M. Roland Courteau. Très bien !
Mme Mireille Schurch. Une véritable réflexion doit en outre s’engager sur les moyens à développer pour lutter contre la spéculation foncière.
Voilà, mes chers collègues, des pistes de réflexion que nous devons explorer sans tarder afin de pouvoir mettre en œuvre une politique du logement propre à endiguer la crise que nous connaissons. Cela commence aujourd’hui par l’adoption de cette proposition de loi visant à abroger le dispositif de majoration automatique des droits à construire. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC, du groupe socialiste et du groupe écologiste.)
M. le président. La parole est à M. Pierre-Yves Collombat.
M. Pierre-Yves Collombat. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, la loi du 20 mars 2012 que nous nous proposons d’abroger est l’exemple parfait de ce qu’il ne faut pas faire en matière législative…
M. Roland Courteau. C’est exact !
M. Pierre-Yves Collombat. Il s’agit d’un texte rédigé, présenté et discuté dans la hâte, d’un texte certainement inutile et probablement néfaste, d’un texte mal rédigé, contraire aux règles habituelles du droit et au principe de libre administration des collectivités territoriales, d’un texte écran qui masque les vrais problèmes tout en fournissant des occasions d’enrichissement aux rentiers fonciers les mieux placés.
Un sénateur du groupe socialiste. Il était temps de l’abroger !
M. Pierre-Yves Collombat. Ce texte, vous le savez, a été discuté selon la procédure accélérée, en fin de session, après une consultation expresse des acteurs du logement et des élus locaux, consultation qui s’est résumée à informer ceux qui l’ont été – cela n’a d’ailleurs pas été le cas des élus ruraux – des intentions du Gouvernement, excellentes évidemment !
Il était accompagné d’une étude d’impact de trente pages se passant d’expliquer pourquoi, à elle seule, l’augmentation des droits à bâtir suffirait à dynamiser la construction de logements. La cause est entendue avant que d’avoir été jugée : il y a un déficit structurel de l’offre de logements, les loyers et les prix des terrains sont à la hausse, augmentons le nombre de mètres carrés constructibles et le problème sera réglé. Un remède miracle, et en plus à coût nul pour le budget de l’État, sauf que la fameuse étude d’impact démontre plutôt le contraire, c'est-à-dire que les droits à construire sont, dans le cadre actuel, suffisants, mais sous-utilisés,…
M. René Vandierendonck, rapporteur pour avis. C’est vrai !
M. Pierre-Yves Collombat. … sauf qu’on ne se pose pas la question de savoir pourquoi ils sont sous-utilisés, si l’effort financier de l’État en faveur du logement est suffisant pour permettre la réalisation des programmes, si le portefeuille des aspirants à la propriété a l’épaisseur de leur rêve… En ces temps de crise, la question est tout de même importante.
M. Roland Courteau. C’est vrai !
M. Pierre-Yves Collombat. La « libération de l’offre » est censée pourvoir à tous ces détails, probablement aussi efficacement que, jusque-là, la « politique de l’offre » a permis de réduire le chômage. (M. Jean-Jacques Mirassou rit.)
Les élus locaux n’utilisant même pas les possibilités existantes, on leur forcera donc la main. Pourquoi ces nouvelles possibilités seront-elles mieux utilisées par les acteurs du logement que celles qui existent déjà ? Mystère !
Les possibilités d’augmenter les droits à construire dans certaines zones, par délibération du conseil municipal, pour le logement social ou pour l’obtention d’économies d’énergie, existent déjà.
Le texte que nous allons abroger était donc inutile.
Inutile, au mieux, car l’augmentation systématique des possibilités de construction est une machine infernale dont malheureusement on ne connaîtra les effets sur le terrain que trop tard. Il importe donc de la désamorcer au plus vite, ce que demande d’ailleurs l’écrasante majorité des élus locaux.
C’est aussi un texte mal rédigé et donc source d’insécurité juridique, ai-je dit, un texte contraire aux règles habituelles du droit et au principe de libre administration des collectivités territoriales.
Le but est clairement de forcer la main aux collectivités, d’où l’inversion des règles habituelles : l’augmentation des droits à construire s’imposera sauf si, au terme d’une procédure compliquée, coûteuse et politiquement à risques – vous savez ce que sont les débats sur l’urbanisation dans nos communes ! –, les collectivités s’y opposent. Quant à la disposition permettant aux communes de récupérer une partie de la compétence urbanisme qu’elles auraient transférée à une intercommunalité, cette innovation juridique est une première. On marche sur la tête !
D’un côté, l’État tente de faire passer par la bande ses choix en matière d’urbanisme, revenant ainsi sur l’un des acquis majeurs, pour les communes, de la décentralisation de 1982-1983, un acquis tel qu’elles entendent bien résister à toute tentative de les en priver sans leur consentement, fût-ce au nom d’une rationalisation de l’intercommunalité ou de je ne sais quelle logique bureaucratique.
De l’autre, quand ces communes ont consenti volontairement à ce transfert, ce même État, lorsque ça l’arrange, les autorise à s’en affranchir.
Mais le principal reproche que l’on peut faire à la loi que nous allons abroger, c’est d’être une fausse réponse à deux vrais problèmes : le premier est celui du coût du foncier, le second celui du sous-financement de la politique du logement.
Le marché foncier n’étant ni concurrentiel ni homogène, une unité foncière ici n’étant pas substituable à une unité foncière là, injecter des droits à construire partout, comme on le ferait d’une monnaie avec la planche à billets, n’aura aucun effet à la baisse sur les prix et sur la rétention du foncier.
Pour lutter contre la spéculation foncière, le principal outil dont nous disposons, ce sont les établissements publics fonciers régionaux, dont il y a urgence à augmenter les possibilités d’intervention en leur donnant la liberté de moduler, dans une limite fixée par la loi, le montant de la taxe d’équipement dont ils bénéficient.
Quant au sous-financement croissant de la politique du logement, seule l’intervention, elle aussi croissante, des collectivités locales, notamment des communes et des intercommunalités, a pu le masquer. Nous atteignons les limites de l’exercice.
Personnellement, j’observe que, dans les plans de financement des projets de logement social que je connais, l’État intervient rarement au-delà de 5 %. Un alinéa à la loi de finances permettant d’augmenter ce niveau d’intervention aurait été plus utile que la loi du 20 mars 2012. Je le dis tout net, cette observation vaut aussi pour le présent gouvernement.
En conclusion, pour le RDSE, cette loi a déjà coûté suffisamment cher pour qu’on ne tarde pas à la renvoyer au néant qui l’a conçue. (Applaudissements sur certaines travées du RDSE, ainsi que sur les travées du groupe socialiste, du groupe écologiste et du groupe CRC.)
M. le président. La parole est à M. Claude Dilain.
M. Claude Dilain. Monsieur le président, madame la ministre, messieurs les rapporteurs, mes chers collègues, nous le savons tous : plus de 3,5 millions de personnes sont sans logement ou mal logées dans notre pays.
Nous savons aussi que, dans sa décision du 19 janvier 1995, le Conseil constitutionnel a institué le droit au logement en objectif à valeur constitutionnelle.
Et pourtant, nous souhaitons abroger la loi du 20 mars 2012.
En effet, comme d’aucuns l’ont déjà dit, cette loi a été votée à la va-vite, sans délai, sans concertation et avec très peu de débats. Je ne m’appesantirai pas sur ce point, mais elle était très imparfaite techniquement, au point qu’elle a soulevé de nombreuses oppositions parmi les collectivités territoriales, les juristes et même les professionnels de l’immobilier.
Pour ma part, je voudrais insister sur un aspect plus politique. Cette loi présente en effet le gros défaut de malmener sévèrement la liberté des collectivités territoriales. Bien sûr, l’article 72 de la Constitution est formellement respecté. Mais cette liberté est réduite au seul pouvoir de dire non. Il s’agit donc d’une liberté très restreinte, que l’on pourrait même qualifier de liberté surveillée. Il en fut souvent ainsi sous le précédent gouvernement… Si j’insiste sur ce point, c’est parce qu’il est important : dans le même esprit, la loi du 10 août 2007 renforçant la lutte contre la récidive des majeurs et des mineurs restreignait la liberté des magistrats du siège au seul pouvoir de dire non aux peines planchers. Il y avait là une atteinte importante à la liberté de ces derniers.
C’est pourquoi nous pouvons nous féliciter de ce que l’article 2 de la présente proposition de loi respecte totalement le choix des rares communes ayant accepté d’appliquer cette majoration.
Une fois cette loi abrogée, comme je le souhaite, il faudra encore résoudre la crise du logement. En la matière, je me réjouis de votre volontarisme, madame la ministre, qui fait écho à celui du Président de la République et du Premier ministre.
En effet, le rapport sur l’application de la loi DALO que Gérard Roche et moi-même avons publié montre, d’une part, que la situation du logement est extrêmement grave, et, d’autre part, qu’elle est très contrastée d’un territoire à l’autre. Elle est ainsi particulièrement inquiétante dans les régions Île-de-France, PACA et Rhône-Alpes, figures de proue pour les saisines des commissions départementales de médiation en matière de demande de logement. Dans ces territoires, la situation est réellement dramatique.
La loi que nous nous apprêtons à abroger s’appliquait de manière homogène sur tout le territoire. En tant que médecin, il me semble pourtant qu’il est très rare qu’un même médicament soigne des maux très différents. Nous ne devons donc pas, de nouveau, commettre la même erreur.
M. Gérard Collomb. Très bien !
M. Claude Dilain. Au sujet de la loi DALO, j’ajoute que 75 % des logements sociaux ont été construits à des endroits où les besoins étaient inexistants… C’est dire qu’il faut absolument distinguer les choses et moduler les mesures que nous prendrons en fonction des situations.
Madame la ministre de l’égalité des territoires, nous ne pourrons pas atteindre cette égalité si nous ne nous résolvons pas à cette différenciation. Il faut de l’équité pour tendre à davantage d’égalité.
Il faut non seulement construire des logements en quantité, mais aussi bien déterminer dans quelles zones on les construit, et surtout quels types de logements on construit, de façon à accorder au mieux l’offre à la demande.
Pour conclure, nous devons avancer dans le traitement de ce dossier avec clarté, simplicité et transparence, mais aussi, et surtout, avec efficacité. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste, du groupe CRC et du groupe écologiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. Maurice Antiste.
M. Maurice Antiste. Monsieur le président, madame la ministre, messieurs les rapporteurs, mes chers collègues, le 20 mars dernier, l’ancien gouvernement avait fait adopter dans l’urgence et la précipitation, et pour des raisons électoralistes, une réforme tendant à permettre la majoration de 30 % des règles de gabarit, d’emprise au sol, de hauteur et de densité.
L’objectif de cette réforme était ainsi d’augmenter de manière transitoire les possibilités de construire, en passant outre les documents locaux d’urbanisme, sans accroître dans le même temps la dépense publique.
Cependant, ce texte empreint de démagogie n’a trompé personne, ni dans sa conception ni dans son contenu, et a mis en évidence une fois de plus l’échec de la politique du logement de l’ancien gouvernement.
En effet, plusieurs dispositifs permettaient` déjà d’augmenter les règles de densité : par exemple, la majoration pouvait atteindre 50 % concernant le logement social, selon les termes de l’article L. 127-1 du code de l’urbanisme, et 30 % pour les constructions remplissant des critères de performance énergétique ou comportant des équipements de production d’énergie renouvelable.
De plus, cette mesure ne répond pas à la nécessité de produire du logement, et particulièrement du logement abordable, car elle ne résout en rien le problème central du foncier. Au contraire, elle pourrait aggraver la situation du fait d’un renchérissement des prix des terrains et d’une rétention foncière des propriétaires, qui attendent la mise en place de ce dispositif.
En outre, d’un point de vue juridique, de très nombreux conflits vont trouver leur origine dans ce texte, puisqu’il est en rupture avec certains droits bien établis, par exemple en matière de privation de vue ou d’ensoleillement, de surélévations, de contestation de permis de construire, etc.
Enfin, il est nécessaire de rappeler que, contrairement aux dispositifs existants, cette loi a de très lourdes conséquences pour les collectivités locales, car elle instaure l’obligation de lancer une procédure de consultation, même pour les communes ne souhaitant pas appliquer, in fine, la majoration.
Or l’automaticité de la mesure, couplée à la nécessité de réaliser une note d’information, engendre un coût financier supplémentaire pour les communes, déjà largement touchées par le désengagement de l’État en matière d’urbanisme.
Il est donc urgent d’abroger ce texte qui appréhende les questions de densité sans prendre en compte les réalités du terrain.
Citons le cas des communes membres d’un EPCI, qui gardent la possibilité d’approuver ou d’écarter unilatéralement la décision de majoration générale adoptée par l’EPCI. On voit donc bien ici l’absurdité de cette mesure et le risque qu’elle comporte au regard de l’urbanisme local, puisqu’il s’agit d’une remise en question éventuelle de la compétence en matière d’urbanisme déléguée au groupement de communes.
S’il existe véritablement une grave pénurie de logements sur les territoires français, si la volonté de trouver des solutions adaptées à ce problème est nécessaire, je reste hostile au texte de l’ancienne majorité, qui est un affront au principe de libre administration des collectivités territoriales affirmé par les articles 72 de la Constitution et L. 1111-1 du code général des collectivités territoriales.
Certains s’offusquent que l’on propose aussi rapidement d’abroger un texte à peine entré en vigueur. Je leur réponds : c’est heureux, et faisons vite !
Pour toutes les raisons que j’ai exposées, je voterai en faveur de l’adoption de cette proposition de loi visant à abroger le dispositif de majoration automatique des droits à construire. Abrogeons-le donc, mais proposons aussi du nouveau, car il y a tant à faire dans ce domaine ! Nous comptons sur vous pour cela, madame la ministre, de même que nous vous faisons confiance pour tenir compte des particularités des départements d’outre-mer. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste, du groupe CRC et du groupe écologiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. Gérard Collomb.
M. Gérard Collomb. Monsieur le président, madame la ministre, messieurs les rapporteurs, mes chers collègues, je reprendrai la formule de conclusion de l’orateur qui m’a précédé : il faut certes abroger, mais aussi proposer du nouveau.
Née de l’imagination toujours fertile d’un certain nombre de technocrates, proposée d’ailleurs à divers candidats à la dernière élection présidentielle, cette loi manquait sans doute de l’expertise de celles et de ceux qui, dans les collectivités locales, ont à mettre en œuvre la réponse au problème, réel, du mal-logement dans notre pays. Il me semble donc que son abrogation ne mécontentera pas grand monde dans cet hémicycle et sera largement adoptée.
J’ai d’ailleurs pu constater que, au sein de la communauté urbaine de Lyon, cette abrogation ne peinerait que peu d’élus, quelle que soit leur sensibilité politique. Chacun pouvait en effet imaginer les effets pervers qu’aurait pu entraîner, pour sa commune, la mise en œuvre d’une telle disposition. On commençait par exemple à voir, dans les communes périurbaines, un certain nombre de lotissements se doter de constructions annexes. Cela n’aurait pas manqué d’ajouter aux difficultés actuelles.
Cela étant, il ne fait pas de doute que le mal-logement est un réel problème dans notre pays, où l’on dénombre 3 millions de demandeurs de logement, 500 000 personnes condamnées à vivre dans une habitation de fortune, 100 000 dépourvues de toit ; le défi qui s’impose à nous tous est considérable.
Or si la loi a apporté une mauvaise réponse, elle a tout de même pointé un vrai problème,…
M. Charles Revet. Eh oui !
MM. Michel Mercier et Daniel Dubois. Tout à fait !
M. Gérard Collomb.… auquel nous allons devoir trouver des solutions.
M. Daniel Dubois. Tout à fait !
M. Gérard Collomb. Reste que, en l’espace de quelques mois, la situation s’est dégradée, et je pense que vous la connaissez, madame la ministre : au premier trimestre, on a enregistré une diminution de 20 % des ventes sur l’ensemble du territoire,…
M. Daniel Dubois. Tout à fait !
M. Gérard Collomb.… et cette baisse sera sans doute de 40 % pour le deuxième trimestre,…
M. Charles Revet. Eh oui !
M. Gérard Collomb.… avec des variations géographiques. Dans mon agglomération, par exemple, la baisse est de 7 %, mais elle peut atteindre 70 % dans certaines villes, ce qui est considérable.
Pour ma part, j’estime que le ministère du logement revêt une importance fondamentale. Aujourd’hui, il y a deux priorités dans notre pays : l’économie et le logement.
M. Daniel Dubois. Et l’éducation !
M. Gérard Collomb. Madame la ministre, vous allez être confrontée à une situation extrêmement difficile. Il faut s’affranchir des tabous en travaillant avec l’ensemble des acteurs du secteur du logement. Certes, l’État est l’acteur principal, mais il ne peut évidemment pas tout faire. C’est pourquoi il faut mettre en place des partenariats entre le secteur public et le secteur privé.
À cet égard, permettez-moi de citer à nouveau l’agglomération lyonnaise, qui est un bon exemple : 10 000 logements ont été construits au cours de ces dernières années, dont 5 000 logements privés et 5 000 logements sociaux, avec le concours des acteurs du privé à hauteur de 60 %.
M. René Vandierendonck, rapporteur pour avis. C’est bien !
M. Gérard Collomb. Nous devrons mener une réflexion commune sur cette question pour l’avenir.
Premièrement, cela suppose que nous réfléchissions à la question du foncier – les PLU sont révisés dans pratiquement toutes nos communes – en permettant une densification des agglomérations pour répondre à la demande.
Cela suppose aussi, en matière d’urbanisme, de simplifier les procédures…
M. René Vandierendonck, rapporteur pour avis. Oui !
M. Charles Revet. Tout à fait !
M. Gérard Collomb.… pour faciliter l’obtention des permis de construire,…
M. Daniel Raoul, rapporteur. Bravo !
M. Gérard Collomb.… et, comme vous l’avez dit, d’éviter les recours abusifs. Voilà quatre ou cinq ans, 40 recours étaient déposés dans mon agglomération, contre 140 aujourd’hui !
M. Charles Revet. C’est beaucoup trop !
M. Gérard Collomb. Certains veulent qu’on construise beaucoup de logements en France, mais loin de chez eux !
M. René Vandierendonck, rapporteur pour avis. Absolument !
M. Daniel Dubois. Très bien dit !
M. Gérard Collomb. Nous devrons prendre en compte cette donnée.
Deuxièmement, il faut faire en sorte que le budget consacré au logement soit plutôt en augmentation qu’en diminution.
Pour compléter votre réflexion, j’indique que les aides à la pierre s’élèvent à 18 millions d’euros, contre 80 millions d’euros octroyés par le Grand Lyon. De surcroît, 18 millions d’euros sont consacrés au logement social, alors que 33 millions d’euros sont affectés à l’hébergement d’urgence. Peut-être faudra-t-il inverser quelque peu la tendance.
Quoi qu’il en soit, ce problème mérite d’être vraiment pris en compte.
Troisièmement, il faut renouveler l’offre de logements neufs en faisant en sorte de les rendre accessibles au plus grand nombre. Il faut élargir le spectre des logements offerts aux accédants à la propriété et accompagner ceux-ci dans l’obtention d’un logement, car se posent aujourd’hui le problème du crédit et celui de la diminution des revenus, ce qui entraîne une diminution du nombre de personnes pouvant accéder à la propriété.
Quatrièmement, il convient de soutenir l’investissement locatif, qui représente aujourd’hui environ 50 % de la construction.
M. René Vandierendonck, rapporteur pour avis. Oui !
M. Gérard Collomb. S’il n’y a plus demain de politique active dans ce domaine, je crains un effondrement de la construction.
M. Charles Revet. Cela a déjà commencé !
M. Gérard Collomb. Il faut aborder cette question de manière non dogmatique.
Cinquièmement, il faut dissuader les propriétaires de faire de la rétention, mais veillons à ne pas tomber dans le même travers qu’avec la loi du 20 mars 2012, car l’enfer est pavé de bonnes intentions. Ce qui compte, c’est non pas l’intention, mais les actes et le résultat final.
La loi en vertu de laquelle l’allongement du délai d’exonération des plus-values immobilières est passé de quinze à trente ans a eu des résultats contraires aux effets escomptés : au lieu de lutter contre la spéculation, elle a encouragé la rétention de terrains.
M. René Vandierendonck, rapporteur pour avis. Tout à fait !
M. Gérard Collomb. Sixièmement, il faut mettre fin à l’empilement des normes et instaurer un moratoire pour la production de nouvelles normes.
M. René Vandierendonck, rapporteur pour avis. Très bien !
M. Gérard Collomb. Septièmement, il faut développer l’investissement locatif privé.
Je ne développerai pas ce point aujourd’hui, mais sachez, madame la ministre, mes chers collègues, que la législation allemande favorise beaucoup l’investissement locatif privé. À mon avis, ce système pourrait être tout à fait transposable en France.
Enfin, il convient de renforcer les prêts à taux zéro, qui sont un élément important pour les primo-accédants.
Madame la ministre, vous avez devant vous un chantier considérable. Nous sommes prêts à vous aider à remplir votre mission et sachez que vous pouvez compter – et que vous devez le faire – sur une coopération essentielle entre l’État et les collectivités locales. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste. – M. Daniel Dubois et M. Christian Namy applaudissent également.)
M. le président. Personne ne demande plus la parole dans la discussion générale ?...
La discussion générale est close.
La parole est à Mme la ministre.
Mme Cécile Duflot, ministre. Mesdames, messieurs les sénateurs, vos interventions ont été, pour l’essentiel, très complètes. S’il fallait une raison suffisante pour abroger cette loi, au-delà de toutes celles que vous avez avancées, je vous inviterais à prendre en considération le débat, qui est déjà lancé, sur ce que l’on pourrait faire de mieux et de plus rapide. En effet, nous avons déjà engagé cette deuxième étape, la première étant l’abrogation d’un dispositif homogène et sans doute dangereux.
M. Calvet a évoqué le fait que nous allions contrarier les élus locaux. Pour avoir rencontré toutes les associations d’élus, notamment l’Association des maires ruraux de France, je puis vous dire qu’elles étaient toutes très ennuyées…
M. Jean-Jacques Mirassou. Bien sûr !
Mme Cécile Duflot, ministre… d’avoir l’obligation de mettre en œuvre, dans des délais très courts, cette loi, par ailleurs très coûteuse et très bloquante. Son abrogation rapide était donc très largement souhaitée.
Soyez assurés que je suis parfaitement consciente de la gravité de la crise que connaît aujourd’hui le secteur du logement à la fois sur le plan économique – je le sais pour avoir des contacts très réguliers avec l’ensemble des acteurs des secteurs du logement, du bâtiment et de l’artisanat – et sur le plan social.
M. Dubois a évoqué le fait que notre seule réponse serait le blocage des loyers. Le décret sur l’encadrement des loyers, qui sera publié dans quelques jours, vise à répondre à la crise sociale. Non seulement l’augmentation des loyers n’était pas du tout régulée, mais la libre fixation des prix lors de la relocation n’a pas non plus permis de lutter contre la crise. (Applaudissements sur les travées du groupe écologiste, du groupe socialiste et du groupe CRC.) L’encadrement des loyers permettra donc d’y remédier.
Il faudra, je le sais, que tous les acteurs se mobilisent pour apporter des réponses à la crise du logement.
Mesdames, messieurs les sénateurs, je vous ai entendus, et je constate que vos opinions convergent sur un certain nombre de sujets. M. Collomb l’a notamment souligné, il est évident que nous devrons mobiliser tous les interlocuteurs en nous appuyant sur les projets menés par les collectivités locales, car ce sont elles qui sont en première ligne sur ces questions.
Vous avez indiqué à plusieurs reprises les faiblesses du budget de l’État en matière d’aides à la pierre. Je vous invite à répéter vos propos et à rappeler vos nécessités locales lors du débat qui s’engagera sur cette question et qui ne manquera pas d’être compliqué. Je serai évidemment à vos côtés, sachant à quel point ces aides sont nécessaires.
À cet égard, permettez-moi de faire un parallèle avec le dispositif d’incitation à l’investissement locatif privé.
Nous avons la volonté de travailler sur un nouveau dispositif. Le dispositif Scellier a été très largement critiqué pour deux raisons, y compris, parfois, à bas bruit, par ceux qui l’avaient porté.
Tout d’abord, il est extrêmement coûteux : 900 millions d’euros pour le budget de l’État l’année dernière. Au regard du budget dévolu aux aides à la pierre, ce poste de dépenses peut être utilement revu.
Ensuite, beaucoup d’entre vous l’ont évoqué, les logements n’ont pas forcément été construits à des endroits adéquats. Certaines collectivités locales se retrouvent ainsi face à un parc de logements vides, avec les conséquences qui en découlent, y compris des conséquences financières très importantes pour les investisseurs qui, d’une part, ne peuvent plus bénéficier de la défiscalisation puisque leur bien est vacant et, d’autre part, n’engrangent pas les revenus locatifs escomptés. Ces propriétaires se retrouvent dans des situations extrêmement difficiles.
Aussi, nous travaillons à la mise en place d’un dispositif d’incitation à l’investissement locatif privé qui prenne en compte cet impératif social et qui soit fondé sur des loyers modérés. Les coûts de production seront également modérés dans la mesure où ils seront adossés, comme je l’ai évoqué précédemment, à la mobilisation du foncier public.
Enfin, j’évoquerai la question centrale de la mobilisation du foncier.
M. Antiste l’a souligné, des dispositifs existent déjà dans les DOM, sur lesquels nous allons nous appuyer. La décote, y compris la décote totale, existe. Le travail que je souhaite mener avec les sénateurs particulièrement impliqués sur ces dossiers ne consiste absolument pas à réinventer des dispositifs. Je veux mettre en cohérence tous les dispositifs existants en les rendant opérationnels, afin d’apporter une réponse très rapide. Les objectifs affichés de construire 500 000 logements par an, dont 150 000 logements sociaux, ne sont pas de l’affichage, monsieur Calvet. Ils répondent à la nécessité impérieuse pour tout un chacun de bénéficier, ainsi que Mme Schurch l’a indiqué, du droit au logement, qui doit être un droit pour tous et pour toutes. Nous sommes très attachés à ce que cela se fasse en lien avec les collectivités locales, y compris avec les communes, puisque, chacun le sait, ce sont souvent les élus de proximité qui sont quotidiennement au contact des demandeurs de logements et des familles en difficulté.
Mesdames, messieurs les sénateurs, je l’ai dit, vous pouvez compter sur ma détermination et ma volonté de créer un partenariat et de travailler de façon très ouverte pour élaborer un dispositif qui prenne appui sur les expériences locales menées dans les régions, les départements, les communes et dans certaines intercommunalités, qui sont extrêmement mobilisés sur la réponse à apporter à la crise du logement. Ces collectivités œuvrent précisément à la mise en place d’une réponse différenciée en matière de densité. Il s’agit non pas de réaliser un « tartinage » général de la densification, si je puis dire, mais bel et bien d’avoir une vision séquencée, répondant à des objectifs locaux et s’appuyant sur le travail de chacun.
En conclusion, et pour faire écho aux propos de M. Dilain, sachez que le projet de loi qui sera élaboré s’appuiera sur quatre éléments : la clarté, la simplicité, la transparence et l’efficacité. (Applaudissements sur les travées du groupe écologiste, du groupe socialiste et du groupe CRC.)