M. le président. La parole est à Mme Odette Herviaux, rapporteure pour avis.
Mme Odette Herviaux, rapporteure pour avis de la commission de l'économie, du développement durable et de l'aménagement du territoire. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je me contenterai d’aborder trois points sur ce projet de budget : l’installation, la sécurité sanitaire et la pêche.
Premièrement, l’installation des jeunes agriculteurs est un enjeu essentiel. La population des exploitants agricoles vieillit. Plus de 40 % des exploitants ont plus de cinquante ans et la part des jeunes de moins de trente-cinq ans est tombée à 13 %, alors qu’elle était encore de 18 % au début des années deux mille.
Cette réalité est encore plus forte dans certains secteurs, comme l’élevage allaitant ou les productions animales spécialisées, comme la production porcine. C’est donc la question de la survie des filières qui est posée. Sans installation, aucune continuité des exploitations n’est possible, mais cela signifie aussi moins de progrès technique dans les domaines agronomique, économique et environnemental.
Certes, l’enveloppe est reconduite à l’identique par rapport à 2011 dans ce projet de budget, avec 55 millions d’euros pour la part nationale de la dotation jeunes agriculteurs, cofinancée à 50 % par le Fonds européen agricole pour le développement rural, le FEADER, 53 millions d’euros pour les prêts jeunes agriculteurs et 11,5 millions d’euros sur le Fonds d’incitation et de communication pour l’installation en agriculture, le FICIA. À ces aides budgétaires s’ajoutent des aides fiscales dont le coût est estimé à 42 millions d’euros, ainsi que l’exonération de la taxe foncière.
Au total, l’installation est soutenue économiquement par l’État et par l’Union européenne, pour environ 350 millions d’euros par an. Cependant, les résultats ne sont pas au rendez-vous : on dénombre seulement 13 300 installations en 2009 et autant, semble-t-il, en 2010. Ces chiffres sont insuffisants pour assurer le renouvellement des générations. En outre, à peine 45 % des installations sont aidées.
Mon inquiétude vient essentiellement des coupes qui affectent les crédits d’accompagnement à l’installation : on a confié les missions des ADASEA aux chambres d’agriculture sans leur transférer les crédits. À elles de se débrouiller pour faire mieux avec une dotation passée de 14 millions d'euros voilà deux ans à 2 millions d'euros en 2012 et à rien du tout en 2013.
Deuxièmement, l’année 2011 est venue une nouvelle fois nous rappeler le très haut niveau d’exigence des consommateurs en matière de sécurité sanitaire des aliments. Les enjeux de santé publique et les enjeux économiques sont totalement imbriqués. Le programme 206 vise à répondre à ce défi. Paradoxalement, alors que ce programme est toujours affiché comme une priorité de l’État, les crédits qui y sont consacrés baissent pour la troisième année consécutive, pour passer en-dessous des 500 millions d’euros.
Je constate ainsi une réduction de 3 % des moyens consacrés à la lutte contre les maladies végétales et animales. Monsieur le ministre, vous faites le pari de la maîtrise totale du risque en 2012, alors qu’aujourd’hui, tant sur le végétal que sur le secteur animal, de nouvelles menaces peuvent apparaître.
Enfin, l’enveloppe consacrée au fonctionnement, notamment au financement des services vétérinaires, connaît un taux de progression zéro.
En termes d’effectifs, le programme 206 enregistre une nouvelle baisse de 66 équivalents temps plein travaillé pour 2012, après une baisse de 117 équivalents temps plein travaillé en 2011. Cette évolution est inquiétante au moment où les missions sont de plus en plus nombreuses.
Le syndicat national des inspecteurs de santé publique vétérinaire s’inquiète d’une telle situation, qui constitue un véritable désarmement progressif de notre arsenal de sécurité sanitaire, alors que celui-ci est actuellement un point fort de notre agriculture et de notre secteur agroalimentaire.
De son côté, l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail, l’ANSES, reçoit une dotation de 66,5 millions d’euros du programme 206 « Sécurité et qualité sanitaires de l’alimentation », qui est, lui aussi, en baisse par rapport à 2011.
Pourtant, il est rentable d’investir dans la sécurité sanitaire, car cela permet d’éviter de devoir demain dépenser des centaines de millions d’euros pour régler les conséquences des crises.
Troisièmement, la réforme de la politique commune de la pêche, la PCP, est en marche, mais les propositions de la commission européenne sont lourdes de menaces : marchandisation des quotas, au travers des quotas individuels transférables, et réduction drastique de ceux-ci pour certaines pêcheries, avec la fixation de l’objectif d’atteindre le rendement maximum durable, le RMD, dès 2015, pour toutes les espèces.
Du point de vue budgétaire, je tiens à saluer la poursuite, au-delà de la fin du plan pour une pêche durable et responsable, le PPDR, des contrats bleus en 2012.
Mais, à nos yeux, depuis la loi du 27 juillet 2010 de modernisation de l’agriculture et de la pêche, la LMAP, on ne s’est pas attaqué à l’enjeu majeur que constitue la modernisation des équipements. Les navires restent vieillissants et les conditions de sécurité à bord doivent encore être améliorées.
Les crédits pour la pêche et l’aquaculture sont à peu près maintenus pour 2012, aux alentours de 60 millions d’euros, mais ils sont largement absorbés par les plans de sortie de flotte, à hauteur de 13 millions d’euros, et la contribution de l’État à l’assurance chômage intempéries, pour 6,8 millions d’euros.
Or il faudrait avoir une vision plus offensive de la pêche, libérer davantage les crédits pour développer de nouveaux navires et soutenir des projets aquacoles innovants. À cet égard, monsieur le ministre, il nous semble que le compte n’y est pas.
Pour toutes ces raisons, mes conclusions rejoignent celles de ma collègue Renée Nicoux et de la commission de l’économie, saisie pour avis, qui recommande de ne pas adopter les crédits de la mission. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste-EELV et du groupe CRC.)
M. le président. La parole est à M. Gérard César, rapporteur pour avis.
M. Gérard César, rapporteur pour avis de la commission de l’économie, du développement durable et de l’aménagement du territoire. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je souhaite avant tout rappeler que l’agriculture a une vocation de production. Pour nourrir 7 milliards d’êtres humains aujourd’hui, et 9 milliards en 2050, il faut produire.
La France, avec 30 millions d’hectares de surface agricole utilisée, est bien placée en Europe pour jouer un rôle éminent. Remarquons que l’agriculture et l’agroalimentaire contribuent, à hauteur de 8 milliards d’euros, à améliorer le solde de notre balance commerciale.
Cependant, on ne continuera à produire en France que si l’agriculteur gagne sa vie, s’il n’est pas écrasé sous le poids des contraintes et des charges. Je salue donc la politique de baisse de charges mise en œuvre par le Gouvernement, sur l’initiative de M. le ministre Bruno Le Maire.
Après ces propos liminaires, je souhaite évoquer trois points importants : la forêt, les assurances agricoles et la viticulture.
Premier sujet, la forêt fait l’objet du programme 149. Ses crédits sont en légère décrue de 2 %, à 362,5 millions d’euros. N’en tirons cependant pas la conclusion que l’État abandonne la forêt, bien au contraire.
D’abord, une partie de la baisse correspond à une mesure de transfert de la subvention pour charge de service public de l’Inventaire forestier national, l’IFN, vers le programme 159 « Information géographique et cartographique », conséquence de sa fusion avec l’Institut géographique national, l’IGN.
Ensuite, le budget continue à être mobilisé pour faire face aux conséquences de la tempête Klaus du mois de janvier 2009. Les crédits du plan de restauration des chablis demeurent à un niveau élevé, 95 millions d’euros pour 2012.
Enfin, je me félicite de l’effort de l’État pour participer au redressement des finances de l’ONF dans le cadre du nouveau contrat d’objectifs et de moyens signé au mois de juillet dernier pour la période 2012-2016.
La dotation de l’ONF s’élève à 185,4 millions d’euros, dont 46 millions d’euros de contribution exceptionnelle. Ses ressources seront également accrues par la création d’une contribution calculée à la surface aux frais de garderie de l’ONF versés par les communes forestières, prévue à l’article 48 du projet de loi de finances pour 2012, rattaché à la présente mission.
Deuxième sujet, le rythme de progression des assurances agricoles n’est pas rapide, en tout cas pas à la hauteur de nos attentes, exprimées lors de la discussion de la LMAP.
L’enveloppe budgétaire destinée à subventionner les contrats d’assurance a baissé, passant de 133 millions d’euros à 100 millions d’euros au total, soit de 33 millions d’euros à 25 millions d’euros au niveau du budget de l’État, l’Europe prenant en charge 75 % de ces sommes.
Cette situation nous amène à demander une réflexion plus globale sur les freins à l’assurance. Certes, celle-ci est subventionnée jusqu’à 65 %. Mais la combinaison d’une exigence de perte de 30 % pour déclencher l’assurance, fixée dans la réglementation européenne, et d’une franchise de 25 % minimum conduit l’agriculteur à penser légitimement que l’assurance n’apporte pas une garantie suffisante.
Monsieur le ministre, pouvez-vous nous indiquer si, dans le cadre de la réforme de la PAC, nous pourrons assouplir les règles relatives aux franchises et aux seuils de perte à partir desquels l’assurance subventionnée peut être déclenchée ?
Par ailleurs, pouvez-vous nous indiquer où en est la réflexion du Gouvernement sur la mise en place d’une réassurance publique, chère à notre collègue Jean-Paul Emorine, qui constituait l’un des engagements pris durant la discussion de la LMAP ?
Troisième sujet, la viticulture. Peu de crédits y sont spécifiquement consacrés dans le projet de budget pour 2012, même si on peut penser que l’exonération des charges sur le travail permanent sera susceptible de bénéficier aussi aux viticulteurs.
Actions de promotion, arrachage et restructuration de vignobles relèvent essentiellement de crédits européens, à hauteur de plus de 250 millions d’euros.
Je rappelle que la production de vin est essentielle au sein de la « ferme France ». En 2011, nous retrouvons d’ailleurs, devant l’Italie, la première place européenne, donc mondiale, grâce à une récolte estimée à 50 millions d’hectolitres. Avec 18 milliards d’euros de chiffre d’affaires et un excédent extérieur de 6 milliards d’euros, les vins et spiritueux français sont un maillon fort de l’agriculture.
La politique d’amélioration de la qualité commence à porter ses fruits, mais une menace pointe : la réforme de l’organisation commune de marché unique de 2008 a accouché d’une catastrophe dont nous n’avons pas encore réussi à nous débarrasser : la fin des droits de plantation.
Instaurés pour contingenter la production, limiter les surproductions, garantir la qualité, protéger les terroirs traditionnels de la viticulture et éviter l’industrialisation de la vigne, les droits de plantation sont voués à disparaître, au plus tôt en 2016, au plus tard en 2018.
Le 4 avril dernier, le Sénat avait organisé un grand colloque pour soutenir le maintien de ces droits de plantation, en présence de M. le ministre et de parlementaires européens nous ayant apporté leur concours.
Angela Merkel et Nicolas Sarkozy ont appelé au rétablissement de ces droits. Aujourd’hui, quatorze États s’opposent à une telle suppression. Cette mobilisation n’a pas suffi à infléchir la position de la Commission européenne, qui, dans la nouvelle proposition de règlement portant organisation commune des marchés dans le secteur agricole, après 2013, a maintenu la suppression des droits de plantation. Je le rappelle que les textes de la future PAC sont soumis à codécision, impliquant un accord du Parlement européen, qui nous soutient et s’oppose à la libéralisation des droits.
Monsieur le ministre, nous avons l’impression que nous faisons du surplace sur ce dossier depuis l’été. Où en est la bataille diplomatique à Bruxelles pour abroger la décision, sachant qu’il manque encore soixante-six voix, provenant d’au moins deux États membres différents, pour parvenir à une majorité qualifiée au Conseil ?
La commission de l’économie a émis un avis défavorable à l’adoption des crédits de la mission « Agriculture, pêche, alimentation, forêt et affaires rurales ». Pour ma part, j’émets, à titre personnel, un avis favorable à leur adoption, ce qui n’étonnera personne. (Applaudissements sur les travées de l’UMP. - M. Raymond Vall applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. Henri Tandonnet, rapporteur pour avis.
M. Henri Tandonnet, rapporteur pour avis de la commission de l’économie, du développement durable et de l’aménagement du territoire. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, c’est la première fois que je suis rapporteur pour avis du budget de l’agriculture ; je constate la grande continuité des choix budgétaires du Gouvernement au cours de ces dernières années.
Tout d’abord, les crédits de la mission « Agriculture, pêche, alimentation, forêt et affaires rurales » sont globalement préservés pour 2012, ce dont nous pouvons nous réjouir en ces temps de disette budgétaire.
Ces crédits, qui s’élèvent à un peu plus de 3,5 milliards d’euros, sont loin de représenter l’essentiel des soutiens publics à l’agriculture. Il existe en effet près de 2 milliards d’euros d’allégements fiscaux complétant les aides au secteur agricole. Je me réjouis au passage, avec mes collègues de la commission des finances, que ces niches fiscales aient été jugées plutôt positivement par le « rapport Guillaume » du mois de juin dernier.
Il faut en avoir conscience, l’Europe reste le principal contributeur des politiques agricoles, la PAC représentant près de 9,5 milliards d’euros par an pour la France : 8,7 milliards d’euros sur le premier pilier et 750 millions d’euros sur le second, qui est consacré au développement agricole et rural.
Enfin, les collectivités territoriales apportent leur contribution, à hauteur de 1 milliard d’euros environ.
Dans le délai très court qui m’est imparti, je voudrais aborder deux sujets devant vous : la question des charges, en lien avec la situation de la filière fruits et légumes, et le problème de la ressource en eau.
Premier sujet, la baisse des charges. À cet égard, mon point de vue sera plus positif que celui de Mme Nicoux. Face à la baisse tendancielle des parts de marché de la France en fruits et en légumes, tant sur le territoire national qu’à l’export, il fallait réagir. La baisse de charges de un euro sur les salariés permanents va donner une bouffée d’air à ce secteur, qui en avait bien besoin.
L’année 2011 a été marquée par une crise majeure sur le concombre et la tomate, résultant de l’épidémie d'escherichia coli du mois de mai dernier, et sur la pêche nectarine. Un plan de sortie de crise a été présenté au mois de septembre par le ministre, combinant mesures conjoncturelles et structurelles, pour un montant de 25 millions d’euros.
Saluons cette initiative, mais il fallait aller plus loin, en proposant une amélioration durable de la compétitivité de l’ensemble de la filière, qui est soumise à très forte concurrence. C’est ce qu’ont fait nos collègues députés Jean Dionis du Séjour et Charles de Courson, en proposant à l’Assemblée nationale un amendement tendant à alléger les charges patronales, dans la limite de vingt salariés par exploitation.
Un débat plus large doit maintenant être engagé sur les moyens de faire peser sur une autre assiette que la production nationale le financement de notre protection sociale. La TVA sociale est réclamée par le monde agricole. Il s’agirait de changer radicalement de logique et de faire contribuer nos fournisseurs internationaux, dont nous consommons des produits non grevés par les charges sociales, à l’inverse de ceux qui sont fournis par nos agriculteurs. Cette piste mérite d’être étudiée avec sérieux et débattue, et pas d’être balayée d’un revers de main. (M. Charles Revet acquiesce.)
Je le souligne, il n’y a pas que les charges sociales qui pénalisent notre agriculture. Les charges administratives et la lourdeur des procédures constituent également un fardeau qui fait perdre en productivité et en compétitivité.
M. Charles Revet. Exact !
M. Henri Tandonnet, rapporteur pour avis. La simplification est un combat quotidien et sera également un des enjeux forts de la future réforme de la PAC.
Deuxième sujet, la question de la ressource en eau. L’épisode de sécheresse du printemps dernier a montré la fragilité de notre agriculture devant le manque temporaire d’eau, posant la question de la gestion de la ressource, afin de garantir les productions et les politiques contractuelles associées.
Le projet de budget qui nous est présenté s’inscrit dans la droite ligne du choix fait en 2008 de désengager le ministère de l’agriculture du financement de l’hydraulique agricole. Seuls 2,8 millions d’euros restent prévus pour l’entretien des ouvrages qui sont du domaine de l’État.
Il faut donc trouver d’autres financeurs. Les investissements collectifs d’hydraulique agricole, tels que ceux qui sont nécessaires à la construction de retenues collinaires, bénéficient d’une enveloppe dans le cadre du programme de développement rural hexagonal, le PDRH, qui décrit la mise en œuvre du deuxième pilier de la PAC.
Par ailleurs, les agences de bassin ont pris le relais de l’État et peuvent subventionner les opérations qui leur sont présentées. Certaines collectivités locales complètent ces financements.
Les difficultés des projets tiennent moins à l’absence de financement qu’à des contraintes administratives et techniques, trop lourdes et difficilement compréhensibles sur le terrain. Après sa visite en Lot-et-Garonne, le Président de la République a annoncé, au mois de juin dernier, un plan sur cinq ans tendant à la création de retenues d’eau, des modifications législatives et réglementaires pour limiter les recours abusifs contre les projets des agriculteurs et un renforcement des compétences des chambres d’agriculture.
Monsieur le ministre, pouvez-vous nous dire où en est ce plan ? Quand la création de retenues collinaires sera-t-elle facilitée ? Ces retenues, qui pourraient également améliorer l’état écologique des cours d’eau, vont vite devenir vitales.
Enfin, je souhaiterais que le ministère de l’agriculture ne laisse pas au seul ministère de l’écologie la gestion de ce dossier, car l’intérêt des producteurs doit aussi être défendu dans la gestion de l’eau. J’ai peur que nos agriculteurs ne se sentent un peu seuls face aux agences de bassin.
Pour conclure, je signale que, si la commission de l’économie a émis un avis défavorable sur l’adoption des crédits de la mission « Agriculture, pêche, alimentation, forêt et affaires rurales », je me prononce, à titre personnel, pour leur adoption. (Applaudissements sur les travées de l’UCR et de l’UMP.)
M. Jean-Paul Emorine. Très bien !
M. le président. La parole est à M. Raymond Vall, rapporteur pour avis.
M. Raymond Vall, rapporteur pour avis de la commission de l’économie, du développement durable et de l’aménagement du territoire. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, partageant un grand nombre des propos qui viennent d’être tenus, je me bornerai à aborder trois points : les réponses à la crise de l’élevage, l’importance de l’enjeu alimentaire pour l’agriculture et, enfin, la problématique cruciale du développement rural pour les territoires enclavés.
J’évoquerai donc tout d’abord la crise de l’élevage, dont les effets se sont fait ressentir au printemps, la sécheresse ayant conduit les éleveurs en bovins allaitants à décapitaliser, de peur de ne plus pouvoir nourrir leur bétail.
Je ne m’appesantirai pas sur l’état de la filière, vous renvoyant à l’excellent rapport d’information réalisé par notre collègue Gérard Bailly au nom de la commission de l’économie, dans lequel il tirait la sonnette d’alarme sur les difficultés rencontrés, situation que confirme l’Institut de l’élevage dans une étude publiée au mois de septembre dernier. À ce stade, je me permettrai simplement de formuler trois remarques.
Premièrement, si la demande mondiale progresse, quantitativement et qualitativement, elle ne profite pas au marché national. Les éleveurs français, en raison d’une organisation peut-être insuffisante, ne semblent en effet pas être en mesure d’y répondre.
La mise en place d’un groupement d’intérêt économique chargé de l’exportation de la viande bovine française, dit GIE export, qui avait été envisagée, a rencontré l’opposition des industriels et n’a pas pu se concrétiser. Une solution va éventuellement pouvoir être trouvée au travers d’un groupement du même type, mais doté d’une structure plus souple.
Toutefois, je note une réduction des crédits budgétaires en faveur du soutien à l’export. Je pense que cela représente un risque.
Deuxièmement, l’ensemble des éleveurs s’inquiètent du contexte qui se dessine au niveau européen pour l’après-2014.
Les quotas laitiers disparaîtront. L’embellie des prix constatée en 2010 et 2011 se poursuivra-t-elle ou fera-t-elle place à une nouvelle crise du lait ? Vous le savez aussi bien que moi, 14 300 producteurs viennent de recevoir une nouvelle proposition de contrat de la part de Lactalis, jugée inacceptable et déséquilibrée par la Fédération nationale des producteurs de lait et l’ensemble des organisations agricoles. Dès lors, une question se pose : le « paquet lait » européen pourra-t-il être finalisé avant la fin de l’année, comme cela était prévu ?
Concernant l’élevage allaitant, les revenus restent faibles, mais la prime à la vache allaitante joue un rôle important pour équilibrer les trésoreries. Le montant correspondant à la part nationale est inscrit dans le budget 2012. Il s’agit d’une des dernières grandes primes couplées. Pourra-t-on la maintenir dans la future PAC ?
Troisièmement, pour le lait comme pour l’élevage allaitant, l’enjeu de la modernisation de la gestion des exploitations reste entier.
Plusieurs dispositifs sont inscrits au budget 2012, notamment le plan de modernisation des bâtiments d’élevage et le plan de performance énergétique. En outre, FranceAgriMer met à disposition des crédits de modernisation, issus de la dotation d’intervention provenant du programme 154 « Économie et développement durable de l’agriculture, de la pêche et des territoires ». Ces dispositifs ont fait leurs preuves, mais ils restent, compte tenu de la situation, d’ampleur modeste et les résultats ne sont pas visibles.
En matière d’énergies renouvelables, par exemple, nous n’avons pas rattrapé notre retard. Ainsi, pour la méthanisation, la France ne compte que quelques dizaines d’unités de production, contre plus de 4 000 en Allemagne. Dans ces domaines, il faut le rappeler, le retard pris est dû à des problèmes, non pas seulement financiers, mais aussi de réglementation et d’administration.
M. Yannick Botrel, rapporteur spécial. C’est très vrai !
M. Raymond Vall, rapporteur pour avis. Nous devrons absolument trouver une solution pour répondre à ce besoin de simplification.
J’évoquerai ensuite le lien entre l’agriculture et l’alimentation, rappelant que nous avions unanimement salué les avancées qu’avait permises la LMAP sur ce thème.
M. Gérard César, rapporteur pour avis. Ah !
M. Raymond Vall, rapporteur pour avis. Les crédits consacrés au programme national pour l’alimentation progressent, ce que je salue, même si le montant de l’enveloppe, environ 3,2 millions d’euros, reste modeste.
Le lien entre agriculture et alimentation doit être renforcé, pour faire du consommateur un allié de l’agriculteur, prêt à payer le juste prix d’une production de qualité. Ce lien passe aussi par les circuits courts. À ce titre, je vous remercie, monsieur le ministre, d’avoir modifié l’article 53 du code des marchés publics, ce qui permet dorénavant aux collectivités de faciliter l’accès des filières de production locale à la restauration collective.
Un autre aspect du lien entre agriculture et alimentation réside dans le développement du bio. Les crédits qui lui sont consacrés sont maintenus en 2012, à hauteur d’environ 6 millions d’euros. Toutefois, en divisant par deux l’avantage fiscal pour le maintien des surfaces cultivées en bio en 2011, le Gouvernement a, me semble-t-il, envoyé un mauvais signal.
M. Jean-Paul Emorine. Cela suffit largement !
M. Raymond Vall, rapporteur pour avis. La cible de 6 % de surfaces bio en 2013 est d’ores et déjà inatteignable.
Sur le bio comme sur les circuits courts, je salue l’engagement des collectivités locales, qui apportent leur soutien financier à des projets locaux souvent innovants.
J’aborderai enfin, comme je l’avais fait l’an dernier à l’occasion de l’examen des crédits de cette même mission, le problème des territoires ruraux enclavés.
Monsieur le ministre, vous vous êtes rendu tout récemment dans le Gers, et nous nous sommes entretenus à cette occasion avec les forces vives agricoles du département. Vous avez d’ailleurs pu avoir confirmation de ce que nous vous indiquions. Vous êtes également ministre de l’aménagement du territoire, et je salue les efforts que vous faites à la tête de ce ministère, depuis déjà un certain temps, ainsi que les mesures que vous y avez prises.
M. Charles Revet. Très bien !
M. Raymond Vall, rapporteur pour avis. Si nous n’y prenons garde, tous ces efforts seront à mon avis annihilés par la situation catastrophique que connaissent certains territoires ruraux.
Je mentionnerai simplement les difficultés rencontrées pour assurer le transport des productions, qui sont telles que l’on voit poindre à l’horizon la menace d’une délocalisation. Les capacités de stockage devront être augmentées de 10 % pour constituer des stocks tampons. Aujourd’hui, certains territoires ruraux ne possèdent ni voies ferrées ni routes dignes de ce nom : les stockages seront donc délocalisés près des ports ou des grands axes, ce qui est évidemment pénalisant.
Monsieur le ministre, le maintien de l’effort budgétaire en faveur de cette mission est, dans une conjoncture aussi difficile, tout à votre honneur. Pour autant, j’estime que, globalement, compte tenu de la diversité du territoire français, une stratégie trop tournée vers la compétitivité, qui répond certes aux exigences du marché mondial, fragilise le modèle français d’une agriculture diversifiée.
Par ailleurs, le soutien aux mesures agro-environnementales est trop faible, l’hydraulique agricole n’est plus financé, le plan de modernisation des bâtiments d’élevage et le plan de performance énergétique sont maintenus, mais se révèlent insuffisants pour rattraper notre retard, en particulier par rapport à l’Allemagne.
Pour toutes ces raisons, je me situe dans la même ligne de pensée que la commission. Si j’émets un avis favorable sur le CASDAR, je suis défavorable à l’adoption des crédits de la mission « Agriculture, pêche, alimentation, forêt et affaires rurales ». (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste-EELV et du groupe CRC.)
M. Charles Revet. C’est dommage !
M. le président. Mes chers collègues, je vous rappelle que le temps de parole attribué à chaque groupe pour chaque discussion comprend le temps d’intervention générale et celui de l’explication de vote.
Je vous rappelle aussi que, en application des décisions de la conférence des présidents, aucune intervention des orateurs des groupes ne doit dépasser dix minutes.
Par ailleurs, le Gouvernement dispose au total de quarante minutes pour intervenir.
Dans la mesure où il est d’ores et déjà acté que nous devrons siéger cette nuit, j’invite chacune et chacun à respecter le temps de parole qui lui est imparti.
Dans la suite de la discussion, la parole est à Mme Mireille Schurch.