PRÉSIDENCE DE M. Charles Guené
vice-président
M. le président. La parole est à M. Michel Teston.
M. Michel Teston. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, mon propos portera sur les dispositions permettant de renforcer la protection des consommateurs en matière de communications électroniques.
Le texte du Gouvernement comportait quelques mesures de nature à améliorer les relations entre les consommateurs et les opérateurs. Pour respecter le temps qui m’est imparti, je me bornerai à évoquer l’exemple de la disposition de l’article 5 visant à donner une base légale à la signature de conventions entre l’État et les opérateurs pour la mise en place d’un tarif social de l’internet à haut débit au bénéfice de personnes éprouvant des difficultés financières.
Les travaux de l’Assemblée nationale ont permis d’enrichir le texte, avec des mesures permettant notamment d’améliorer la concertation locale au sujet des projets d’implantation de relais de téléphonie mobile. Les réactions suscitées par ce type d’installations, les incertitudes quant aux conséquences de leur fonctionnement pour la santé requièrent en effet toute notre vigilance. Nous devons, dans toute la mesure du possible, encourager le dialogue entre les opérateurs, les collectivités et les riverains.
Le texte a, en outre, été largement amendé par notre rapporteur, Alain Fauconnier, qui a tenu à le préciser et à l’étoffer.
Si le groupe socialiste se félicite de ces avancées, il n’en demeure pas moins qu’il reste encore une marge d’action pour renforcer la protection des consommateurs en matière de communications électroniques. Nous proposerons donc au Sénat d’adopter divers amendements de nature – à notre sens – à rendre les relations entre les consommateurs et les opérateurs plus équilibrées.
Quelles sont nos principales propositions ?
Il est indispensable de mieux informer les utilisateurs sur leur consommation. En conséquence, nous demandons que tout fournisseur de services mette gratuitement en place un dispositif d’alerte systématique et de blocage des services de communications électroniques.
M. Michel Teston. La durée d’engagement est une question dont nous avons déjà eu à discuter à de nombreuses reprises. La durée d’engagement standard de vingt-quatre mois nous paraît trop longue ; il nous semble que retenir une durée de douze mois serait plus pertinent.
M. Michel Teston. Avec une durée d’engagement plus courte, le consommateur serait moins contraint. Il pourrait changer d’opérateur plus facilement et faire ainsi coïncider plus étroitement l’offre à ses attentes, lesquelles sont susceptibles d’évoluer dans le temps.
Par ailleurs, il nous paraît essentiel de préciser ce que l’on entend par « illimité ». Il n’est pas acceptable que des offres dites illimitées ne le soient pas vraiment. C’est une question de transparence et de clarté à l’égard du consommateur, qui doit être informé avec précision des services dont il bénéficie en fonction de ce qu’il paye.
Nous présenterons un amendement d’appel visant à rappeler que le code des postes et communications électroniques prévoit la signature de conventions pour la mise en place d’un tarif social dans la téléphonie mobile, disposition législative non encore véritablement appliquée à ce jour.
Nous souhaitons aussi que les questions de santé publique soient mieux prises en compte. Ainsi, sur l’initiative de notre collègue Laurence Rossignol, nous proposerons de rendre obligatoire l’affichage du DAS sur les terminaux de téléphonie, afin que les utilisateurs soient sensibilisés aux conséquences de l’exposition aux champs de radiofréquences. Dans cette même perspective, nous demandons qu’une réflexion soit menée sur la mutualisation de l’utilisation des installations, afin de limiter l’exposition aux champs électromagnétiques.
Enfin, en vue de permettre que l’information des collectivités en matière d’installation d’antennes relais soit la meilleure possible, le groupe socialiste souhaite que les opérateurs fournissent, à l’appui de leur projet, un dossier complet justifiant du choix de l’implantation envisagée.
Ces propositions sont en phase avec un certain nombre de demandes des associations de consommateurs, demandes qui nous semblent totalement légitimes. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste-EELV et du groupe CRC, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. Yannick Vaugrenard.
M. Yannick Vaugrenard. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, c’est d’un sujet de société dont nous débattons en cette fin de journée.
Tous les Français sont concernés par ce projet de loi, qui suscite parmi eux une attente d’autant plus forte que c’est de leur vie quotidienne dont il est question.
Le texte présenté par le Gouvernement ne me semblait pourtant pas à la hauteur de l’enjeu, puisqu’il ne comportait que dix articles, réunissant vingt-cinq mesures.
M. Yannick Vaugrenard. Vingt-cinq mesures, c’était trop peu, et si le Gouvernement avait réellement eu la volonté d’engager la réflexion sur la manière de soutenir une consommation ambitieuse dans notre pays, il aurait présenté son projet de loi dans des délais moins réduits.
En effet, ce texte porte sur des domaines essentiels pour la vie quotidienne des Français : réseaux de distribution alimentaire, logement, communications électroniques, énergie, commerce électronique, respect du droit des consommateurs… Dans ces secteurs, c’est bien une refonte complète de notre législation qui est nécessaire ; quelques mesures isolées ne suffisent pas.
Les députés l’ont bien compris, puisque cinq cents amendements ont été déposés à l’Assemblée nationale. Vous avez reconnu, monsieur le secrétaire d’État, qu’il s’agissait là non pas de créer une situation de blocage, mais bien d’améliorer le texte, qui compte aujourd’hui une quarantaine d’articles supplémentaires.
Nous avons, nous aussi, ajouté notre pierre à l’édifice, avec l’excellent travail du rapporteur et celui de notre groupe. Plus de deux cent dix amendements doivent maintenant être examinés, ce qui prouve qu’il reste encore des améliorations à apporter pour que ce projet de loi constitue un véritable coup de pouce à la consommation des Français. Dans la période que nous traversons, ce ne serait probablement pas inutile !
Nous le savons, la crise touche de plein fouet les ménages. Nous subissons encore les effets sociaux de la crise financière et économique de 2008, qui a profondément modifié les comportements des consommateurs.
Auparavant, l’alimentation était le premier poste de consommation des ménages. Au cours de la dernière décennie, la structure de notre consommation s’est modifiée, ce qui traduit à la fois de nouvelles tendances mais aussi de profondes mutations de notre société.
Le logement constitue aujourd’hui le principal poste de dépenses, puisque les ménages y consacrent près d’un tiers leurs ressources. Au regard des effets sociaux engendrés par la crise, la question du logement est donc particulièrement prégnante et exige de notre part une vigilance accrue.
Cette croissance de la part du logement dans le budget des Français montre que les dépenses « contraintes » augmentent, ce qui exacerbe les tensions sur le pouvoir d’achat. De plus, les charges liées au logement pèsent proportionnellement davantage dans le budget des plus modestes de nos concitoyens.
C’est pourquoi j’ai été, avec d’autres, soucieux d’approfondir les mesures de ce projet de loi portant sur le logement. Nous devons protéger les consommateurs contre les pratiques abusives qui, malheureusement, ne font que se multiplier avec l’avancée de la crise. La tension sur le marché immobilier est telle que certains n’hésitent pas à recourir à des pratiques répréhensibles, qui défavorisent encore davantage les personnes les plus en difficulté.
Je pense par exemple à l’état des lieux, qui est particulièrement propice aux escroqueries. Une nouvelle pratique consiste en effet à effectuer un état des lieux très succinct à l’entrée dans le logement, mais très pointilleux à la sortie, par l’intermédiaire d’une société prestataire. Ainsi, si le locataire n’a pas été vigilant à son entrée dans le logement, il peut se voir facturer toutes sortes de travaux et de réparations qui ne lui incombent pas.
Les agences immobilières n’hésitent pas, en outre, à facturer abusivement ou de manière prohibitive des prestations telles que l’établissement de l’état des lieux, l’envoi de certains documents administratifs ou la rédaction du contrat de bail.
Quant à la location meublée, elle connaît depuis de nombreuses années un franc succès auprès des bailleurs, en raison de son très faible encadrement juridique, ainsi que de son régime fiscal particulièrement attrayant. Cependant, la pratique quotidienne engendre de réelles difficultés pour les locataires, qui se trouvent souvent démunis.
En effet, aucun réel garde-fou n’a été mis en place pour cette forme de location. Cela induit une grande précarité pour les locataires de logement meublé, confrontés à des propriétaires dont certains n’hésitent pas à profiter des lacunes de la loi. J’ai donc souhaité, avec mes collègues, harmoniser le régime de la location meublée avec les principes de la loi du 6 juillet 1989, notamment pour plafonner à deux mois le montant du dépôt de garantie, pour établir la liste des documents qui n’ont pas à être demandés au locataire et pour que soit remise à celui-ci une liste claire et précise des réparations auxquelles il pourrait être tenu.
J’attacherai une importance particulière à ce que les différents amendements allant dans ce sens soient adoptés par le Sénat.
En conclusion, je considère que ce texte profondément remanié – je pense notamment aux dispositions relatives à l’action de groupe – peut nous donner les moyens d’apporter de réelles améliorations dans la vie quotidienne de nos concitoyens, particulièrement en cette période difficile. C’est donc avec satisfaction que nous le voterons, sous réserve de l’adoption de nos amendements. À la veille de Noël, ce serait ma foi un joli cadeau pour tous les Français ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste-EELV et du groupe CRC, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. Joël Labbé.
M. Joël Labbé. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, madame, monsieur les rapporteurs, mes chers collègues, le projet de loi qui nous est soumis aujourd’hui regroupe, sans véritable cohérence, un ensemble de mesures disparates, d’importance très inégale. On parle souvent de projets de loi « fourre-tout » : en voici un bel exemple !
Se préoccuper des droits des consommateurs est pourtant fort louable. Ce texte, modifié, comporte d’ailleurs un certain nombre d’avancées au bénéfice de nos concitoyens, terme bien plus noble que celui de consommateurs, aujourd’hui entré dans le langage courant mais qui réduit l’être humain à sa fonction économique dans une société de consommation, voire de surconsommation.
N’oublions pas que, selon l’INSEE, plus de 8 millions de personnes dans notre pays, soit 13 % de la population, vivent à la limite ou en dessous du seuil de pauvreté.
À l’avenir, un texte visant à la mise en œuvre d’un nouveau projet de société devra restaurer les droits fondamentaux des citoyennes et des citoyens : droit au logement opposable effectif, droit au travail, droit à la protection sociale, droit à un niveau de vie suffisant, droit à l’éducation, droit à la santé, droit à la culture, droit humain fondamental de vivre dans la dignité, dont sont aujourd’hui privés certains de nos compatriotes. Dans cette perspective, il faudra revenir sur l’accord général sur le commerce des services.
Pour l’heure, j’aborderai deux aspects du présent projet de loi qui me paraissent essentiels : le dispositif d’encadrement des loyers, d’une part, la lutte nécessaire contre le gaspillage et l’obsolescence programmée des biens de consommation, d’autre part.
La situation actuelle du logement en France est particulièrement grave. En effet, 3,6 millions de ménages sont mal logés ou sans logis, 600 000 enfants étant concernés par ce problème. Ces chiffres sont édifiants ! Le logement, qui doit être un lieu de réconfort, est devenu un facteur de précarisation majeur.
Dans le même temps, nous sommes confrontés à une pénurie de logements, surtout dans les zones dites tendues, ainsi qu’à un coût élevé du logement, problème aggravé par la persistance de la spéculation immobilière. Les loyers, qui ont atteint un sommet historique, doivent être encadrés ; ils ne sauraient augmenter indéfiniment.
Un travail important d’amendement a été réalisé, en commission, sur cette question centrale, dans un esprit que je tiens à saluer. Déterminer des loyers de référence différents selon les secteurs pour les premières locations et les relocations est une bonne chose, mais, quand la situation le réclame, il faut se donner les moyens de faire baisser la pression sur le marché et, pour cela, intervenir sur les niveaux de loyers.
L’intervention publique pourra conduire à une baisse des loyers allant jusqu’à 20 % : c’est l’objet de l’article 2 bis AA du projet de loi. J’aurai l’occasion de revenir, dans la suite de la discussion, sur ce dispositif, ainsi que sur le rééquilibrage des rapports entre bailleur et locataire.
Un autre enjeu essentiel en vue d’un changement de modèle de consommation est la lutte contre l’obsolescence programmée, afin de consommer moins et mieux des biens plus durables.
L’obsolescence programmée est une véritable stratégie de raccourcissement de la durée de vie des produits, notamment électriques et électroniques, mise en œuvre dès la conception de ceux-ci. Dans la suite de nos débats, je détaillerai davantage cette démarche et je présenterai une mesure visant à la combattre. De fait, dans la plupart des cas, les appareils sont jugés obsolètes avant même d’être apportés chez le réparateur ou mis au rebut. Les fabricants conjuguent diverses techniques destinées à rendre les appareils irréparables. Notre proposition vise à faire passer le délai de garantie du constructeur de deux ans à cinq ans.
Notre société occidentale, dite de consommation, a fait son temps. Livrée à la loi du marché, elle a aujourd’hui atteint ses limites, en laissant de côté une fraction grandissante de la population, ce qui est tout à fait inadmissible. Le projet de loi que nous examinons aujourd’hui, s’il a le mérite d’exister, s’apparente à un rafistolage, alors qu’il conviendrait de mettre en œuvre une profonde réforme sociétale.
Je conclurai en évoquant une œuvre de Stéphane Hessel et d’Edgar Morin, Le Chemin de l’espérance : voilà un beau cadeau de Noël ! Dans cet ouvrage, ils osent en appeler à l’ouverture d’une voie politique de salut public. En matière de consommation, ils proposent de créer un office public de la consommation visant à promouvoir l’enseignement de la consommation citoyenne, à veiller à la qualité des produits et à contrôler les publicités. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste-EELV et du groupe CRC, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à Mme Laurence Rossignol.
Mme Laurence Rossignol. « Entre le fort et le faible, entre le riche et le pauvre, entre le maître et le serviteur, c’est la liberté qui opprime et la loi qui affranchit. » Si Lacordaire avait vécu à la fin du xxe siècle ou au début du xxie siècle, il aurait probablement pu ajouter qu’entre le marketing et le consommateur, c’est la liberté qui opprime et la loi qui affranchit. Aujourd’hui, nous tentons précisément d’affranchir le consommateur par la loi.
Pour les libéraux, le droit de la consommation est un exercice improbable et compliqué, qui vise à protéger le faible, l’« abusable », tout en assurant la pérennité et le développement sans limite d’un modèle économique fondé sur le consumérisme.
La limite physique et temporelle du droit de la consommation, c’est d’une part l’inventivité du marketing, d’autre part l’extension du champ de la marchandisation, qui a transformé les usagers en clients, et le dogme de l’ouverture à la concurrence, qui a amené non pas, comme on l’avait promis, une baisse des tarifs, mais une multiplication des offres dissimulant habilement la captivité des clients, que la libre concurrence devait précisément affranchir de l’enfermement du monopole.
Monsieur le secrétaire d’État, vous avez parlé de la crise financière mondiale que nous traversons actuellement comme si cette crise n’était pas aussi celle de l’épuisement d’un modèle consumériste, qui repose sur la production d’une profusion de biens de consommation et dont la finalité implicite est de vendre n’importe quoi à n’importe qui, au mépris des besoins des individus et des règles sociales, sanitaires, environnementales et morales les plus élémentaires.
L’économie consumériste est violente, immorale et dangereuse.
Elle est violente, car elle est fondée sur l’illusion de la satisfaction immédiate du désir. Elle crée l’illusion de l’évitement de la frustration, alors que, in fine, elle ne fait qu’aggraver et renforcer celle-ci, engendrant dans nos sociétés des comportements dangereux.
Elle est immorale, car elle bafoue l’autorité parentale. J’ai souvent entendu le Gouvernement et sa majorité prétendre vouloir restaurer l’autorité parentale, en jetant l’opprobre sur les parents défaillants à cet égard. Mais une société qui tolère que, dans les hypermarchés, des produits destinés aux enfants soient présentés autour des caisses, ce qui conduit ces derniers, transformés en prescripteurs de consommation, à harceler leurs parents occupés à faire la queue pour payer leurs achats, n’est pas une société qui renforce l’autorité parentale et qui aime la famille. (Exclamations ironiques sur les travées de l’UMP.)
M. Alain Fauconnier, rapporteur. Bravo !
Mme Laurence Rossignol. Une telle société détruit au contraire l’autorité parentale par la consommation.
L’économie consumériste est dangereuse, enfin, car elle est fondée sur la dissimulation, parfois même sur le mensonge, en particulier s’agissant des menaces sanitaires induites par la mise sur le marché de certains produits.
Sur ce plan, je ne peux croire que les fabricants de téléphones mobiles, d’aspartame ou de composants de prothèses mammaires n’aient jamais eu de doutes sur la dangerosité de leurs produits quand ils les ont mis sur le marché ! Ils sont dans la dissimulation ou le déni !
Plusieurs de nos collègues ont évoqué la nécessité de « trouver le juste équilibre », mais les forces en présence sont totalement déséquilibrées. Alors que les industriels et les distributeurs disposent de moyens financiers considérables pour défendre leurs intérêts et considèrent que la conquête de parts de marché ne tolère aucun obstacle, les consommateurs ne peuvent compter que sur le législateur pour poser patiemment des limites, des verrous, des protections.
Bien sûr, la malice des marchés est grande, mais notre confiance dans la loi l’est encore plus. Selon vous, monsieur le secrétaire d’État, si nous interdisions les forfaits illimités, les opérateurs de téléphonie mobile trouveraient sans doute le moyen de contourner une telle interdiction : peut-être, car c’est la force du capitalisme et du marché que de s’adapter à tout instant aux règles nouvelles, mais c’est la force du législateur que de s’adapter sans cesse au marché, non pas pour s’y soumettre, mais pour l’encadrer et le réguler. Le marché a confiance en lui ; ayons confiance en nous : à flexible, flexible et demi ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste-EELV et du groupe CRC, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État.
M. Frédéric Lefebvre, secrétaire d'État. Je tiens tout d’abord à saluer à mon tour le travail de M. rapporteur. En commission, chacun a pu mesurer sa volonté d’œuvrer de manière constructive. J’ai d’ailleurs fait preuve du même esprit constructif en émettant un avis favorable sur une trentaine des amendements qu’il a présentés. Ils sont de nature, me semble-t-il, à améliorer le texte du Gouvernement, qui a déjà été amendé par l’Assemblée nationale.
S’agissant en particulier du mandat de vente exclusif, cette question n’avait pas été réglée à l’Assemblée nationale, où le rapporteur du texte avait soutenu un amendement visant à supprimer la clause pénale. La solution d’équilibre et de compromis qui a été adoptée à l’unanimité par la commission de l’économie du Sénat permettra de lever les inquiétudes sur une éventuelle remise en cause du mandat exclusif tout en renforçant la transparence quant aux moyens employés par le mandataire pour mener à bien la mission à lui confiée. Le consommateur doit être mieux protégé, car nous savons bien qu’un certain nombre de professionnels utilisaient le mandat exclusif à seule fin de geler le marché à leur profit, sans remplir leur part du contrat.
Par ailleurs, M. le rapporteur, M. Tropeano et Mme Lamure ont mis l’accent sur la question des moyens alloués à la DGCCRF. Cet organisme, comme l’ensemble des services de l’État, a certes vu ses effectifs réduits, mais il n’en est pas moins efficace pour autant, au contraire ! (Exclamations amusées sur les travées du groupe socialiste-EELV.)
Mme Laurence Rossignol. Vous devriez réduire encore ses effectifs ! Il serait encore plus efficace !
M. Frédéric Lefebvre, secrétaire d'État. Souriez si vous voulez ! Pour ma part, je tiens à rendre hommage aux fonctionnaires de la DGCCRF, qui ont eu à assumer une réorganisation conduite dans le cadre de la RGPP, démarche très critiquée mais qui fera économiser à l’État 15 milliards d’euros à l’horizon 2015.
La réorganisation et la modernisation des compétences de la DGCCRF prévues par ce projet de loi renforceront son efficacité. Au total, 82 % des effectifs de la DGCCRF sont affectés aux enquêtes, cette proportion restant constante par rapport à 2010. Quant aux suites données aux contrôles, elles sont mieux ciblées.
Le remplacement de sanctions pénales par des amendes administratives permettra un gain de temps grâce à l’allégement de la rédaction administrative et à la réduction du temps consacré au suivi des contentieux en liaison avec le parquet.
La sanction du non-respect d’une injonction administrative permettra de diminuer le nombre de procès-verbaux, plus coûteux en temps.
En réduisant le temps consacré par les fonctionnaires aux procédures, on leur permet de concentrer leurs efforts sur les missions qui les passionnent et de répondre ainsi aux attentes des consommateurs. Certains d’entre vous ont peut-être du mal à le comprendre, mais on peut, grâce à une meilleure organisation, être plus efficace avec moins d’effectifs. J’y reviendrai au cours du débat.
M. Roland Courteau. Paroles….
M. Frédéric Lefebvre, secrétaire d'État. Madame Bonnefoy, monsieur Tropeano, à propos de PACITEL, je répète qu’il s’agit de 100 000 emplois localisés en France, et non en Tunisie ou ailleurs. Il ne serait donc pas raisonnable, dans la situation actuelle, de faire peser une menace, pour des raisons d’affichage, sur un dispositif qui fonctionne et de mettre en péril 100 000 emplois dans notre pays. Vous m’avez invité à réaliser l’étude d’impact du dispositif que vous présentez, madame Bonnefoy, mais ce n’est pas à moi que cette tâche incombe ! J’ai fait réaliser les études d’impact de mes propositions, faites-en autant pour les vôtres : cela me semble être de bonne politique !
M. Jean-Jacques Mirassou. Nous n’en avons pas les moyens !
M. Frédéric Lefebvre, secrétaire d'État. Vous disposez de collaborateurs en mesure de faire ce travail. Quoi qu’il en soit, votre proposition n’est pas raisonnable et je m’y opposerai avec la plus grande énergie. Sacrifier des emplois n’est pas acceptable dans la situation que nous connaissons.
M. Martial Bourquin. C’est vous qui les sacrifiez !
M. Frédéric Lefebvre, secrétaire d'État. Le dispositif PACITEL, dont chacun sait l’efficacité, protège les consommateurs. On peut vouloir encore l’améliorer, mais il convient de sauvegarder l’emploi.
Madame Didier, j’ai noté que vous souhaitiez étendre le champ de l’action de groupe. Étant opposé à cette dernière, je ne pourrai évidemment qu’être défavorable à votre amendement tendant à cette fin.
Cela étant, nous avons des points d’accord sur d’autres sujets, notamment celui du logement. Ainsi, vous aviez salué, en commission, l’action de la Confédération nationale du logement : j’ai œuvré avec beaucoup de détermination, en lien avec la DGCCRF, pour que cette association de défense des consommateurs qui, pour un certain nombre de raisons, avait conclu des partenariats ne respectant pas la législation, puisse conserver son agrément. La CNL pourra donc poursuivre son action, qui est reconnue dans tout le pays.
En matière de logement, le Gouvernement est bien entendu parfaitement ouvert à l’idée de protéger les locataires et les acteurs qui leur viennent en aide : c’est un objectif d’intérêt général. Il faut toutefois respecter un équilibre entre les intérêts des locataires et ceux des bailleurs, sauf à mettre en péril l’offre de logement en décourageant l’investissement locatif. Or la mise en œuvre d’un encadrement des loyers romprait cet équilibre, comme l’avait d’ailleurs très bien compris Lionel Jospin en son temps.
Je tiens à saluer l’intervention de Gérard Cornu, qui a été le rapporteur de nombreux textes relatifs à la consommation et a beaucoup travaillé au côté de M. le rapporteur à l’examen du présent projet de loi. La réflexion constructive qu’il a menée avec la commission de l’économie a débouché sur des améliorations, même s’il a pu regretter l’adoption d’amendements dont l’inspiration est très éloignée des principes que nous défendons. Je ne doute pas que, au cours de la discussion des articles, nous pourrons revenir à des positions plus raisonnables.
Monsieur Dubois, je me félicite de ce que nous ayons pu trouver un certain nombre de terrains d’entente, notamment pour ce qui concerne, dans le secteur de la téléphonie mobile, l’amélioration de la transparence et de l’information des consommateurs et le renforcement de la concurrence, grâce en particulier à l’arrivée prochaine d’un nouvel opérateur. Ces évolutions contribuent activement à faire baisser les prix de la téléphonie mobile, devenue un outil indispensable.
En revanche, je ne partage pas votre point de vue au sujet du simlockage, c’est-à-dire du verrouillage du téléphone. Nous aurons l’occasion d’y revenir. Le projet de loi prévoit de ramener de six à trois mois la durée de ce verrouillage. Cette proposition, que la commission de l’économie a rejetée, me semble pourtant raisonnable et propre à assurer un équilibre satisfaisant entre les intérêts des consommateurs et la nécessité de lutter contre la fraude et le vol. Remettre en cause cet équilibre se retournerait contre les consommateurs.
En ce qui concerne le fichier positif, Mme Létard connaît bien cette question pour avoir siégé dans des commissions de surendettement de son département du Nord, l’un des plus touchés par ce phénomène. Ceux qui travaillent quotidiennement sur les dossiers de surendettement nous disent que les crédits souscrits sont la cause du surendettement dans 1 % des cas seulement. Dans tous les autres, les difficultés résultent d’un accident de la vie, par exemple un divorce ou une perte d’emploi. L’existence d’un fichier positif n’apporterait aucune solution dans de tels cas, puisque les personnes concernées étaient parfaitement en mesure de faire face au remboursement de leur crédit au moment où elles l’ont souscrit.
La question du surendettement doit faire l’objet d’un examen approfondi sous tous ses aspects, et pas seulement celui des libertés publiques. Pour ma part, je réfléchis depuis longtemps à la mise en place du fichier positif. Le Gouvernement n’ayant pas voulu recourir à la procédure accélérée pour l’examen de ce projet de loi, nous aurons le temps d’étudier en profondeur cette question importante. Le groupe socialiste-EELV a proposé tout à l’heure la création d’un groupe de travail à cette fin ; une telle initiative est bienvenue, à l’instar de celle qu’ont prise les présidents des commissions des lois et des affaires économiques de l’Assemblée nationale.
Monsieur Bérit-Débat, je vous remercie d’avoir pris acte des avancées permises par le projet de loi.
L’amendement que vous avez déposé au sujet de la réglementation des publicités en matière de vente d’or ne me paraît pas nécessaire, car il est déjà satisfait par une disposition du code de la consommation.
Toutefois, je suis conscient que la réglementation en matière de ventes d’or doit être renforcée. C’est pourquoi j’ai installé le 12 décembre dernier un groupe de travail au sein duquel l’ensemble des professionnels du secteur sont représentés. Je suis convaincu que nous pouvons améliorer le dispositif prévu par le projet de loi.
Mme Lamure a soulevé la question des délais de paiement. Leur réduction représentait un enjeu majeur avant l’adoption de la loi du 4 août 2008 de modernisation de l’économie, la LME.
Je rappelle que certains secteurs ont bénéficié d’accords dérogatoires afin de leur permettre de s’adapter de manière progressive à l’évolution de la législation. La sortie de ces accords dérogatoires, fixée au 1er janvier 2012, était un point important aux yeux du Gouvernement. M. Lorenzi en a fait un sujet central du rapport de l’Observatoire des délais de paiement remis en avril 2011. Tous les secteurs qui participent aux travaux de cet organisme, en particulier celui du bâtiment, ont entériné le principe de la fin des dérogations à compter du 1er janvier prochain.
Dans son rapport, l’Observatoire des délais de paiement a toutefois recommandé au Gouvernement de prévoir des mesures d’accompagnement, notamment en développant des outils financiers appropriés et en assurant la promotion des bonnes pratiques. J’ai travaillé avec OSÉO pour que ces outils puissent être opérationnels dès le 1er janvier prochain.
Certains secteurs économiques exposés à une saisonnalité marquée de l’activité, comme ceux du jouet ou de la jardinerie, souhaitent pouvoir disposer de davantage de temps pour s’adapter aux nouvelles règles, mais la proposition de loi relative à la simplification du droit et à l’allègement des charges administratives semble plus adaptée pour ce faire que le présent projet de loi. C’est donc à bon droit que la commission a supprimé les dispositions tendant à cette fin.
À l’inverse, certains secteurs, notamment celui du bâtiment, ont exprimé le souhait que les délais de paiement de leurs clients soient plus fortement encadrés, y compris pour le règlement des acomptes.
S’il n’est pas envisageable de rouvrir l’ensemble de ce débat, je veux vous assurer de ma détermination à renforcer les contrôles menés par la DGCCRF. En 2012, celle-ci procédera à environ 1 500 contrôles d’entreprises de tout type pour vérifier qu’il n’y a pas d’abus. Il est tout à fait possible, madame Lamure, de limiter à trente jours les délais de paiement pour les clients par la voie contractuelle.
Il va de soi que ces contrôles de la DGCCRF ne viseront pas des entreprises appartenant à des secteurs qui seraient en train de négocier un accord tendant à prolonger la phase d’adaptation aux dispositions de la LME. Je souhaite en outre que, dans la majeure partie des cas, ces contrôles aient une vocation éducative.
Enfin, j’indique à M. Teston que le dispositif d’alerte et de blocage systématique dont il appelle de ses vœux la mise en place apparaît de nature à renforcer la protection des consommateurs. Je serai donc favorable à son amendement.
Je souhaite que nous abordions la discussion des articles dans l’esprit constructif qui a présidé aux travaux de l’Assemblée nationale et à ceux de la commission de l’économie, du développement durable et de l’aménagement du territoire du Sénat : il y va de l’intérêt de nos compatriotes ! (Applaudissements sur les travées de l’UMP et sur certaines travées de l’UCR.)