M. le président. Mes chers collègues, nous allons interrompre nos travaux pour quelques instants.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à onze heures dix, est reprise à onze heures vingt.)
M. Philippe Darniche. Monsieur le président, messieurs les ministres, messieurs les rapporteurs, mes chers collègues, sachez tout d’abord combien je trouve satisfaisant que le Gouvernement et les commissions arrivent aux mêmes conclusions, lesquelles, je n’en doute pas seront défendues par la majorité de nos collègues qui interviendront dans la suite du débat.
Si je crois cette réforme de la pêche indispensable, j’estime surtout qu’elle doit être réaliste et que le débat organisé aujourd’hui permet d’énoncer des idées claires et justes sur ce sujet ; c’est du moins ce qu’ont fait les différents orateurs qui se sont exprimés jusqu’à présent.
Parmi ces idées justes et de bons sens, il en est une que nous avions soumise au commissaire européen à la pêche, Mme Maria Damanaki, lors de sa venue à Paris, le 11 octobre 2011 – vous vous en souvenez sans doute, mes chers collègues –,…
M. Bruno Retailleau, rapporteur. En effet, nous nous en souvenons !
M. Philippe Darniche. … à savoir que, contrairement à ce qu’elle prétendait, il ne pouvait y avoir, d’un côté, les défenseurs inconditionnels de l’environnement et de la réduction des quotas autorisés et, de l’autre, des pêcheurs sans foi ni loi opposés à toute forme de réglementation.
L’objectif est donc bien de concilier des exigences écologiques avec le souci de maintenir une activité de pêche en Europe qui puisse assurer un niveau de vie correct et de bonnes conditions de travail aux pêcheurs.
Il y a deux ans déjà, le Sénat, en adoptant une résolution dont Charles Revet était le rapporteur, avait formulé une position assez critique sur le Livre vert de la Commission européenne présentant les axes d’une possible réforme de la politique commune de la pêche, à propos duquel la Commission avait réussi l’exploit de faire l’unanimité contre elle, tant du côté des pouvoirs publics que des professionnels.
La Commission européenne proposait, par exemple, la mise en place immédiate d’une interdiction des rejets de poissons morts ou n’entrant pas dans les quotas. Toutefois, comme l’avait dit à l’époque André Le Berre, directeur des pêches de Bretagne, « la Commission européenne […] est trop loin de la réalité. S’il […] est interdit [aux pêcheurs] de rejeter certaines captures à la mer, c’est toute la flotte française qu’il va falloir changer ».
Elle proposait également de supprimer la gestion collective des quotas par les organisations de producteurs et de les remplacer par des quotas individuels de pêche transférables, laissant au marché le soin de réguler le nombre de navires.
Mes chers collègues, nous importons aujourd’hui 80 % du poisson que nous consommons. Peut-on encore augmenter ce déficit ?
À cet égard, les concessions de pêche transférables ne peuvent que concentrer l’activité entre les mains de quelques grands armements industriels et, par conséquent, provoquer tôt ou tard la disparition de la pêche artisanale.
M. Bruno Retailleau, rapporteur. Très bien !
M. Philippe Darniche. Le travail réalisé depuis quelques mois par les différentes commissions du Sénat – dont je salue tout particulièrement les rapporteurs – a permis de faire émerger une vision moins dogmatique de la politique commune de la pêche, à laquelle je souscris entièrement.
Cette vision promeut une politique commune de la pêche tout aussi exigeante sur le plan environnemental, mais plus réaliste pour préserver le secteur de la pêche maritime et l’économie du littoral.
Avec ses quatre façades maritimes, la France ne peut pas se priver d’une grande ambition maritime et celle-ci ne peut se limiter à des objectifs environnementaux. Si la politique commune de la pêche ne servait pas à maintenir une activité de pêche en France, à quoi servirait-elle ?
Je reconnais volontiers qu’une diminution de l’effort de pêche est nécessaire en Europe mais je demande que l’on améliore la connaissance des stocks halieutiques – 50 % d’entre eux ne sont aujourd'hui pas suivis régulièrement – avant de prendre des décisions trop hâtives.
Certes, pêchons moins mais, surtout, pêchons mieux !
M. Bruno Retailleau, rapporteur. Très bien !
M. Philippe Darniche. Chacun d’entre nous sait que certains pays ne respectent pas les quotas, et ce dans des proportions quelquefois inacceptables.
M. Charles Revet. Tout à fait !
M. Philippe Darniche. J’en viens à l’interdiction des rejets : l’intention est louable, et un marin pêcheur lui-même vous dira qu’il préfère trier sur le fond plutôt que sur le pont.
Toutefois, à la position de la Commission européenne, qui souhaite, du jour au lendemain, obliger les navires à débarquer l’ensemble des captures, je préfère une approche plus pragmatique qui poursuit l’objectif d’une meilleure sélectivité de la pêche sans menacer à court terme le travail des pêcheurs, lesquels sont matériellement incapables de faire face aux exigences de la Commission. Penser qu’il est possible de respecter les quotas autorisés sans faire un minimum de tri en mer, surtout dans un pays de pêche artisanale comme le nôtre, où les pêcheries mixtes et multispécifiques sont très courantes, est irréaliste.
Mes chers collègues, je partage le souci de la Commission européenne de parvenir à un équilibre entre l’exploitation de la mer et la protection des ressources halieutiques. Mais, je le répète, il faut agir avec réalisme et que l’Europe se construise avec de vrais experts.
En conclusion, je dirai simplement que l’ensemble des pêcheurs et des élus de l’île d’Yeu, que j’ai rencontrés la semaine dernière, souhaitent que nous pensions à eux.
M. Charles Revet. Ils ont raison !
M. Philippe Darniche. Ils souhaitent que la Commission européenne pense à eux également, au lieu de poursuivre des objectifs qui ne sont pas clairement définis par l’ensemble des pêcheurs de notre continent européen. (Applaudissements.)
M. le président. La parole est à M. Gérard Le Cam.
M. Gérard Le Cam. Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, le débat d’aujourd’hui s’inscrit dans le cadre de la réforme de la politique commune de la pêche et fait suite aux propositions de résolutions adoptées par la commission des affaires économiques, la commission des affaires européennes et la commission du développement durable.
Le groupe de travail auquel j’ai eu le plaisir de participer a unanimement critiqué les propositions de la Commission européenne. Je constate qu’un même consensus positif ressort de nos débats et que la France défendra une approche plus équilibrée de la politique de la pêche, conciliant emploi et préservation des ressources halieutiques, et toujours aussi intransigeante sur l’interdiction de l’appropriation privée des ressources collectives.
Au-delà de l’Europe, nous devrons également être vigilants à la prise en compte de ces problématiques au niveau international. La conférence « Rio+20 » a défendu l’idée d’une gouvernance internationale de la haute mer ainsi que la nécessité de favoriser une pêche durable et responsable et de garantir un accès aux ressources de la mer aux pêcheurs artisanaux, notamment aux peuples indigènes. Cependant, le secteur des pêches est largement happé par la mondialisation économique et les instruments à caractère incitatif ou marchand promus par l’Organisation mondiale du commerce, qui restent des obstacles majeurs.
Dans son avis du 24 janvier 2012, le Conseil économique et social et environnemental note : « La production annuelle de la pêche communautaire, en diminution constante depuis trente ans, se situe aujourd’hui autour de 5 millions de tonnes, soit seulement 6 % des captures mondiales, alors qu’elle se situait à environ 7 millions de tonnes en 1995. On peut noter parmi les causes de cette baisse la diminution de la ressource, mais aussi la limitation des droits de prélèvements européens, ce que n’ont pas nécessairement mis en œuvre les pays tiers ».
Dans ce contexte, la Commission européenne propose, au nom des enjeux environnementaux existants, de sacrifier encore les enjeux économiques et sociaux de nos territoires en privatisant les ressources et les espaces marins et en renforçant encore sa politique de réduction de la flottille.
Au prétexte de l’urgence écologique, elle ignore l’urgence sociale et, ce faisant, conduit une politique de concentration de l’activité au détriment de la pêche artisanale, politique dont les effets sur la faune et la flore marines sont dévastateurs.
C’est pourquoi nous sommes fermement opposés à la mise en place d’un système de concession de pêches transférables : ce système ne satisfait ni les professionnels du secteur ni les associations environnementales et présente l’inconvénient de concentrer encore le secteur de la pêche vers la pêche hauturière et industrielle.
Nous sommes favorables à ce que les totaux admissibles de capture soient définis dans le but d’atteindre le rendement maximal durable.
Cependant, la proposition de la Commission européenne, selon laquelle cet objectif doit être rempli en 2015 pour tous les stocks, ne nous semble pas raisonnable.
D’une part, les données scientifiques sur l’évaluation des stocks sont partielles et donc incertaines. D’autre part, au regard des impacts sociaux d’une telle mesure – 50 % des pêcheries seraient menacées de fermeture –, il est essentiel de s’assurer que les pays tiers qui pêchent dans les mêmes zones soient soumis à des contraintes équivalentes.
En ce qui concerne l’interdiction des rejets, il est bien évident que la situation actuelle n’est pas satisfaisante. Cependant, les prises accessoires, en l’état des techniques et des engins, sont inéluctables ; elles sont également difficilement contrôlables sur les navires.
C’est pourquoi nous avons préconisé, dans la proposition de résolution, une réduction progressive des rejets à travers la mise en place d’instruments de pêche plus sélectifs.
Dès lors se pose la question des moyens offerts au renouvellement de la flotte.
Or, face au vieillissement de la flotte de pêche européenne – 27 ans en moyenne –, la Commission européenne souhaite encore réduire les aides à la modernisation et au renouvellement. En particulier, il est nécessaire de redonner une place centrale à la pêche artisanale, qui joue un rôle économique important dans nos territoires et crée davantage d’emplois par tonne de poisson débarquée que la pêche industrielle.
En Bretagne, la pêche et l’aquaculture représentent 15 000 emplois directs et 2 500 entreprises. La pêche côtière est un atout pour la vie économique et touristique des côtes. La région soutient la modernisation de la flotte et l’acquisition d’outils performants ; elle accorde des aides pour l’installation de jeunes patrons pêcheurs, et ces démarches doivent être confortées financièrement et politiquement par l’Europe. L’an dernier, les effectifs des quatre lycées maritimes de Bretagne ont augmenté de 6 % : les besoins existent et nous devons adapter les filières de formation afin de répondre aux évolutions technologiques et de développer la qualité de l’emploi de marin.
Ce constat me conduit à réaffirmer notre attachement à l’introduction d’un volet social dans la réforme de la politique commune de la pêche. Nous remercions les sénateurs du groupe de travail d’avoir adopté notre amendement précisant que « la politique commune de la pêche contient un volet social prévoyant l’harmonisation par le haut des conditions de travail des marins pêcheurs à bord des navires et de leur protection sociale ».
En effet, le texte initial de la proposition faisait mention de critères minimaux d’harmonisation des conditions de travail alors qu’il est essentiel pour les travailleurs, leur bien-être et leur sécurité, d’encourager un alignement de tous sur les standards les plus élevés. Nous avons également souhaité élargir le champ de cette recommandation, au-delà des conditions de travail, à la protection sociale des marins.
Le secteur de la pêche connaît des phénomènes de dumping social, y compris entre pays européens, avec l’utilisation de pavillons de complaisance. Il convient que le règlement de base sur la politique commune de la pêche soit ambitieux dans la lutte contre ce phénomène. Nous avons par ailleurs déposé une proposition de loi pour rendre obligatoire l’inscription au premier registre français des navires exclus du registre international français, ou RIF, et intervenant notamment dans le secteur de la pêche.
Il est également important de ne pas oublier les travailleuses du secteur, « invisibles » comme elles se décrivent elles-mêmes : les femmes de marins qui exercent leur métier dans des fonctions d’administration, de ramendeuses de filet, de vente directe du poisson, de gestion, de livraison. Ces dernières années, des avancées majeures ont été réalisées : obtention d’un statut pour les conjointes de marins pêcheurs ou d’aquaculteurs collaborant à l’activité de leur mari, accès à des emplois jusque-là réservés aux hommes dans la marine marchande, implication dans les structures d’accueil portuaires, dans les organisations professionnelles ou encore dans les collectivités territoriales. Cependant, il est nécessaire d’établir un état des lieux afin de déterminer où l’on peut améliorer l’intégration des femmes au sein des différentes activités de la filière maritime.
Par ailleurs, je voudrais aborder la question de la gestion des criées dans la mesure où elles dirigent la sélectivité des pêches, entraînant notamment le problème des rejets de poissons moins nobles sur le pont et dans les ports. Nous avons demandé et obtenu l’inscription dans la proposition de résolution du vœu que « l’organisation commune des marchés permette de mieux réguler les prix au débarquement en criée, et facilite les débouchés pour l’ensemble des produits pêchés ». Les pêcheurs rejettent parfois ce qu’ils savent ne pas pouvoir vendre en criée. Si l’ensemble des espèces pêchées trouvait un débouché au débarquement, avec un prix minimum garanti par un dispositif d’intervention prévu dans l’organisation commune des marchés, la question des rejets serait largement améliorée.
Aujourd’hui, huit poissons consommés sur dix en Europe sont importés ; or des poissons sont rejetés dans les ports et la grande distribution connaît une perte de 5 % à 10 % dans ses étalages. Pourtant, à la porte des criées, les associations caritatives luttent pour qu’on leur permette d’utiliser les invendus. Nous aurions aimé aborder cette question dans la proposition de résolution afin de répondre aux paradoxes de l’économie de marché ; hélas, cela n’a pas été possible. Je tiens à attirer l’attention du Gouvernement sur cette question, car des solutions existent, comme à Saint-Malo, où une association récupère les invendus, les transforme et les destine aux plus démunis.
Enfin, la Commission européenne entend réduire les possibilités d’intervention sur les marchés et remet en cause le stockage, qui reste le meilleur outil de régulation tant en matière de pêche qu’en matière agricole. Les aides au retrait, l’aide au report, l’indemnité compensatoire pour les thonidés seraient supprimées à terme. Nous ne pensons pas que l’on s’engage ainsi dans une bonne voie.
Les sénateurs du groupe communiste défendent une politique de la pêche qui puisse répondre à l’enjeu alimentaire. Ils refusent la concurrence libre et non faussée appliquée au secteur, au service de pavillons de complaisance ou au bénéfice de fonds de pension spéculant sur les quotas de pêche. Le projet de la pêche doit reposer sur un développement humain durable et un respect de la ressource halieutique qui passe, pour nous, par une pêche artisanale relocalisée et modernisée, complémentaire à part entière d’une pêche hauturière également indispensable. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à M. Christian Bourquin.
M. Christian Bourquin. Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, le projet de réforme du règlement de la politique commune de la pêche, transmis en juillet 2011 par la Commission européenne au Parlement européen et au conseil des ministres, a été fraîchement accueilli – c’est le moins que l’on puisse dire –, notamment par les parties prenantes françaises.
Force est de constater que, derrière la volonté affichée par la Commission européenne de promouvoir une pêche durable, les propositions mises sur la table ont négligé l’essentiel : pour être véritablement durable, la politique de la pêche doit prendre en compte, certes, la protection de l’environnement, mais surtout les facteurs sociaux – les pêcheurs – et le développement économique – les entreprises du secteur. Or ces exigences préalables évidentes n’ont pas été respectées.
En effet, en proposant la généralisation des quotas individuels transférables, renommés « concessions de pêche transférables », la Commission européenne a fait le choix de la construction d’un modèle unique, fondé sur une gestion de la ressource halieutique confiée aux marchés. Ce faisant, outre le choix – à mon avis très contestable – de recourir à une gestion spéculative, elle favorise la concentration des entreprises industrielles au détriment des professionnels qui pratiquent la pêche artisanale. De toute évidence, ces derniers ne pourront pas se maintenir face aux pressions du marché.
Si je sais que nous ne sommes pas les seuls à contester l’adaptation de l’outil de gestion proposé aux réalités du terrain, permettez-moi d’attirer votre attention, mes chers collègues, sur les conséquences délétères qu’elle pourrait avoir tout particulièrement sur l’activité des pêcheurs artisans en Méditerranée – sans compter que, contrairement au système de gestion utilisé sur la façade atlantique, il n’y existe pas de système de quotas.
Monsieur le ministre de la mer, cher Frédéric Cuvillier, puisque vous appelez de vos vœux une « union nécessaire » – je vous l’ai entendu dire à cette tribune ! –, permettez-moi de vous rappeler qu’il faut prendre en compte la Méditerranée. Il faut que l’on entende l’accent de la Méditerranée…
M. Christian Bourquin. C’est nécessaire…
M. Bruno Retailleau, rapporteur. Vous le portez !
M. Christian Bourquin. Non ! C’est vous qui avez un accent, moi je n’en ai pas ! (Sourires.)
En affichant dans ses propositions l’objectif de la mise en œuvre du rendement maximal durable et de l’arrêt de la pratique des rejets en mer, la Commission européenne a fait encore une fois la preuve de sa méconnaissance de la diversité des situations.
Toujours en Méditerranée, la collecte de données fiables, rendues nécessaires pour la bonne mise en œuvre du rendement maximal durable semble déjà compromise : non seulement les zones de pêche internationales se superposent, mais de surcroît les pêcheries mixtes y constituent la règle ! Aussi, j’attire votre attention, monsieur le ministre, sur les conséquences néfastes pour les flottilles méditerranéennes de l’application d’un rendement maximal durable non assortie de mesures d’accompagnement et de délais raisonnables. Monsieur Simon Sutour, vous pouvez constater que mon attitude n’est pas simpliste vis-à-vis de l’Europe, dont vous êtes ici un représentant éminent en votre qualité de président de la commission des affaires européennes !
J’exprimerai la même inquiétude quant à l’arrêt de la pratique des rejets en mer : il me semble déraisonnable de l’imposer aux pêcheries artisanales – vous l’avez dit vous-même, monsieur le ministre. Leur demander de faire porter leur effort sur la sélectivité me paraît plus approprié, quitte à prononcer une interdiction stricte si aucun progrès n’est réalisé – les pêcheurs le comprennent bien, d’ailleurs !
En outre, la géographie très spécifique du bassin méditerranéen, ses chapelets de petites îles, la profusion de ses petits ports rendent nécessaires l’aménagement de structures de collecte. Or il semble qu’aucune aide n’ait été prévue pour leur construction.
Enfin, je fais miennes les interrogations de l’Association des régions de France sur ce sujet : l’augmentation de la production de farines animales résultant de l’objectif « zéro rejet » est-elle vraiment sans risque pour la santé publique ?
Pour ce qui concerne la filière aquacole – le vocable européen regroupe des filières aussi distinctes, tant par leur système de production que par leurs conséquences environnementales, que la conchyliculture et l’aquaculture –, je remarquerai également que le modèle mis en œuvre en Languedoc-Roussillon est bien loin du modèle intensif développé dans les pays nordiques ! Dès lors, aucune réponse concrète ne semble pouvoir être apportée à la filière conchylicole méditerranéenne, pas plus qu’à celle implantée sur le littoral de l’Atlantique et de la Manche.
Avant-hier, j’étais encore au milieu de l’étang de Thau, là où sont produites 6 000 tonnes de nos huîtres…
M. Joël Guerriau, rapporteur. Quelle chance vous avez !
M. Simon Sutour, président de la commission des affaires européennes. Un endroit magnifique !
M. Christian Bourquin. Malgré les quarante degrés à l’ombre en plein midi, là-bas, l’air était respirable !
Cette production connaît d’énormes problèmes, mais l’Europe en rajoute, cher Simon Sutour : sur dix huîtres mises en culture, à peine une pourra être vendue, parce que les neuf autres meurent ! Cette filière est en proie à une situation véritablement dramatique ! Les producteurs ont effectué une reconversion vers la production de moules, parce que l’on ne parvient pas à combattre le virus qui atteint les huîtres, mais l’importation, en pleine période de production, de moules provenant d’autres pays casse complètement le marché ! Il faudra bien trouver une solution et que nous nous fassions respecter, d’abord au sein de l’Union européenne. Pour les fruits et légumes, au moment où la production locale est au plus haut, les produits étrangers n’entrent pas dans le pays : je ne comprends pas que l’on ne puisse pas faire de même pour les moules ! Rien que sur les 220 kilomètres de côtes du Languedoc-Roussillon, cette activité concerne 500 entreprises, et 5 000 emplois sont en jeu !
Enfin, mon propos serait incomplet, Monsieur le ministre, s’il ne soulignait pas le caractère particulièrement inadapté du projet de réforme de la politique commune de la pêche à la réalité des outre-mer. À peine trois lignes évoquant la nécessité d’ouvrir un chapitre dédié aux régions périphériques y sont consacrées ! Pourtant, la pêche revêt une importance cruciale dans ces territoires, comme le prouvent les auditions qu’ont menées nos collègues membres de la délégation à l’outre-mer auprès des professionnels du secteur de la Guadeloupe, de Guyane, de la Martinique et de la Réunion.
Je ne voudrais pas non plus oublier les deux millions de kilomètres carrés de l’espace maritime des îles Kerguelen, chères à mon ami Jacques Mézard, président du groupe RDSE. Avec Saint-Paul, Crozet et Amsterdam, ces îles constituent un formidable réservoir halieutique français, pillé par tous les autres pays ! Personne ne représente directement cette zone dans cette assemblée, puisqu’elle n’est habitée que par des manchots ! Or l’avenir halieutique de la France se joue là-bas – ce constat n’enlève rien aux mérites des autres régions, je ne voudrais pas que mes propos soient mal interprétés ! Quoi qu’il en soit, il faut vraiment que nous consacrions tous nos efforts au règlement de ces questions.
Voilà, monsieur le ministre, quelques-unes des attentes des professionnels du secteur.
Le 13 juin dernier, ces professionnels ont été soulagés d’apprendre, lors de la réunion du conseil des ministres de la pêche de l’Union européenne, que les ambitions de la réforme de la politique commune de la pêche avaient été manifestement revues à la baisse, avec, notamment, le report à 2020 de l’objectif de rendement maximal durable, RMA, pour toutes les espèces et l’introduction progressive de l’interdiction des rejets, véritable pierre d’achoppement de la négociation, et ils ont apprécié, monsieur le ministre délégué, que vous les défendiez. Il vous appartient de poursuivre le combat, même si nous savons que ce n’est pas simple.
En effet, alors même que les négociations portant sur la politique commune de la pêche n’ont pas encore abouti, la question du Fonds européen pour les affaires maritimes et la pêche, outil financier destiné à accompagner sa mise en œuvre, en remplacement de l’actuel Fonds européen pour la pêche, doit être abordée. L’orientation à donner à cet instrument est, en effet, un second sujet prioritaire, qu’il ne faut pas négliger en raison de ses multiples enjeux.
Tout d’abord, les mesures primordiales pour la filière de la pêche française doivent être renforcées ; je pense notamment à celles qui favorisent la gestion de la ressource halieutique, parmi lesquelles figurent l’amélioration des connaissances relatives à l’état des stocks exploitables ainsi que celle des outils techniques de gestion des pêches, et la préservation de la polyvalence des navires de moins de 18 mètres. Je ne dis pas que l’Europe est un problème, mais, vous pouvez le constater, tous les problèmes s’accumulent : la mortalité des poissons, la raréfaction du poisson bleu en Méditerranée, le prix élevé du gasoil, la destruction quelque peu aveugle des bateaux. Que de problèmes !
La protection de l’environnement ne doit pas non plus être mise de côté, tout particulièrement les mesures visant à développer la faune et la flore via la création de récifs artificiels, ainsi que, c’est une évidence, l’aide à l’équipement de navires moins polluants et moins énergivores.
En outre, on doit mettre l’accent sur la valorisation des produits débarqués, en prévoyant leur acheminement grâce à la modernisation des infrastructures portuaires au travers du conseil aux entreprises, de telle sorte qu’elles soient plus compétitives et soient en mesure de mieux promouvoir leurs produits.
Enfin, la question de la création de nouvelles formes de revenus doit être envisagée, et ce sérieusement.
Le Fonds européen pour les affaires maritimes et la pêche doit être conçu comme un instrument d’investissement utile, susceptible d’accompagner les changements structurels nécessaires au développement des secteurs de la pêche plus durables que nous avons évoqués précédemment.
Parallèlement à ces mesures de dynamisation de notre filière de la pêche, le second enjeu tient à la régionalisation du Fonds européen pour les affaires maritimes et la pêche, qui est, à mon sens, la clef du succès d’une politique de la pêche soucieuse de répondre aux besoins prioritaires spécifiques à chaque territoire.
Je vous lance un appel, monsieur le ministre. En tant que président d’une région, je suis prêt à gérer ces fonds à l’échelle régionale. Certes, vous avez effleuré cette question tout à l'heure à la tribune, mais sans aller jusqu’au bout de votre réflexion. Aussi, avant que la question de la régionalisation du fonds ne soit soumise à l’arbitrage du Premier ministre à l’occasion d’un prochain comité interministériel d’aménagement et de développement du territoire, j’aimerais recueillir votre sentiment sur ce point.
À l’instar de l’agriculture, on est prêt à gérer ces fonds européens à l’échelle régionale,…