M. Bruno Sido. Je n’ai rien dit !
M. Roger Karoutchi. Effectivement, il n’a rien dit !
M. Jacques Mézard. ... je rappelle qu’avec nos cent vingt ans d’expérience, nous avons su prendre la mesure du temps et de trois républiques parce que nos valeurs se confondent avec celles de la République.
M. Jean-Pierre Michel, rapporteur. Très bien !
M. Jacques Mézard. Le groupe du RDSE entend bien continuer à défendre et à préserver l’héritage des pères fondateurs de la République, et notamment de ceux qui, parmi les plus illustres, siégèrent ici même sur les bancs de la Gauche démocratique.
S’agissant de la création d’une nouvelle et septième commission permanente, j’ai, au nom de mon groupe, déposé un amendement tendant à élargir son champ de compétences et à préciser que ladite commission, que nous proposons d’appeler « commission du développement durable, des infrastructures, de l’équipement et de l’aménagement du territoire », est compétente en matière d’impact environnemental de la politique énergétique. (M. Jean-Vincent Placé applaudit.)
Il m’a été confirmé par le président du Sénat que la présidence de cette commission devrait être confiée au RDSE. (Exclamations amusées.)
Vous le voyez, moi, je ne suis pas comme M. le président Zocchetto : je n’ai pas honte des accords politiques !
M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois. Très bien !
M. Jacques Mézard. Des accords politiques que, bien sûr, pour leur part, les centristes n’ont jamais pratiqués ! (Rires et applaudissements sur de nombreuses travées du RDSE, ainsi que sur les travées du groupe socialiste-EELV et du groupe CRC.)
Je note avec regret la volonté de l’UMP de nous écarter de toute responsabilité...
M. Roger Karoutchi. Mais non !
M. Jacques Mézard. ... comme cela avait été fait pendant les trois dernières années. J’en comprends les vrais motifs politiques.
En revanche, les motifs affichés sont des paravents : c’est la dernière révision constitutionnelle de 2008, d’ailleurs votée par plusieurs Radicaux, et non des moindres, qui a, par l’article 43 de la Constitution, prévu de porter à huit le nombre de commissions à l’Assemblée nationale et au Sénat.
L’Assemblée nationale, sous majorité UMP et alors qu’un accord politique a été passé avec les centristes,...
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Bien sûr !
M. Jacques Mézard. ... a créé une commission du développement durable et de l’aménagement du territoire. Pensez-vous que ses présidents successifs, MM. Christian Jacob et Serge Grouard, tous deux députés UMP, ainsi que leurs collègues membres de ladite commission ont failli dans leur tâche ?
Au moment où pratiquement tous les Parlements en Europe ont créé une telle commission, est-il raisonnable que le Sénat français s’y refuse pour des raisons mineures ? Pensez-vous qu’une présidence RDSE ne serait pas en mesure d’aborder ces dossiers capitaux...
M. Roger Karoutchi. Ce n’est pas le sujet !
M. Jacques Mézard. ... à la fois dans le souci de l’innovation indispensable, monsieur Karoutchi,...
M. Roger Karoutchi. Je n’ai rien fait ! (Sourires.)
M. Jacques Mézard. ... comme des impératifs vitaux liés au changement climatique et en vertu d’une analyse raisonnable des questions énergétiques ?
Quant à prétendre que cela coûterait trop cher, pourtant à moyens constants au Sénat, chers collègues de l’opposition sénatoriale, vous êtes bien mal placés pour soutenir une telle argumentation.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. C’est sûr !
M. Jacques Mézard. J’ai déjà évoqué l’utilisation de la réserve parlementaire, dont l’opacité pour au moins trois grands comptes fut loin d’être un modèle de pluralisme,...
MM. Gérard César, Gérard Cornu et Roger Karoutchi. Ce n’est pas nous !
M. Jacques Mézard. ... de transparence et de démocratie,...
Mme Nathalie Goulet. C’est vrai !
M. Jacques Mézard. ... à moins qu’on ne l’ait confondue avec le système des stipendiés !
S’agissant de la proposition de certain de nos collègues de ne créer qu’une délégation au développement durable, elle fait bien peu de cas du développement durable,...
M. Gérard Cornu. Non !
M. Jacques Mézard. ... et cela n’est guère conforme à la tradition réformatrice à laquelle, comme nous, en dépit des clivages inhérents à la Ve République, ils sont attachés. Il convient de le rappeler, sauf à ouvrir le bal des hypocrites !
Sur le plan technique, je rappelle également pour mémoire que la commission de l’économie du Sénat comprend actuellement 78 membres, c’est-à-dire presque le double de certaines autres commissions. Alors, ne vous cachez pas derrière des arguments qui ne sont ni sérieux, ni raisonnables !
Au vu de l’ensemble de ces considérations, le groupe du RDSE votera majoritairement l’article 1er, encore plus majoritairement l’article 2, ainsi que l’ensemble de la présente proposition de résolution, sous réserve de l’adoption de l’amendement que je défendrai au nom des membres du RDSE. (Vifs applaudissements sur la plupart des travées du RDSE, ainsi que sur les travées du groupe socialiste-EELV et du groupe CRC.)
M. le président. La parole est à M. Roger Karoutchi.
M. Roger Karoutchi. Monsieur le président, mes chers collègues, aujourd'hui, j’ai entendu beaucoup entendu parler de la révision constitutionnelle de 2008, qui a effectivement ouvert, entre autres innovations, la possibilité de faire passer de six à huit le nombre des commissions permanentes dans chacune des deux assemblées.
Ce n’est certes pas moi qui critiquerai cette révision ni, a fortiori, en discuterai le bien-fondé : en tant que secrétaire d'État chargé des relations avec le Parlement, je l’ai défendue ici comme à l’Assemblée nationale et j’ai fait tout ce que j’ai pu pour la faire voter par le Congrès.
Mme Nathalie Goulet. C’est vrai !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Oh oui !
M. Roger Karoutchi. La demande de création de commissions supplémentaires émanait essentiellement, je dois le dire, de l’Assemblée nationale. Pour des raisons diverses, celle-ci n’avait pas cru devoir créer un certain nombre de commissions différenciées ; je pense notamment à la commission des affaires culturelles, familiales et sociales, qui, à l’époque, regroupait des domaines extrêmement larges et formait un ensemble dont, force est de le reconnaître, la cohérence n’était pas toujours évidente.
Au Sénat, la demande d’accroître le nombre des commissions permanentes à l’occasion de la révision constitutionnelle était beaucoup moins insistante et les pressions étaient sensiblement moins fortes.
D’ailleurs, immédiatement après cette révision, l’Assemblée a modifié son règlement intérieur pour passer de six à huit. Mais il faut le dire, avec 577 députés, il était par définition nécessaire que les commissions aient des effectifs plus supportables ! En effet, dans la configuration précédente, chaque commission comptait en moyenne entre quatre-vingt-dix et quatre-vingt-quinze membres, ce qui était considérable ! Au demeurant, encore aujourd’hui, avec huit commissions, la moyenne est de plus de soixante-dix membres dans chacune d’elles. Nous n’atteignions évidemment pas les mêmes chiffres au Sénat.
Quelle est la position du groupe UMP du Sénat sur les deux modifications contenues dans cette proposition de résolution ?
S’agissant de l’abaissement du seuil de constitution d’un groupe politique de quinze à dix sénateurs, Jacques Mézard l’a excellemment dit – cher collègue Mézard, vous me l’accorderez, quand nous sommes d’accord avec vous, nous n’hésitons pas à le reconnaître ! –, l’effectif des groupes a évolué dans les assemblées.
C’est vrai, il peut paraître curieux, alors que le seuil était de trente lorsqu’il y avait entre 480 et 490 députés, qu’on l’ait fait passer à vingt quand leur nombre a été porté à 577 ! Ce n’est pas d’une logique implacable… Mais c’est une réalité politique qui s’impose au Parlement. Les règles ne peuvent pas être imposées de façon immuable quoi qu’il advienne et quelle que soit la manière dont évolue la réalité de la vie publique. L’Assemblée nationale et le Sénat doivent naturellement tenir compte des forces politiques qui apparaissent, lorsqu’elles incarnent des idées et font des propositions.
Dans le règlement de l’Assemblée nationale, le seuil de constitution d’un groupe est donc passé de trente à vingt, puis à quinze après la révision constitutionnelle. Cela ne me paraît pas spécialement choquant. Après tout, je préfère que les forces politiques du pays s’expriment au Parlement plutôt que dans la rue !
M. Jacques Mézard. Très bien !
M. Roger Karoutchi. À quoi sert le Parlement si les forces politiques n’y sont pas représentées et ne peuvent s’exprimer ?
À l’Assemblée nationale, déjà à l’époque où je travaillais auprès du président Séguin, je trouvais absurde qu’il existât des groupes dont la composition correspondait plus à des arrangements destinés à atteindre le seuil requis qu’à de réelles affinités politiques. Sans doute cela a-t-il permis à ces groupes d’exister pendant quelques années, mais le débat n’y a pas gagné en clarté politique ! En effet, je me rappelle qu’au sein d’un même groupe trois orateurs exprimaient des positions différentes, voire opposées, sur à peu près chaque texte ! Mais, parce qu’il fallait absolument créer un groupe, on regroupait des éléments incompatibles.
Par conséquent, je le dis franchement, l’évolution du seuil de constitution d’un groupe ne me paraît pas choquante et, autant le dire très clairement d’emblée, le groupe UMP du Sénat est favorable à la création de groupes composés de dix sénateurs. (Applaudissements sur certaines travées du groupe socialiste-EELV.)
Cela étant, le président Mézard n’a peut-être pas eu tort de dire qu’il n’était pas forcément judicieux de préciser dans l’exposé des motifs d’une proposition de résolution tendant à abaisser le seuil de constitution d’un groupe quelle formation politique était ciblée, car il n’est pas exclu que, à terme, d’autres groupes se créent ; nous verrons bien !
En tout état de cause, il nous paraît tout à fait logique que s’exprime ici de manière claire, établie, officielle, une mouvance, une vision politique. Cela nous apparaît même comme un renforcement de la démocratie. (M. Jean Desessard applaudit.)
J’en viens à la création d’une nouvelle commission permanente en charge du développement durable et de l’aménagement du territoire.
Je reconnais bien volontiers, comme l’ensemble de mon groupe, que les discussions ont été nombreuses. Mais, quand on est « politiquement » à l’origine de la révision constitutionnelle qui a porté le nombre maximal de commissions permanentes au sein de chaque assemblée de six à huit, il est difficile de s’opposer, sur le plan du principe, à la création d’une septième commission.
M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois. C’est effectivement dur à expliquer !
M. Roger Karoutchi. Permettez-moi d’évoquer quelques souvenirs.
Lors de la session ordinaire 2008-2009, en tant que secrétaire d'État chargé des relations avec le Parlement, j’avais demandé au président du Sénat et aux autres membres de la conférence des présidents s’il était envisagé d’instituer une, voire deux commissions supplémentaires au sein de la Haute Assemblée.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Tout à fait !
M. Roger Karoutchi. On m’avait répondu que non. Mais on aurait pu considérer que la logique devait conduire à créer une ou deux nouvelles commissions permanentes.
M. Bruno Sido. En tout cas, pas celle-là !
M. Roger Karoutchi. Il reste que je suis plus réservé sur celle qu’il est précisément proposé aujourd'hui de créer.
Plusieurs orateurs ont souligné que l’Assemblée nationale avait créé deux nouvelles commissions, dont une consacrée développement durable et à l’aménagement du territoire. Ils ont précisé avec raison que cette dernière a accompli, sous la présidence de M. Jacob, puis de M. Grouard, des travaux importants, essentiels et bien identifiés.
Toutefois, lorsque vous vous entretenez avec MM. Jacob et Grouard, comme avec Patrick Ollier, qui, avant de devenir ministre, présida la commission des affaires économiques de l’Assemblée nationale, vous constatez qu’ils sont les premiers à vous avertir : il y a un souci quant à la délimitation précise de ce qui ressortit à la problématique du développement durable et donc quant aux frontières des champs de compétences.
Il est bien vrai qu’un certain nombre de sujets doivent être abordés de manière transversale et que, très souvent, le développement durable englobe des questions qui sont aussi de nature économique ou sociale, ou en tout cas qui ne relèvent pas strictement d’une commission en charge du développement durable.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. C’est aussi le cas au sein de la commission des lois !
M. Roger Karoutchi. Peut-être ces questions pourraient-elles donc rester dans le champ des attributions de la commission de l’économie.
J’entends bien la proposition, formulée par M. Mézard, de modifier la dénomination de cette nouvelle commission. Néanmoins, je ne suis pas convaincu que cela règle le problème.
Je crois que l’exemple de l’Assemblée nationale doit au moins nous conduire à penser que cette septième commission ne sera sans doute pas, dans la perspective des travaux parlementaires à venir, la plus facile à faire vivre en complète autonomie par rapport aux autres commissions.
M. Gérard Cornu. C’est une évidence !
M. Bruno Sido. Très bien vu !
M. Roger Karoutchi. Mes chers collègues, je vous le dis sincèrement : si vous créez une septième commission et si, dans la pratique, elle est malheureusement conduite à empiéter sur les champs d’attribution d’autres commissions ou, à l’inverse, si elle est concurrencée par celles-ci, nous éprouverons le sentiment de l’avoir instituée, sinon pour rien, du moins sans lui conférer toute la pertinence nécessaire.
Je crains que ne se répète l’exemple de l’Assemblée nationale, où, pour l’examen d’un certain nombre de rapports et de textes, le président de la commission du développement durable a dû solliciter une réunion commune avec la commission des affaires économiques,…
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Ce n’est pas grave !
M. Roger Karoutchi. Certes, madame Borvo Cohen-Seat, mais il n’en est pas moins curieux qu’une nouvelle commission, à peine née, ait pour seule obsession de se réunir avec la commission précédemment chargée de ses attributions : cela signifie qu’elle ne dispose pas des facilités de travail nécessaires ou de l’identité suffisante !
Bien des sujets relatifs au développement durable présentent un caractère transversal, et c’est peut-être la force même de cette thématique. Je le reconnais volontiers, quoique n’étant pas membre d’Europe Écologie-Les Verts (Mme Esther Benbassa s’exclame), pour beaucoup de nos concitoyens, le développement durable est devenu un sujet essentiel, qui a vocation à se trouver soulevé dans bien des domaines.
M. Bruno Sido. Bien sûr !
M. Roger Karoutchi. Car le développement durable ne se limite pas aux questions d’environnement.
C’est pourquoi je rejoins, sur ce point, notre collègue François Zocchetto : ne serait-il pas possible de concevoir une instance de nature différente, d’autant que le Sénat garderait la capacité de créer par ailleurs une septième, voire une huitième commission permanente, en application de ce que prévoit l’article 43 de la Constitution depuis la révision du 23 juillet 2008 ?
En l’espèce, je crains que nous ne commettions une petite erreur. L’Assemblée nationale hésite d’ailleurs actuellement sur ce même sujet, je le souligne. La leçon que son exemple nous fournit ne devrait-elle pas être étudiée de plus près avant de déterminer s’il s’agit de la bonne solution pour le Sénat ?
Monsieur Mézard, je tiens à vous rassurer immédiatement : ces considérations n’ont aucun lien avec l’immense bonheur que nous éprouverions tous, dans cet hémicycle, à voir un membre du groupe du RDSE présider ladite commission : quoi qu’il advienne, il s’agirait par définition d’une femme ou d’un homme de qualité ! (Sourires.)
En fait, la véritable question reste la suivante : est-il pertinent de créer une semblable commission aujourd’hui, au regard de la leçon fournie par l’Assemblée nationale ?
En résumé, je dis oui à l’abaissement à dix membres du seuil minimal de création des groupes politiques au Sénat. En effet, il serait pour le moins aberrant de refuser de traduire les évolutions démocratiques de notre pays au sein de nos assemblées. En revanche, j’exprime mes réticences quant à la création d’une commission qui, à l’Assemblée nationale, n’a pas apporté les résultats positifs escomptés. Toutefois, sur le fond, je le répète, je ne suis pas, il s’en faut, opposé à la naissance de commissions supplémentaires. (Applaudissements sur les travées de l’UMP et de l’UCR.)
M. Bruno Sido. Bravo !
M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Sueur.
M. Jean-Pierre Sueur. Monsieur le président, mes chers collègues, il va de soi que je vais m’exprimer en cet instant en tant que membre de ce qui est encore le groupe socialiste-EELV.
Beaucoup d’entre nous ont déjà souligné le bien-fondé de la formation d’un groupe supplémentaire au sein du Sénat, et de l’abaissement à dix sénateurs du seuil prévu pour la création d’un groupe. Il s’agit tout simplement de reconnaître le pluralisme, de le faire vivre et de le respecter.
Au sein du groupe socialiste-EELV – cette dénomination est assez difficile à énoncer ! –, des rapports extrêmement féconds se sont tissés durant les dix dernières années.
Cependant, le fait d’être rattachés au groupe socialiste ne constitue pas la situation la plus claire qui soit pour nos collègues : en effet, la possibilité pour chaque membre d’un groupe politique de défendre les positions qui sont propres à ce groupe est bénéfique, dès lors, bien entendu, que cette liberté ne porte pas atteinte à la cohérence nécessaire à toute majorité. Mais le respect de la cohérence suppose également le respect de la diversité : c’est, à mes yeux, une règle que nous devons tous observer.
J’en viens à la création d’une nouvelle commission permanente, et je salue à cet égard l’intervention très nuancée de notre collègue Roger Karoutchi.
M. Daniel Raoul. Pour une fois !
M. Jean-Pierre Sueur. En effet, le sujet qui nous occupe n’appelle aucune considération simpliste. Le fait que cette proposition de résolution tendant à modifier le règlement du Sénat soit le fruit de discussions, d’accords politiques, comme l’a souligné Jacques Mézard, n’est en aucun cas négatif : chacun conclut des accords politiques. (M. Jacques Mézard acquiesce.) En effet, qu’est-ce que la polis, qu’est-ce que la politique, sinon la capacité de dialoguer, de dégager des règles de conduite ? C’est ce que nous faisons constamment !
Mes chers collègues, j’en viens au fond...
M. Bruno Sido. Ah !
M. Jean-Pierre Sueur. … concernant la création de cette nouvelle commission.
J’ai bien entendu nos collègues Zocchetto et Karoutchi indiquer que l’environnement constituait un sujet transversal et que, par conséquent, il n’y avait pas lieu de lui consacrer une commission spécifique.
Il s’agit certes d’un domaine transversal, comme bien d’autres, comme les champs social, juridique,…
M. Jean Desessard. Voilà !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Les lois, d’une manière générale !
M. Bruno Sido. Et les finances !
M. Jean-Pierre Sueur. Bien sûr !
Mais si l’on menait un tel raisonnement jusqu’au bout, il conviendrait d’en tirer les conséquences pour ce qui concerne le Gouvernement : il n’y aurait pas lieu de conserver un ministère de l’environnement ou du développement durable… Il faudrait annoncer à Mme Nathalie Kosciusko-Morizet que, sa tâche étant tout à fait transversale, elle est assumée par plusieurs de ses collègues, en charge de l’économie, de l’aménagement du territoire et de bien d’autres domaines. (Les sénatrices et sénateurs EELV ainsi que MM. Claude Dilain et Raymond Vall applaudissent.)
M. Roger Karoutchi. Non !
M. Jean-Pierre Sueur. Que des questions de frontières se posent et que des coopérations soient ponctuellement nécessaires, c’est inévitable. Toutefois, dès lors qu’un grand nombre de gouvernements ont choisi de créer un ministère en charge de l’environnement, et dès lors qu’un grand nombre de parlements ont créé une commission chargée de l’environnement, il est, à mes yeux, réellement raisonnable qu’une semblable instance existe au sein de notre assemblée.
Pour conclure, je précise que je partage la préoccupation qu’a exprimée notre collègue Jacques Mézard et que traduit son amendement n° 15. En effet, celui-ci tend à donner une nouvelle dénomination à cette commission – « commission du développement durable, des infrastructures, de l’équipement et de l’aménagement du territoire », dénomination presque aussi longue que celle de la commission des lois ! (Sourires.) – …
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Pour le coup, c’est transversal ! (Nouveaux sourires.)
M. Jean-Pierre Sueur. … et à préciser qu’elle sera « compétente en matière d’impact environnemental de la politique énergétique ».
Ce qui m’intéresse plus précisément en l’espèce, c’est la présence du mot « équipement ». En effet, il y a quelques jours, j’ai accueilli plusieurs invités au Sénat à l’occasion d’une remise de légion d’honneur à une inspectrice générale de l’équipement.
Au cours de mon discours, je désigne la récipiendaire par son titre : tout le monde me regarde, interloqué. Que n’avais-je pas dit là ! « L’équipement, mais ça n’existe plus ! Il faut désormais parler de développement durable. »
Mes chers collègues, je crois profondément au développement durable et j’estime que cette notion témoigne d’un grand progrès dans l’appréhension de la politique. De fait, j’emploie souvent l’adjectif « durable » à propos de certains systèmes financiers et notamment au sujet des partenariats public-privé qui, dans le domaine de l’économie, créent pour nos enfants, petits-enfants et arrière-petits-enfants, un endettement très… durable. (M. Daniel Raoul applaudit.)
M. Bruno Sido. Ça, c’est vrai !
M. Jean-Pierre Sueur. Cette notion de « durabilité » fait donc ressortir une dimension majeure de la politique et elle nous invite à aller au-delà des circonstances présentes et de la conjoncture.
Cependant, nous n’en avons pas moins « équipé » la France, comme nos anciens, et je reste résolument attaché à une conception humaniste de l’environnement. Certains – pas dans cet hémicycle, je tiens à le préciser – considèrent parfois que l’environnement ne comprend pas l’être humain, que c’est tout ce qui entoure l’être humain. Or, vous le savez, mes chers collègues, la nature sans l’homme n’existe pas.
M. Roger Karoutchi. Heureusement !
Mme Nathalie Goulet. Et les femmes ?
M. Jean-Pierre Sueur. D’ailleurs, s’il n’y avait pas des hommes – et des femmes, madame Goulet ! – pour prononcer le mot « nature », qui y aurait-il pour en concevoir l’idée, qui serait là pour avoir seulement conscience de cette réalité ?
L’environnement désigne donc non seulement ce qui entoure l’être humain, mais aussi la manière dont les humains parviennent à vivre ensemble, ainsi que les œuvres que ces derniers forgent.
Certains semblent considérer que, lorsque l’on construit un pont, une route, une usine, on porte atteinte à l’environnement et que ces travaux ont uniquement des effets négatifs. Je leur réponds : non ! La conception humaniste de l’environnement ne s’oppose pas au souci d’équiper le territoire...
M. Bruno Sido. Mais il s’agit de bien l’équiper !
M. Jean-Pierre Sueur. Précisément, monsieur Sido : il s’agit de concevoir les activités industrielles et agricoles du futur et de créer, dans cette perspective, des aménagements respectueux de l’environnement, qui ont naturellement trait à l’avenir de notre espèce.
Monsieur Mézard, les précisions que tend à apporter l’amendement n° 15 étoffent la dénomination de cette commission et nous permettent d’aller dans le bon sens. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste-EELV et du groupe CRC, ainsi que sur la plupart des travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. Jean-Vincent Placé.
M. Jean-Vincent Placé. Monsieur le président, mes chers collègues, que dire après tant d’excellentes interventions, qui me semblent avoir fait très largement le tour de la question ? Jean-Pierre Michel, Jean-Pierre Sueur, Nicole Borvo Cohen-Seat et Jacques Mézard ont, avec beaucoup de talent, expliqué la nécessité de créer une commission consacrée à l’écologie. Telle est en effet notre ambition.
Vous le comprendrez, pour les sénatrices et sénateurs écologistes, qui reprennent le flambeau remarquablement porté ces dernières années par Marie-Christine Blandin et Jean Desessard, lesquels ont été, avec quelques autres, de véritables précurseurs dans notre assemblée, la question de l’écologie est évidemment essentielle ; c’est le fondement même de notre engagement politique.
L’écologie, ce n’est pas l’environnement. C’est la raison pour laquelle nous considérons que l’ensemble des commissions, qu’elles s’intéressent aux affaires étrangères, à la défense, aux finances – je pense à la question des finances durables, en cette période de crise, que les débats sur la loi de finances et les lois de finances rectificatives ont permis de mettre en avant –, aux affaires sociales, économiques, démocratiques, culturelles ou de recherche, doivent bénéficier d’un point de vue écologique.
Notre courant de pensée est neuf. Depuis les années soixante-dix, plus particulièrement depuis la candidature de René Dumont à l’élection présidentielle, nous sommes porteurs d’une vision nouvelle, aujourd’hui partagée par les différents groupes qui siègent dans cet hémicycle et la société dans son ensemble, qui établit un lien entre les questions économiques, sociales et démocratiques et la conscience de la finitude de la planète, la nécessité de protéger les ressources naturelles, la lutte contre la prédation, ainsi que, bien sûr, le sujet fondamental de l’énergie. Il est désormais largement admis, en particulier, que les énergies fossiles, par l’augmentation des émissions de gaz à effet de serre qu’entraîne leur utilisation massive, provoquent une dérégulation du climat.
Sur l’ensemble de ces questions, nous défendons une vision d’intérêt général, très éloignée des petits accords que M. Zocchetto a souhaité stigmatiser. (Les sénatrices et sénateurs EELV ainsi que M. le rapporteur applaudissent.)
Je relève que l’initiative qui nous réunit aujourd’hui a d’abord été portée par la majorité présidentielle actuelle. En effet, nous nous apprêtons à créer non pas la première commission du développement durable, mais bien la seconde, la première ayant été voulue par le Président de la République à l’Assemblée nationale. Il me semble même qu’il avait souhaité, à l’époque, faire bénéficier le Sénat d’une évolution identique.
Autrement dit, ce que le Président de la République a voulu, nous, nous le faisons, monsieur Zocchetto, et point n’est donc besoin, de stigmatiser une telle proposition ! Je me demande même si ce n’est pas cette mesure-là qui se révélera en fin de compte la plus importante, en tout cas la plus significative.
Pour tout dire, les sénateurs écologistes eux-mêmes se sont interrogés – je vois Ronan Dantec et Joël Labbé opiner – sur la nécessité de créer une commission consacrée aux questions d’écologie. Il ne s’agissait pas de marquer notre territoire, d’attirer l’attention des journaux, de communiquer ! Nous devions choisir : soit peser au sein de la commission des affaires économiques, pour justement lier entre elles les questions relatives au productivisme, au consumérisme, à l’avenir des générations futures, à la finitude de la planète, à la biodiversité, soit créer une commission spécifique se consacrant à des sujets très précis. À cet égard, je ne peux que me réjouir de la précision méticuleuse introduite par l’amendement qu’a déposé M. Mézard et que nous allons soutenir.
Sans reprendre les arguments excellemment développés par Jean-Pierre Sueur, je dois dire que, depuis que je siège dans cette assemblée, c'est-à-dire à peine quelques mois, j’ai entendu beaucoup de collègues, de différents groupes, faire part de préoccupations écologiques. Bien sûr, tous n’apportent pas tous les mêmes réponses, surtout lorsqu’il s’agit de se situer par rapport à la politique menée en la matière par le Gouvernement. Quoi qu’il en soit, je me réjouis d’entendre Évelyne Didier, François Grosdidier, Laurence Rossignol, Raymond Vall et, bien évidemment, nos propres élus, que je salue de nouveau, en particulier Ronan Dantec et Joël Labbé, évoquer leur préoccupation au sujet de la dérégulation climatique, la biodiversité ou la finitude de la planète.
Je souhaite que cette commission ne soit pas destinée à recueillir les pressions d’un lobbyisme comme celui qui est mené par les grands groupes industriels ou économiques (M. Joël Labbé applaudit.) – nous venons de les entendre sur les questions de rémunération pour copie privée –, toujours tournés vers le profit immédiat. Je souhaite que cette commission fasse écho à un beau « lobby », celui qui défend les générations futures, qui pose les problèmes dans leur dimension globale et à long terme.
Cette vision générale, stratégique, durable, doit constituer un bel enjeu pour le Sénat, comme elle l’est pour les assemblées d’autres pays, qui, depuis vingt ans, en Europe et dans le monde entier, Jean-Pierre Sueur l’a rappelé, ont progressivement créé ce type de commission. Il s’agit bien évidemment d’une grande avancée pour le débat démocratique. J’espère donc que l’article 2 de cette proposition de résolution sera adopté. (MM. Ronan Dantec, Jean Desessard, André Gattolin et Joël Labbé applaudissent.)
Quant à l’article 1er, il vise à introduire, je suis désolé de le dire, une disposition somme toute assez banale.
Je le souligne toutefois, le pluralisme dans la vie parlementaire constitue en France une préoccupation encore plus importante qu’ailleurs. À cet égard, je n’ai pas un mot à retirer à l’intervention de Nicole Borvo Cohen-Seat, qui a très bien décrit ce qu’est devenue aujourd’hui la Ve République : un régime hyperprésidentiel, où le Premier ministre n’est plus qu’un simple collaborateur (M. Roger Karoutchi s’exclame.), où les ministres ont le petit doigt sur la couture du pantalon, en attendant la fin des petits-déjeuners du Président de la République et de quelques-uns de ses amis. Voilà la réalité de cette République des amis et des clans !
Pour notre part, nous souhaitons, dans la diversité et le pluralisme, nous faire entendre. Mais peut-être avez-vous l’habitude, monsieur Zocchetto, que les décisions se prennent dans les antichambres !
Je me réjouis des prises de position de Jean-Claude Gaudin et de Roger Karoutchi en la matière. Je me réjouis de la volonté quasi unanime, dans cet hémicycle, de porter à dix membres l’effectif minimum des groupes, ce qui permet de facto, en effet, la création d’un groupe écologiste.
Cela vous choque-t-il, monsieur Zocchetto, qu’il y ait ici un groupe de la majorité présidentielle, qui s’inscrit dans la grande tradition du RPR, tout en en dépassant les frontières, qu’il y ait un groupe communiste, un groupe radical, qui ne réunit d’ailleurs pas uniquement des radicaux de gauche, un groupe socialiste et même un groupe centriste ?
Croyez-vous que j’aurais le mauvais goût de dire que vous vous opposez à cette mesure parce que vous redoutez que votre groupe, qui ne compte que trente et un membres, ne se divise en trois groupes de dix membres, rassemblant, pour l’un, les amis de M. Bayrou, pour l’autre, les amis de M. Morin et, pour le troisième, ceux qui se rallieront d’emblée à Nicolas Sarkozy ? Nous n’avons pas de leçons à recevoir ! (Applaudissements et exclamations sur les travées du groupe socialiste-EELV.)
Ce n’est pas un moment historique – à la différence de certains, je refuse de galvauder cette expression en l’utilisant à tout bout de champ –, mais c’est un moment important que celui qui voit le Sénat s’ouvrir davantage à l’écologie et au pluralisme.
Je vous invite donc, mes chers collègues, à voter cette proposition de résolution présentée par le président Jean-Pierre Bel, que je tiens à remercier et dont je veux saluer le très bon bilan qui est déjà le sien en trois mois de présidence du Sénat. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste-EELV et du groupe CRC, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)