notre action est parfois pour le moins contrastée.
Je salue, par exemple, la position de la France en faveur de l’entrée de la Palestine à l’UNESCO,…
Mme Nathalie Goulet. Très bien !
M. Michel Billout. … et j’apprécie vos efforts au Proche-Orient pour une paix juste et durable entre les Israéliens et les Palestiniens. Toutefois, ces efforts devraient se concrétiser maintenant par un processus de reconnaissance pleine et entière d’un État palestinien à l’ONU.
Mme Nathalie Goulet. Très bien !
M. Michel Billout. Quant aux processus démocratiques en cours dans les pays du Maghreb et du Machrek à la suite des printemps arabes, ils suscitent à la fois des espoirs et des inquiétudes.
Je souhaite sincèrement que notre pays trouve la bonne manière de coopérer étroitement avec les nouvelles autorités et institutions qui se mettent et se mettront en place, et ce afin que ne soient pas dévoyées les aspirations de ces peuples qui ont lutté pour la démocratie, la liberté, la dignité, la laïcité et la justice sociale.
Dans cet esprit, il sera également nécessaire que nous jouions un rôle auprès de nos partenaires européens pour que l’Union européenne envisage les relations avec ces pays sur des bases économiques plus équitables.
Dans d’autres secteurs géographiques, l’action diplomatique de la France reste trop alignée sur les positions des États-Unis.
Ce suivisme peu digne de notre pays nous conduit, par exemple, à maintenir un dispositif militaire en Afghanistan en calquant notre désengagement sur le calendrier des Américains ou bien encore, à propos du dossier nucléaire iranien, à nous laisser entraîner par les États-Unis dans une politique de sanctions dont l’efficacité reste à prouver.
Nous savons pourtant pertinemment que le Président Obama est en campagne électorale et que, compte tenu d’une situation économique difficile, sa politique extérieure est guidée par de forts relents électoralistes, comme son soutien sans faille à Israël, quitte à contribuer au blocage de la situation ou à accepter de graves régressions.
Mme Nathalie Goulet. Eh oui !
M. Michel Billout. Enfin, nous perdons beaucoup de notre singularité, de notre identité, voire de notre souveraineté, dans les sommets européens ou ceux du G20.
Quel est encore le poids de notre pays dans ces sommets européens impuissants à se défendre contre les marchés financiers et où la France cède facilement aux conceptions allemandes ?
Quelle défense des intérêts de notre pays, quels bénéfices politiques et diplomatiques avons-nous réellement tirés de la présidence française du G20 ?
De fait, la place et l’influence de la France dans le monde ont beaucoup décliné ces dernières années.
Monsieur le ministre d’État, pour revenir plus précisément à la question qui nous occupe cet après-midi,…
M. Raymond Couderc. Enfin !
M. Michel Billout. … le budget que vous nous présentez n’étant pas en mesure de rendre à notre diplomatie les moyens d’exercer convenablement ses missions, le groupe communiste républicain et citoyen n’en votera pas les crédits. (MM. Daniel Reiner et Jean-Marc Pastor applaudissent. – M. le président de la commission des affaires étrangères applaudit également.)
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Pierre Chevènement.
M. Jean-Pierre Chevènement. Monsieur le ministre d’État, en juillet 2010, vous signiez avec Hubert Védrine une tribune dans le quotidien Le Monde, dénonçant l’amoindrissement des moyens du Quai d’Orsay. Hélas ! le budget que vous nous présentez s’inscrit dans la continuité.
La RGPP est passée par là. Je ne suis pourtant pas de ceux qui jugent indispensable l’accroissement sans fin des dépenses ou des effectifs et j’ai longtemps observé qu’en diplomatie, notamment multilatérale, peu d’hommes et de femmes déterminés travaillaient souvent plus efficacement et avec plus de bonheur que de gros bataillons.
Mais une préoccupation reste primordiale si l’on veut encore que notre action extérieure soit qualifiée de « française » : celle des moyens de notre présence culturelle. Que vive l’Institut français certes, mais que nous le dotions de capacités suffisantes, fût-ce au prix d’arbitrages ! Ce n’est pas le cas aujourd’hui. Je le regrette. Enfin, et c’est vital, tout simplement pour le maintien de notre pays sur la carte du monde, faisons venir en France des étudiants étrangers !
Mme Nathalie Goulet. Très bien !
M. Jean-Pierre Chevènement. Ranimons cette politique de bourses généreuse qui expliqua l’épanouissement de la francophonie,…
Mme Nathalie Goulet. Très bien !
M. Jean-Pierre Chevènement. … temps aujourd’hui hélas ! en voie de disparition.
Je m’en voudrais, monsieur le ministre d’État, si je n’abordais pas en quelques mots la question de l’Europe.
La crise de la monnaie unique, vous le savez bien, est une crise politique, la crise d’une Europe qu’on a voulu faire en dehors des nations, en imposant à dix-sept pays très différents le carcan d’un mark bis.
Quel est l’enjeu de la négociation engagée entre Mme Merkel et M. Sarkozy. Que pouvez-vous nous en dire, monsieur le ministre d’État ?
M. Roland Courteau. Bonne question !
M. Jean-Pierre Chevènement. Au lieu de chercher à réconcilier l’Europe avec la croissance, vous évoquez une Europe fédérale, comme si la régulation budgétaire mise en œuvre de Bruxelles pouvait donner autre chose qu’un système coercitif, avec à la clé l’austérité à perpétuité et la récession.
Devant la régression et le désordre prévisible, si vous ne pouvez procéder aux réformes qui pourraient peut-être préserver la monnaie unique en vous adossant à la Banque centrale européenne, il est temps d’explorer les voies d’une transition aussi harmonieuse que possible. Je pense à la mutation de l’euro de monnaie unique en monnaie commune, afin de maintenir l’unité du marché européen.
Il est temps de refonder sur des bases réalistes, conformes à l’Histoire et aux aspirations des peuples, l’esprit et les mécanismes d’une entreprise de solidarité européenne évidemment nécessaire. Mais c’est un autre débat.
J’ai peu de temps, je conclurai sur deux considérations.
Tout d’abord, le rôle du Conseil de sécurité.
Monsieur le ministre d’État, vous êtes passé par le Conseil de sécurité et la résolution 1973 pour intervenir en Libye. Vous avez choisi d’utiliser la notion de responsabilité de protéger, mais vous en avez donné, monsieur le ministre d’État, une interprétation quelque peu extensive. Nous avons frôlé le droit à l’ingérence. Comment nier, en effet, que l’objectif a été celui de ce que les Anglo-Saxons appellent le « regime change » ?
Vous deviez protéger les civils, mais qu’en a-t-il été des civils de Syrte, par exemple ? Certains témoignages de journalistes ou d’ONG sont accablants. Il faut non pas persévérer dans cette voie, mais, au contraire, amener les régimes se réclamant des droits de l’homme, et que nous avons soutenus, à les appliquer tout simplement. Cela est vrai en Libye comme en Égypte, où l’on ne voit pas sans inquiétude les massacres de Coptes ou les incendies d’église.
La légitimité internationale repose, qu’on le veuille ou non, sur l’ONU. Acceptons-en les règles, si difficiles soient-elles. Ne cherchons pas à nous évader dans des G8 ou G20. Il faut rappeler que 174 pays sur 194 ne sont pas membres du G20 ; parmi les pays africains, seule l’Afrique du Sud y participe. Ne vous repliez pas sur ces cénacles composés de Happy few, de Beati possidentes, etc., qui se trouvent bien entre eux pour prendre en main, comme ils disent, la gouvernance du monde. (Applaudissements sur certaines travées du RDSE. – Mme Nathalie Goulet et M. Michel Billout applaudissent également.)
Mme la présidente. La parole est à M. Yves Pozzo di Borgo.
M. Yves Pozzo di Borgo. Madame la présidente, monsieur le ministre d’État, mes chers collègues, le traité de Lisbonne devait permettre de renforcer la place et l’influence de l’Union européenne sur la scène diplomatique. La création du poste de Haut Représentant de l’Union européenne pour les affaires étrangères et la politique de sécurité et la mise en place du Service européen pour l’action extérieure devaient permettre à l’Union européenne de disposer d’une véritable politique étrangère commune.
Deux ans après l’entrée en vigueur du traité de Lisbonne, le 1er décembre 2009, le bilan n’est pas satisfaisant, pour ne pas dire qu’il est décevant.
Comme nous l’avons vu lors de la crise libyenne, les États membres de l’Union européenne restent profondément divisés, et l’Union européenne n’arrive toujours pas à parler d’une seule voix sur la scène internationale.
En définitive, dans l’affaire libyenne, l’Europe est restée totalement absente d’une crise majeure à proximité immédiate de ses frontières, exactement comme il y a quinze ans dans les Balkans. C’est la France et la Grande-Bretagne qui l’ont remplacée…
Et je pourrais mentionner bien d’autres exemples encore, comme le vote en ordre dispersé des pays européens sur l’adhésion de la Palestine à l’UNESCO.
Alors que les États-Unis seront, à l’avenir, conduits à se détourner de plus en plus de l’Europe, au profit de l’Asie, et face aux puissances émergentes, comme la Chine, l’Inde ou le Brésil, l’Union européenne n’arrivera à jouer un rôle sur la scène internationale et à devenir une puissance dans la mondialisation que si elle arrive à parler d’une seule voix sur la scène internationale.
Mais cela suppose de renforcer la cohérence et la coordination des diplomaties nationales sous la houlette du Service européen pour l’action extérieure. Malheureusement, vous le savez bien, nous n’y sommes pas encore.
Pourtant, les défis ne manquent pas.
Je pense naturellement à notre voisinage immédiat, aux pays de la Méditerranée, au sud, et à la Russie, à l’est.
Ayant rédigé deux rapports d’information sur les relations entre l’Union européenne et la Russie, l’un en 2007 et l’autre l’été dernier, j’ai pu constater l’absence de véritables progrès au cours des trois dernières années.
Or, entre l’Union européenne et la Russie, il existe une véritable interdépendance non seulement en matière d’approvisionnement énergétique, mais aussi concernant les questions de sécurité.
Il est donc indispensable de renforcer notre relation avec la Russie, en défendant avec fermeté nos valeurs et nos intérêts, mais sans dogmatisme excessif.
Je pense notamment au troisième « paquet énergie » ou aux négociations sur l’entrée de la Russie dans l’OMC, car il est dans notre intérêt de rapprocher la Russie de l’Europe, plutôt que de voir celle-ci se tourner vers d’autres pays comme la Chine.
Il est par conséquent nécessaire de parler d’une seule voix à l’égard de la Russie, dans le cadre de l’Union européenne, pour ce qui concerne les questions commerciales ou la levée des visas, ou, dans le cadre de l’OTAN, pour ce qui a trait notamment au système de défense antimissiles.
Les pays de la rive sud de la Méditerranée sont également soumis à des bouleversements majeurs, et l’Europe a été spectatrice des événements qui s’y sont produits.
Quelles seront les conséquences de la victoire des partis islamistes en Tunisie, au Maroc et, bientôt, en Égypte ? Cette situation témoigne, certes, de l’expression de la démocratie, ce dont nous ne pouvons que nous féliciter. Mais cela ne nous empêche pas de réfléchir en commun en Europe à la nouvelle synergie qui se met en place sous l’autorité intellectuelle des Frères musulmans, qui irriguent, en Tunisie, le parti islamiste Ennahda, au Maroc, le PJD, en Égypte et dans les pays du Golfe.
Demandons-nous également si l’échec récent essuyé par le Rafale dans les Émirats arabes unis n’est pas dû à cette nouvelle donne intellectuelle. Nous ne pouvons pas rester indifférents à la répression brutale du régime syrien, et je tiens, monsieur le ministre d’État, à saluer votre détermination sur ce dossier, même si la Russie semble toujours s’opposer fermement à toute idée de sanction.
J’en viens maintenant au budget qui nous occupe.
Au risque de choquer certains de nos collègues qui sont prompts à réclamer toujours plus de dépenses, je souhaite rappeler ici l’impérieuse nécessité pour notre pays de mettre un terme à l’augmentation de nos déficits.
Face à la grave crise de nos finances publiques, qui menace notre économie et même les fondements de la monnaie unique et de la construction européenne, il est indispensable que les administrations publiques participent à l’effort de réduction des déficits publics.
M. Roland Courteau. Elles le font depuis un certain temps déjà !
M. Yves Pozzo di Borgo. Monsieur le ministre d’État, votre ministère n’échappe pas à cette règle, même s’il avait déjà consenti des efforts bien avant la révision générale des politiques publiques.
Je continue toutefois de penser que des économies restent toujours possibles. Je pense, par exemple, à la co-localisation de nos consulats ou centres culturels avec nos partenaires européens, notamment allemands, ainsi qu’à la rationalisation de notre réseau diplomatique et consulaire, en particulier au sein de l’Union européenne, ou encore à la rationalisation de notre dispositif de coopération culturelle, avec la mise en place de l’Institut français. (M. Roland Courteau s’exclame.)
Je crois qu’il ne serait pas raisonnable, dans la situation que nous connaissons, de réclamer toujours plus de moyens.
Je souhaite que le Juppé de 1995–1997, qui avait mis de l’ordre dans la dérive budgétaire des années 1993–1995, marque plus son action en ce domaine !
M. Didier Boulaud. Les années 1993–1995, c’était Balladur !
M. Yves Pozzo di Borgo. C’est pour cela que je le dis !
M. Didier Boulaud. Et c’était Sarkozy qui était ministre du budget !
M. Roland Courteau. Il ne faut pas l’oublier !
M. Yves Pozzo di Borgo. Sous le bénéfice de ces observations, je voterai les crédits de la mission « Action extérieure de l’État ». (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)
Mme la présidente. La parole est à M. Robert del Picchia.
M. Robert del Picchia. Madame la présidente, monsieur le ministre d’État, mes chers collègues, je m’exprime maintenant en tant que sénateur des Français de l’étranger. Tout à l’heure, lors de l’examen des amendements, je reviendrai sur la PEC et tout ce qui nous concerne directement.
Mme Hélène Conway Mouret. Oh non !
M. Robert del Picchia. Bien sûr que si ! Et vous y reviendrez aussi !
Je voudrais de nouveau vous féliciter, monsieur le ministre d’État. Les Français de l’étranger, que j’ai l’honneur de représenter ici avec quelques collègues, vous sont d’autant plus reconnaissants de la politique que vous menez que la politique étrangère de notre pays revêt, à leurs yeux, une importance plus grande en raison de l’impact qu’elle a sur leur vie d’expatrié, sur la reconnaissance d’eux-mêmes par leur pays d’accueil et, ne l’oublions, sur leur sécurité.
Je veux m’adresser tout particulièrement à mes collègues de la majorité sénatoriale. (Ah ! sur plusieurs travées du groupe socialiste-EELV.)
Mes chers collègues, je ne comprends pas votre position.
Un sénateur sur les travées de l’UMP. Nous non plus !
M. Robert del Picchia. Vous ne voulez pas voter le budget des affaires étrangères pour des raisons que vous justifiez parfois de façon étonnante. Ainsi, le groupe CRC estime que le budget n’est pas assez doté. Mais cela ne changera rien et, en tout cas, ne l’améliorera pas.
Vous refusez de voter le budget d’un ministère qui fonctionne au mieux, avec les moyens dont il dispose. Bien sûr, ce n’est pas parfait – rien n’est parfait ! –, mais la plupart des objectifs sont atteints. La France a aujourd’hui retrouvé sa place dans le concert des nations : elle est écoutée ; vous le reconnaissez d’ailleurs vous-mêmes.
Mieux, elle a pris la tête de différentes initiatives, en Libye, sur des sujets très sensibles comme le nucléaire iranien, des initiatives au Conseil de sécurité sur la Syrie.
Avec mes collègues Robert Hue, Jean-Marc Pastor et Gilbert Roger, nous avons effectué une mission à New York à l’occasion de l’Assemblée générale de l’ONU. Je crois pouvoir dire, en leur nom, que nous avons tous les quatre été très impressionnés par l’excellent travail réalisé par la représentation de la France, sous la conduite de l’ambassadeur Gérard Araud.
Nous avons interrogé un grand nombre de personnalités de l’ONU et plus d’une douzaine d’ambassadeurs auprès de l’ONU de tous les grands pays – États-Unis, Chine, Russie, Grande-Bretagne, Allemagne –, mais aussi des représentants des régions sensibles, comme le Liban, la Palestine, Israël et le Maroc, qui est d’ailleurs devenu un membre non permanent du Conseil de sécurité. Tous – je dis bien « tous » – nous ont exprimé leur admiration et leur reconnaissance à l’égard de l’action menée par la France au sein du Conseil de sécurité, la France étant bien souvent le seul pays à tenir la plume des résolutions qui sont présentées et adoptées, quelquefois, il est vrai, monsieur le ministre d’État, il faut le dire, avec nos amis britanniques.
Nous n’avons entendu que des compliments et des louanges sur l’action de nos diplomates qui sont au service de l’ONU, en particulier concernant les opérations de maintien de la paix.
Mes chers collègues, mes propos vont peut-être vous paraître quelque peu désuets à notre époque, mais nous avons été fiers de notre diplomatie. Nous avons été fiers d’être Français.
Chers collègues, vous avez reconnu et bien jugé les interventions de M. le ministre d’État sur des sujets d’actualité graves, de même que son courage à prendre position à propos de la Libye, de la Syrie, étant souvent le premier à le faire, et à tenter de trouver une solution au problème palestinien ainsi que, d’une façon générale, partout où la tension monte dangereusement pour défendre les aspirations à la démocratie et les droits de l’homme. (M. Didier Boulaud s’exclame.)
Mes chers collègues, vous approuvez l’action de notre ministre et de ses équipes, mais vous ne voulez pas voter le budget !