M. Jacques Legendre. Quelle surprise !
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Claude Lenoir.
M. Jean-Claude Lenoir. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, l’examen des crédits de la mission « Enseignement scolaire » est toujours l’occasion d’entendre des propos paradoxaux.
L’éducation nationale mobilise 20 % des crédits de la Nation. C’est le premier budget de France. Pourtant, depuis des dizaines d’années, des orateurs se succèdent à la tribune de l’Assemblée nationale et du Sénat pour dénoncer l’incapacité des gouvernements, quelle que soit leur couleur politique, à affecter les crédits nécessaires à l’enseignement de nos enfants.
M. Jacques Legendre. Eh oui !
M. Jean-Claude Lenoir. Parallèlement, beaucoup trouvent que les moyens considérables que nous consacrons à ce secteur ne trouvent pas leur récompense.
Est-ce à dire que la qualité des formations est insuffisante ? Les Françaises et les Français n’atteignent-ils pas un niveau leur permettant de rivaliser avec les autres habitants des pays de l’Union européenne ou de l’OCDE ? Ne serions-nous pas en mesure d’être parmi les champions internationaux ?
En réalité, monsieur le ministre – nous sommes nombreux à le penser –, nous ne sommes pas les plus mauvais, loin s’en faut. Pourtant, vous devez régulièrement justifier le nombre d’enseignants rapporté au nombre d’élèves et rappeler l’évolution des chiffres depuis 1990. Lorsque l’on compare nos résultats avec ceux de nos voisins européens, on s’aperçoit que ce ne sont pas forcément ceux qui proportionnellement contribuent le plus au service de l’éducation qui sont les mieux récompensés. Certains pays, certes plus petits que le nôtre, ont des résultats sans doute bien supérieurs à ceux que peut produire notre système éducatif.
Aujourd'hui, je pense avant tout aux enseignants. Sachez, mes chers collègues, que les crédits que nous allons voter ou pas, mais qui, au final – je l’espère pour eux –, seront adoptés avant le 31 décembre, permettront d’abord de les rémunérer.
Si je pense à eux, c’est parce que leur métier est difficile, à l’image de celui de ministre de l’éducation nationale, comme cela a été rappelé. Avouons que les enseignants sont conduits à exercer tant de fonctions à la fois : suppléer des parents défaillants, combattre les violences, éveiller les élèves à toutes sortes de techniques, aux arts. En somme, ils doivent tout simplement les préparer à la société dans laquelle nous vivons.
De quoi ont-ils besoin ? Bien sûr, d’être rémunérés, et je salue l’effort réalisé par le Gouvernement pour que les enseignants puissent être mieux rémunérés en début de carrière. Ils ont aussi besoin, me semble-t-il, de bénéficier d’un soutien moral de la Nation, des élus, de nous tous, dans l’exercice d’un métier de plus en plus difficile. En effet, tout le monde ici le sait, un certain nombre d’étudiants qui comptaient embrasser cette belle carrière renoncent à leur projet en cours de route. Ils sont sans doute victimes de ce mal-être d’une société dans laquelle nous avons parfois du mal à nous reconnaître.
Monsieur le ministre, je profite du temps qui m’est imparti pour appeler votre attention sur quelques points.
Le premier est la nécessité d’adapter la formation offerte aux jeunes aux besoins de notre économie, idée qui est toujours combattue par certains. Pour ma part, je fais partie de ceux qui estiment qu’il n’est pas inutile que l’État se préoccupe de cet aspect de la question. Pour cela, il faut se rapprocher du terrain. De nombreuses expériences montrent en effet que les besoins exprimés par les entreprises doivent conduire les responsables, au sein des rectorats ou des conseils régionaux, à ouvrir de nouvelles filières et, si nécessaire, à fermer celles qui ne permettent pas de déboucher sur un emploi.
M. Jean-Claude Carle. Très bien !
M. Jean-Claude Lenoir. L’adaptation de notre outil de formation s’impose à tout moment.
Le deuxième point a trait à un problème que j’observe depuis longtemps : nous sommes vraiment mauvais pour l’apprentissage des langues étrangères. Disant cela, je ne veux évidemment froisser aucun professeur d’anglais, d’allemand ou d’italien, mais il n’est pas inutile de rappeler que les Français sont les derniers de la classe. Il faut bien admettre que, après des années d’apprentissage de l’anglais, nous sommes incapables de soutenir une vraie conversation avec nos voisins d’outre-Manche.
Pourtant, ce ne sont pas les moyens qui manquent. La qualité des enseignants n’est pas non plus en cause. Le problème, me semble-t-il, est culturel. On a sans doute trop longtemps considéré – en fait, pendant des siècles – que le français était la langue universelle, et nous nous sommes quelque peu endormis.
Le troisième point concerne un problème que nous rencontrons dans certaines parties de nos territoires.
La rénovation des baccalauréats professionnels fait que, là où il existait un bac pro bureautique à côté d’un bac pro secrétariat, il n’y aura plus qu’un bac pro tertiaire. Or, du fait de la diminution du nombre de postes, une nouvelle répartition va s’effectuer, si bien que, si un lycée professionnel n’a plus de baccalauréat professionnel tertiaire, il aura beaucoup de difficultés à nourrir les BTS. Je le souligne, car, dans certains de nos territoires – je représente un département qui n’est pas très peuplé –, cela devient particulièrement préoccupant.
Mon quatrième point concerne les personnes handicapées. Nous ne faisons pas les efforts qui s’imposent pour accueillir les enfants handicapés, je parle non pas de ceux qui sont accidentellement et provisoirement déficients, mais de ceux qui ont des difficultés à s’insérer dans la société et qui sont néanmoins aptes à apprendre un métier.
J’en viens à l’enseignement agricole privé.
Dans un département rural comme le mien, l’enseignement agricole privé contribue largement à former des jeunes à des métiers qui existent et pour lesquels il y a de grands besoins. Or, en dépit des postes maintenus, ce secteur rencontre de graves difficultés. Il souffre notamment d’un manque de locaux techniques et de bâtiments adaptés pour accueillir les élèves, qui viennent souvent de loin.
Pour terminer – je remercie Mme la présidente d’accommoder sa patience à ma tardité, si je puis paraphraser Malherbe –, je veux livrer une petite anecdote.
J’assistais, voilà quelques jours, dans mon département à une manifestation originale : il s’agissait de baptiser une école publique élémentaire. Après une large consultation, les parents et les enseignants ont choisi de la dénommer « Le Petit Nicolas ».
J’ai trouvé, comme les autres élus d’ailleurs, qu’un certain nombre des élèves de cette école ressemblaient à ce que nous étions autrefois, c’est-à-dire aux héros de la bande dessinée de Goscinny et Sempé. Il y avait bien sûr, Agnan, le meilleur élève, Alceste, celui qui mange sans cesse ou encore Clotaire, celui qui est assis au fond de la classe parce qu’il ne fait rien.
En fait, j’ai retrouvé dans le visage de ces enfants le même regard que nous portions, voilà une cinquantaine d’années, vers les adultes qui veillaient sur nous, un regard qui demandait simplement de tout faire pour pouvoir avoir, demain, une place dans notre société. Merci d’y contribuer, monsieur le ministre ; vous avez notre soutien ! (Applaudissements sur les travées de l’UMP et de l’UCR.)
Mme la présidente. La parole est à Mme Maryvonne Blondin.
Mme Maryvonne Blondin. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, mon intervention portera sur le programme « Vie de l’élève ».
Votre politique, monsieur le ministre, hypothèque gravement l’avenir de notre jeunesse, en particulier celle qui subit à l’intérieur de l’école les inégalités sociales grandissantes qu’elle subit déjà à l’extérieur. Si l’on n’attend pas de l’école qu’elle soit le salut de la société, on peut exiger qu’elle n’aggrave pas cette injustice sociale.
Les conditions de scolarisation des élèves sont un élément fondamental de la réussite scolaire et de l’égalité des chances. Si l’école est un lieu d’acquisition de savoirs, elle est également un espace de socialisation, de transmission de valeurs, d’apprentissage d’exercice de la responsabilité et de pratique de la citoyenneté.
La réussite scolaire est aussi une question de bien-être et d’épanouissement.
Vous affirmez que le rôle des conseillers principaux d’éducation est déterminant dans la prévention de l’absentéisme et de la violence – deux phénomènes bien réels et ô combien inquiétants. Soit ! Mais alors pourquoi baisser de 4 % cette ligne budgétaire ? Les crédits passent de 2,2 milliards d’euros à 2,1 milliards d’euros avec une diminution des postes, alors que la présence d’adultes est primordiale dans la lutte contre les violences, les addictions et le harcèlement.
En primaire, le montant des crédits pour le financement des actions pédagogiques liées aux besoins particuliers baisse de 73 %. Ces crédits sont pourtant destinés à financer la prévention et le traitement des difficultés scolaires des enfants.
Ce manque d’ambition se retrouve particulièrement dans le peu de cas que vous faites de la médecine scolaire, et ce malgré les rapports de la Cour des comptes, des parlementaires et les manifestations diverses. Mais, jusqu’à présent, ces alertes sont restées lettre morte.
Monsieur le ministre, ce qui est particulièrement notable, dans l’expression des personnels de santé scolaire, c’est ce sentiment d’abandon de la part des pouvoirs publics. J’ai mis en place un groupe de travail composé de sénateurs socialistes sur la médecine scolaire. Toutes les auditions font non seulement ressortir les graves difficultés que rencontre ce secteur, mais aussi et surtout son utilité absolue.
Pourtant, les professionnels – médecins et infirmiers – restent très mobilisés sur le terrain. Ils sont particulièrement investis et motivés par leurs missions. Ils sont d’ailleurs force de propositions pour faire évoluer ce service public, auquel ils sont attachés, et qui a un rôle fondamental dans la promotion de la santé des élèves.
La santé scolaire est dotée, dans le projet de loi de finances pour 2012, d’un budget de 440 millions d’euros, ce qui représente 0,73% du budget de l’éducation nationale et correspond à une augmentation de 0,5 %, en deçà du taux de l’inflation.
La médecine scolaire doit être un outil fort dans la lutte qu’il convient de mener contre les inégalités sociales dans les parcours scolaires. La détection, le plus tôt possible, des problèmes de santé est l’un des facteurs essentiels de la réussite scolaire, et donc sociale de l’élève. Or, considérant les politiques menées actuellement par le Gouvernement – déremboursement des médicaments, surcoût des mutuelles, précarisation accrue –, et malgré les indicateurs de pauvreté qui font apparaître une recrudescence des maladies telles que la tuberculose et la gale, on observe un renoncement dramatique des familles les plus modestes à assurer la santé de leur enfant.
Nous avons la chance de bénéficier d’un service public de santé de proximité qui permet le suivi des enfants à partir de trois ans – et non plus dès deux ans, puisque la préscolarisation a été réduite à portion congrue ! – jusqu’aux jeunes adultes en fin d’études universitaires. Il s’agit là d’une spécificité française et d’un atout considérable en matière de prévention sanitaire, que vous n’avez pas su valoriser, ni même préserver.
Or les études internationales convergent pour reconnaître la période scolaire comme étant le moment clé de la construction des inégalités de santé et pour relever l’importance du « retour sur investissement », durant cette période, en matière de santé publique et d’éducation à la santé.
Ce matin, votre collègue Laurent Wauquiez a dit à propos de l’enseignement supérieur : « Il faut investir dans [la santé], car c’est à cette période de leur vie que les étudiants adoptent ou non de bons comportements. » Alors, monsieur le ministre, faites-le !
Si les personnels ont su adapter leurs pratiques, les textes réglementaires, eux, n’ont pas suivi, ce qui a entraîné une absence de hiérarchisation des diverses missions et un manque d’objectifs clairs.
Une réflexion interministérielle était en cours sur l’évolution de ces missions, mais il semblerait qu’elle soit stoppée du fait, notamment, du refus du ministère de la fonction publique de reconnaître les infirmières scolaires en catégorie A, contrairement à l’engagement du Président de la République. Pouvez-vous nous préciser, monsieur le ministre, ce qu’il en est vraiment ? En effet, cette situation crée chez elles un fort sentiment d’injustice par rapport à leurs collègues de la fonction hospitalière. Pourtant, leur rôle est ô combien essentiel à la bonne marche d’un établissement scolaire tant par les gestes techniques que par l’écoute apportée à chaque situation.
De plus, les infirmières scolaires rendent compte au rectorat de leur travail via le logiciel SAGESSE, un outil de gestion au quotidien, mais dont les données ne remontent pas, hélas ! au-delà des rectorats.
L’institution ne manifeste que peu d’intérêt pour le travail réel accompli par les personnels de santé scolaire, sauf pour ce qui concerne le taux de réalisation des bilans de santé des enfants âgés de six ans !
Des mesures urgentes sont nécessaires pour revaloriser la profession de médecin scolaire. Face au manque d’attractivité du métier – près de 200 postes sont vacants – et aux perspectives démographiques encore plus défavorables que pour les autres professions médicales, nous ne pouvons faire l’impasse plus longtemps sur ce sujet.
Comment ignorer l’indécence des salaires des médecins de l’éducation nationale, alors que celui des médecins de prévention des personnels est de l’ordre du double ? Dès lors, comment espérer recruter, après un concours d’entrée dans la fonction publique, de jeunes médecins avec un salaire inférieur à celui qu’ils perçoivent au cours de leurs études en tant qu’interne ?
Au regard de l’étendue de leur secteur, qui a doublé en moins de dix ans, avec un médecin pour un nombre d’élèves compris entre 10 000 et 17 000, les médecins ne sont plus en mesure de se déplacer dans les établissements scolaires. Cette pénurie entraîne un transfert de tâches vers l’infirmière.
Vous l’aurez compris, monsieur le ministre, c’est à la mise en œuvre d’une véritable politique de santé scolaire que nous appelons, celle-là même que vous n’avez pas su définir, ni a fortiori mettre en œuvre en dix ans !
Une fois les missions redéfinies, il faudra s’atteler à la question des partenariats entre tous les acteurs de la santé, afin de définir une structure pour assurer le pilotage politique local – pourquoi pas les Agences régionales de santé ? – et créer des pôles cohérents de coopération entre la médecine scolaire, la médecine de ville, la protection maternelle et infantile et les centres médico-psycho-pédagogiques.
Par ailleurs, comme le pointent les responsables de l’EHES, l’École des hautes études en santé sociale, il existe un maillon manquant entre l’infirmière et le médecin. Aussi faut-il se demander s’il ne convient pas d’avoir un ingénieur de santé scolaire diplômé d’un master de pratiques avancées.
Nous ne pouvons plus faire l’impasse sur une véritable politique publique de prise en charge de l’enfant et de l’adolescent dans sa globalité et donc dans la construction d’un projet politique partagé de médecine publique de prévention. À la question : « A-t-on besoin d’une médecine scolaire ? » La réponse est résolument oui ! Parce que santé et scolarité sont devenues indissociables, parce qu’il s’agit d’un réel enjeu pour l’avenir de notre jeunesse et parce que nous sommes convaincus que le service public a encore un rôle fondamental à jouer dans la promotion de la santé des élèves ! Mais nous en reparlerons certainement dans les mois qui viennent, monsieur le ministre. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste-EELV et du groupe CRC, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. Yves Pozzo di Borgo. Bravo !
Mme la présidente. La parole est à Mme Danielle Michel.
Mme Danielle Michel. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, depuis cinq ans, nous déplorons que l’ambition affichée par la majorité pour passer « de l’école pour tous à la réussite de chacun » ne soit restée qu’un slogan. En agissant comme un tamis éducatif qui retient les « meilleurs », sans se préoccuper des élèves les plus en difficulté, le Gouvernement aura effectivement mis fin à l’école pour tous.
Alors même que votre bilan est unanimement reconnu comme désastreux par les parents d’élèves, par les personnels éducatifs et par les élus locaux, vous poursuivez aveuglément le démantèlement de l’éducation nationale, monsieur le ministre.
Il y a quelques semaines, Mme Pécresse prétendait devant les députés que le gouvernement auquel vous appartenez s’était toujours refusé à réduire la politique scolaire à une question de chiffres et qu’il y avait, dans ce pays, une exigence de résultat. Pourtant, vous n’avez développé depuis cinq ans qu’une politique quantitative déconnectée des impératifs pédagogiques, et ce budget pour 2012 en est une désolante illustration.
Je ne reprendrai pas les chiffres cités par les orateurs qui m’ont précédée. Mais vous poursuivez votre politique de non-remplacement d’un fonctionnaire sur deux partant à la retraite, sans mener aucune réflexion sur les enjeux éducatifs ni sur les besoins propres à chaque territoire, alors que tous les rapports institutionnels pointent un déficit en matière d’encadrement et de moyens, notamment dans les écoles maternelles et élémentaires, ce qui est préjudiciable aux élèves les plus en difficulté.
De toute évidence, les conclusions apportées par l’OCDE, par la Cour des comptes et par le Centre d’analyse stratégique n’ont jamais franchi les portes du « 110 de la rue de Grenelle ».
Pour ce qui concerne les résultats, où sont-ils, monsieur le ministre ?
Au cours de cette législature, l’enseignement de premier degré public aura connu 27 637 réductions de postes avec, comme seul objectif pédagogique, la suppression des RASED et la fin de la préscolarisation dès deux ans.
Le premier maillon éducatif qui conditionne la suite des apprentissages est laissé à l’abandon au nom d’un prétendu réalisme budgétaire. En parallèle, la proportion d’élèves en très grande difficulté croît de manière considérable et le poids des inégalités sociales tend à s’alourdir.
De la même manière, nous protestons vivement contre la nouvelle baisse des crédits, hors titre 2, accordés aux missions pédagogiques : près de 20 % en moins dans le premier degré par rapport à 2011, ce qui correspond à une division des crédits par treize en cinq ans.
L’assèchement des moyens matériels, que le vote de ce budget ne manquerait pas d’amplifier, empêcherait durablement de favoriser les innovations et la personnalisation des parcours pédagogiques, pourtant nécessaires. Ainsi, 20 % des élèves ne maîtrisent pas les fondamentaux à l’entrée en sixième. Je vous rappelle que, à la sortie du collège, la proportion des élèves les plus faibles est passée, en dix ans, de 15 % à 18 %. Or qui sont les plus touchés ? Ce sont les enfants des milieux sociaux défavorisés, la part des élèves en grande difficulté ayant doublé entre 2003 et 2009.
Au lieu de concentrer les moyens là où ils sont les plus nécessaires et de dynamiser l’éducation prioritaire, notamment en relançant la préscolarisation dans les zones dites sensibles, vous accentuez le déséquilibre entre les niveaux d’enseignement.
Concernant la gestion des ressources humaines, le constat est, à notre grand désarroi, identique. Les coupes budgétaires drastiques fragilisent durablement les équipes pédagogiques.
Alors qu’il serait urgent de revenir sur la désastreuse réforme de la mastérisation, le budget consacré à la formation des professeurs est, cette année encore, réduit à portion congrue. En effet, celle-ci ne répond en rien à la volonté d’améliorer la formation initiale et l’entrée dans le métier des enseignants. Au contraire, elle n’est qu’une simple parade pour réaliser des suppressions de postes. Avec quels résultats ?
D’une part, les primo-entrants souffrent sur le terrain de ne pas avoir appris leur métier. Dans les académies de Poitiers et de Paris, on signale une proportion très importante de jeunes professeurs en grande difficulté.
D’autre part, une véritable crise des vocations s’est installée dans notre pays. À la session de 2011, 20 % des postes ouverts au titre du CAPES sont restés vacants, faute de candidats. En mathématiques, ce taux est monté à 40 %, pour atteindre 58 % en lettres classiques. C’est une crise sans précédent !
Enfin, la précarisation des enseignants s’est accrue par un recours massif aux emplois de vacataires et de contractuels, dont le nombre a augmenté de 76 % entre 2005 et 2010. Plus que jamais, à raison, ces enseignants manifestent leur colère.
Pourtant, nous le savons tous, la formation des enseignants est un levier essentiel pour améliorer le système éducatif.
Comme l’ont déjà dit Mmes les rapporteures pour avis Françoise Cartron et Brigitte Gonthier-Maurin, la décision que vient de rendre le Conseil d’État va, sans nul doute, vous contraindre au dialogue, monsieur le ministre.
S’il était adopté en l’état, ce budget entraverait encore un peu plus le dynamisme de nos territoires, qui souffrent de ces étranglements budgétaires.
Nous, sénatrices et sénateurs de gauche, nous déplorons le traitement différencié entre les académies sans qu’aucune corrélation puisse être établie en fonction des difficultés propres à chaque territoire. Je pense aux départements d’outre-mer qui méritent une attention particulière et à la désectorisation qui n’a fait qu’amplifier les inégalités entre les territoires et la ghettoïsation de certains établissements.
À ce propos, les conclusions de la Cour des comptes sur les conséquences de l’assouplissement de la carte scolaire sont sans appel : sur l’ensemble des collèges appartenant aux réseaux ambition réussite, près de 80 % d’entre eux ont perdu des élèves. Ces établissements concentrent donc inévitablement les facteurs d’inégalité contre lesquels doit lutter la politique d’éducation prioritaire.
Je pense également aux communes rurales où l’école représente un service public de proximité indispensable. À cet égard, je relève que la charte des services publics, qui imposait que toute fermeture de classe se fasse de manière concertée, n’a jamais été respectée.
Loin de revenir sur cette politique, le Gouvernement accentue la désertification scolaire au détriment des territoires qui cumulent déjà nombre de difficultés.
Par conséquent, nous estimons, à juste titre, que les crédits de la mission « Enseignement scolaire » tels qu’ils nous sont proposés ne soutiennent pas cet idéal républicain de la réussite pour tous.
Alors que notre jeunesse doit être au cœur de nos politiques publiques, et ce d’autant plus en cette période de crise, elle se retrouve sacrifiée sur l’autel de ce que vous prétendez être le réalisme budgétaire.
Monsieur le ministre, les économies de bouts de chandelles que vous réalisez aujourd’hui seront les charges insupportables auxquelles nous serons demain confrontés, lorsqu’un nombre toujours croissant d’élèves seront en grande difficulté du fait d’un déficit en matière d’encadrement et d’accompagnement. D’ailleurs, au sein même de votre majorité, certains députés de l’UMP, dont le président de la commission des affaires sociales de l'Assemblée nationale, se sont abstenus lors du vote des crédits relatifs à l’enseignement scolaire.
Parce que ce budget ne porte aucune ambition, parce qu’il renforce l’incohérence et l’opacité de la gestion des personnels, nous, sénatrices et sénateurs socialistes, voterons contre ces crédits. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste-EELV et du groupe CRC, ainsi que sur certaines travées du RDSE et au banc de la commission)
Mme la présidente. La parole est à Mme Claudine Lepage.
Mme Claudine Lepage. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, les Français sont nuls en langue étrangère ; voilà en tout cas ce qu’on nous ressasse depuis des années. Mais, contrairement à M. Jean-Claude Lenoir, je ne crois pas que ce soit une fatalité !
Les résultats des Français aux évaluations internationales sont toutefois médiocres. L’exemple du TOEFL – Test of english as a foreign language – n’est pas très glorieux : le score moyen obtenu par les étudiants en 2008 place la France loin derrière l’Allemagne et les Pays-Bas. Inutile, donc, de se voiler la face ; nous sommes confrontés à un véritable problème, mais aussi à un formidable défi !
La bonne maîtrise d’une langue vivante est aujourd’hui un prérequis pour tous. Mais, au-delà de la compétence fondamentale à acquérir – je peux en témoigner, puisque j’ai baigné durant trente ans dans une culture et une langue différentes –, l’ouverture à l’altérité, l’enrichissement engendré par l’appréhension d’une culture différente, d’un autre système de pensée, sont autant d’atouts qu’offre l’apprentissage des langues étrangères.
Certes, aujourd’hui, notre gouvernement est plus enclin à nous proposer un projet de repli sur soi et de peur des étrangers... Et, pourtant, on encourage nos enfants à mieux maîtriser leurs langues.
Nous n’en sommes pas à un paradoxe près et, monsieur le ministre, nous ne pouvons que nous féliciter de votre initiative d’avoir mis en place le comité stratégique des langues, qui doit rendre son rapport à la fin de l’année. Nous espérons que la commission de la culture, de l’éducation et de la communication en aura rapidement connaissance.
La volonté affichée est remarquable : déjà, à l’automne 2009, le Président de la République, annonçant un plan d’urgence pour les langues vivantes étrangères, manifestait son ambition de former des bacheliers bilingues, voire trilingues.
Les pistes évoquées sont tout aussi ambitieuses : sans surcoût, ni embauche supplémentaire, vous proposez un apprentissage dès l’âge de trois ans et une « exploration des diverses modalités d’apprentissage »... Beau programme que l’on ne peut que saluer !
Mais il semble bien que nous ne vivions pas dans le même monde. Le monde de l’éducation, que je connais, a vu ses assistants de langues vivantes supprimés,...
Mme Danielle Michel. Eh oui !
Mme Claudine Lepage. ... les formations continues des enseignants rabotées et le nombre d’élèves par classe croître encore en raison des 14 200 suppressions de postes. Dans ces conditions, vous comprendrez que la communauté éducative comme les parents manifestent une certaine réserve.
Même si, depuis la réforme de la formation des enseignants, un certificat de compétences en langues est exigé, nous savons tous parfaitement que, en attendant, la majorité des enseignants en poste n’a pas le niveau requis et devra, en l’absence d’assistants de langues vivantes, assurer ces cours de langues sans formation dans la langue ni dans l’enseignement de cette langue. Or, même avec le recours aux technologies de l’information et de la communication pour l’enseignement, TICE, que vous préconisez, on ne peut pas enseigner une langue que l’on ne maîtrise pas !
Je ne peux que regretter cette politique d’affichage pour laquelle, notamment, « l’enseignement précoce dès l’école maternelle avec les TICE » serait la panacée.
Encore faudrait-il d’ailleurs être certain de la pérennisation de l’école maternelle. Après la discussion confisquée ici même, voilà quelques semaines, de la proposition de loi de Mme Françoise Cartron, il est permis de nourrir certaines inquiétudes. Mais c’est un autre débat…
Justement, nul ne peut nier l’intérêt de cet apprentissage de l’anglais dès trois ans. Mais ne nous berçons pas d’illusions : le vrai bénéfice réside dans l’exposition précoce, mais surtout suffisante aux langues étrangères. Or tous les enfants n’ont pas la chance de baigner dans un univers familial bilingue ou de langue différente du français. Dans ces conditions, deux fois trois quarts d’heure de pseudo-enseignement par semaine n’ont aucun sens si l’on vise un véritable apprentissage.
Bien sûr, mon intention n’est pas de décourager initiatives et bonnes volontés, mais je tiens à dénoncer ce miroir aux alouettes qui ne suscitera que déception chez les enfants, les enseignants et les parents.
Il est parfaitement illusoire et malhonnête de laisser penser, comme vous le dites, monsieur le ministre, que l’on pourra « réinventer » l’enseignement des langues vivantes sans y consacrer un minimum de moyens. À cet égard, les échanges d’enseignants seraient déjà profitables. Nous disposons de l’outil permettant d’y parvenir, le programme Jules Verne, qui ne demande qu’à être développé.
En tout état de cause, il semblerait plus réaliste d’envisager d’abord, pour les plus petits, un éveil aux différentes langues, avec un objectif d’éducation à la diversité, comme le préconise le linguiste Claude Hagège.
J’aimerais aborder maintenant la question des sections internationales.
L’ouverture sur des cultures différentes est bien leur objectif, puisqu’elles scolarisent des élèves déjà empreints d’une double, voire d’une triple culture, parce qu’ils sont d’origine étrangère, qu’ils ont vécu à l’étranger ou sont issus de familles expatriées. Les cours y sont assurés par des enseignants français recrutés sur profil et étrangers intervenant alors dans leur langue pour des enseignements spécifiques.
Ainsi, contrairement aux sections européennes, ces sections internationales présentent, certes, un enseignement renforcé en langue, mais surtout une pédagogie culturellement différenciée. C’est là que réside tout leur intérêt.
La France compte plusieurs lycées au statut d’établissement international, celui de Saint-Germain-en-Laye, par exemple. La capitale dispose non pas d’un tel établissement, mais d’un lycée comportant six sections internationales près de la porte de Clichy. La cité scolaire Honoré de Balzac bénéficie d’une riche mixité sociale : sur les 2 000 élèves, 50 % sont inscrits en sections internationales et 50 %, inscrits en section générale, sont des enfants du secteur.
Les bienfaits de cette grande hétérogénéité sociale, alliée à l’ambiance multiculturelle, sont reconnus par tous. Cependant, de fortes tensions concrétisées par des mouvements de grève des professeurs et des élèves existent depuis plusieurs mois.
Une grande inquiétude est aussi manifeste chez les parents, qui s’interrogent sur les moyens : malgré sa localisation, l’établissement ne bénéficie pas du programme ECLAIR. Ils s’interrogent aussi sur les problèmes de personnels : manque de postes, non-remplacement de personnel, professeurs des sections internationales non recrutés sur un profil particulier propre à un enseignement pluriculturel, alors que les textes le commandent.
Au regard de l’absence de statut de lycée international de l’établissement, la pérennité même de ces sections est en question, puisque, si elles étaient « diluées » dans la section générale française, elles perdraient de facto toute spécificité pédagogique et ne seraient plus que des sections à enseignement linguistique renforcé.
Pour pallier ces tensions certaines et ces éventuels dysfonctionnements – le passage de quatre proviseurs en cinq ans et l’absence de projet d’établissement posent question –, plusieurs associations de parents d’élèves, auxquelles je m’associe, sollicitent la tenue d’assises sur l’avenir de la cité scolaire Honoré de Balzac, notamment dans sa dimension internationale. Pensez-vous, monsieur le ministre, répondre à cette demande ?
Même si, par ailleurs, la capitale ne dispose d’aucune école élémentaire internationale – hors un projet pilote, depuis vingt-cinq ans, d’école franco-allemande dans l’est parisien –, le lycée Balzac répond à un véritable besoin, comme en témoigne la croissance continue des demandes de scolarisation en sections internationales.
Beaucoup d’élèves effectuent des trajets de plusieurs heures, car, malgré l’ouverture récente de quelques sections dans d’autres lycées parisiens, Balzac offre la plus grande diversité. Et le nouveau lycée international, dont l’ouverture est annoncée à l’est de l’Île-de-France, ne pourra rivaliser, notamment aux yeux des expatriés et des entreprises multinationales, avec un établissement situé dans Paris intra-muros. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste-EELV et du groupe CRC.)