M. le président. Je suis saisi de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 30, présenté par Mme Khiari, au nom de la commission, est ainsi libellé :
Alinéa 23
Rédiger ainsi cet alinéa :
« À défaut d’opposition de l’auteur apportant par tout moyen la preuve qu’il est le seul titulaire du droit de reproduction d’un livre sous une forme imprimée, l’éditeur ayant notifié sa décision d’acceptation est tenu d’exploiter, dans les trois ans suivant cette notification, le livre indisponible concerné. Il doit apporter à cette société, par tout moyen, la preuve de l’exploitation effective du livre.
La parole est à Mme la rapporteure.
Mme Bariza Khiari, rapporteure. Cet amendement a pour objet de permettre aux auteurs de sortir à tout moment un livre indisponible du système dit « du droit de préférence » des éditeurs s'ils démontrent qu'ils détiennent l'intégralité des droits d'exploitation du livre en question.
M. le président. L'amendement n° 13, présenté par Mmes Cukierman et Gonthier-Maurin, M. Le Scouarnec et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Alinéa 23, première phrase
Supprimer les mots :
apportant par tout moyen la preuve de la fin du contrat d’édition visé au premier alinéa
La parole est à Mme Cécile Cukierman.
Mme Cécile Cukierman. Cet amendement va dans le même sens que celui de Mme la rapporteure : il s'agit de protéger les auteurs qui ne souhaiteraient pas que leur œuvre soit diffusée par des moyens numériques. Cet amendement étant manifestement voué à « tomber », j’aime autant le retirer ! (Sourires.)
M. le président. L’amendement n° 13 est retiré.
Quel est l’avis du Gouvernement sur l'amendement n° 30 ?
M. Patrick Ollier, ministre. Le Gouvernement n’est pas rancunier : cet amendement apportant une précision utile, il y est favorable. (Sourires.)
M. le président. L'amendement n° 31, présenté par Mme Khiari, au nom de la commission, est ainsi libellé :
Alinéa 24
Après les mots :
à l'alinéa précédent
rédiger ainsi la fin de cet alinéa :
la reproduction et la représentation du livre sous une forme numérique sont autorisées par la société de perception et de répartition des droits dans les conditions prévues au deuxième alinéa du I de l’article L. 134-3.
La parole est à Mme la rapporteure.
Mme Bariza Khiari, rapporteure. Il s'agit d’un amendement de coordination.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. L'amendement n° 32, présenté par Mme Khiari, au nom de la commission, est ainsi libellé :
Alinéa 25
Après les mots :
les conditions prévues
rédiger ainsi la fin de cet alinéa :
au deuxième alinéa du I de l’article L. 134-3 est considéré comme éditeur de livre numérique au sens de l’article 2 de la loi n° 2011-590 du 26 mai 2011 relative au prix du livre numérique.
La parole est à Mme la rapporteure.
Mme Bariza Khiari, rapporteure. Il s'agit d’un amendement de coordination et de précision rédactionnelle.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. L'amendement n° 14 rectifié bis, présenté par Mmes Cukierman et Gonthier-Maurin, M. Le Scouarnec et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 26
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
« Le présent article s’applique sans préjudice des dispositions prévues à l'article L. 121-4. »
La parole est à Mme Cécile Cukierman.
Mme Cécile Cukierman. Nous souhaitons nous assurer que, s'agissant de l’édition numérique, l’auteur pourra bien bénéficier, dans le cas de la perception des droits par une société collective, du droit de retrait prévu par l’article L. 121-4 du code de la propriété intellectuelle pour l’édition papier.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Bariza Khiari, rapporteure. La commission émet un avis favorable. Personne ne conteste que le droit de retrait demeure applicable aux auteurs des livres indisponibles. Toutefois, je comprends que l’on puisse vouloir le préciser en éclairant l’interprétation du texte, afin de lever les inquiétudes qui pourraient surgir.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Patrick Ollier, ministre. Le Gouvernement est défavorable à cet amendement, car, en vertu de l’article L. 121-4 du code de la propriété intellectuelle, le droit de retrait peut s’exercer à tout moment, quel que soit le mode d’exploitation de l’œuvre. La précision qu’apporte cet amendement est donc superflue.
Cette précision pourrait même s’avérer néfaste, car la volonté de confirmer la faculté qu’a l’auteur d’exercer les prérogatives du droit moral dans ce cas précis pourrait laisser penser qu’il existe d’autres cas dans lesquels cette faculté serait limitée. L’adoption de cet amendement serait donc contre-productive, car elle affaiblirait l’exercice du droit moral. Est-ce bien ce que vous souhaitez, madame le rapporteur, madame Cukierman ? Je ne le crois pas, et je souhaiterais donc que vous entendiez l’objection du Gouvernement, qui n’a rien de politique, là non plus, et est purement d’ordre technique.
M. le président. Madame Cukierman, l'amendement n° 14 rectifié bis est-il maintenu ?
Mme Cécile Cukierman. Monsieur le ministre, de façon politique – puisque nous sommes bien là pour faire de la politique, mais de manière intelligente et intelligible –, je retire cet amendement. (Sourires.)
M. le président. L'amendement n° 14 rectifié bis est retiré.
L'amendement n° 33, présenté par Mme Khiari, au nom de la commission, est ainsi libellé :
Alinéas 27 à 31
Remplacer ces alinéas par cinq alinéas ainsi rédigés :
« Art. L. 134-6. – L'auteur et l'éditeur disposant du droit de reproduction sous une forme imprimée d'un livre indisponible notifient conjointement à tout moment à la société de perception et de répartition des droits mentionnée à l'article L. 134-3 leur décision de lui retirer le droit d'autoriser la reproduction et la représentation dudit livre sous forme numérique.
« L'auteur d'un livre indisponible peut décider à tout moment de retirer à la société de perception et de répartition des droits mentionnée à l'article L. 134-3 le droit d'autoriser la reproduction et la représentation du livre sous une forme numérique, s'il apporte la preuve qu'il est le seul titulaire des droits définis au même article. Il lui notifie cette décision.
« Mention des notifications prévues aux premier et deuxième alinéas est faite dans la base de données mentionnée à l'article L. 134-2.
« L'éditeur ayant notifié sa décision dans les conditions prévues au premier alinéa est tenu d'exploiter le livre concerné dans les dix-huit mois suivant cette notification. Il doit apporter à la société de perception et de répartition des droits, par tout moyen, la preuve de l'exploitation effective du livre.
« La société informe tous les utilisateurs auxquels elle a accordé une autorisation d'exploitation du livre concerné des décisions mentionnées aux premier et deuxième alinéas. Les ayants droit ne peuvent s'opposer à la poursuite de l'exploitation dudit livre engagée avant la notification pendant la durée restant à courir de l'autorisation mentionnée au deuxième alinéa du I de l'article L. 134-3.
La parole est à Mme la rapporteure.
Mme Bariza Khiari, rapporteure. Cet amendement a pour objet de clarifier la procédure de sortie du système de gestion collective par les auteurs seuls, ou les éditeurs et les auteurs de manière conjointe. Il s'agit donc d’un amendement de clarification.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Patrick Ollier, ministre. Le Gouvernement constate que cet amendement ne modifie pas le mécanisme de sortie du dispositif de gestion collective organisé au profit des titulaires du droit, mais en facilite la compréhension. Il s'agit donc d’une amélioration rédactionnelle. Par conséquent, le Gouvernement émet un avis favorable.
M. le président. La parole est à Mme Dominique Gillot, pour explication de vote.
Mme Dominique Gillot. Monsieur le président, je sollicite votre bienveillance, car ma prise de parole relève un peu de la flibusterie. (Sourires.)
J’ai évoqué tout à l'heure un droit d’appel des auteurs qui considéreraient qu’ils ont été oubliés lors de l’établissement de la liste des ouvrages indisponibles à numériser. Malheureusement, cette idée ne m’est venue qu’après la date limite de dépôt des amendements. Mon intervention vise donc à faire figurer d’une autre manière cette idée au Journal officiel. Il faut pouvoir faire droit à un auteur qui se sentirait oublié !
M. le président. Je vous pardonne d’autant plus volontiers cet acte de flibusterie, madame Gillot, qu’il n’a pas réellement retardé nos débats ! (Nouveaux sourires.)
Je mets aux voix l'amendement n° 33.
(L'amendement est adopté.)
M. le président. Je mets aux voix l'article 1er, modifié.
(L'article 1er est adopté.)
Articles additionnels après l'article 1er
M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques.
L'amendement n° 1 rectifié est présenté par Mme D. Gillot et les membres du groupe Socialiste, Apparentés et groupe Europe Écologie Les Verts rattaché.
L'amendement n° 8 rectifié est présenté par Mmes Cukierman et Gonthier-Maurin, M. Le Scouarnec et les membres du groupe communiste républicain et citoyen.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Après l’article 1er
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le chapitre III du titre Ier du livre Ier de la première partie du code de la propriété intellectuelle est complété par un article L. 113-10 ainsi rédigé :
« Art. L. 113-10. – L’œuvre orpheline est une œuvre protégée et divulguée, dont le titulaire des droits ne peut pas être identifié ou retrouvé, malgré des recherches diligentes, avérées et sérieuses.
« Lorsqu’une œuvre a plus d’un titulaire de droits et que l’un de ces titulaires a été identifié et retrouvé, elle n’est pas considérée comme orpheline. »
La parole est à Mme Dominique Gillot, pour présenter l’amendement n° 1 rectifié.
Mme Dominique Gillot. Cet amendement vise à insérer un article additionnel après l’article 1er, comme nous en sommes convenus avec M. Legendre, de manière à ne pas bouleverser le sens de la proposition de loi.
Il s’agit de combler un vide juridique en introduisant dans le code de la propriété intellectuelle une définition globale de l’œuvre orpheline, en prenant garde que les auteurs d’œuvres un moment considérées comme orphelines ou leurs ayants droit ne soient pas lésés.
Je rappelle que tout auteur jouit, en application de l’article L. 121-1 de ce code, d’un droit moral perpétuel, inaliénable et imprescriptible sur son œuvre. En application de l’article L.122-1, il détient par ailleurs des droits patrimoniaux liés à l’exploitation, la reproduction ou la représentation de celle-ci, droits qui ne peuvent être cédés qu’expressément et de manière non exclusive.
Néanmoins, certaines œuvres, susceptibles de relever de tous les secteurs de la propriété littéraire et artistique, ne peuvent, pour des raisons diverses, être attribuées à un auteur précis. Leurs auteurs s’en trouvent lésés puisque, de facto, ils ne sont pas en mesure d’exercer leurs droits. Sont particulièrement concernées les œuvres d’art plastique ou visuelles. Dans le cas des œuvres écrites ou cinématographiques, il s’agit en effet d’un phénomène marginal, mais qui pose néanmoins parfois problème ; nous ne devons donc pas le négliger.
Le nouvel article L. 113-10 que notre amendement vise à introduire viendrait compléter le chapitre consacré aux titulaires du droit d’auteur, qui établit les différents types d’œuvres pour lesquelles une personne peut se prévaloir de la qualité d’auteur.
La définition qu’il donne de l’œuvre orpheline correspond à celle que le Sénat, sur l’initiative de Mme Blandin, devenue depuis présidente de la commission de la culture, et des sénateurs du groupe socialiste, avait adoptée à l’unanimité, voilà un peu plus d’un an, dans le cadre de l’examen d’une proposition de loi relative aux œuvres visuelles orphelines. Ce texte est malheureusement toujours en navette, faute d’avoir été inscrit à l’ordre du jour de l’Assemblée nationale.
Je rappelle les termes de cette définition : « Une œuvre est considérée comme orpheline si le titulaire des droits sur cette œuvre n’a pas été identifié ou, bien qu’ayant été identifié, n’a pu être localisé à l’issue de la réalisation et de l’enregistrement d’une recherche diligente des titulaires des droits… »
À l’époque, notre assemblée s’était inspirée, pour rédiger cette définition, des travaux du Conseil supérieur de la propriété littéraire et artistique. Nous disposons désormais du texte de la directive adoptée par le Parlement et le Conseil européens. Nous avons donc complété notre définition pour tenir compte des préconisations de cette directive, qui, dans son article 2, dispose que, « lorsqu’une œuvre a plus d’un titulaire de droits et que l’un de ces titulaires a été identifié ou localisé, elle n’est pas considérée comme orpheline ».
Nous saisissons donc l’occasion de l’examen de ce texte, qui, sans les distinguer des œuvres écrites indisponibles, englobe des œuvres écrites indisponibles et de surcroît orphelines, pour tenter d’accélérer le processus engagé à l’automne 2010 par Mme Blandin et les sénateurs de mon groupe.
Je me réjouis que les amendements proposés par Mme la rapporteure permettent de donner naissance à un régime juridique applicable aux œuvres écrites indisponibles et orphelines. Il s’agit d’une avancée, que nous complétons par notre amendement. Il conviendra, dans un futur proche, de prévoir un régime ad hoc pour toutes les catégories d’œuvres orphelines.
L’œuvre orpheline étant ainsi définie, les éventuels ayants droit pourront faire valoir les droits qui s’y attachent au titre du droit d’auteur ; en l’absence d’ayants droit notoires, il sera possible de procéder à une gestion « conservatoire » de ces droits.
J’espère que nous ne nous dédirons pas et que nous adopterons, pour la deuxième fois en moins de dix mois, cet amendement.
M. le président. La parole est à Mme Cécile Cukierman, pour présenter l'amendement n° 8 rectifié.
Mme Cécile Cukierman. L’objectif est effectivement d’inscrire dans le code de la propriété intellectuelle la définition des œuvres orphelines pour que leur spécificité puisse être intégrée dans la réflexion. Mme Gillot ayant défendu cet amendement, je ne reviens pas sur le fond.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Bariza Khiari, rapporteure. On peut s’interroger sur la pertinence de l’insertion d’une disposition générale définissant les œuvres orphelines dans un texte consacré spécifiquement au livre. Néanmoins, après un débat, la commission a considéré ce matin que l’introduction d’une telle définition dans le code de la propriété intellectuelle trouverait son utilité.
Elle a donc émis un avis favorable sur ces deux amendements identiques.
Comme l’a dit Mme Gillot, ceux-ci reprennent la définition adoptée – à l’unanimité, je le rappelle – par la commission de la culture le 28 octobre 2010, lors des débats sur la proposition de loi relative aux œuvres orphelines, tout en tenant compte de la rédaction retenue par la proposition de directive sur certaines utilisations autorisées des œuvres orphelines, laquelle permet de retirer le caractère orphelin à une œuvre lorsqu’au moins l’un des titulaires des droits a été retrouvé.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Patrick Ollier, ministre. Le Gouvernement est défavorable à ces amendements, non pas parce qu’il conteste la définition retenue par leurs auteurs pour les œuvres orphelines, laquelle ne soulève pas de gros problèmes en elle-même, mais d’abord parce qu’ils dépassent largement l’objet de la présente proposition de loi, ce qui risque de susciter des difficultés au cours de la navette, car l’Assemblée nationale se montre très stricte sur ce point.
Mme Bariza Khiari, rapporteure. Nous anticipons, monsieur le ministre !
M. Patrick Ollier, ministre. Je préfère prévenir ces difficultés, madame Khiari, mais le problème principal est ailleurs.
Il existe aujourd'hui une proposition de directive sur certaines utilisations autorisées des œuvres orphelines en vue de l’instauration de règles communes sur la numérisation et l’affichage en ligne des œuvres dites orphelines.
Le Parlement aura donc l’occasion de se saisir dans quelques mois du texte de transposition de la future directive, dont l’objectif premier sera justement de définir les œuvres orphelines, particulièrement dans le secteur de l’écrit, et cela à l’échelle européenne, ce qui constituera un grand pas puisque les auteurs et éditeurs de tous les pays européens concernés verront leurs droits mieux assurés.
J’estime donc qu’il serait, non pas inutile, mais inopportun de discuter d’une définition qui va être établie, avec l’accord des États membres, au niveau de l’Union européenne. C’est pourquoi je ne peux qu’être défavorable à ces amendements, et je préférerais qu’ils soient retirés.
M. le président. La parole est à Mme la rapporteure.
Mme Bariza Khiari, rapporteure. Monsieur le ministre, nous attendons la directive européenne depuis quatre ans et nous risquons de l’attendre encore un moment. De plus, la transposition, l’expérience le démontre, risque de prendre, elle aussi, longtemps…
Aujourd'hui, nous avons la chance d’avoir une définition adoptée à l’unanimité par la commission en 2010 et complétée par Mme Gillot pour tenir compte de la directive, grâce à l’ajout de ce paragraphe : « Lorsqu’une œuvre a plus d’un titulaire de droits et que l’un de ces titulaires a été identifié et retrouvé, elle n’est pas considérée comme orpheline. »
M’appuyant sur cette unanimité exprimée par la commission une première fois en 2010 puis une seconde fois ce matin, je souhaite que ces amendements identiques soient mis aux voix.
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 1 rectifié et 8 rectifié.
(Les amendements sont adoptés.)
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans la proposition de loi, après l'article 1er.
L'amendement n° 2 rectifié, présenté par Mme D. Gillot et les membres du groupe Socialiste, Apparentés et groupe Europe Écologie Les Verts rattaché, est ainsi libellé :
Après l’article 1er
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le 7° de l’article L. 122-5 du code de la propriété intellectuelle est ainsi modifié :
1° Le premier alinéa est ainsi rédigé :
« La reproduction et la représentation par les bibliothèques, services d’archives, centres de documentation et espaces culturels ouverts au public en vue d’une consultation strictement personnelle de l’œuvre par les utilisateurs. » ;
2° Les deuxième et cinquième alinéas sont supprimés ;
3° Aux troisième et quatrième alinéas, les mots : « des personnes morales et » sont supprimés.
La parole est à Mme Dominique Gillot.
Mme Dominique Gillot. Cet amendement tend à élargir les exceptions autorisées par le code de la propriété intellectuelle. La nouvelle exception devrait permettre aux bibliothèques et autres institutions culturelles de reproduire des livres protégés par des droits.
Il ne faut pas se voiler la face : ces établissements détiennent souvent des ouvrages en un seul exemplaire et ont déjà procédé à leur numérisation pour les mettre plus facilement à la disposition de leurs usagers. Or ce type de reproduction – selon divers moyens et sur divers supports – n’est pas, aujourd'hui, encadré par la loi.
J’ajoute que certains types de documents, bien que récents, comme la presse, peuvent rapidement se dégrader et nécessiter des opérations de préservation qui impliquent des actes de reproduction. Une telle faculté paraît légitime et justifiée du fait de la nature des missions des établissements culturels concernés.
Par ailleurs, il faut convenir que les établissements entrant dans le champ d’application de l’amendement poursuivent une mission que l’on devrait pouvoir qualifier d’utilité publique – et que pour ma part je qualifie comme telle –, à défaut d’être, dans tous les cas, une mission de service public.
Le développement de la lecture publique contribue à la lutte contre l’illettrisme et à l’accès aux pratiques culturelles du plus grand nombre de nos concitoyens. C’est donc, selon un avis largement partagé, un facteur de progrès pour notre société.
Notre amendement ne tend aucunement à spolier les auteurs de leurs droits patrimoniaux. Les sociétés qui les représentent auront assurément à cœur de négocier avec les pouvoirs publics les conditions d’application de cette nouvelle exception.
J’espère que notre assemblée, loin de penser que je souhaite léser les auteurs et leurs ayants droit, me suivra dans ma volonté d’aider les bibliothèques, équipements culturels publics, à accomplir leurs missions dans de meilleures conditions.
Faute de moyens suffisants, leur existence même est parfois mise en péril. Si, à chaque numérisation autorisée, elles sont obligées de repayer des droits, elles seront à terme confrontées à de graves difficultés, difficultés que les collectivités territoriales ne seront pas en mesure de prendre en charge.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Bariza Khiari, rapporteure. Outre la copie privée, deux exceptions sont prévues pour les bibliothèques. La première permet la reproduction d’œuvres à des fins non commerciales, en vue de faciliter leur accès aux personnes handicapées. La seconde, introduite sur l’initiative du Sénat dans la loi HADOPI, autorise la reproduction effectuée à des fins de conservation ou destinées à préserver les conditions de consultation des œuvres.
Cet amendement supprime la condition de handicap pour l’application de la première exception. Les livres indisponibles, mais aussi tous les livres publiés aujourd’hui, sur lesquels les bibliothèques ne détiennent aucun droit, pourraient ainsi être numérisés et mis à disposition des lecteurs sans accord de l’auteur de ces ouvrages et sans rémunération subséquente.
Cette exception extrêmement large est contraire au respect du droit d’auteur, systématiquement défendu par la commission.
C'est la raison pour laquelle, ma chère collègue, je demande le retrait de l’amendement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Patrick Ollier, ministre. Le Gouvernement partage l’avis de Mme le rapporteur, dont je ne ferai que compléter les arguments.
En premier lieu, madame Gillot, cette disposition serait contraire, si elle était adoptée, au droit communautaire.
En second lieu, j’insiste, à la suite de Mme le rapporteur, sur le fait que la loi du 1er août 2006 relative au droit d’auteur et au droit voisin dans la société de l’information a déjà ouvert une exception au droit d’auteur au bénéfice des bibliothèques.
L’exception que vous proposez maintenant est beaucoup trop large et je vous demande à mon tour de bien vouloir retirer votre amendement, contre lequel j’émettrai, à défaut, un avis défavorable.
M. le président. Madame Gillot, l'amendement n° 2 rectifié est-il maintenu ?
Mme Dominique Gillot. Je vais retirer cet amendement, mais je tiens à ce que notre assemblée soit attentive aux difficultés de fonctionnement qui frappent les équipements culturels publics.
Si nous augmentons leurs charges, ce sont forcément les collectivités locales, qui assurent l’essentiel de leur financement, qui seront mises à contribution. Notre assemblée représentant les collectivités territoriales, il me semble important que nous nous préoccupions de cet aspect.
Soyons objectifs, mes chers collègues. Nous savons comment fonctionnent les bibliothèques et les médiathèques sur nos territoires : la tentation est grande de numériser certains ouvrages, qui ne sont pas encore indisponibles mais qui sont rares ou fragiles, pour que les usagers puissent néanmoins en profiter. Or, quand les établissements en question cèdent à cette tentation, ce qu’ils font parfois, ils sont un peu à la limite de la légalité. Cet amendement visait donc à faire en sorte qu’on ne puisse pas leur faire grief de cette pratique, qui est de nature à développer la lecture publique et à garantir l’accès le plus large à l’ensemble des œuvres et des informations.
M. le président. L'amendement n° 2 rectifié est retiré.
L'amendement n° 6, présenté par Mme D. Gillot et les membres du groupe Socialiste, Apparentés et groupe Europe Écologie Les Verts rattaché, est ainsi libellé :
Après l'article 1er
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Un comité de suivi composé de deux sénateurs et deux députés est chargé de rédiger, tous les deux ans, un rapport d’application des dispositions du chapitre IV du livre Ier du titre III du code la propriété intellectuelle.
Ce rapport étudie notamment les modalités de répartition retenues pour assurer la rémunération équitable des ayants droit au titre de l’exploitation numérique des œuvres indisponibles dont ils détiennent les droits, les moyens mis en œuvre, par la société de perception et de répartition des droits agrémentée, pour identifier et retrouver, le cas échéant, les ayants droit des œuvres orphelines et les sommes consacrées par la société agréée aux actions en faveur de la lecture publique.
Ce rapport peut faire l’objet d’un débat dans chacune des deux assemblées.
La parole est à Mme Dominique Gillot.
Mme Dominique Gillot. Cet amendement vise à instaurer une clause de rendez-vous sur l'application de cette proposition de loi, grâce à la création d'un comité de suivi composé de deux sénateurs et de deux députés, ce qui permettra de garantir les droits de l'opposition.
Certes, le Sénat dispose désormais d'une commission pour le contrôle de l'application des lois, qui a pour mission de veiller à la mise en œuvre des textes législatifs. Néanmoins, si j'en juge par l'activité législative qui nous occupe depuis le début de cette mandature, l'inflation des textes nous guette… Il est donc évident que cette nouvelle commission, dont je fais partie, ne pourra se saisir de l'ensemble des lois adoptées par le Parlement ces dernières années : il faudra nécessairement opérer des choix.
Par conséquent, ce comité de suivi ad hoc chargé de tirer un bilan des modalités d'exploitation numérique des œuvres indisponibles permettra de suivre de manière très précise l'application de ce texte, qui représente, nous en sommes tous convaincus, un véritable progrès dans l'accès à la connaissance du plus grand nombre.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?